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dossier mdiamorphoses99
Lintermdialit, un workin progressLa notion dintermdialit semble actuellement tre la
mode dans la communaut des chercheurs en tudes
mdiatiques. Le succs du concept, au cours des deux der-
nires dcennies, est le signe quil correspond des
besoins thoriques et historiques. Toutefois, il convient de
rester prudent et critique. Actuellement la notion dinter-
mdialit ne propose pas encore de systme thorique clos
capable de traiter tous les phnomnes intermdiatiques
ou historiques, ceci malgr les diffrents postulats ou
essais pour construire un tel systme de systmes 2. Il faut
donc continuer rflchir sur ses bases thoriques, ses
interactions avec dautres perspectives des tudes mdia-
tiques, et aussi tenir compte de ses options thoriques en
matire dhistoire des mdias.
Malgr leurs prtentions, les propositions thoriques
actuelles qui nous promettent une approche comprhen-
sive 3 ne rpondent pas aux objectifs formuls. Leurs cat-
gories analytiques ne couvrent quune partie trs restreinte
des processus et phnomnes intermdiatiques. Elles ont
des affinits exagres ou exclusives avec la littrature,
avec les relations (inter-)mdiatiques de celle-ci, avec les
thories littraires ou intertextuelles. Autrement dit, les
mdias audiovisuels et digitaux avec leurs interactions
complexes sont ngligs. Je doute galement quil soit pos-
sible de construire un systme comprhensif pour tous les
processus en question ; je propose, la place dun tel
super- ou mga-systme, un travail historique, descriptif et
inductif qui nous mnera progressivement vers une archo-
logie et une gographie des processus intermdiatiques
incluant les nouveaux mdias 4. Suivant cette approche, la
notion dintermdialit renvoie un processus, un work
in progress. Cependant, il importe de ne pas oublier que la
notion dintermdialit se dveloppe dans des contextes
sociaux et historiques spcifiques. Elle est donc lier non
seulement des pratiques mdiatiques et artistiques et
leurs influences sur les processus de production de sens
dun public historique, mais aussi des pratiques sociales
et institutionnelles. La socialit de lintermdialit serait
donc un des facteurs cruciaux explorer 5.
Le concept et la notion dintermdialit sont situer dans
un contexte historique, la fois acadmique, social et insti-
tutionnel. En consquence, lhistoire de lintermdialit
nous conduit nous interroger, par exemple, sur le dve-
loppement des Geisteswissenschaften, des humanits, des
sciences et des sciences sociales du XVIIIe au XXe sicle, sur
la division entre les diffrentes disciplines acadmiques
(entre les diffrents arts ?), sur les ides du romantisme,
sur les arts modernes 6, ainsi que sur les institutions aca-
dmiques, surtout de lUniversit occidentale.
On pourrait voir dans lavnement du concept dinterm-
dialit, une stratgie institutionnelle et territoriale 7 : linter-
mdialit serait le produit dun rflexe de survie des
institutions universitaires qui ne peuvent plus btir leur lgi-
timit scientifique sur un partage disciplinaire strict du
savoir. Dans ce sens, la notion dintermdialit serait
(comme la notion dekphrasis) la fois un indice du dclin
ou de la fin de linstitution de lUniversit occidentale et un
point de dpart pour le dveloppement de moyens de
recherche qui nous permettraient de nous regarder comme
des chercheurs faisant de la recherche. Faut-il alors considrer
Jrgen E. Mller Vers lintermdialit
Vers lintermdialitHistoires, positions et optionsdun axe de pertinence1
Jrgen E. Mller, universit de Bayreuth (Allemagne)
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Vers lintermdialit Jrgen E. Mller
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Ltymologie de la notion dintermdialit nous renvoie
aux jeux de l tre entre , avec ses dimensions de valeurs
compares, et aux diffrences matrielles ou idelles entre
des personnes ou des objets mis en prsence, cest--dire
la matrialit des mdias 10. La question de laccessibilit
des processus intermdiatiques dans les productions
audiovisuelles ressort du cadre des premires analyses.
Lide que lintermdialit est un phnomne fuyant et
seulement accessible travers les traces quelle a laisses
dans les audiovisions 11 me semble aujourdhui un point de
dpart important par rapport aux perspectives et au sta-
tut de ltude des uvres intermdiatiques. Je partage cet
intrt pour la recherche des traces ; par contre, malgr les
demandes dune thorisation largie de la notion, la plu-
part des modles tentant de rendre opratoire le concept
dintermdialit, quils soient systmatisants, clos ou mta-
disciplinaires 12, ne me semble pas trs convaincant.
cette lumire, les illusions perdues 13 concernant les
options de laxe de pertinence intermdiatique seraient
avant tout le rsultat dattentes exagres comparables
celles que nous avons connues avec la notion dintertex-
tualit ou avec la force systmatisante de la smiotique.
Les apports de notre approche se caractriseraient donc
plutt par ses capacits repenser les histoires des mdias
et non fournir une thorie des thories des mdias ide
un peu nave qui ne tient pas compte de la complexit des
phnomnes qui sexprime par exemple dans le nombre
exorbitant dinteractions intermdiatiques possibles. Com-
ment construire un systme pour tous ces types dinterac-
tions possibles ou ralises ? Il est prfrable de concevoir
lintermdialit comme un axe de pertinence historique
plutt que thorique.
Les discussions de la notion dintermdialit ont aussi mis
au jour la ncessit de dlimiter ses contours par rapport
la notion dinterartialit 14. Les points communs indnia-
bles des deux notions, par exemple les processus de trans-
formation de certaines productions esthtiques, ne
devraient pas masquer le fait que ces termes nous enga-
gent sur des terrains de recherche diffrents. Lintermdia-
lit opre dans un domaine qui inclut les facteurs sociaux,
technologiques et mdiatiques, alors que linterartialit se
limite la reconstruction des interactions entre les arts et
lhistoire du concept dintermdialit comme un symptme
de la fin de lUniversit ? Cette question provocatrice, pose
par James Cisneros 8, va nous amener esquisser une petite
histoire ou archologie de lintermdialit.
Lintermdialitcomme nouvelle approche ?Pour moi et plusieurs collgues, le point de dpart de cette
nouvelle approche fut la ncessit de tenir compte du fait
que concevoir les mdias comme des monades isoles
tait devenu irrecevable. Les thories et les histoires des
mdias ne correspondaient plus aux besoins de la recher-
che qui commenait se consacrer aux phnomnes
audiovisuels et littraires actuels ou historiques et leurs
interactions complexes. cette poque, la notion dinter-
mdialit se fondait sur le fait quun mdia recle en soi
des structures et des possibilits dun ou de plusieurs autres
mdias et quil intgre son propre contexte des questions,
des concepts et des principes qui se sont dvelopps au
cours de lhistoire sociale et technologique des mdias et de
lart figuratif occidental 9 . La recherche en intermdialit
devait donc tenir compte des relations mdiatiques varia-
bles et des fonctions (historiques) de ces relations . Les
principaux domaines envisags taient :
a) les processus intermdiatiques dans certaines produc-
tions mdiatiques ;
b) les interactions entre diffrents dispositifs ;
c) une rcriture intermdiatique des histoires des mdias.
