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    Le paquet gouvernance Schengen :

    Les quilibres subtils entre mthodecommunautaire et logique intergouvernementale

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    Yves Pascouau

    Dcembre 2013

    NN oo tt ee dd uu CC ee r r f f aa 11 00 66

    Comit dtudes des relations franco -allemandes

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    LIfri est, en France, le principal centre indpendant de recherche, dinfor -mation et de dbat sur les grandes questions internationales. Cr en 1979par Thierry de Montbrial, lIfri est une association reconnue dutilit publique(loi de 1901).Il nest soumis aucune tutelle administrative, d finit librement ses activits etpublie rgulirement ses travaux.LIfri associe, au travers de ses tudes et de ses dbats, dans une dmarcheinterdisciplinaire, dcideurs politiques et experts lchelle internationale.

    Avec son antenne de Bruxelles (Ifri- Bruxelles), lIfri simpose comme un desrares think tanks franais se positionner au cur mme du dbat europen.

    Les opinions exprimes dans ce textenengagent que la responsabilit des auteurs.

    Cette Note du Cerfa est publie en collaborationavec le European Policy Centre. Une version anglaise de cette contribution

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    Auteur

    Yves Pascouau est analyste senior au European Policy Centre etresponsable du programme Migration europenne et diversit. Sesrecherches et publications portent sur le dveloppement de la poli-tique de lUE et des politiques nationales en matire dimmigration,dasile et dintgration.

    Avant de rejoindre le European Policy Centre, il a travaillcomme chercheur en France (universit de Pau et des pays delAdour) o il a obtenu un doctorat en droit publicpour une thseportant sur La politique migratoire de lUnion europenne et enBelgique (Universit libre de Bruxelles) dans le cadre dune recher -che postdoctorale portant sur les politiques dintgration des tatsmembres de lUnion europenne.

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    Rsum

    Aprs deux annes de ngociations, souvent tendues et parfoisplaces sous le signe de la dramaturgie politicienne, le paquet gouvernance Schengen a finalement t adopt.

    Ouvert sur fond de crise politique et destin dans lesprit de laFrance et de lItalie renforcer la mainmise des tats membres sur ledispositif Schengen, le paquet lgislatif parvient un rsultatdiffrent. Dune part, il a permis dacclrer ladoption dun nouveaumcanisme dvaluation de mise en uvre des rgles Schengen parles tats et den renforcer le fonctionnement et lefficacit. Dautrepart, les modifications apportes au Code frontires Schengendlimitent plus prcisment les conditions dans lesquelles lescontrles aux frontires intrieures peuvent tre rtablis par les tats.Enfin, la modification des rgles Schengen a t accompagne parun renforcement du rle de la Commission europenne et duParlement europen dans la gouvernance Schengen .

    En fin de compte, cet pisode illustre un phnomnedintgration o les confrontations entre mthode communautaire etlogique intergouvernementale laissent le pas des quilibres plussubtils.

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    Sommaire

    INTRODUCTION ............................................................................................... 4

    LES CONTROLES AUX FRONTIERES INTERIEURESDE L ESPACE S CHENGEN .............................................................................. 7

    L'encadrement des rgles existantes :la mise sous tutelle de la clause de souverainet ................................ 7

    Conditions et critres pour la rintroductiondes contrles aux frontires intrieures .............................................. 8 La procdure de rtablissementdes contrles aux frontires intrieures .............................................. 9

    Le nouveau mcanisme de rintroductiondes contrles frontaliers ....................................................................... 11

    Une dcision nationale prise selon une procdure spcifique au nivea u de lUnion ................ 11 Des conditions strictesrendant la mise en uvre du mcanisme illusoire ? ........................ 14

    LE MECANISME D EVALUATION S CHENGEN ............................................... 16 Une nouvelle rpartition des comptences ........................................ 16

    Lorganisation des valuations ............................................................ 18

    Le champ d'application des valuations ........................................... 18 Les types d'valuation ...................................................................... 20 Les effets de lvaluation .................................................................. 21

    CONCLUSION ................................................................................................ 23

    B IBLIOGRAPHIE INDICATIVE ........................................................................ 25

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    Introduction

    En avril 2011, la suite du printemps arabe , plusieurs milliers demigrants tunisiens arrivent sur les ctes de l le italienne deLampedusa. Face cette situation, quil estime difficile grer, legouvernement italien rclame le soutien de ses partenaires euro-pens. Ne partageant pas la mme analyse de la situation, cesderniers ne donnent pas de suite favorable la requte italienne.

    Piqu au vif, et sur fond de rhtorique catastrophiste1, legouvernement italien dcide de dlivrer aux ressortissants tunisiensdes titres de sjour assortis dun e autorisation de voyage. Ces papiers sont destins permettre aux ressortissants tunisiens devoyager dans lespace Schengen, et plus prcisment de se rendreen France. Or, ces titres de sjour ont t dlivrs en violation desrgles de libre circulation dans lespace Schengen fix es dans leCode frontires Schengen.

    Dans ce contexte, la France rtorque de deux manires.Dune part, elle bloque pour des raisons dordre public la circulationde plusieurs trains en provenance de Vintimille et intensifie lescontrles de police la frontire franco-italienne. Dautre part, ellesaisit lopportunit de contraindre son voisin au comportement juri-diquement contestable demander avec elle une rvision des rglesde Schengen.

    Le 26 avril 2011, Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi annon-cent, lors dune confrence de presse commune, quils ont envoyune lettre au prsident de la Commission europenne demandantune rvision de la gouvernance Schengen . Cette rvision devraitcomprendre une modification du mcanisme d'valuation et unemodification des conditions permettant le rtablissement descontrles aux frontires intrieures.

    Le 29 avril 2011, le prsident de la Commission europenneaccde avec une clrit inhabituelle la requte franco-italienne.Dans un courrier adress aux prsidents franais et italien, JosManuel Barroso prcise que le rtablissement temporaire des fron-tires est une possibilit parmi dautres qui, condition dtresoumise des critres spcifiques et bien dtermins, pourrait

    1 Le prsident du Conseil italien, Silvio Berlusconi, avait en effet qualifi la situationde tsunami humain .

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    constituer un lment pour renforcer la gouvernance de laccordSchengen 2 .

    Dans un climat politique tendu, opposant les diffrents acteursnationaux et europens sur lopportunit de modifier la gou-vernance Schengen , le Conseil europen de juin 2011 dfinit lecadre des actions engager. Il souligne la ncessit de renforcer lesystme dvaluation de Schengen et accde lhypothse de crerun nouveau mcanisme de rintroduction des contrles aux frontiresintrieures. Si le Conseil europen accepte le principe dun tel mca -nisme, sa mise en uvre est en revanche encadre de manirerigoureuse puisquelle doit notamment tre dclenche en dernierressort et titre exceptionnel 3 . Le cadre ainsi pos, les chefsdtat et de gouvernement invitent la Commission prsenter uneproposition lgislative pour septembre 2011.

    Cest chose faite le 16 septembre avec une communication

    intitule Gouvernance de Schengen Renforcer lespace sanscontrle aux frontires intrieures4 et deux propositions lgislativesportant, pour lune, sur le renforcement du mcanisme dvaluationde Schengen 5 et, pour lautre, sur le mcanisme de rintroductiondes contrles aux frontires intrieures6.

