Post on 23-Oct-2020
Les risques psychiatriques du cannabis
Amine Benyamina
Le cannabis en France
• Presque 4 millions de français l’ont consomméen 2005.1
• 50% des français de 17 ans l’ont essayé au moins une fois.
• Les français sont parmi les plus gros consommateurs en Europe.
1- Beck et al. (2008) Presse Med.
Facteurs de risque de consommation: traits de personnalité
• Recherche de sensations
• Faible évitement du danger
• Recherche de nouveautés
• Faible estime de soi
• Réactions émotionnelles excessives
• Difficultés relationnelles
Facteurs de risque de consommation:troubles du comportement
• Violence, délits, vols, vandalisme
• Arrêt des activités auparavant investies (loisirs, sportives…)
• Retrait social ou au contraire,
• Association aux pairs ayant des troubles du comportement
Moyens de consommation
• Inhalé: joint, bong, vaporisé sur une flamme
• Enterale: majoon, manzul, lookoums, plâts au curry ou les soupes relevés (Thailand, Cambodge), spacecake, brownie…
• Muqueuses: buccale, rectal
• Transcutanée
Pharmacocinétique du cannabis fumé
Pic plasmatique = 9 min
Demi vie = 20 min
Indétectable à 2 heures
Voir Huestis (2007) Chem Biodivers.
Pharmacocinétique du cannabis per os
Pic plasmatique = 5 heures, 2ème pic possible
Biodisponibilité variable : 4-20%
Demi vie = 9 heures
Indétectable à 11 heuresVoir Huestis (2007) Chem Biodivers.
Delta 9 THC: Dépistage biologique
INSERM, Expertise collective, 2001.
*Cirimele et al. (2006) Forensic Sci Int.
NonPeu d’intérêtVariableTHCSueur
Oui, test rapide*
Consommation récente
2 à 10 heures
THCSalive
Oui, GC-MSUsage régulierInfiniTHCCheveux
Oui
GC-MS
Dépister ou confirmer consommation récente, identifier un métabolite
2 à 10 heures
THC
THC-COOH
Sang
Oui, tests rapides
Dépistage de consommation
2 à 7 jours
THC-COOHUrines
Méthode disponible
IntérêtDélai de détection (maxi)
Cannabinoïdes majoritaires
Milieu Biologique
Clinique de l’intoxication aiguë
Cinétique de l’intoxication cannabique
5-10 min
Signes anxieux
Tachycardie
Sécheresse buccale
Nausées
Angoisse
Peur
Signes thymiques
Euphorie
Rires irrésistibles
Apaisement
Somnolence (parfois)
20-60 min 60min� 24H, voire plus
Signes psychotomimétiques
Idées délirantes
Modification de la perception du temps, du corps
Hallucinations visuelles, cenésthésiques
Intoxication ou ivresse cannabique
• Un vécu affectif de bien-être avec euphorie
• Des modifications sensorielles, inconstantes à faible dose
• Perception visuelle, tactile, auditive
• Illusion perceptive, hallucinations
• Sentiment de ralentissement du temps
• Perturbations cognitives : mémoire de fixation
• Augmentation du temps de réaction
• Troubles de la coordination motrice
• Difficultés à effectuer des tâches complexes
Troubles anxieux aiguës
• Troubles les plus fréquents+++
• Attaque de panique (bad trip), aversive
• Syndrome de dépersonnalisation/ déréalisation, immédiat, peut durer quelques semaines
Troubles psychotiques aiguës
• Bouffées délirantes aiguës : facteurs psychologiques précipitants, forte dose
• Hallucinations visuelles plutôt qu’auditives
• La résolution sous traitement neuroleptique est rapide avec prise de conscience du caractère délirant de l ’épisode.