Mme si les contours et la porte de la notion dinterm-
dialit restaient prciser, il tait vident ds le dbut que
les mdias devaient tre considrs comme des processus
o il y a des interactions permanentes entre des concepts
mdiatiques qui ne peuvent tre confondus avec une sim-
ple addition ou juxtaposition. Il allait aussi de soi que
cette approche se basait non seulement sur lanalyse syn-
chronique des mdias, mais aussi, ou dabord, sur les dve-
loppements historiques des mdias, frayant ainsi le
chemin de nouvelles histoires. Les effets socio-historiques
de ces phnomnes se trouvaient au centre de la recher-
che. Ces ides fondamentales me paraissent toujours vala-
bles, mais il est utile de tenir compte des ractions
suscites par cette position.
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les procds artistiques, et sinscrit plutt dans une tradi-
tion potologique . Il nous faudrait donc focaliser notre
attention sur le statut que nous donnons aux objets de
recherche et aux consquences qui en rsultent.
Bien entendu, lavnement dun axe de pertinence inter-
mdiatique est non seulement la consquence des nou-
velles interactions post-modernes entre les mdias et les
productions mdiatiques, mais aussi dun nouveau para-
digme en sciences humaines (en Geisteswissenschaf-
ten ), allant de la textualit la matrialit 15. cet gard
nous pouvons en effet constater un changement dans
lorientation globale des sciences humaines. Le partage
entre les diffrentes disciplines des humanits (et des
sciences) vers la fin du XIXe sicle, lorientation vers le
texte et la lisibilit hermneutique de diffrents textes
ont fourni la base principale (et invitable) au dsir de
runification des disciplines spares, dabord par des
lectures textuelles du monde, ensuite par la reconnais-
sance des phnomnes intertextuels et le dveloppement
de diffrentes intertextualits dans les annes soixante
et soixante-dix. Il va de soi que les capacits explicatives
dun tel univers textuel devaient aboutir une impasse
qui ne pouvait tre contourne quen sengageant sur le
chemin de la matrialit 16 de la communication.
La question de la matrialit constitue de manire expli-
cite ou implicite un prsuppos de toutes les approches
intermdiatiques se basant sur les interactions entre diff-
rentes matrialits mdiatiques. Cest seulement tra-
vers cette interaction entre composants htrognes que
nous pouvons considrer les processus intermdiatiques
comme ayant lieu ENTRE les matriaux (ils sont des/en
inter-matrialits) et ne laissant de traces que dans ces
matriaux. La notion dintermdialit nous renvoie donc
aussi la matrialit des mdias et, en mme temps, aux
interactions entre ces matrialits ; mais ceci ne devrait pas
empcher dy inclure les questions de la signification et de
la fonction sociale et historique de ces processus. Lappro-
che intermdiatique nous permettrait ainsi de reconstruire
historiquement ces processus complexes oscillant entre
interactions mdiatiques et significations 17. Ceci me parat
tre une perspective prometteuse que jillustrerai, la fin de
cet article, par lexemple de la tlvision.
Mais avant de dvelopper quelques-unes des options princi-
pales de lapproche intermdiatique, faisons un bref dtour
par lhistoire ou la prhistoire de ce concept dans le cadre
des esthtiques, des potiques et des thories des mdias 18.
Les textes cits nous serviront de base pour constituer une
archologie des rflexions et des traces intermdiatiques.
Vers une archologiede lintermdialitLimitons-nous une revue gnrale, ce qui nous permettra
ensuite dlaborer notre axe de pertinence.
La notion dintermedium apparat ds le Quattrocento ita-
lien o lintermedio tait un interlude thtral ou musical.
la Renaissance, il devient un genre scnique indpen-
dant de la pice principale.
Coleridge cra le terme intermedium en 1812. Pour lui,
intermedium dsigne un phnomne narratologique bas
sur les fonctions narratives de lallgorie en tant quinter-
medium entre personne et personnification, entre le gn-
ral et le spcifique.
Clver souligne dans son livre Interart Studies : An Intro-
duction que les classifications esthtiques et scientifiques
ont longtemps voil laspect intermdiatique des po-
tiques classiques 19. En Occident, on analyse les mdias
sparment, alors quil semblerait que Aristote voyait la
posie et la musique comme une unit intermdiatique. La
critique exprime par le poticiens du XIXe et XXe sicles
son encontre, selon laquelle il aurait nglig dtablir une
taxinomie des diffrents arts et genres, semble reflter une
Geisteswissenschaft obsde par la classification et lint-
gration des mdias dans une taxinomie, approche ngli-
geant la ralit intermdiatique en la mettant au service
de thories juxta-mdiatiques.
Le mot de Simonides de Kos, la peinture comme une
posie muette , dans les Moralia de Plutarque 20, est une
des premires rflexions sur linteraction entre les mdias.
Cette perspective est reprise pendant la Renaissance ita-
lienne : selon Giordano Bruno 21, il y a des liens inspara-
bles entre musique, posie, peinture et philosophie. Un
pote produit des images partir de visions et de sons.
Cette ide semble trs moderne et pourrait renvoyer, par
exemple, lart vido.
Jrgen E. Mller Vers lintermdialit
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Vers lintermdialit Jrgen E. Mller
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leurs premiers contours. Pendant les annes soixante-dix,
lintertextualit a subsum plusieurs processus dornavant
nomms intermdiatiques, et aujourdhui le sous-ensemble
de lintramdialit 28 renvoie des phnomnes intertex-
tuels. voquons quelques points de contact dans lhistoire
des deux notions.
En laborant le principe dialogique de Bakhtine, Julia Kris-
teva a li le concept du formalisme russe la tradition de
la smiotique franaise et au postmodernisme du groupe
Tel Quel. Lintertexte acquiert la qualit dune formation
culturelle qui se trouve dans des interactions complexes
avec dautres formations. Le fondement thorique de
lanalyse des dynamismes entre les textes (culturels) et leurs
locuteurs rside dans ces deux propositions de Kristeva :
Nous appellerons intertextualit cette interaction textuelle
qui se produit lintrieur dun seul texte ; pour le sujet
connaissant, lintertextualit est une notion qui sera lindice
de la faon dont un texte lit lhistoire et sinsre en elle 29.