    Mme cadres par le Conseil europen, les propositionsprsentes par la Commission refltent un contexte compliqu o lesenjeux contradictoires saffrontent. Au plan matriel, tout dabord,dans la mesure o la Commission doit assurer le maintien de lalibert de circulation tout en introduisant dans le droit driv unnouveau mcanisme de rtablissement des contrles aux frontiresintrieures. Chacun conviendra du caractre paradoxal et dlicat dela tche. Au plan fonctionnel, ensuite, tant donn que laCommission va saisir lopportunit des propositions lgislatives pourchercher accrotre significativement ses pouvoirs. Or, dans undomaine o les rflexes intergouvernementaux demeurent encorepuissants, les propositions de la Commission ont t vcues par lestats membres comme une provocation. En a tmoign du reste le

    2 Lettre du prsident de la Commission europenne, Jos Manuel Barroso,29.04.2011,.3 Voir les conclusions du Conseil europen des 23 et 24 juin 2011, doc. EUCO

    23/1/11.4 Communication de la Commission europenne au Parlement europen, au Conseil,au Comit Economique et Social Europen et au Comit des Rgions Gouvernance de Schengen Renforcer l'espace sans contrle aux frontiresintrieures , COM(2011) 561 final, 16.09.2011.5 Proposition modifie de rglement du Parlement europen et du Conseil portantcration d'un mcanisme d'valuation et de suivi destin contrler l'application del'acquis de Schengen, COM(2011) 559 final, 16.09.2011.6 Proposition de rglement du Parlement europen et du Conseil modifiant lerglement (CE) n 562/2006 afin d'tablir des rgles communes relatives larintroduction temporaire du contrle aux frontires intrieures dans descirconstances exceptionnelles, COM(2011) 560 final, 16.09.2011.

    http://ec.europa.eu/commission_2010-2014/president/news/letters/%1fpdf/20110502_fr.pdfhttp://ec.europa.eu/commission_2010-2014/president/news/letters/%1fpdf/20110502_fr.pdfhttp://ec.europa.eu/commission_2010-2014/president/news/letters/%1fpdf/20110502_fr.pdfhttp://ec.europa.eu/commission_2010-2014/president/news/letters/%1fpdf/20110502_fr.pdf
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    nombre lev dalertes de subsidiarit 7 mises par plusieursparlements nationaux contre les propositions de la Commission.Dans ce contexte, les propositions ambitieuses de cette dernire ontt neutralises par les tats membres.

    Aprs deux annes de ngociations, marques par destensions fortes entre les diffrents acteurs et en particulier entre leConseil et le Parlement europen 8, la gouvernance Schengen fait peau neuve . Lanalyse des deux textes portant sur le mcanismede rintroduction des contrles aux frontires intrieures9 (I) et lesystme dvaluation de Schengen 10 (II) dmontre que la cooprationde Schengen est encore anime par de fortes tensions entremthode intergouvernementale et communautaire. Cela tant dit, lesnouveaux dispositifs encadrent de manire beaucoup plus importanteles conditions dexercice des contrles aux frontires intrieures etextrieures par les tats membres. Aussi, la logique intergouverne-mentale samenuise sous leffet de lintgration europenne et cdele pas la mthode communautaire.

    7 Conformment au protocole relatif au rle des parlements nationaux dans lUnioneuropenne, annex au Trait de Lisbonne, les parlements nationaux peuventmettre des avis motivs, aussi appel mcanisme dalerte, lorsquils estiment quunprojet dacte lgislatif nest pas conforme au principe de subsidiarit.8 Le Parlement europen avait en effet violemment ragi contre la dcision duConseil Justice et affaires intrieures de juin 2012 de modifier l'unanimit la base juridique du mcanisme d'valuation de Schengen. Cette modification avait eu pour

    effet d'exclure le Parlement europen de la procdure lgislative. Usant de mots trsdurs l'endroit du Conseil, le Parlement europen avait mme menac d'introduireun recours devant la Cour de justice.9 Rglement (UE) n 1051/2013 du Parlement europen et du Conseil du 22 octobre2013 modifiant le rglement (CE) n 562/2006 afin d'tablir des rgles communesrelatives la rintroduction temporaire du contrle aux frontires intrieures dansdes circonstances exceptionnelles, JO L 295/1 du 06.11.2013.10 Rglement (UE) n 1053/2013 du Conseil du 7octobre 2013 portant cration dunmcanisme dvaluation et de contrle destin vrifier lapplication de lacquis deSchengen et abrogeant la dcision du comit excutif du 16 septembre 1998concernant la cration dune commission permanente dvaluation et dapplication deSchengen, JO L 295 du 6.11.2013.

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    Les contrles aux frontiresintrieures de lespace Schengen

    Les modifications du Code frontires Schengen11 portent sur deuxaspects. Elles concernent tout dabord les rgles dj existantes dertablissement des contrles aux frontires intrieures. La nouvellemouture du Code introduit des exigences qui encadrent fortementlaction des tats membres. En second lieu, les modifications

    consacrent la cration dun nouveau mcanisme de rintroductiondes contrles frontaliers. La mise en uvre de ce dispositif sembletoutefois illusoire tant les conditions remplir sont nombreuses etdifficiles constituer. Dans les deux cas de figure, le nouveaudispositif procde un encadrement renforc de la clause de souve-rainet par le droit de lUE et par consquent une avance de lacommunautarisation.

    L'en cad rem ent d es rgles ex istan tes : la m isesou s tu tel le de la clause de souv erainet

    La possibilit ouverte aux tats membres de rtablir les contrles auxfrontires intrieures est une condition sine qua non de leur engage-ment dans la coopration de Schengen. Conue comme une vri-table clause de souverainet , cette possibilit tait organise enun paragraphe dans la convention d'application de l accord deSchengen adopte en 1990. Cette disposition posait les conditions debase du rtablissement des contrles frontaliers : l exigence dunemenace lordre public ou la scurit nationale ; le caractre limitde la mesure (ft-elle planifie ou exerce dans lurgence ) ; lobli-gation dinformation des autres parties la coopration.

    la suite de lintgration de lacquis de Schengen danslUnion europenne (UE) par le trait d'Amsterdam, ladoption duCode frontires Schengen en 2006 a fourni l occasion au Parlementeuropen et au Conseil d encadrer les con ditions de mise en uvrede la clause de souverainet dans le cadre du droit de l UE. En

    11 Rglement (CE) n 562/2006 du Parlement europen et du Conseil du 15 mars2006 tablissant un code communautaire relatif au rgime de franchissement desfrontires par les personnes (code frontires Schengen), JO L 105/1 du 13.04.2006.

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    quatre articles, le Code frontires Schengen dfinit et prcise lesconditions de mise en uvre des contrles frontaliers, la procdure observer notamment en cas d urgence et enfin les conditions selonlesquelles les tats peuvent prolonger les contrles frontaliers.

    La nouvelle mouture du Code frontires Schengen12

    , adoptedans le cadre du paquet gouvernance Schengen , apporte denouvelles prcisions relatives aux conditions et la procdure dertablissement des contrles qui contribuent limiter la discrtion destats membres dans la mise en uvre de la clause de souve-rainet .

    Conditions et critres pour la rintroductiondes contrles aux frontires intrieuresLe nouvel article 23 du Code frontires Schengen maintient lesconditions essentielles de mise en uvre des contrles frontaliers, savoir la menace l ordre public et le caractre exceptionnel dunetelle mesure. Il introduit nanmoins plusieurs prcisions.

