Les fonds privés: une mine d'informations · Avec ses cinq kilomètres de rayonnage, il constitue...

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DIE WARTE DIE WARTE 6 7Donnerstag, den 7. November 2013 ❖ Nummer 30|2416 Donnerstag, den 7. November 2013 ❖ Nummer 30|2416

Le fonds de la famille du comted'Ansembourg a été déposé auxArchives nationales dès les années1960 sous forme de prêt. En2008 l'Etat luxembourgeois a ra-cheté le fonds documentaire.(Photo: Tessy Hansen)

Le fonds ARBED est l'exemple typed'archives de grande valeur, sur-tout en ce qui concerne la recher-che historique. Cette carte postale«Esch-Beles, Hochofen Adolf-Emil-Hütte» montre le haut-fourneaud'Esch-Belval.(Collection Archives nationales de Lu-xembourg)

Le Codex Marien-dalensis, un docu-ment d'une valeurinestimable.(Photo: GerryHuberty)

En juillet 2013 une exposition aété consacrée au fonds ChristianCalmes. «La France, le Luxem-bourg et le bouleversement del'Europe de 1914 à 1919» a été lesujet d'une conférence aux Archi-ves nationales.(Photo: Marc Wilwert)

Les Archives natio-nales exposent en-core jusqu'au 15décembre une par-tie des documentsque la femme poli-tique Lydie Schmit(1939-1988) leura légués. (Photo: Guy Jallay)

Josée Kirps, la directrice des Archi-ves: «Nous avons environ une cen-taine de fonds privés aux Archivesnationales. Ils sont intéressants cartous différents.»

Archives nationales de Luxembourg

Les fonds privés: une mine d'informationsPrès d'une centaine de ces fonds sont conservés sur le plateau du Saint-Esprit

Laurent Moyse

Lorsqu'on considère les archivesdu point de vue national, onpense en premier lieu aux fondsdes administrations publiques etaux actes officiels qui ont façonnél'histoire du pays. Or les fondsprivés constituent aussi une sourceimportante pour les chercheurs,car ils peuvent contenir des docu-ments inédits et donnent un éclai-rage complémentaire sur le fonc-tionnement de notre société.

Jusqu'au 15 décembre, les Archivesnationales exposent une partie desdocuments que Lydie Schmit (1939-

1988) a légués à la postérité. L'idée decette exposition découle de la publica-tion d'un livre consacré à cette ensei-gnante et femme politique. Edité avecl'appui de la fondation Lydie Schmit àl'occasion du vingt-cinquième anniver-saire de décès de cette féministe engagée,l'ouvrage, rédigé par la journaliste RenéeWagener, évoque le parcours politiquede Lydie Schmit, membre du parti socia-liste dont elle assuma la présidence du-rant les années 1970.

Pour écrire cette biographie politique,Renée Wagener a largement puisé dans lefonds conservé aux Archives nationales.D'où l'idée de la directrice des Archives,Josée Kirps, d'aller au-delà de la présenta-tion de cet ouvrage. Après en avoirdiscuté avec l'auteur du livre et avec BenFayot, président de la fondation créée à lamémoire de Lydie Schmit en 1994, elles'est attelée à organiser avec son équipeune table ronde sur ce sujet ainsi qu'uneexposition consacrée à ce fonds.

Quelques mois plus tôt, les Archivesnationales avaient déjà exposé les élé-ments d'un autre fonds privé, celui del'historien Christian Calmes, dont lesdocuments sont aussi conservés dans cebâtiment. «Le parallèle entre ces deuxfonds est intéressant, car ce sont deuxfigures politiques différentes», souligneJosée Kirps. En effet, Lydie Schmit fut lefer de lance de la gauche socialiste, tandisque Christian Calmes se positionnait

plutôt du côté de la droite conservatrice.Au-delà de cet aspect, on note égalementdes différences dans la constitution desarchives que ces deux personnes ontléguées à l'institution nationale. «LydieSchmit n'a laissé que peu de choses sursa vie familiale», constate Josée Kirps. «Ilest vrai qu'elle est décédée relativementjeune.» Son travail a accaparé une bonnepartie de sa vie, et il ressort des docu-ments qu'elle a beaucoup voyagé. Unnombre impressionnant de diapositivesillustrent ce que fut sa passion pour levoyage, tandis que des dessins révèlent lafibre artistique de cette femme aux multi-ples facettes. Au contraire, le fondsChristian Calmes contient davantage dedocuments liés à sa vie privée, par exem-ple des photos de famille, parmi lesquel-les figurent des clichés le montrant en

train de pratiquer du ski nautique sur laMoselle.

Des fonds multiples et variés«Nous avons environ une centaine defonds privés aux Archives nationales»,indique Josée Kirps. «Ils sont intéressantscar tous différents.» Ces fonds documen-tent le rôle que certaines familles ouindividus ont joué dans la politique oul'histoire luxembourgeoise et constituentde ce fait un complément utile aux fondspublics. L'un des fonds privés le plusimpressionnant est sans conteste celui dela famille du comte d'Ansembourg: dé-posé aux Archives nationales dès lesannées 1960, ce fonds lui appartenaittoujours en vertu d'une convention préci-sant que les documents étaient confiésaux Archives nationales sous forme deprêt. Ce n'est qu'en 2008, à la suite dudécès du comte, que l'Etat luxembour-geois a racheté le fonds documentaire,qui comprend aussi une impression-nante bibliothèque et le fameux CodexMariendalensis, texte manuscrit datantdu quatorzième siècle. «Ces archives sont

formidables car cette famille occupait despostes importants sur le plan politique,au sein de l'Eglise et au niveau économi-que», observe la directrice des Archivesnationales. D'autres archives privées sesont ajoutées plus récemment, à l'instardu fonds contenant des documents del'ancien ministre Robert Krieps.