Pour Kristeva, les intertextes (culturels) se caractrisent par
une rorganisation et une redistribution permanentes
entre diffrents systmes de signes ; ce qui signifie que ces
textes impliquent aussi des passage[s] dun systme de
signes un autre 30 . La production de sens peut, par
exemple, seffectuer sous la forme du passage dune nar-
ration orale un texte crit, mais aussi sous la forme dune
redistribution de plusieurs systmes de signes diffrents,
comme le carnaval, la posie, etc. Toute pratique signi-
fiante serait ainsi un champ de transposition de divers sys-
tmes signifiants qui nous mnerait vers des lieux
dnonciation et des objets dnots toujours pluriels,
clats , ou vers la polysmie 31.
La fameuse affirmation de Roland Barthes selon laquelle
nous ne nageons que dans des inter-textes nous ache-
mine vers le dynamisme dun univers textuel o la fonction
des intertextes peut tre conue comme une sorte de mta-
structure de la production et de la rception littraire 32.
partir de cette mta-structure, Genette a propos la notion
de transtextualit quil diffrencie en cinq sous-catgories :
intertextualit, paratextualit, mtatextualit, hypertextua-
lit et architextualit 33. Sa proposition sest rvle tout
fait valable dans le cadre de la thorie et de lanalyse nar-
ratologiques, y compris du film et des mdias audiovisuels.
Chez Lessing, les effets des uvres dart sont lis aux struc-
tures spcifiques des mdias 22. Cette nouvelle manire
denvisager le lieu et la fonction de diffrents mdias 23 est
une des bases de lart moderne et de lesthtique du
romantisme au XIXe sicle. Se situant entre les mdias, les
uvres dart romantiques ouvrent de nouvelles dimen-
sions de lexprience spectatorielle. La posie ne se borne
pas au mot parl ou crit, mais se ralise dans la musique
ou les arts plastiques et plus tard dans le cinma voir par
exemple Cocteau.
Lintermdialit du romantisme implique non seulement
une interaction entre les arts traditionnels, mais les
mdias et les dispositifs servent aussi de modles concep-
tuels et de mtaphores des processus littraires, histo-
riques et mythiques 24. Dans le Poetic Drama, les structures
de la thtralit pntrent la posie et vice versa ; elles
conduisent de nouvelles dimensions spectatorielles/lec-
torielles 25. Leffet wagnrien du Gesamtkunstwerk 26 sob-
tient par la transgression de frontires mdiatiques ainsi
que par la constitution de nouvelles formes mdiatiques et
donc spectatorielles.
Au dbut du XXe sicle, Mnsterberg, Balazs, Eisenstein,
Bazin (avec sa notion de cinma impur) tentrent de lier
recherche thorique et pratique esthtique ; ce fut un tour-
nant important au vu des tendances ultra-classificatrices
ou taxinomistes du sicle prcdent.
Dans son dernier livre sur lnonciation filmique, Christian
Metz propose dix ou onze figures nonciatives 27. Il ne parle
pas explicitement dintermdialit, mais il fait cependant
des rflexions subtiles sur des phnomnes intermdia-
tiques (autorflexivit du film, interactions entre image,
son et musique, etc.). Il serait donc productif de relire Metz
et dautres thoriciens des mdias sous laxe de pertinence
de lintermdialit.
Intermdialit et intertextualitIl me semble que lmergence de la notion dintermdia-
lit peut tre rapproche de celle de la notion dintertex-
tualit. Les deux notions ont dabord t accueillies avec
scepticisme par la communaut des chercheurs ; puis elles
se sont fray un chemin et, mesure de leur acceptation
grandissante, se sont enrichies, tandis que seffaaient
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Dune certaine manire, la mise en application genet-
tienne de laxe de pertinence intertextuel qui chez Kris-
teva restait ouvert des processus intermdiatiques est
symptomatique du dveloppement du concept. Lintertex-
tualit sest rvle une notion trs confortable pour les
chercheurs en littrature, leur permettant daborder les
interactions et les liens entre les textes (plus ou moins lit-
traires). Mais cette orientation a aussi conduit trs vite
une limitation de la recherche la littrature et aux textes
crits et, par consquent, une omission des aspects sp-
cifiques des mdias et de leurs matrialits, y compris du
rle de la rception. Les processus inter-mdiatiques
ntaient plus suffisamment reconnus ou, sils ltaient, ils
taient conus comme une sous-catgorie marginale dun
systme taxinomique de lintertextualit. Plett, par exem-
ple, parle dun transfert de signes dans le cadre de media
substitutions 34 , mais pour lui la catgorie de linterm-
dialit est subordonne des formes de transformations
intertextuelles orientes vers la substitution mdiatique 35
et ngligeant tous les aspects dynamiques et interactifs de
cette notion.
Pourtant, lintertextualit se prsente aujourdhui comme
un concept-clef des tudes culturelles et littraires ; et un
concept qui, aprs son succs des annes quatre-vingt,
savre toujours utile pour toutes sortes danalyses. Cest
pourquoi nous pouvons nous demander quel serait, par rap-
port la catgorie de lintertextualit, le bnfice spci-
fique de celle dintermdialit. Le potentiel de la notion
dintermdialit me parat rsider dans le fait quelle trans-
gresse les restrictions de la recherche sur le mdia littra-
ture , quelle opre une diffrenciation des interactions et
des interfrences ENTRE plusieurs mdias, et quelle oriente
la recherche vers les matrialits et les fonctions sociales de
ces processus. Dans un souci de clarification, il semble utile
de distinguer galement cette notion dun autre terme la
mode, celui d hybride ou d hybridation .
Intermdialit et hybriditCes termes sont trs couramment utiliss non seulement
dans le champ des humanits, mais aussi dans les scien-
ces ; nous sommes confronts une sorte dinflation de
ces notions dans beaucoup de disciplines. Une des raisons
possibles de la fortune actuelle du terme hybridit
semble rsider dans son utilit pour lanalyse et la des-
cription dune grande quantit de processus disparates qui
stendent de la biologie jusquaux tudes des mdias ; en
outre, on ne peut nier les liens troits entre cette notion et
les dveloppements (post-)modernes de la deuxime moi-
ti du XXe sicle dans les socits de lOuest et dans leurs
paysages mdiatiques. Les htrognits, les clectismes,
les collages, les fusions seraient des phnomnes typiques
de cette priode (mais pas aussi nouveaux quon le dit sou-
vent), dont les thories concernant les socits et les
mdias essayeraient ainsi de tenir compte.
De ce point de vue, il y a, bien sr, des parallles tablir
avec lhistoire et lutilisation de la notion dintermdialit
au XXe sicle, puisque celle-ci vise aussi ces phnomnes
de fusion de mdias ; et dans beaucoup de prises de posi-
tions thoriques, les termes hybride ou hybridit
sont utiliss dune manire non rflchie pour dsigner des
processus intermdiatiques 36. Dans certaines propositions
rcentes, les mdias hybrides sont subsums sous le
terme de mdias plurimdiatiques 37 , mais on ny trouve
aucune diffrenciation ou confrontation des notions
dintermdialit et dhybridit.