    La premire prcision concerne les modalits dexercice descontrles qui seffectuent sur tous les tronons ou sur certainstronons spcifiques des frontires intrieures. Cet ajout nestfinalement que le reflet de la ralit dans la mesure o le rtablisse-ment des contrles ne doit pas forcment tre opr sur lensembledes frontires mais simplement sur certains tronons 13.

    En deuxime lieu, le Code frontires Schengen apporte desprcisions relatives la dure maximale du rtablissement des

    contrles frontaliers, quils soient planifis ou tablis en urgence. Si lertablissement planifi est toujours autoris pour une priode initialede 30 jours, le nouveau dispositif prcise que les prolongations sontpossibles par priodes de 30 jours mais pour une dure totale nexc-dant pas six mois. Ainsi, le nouveau rglement introduit une limite quinexistait pas pralablement. Dans les situations durgence, les nou-velles rgles indiquent que les contrles peuvent tre rtablis pourune priode ne dpassant pas dix jours et que la prolongation ne doitpas dpasser deux mois. En pratique, de telles limitations ne sontpas dcisives dans la mesure o jusqu prsent les tats membresnont pas introduit de contrles pour des priodes suprieures.

    La troisime prcision est en revanche plus importante. Lerglement souligne dans une nouvelle disposition que les contrles ne peuvent tre introduits quen dernier ressort . Cette obligation

    12 Rglement (UE) n 1051/2013 du Parlement europen et du Conseil du 22 octobre2013 modifiant le rglement (CE) n 562/2006 afin d'tablir des rgles communesrelatives la rintroduction temporaire du contrle aux frontires intrieures dansdes circonstances exceptionnelles, JO L 295/1 du 06.11.2013.13 Voir ce titre les rapports semestriels de la Commission sur le fonctionnement delespace Schengen.

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    doit en outre tre lue en combinaison avec le nouvel article dfinis-sant les critres qui doivent tre respects en vue de la rintroductiondes contrles frontaliers. Plus prcisment, afin de dcider du rta-blissement des contrles frontaliers en dernier ressort , ltatmembre doit exercer un contrle de ncessit et de proportionnalit. Aux termes de larticle, lorsque ltat membre dcide de rintroduireles contrles frontaliers, il doit valuer si cette mesure est, dune part, susceptible de remdier correctement la menace pour lordrepublic et, dautre part, proportionne par rapport la menace. Aucours de cette valuation, le Code frontires Schengen ajoute queltat doit notamment prendre deux lments en considrat ion. Dunepart, il doit valuer lincidence probable de toute menace pourlordre public dcoulant de menaces terroristes ou de risques lis la criminalit organise. Dautre part, cette valuation doit tenircompte de lincidence de la rintroduction des contrles sur la libertde circulation.

    En ralit, cette disposition impose aux tats membres deprocder une mise en balance des intrts entre libert et scurit.Le rtablissement des contrles aux frontires intrieures est-ilncessaire pour remdier la menace pour l ordre public ? Cettemesure est-elle proportionne, autrement dit, existe-t-il une mesuresusceptible de remdier la menace sans porter atteinte la libertde circulation ? ce titre, le prambule du rglement rappelle que conformment la jurisprudence de la Cour de justice, toutedrogation au principe fondamental de la libre circulation des per-sonnes doit tre interprte de manire restrictive et la notion d ordrepublic suppose lexistence d'une menace relle, actuelle et suffisam-ment grave pour un intrt fondamental de la socit 14 .

    Les dispositions modifies du Code frontires Schengenimposent donc de nouvelles contraintes sur les tats membres, les-quels doivent tre en mesure de rapporter la preuve de la ncessitet de la proportionnalit de la mesure adopte. Le contrle du respectde cette obligation sexerce dans le cadre dune procdure qui agalement subi quelques modifications.

    La procdure de rtablissement des contrlesaux frontires intrieuresDepuis le dbut de la coopration Schengen, les tats qui dcidentde rintroduire les contrles aux frontires intrieures, de manireplanifie ou en urgence, doivent en informer leurs partenaires. Cetteobligation formule en termes trs gnraux en 1990 a t encadrelors de ladoption du Code frontires Schengen. Ce dernier dfinissaitla liste des informations fournir et prvoyait les conditions dans les-quelles des consultations devaient prendre place afin d organiser des

    14 Point 6 du prambule du rglement (UE) n 1051/2013.

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    cooprations et dexaminer la proportionnalit des mesures envisa-ges. Les nouvelles rgles conservent cette structure et la compl-tent sur certains points prcis.

    Dans la version de 2006, le Code frontires Schengenindiquait que ltat membre qui prvoit de rtablir ou rtablit enurgence les contrles frontaliers doit informer les partenaires sur lesmotifs de la rintroduction envisage en prcisant les vnementsqui constituent une menace grave pour lordre public . Le nouveautexte va plus loin. En effet, les tats doivent fournir toutes lesdonnes pertinentes dtaillant les vnements qui constituent unemenace grave pour lordre public .

    Dsormais, la simple rfrence un vnement ne suffiraplus rtablir les contrles aux frontires intrieures. Il appartiendra ltat membre concern de prsenter tous les lments pertinentsrelatifs lvnement et de justifier sur la base de l valuation des

    intrts en prsence la dcision de rtablir les contrles frontaliers.Le rglement prcise en outre que la Commission peut le caschant demander un complment d'information l'tatconcern .

    Le renforcement de lobligation dinformation est accompagnpar lorganisation dun processus de consultation tendu. D une part,les informations fournies par ltat membre, y compris les informa-tions classifies, sont prsentes au Parlement europen et auConseil. Si cela tmoigne dune certaine forme de communau-tarisation de la procdure, cela permet galement un contrlepolitique notamment de la part du Parlement europen. Dautre part,la Commission et dsormais les tats membres peuvent mettre unavis sur les informations transmises. La Commission est en revanchetenue de produire un avis si elle estime que la mesure envisage nesatisfait pas au critre de ncessit et de proportionnalit.

    Enfin, la phase de consultation qui succde aux avis peutdsormais tre complte par des runions conjointes entre l tatprvoyant le rtablissement des contrles frontaliers et les autrestats, notamment ceux directement concerns par la mesure. Ainsi,lintervention des parties prenantes ne s effectuera plus seulementsous forme de consultations informelles mais pourra dans certainescirconstances prendre la forme de runions permettant chacundvaluer la ncessit et la proportionnalit des mesures envisages.

    En rsum, chaque tat souhaitant rtablir les contrlesfrontaliers devra sen expliquer auprs de la Commission et de sespartenaires et au besoin les convaincre loccasion de runionsconjointes. Ce processus dexplication emporte trois cons-quences majeures. Tout dabord, le nouveau dispositif procde unencadrement particulirement important du pouvoir discrtionnairedes tats membres. Ou, pris sous un autre angle, la clause desauvegarde des tats membres est soumise un puissant phno-mne de communautarisation . Ensuite, ce dispositif permettra la Commission ou un tat membre de saisir la Cour de justice dans

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    lhypothse o un tat rtablit les contrles frontaliers sans avoirconvaincu ses partenaires du caractre ncessaire et proportionnde la mesure. Enfin, dans un contexte politique tendu o la libert decirculation est instrumentalise, notamment des fins lectoralistes,ladoption d'un cadre juridique contraignant sauvegarde lespace delibre circulation.

