Post on 16-Sep-2018
La médecine entre le malade et la maladie
Deux visions complémentairesl'évidence, entre la
philosophie, la moraleet les principes qui
commandent la théorie et la pra-
tique de la médecine ancestraledes Africains, des Chinois et
autres peuples dit du «Tiers-Monde» et ceux de l'Amériquedu Nord. et de l'Europe occi-dentale, il y a une énorme con-tradiction. Dans un article pub-lié dans la revUe « Notes' et
Documents voltaïques », bul-letin trimestriel d'information
scientifique et technique, N°14
(3-4) de juillet-décembre 1983,et intitulé « Médecine tradition-
nelle et scienceshumaines», jeconcluais en ces termes:
«l'Afrique doit mettre fin à l'i-dolâtrie négative despuissancesoccultes de ses guérisseurs, qui
poussent beaucoup dechercheurs à une attitude de
contemplation béate,. contraireà leur métier d'interrogateursdu réel dans toute sa complex-ité. C'est faire du. tort auxguérisseurs que de les maintenir
Un mariage de raison s'impose entre l~ médecine traditionnelle...
d'Etre existant dans l'univers...
Il a cessé d'y avoir deux com-
partiments dans l'univers, celui
des esprits et celui des corps. Il
n'y a plus que deux sens sur unemême route,' le sens de la plu-
ralité négative et celui de l'unifi-
cation positive. Il n'y a qu'unseul « mal» la désunion, le refus
de l'un Celui qui a compriscette immense simplicité des
L'addition des deux médecines
qui devraient nous faire avancer
plus vite, semble même parfoisnous tirer en arrière. Il me sem-
ble que nous ne faisons peut être
pas assez pour créer et réussir la
« note un.ique » dont parleTheilhard De Chardin.
Deux médecins français, lesdocteurs Jean Clouzet et
Monique Horwitz, de retour de
autant suivre la filière améri-
caine, soviétique, anglaise oumême française. Bombe atom-ique, satellite artificiel, oumédecine traditionnelle, on se
prend à évoquer la célèbre for-mule, ironique et méprisante dePicasso: «je ne cherche pas, jetrouve»... .
Sait-on que la médecine psycho-somatique, cette façon d'admet-tre que le corps et l'esprit jouentun rôle de vases communicants,
était reconnue en Chine depuisplusieurs dizaines de siècles? »(fin de citation. pp 52 à 54).Cette longue citation des deuxmédecins français me permet derenouer avec le Burkina Faso et
le continent africain, pouraffirmer que ce qui est scien-tifiquement vrai en Chine estaussi vrai chez nous.
Les statistiques de l'Unitéd'Analyse Avancée de laPauvreté (UAAP) publié enseptembre 2007 dans labrochure intitulée « approcheanthropométrique des détermi-
dans des fonnes patriarcales etmoyens-nageuses de travail.Leurs méthodes et leurs
procédés peuvent et doivent êtreaméliorés par eux-mêmes, si undialogue profond et critiques'engageait entre eux et les ten-ants des méthodes modernes.
Certains croient que le mod-ernisme tue lespuissanc,es cura-tives des guérisseurs. Nous nepartageons pas ce point de vue.C'est pourquoi nous pensonsque les guérisseurs seront bienmeilleurs collaborateurs de lamédecine moderne, s'ils s'ou-
vraient au progrès scientifiqueet technique, s'ils s'adaptaientaux changements profonds quilentement mais sûrement,
poussent toute la collectiviténationaleen avant... »
Il Ya un besoin réel d'ouverture,.de synthèse et d'union dessavoirs pour mieux assurerl'avenir... Theilhard deChardin...écrit : « L'unionn'ad-ditionne pas, elle produit...chaque union nouvelle réaliséeaugmente la quantité absolue
choses, celui qui a entendu lanote unique sous le bruit uni-versel, .celui-là possède lemonde» (fin de citation).
Pourquoi deux médecines?
Il est trè.s fréquent d'entendredes universitaires africains et
même des médecins parler de«médecine moderne» et de
«tradipraticiens» ou de«médecine traditionnelle », pour,différencier deux pratiques par-faitement complémentaires.Au Burkina Faso, à peine 20%de la population vont au dispen-saire, à la clinique ou en phar-macie pour se faire consulter etse soigner. Cela veut dire quebon gré mal gré 80% des burkin-abé fréquentent toujours les
guérisseurs, tradipraticiens etautres phytothérapeutes locaux.Malgré le faible taux de couver-ture du pays par les dispen-saires, centres de soins et hôpi-taux, le constat est que lafréquentation reste faible elleaussi. Il y a problème.