La notion dhybride dsigne non seulement la fusion de
deux concepts diffrents dune mme langue (comme
l tre entre et la matrialit de linter-mdialit qui
relvent dun mme systme linguistique), mais aussi la
fusion de deux termes de deux langues diffrentes : le
terme latin ibrida (btard, mtis) et le terme grec
hubris (excs) 38. Le terme hybride est donc fond sur
le processus mme quil signifie.
Dans les discours franais du XVIIe et XVIIIe sicles,
l hybride et l hybridit deviennent des catgories
importantes pour la description de nouvelles fonctions
esthtiques qui sopposent la strilit des uvres
traditionnelles. Mais ces termes commencent vite
jouer aussi un rle dans les sciences du XIXe et du
XXe sicles, o ils dsignent une combinaison de quali-
ts et de caractristiques qui, pourtant, doivent tre
distingues 39.
Les usages de ces termes dans les thories de la culture et
des mdias offrent une grande varit. Lhybride intervient
Jrgen E. Mller Vers lintermdialit
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Vers lintermdialit Jrgen E. Mller
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laxe de pertinence intermdiatique semble offrir des avan-
tages que je dcrirais de la manire suivante :
Le niveau de dveloppement de lapproche intermdiatique
permet des recherches synchroniques et diachroniques din-
teractions mdiatiques qui se distinguent par des catgo-
ries et des rsultats trs diffrencis ceci par comparaison
avec les procdures et les rsultats souvent trs gnraux
du concept dhybridit.
tant donn que la catgorie de lhybride est explicite-
ment utilise pour la description de presque tous les ph-
nomnes de nos socits (post-)modernes, elle court un
trs grand risque de dilution dans des gnralits socio-
mdiatiques. Lintermdialit, comme je la conois,
nexclut pas la dimension sociale et les fonctions sociales
de ces processus, mais les traite en relation avec les pro-
cessus intermdiatiques. Laxe de pertinence intermdia-
tique devrait nous prvenir contre une intermdialisation
gnrale des phnomnes sociaux. Ce qui ne veut pas dire
que notre axe de pertinence ne serait pas capable de
stimuler la recherche dans le domaine social, mais il y a
dautres concepts et disciplines sans doute plus utiles pour
cette sorte de recherche.
Lhistoire des mdiascomme archologieintermdiatiqueAujourdhui, la conception linaire de lhistoire des
mdias (audiovisuels) est obsolte. Il est gnralement
accept quil ny a pas une Histoire des mdias, mais des
histoires et que, par consquent, des concepts soi-disant
tablis comme la notion de cinma des premiers
temps ne sont que des bquilles fragiles et problma-
tiques dont les prsupposs institutionnels et culturels
sont remettre en question. Ceci implique que toute
recherche concernant larchologie 44 de lhistoire de
laudiovisuel et des mdias audiovisuels articule claire-
ment son approche ou son axe de pertinence par rap-
port aux phnomnes mdiatiques faisant lobjet de son
analyse. Dans le cadre dune tude historique et inter-
mdiatique des sries audiovisuelles et culturelles, il est
tout dabord ncessaire de dfinir cette approche ainsi
que son potentiel.
dans la description dinteractions multimdiatiques qui
mnent au dveloppement de sous-systmes de commu-
nication (par exemple newsgroups ou chatrooms 40) par
lrosion de gender roles et jusquaux dissolutions post-
modernes de lidentit du sujet 41. Lhybridit renvoie
donc aussi la crise, lincohrence et la multiplicit
du sujet qui se rend compte de sa ngation ou de sa
nantisation.
Bakhtine que nous avons dj mentionn propos de
lintertextualit nest pas le seul dvelopper la notion
dhybridation ( propos dune nonciation mlangeant
deux langues sociales) : pour Marshall McLuhan, lhybride
et le btard constituent des catgories centrales pour la-
nalyse des fonctions des mdias. Des hybrides mdia-
tiques nous confrontent avec des nergies qui librent
notre perception de ses schmas habituels 42. McLuhan
conoit lhybridation comme une catgorie historique qui
se manifeste dans un grand nombre de fusions ou de
mlanges mdiatiques.
Aujourdhui, dans les discours sur les mdias, ce terme
renvoie plutt des aspects thoriques et synchroniques.
Il vise les relations homme-machine , les interactions
entre le biologique et le mcanique , les corporali-
ts , les technologies et les socits , les relations
entre musique et images dans les clip-vidos, les cons-
tructions de nouvelles temporalits a-chronologiques et
de nouveaux enchanements , les interactions entre le
rel et le virtuel , le croisement des codes , la disso-
lution de lopposition binaire de gender roles et le rem-
placement de catgories dichotomiques par des
rhizomes 43 . Lhybride risque de devenir un terme attrape-
tout.
Bien quil mette laccent sur les fusions ou les mlanges
mdiatiques, ce qui rvle certainement une proximit et
une complmentarit avec lintermdialit, le concept
dhybridit a longtemps paru considrablement plus sta-
tique. Lide dune combinaison dentits ou de mat-
riaux mdiatiques isols , exprime dans plusieurs
approches, entrane lhybridit vers la catgorie de la
multi- et non pas de linter-mdialit. Bien sr, au cours des
annes passes, nous avons pu constater une dynamisa-
tion du concept dhybridit. Pourtant, encore aujourdhui,
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Dans lesprit dune telle histoire/archologie, lavne-
ment des diffrents mdias serait conu comme un pro-
cessus de ruptures, de transitions, dinnovations, de
rencontres de sries culturelles 45 ces dernires inscri-
tes dans diffrentes temporalits, et tenant compte par
exemple de la non-contemporanit de sries et mdias
simultans. Notre axe de pertinence mne donc une his-
toire rhizomatique liant les ples de la technologie, des
sries culturelles, des mentalits historiques et des pra-
tiques sociales qui se situe dans un domaine autrefois
considr comme la chasse garde de lhistoire gnrale
ou contemporaine. Pourtant, cette histoire ne peut se
limiter aux mdias dits traditionnels, institutionnaliss et
tablis au cours des sicles passs, mais doit galement
inclure limagination, les utopies et les pratiques mdia-
tiques oublies, ainsi que les reprsentations textuelles,
picturales et pragmatiques des mdias anciens, virtuels et
nouveaux. Les histoires existantes des mdias sont en
effet entoures dun ensemble dhistoires non-crites des
visions historiques de ces mdias ainsi que des mdias
oublis.
Il nest pas non plus vident dcrire lhistoire dun mdia
(encore moins celle dun mdia naissant), car il nest pas
sr quon puisse parler de mdias distincts. Tout mdia fait
invitablement partie de rseaux complexes. Lorsque lon
parle de la tlvision, ce dont on traite est la tlvision
en tant que rseau mdiatique . Par consquent, la ques-
tion se pose de savoir sil ne faudrait pas chercher crire
lhistoire des rseaux mdiatiques plutt que les histoires
de mdias soi-disant distincts. Les rseaux existent sous
forme denchevtrements de sries culturelles qui inter-
agissent, ce qui conduit la notion de mdias distincts
(qui nexistent pas proprement parler, dautant plus que
les mdias sont toujours inscrits dans une chronologie
transformatrice), clairement dfinis et dots dune spci-
ficit propre 46.