    En dfinitive, la modification des dispositions existantes duCode frontires Schengen, par la mise sous tutelle de la clausede sauvegarde , est une tape majeure du processus d'intgrationde Schengen. Cet encadrement de la souverainet des tats a toute-fois t clips par le dbat relatif la cration d'un nouveau mca-nisme de rtablissement des contrles aux frontires intrieures.

    Le n ouveau m canis m e de rin tr oduc tion

    des con trles fron taliersCest assurment le dispositif qui a attir toutes les attentions. Fruitdes gesticulations politiques des prsidents Sarkozy et Berlusconiqui avaient fait du rtablissement des contrles aux frontires int-rieures le symbole de lautorit des tats sur le fonctionnement delespace Schengen, le rsultat atteint est loin de leurs esprances. Eneffet, le mcanisme institu est profondment europen dans salogique interne et risque de ntre jamais mis en uvre .

    Une dcision nationale prise selon une procdurespcifique au niveau de lUnion 15 Le nouvel article 26 du Code frontires Schengen prvoit lapossibilit de rintroduire temporairement les contrles aux frontiresintrieures en cas de circonstances exceptionnelles mettant en prille fonctionnement global de lespace sans contrle aux frontiresintrieures . Cette disposition est complexe et soulve de nombreu-ses questions dordre juridique.

    Rappelons, en premier lieu, que ce dispositif prserve lalogique de la coopration Schengen. Dune part, le nouveau mca-nisme est sans prjudice de la possibilit pour les tats de rtablir lescontrles sur le fondement classique d une menace l ordre publicde l'tat membre concern16. Dautre part, le nouveau mcanisme nemodifie pas le principe selon lequel la dcision de rtablir lescontrles frontaliers appartient aux tats membres.

    15 Voir point 9 du prambule.16 Comme lindique larticle 26 paragraphe 5 : Le prsent article est sans prjudicedes mesures que les tats membres sont susceptibles d'adopter en cas de menacegrave pour l'ordre public ou la scurit intrieure au titre des articles 23, 24 et 25 .

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    Dans sa proposition lgislative, la Commission avait en effetpropos de modifier ce dispositif en sattribuant le pouvoir de dciderdu rtablissement des contrles aux frontires intrieures. Si cetteproposition tait politiquement inacceptable pour les tats membres,elle tait galement difficile soutenir juridiquement. En effet,larticle 72 du trait sur le fonctionnement de lUnion europenne(TFUE) indique que la responsabilit du maintien de lordre public etla sauvegarde de la scurit intrieure incombent aux tatsmembres. Ds lors que le rtablissement des contrles frontaliers estfond sur une menace pour lordre public, comme le proposait laCommission, la dcision de rintroduire les contrles aux frontiresintrieures relve des tats membres 17.

    Cela tant dit, les nouvelles rgles situent cette prrogativenationale dans une procdure spcifique au niveau de l'Unioneuropenne qui mrite d'tre claire et discute. En effet, lanouveaut rside dans le fait que la dcision nationale de rtablir lescontrles frontaliers est adopte sur recommandation du Conseil,adopte elle-mme sur proposition de la Commission europenne.

    Ce sont donc deux institutions de lUE, le Conseil et laCommission (doffice ou sur demande des tats membres), qui sont l'initiative de la procdure. Si la recommandation na pas de porte juridique contraignante, elle revt nanmoins dans le cadre de cetteprocdure une dimension politique relle. Dune part, la recomman-dation est adopte par le Conseil, cest --dire par des pairs, et surproposition de la Commission. Cette procdure organise a pour effetdenjoindre politiquement ltat concern rtablir les contrlesfrontaliers. Dautre part, larticle 26, paragraphe 3, prvoit que ltatmembre qui ne met pas en uvre la recommandation en communi-que sans tarder les motifs par crit la Commission . Larticle ajouteque la Commission fait ensuite un rapport au Parlement europen etau Conseil valuant les motifs prsents par ltat membrercalcitrant et les consquences de cette inaction pour la protectiondes intrts communs au sein de lespace sans contrle auxfrontires intrieures. En fin de compte, le processus est politique-ment contraignant et sinscrit pleinement dans une dimension insti-tutionnelle europenne.

    On constate galement un renforcement de la dimensioneuropenne lorsqu on analyse les conditions qui peuvent conduire le

    Conseil recommander le rtablissement des contrles frontaliers.Parmi les nombreuses conditions qui fondent ladoption dune recom-mandation, et sur lesquelles nous reviendrons en dtail plus loin,figure celle selon laquelle les circonstances exceptionnelles en cause reprsentent une menace grave pour l ordre public ou la scuritintrieure dans lespace sans contrle aux frontires europennes ou

    17 Sans aborder ici lhypothse dune dcision simposant aux tats associs lespace Schengen sans quils aient pris part au vote.

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    dans des parties de cet espace . Ce nest donc plus la menace lordre public national qui dclenche le mcanisme mais la menace lordre public dans lespace commun de libre circulation.

    Face une telle formulation, lobservateur peut opter pourdeux interprtations radicalement opposes. La premire interprta-tion reviendrait considrer que cette condition qui fonde le rta-blissement des contrles frontaliers ne trouve aucune base juridiquedans le trait. En effet, et en application de larticle 72 du TFUE18, lesdrogations au principe de libert de circulation ne peuvent trefondes que sur une menace l ordre public de ltat membre.

    La seconde interprtation serait plus volutive et sappuieraitsur la dynamique de lintgration europenne. Il sagirait de consi-drer que lUE et les tats membres ont franchi une tape dans laconception de lespace commun et en direction de la cration d'un ordre public europen . Nous avions dj soulign que la circons-

    tance que l ordre public national fonde le rtablissement descontrles aux frontires intrieures, et par consquent le morcelle-ment de lespace europen de libre circulation, posait la question dela dfinition d'un ordre public europen 19. La formulation consa-cre par le nouvel article 26 du Code frontires Schengen serait alorsla manifestation de cette nouvelle approche. Ainsi, le rtablissementdes contrles frontaliers se fonderait, dans des circonstancesexceptionnelles, sur cette conception de lordre public leve auniveau de lUnion. Dans cette logique, et linstar de la citoyenneteuropenne, lordre public europen ne se substituerait pas auxordres publics nationaux mais viendrait les complter.

    Il est difficile daffirmer la prvalence de lune ou lautreinterprtation. Par optimisme naturel, on serait tent de pencher pourla seconde solution, mais seule la Cour de justice pourrait tranchercette question, si toutefois on lui en faisait la demande.

    Quoi quil en soit, et pour en revenir aux dispositions du Codefrontires Schengen, la dcision nationale s inscrit effectivement dansune procdure spcifique au niveau de lUnion . Ce dispositif esten dfinitive bien loign des proccupations qui animaientMM. Sarkozy et Berlusconi aux premiers matins du printempsarabe , lesquels voyaient dans la gouvernance Schengen lopportunit dune reprise en main nationale.

    18 Le prsent titre ne porte pas atteinte l'exercice des responsabilits quiincombent aux tats membres pour le maintien de l'ordre public et la sauvegarde dela scurit intrieure .19 Y. Pascouau, Schengen et la solidarit : le fragile quilibre entre confiance etmfiance mutuelles , Policy Paper 55 , Notre Europe/European Policy Centre, 2012,p. 19.