Chine, ont écrit un livre « com-
ment se soignent les chinois.aujourd'hui» aux EditionsRobert Laffont Paris (France) en1980. Ils se posent cette ques-tion « comment aborder avec
notre esprit cartésien, notre con-fort de pensée, nos certitudes,cette médecine autre, guidée parune boussole affolée qui semble,à chaque époque et dans chaquedomaine, osciller sans cesse
entre les affirmations les plusmystiques, les plus extravagantset de subtils intuitions véritable-
ment scientifiques?Scientifiquement parlant, cettemédecine se présentait mal. Etpourtant, parfois, cela marche.Les découvert~s sont fulgu-'"
rantes et géniales. L'ingéniositédes chinois n'apparait pas seule-ment dans le domaine médical:
la Chine qui ne possédait aucuneplate-forme atomico-balistique,n'avait, pour les expertsétrangers, aucune chance defaire la bombe et de s'envoyer enl'air par satellite interposé. Etpourtant elle l'a fait sans pour
nants de l'Etat de santé: cas des
enfants de moins de cinq ans auBurkina Faso» sur l'état desanté et les carences nutrition-
nelles, démontrent à l'évidence
qu'il est temps de repenser nosconceptions sur la coexistencedes deux médecines, incapablesl'une comme l'autre d'inverserles tendances actuelles. Lamédecine occidentale et la
médecine traditionnelle, enaffrontant la maladie dans nos
pays, de façQn séparées sinonopposées, au sein de sociétés encrise identitaire, culturelle,
philosophique et économiqueenfin, ne pourront qu'échouer.Nos sociétés ne sont ni occiden-
tales, ni traditionnelles de nos
jours. Elles vacillent entre lesdeux, sans véritables repères nisocles de valeurs communau-taires consolidées. Elles sont
ballotées entre dispensaires,cliniques privées, officinespharmaceutiques, cases deguérisseurs, de charlatans etautres purs escrocs bien camou-
",.
Un mariages'impose
de raison
Nous assistons chaque année iciau Burkina à des célébrations
des journées de « la médecinetraditiont1elle » ou des « plantesmédicinales ». Une de ces
journées a eu lieu en fin septem-bre 2009 à Ziniaré. Nous avons
suivi ces journées dans la
presse. Les tradipraticiens récla-ment des titres, des droits offi-
ciels pour exercer, etc. Les vrais
problèmes sont ailleurs. Ils sont
dans notre incapacité à fairecomme les chinois c'est-à-dire
doivent être culturellement
assimilés par la société dans unprocessus de diffusion des idéesnouvelles liées à l'éradicationde
l'ignorance et de l'illettrisme.Une nouvelle médecine ne peutnaître que d'une approchethéorique nouvelle d'abord chezles praticiens des deuxmédecines existantes chez nous.
Ma conviction est que le poten-tiel existe et depuis des millé-naires comme en Chine.Aucun autre continent au
Monde n'a subi quatre siècles(400 ans) de ponctions con-stantes et régulières de sesjeunes filles et garçons pour laproduction du coton et du sucreaux Amériques comme l'Afriquesous la traite négrière. La popu-lation n'a pas disparue malgrécela. Les sociétés ont pu contin-
ailleurs qui luttent avec succèspour valoriser ce capital médi-cal, surtout en matière de phy-tothérapie. Mais nous sommesloin du compte. Il faut réussir àélaborer une théorie nouvelle et
une pratique nouvelle. Le jour-nal « Africa International» de
Mme Marie-Roger Biloa, dansson no424 du mois d'octobre
2008, présente « les 50chercheurs scientifiques des 50dernières années, 1958-2008»
du continent africain. On y trou-ve des noms de chercheurs des
phytothérapeutes du BurkinaFaso. C'est très honorable pournous tous.
Conclusion: « connais-toi,toi-même et tu connaitras l'u-
nivers et les dieux» (Socrate)
un continent comme l'Afrique,qui couvre 30,3 millions de km-(c'est trois fois la Chine
Continentale) avec plus d'unmilliard d'habitants répartis dans53 « petits pays », le « miracle »
médical n'arrive pas à exister?