• Sentiment de persécution ou effet parano
• Le flash-back ou rémanences spontanées
Clinique de la consommation chronique
Syndrome amotivationnel
• Déficit d’activité
• Asthénie intellectuelle et physique
• Perturbations cognitives
• Pensée abstraite et floue
• Difficultés de concentration et mnésiques
• Rétrécissement de la vie relationnelle
Diagnostic différentiel: schizophrénie, détérioration mentale
Modifications neuropsychologiques
• Altérations mnésiques et attentionnelles1
• Altération de la poursuite oculaire, de la phase d’alerte, du temps de réaction et de l’estimation du temps2
• Effets neuropsychologiques résiduels: perséverations, apprentissage des mots3
• Modifications des fonctions exécutives et décisionnelles
1/ Fletcher, 1996; Solowij,1999
2/ Ehreinreich, 1998
3/ Pope, 1996
Comorbidités thymiques
Co-morbidité trouble bipolaire-conduites addictives: hypothèses
Gorwood et al. 2008
Liens addictions-troubles psychiatriques
Pani et al. 2010
Cannabis et trouble bipolaire
•Anomalies neuro-anatomiques structurelles1
• Symptômes psychotiques chez les TB2
• Sévérité accrue de manie3
• Plus de temps en épisodes affectifs et de cycles rapides4
• Rémission immédiate /cannabis mais rapidement suivie de récurrences 4
1/Jarvis et al. 2008; 2/ De Pradier et al. 20103/ Baethge et al. 2005; Strakowski et al. 2000; Garcia-Portilla et al. 2010
4/ Strakowski et al. 2007
Le risque d’idées suicidaires et de tentative de suicide sont de 2,5 à 3 fois plus important chez les jumeaux consommateurs versus non-consommateurs.
Ceux qui ont débuté leur consommation avant l’âge de 17 ans ont un risque augmenté de tentative de suicide (OR=3,5).
La comorbidité dépendance au cannabis/MDD apparaît sur un même terrain de vulnérabilitégénétique et environnemental.
THC et anxiété
Étude rétrospective (n = 4745, 52% femmes) dans le cadre du Colorado Social Health Survey (CSHS)
Augmentation significative des attaques de panique chez les personnes dépendants au cannabis
Âge moyen du début des attaques de panique:
� Chez les dépendants au cannabis = 19 ans
� Chez les non-dépendants = 27,5 ans
Versus placébo, le THC diminue l’activité au niveau de l’amygdale dans les situations de peur ou de menace
Cannabis et psychose
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Un peu d’histoire…
27
Un peu d’histoire…
Chez 12 volontaires sains, troubles transitoires, dose-dépendants, variables
• Effets positifs: paranoïa, méfiance, pensées désorganisées, modification des perceptions
• Effets négatifs: retrait émotionnel, ralentissement psycho-moteur
• Troubles cognitifs: Troubles de la mémoire verbal, inclusions
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Schizophrénie et cannabis
L’abus et la dépendance au cannabis sont fréquents en population schizophrène, entre 15 à40 % ; pour 5,6 à 7,7 % de la population générale.
La fréquence élevée renvoie à plusieurs hypothèses:
• Automédication
• Substance démasque la maladie
• Vulnérabilité commune (génétique, neurobiologique)
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Méta-analyse de 35 études (sur 4804),
11 études psychose – cannabis
L’utilisation au cours de la vie augmente le risque de psychose par 40%
(OR = 1,41; IdC 95%: 1,20 – 1,65).
Ce risque augmente de 50 à 200% chez les plus forts consommateurs
(OR = 2,09; IdC 95%: 1,08 – 6,13).
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Enquête rétrospectif, 133 patients schizophrènes
Signes inauguraux (rupture de parcours social ou scolaire) en moyenne 7 ans plus tôt chez les consommateurs de cannabis vs les non-consommateurs
• Analyse de 83 études examinant la relation entre les substances psychoactives (SPA) et âge du début des psychoses
• Usagers de cannabis: 2,70 ans plus tôt vs non-usagers
• Usagers de SPA: 2,00 ans plus tôt
• La consommation d’alcool n’avait pas d’impact
•Comparaison frères/sœurs de psychotiques vs contrôles
• Plus forte schizotypiepositive observée chez les F/S des psychotiques
• Versus contrôles, F/S jusqu’à 15 fois plus sensibles aux effets psychotomimétiquesdu cannabis
•Comparaison F/S consommateurs et vs non-consommateurs
•Différence nette des scores sur le CAPE
• Étude TEP au 18F-dopa comparant:
• 24 patients ayant des prodromes schizophréniques
• 7 patients schizophréniques
• 12 contrôles
• Patients prodromes: recapture du 18F-dopa au niveau du striatum intermédiaire entre schizophrènes et contrôles
• Degré de recapture corrélé avec la sévérité des symptômes psychotiques
• Striatum
• Centre d’apprentissage qui informe le cortex de nouvelles associations
• Apprentissage lent, implicite et « indélébile ».