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    Des conditions strictes rendant la mise en uvre du mcanisme illusoire ?Linconnue entourant les critres de mise en uvre du nouveaumcanisme avait rapidement t leve par le Conseil europen de juin 2011. Ce dernier avait en effet dfini prcisment le cadre queles nouvelles rgles devaient respecter. Le lgislateur n a pas drogaux directives manant du Conseil europen.

    Larticle 26 du Code frontires Schengen dfinit donc lesconditions dans lesquelles le Conseil peut recommander le rta-blissement des contrles aux frontires intrieures un ou plusieurstats membres. Ainsi, dans des circonstances exceptionnellesmettant en pril le fonctionnement global de lespace sans contrleaux frontires intrieures du fait de graves manquements persistantslis au contrle aux frontires extrieures () et dans la mesure oces circonstances reprsentent une menace grave pour l ordre publicou la scurit intrieure dans lespace sans contrle aux frontiresintrieures ou dans des parties de cet espace, le contrle aux fron-tires intrieures peut tre ri ntroduit () pour une priode nexc-dant pas six mois . Le Code frontires Schengen ajoute que larecommandation du Conseil intervient en dernier recours et titrede mesure de protection des intrts communs .

    Plus simplement, le Conseil ne peut agir que si plusieurslments sont runis, savoir des circonstances exceptionnelles quimettent en pril lespace commun ; des manquements graves etpersistants de la part d un tat membre dans sa mission de contrledes frontires extrieures ; une menace grave pour l ordre public de

    lespace commun ; et, enfin, si aucune mesure de soutien spcifiquerecommande par la Commission lors de son valuation desmanquements graves, telle que le dploiement dquipes euro-pennes de gardes-frontires ou la prsentation de plans strat-giques, na permis de juguler la menace grave constate. Au surplus,les nouvelles rgles imposent au Conseil d valuer la ncessit et laproportionnalit de la mesure recommande sur la base d'infor-mations dtailles fournies par les diffrentes parties prenantes.Enfin, il faut souligner que la recommandation du Conseil ne peut treprise que sur proposition de la Commission. Autrement dit, la Com-mission doit tre convaincue que les conditions sont remplies pourprsenter une proposition en ce sens.

    Il est donc particulirement difficile dimaginer dans quellescirconstances le Conseil sera conduit adopter une recommandationportant sur le rtablissement des contrles aux frontires intrieuresdun ou de plusieurs tats membres. En effet, les conditions requisesne peuvent effectivement tre runies que dans des circonstancesexceptionnelles.

    Le cas de la Grce, qui connat de grandes difficults dans lagestion de sa frontire extrieure, pourrait pour certains illustrer unesituation o les circonstances exceptionnelles seraient runies. Riennautorise aujourdhui de corroborer une telle hypothse. En effet,

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    laide dont bnficie le pays produit des effets positifs sur sa capacit grer la frontire extrieure. En outre, aucune procdure portant surune menace grave l ordre public, national ou europen, na tengage. Enfin, labsence de continuit territoriale entre la Grce etles autres pays de l espace Schengen 20 minimise lhypothse d unemenace grave l ordre public et la scurit intrieure de lespacesans contrle aux frontires intrieures.

    En fin de compte, il est permis de penser que la procdurespcifique dfinie larticle 26 du Code frontires Schengen ne soit jamais mise en uvre. Ce constat est renforc par l hypothsequavant mme que cette procdure soit engage, les tats membresauront dclench les procdures classiques de rtablissement descontrles frontaliers tablis sur la menace lordre public national.

    Au fond, la nouvelle procdure sapparente l arme nuclaire,limportant nest pas de l utiliser mais de la possder. On peut toute-

    fois douter de lutilit dune telle arme dans un domaine o lalibert de circulation est le principe. moins que cette procdure aitpour objectif inavou de sanctionner les tats membres qui nerempliraient pas ou plus leur mission de contrle aux frontiresextrieures. Mais ici aussi, le procd est disproportionn dans lamesure o le droit de lUE dispose de mcanismes correctifspuissants tels que les mesures de soutien financier et oprationnel eten cas de besoin le recours en manquement.

    Si la modification du Code frontires Schengen contribue aurenforcement du caractre communautaire de la procdure classique du rtablissement des contrles aux frontires int-rieures, notamment par ladjonction de critres qui renforcent lesobligations pesant sur les tats membres, le nouveau mcanisme derintroduction des contrles frontaliers suit cette logique mais demanire moins prononce. Dune part, mme soumise une pro -cdure faisant intervenir la Commission et le Conseil, la dcision dertablir les contrles reste nationale. Dautre part, lorsque la Com-mission value les manquements graves dans lexcution descontrles aux frontires extrieures, elle peut recommander ltatmembre valu de prendre des mesures spcifiques mais ne peut luirecommander de fermer un point de passage frontalier. Si cettepossibilit figure au point8 du prambule, elle nest pas reprise danslarticle 19 bis, ce qui tmoigne de la rticence des tats

    reconnatre ce pouvoir la Commission.Malgr quelques rsistances marques, tenant au caractre

    souverain de la matire, la rvision du Code frontires Schengen pro-cde un approfondissement de la communautarisation. Une logiquesimilaire a aussi concern le second volet du paquet gouvernanceSchengen relatif au mcanisme d valuation de Schengen.

    20 Jusqu ladhsion de la Roumanie et de la Bulgarie lespace Schengen.

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    Le mcanisme d valuationSchengen

    Dune importance cruciale pour le fonctionnement de Schengen, lemcanisme dvaluation est longtemps rest un domaine rserv un groupe dinitis . Il est sorti de lanonymat au cours des ngo -ciations la faveur dun contentieux entre le Conseil et le Parlementeuropen portant sur la base juridique de la proposition de modi-

    fication. vinc de la procdure lgislative la suite de la modifi-cation de la base juridique par le Conseil21, le Parlement europen aviolemment ragi. Il a menac le Conseil dintroduire un recours enannulation contre le futur rglement modifiant le mcanisme dvalua-tion et, en violation du principe de coopration loyale22, de geler pen-dant un an les discussions avec le Conseil sur cinq propositions lgis-latives relevant du domaine de la justice et des affaires intrieures.Les effets de manche et autres coups de menton passs, leConseil a adopt en troite collaboration avec le Parlement europenle rglement portant cration dun mcanisme dvaluation deSchengen 23. Ce nouveau dispositif dfinit des nouvelles modalits delvaluation de lapplication de lacquis de Schengen et dtermine ce

    faisant le rle de la Commission et du Conseil.

    Un e n ouvelle r part it io n des com pten ces

    Le mcanisme dvaluation de lacquis de Schengen a t labor en1998 dans le cadre de la coopration intergouvernementale de

    21 La proposition visant modifier les modalits de lvaluation Schengen taitinitialement fonde sur une base juridique impliquant une procdure de

    codcision (art. 77 TFUE). Le Conseil, sur avis de son service juridique, a dcid lunanimit en juin 2012 de modifier la base juridique du texte (art. 70 TFUE)transformant le Parlement europen en simple observateur.22 Larticle 13, paragraphe 2, du TUE indique Chaque institution agit dans leslimites des attributions qui lui sont confres dans les traits, conformment auxprocdures, conditions et fins prvues par ceux-ci. Les institutions pratiquent entreelles une coopration loyale .23 Rglement (UE) n 1053/2013 du Conseil du 7octobre 2013 portant cration dunmcanisme dvaluation et de contrle destin vrifier lapplication de lacquis deSchengen et abrogeant la dcision du comit excutif du 16 septembre 1998concernant la cration dune commission permanente dvaluation et dapplication deSchengen, JO L 295 du 6.11.2013.