Cela implique que les histoires de dispositifs tels que la
tlvision ne peuvent se contenter de commencer au
moment de leur apparition, de leur naissance mat-
rielle (quelle quen soit la forme), mais doivent prendre
en compte les premires esquisses utopiques ou technolo-
giques. Les visions et utopies des diffrents mdias audio-
visuels et de leurs fonctions sociales savrent alors tre
des amalgames de connaissances et didologies histo-
riques et technologiques se mlant aux dsirs, aux besoins
et aux utopies sociales.
Dans les crits concernant la thorie et lhistoire des
mdias, la notion de fonction sociale et historique des
mdias nest gure labore. Cest peut-tre une cons-
quence de lorientation structuraliste et post-structura-
liste de ces thories, ainsi que des tendances
isolationnistes des histoires dites traditionnelles des
mdias, qui se prsentent souvent sous forme dhistoire
nationale, conomique ou de la rception, pour ne pren-
dre que quelques exemples. Mme dans les rcentes his-
toires/archologies novatrices, la question des fonctions
sociales des processus intermdiatiques nest pas explo-
re. Il sagit donc dorienter notre axe de pertinence non
seulement vers les aspects mdiatiques, technologiques
et gnriques des rencontres des mdias, mais aussi et
surtout vers les fonctions de ces processus en tant quils
agissent dans des rseaux de sries culturelles. Selon
nous, la fonction de ces processus est comprendre
comme un ventail deffets ralisables par les produc-
teurs et, surtout, par les consommateurs des productions
mdiatiques ; ceci vaut autant pour lindividu que pour
un groupe social spcifique. Ces effets peuvent avoir un
impact tant au niveau de certaines ractions/activits
cognitives, motionnelles ou esthtiques, qu celui des
valeurs ou du comportement social. Autrement dit,
quand on parle de la fonction des processus intermdia-
tiques inscrits dans des rseaux de sries culturelles, il est
important de bien dfinir le mode ainsi que le niveau
fonctionnel dont on traite.
Le cas paradigmatiquede la tlvisionNos premiers pas vers ltablissement dune archologie
intermdiatique de lide de tlvision nous ont permis
de dcouvrir les romans de Tiphaigne de la Roche, Giphan-
tie (1760), et celui dAlbert Robida, Le Vingtime sicle
(1883). Ces auteurs conoivent la tlvision (le tl-
phonographe , le miroir magique , comme ils lappel-
lent) comme un amalgame de sries technologiques
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intermdiatique de mdias prexistants et de genres tra-
ditionnels, ceci lintrieur dun rseau de sries culturel-
les et technologiques qui devait mener la constitution et
linstitutionnalisation du nouveau mdia. Dans cette pre-
mire phase, la varit terminologique correspond une
certaine forme dinscurit du spectateur par rapport
la Gestalt de la tlvision et ses fonctions possibles.
Au-del de lhistoire de la seule notion de tl-vision (et
de ses variantes), on constate de nombreux processus
intermdiatiques concernant les interactions entre le
dispositif tlvisuel mme et les autres dispositifs et gen-
res traditionnels. Il nous est bien videmment impossible,
dans le cadre restreint de cette illustration paradigma-
tique, de prsenter le dtail des processus intermdia-
tiques oprant dans les rseaux de sries culturelles et
technologiques inscrivant la tlvision, par exemple, entre
la radio, le cinma, le thtre, etc. 51 Nous nous contente-
rons dindiquer la prsence dun processus intermdiatique
presque oubli et dnumrer quelques genres intrins-
quement intermdiatiques.
La tlvision et l intermedia film
Avant lutilisation de camras lctroniques, la transmis-
sion live de certains vnements (souvent des vnements
sportifs) ntait possible que par linterposition dune pro-
cdure cinmatographique dans la production/reproduc-
tion de ce quon voulait donner voir. Sans
l intermedia-film (vritable nom anglais dun lment
du dispositif, que les Allemands dsignaient en utilisant le
vocable de Zwischenfilmverfahren), sans lutilisation des
possibilits techniques du dispositif cinmatographique, il
aurait t impossible de procder la diffusion dun pro-
gramme live (ou, plutt, dit tel, puisque la retransmission
se faisait avec un dcalage de quelques minutes) 52.
La tlvision et les mdias audiovisuels de la premire partie
du XXe sicle
La tlvision de la fin des annes trente croise, par exem-
ple, le cinma parlant, dont le dveloppement se confirme
dans les pays les plus avancs . Elle croise aussi, la
mme poque, la radio, un mdia fort rpandu dans les
socits occidentales et qui est alors en train de devenir le
et culturelles impliquant un ventail dinteractions inter-
mdiatiques 47.
On dtecte des symptmes semblables dimbrication inter-
mdiatique dans la remarquable inventivit terminolo-
gique de la priode dmergence du dispositif. Ces
phnomnes sont hautement visibles dans la phase
initiale dinstabilit 48, notamment dans la qute capri-
cieuse de la notion adquate du dispositif. Dans le
contexte linguistique allemand, on parle cette poque-l
de (drahtloses) Heimkino [dun cinma domicile (sans
cble)], (drahtloses) Fernkino [dun cinma distance
(sans cble)], Fernseh-Rundfunk [dune tlvision-radio],
Ton-Bild-Empfnger [dun rcepteur de sons et images],
Fern-Seh-Sprecher [dun (haut) parleur tl-vision], Fernseh-
Wochenschau [des actualits tl-visuelles], ou bien Fern-
sehfilm-Theater [du thtre tl-filmique] 49. En anglais, il y
a les termes de bairdvision (daprs Baird, un des inven-
teurs de limage mcanique de la tlvision), bairder, end-
view, farsight, ingazer, optiphone, radiovista, telescriber,
the apparatus, the looker, etc. 50
Toutes ces notions indiquent les origines intermdiatiques
dun processus, o le mdia tlvision a d trouver sa
place et imposer ses structures mdiatiques entre les
mdias tablis. Aujourdhui, un dveloppement compara-
ble a lieu dans les nouveaux domaines de lInternet et de
la tlvision interactive.
Ces notions confortent la thse que les caractristiques et
possibilits de tout nouveau mdia ne peuvent tre
conues et inscrites au cours de leur premire phase qu
partir des catgories de sries culturelles prexistantes et
des mdias prexistants. Elles confirment la fameuse thse
de McLuhan selon laquelle le contenu dun nouveau
mdia est constitu des anciens mdias. Ces termes souli-
gnent aussi les difficults inhrentes la dfinition des
activits et des nouveaux rles des utilisateurs du rseau
intermdiatique tlvision pendant les annes vingt et
trente. (La dsignation des utilisateurs a galement suscit
un grand nombre de nologismes fonds sur des notions
combines.)