• Presque…
• CB1 des Fast Spike neurons (FS)
• Excès de stimulation désynchronise les medium spiny neurons (MSN)
• CB1 des neurones collatéraux
• CB1 provoque une dépression au long terme
• Mise en relation des MSN habituellement séparés
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• Étude de l’interaction gène-environnement chez 1037 néo-zélandais
• COMT-Allèle Val associé à un plus fort risque de développer une psychose si usage de cannabis
• COMT-Allèle Met : pas d’augmentation du risque de psychose
• Evaluation en temps réel: hallucinations et délires (n=31 psychotiques, 25 contrôles) par rapport à l’exposition au cannabis et allèle (Val ou Met)
• Porteurs de l’allèle Val:
• � hallucinations après cannabis chez les sujets à susceptibilité psychotique
• Pas d’association avec le délire
Les stimuli environnementaux provoqueraient l’évolution et la maturation des structures sous-corticales.
Arrivée à un stade propice, la maturation des structures corticales se met en place.
La conjonction de la maturation sous-corticale et corticale serait responsable de l’étape suivante et le développement des fonctions supérieures.
1/ Dépolarisation de l’élément pré-synaptique et largage du glutamate dans la fente synaptique
2/ Dépolarisation de l’élément post-synaptique
3/ Décrochage de l’ion Mg+2, mise en service du récepteur NMDA
4/ Liaison du glutamate au récepteur
5/ Passage du Ca+2 à travers le canal
6/ Renforcement du synapse
7/ Activation du récepteur glutamaturgiquemétabotrope, largage de l’anandamide
8-9/ Fixation des endocannabinoïdes au récepteur CB1 et activation du boucle de rétrocontrôle cannabinoïde.
1/ Le blocage du récepteur CB1 par le THC empêche le système de rétrocontrôle de fonctionner
2/ Largage excessif du glutamate
3/ Entrée excessive du Ca+2
4/ Déséquilibre du potentiel d’action, désactivation du synapse et élimination de l’élément post-synaptique et l’arbre dendritique associé.
Les régions corticales ayant les plus fortes densités de récepteurs CB1 sont les plus amincies chez les schizophrènes consommateurs de cannabis versus les non-consommateurs (après 5 ans d’évolution de la maladie)
Echantillons de résine de cannabis USA (n = 464)
0
5
10
15
20
25
30
35
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
THC
CBD
• Si on estime que les cannabis est responsable de la survenu de la schizophrénie, pour prévenir un cas, il faut traiter
• 2800 forts consommateurs âgés de 20-24 ans
• 4700 forts consommateurs âgés de 35-39 ans
• 5470 fortes consommatrices entre 25-29 ans
• 10870 fortes consommatrices entre 35-39 ans
• Les chiffres sont à multiplier par 4-5 chez les faibles consommateurs
En Pratique
• Adressé par son psychiatre pour avis addictologique
• Suivi depuis 10 ans pour schizophrénie, mauvaise observance, plusieurs hospitalisations en HO
• Patient fume 10 joints par jour, but anxiolytique
• Signes pulmonaires (toux, wheezing)
• Vit avec sa mère, alcoolo-dépendant au chomage
• Peu motivé pour arrêter, mais reconnaît un mieux être lorsqu’il arrête pendant les hospitalisations
• Actuellement, des idées délirantes et des hallucinations auditives
Monsieur G, 30 ans
• Patient préoccupant sur le plan addictologique et psychiatrique
• Contact pris avec son psychiatre référant pour planifier une hospitalisation en addictologie et pour se concerter sur un traitement plus adapté (i.e. neuroleptique formes LP)
• Environnement peu favorable à l’abstinence
• RDV avec l’assistante sociale pour faire une demande d’appartement thérapeutique
• Fragilité sur le plan somatique
• Bilan pulmonaire et CV (ECG, EFR, Radio) en hospitalisation
• Suivi en ambulatoire en addictologie dans un premier temps et surtout un suivi psychiatrique renforcé.
Prise en charge pratique
• Les patients co-morbides sont fréquents en psychiatrie et en addictologie
• Nécessité d’évaluer soigneusement le patient dans sa globalité, tout en entendant sa demande
• Patients souvent complexes avec les besoins de soins et de prise en charge qui sont à la hauteur de cette complexité
• Besoin de nouer les liens avec le patient et avec les acteurs actuels et passés afin d’optimiser les soins
Conclusion