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    Schengen. Faisant logiquement la part belle aux autorits nationales,ce dispositif devait tre modifi.Lobjectif tait, dune part, den ren-forcer lefficacit et, dautre part, de lancrer dans le nouveau cadre juridique et institutionnel issu de la communautarisation de 1999 et delentre en vigueur du trait de Lisbonne. Au-del des amliorationsen termes de contrles, sur lesquelles nous reviendrons, une ques-tion centrale concernait la rpartition des comptences autrementdit, la part de pouvoir devant choir la Commission europenne.

    Sans surprise, et comme cela est de coutume dans leprocessus lgislatif europen, la Commission a prsent une proposi-tion ambitieuse dans laquelle son rle tait galement dfini demanire large. Ainsi, et ds 201024, la Commission considrait quelledevait tre charge de la mise en uvre du mcanisme dvalua-tion et dpositaire dun pouvoir de recommandation vis--vis destats membres valus 25. Cette organisation des pouvoirs refltait lesouci de la Commission de rtablir sa responsabilit dans le nouveaucadre institutionnel et dans son rle de gardienne des traits.

    Si lacquis de Schengen a bien t intgr dans lUE, leslogiques prsidant au fonctionnement de la coopration relventencore grandement des rflexes intergouvernementaux. Parconsquent, ter aux tats membres le contrle et la matrise delvaluation ntait pas acceptable. Le texte final rtablit donc lacoopration de Schengen dans une logique plus quilibre .

    Tout dabord, ce sont les tats membres et la Commission quiont la responsabilit commune de la mise en uvre du mcanismedvaluation et de suivi26 . Ainsi, la Commission a droit de cit dansle nouveau dispositif mais de manire progressive. Elle assure laplanification et la prparation des valuations, participe aux valua-tions et adopte les rapports dvaluation.

    Ensuite, le pouvoir de recommander des mesures correctivesdestines remdier aux manquements des tats valus relve dupouvoir du Conseil. La justification du maintien de cette comptencea donn lieu la rdaction dun des points, si ce nest le point deprambule le plus long de lhistoire lgislative27. Ainsi, le maintien dela comptence au profit du Conseil est justifi par trois lments.

    Dune part, la logique spcifique de larticle 70 du trait quipermet dinstituer un contrle par les pairs drogatoire au contrle

    normalement exerc par la Commission. Dautre part, cette

    24 Proposition de rglement du Parlement europen et du Conseil portant crationdun mcanisme dvaluation destin contrler lapplication de lacquis deSchengen, COM(2010) 624 final, 16.11.2010.25 Proposition modifie de rglement du Parlement europen et du Conseil portantcration dun mcanisme dvaluation destin contrler lapplication de lacquis deSchengen, COM(2011) 559 final, 16.09.2011.26 Article 3 du rglement n 1053/2013.27 Point 11 du prambule du rglement n 1053/2011.

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    procdure spcifique assure le maintien dun processus politiquepuisque les dfaillances doivent tout dabord tre discutes entrepairs, cest--dire au niveau ministriel. Cela correspond, enfin, aucaractre sensible du domaine car les recommandations concernentsouvent des comptences excutives des tats et () celles dontils jouissent en matire dapplication de la loi .

    Pour simplifier, lvaluation de lapplication de Schengen estun domaine sensible pour les tats membres et ils entendent bienconserver la matrise de ce processus qui pourrait mettre en causelun ou lautre dans son action aux frontires. Cette organisationconstitue en tout tat de cause une communautarisation delvaluation Schengen par rapport ce qui existait prcdemment. LaCommission permanente dvaluation de Schengen, institue en1998 et compose de reprsentants des tats, disparat au profit dela Commission et du Conseil. Ce sont donc deux institutions de l'UE,la Commission et le Conseil, qui remplacent une structure inter-gouvernementale. Ensuite, la prsence de la Commission tous lesstades de lvaluation et en particulier au niveau de la planification etde la prparation aura en pratique pour effet de dplacer une grandepartie de lvaluation dans son chef au dtriment des tats membres.Enfin, lensemble des actions menes dans le cadre de lvaluationsexerce sous le contrle juridique de la Cour de justice et politiquedu Parlement europen et des parlements nationaux. Au final, lesmcanismes d'une coopration qui avaient t dvelopps en dehorsdu cadre juridique de lUnion, justement pour carter la Commission,la Cour et le Parlement basculent dans la logique communautaire.

    La question sensible des pouvoirs rgle, vient celle moinsdifficile de la dfinition des contrles mettre en uvre et de leurrgime.

    Lorganisation des valuations

    Le rglement dfinit le champ dapplication des valuations, le typedvaluations qui peuvent tr e mises en uvre et les effets de cesvaluations.

    Le champ d'application des valuationsConformment au nouveau rglement, lvaluation porte sur lapplication et les conditions ncessaires l application desrgles Schengen. Cette distinction concerne, dune part, lvaluationde lapplication des rgles par les tats qui sont membres de l espaceSchengen et, d autre part, lvaluation des conditions de lapplicationpour les tats candidats l entre dans cet espace. Le texte prcisetoutefois que cette valuation aux fins de lentre dans l espaceSchengen n est pas applicable aux tats membres dont l valuationtait dj acheve au moment de l entre en vigueur du prsentrglement . Autrement dit, cela ne modifie pas les valuations dj

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    effectues et termines pour la Roumanie et la Bulgarie 28. En outre,tant donn que lvaluation concernant Chypre a dj dbut sur labase de lancien mcanisme, le nouveau ne pourra lui tre applicableavant janvier 201629.

    Comme lindique le prambule du rglement, le mcanismedvaluation et de suivi devrait couvrir tous les aspects de lacquisde Schengen 30. Si cela concerne au premier abord lvaluation descontrles effectus aux frontires extrieures et l absence descontrles aux frontires intrieures, larticle 4 du rglement souligneque le champ des valuations est beaucoup plus large. Les valua-tions peuvent en outre concerner lapplication effective et efficace desmesures daccompagnement dans les domaines de la politique desvisas, du systme dinformation Schengen, de la protection desdonnes, de la coopration policire et de la coopration judiciaire enmatire pnale. Autrement dit, ce ne sont pas seulement les aspectsfrontaliers stricto sensu qui font lobjet dune valuation mais bienlensemble des mesures qui permettent l existence et le maintien dunespace de libre circulation sans contrle aux frontires intrieures.Ltendue du champ justifie lutilisation de larticle 70 du trait commebase juridique.

    Enfin, le prambule procde plusieurs rappels d importance.Il souligne tout dabord que lvaluation de lapplication de Schengendoit englober les actes lgislatifs pertinents et les activits opra-tionnelles31. Autrement dit, lvaluation concerne tant laction norma-tive de mise en uvre que son versant oprationnel. Ensuite, le texteindique que lvaluation doit permettre de garantir que lapplication deSchengen s effectue dans le respect des principes et normes fonda-mentaux, cest--dire dans le respect des droits de l homme. Leprambule ajoute que lors de lvaluation et du contrle, il convientdaccorder une attention particulire au respect des droits fonda -mentaux lors de lapplication de l'acquis de Schengen 32 .