Retenons que pour les premiers visionnaires, lintrt sp-
cifique du nouveau mdia tlvision rsidait dans ses
diverses possibilits de combinaison dynamique et
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Leitmedium de lpoque. Nous savons aussi que les pre-
miers genres et les genres actuels de la tlvision se trou-
vent dans des interactions multiples avec des genres
tablis de la radio, de la pice radiophonique, du cabaret,
du thtre populaire ou du vaudeville. Ainsi, par exemple,
les retransmissions des vnements sportifs la tlvision
sinscrivent dans la continuit des transmissions radiopho-
niques du mme type dvnement. Une histoire interm-
diatique des genres de la tlvision reste crire.
La tlvision dans les encyclopdies
Les encyclopdies et les dictionnaires permettent de cerner
une grande partie des premires conceptions crites de
diffrents mdias. Ces ouvrages, qui permettent aussi de
retracer la vision que lon avait des dfinitions technolo-
giques et des fonctions des nouveaux mdias, ambition-
nent de prsenter un rsum de lensemble du savoir
historique et social dune socit, dans tous les domaines
possibles. La documentation accumule au cours de notre
tude des volumes historiques des principales encyclop-
dies franaises, anglaises, allemandes et nerlandaises
nous permet de reconstruire le dveloppement historique
des concepts des mdias cinma et tlvision en tenant
compte de leurs inscriptions dans des sries culturelles, de
leurs ruptures par rapport ces sries, ainsi que de leurs
r-accentuations sous des conditions socio-historiques et
technologiques changeantes.
La fonctionnalit du nouveau mdia tlvision
Comme nous lavons dj mentionn, un des plus grands
obstacles qui se prsente au moment de lintroduction
dun nouveau mdia dans la vie sociale vient du fait que
les contours de ce mdia sont encore flous et que per-
sonne ne sait encore quoi faire du dispositif en question,
voire de ses productions. Ainsi, par exemple, un film publi-
citaire du ministre des Postes allemandes a propos en
1939 une sorte de mode demploi de la tlvision lin-
tention des futurs utilisateurs 53.
On trouve le mme phnomne dans le tout premier
volume de la revue anglaise Television, qui avait prcis-
ment pour objectif de propager ce nouveau mdia en
Angleterre, et dans lequel un avocat de la merveilleuse
tlvision explique lpouse dun paysan les avantages
du mdia en train de natre :
Yer intelligence , says I, keeping polite wi difficulty,
would upset the digestion o a scheep. However, Ill put it
simpler. Its a bittie like wireless. At one end yeve got a sort
o camera affair which takes pictures and at the ither end
yeve got a receiving set wia bit screen where ye can see the
pictures jist as if ye were sitting aside o the camera. Only
there no exackly the ends o anything for thers naething
atween them but only the etherial ether. And its all been
invented by a braw Scots laddie. Is that no wonderful ?
Ay says Jeanie, it sounds no bad 54.
On voit bien que la valeur spcifique du mdia venir se
rapporte aux caractristiques et aux fonctions dautres
sries culturelles et technologiques, soit la radio et la
camra (photo ou cinma).
La description des composants de la tlvision, quon
trouve dans ce journal, donne une excellente ide de lin-
sertion intermdiatique et historique du nouveau mdia
dans un rseau prexistant de sries culturelles. Les sries
principales sont : la radio, llectricit, la chimie, la mca-
nique, loptique et la cinmatographie qui sont numres
sur la couverture de la revue.
Notre reconstruction du concept de tlvision et des pro-
cessus intermdiatiques entre sries culturelles et tradi-
tions gnriques dmontre que, dans la phase de
lavnement de ce mdia et de sa premire utilisation, il y
a une grande incertitude quant lavenir de ses usages.
a tlvision doit trouver une place elle doit trouver sa
place dans le rseau des mdias et des sries culturelles
prexistantes ; et elle doit aussi dvelopper des fonctions
sociales qui la distingueront des autres mdias.
En guise de conclusionSi nous repensons notre introduction une archologie
de la tlvision, nous pouvons constater aujourdhui des
phnomnes comparables dans les sries culturelles et
technologiques des mdias digitaux. Par exemple, dans le
cas des mdias soi-disant interactifs, les procdures et
options de lInternet transforment le spectateur (le on-
looker ) des annes trente en user ou surfer , amen
tablir ses propres programmes et ses propres
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Notes
1 Je tiens remercier vivement Olivier Nilsson-Julien (Londres) et AnnaWiehl (Bayreuth) pour leur soutien dans la rdaction de cet article,ainsi que Gilles Delavaud et Thierry Lancien pour leur relecture atten-tive.
2 Voir Mathias Mertens qui nous donne une sorte de tour dhorizondans son livre Forschungsberblick Intermedialitt . Kommentierun-gen und Bibliographie, Hannover, Revonnah, 2000.
3 Cf. Werner Wolf, Intermedialitt ein weites Feld und eine Heraus-forderung fr die Literaturwissenschaft , in Herbert Foltinek et Chris-toph Leitgeb (d.), Literaturwissenschaft intermedial, interdisziplinr,Wien, Verlag der sterreichischen Akademie der Wissenschaften, 2002,p. 163-192 ; Irina Rajewski, Intermedialitt, Tbingen/Basel, A. FranckeVerlag, 2002 ; Yvonne Spielmann, Intermedialitt. Das System PeterGreenaway, Mnchen, Wilhelm Fink Verlag, 1998 ; Peter V. Zima (d.),Literatur intermedial. Musik, Malerei, Photographie, Film, Darmstadt,Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1998.
4 Sur la recherche intermdiatique concernant les nouveaux mdias, jerenvoie au concept de remediation labor par Jay David Bolter etRichard Grusin dans leur livre Remediation. Understanding New Media,Cambridge, Massachusetts/London, MIT Press, 2000.
5 Cf. Marion Froger, Jrgen E. Mller (ds.), Intermdialit et Socialit,Mnster, Nodus, 2006.
6 Cf. Peter von Zima, sthetik, Wissenschaft und wechselseitige Erhel-lung der Knste. Einleitung , in P. V. Zima (ed.), op. cit., p. 1-28.
7 Ici je suis James Cisneros, The Remains to Be Seen. Intermedialityand Institution , in Marion Froger, Jrgen E. Mller, ibid.
8 Dans son article The Remains to Be Seen , ibid.
9 Jrgen E. Mller, Intermedialitt. Formen moderner kultureller Kom-munikation, Mnster, Nodus, 1996 ; et Jrgen E. Mller, Lintermdia-lit, une nouvelle approche interdisciplinaire : perspectives thoriques etpratiques lexemple de la vision de la tlvision , in Cinmas 10, n 2-3, printemps 2000, p. 105-134.