La question se pose si n'importe quelparticulier peut remettre ses documentspersonnels aux Archives nationales.Lorsqu'elle est contactée à ce titre, l'insti-tution envoie généralement deux person-nes, un conservateur et un archiviste, audomicile du requérant pour sonder leterrain. «Nous ne prenons pas tout»,

explique la directrice. «Comme nousmanquons de place, nous sommes detoute façon obligés de faire un tri.» Ainsi,certains collectionneurs possèdent debelles bibliothèques dont ils souhaitentse débarrasser un jour, mais les livressont du ressort de la Bibliothèque natio-nale. «Dans le cas de Lydie Schmit, lapersonne elle-même a joué un rôle, desorte que si n'avons pas tout pris, nousavons choisi un maximum de documentsqui permettent de la cerner.»

Lorsque des documents personnelssont remis pour conservation, les Archi-ves nationales signent une convention debase avec le propriétaire. Cette conven-tion existe en plusieurs variantes, chaquecas étant différent, précise Josée Kirps.

«Nous préférons que l'accès aux docu-ments soit libre, et la plupart des person-nes sont d'accord. Certaines demandentà être informées lorsque quelqu'un veutconsulter le fonds, notamment en cas dereproduction de photos.» Les archivespersonnelles peuvent le cas échéantcontenir des données délicates, touchantà l'intimité de la personne: correspon-dance privée, données médicales, etc.D'où la réticence des particuliers de céderleurs documents aux Archives nationa-les, reconnaît la directrice. Un règlementgrand-ducal fixe toutefois un cadre précisen termes de protection de la vie privée,avec un délai prolongé barrant l'accès auxdonnées. «Nous n'avons pas encore eu deproblème à ce niveau-là», affirme JoséeKirps. «En cas d'hésitation, nous contac-tons le propriétaire.»

Les entreprises aussiOutre les particuliers, les associations etles entreprises constituent aussi une ci-ble de choix pour la conservation desarchives. «Nous sommes devenus plusactifs pour les archives économiques»,

souligne Josée Kirps. Le fonds ARBED estl'exemple type d'archives de grande va-leur, surtout en ce qui concerne larecherche historique: «Ces archives sontune perle, y compris pour l'étranger.»Avec ses cinq kilomètres de rayonnage, ilconstitue le plus grand fonds privé desArchives nationales.

«Nous avons développé une stratégiepour les fonds économiques», enchaînela directrice, qui se réjouit d'avoir puintégrer dans son équipe un conservateurspécialisé dans l'histoire économique,lequel s'investit pleinement dans ce do-maine. Jusqu'alors, les fonds économi-ques étaient plutôt rares, à l'instar de

celui des chemins de fer luxembourgeois,mais seulement pour sa partie publique.A présent, d'autres entreprises luxem-bourgeoises acceptent de traiter avec lesArchives nationales, notamment dans ledomaine industriel: la Poudrerie deLuxembourg, la briqueterie de Bettem-bourg, l'ardoiserie de Martelange, etc.Certaines occasions fournissent le pré-texte pour entrer en contact avec unesociété: lors de la célébration du cente-naire de la Poudrerie, devenue Accuma-lux, un historien a entrepris des recher-ches sur le passé de l'entreprise. Lesdocuments historiques furent ensuiteconfiés aux Archives nationales. «Il fautêtre présent sur le terrain», insiste JoséeKirps, sans quoi nombre d'archives ris-quent d'atterrir sur un dépotoir. Pour lesentreprises elles-mêmes, les archives sontune source importante d'information;elles peuvent par exemple servir à illus-trer un rapport annuel par le biais d'an-ciennes photos.

Reste une problématique non résolue:la conservation des archives électroni-ques. «Nous n'y avons pas encore étéconfrontés pour les fonds privés mais bienpour les archives publiques», concède ladirectrice. «Tout ce qui touche au paper-less office et à la gestion de documentsélectroniques nous pose un immense pro-blème.» Le «Centre des technologies del'information de l'Etat» (CTIE) s'occupecertes du matériel informatique tant quecelui est en activité, mais il n'est pasresponsable de la conservation des don-nées à long terme. Surtout que le longterme a une autre signification pour uneinstitution comme les Archives nationa-les, qui travaille sur des documents vieuxde plusieurs siècles. Les nouveaux sup-ports utilisés actuellement permettent degarder le contenu pendant une périodelimitée de vingt-cinq à trente ans, avecune extension possible à cinquante ans sil'on tient compte du progrès technologi-que. Même les microfilms ont une duréequi ne dépasse guère les cent à deux centsans. «C'est un problème mondial», recon-naît Josée Kirps, «les communautés desarchivistes cherchent une solution maispersonne n'a encore trouvé de solutiondéfinitive.» �