    Laccent mis sur le respect des droits fondamentaux entraneun certain nombre de consquences. Il appartient en premier lieu laCommission de sassurer que le cadre de l valuation, quil sagissedes questionnaire s ou des programmes dtaills d inspections, soiteffectivement ax sur le respect des droits fondamentaux. dfaut,et en deuxime lieu, labsence de rfrence satisfaisante cetteobligation pourrait constituer un puissant levier de contrle et donc de

    pression pour le Parlement europen. Enfin, il est tout fait possibledimaginer une action devant la Cour de justice visant annuler unquestionnaire pour une prise en compte insuffisante des droitsfondamentaux dans lvaluation.

    28 Point 28 du prambule du rglement n 1053/2013.29 Point 27 du prambule du rglement n 1053/2013.30 Point 13 du prambule du rglement n 1053/2013.31 Point 15 du prambule du rglement n 1053/2013.32 Point 14 du prambule du rglement n 1053/2013.

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    Les types d'valuationLarticle 4 indique que les valuations peuvent s effectuer au moyende quest ionnaires ou dinspections sur places qui peuvent treannonces ou, et c est une relle avance dans ce domaine,inopines.

    Ces inspections sont organises sur la base dun programmepluriannuel quinquennal tabli par la Commission. Ce programmeindique lordre des tats membres qui doivent tre valus chaqueanne, sachant que chaque tat doit tre valu au cours de cettepriode de cinq ans. La Commission adopte galement des pro-grammes dvaluation annuels tablis partir de lanalyse desrisques fournie par l Agence Frontex33. Ces programmes comportentun calendrier provisoire des inspections sur place, numrent lestats membres devant tre valus et comprennent les propositionsdvaluation de lapplication de lacquis de Schengen par un tat

    donn ou un groupe dtats lorsque lvaluation porte sur des partiesspcifiques de lacquis de Schengen. Le programme dvaluationannuel contient galement une partie non communique fixant la listedes inspections inopines.

    Si lenvoi de questionnaires et l organisation dinspections surplace taient dj utiliss dans le cadre de l ancien mcanismed'valuation, la possibilit de dployer des inspections sur placeinopines doit permettre un renforcement significatif du mcanismedvaluation et par consquent de la confiance mutuelle entre lestats membres. Cela ne sera toutefois possible que dans la mesureo le caractre inopin, et donc secret , de l opration est assur.

    Cette condition devrait tre remplie pour ce qui concerne les inspec-tions aux frontires intrieures qui ne font lobjet daucune notificationpralable. Cette prsomption nest pas garantie en ce qui concerneles inspections aux frontires extrieures. En effet, le rglementindique que le programme dtaill de ces inspections, tabli par laCommission, est transmis ltat intress au moins 24 heuresavant . Cela signifie quil peut tre transmis plusieurs jours avant, cequi rduit le caractre imprvu de la visite. En outre, une dispositiondu rglement ouvre la voie des fuites potentielles. En effet, lesexperts nationaux participants aux inspections inopines sontnomms au plus tard 11 jours avant le dbut de celles-ci 34.

    Indpendamment des risques de fuite , l organisationdinspections inopines constitue assurment un lment importantdu renforcement du mcanisme dvaluation. En effet, ce type

    33 Dans le cadre de ses missions, lagence Frontex publie un rapport annuel sur lesflux migratoires aux frontires extrieures de lUnion europenne. 34 Article 10, paragraphe 2, Lorsque l'inspection sur place est inopine, laCommission invite les tats membres nommer des experts au plus tard deuxsemaines avant la date prvue pour le dbut de l'inspection sur place. Les tatsmembres nomment des experts dans un dlai de soixante-douze heures compterde la rception de cette invitation .

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    dinspections permet de mettre un terme un exercice dvaluationpar les pairs particulirement inoprant puisque programm. Dautrepart, le rle attribu la Commission dans la ralisation des question-naires, la direction des inspections et ltablissement des pro-grammes dtaills des inspections sur place est une garantied objectivation de lvaluation.

    En fin de compte, le nouveau dispositif assure un quilibreintressant entre les diffrents acteurs invits prendre part danstout le processus dvaluation. Ce dispositif devrait aussi assurer lemaintien dun haut niveau de confiance mutuelle sans lequel lacoopration de Schengen ne peut rellement fonctionner.

    Les e ffets de l valuationLes valuations, questionnaires ou inspections sur place, donnentlieu ltablissement de rapports d valuation dont la responsabilitincombe aux experts des tats membres et aux reprsentants de laCommission. Ces rapports dressent la liste de tous les manquementsconstats durant lvaluation et les classent selon trois catgoriesdfinies : conforme ; conforme mais amliorations nces-saires et non conforme .

    Le projet de rapport dvaluation est transmis ltat valuqui peut soumettre des observations en mesure dtre prises encompte dans le projet de rapport d valuation. Ces documents sonttransmis aux tats membres qui peuvent formuler des observations. lissue de ces changes, la Comm ission adopte le rapport dvalua-tion. Ce rapport peut tre accompagn de recommandations sur lesmesures correctives adopter pour remdier au(x) manquement(s)constat(s), telles que le dploiement dune opration Frontex. Surcette base, la Commission peut prsenter une proposition au Conseilpour quil adopte, la majorit qualifie, les recommandations.

    Ces recommandations obligent ltat vers lequel elles sontdiriges prsenter dans des dlais variables, en fonction de la gra-vit de la situation, un plan daction destin remdier au(x) manque-ment(s) constat(s). Il est galement invit chances rgulires rendre compte de la mise en uvre effective du plan. En cas demanquements persistants, la Commission peut programmer de nou-velles inspections sur place. Si les manquements perdurent et met-

    tent en pril le fonctionnement global de lespace sans contrle auxfrontires intrieures, la procdure de rtablissement des contrlesaux frontires intrieures peut tre engage.

    Le nouveau dispositif a pour principal objet dassortir lva-luation de mesures ayant pour objectif de corriger les manquementsconstats pouvant conduire, si ncessaire et en dernier ressort ,au dclenchement dune procdure de rtablissement des contrlesaux frontires intrieures. Si on a dj indiqu que la perspective dertablissement de tels contrles semble en ltat actuel illusoire, leprocessus nest pas dpourvu de mcanismes de pression politique.

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    En effet, le nouveau rglement impose la Commission de tenir leParlement europen et les parlements nationaux informs de toutesles tapes et rsultats de l valuation. Ces institutions peuvent jouerici un puissant rle politique dans la rsolution des manquements.

    Attendu depuis plusieurs annes dj, le mcanisme d va-luation Schengen est dsormais en phase avec son temps. Il orga-nise tout dabord la rpartition des comptences entre les institutionseuropennes dans un domaine dont elles taient jusqu prsentabsentes. Il prvoit ensuite des mcanismes permettant de rpondre esprons efficacement aux manquements constats dans l appli-cation de lacquis de Schengen aux frontires intrieures et ext-rieures. Ces modifications sont cruciales dans la mesure o ellesdoivent assurer un haut degr de confiance mutuelle entre les tatsmembres et par consquent le maintien de la libre circulation danslespace Schengen.