10 ric Mchoulan, Intermdialits : Le temps des illusions perdues ,in Intermdialits, n 1, printemps 2003, p. 9-27 ; ici p. 11 et 15.
11 Cf. Joachim Paech (d.), Film, Fernsehen, Video und die Knste. Stra-tegien der Intermedialitt, Stuttgart, Metzler, 1994.
12 Cf. Spielmann, ibid. ; cf. Zima, ibid.
13 ric Mchoulan, ibid.
14 Cf. Joachim Paech, Intermedialitt. Mediales Differenzial und trans-formative Figurationen , in Jrg Helbig (d.), Intermedialitt. Theorieund Praxis eines interdisziplinren Forschungsgebiets, Berlin, ErichSchmid Verlag, 1998, p. 14-30 ; ici p. 17 ; Claus Clver, Interart Studies :An Introduction, Bloomington, University of Bloomington Press, 1996 ;Walter Moser, Linterartialit : pour une archologie de lintermdia-lit , in Marion Froger, Jrgen E. Mller (d.), ibid.
15 Je partage le point de vue que Hans Ulrich Gumbrecht a dveloppdans son article Why Intermediality, if at all ? , in Intermdialits,n 2, Raconter , automne 2003, p. 173-178.
16 Cf. Hans Ullrich Gumbrecht et K. Ludwig Pfeiffer (ds.), Materialittder Kommunikation, Frankfurt a.M., Suhrkamp, 1988.
17 Ici je suis Hans Ulrich Gumbrecht, op. cit., p. 176.
18 Une archologie de ce concept devrait/pourrait, bien sr, inclureaussi des documents et des textes des alchimistes, des encyclopdis-tes, etc., je suis en train dtudier ces sources et jespre pouvoir pr-senter quelques premiers rsultats en 2006. Sur les origines du conceptdintermdialit, voir aussi mon article Intermedialitt als poetologis-
narrations . Les fonctions sociales de la tlvision en
interaction avec les mdias digitaux sont (toujours) floues
et la question qui simpose nouveau question dj
pose par William Uricchio et dautres est la suivante :
Cest quoi, la tlvision ? 55 Je ne puis mempcher dy
ajouter : La tlvision, avec ses jeux intermdiatiques,
quest-ce que cela nous fait ? Une archologie interm-
diatique de la tlvision nous aidera mieux comprendre
les processus interactifs complexes de ce mdia avec dau-
tres mdias dans son pass, son prsent et son futur ; en
mme temps, elle nous permettra dtudier et de re-cons-
truire les fonctions sociales de ces processus, aussi bien
pour la production de sens par les spectateurs/utilisateurs
que pour la ralisation dactions sociales.
Mais revenons pour finir au point de dpart de cet article.
Malgr quelques illusions perdues que je considre
dailleurs comme un phnomne assez salutaire, lintro-
duction de nouvelles notions ou de nouveaux termes
devrait toujours aller de pair avec beaucoup de sobrit et
un minimum dillusions , laxe de pertinence intermdia-
tique me parat toujours prometteur.
En dpit des rflexions thoriques complmentaires qui se
poursuivent actuellement, auxquelles dailleurs je contri-
bue avec quelques propositions 56, je pense que loption
principale de cette approche consiste plutt en des recher-
ches historiques en une archologie intermdiatique des
mdias parmi les rseaux de sries culturelles et technolo-
giques. Une telle archologie devrait tenir compte des
aspects fonctionnels qui ont tendance devenir de plus en
plus complexes. Ceci grce aux nouveaux enjeux interac-
tifs et combinatoires entre mdias, sries techno-culturelles
et traditions gnriques. Une reconstruction archolo-
gique de ces processus et de leurs fonctions sociales por-
tant sur des cas paradigmatiques ou des phases de
ruptures mdiatiques nous donnera ainsi une meilleure
comprhension des interactions entre des vecteurs
sociaux, culturels, technologiques et esthtiques et nous
mnera llaboration de profils fonctionnels. Ceux-ci
incluront un ventail dactions du rcepteur ou du public
qui stendra de lexprience esthtique plus ou moins per-
sonnelle jusquaux formes du comportement social dindi-
vidus ou de groupes sociaux 57.
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ches und medientheoretisches Konzept. Einige Reflexionen zu dessenGeschichte , in Jrg Helbig, op. cit., p. 31-40.
19 Cf. Claus Clver, ibid.
20 Cf. Plutarch, Moralia, Harvard, Harvard University Press, 1936,p. 501. [Plutarque, uvres morales, Paris, Livre de Poche, 1996, 1998,1999]
21 Cf. Giordano Bruno, De imaginum, signorum et idearum composi-tione, 1591 ; cf. aussi la traduction anglaise Giordano Bruno, On theComposition of Images, Signs & Ideas, New York, Willis, Locker & Owens,1991 [en franais, Giordano Bruno, uvres compltes, Paris, Belles Let-tres, 1993]
22 Voir ce sujet louvrage dErnest W.B. Hess-Lttich, Kommunikationals sthetisches Problem, Tbingen, Narr, 1984, p. 203 ss.
23 Il faut rester bien conscient du fait que malgr toutes les intersec-tions possibles les termes mdias et arts ne sont pas des syno-nymes. Avec le terme mdias , nous envisageons surtout les aspectsmatriels, communicationnels et esthtiques lis aux dispositifs ; les arts se caractrisent par les fonctions esthtiques de certaines uvres.
24 Voir par exemple Thomas Carlyle dans son livre On Heroes, Hero-Worship and the Heroic in History, New York, Macmillan, 1987.
25 Voir ce sujet par exemple le livre de Rolf Eichler, Poetic Drama. DieEntdeckung des Dialogs bei Byron, Shelley, Swinburne und Tennyson,Heidelberg, Carl Winter Universittsverlag, 1977.
26 Wagner crit par exemple le 16 aot 1853 Franz Liszt : Il me sem-ble parfaitement improbable que mes efforts naient obtenu commersultat que cette malheureuse uvre dart particulire que lon aappel uvre dart totale . Cit par Erika Fischer-Lichte, DasGesamtkunstwerk . Ein Konzept fr die Kunst der achtziger Jahre ? ,dans Maria Moog-Grnewald et Christoph Rodiek (d.), Dialog derKnste. Intermediale Fallstudien zur Literatur des 19. und 20. Jahrhun-derts. Festschrift fr Erwin Koppen, Frankfurt a.M./Bern/NewYork/Paris, Peter Lang, 1989, p. 61-74 ; ici p. 73.
27 Cf. Christian Metz, Lnonciation impersonnelle ou le site du film,Paris, Klincksieck, Mridiens , 1991.
28 Cf. Irina Rajewski, ibid.
29 Julia Kristeva, Narration et transformation , in Semiotica, n 1,1969, p. 422-448 ; ici p. 443.
30 Julia Kristeva, La rvolution du langage potique : lavent-garde lafin du XIXe sicle, Lautramont et Mallam, Paris, Seuil, 1974, p. 59.