C'est parce que les chinois l'ont
voulu et qu'ils ont pu construire
par un « mariage de.raison» uncouple exemplaire qui a enfantéla médecine moderne chinoise.
Les deux médecins françaisécrivent en page 70 de leur livreque: « Les médecins de forma-tion occidentale se battent
comme de beaux diables pourtenir à distance cette médecine
toute de « rites et de supersti-
tions ». C'est ainsi que dans
cette revue de prestige qu'est lechinese Medical Journal, aucunarticle n'est consacré à la
médecine chinoise pendant les
dix premières années de régimecommuniste. En 1958, Mao
pousse un coup de gueule et un
coup de plume pour dire à tous,
dirigeants, médecins, malades,
que cela ne peut plus durer. Les
chinois ne peuvent pas (et ne
pourront jamais ?) se passer dela médecine traditionnelle. Elle
créer de nous mêmes, par nous-mêmes et pour nous mêmes,notre médecine moderne quifusionnent positivement, toutesles méthodes, toutes les pra-tiques liées à la recherche d'unbon état de santé de nos popula-tions, en s'appuyant sur les croy-ances socio-culturelles liées à la
santé qui règnent sans partagedans les 8000 villages duBurkina Faso. Et c'est parfaite-ment possible, si une volontépolitique s'affirme et s'impose àtous. C'est pratiquement unerévolution culturelle en matière
de Santé qu'il nous faut engageret réussir, d'abord dans les
esprits. Parce que l'idéal ici,c'est de réussir à expliquer etfaire accepter par tous pourquoiet comment éviter de tomber
malade. C'est la prévention.Savoir pourquoi il faut toujoursse laver les mains avec du savon
avant de manger diminue forte-ment le risque d'attraper aumoins les maladies dites des «
mains sales ». Ces concepts sim-ples ne s'imposent pas. Ils
...et la médecine moderne.
uer à se reproduire avec et grâceà une médecine qui soignait etguérissait obligatoirement.Depuis l'Egypte des pharaonsnoirs, il y a eu sur la terred'Afrique une médecine, deschercheurs, des pharmaciens etdes médecins qui pnt trouvé dessolutions aux problèmes desanté des africains. Sinon nous
n'existerions pas aujourd'hui.Notre contact avec les
médecines européennes etautres, date d'à peine cent (100)ans. C'est insignifiant dans l'his-toire de la santé des sociétésafricaines. Nous avons un
héritage ancestral ignoré et malexploité. Certes, il existe des «
hérétiques du savoir médicalinstitué» au Burkina comme
,.'
Aujourd'hui, sans aucun aprioriidéologique et politique, lesélites intellectuelles de l'Afriquedoivent étudier sérieusementl'histoire de la Chine dans ses
deux composantes qui sont le
Continentp (Pekin) et l'lIe(Taïwan).La Chine Pékin est un grandpays de 9 millions de km- et 1,6milliards d'habitants. La Chine
de Taïwan est une petite île de36.000 km- et 21 millionsd'habitants. Le « Grand »
Continent comme la « petite »île font tous de très grands pro-grès dans tous les domaines etparticulièrement dans lamédecine et la phytothérapie. Ilexiste uneet une seule médecine
moderne ciÜnoise.Pourquoi, sur
n'est pas qu'un ramassis derecettes de bonnes femmes... «
la médecine et la pharmacologietraditionnelles, dit ~e présidentMao, constituent un riche patri-moine: il faut s'efforcer de l'ex-
plorer et de le porter à un niveausupérieur... Cette citation...apparait... comme un ordrepour tenter de concilier, de com-biner ces deux médecines... »
(fin de citation). Au Burkina
Faso et en Afrique, cette volontéd'unifier, de combiner, de
rassembler pour réussir existe,
se manifeste de plus en plus
fortement. La crise économiqueet financière actuelle n'offre-t-
elle pas une 9Pportunité supplé-
mentaire pour chercher à faire «
beaucoup» avec le « peu» deressources financières
disponibles?
Pr Basile L. GuissouDirecteur de recherche en
Sociologie PolitiqueINSS/CNRST
03 ~P 7047 Ouaga 03