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    Conclusion

    Il aura donc fallu deux annes pour que le paquet gouvernanceSchengen soit adopt. Trs fortement politise, la n gociation napas t un long fleuve tranquille. Ds le dbut, la Commission euro-penne a prsent des propositions lgislatives qui ont, par lespouvoirs transfrs lexcutif communautaire, fortement crisp lestats membres. Ensuite, la dcision du Conseil de modifier la base juridique et dexclure le Parlement europen de la procdure dadop-

    tion du mcanisme dvaluation de Schengen a constitu un nouveaumoment de tension politique. Ragissant de manire virulente aprslannonce de la modification de la base juridique, le Parlement a tentpendant plusieurs semaines de rtablir vaille que vaille son rle. Ainsi, il a cherch lier le texte relatif au mcanisme dvaluation celui portant sur le Code frontires Schengen par le biais dune bridging clause . Celle-ci devait permettre en ralit de relier lesdeux textes, de sorte que toute modification de lun aurait entrancelle de lautre et permis ce faisant au Parlement europen deprendre part la dcision dans les deux textes. Malgr des effortsrpts, le Parlement nest pas parvenu ses fins et a juste obtenu ledroit dtre inform35. Les tats membres de leur ct ont manifestune vigilance de tous les instants afin de protger autant que faire sepeut leurs prrogatives.

    Malgr un contexte politique particulirement lourd, obligeantles institutions concder, voire abdiquer certains pouvoirs, langociation a abouti un rsultat quilibr, bien quoppos auxobjectifs initiaux de la France et de lItalie. Lestats membres sontparvenus faire respecter leurs prrogatives en matire dordrepublic, la Commission a obtenu un rle plus important dans tous lesdomaines, y compris celui de lvaluation, qui augmentera trscertainement dans la pratique et le Parlement europen est devenuun acteur part entire de la gouvernance Schengen. En fin de

    compte, le rsultat atteint dans la ngociation du paquet gou-vernance Schengen est trs loign des gesticulations politiquesqui ont prsid son lancement en avril 2011. Il est plus prcismentle reflet du phnomne dintgration europenne o les confron -

    35 Le nouvel article 37 bis du Code frontires Schengen indique seulement LeParlement europen est immdiatement et pleinement inform de toute propositionvisant modifier ou remplacer les rgles nonces dans le rglement (UE)n 1053/2013 .

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    tations entre mthode communautaire et logique intergouverne-mentale laissent le pas des quilibres plus subtils.

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    Bibliographie indicative

    P. Berthelet, La gouvernance Schengen , le sentierprilleux de la rforme. Commentaires et analyses sur les travaux encours , Revue du droit de lUnion europenne , n 4, dcembre 2012.

    C. Blumann (dir.), Les frontires de lUnion europenne ,Bruylant, 2013.

    H. Brady, Saving Schengen. How to protect passport-free

    travel Europe , Centre for European Reform, 20 janvier 2012.S. Carrera, E Guild, M. Merlino et J Parkin, A Race against

    Solidarity: The Schengen Regime and the Franco-Italian Affair ,CEPS, avril 2011.

    S. Carrera, An assessment of the Commissions 2011Schengen Governance Package. Preventing abuse by EU memberstates of freedom of movement ? , Paper n 47 , Centre for EuropeanPolicy Studies, 2012

    A. Lazarowicz, A Dangerous UK Consensus on freemovement of EU Citizens , Commentary , European Policy Centre,mars 2013.

    B. Nascimbene et A. Di Pascale, The Arab Spring and theExtraordinary Influx of People who Arrived in Italy from North Africa ,European Journal of Migration and Law , 2011.

    Y. Pascouau and S. McLoughlin, Migratory flows from North Africa: challenges for the EU , Commentary , European PolicyCentre, mars 2011.

    Y. Pascouau, Schengen area under pressure: controversialresponses and worrying signs , Commentary , European PolicyCentre, mai 2011.

    Y. Pascouau, Schengen area under pressure # 2: TheCommission recalls the EU nature of the Schengen system ,Commentary, European Policy Centre, mai 2011.

    Y. Pascouau, Internal border controls in the Schengen area:much ado about nothing? , Commentary , European Policy Centre, juin 2011.

    Y. Pascouau, The Schengen evaluation mechanism and thelegal basis problem: breaking the deadlock, Policy Brief , EuropeanPolicy Centre, 2012.

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    Y. Pascouau / Le paquet gouvernance Schengen

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    Y. Pascouau, Schengen et la solidarit : le fragile quilibreentre confiance et mfiance mutuelles , Policy Paper 55 , NotreEurope/European Policy Centre, 2012.

    Y. Pascouau, Schengen, de lintergouvernemental aucommunautaire , Migration Magazine n 9 , Hiver 2013.

    Y. Pascouau, Strong attack against the freedom ofmovement of EU citizens: turning back the clock ,Commentary ,European Policy Centre, avril 2013.

    S. Peers, The Future of the Schengen System , SIEPS,novembre 2013.

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    Notes du Cerfa

    Publie depuis 2003 un rythme mensuel, cette collection estconsacre lanalyse de lvolution politique, conomique et socialede lAllemagne contemporaine : politique trangre, politique int-rieure, politique conomique et questions de socit. Les Notes duCerfa sont des textes concis, caractre scientifique et de naturepolicy oriented. linstar des Visions franco-allemandes , les Notes du Cerfa sont accessibles sur le site Internet du Cerfa, o

    elles peuvent tre consultes et tlcharges gratuitement.

    Derni res p ub lic ation s d u Cerfa

    Henrik Uterwedde, La fin des divergences ? Perspectives des politiques conomiques franaises et allemandes , Visions franco-allemandes , n 23, octobre 2013.

    Dorothe Schmid, Allemagne, France, Turquie : latriangulation des puissances , Note franco-turque, n 9 / Note duCerfa n 105 , septembre 2013.

    Stormy-Annika Mildner, Henning Riecke et ClaudiaSchmucker, Vers un renouveau du partenariat transatlantique ? Lesrelations germano-amricaines sous Obama II , Note du Cerfa ,n 104, juillet 2013.

    Georg Fahrenschon, Union bancaire : la position des caissesdpargne allemandes , Note du Cerfa , n 103, juillet 2013.

    Hubertus Bardt, La transition nergtique : un dfi pourlindustrie allemande, Note du Cerfa , n 102, juin 2013.

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    Le Cerfa

    Le Comit dtudes des relations franco-allemandes (Cerfa) a tcr en 1954 par un accord gouvernemental entre la Rpubliquefdrale dAllemagne et la France. Le Cerfa bnficie dun finance-ment paritaire assur par le ministre des Affaires trangres etlAuswrtiges Amt ; son conseil de direction est constitu dunnombre gal de personnalits franaises et allemandes.

    Le Cerfa a pour mission danalyser les principes, les condi-tions et ltat des relations franco-allemandes sur le plan politique,conomique et international ; de mettre en lumire les questions etles problmes concrets que posent ces relations lchelle gouver -nementale ; de trouver et de prsenter des propositions et dessuggestions pratiques pour approfondir et harmoniser les relationsentre les deux pays. Cette mission se traduit par lorganisation rgu-lire de rencontres et de sminaires runissant hauts fonctionnaires,experts et journalistes, ainsi que par des travaux de recherche mensdans des domaines dintrt commun.

    Hans Stark assure le secrtariat gnral du Cerfa depuis1991. Yann-Sven Rittelmeyer est chercheur au Cerfa et responsablede la publication des Notes du Cerfa et des Visions franco-allemandes . Nele Wissmann est charge de mission dans le cadredu projet Dialogue davenir .