31 Op. cit., p. 59 ss.
32 Cf. par exemple Michael Riffaterre, LIntertexte inconnu , in Inter-textualits mdivales. Littrature, 41, fvrier 1981, p. 30.
33 Grard Genette, Palimpsestes, Paris, Seuil, 1982. Pour une discussionplus dtaille de ces termes, cf. mes remarques dans mon livre Interme-dialitt. Formen moderner kultureller Kommunikation, op. cit., p. 100.ss.
34 Heinrich F. Plett, Intertextualities , in ibidem, Intertextuality,Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1991, p. 3-29 ; ici p. 20.
35 Thus it seems justifiable to call this kind of intertextuality interme-diality , ibid.
36 Cf. par exemple lexplication de ce terme dans un des meilleurslexiques de la thorie des mdias : Helmut Schanze (d.), Metzler Lexi-kon Medientheorie Medienwissenschaft, Stuttgart/Weimar, J.B. Metzler,2002. L se trouve la phrase : Lhybridation est courante dans les casdintermdialit primaire des pratiques communicationnelles, aussi biendans les cultures orales que dans celles de lcriture. (op. cit., p. 141).Il est vident que l hybridisation est ici conue comme sous-catgoriede lintermdialit .
37 Cf. Irina O. Rajewski, op. cit., p. 197.
38 Cf. Tiphaine Samoyault, Lhybride et lhtrogne , in Nolle Battet al. (d.), LArt et lHybride, Saint-Denis, Presses universitaires de Vin-cennes, 2001, p. 175-186 ; ici : p. 175.
39 Cf. Irmela Schneider, Von der Vielsprachigkeit zur Kunst der Hybri-dation Diskurse des Hybriden , in Irmela Schneider et ChristianW. Thomsen (d.), Hybridkultur Medien Netze Knste, Kln, WienandMedien, 1997, p. 13-66.
40 Cf. Helmut Schanze (d.), Metzler Lexikon Medientheorie Medienwis-senschaft, op. cit., p. 141.
41 Cf. Sandro Bernardi, Le Minotaure cest nous De Godard Paso-lini , in N. Batt et al. (ds.), LArt et lHybride, op. cit., p. 117-129.
42 Lhybridation ou la rencontre de deux mdias est un moment devrit et de dcouverte qui engendre des formes nouvelles. Le parallleentre deux mdias, en effet, nous retient une frontire de formes etnous arrache la narcose narcissique. Linstant de leur rencontre nouslibre et nous dlivre de la torpeur et de la transe dans lesquelles ilstiennent habituellement nos sens plongs. Marshal McLuhan, Pourcomprendre les mdias, trad. J. Par, Paris, Mame/Seuil, 1964, p. 75.
43 Cf. Irmela Schneider, op. cit., p. 33 ss.
44 Sur le concept d archologue ou d archologie , je suis les pro-positions de Siegfried Zielinski, Archologie der Medien. Zur Tiefenzeitdes technischen Hrens und Sehens, Reinbek bei Hamburg, rororo,2002.
45 Je suis trs reconnaissant Andr Gaudreault de mavoir convaincude lutilit de ce concept pour une archologie intermdiatique.
46 Je suis ici largumentation dAndr Gaudreault.
47 Cf. mon article Wege einer vernetzten Mediengeschichte. Zur inter-medialen Funktions-Geschichte der Television , in Esta locura por lossuenos Traumdiskurs und Intermedialitt in der romanischen Literaturund Mediengeschichte, sous la direction dUta Felten, Michael Lommel,Isabel Maurer Queipo, Nanette Riler-Pipka, Gerhard Wild, Heidelberg,Winter, 2006. p. 405-430 ; ici p. 418 ss.
48 Voir la proposition dAndr Gaudreault et de Philippe Marion dedistinguer trois phases dans lhistoire dun mdia : la phase chaotiqueet floue du dbut, la phase de linstitutionnalisation et enfin la phasede lhybridation. Cette distinction me semble trs utile. Un mdianat toujours deux fois , in Andr Gaudreault, Franois Jost (d.),Socits et Reprsentations, n 9, La croise des mdias , avril 2000,p. 21-36.
49 Nous nous rfrons ici larticle de Monika Elsner, Thomas Mller etPeter M. Spangenberg, Zwischen utopischer Phantasie und Medien-konkurrenz. Zur Frhgeschichte des Deutschen Fernsehens (1926-1935) , dans Helmut Kreuzer et Michael Schanze (d.), Bausteine.Kleine Beitrge zur sthetik, Pragmatik und Geschichte der Bildschirm-medien. Siegen, Arbeitshefte Bildschirmmedien, 1988, p. 23-31 ; icip. 28. Cf. aussi Jrgen E. Mller, Tele-Vision als Vision : Thesen zurintermedialen Vor- und Frhgeschichte des Fernsehens , in Ernest W.B.Hess-Lttich (d.), Autoren, Automaten, Audiovisionen. Neue Anstze derMediensthetik und Telesemiotik, Wiesbaden, Wissenschaftliche Buch-gesellschaft, 2001, p. 187-208.
50 Cf. R.B. Burns, British Television. The Formative Years, London, PeterPeregrinus Ltd., 1986, p. 353 ; voir aussi ce sujet Thomas Steinmaurer,Tele-Visionen. Zur Theorie und Geschichte des Fernsehempfangs, Inns-bruck, Studien Verlag, 1999, p. 120 ss. Jai effectu une petite tudehistorique des termes et des concepts de la tlvision dcrits et dfi-nis dans les encyclopdies et dictionnaires allemands, franais, anglaiset nerlandais des annes 1880-1970 dans mon article Wege einervernetzten Mediengeschichte. Zur intermedialen Funktions-Geschichteder Television , ibid.
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55 Cf. William Uricchio, What is Television ? , manuscrit, Utrecht 2001.
56 Ceci dans le cadre dun livre que je suis en train dcrire avec JrgHelbig et qui paratra en 2006. Cf. Jrg Helbig, Jrgen E. Mller, Inter-medialitt. Eine Bestandsaufnahme und Einfhrung, Frankfurt a.M.,Suhrkamp, 2006.
57 Cf. par exemple Peter Berger et Thomas Luckmann, The Social Cons-truction of Reality, Harmondsworth, Penguin, 1991.
51 Cf. Jrgen E. Mller, Tele-Vision als Vision , ibid.
52 Voir ce sujet Siegfried Zielinski, Audiovisions. Cinema and Televi-sion as Entractes in History, Amsterdam, University Press, 1999.
53 Cf. mon article, Tele-Vision als Vision , ibid.
54 Richard Carol, Jock Mc Kay. Televisionary , in Television, vol. 1,n 3, 1928, p. 32 et p. 44 ; ici p. 32.
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