la croix des mathématiciens...Lalogiqueoul’artdepenser(1662)...

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histoires d’arithmétique

Le scandale des irrationnellesla croix des mathématiciens

hist-math.fr Bernard Ycart

La mort d’HippaseHippase de Métaponte (ca. 500 av. J.C.)

Commentaire sur le livre x des Éléments d’EuclidePappus (ca 290–350)

La secte (ou l’école) de Pythagore était si affectée par la vénéra-tion qu’elle avait de ces choses qu’un adage s’y répandit, disantque celui qui le premier divulguerait la connaissance des sourdset des irrationnels et la répandrait auprès des non-initiés, péri-rait par noyade : c’est probablement une parabole par laquelleils cherchaient à exprimer leur conviction que premièrement il estmieux de taire tout ce qui est sourd, irrationnel, inconcevable dansl’univers, et secondement que l’âme qui par erreur ou insouciancedévoile ou révèle quoi que ce soit de cette nature en ce monde, secondamne à errer de ci de là dans un océan de non-identité[. . . ].

Commentaire sur le livre x des Éléments d’EuclidePappus (ca 290–350)

La propriété que nous cherchons à exposer appartient essentiel-lement à la géométrie, car ni l’incommensurable ni l’irrationel nese trouvent parmi les nombres, qui sont au contraire rationnels etcommensurables ; tandis qu’elles sont concevables dans le cas desquantités continues, dont l’étude appartient à la géométrie.

Commentaire sur le livre x des Éléments d’EuclidePappus (ca 290–350)

La raison de cela est que les nombres, procédant par degrés,avancent par addition de ce qui est un minimum, et progressentindéfiniment ; tandis que les quantités continues commencent parun tout déterminé et indéfiniment divisible.

Métaphysique V, 13Aristote (384–322 av. J.C.)

La quantité est un nombre, quand elle se compte ; c’est une gran-deur, quand elle se mesure. On entend par nombre ce qui peutse diviser en parties non continues ; et par grandeur, ce qui estdivisible en parties qui tiennent les unes aux autres.

Premiers Analytiques I, 23Aristote (384–322 av. J.C.)

On prouve, par exemple, l’incommensurabilité de la diagonale,par cette raison que les nombres impairs deviendraient égaux auxnombres pairs, si on posait la diagonale commensurable ; on tirealors la conclusion que les nombres impairs deviennent égaux auxnombres pairs, et on prouve hypothétiquement l’incommensura-bilité de la diagonale par ce qu’une conclusion fausse découle de laproposition contradictoire. Car tel est, nous l’avons dit, le raison-nement par l’absurde : il consiste à prouver l’impossibilité d’unechose au moyen de l’hypothèse concédée au début.

Paul Erdős (1913–1996)

Je vais te démontrer le scandale pythagoricienPaul Erdős (1913–1996)

approximation de√2

YBC 7289 (ca 1700 av. J.C.)

approximation de√2

YBC 7289 (ca 1700 av. J.C.)

30 =1

2

1.24.51.10 = 1 +24

60+

51

602+

10

603=√2− 6× 10−7

42.25.35 =42

60+

25

602+

35

603=

1√2− 3× 10−7

Śulba SutraBaudhayana (ca 800 av. J.-C.), Apastamba (ca 600 av. J.-C.)

Śulba SutraBaudhayana (ca 800 av. J.-C.), Apastamba (ca 600 av. J.-C.)

La diagonale d’un carré double sa surface. La mesure doit êtreaugmentée d’un tiers et d’un quart diminué d’un trente-quatrième ;ceci est la diagonale.

1 +1

3

(1 +

1

4

(1− 1

34

))=√2 + 2.124× 10−6 .

√a2 + h ' a+

h

2a

Éléments, Livre xEuclide (ca 600 av. J.C.)

L’algorithme d’Euclide pour des nombresÉléments, Livre vii, Proposition i

Deux nombres inégaux étant proposés, le plus petit étant toujoursretranché du plus grand, si le reste ne mesure celui qui est avantlui que lorsque l’on a pris l’unité, les nombres proposés serontpremiers entr’eux.

L’algorithme d’Euclide pour des grandeursÉléments, Livre x, Proposition ii

Deux grandeurs inégales étant proposées, et si la plus petite étanttoujours retranchée de la plus grande, le reste ne mesure jamaisle reste précédent ; ces grandeurs seront incommensurables.

Incommensurabilité de la diagonalepar l’algorihme d’Euclide (anthyphérèse)

Irrationalité du nombre d’orpar l’algorihme d’Euclide (anthyphérèse)

Commensurabilité des côtésEuclide, Éléments, Livre x, Proposition ix

it should never be readAugustus De Morgan (1806–1871)

This book has a completeness which none of the others, not eventhe fifth, can boast of ; and we could almost suspect that Eu-clid, having arranged his materials in his own mind, and havingcompletely elaborated the tenth book, wrote the preceding booksafter it, and did not like to revise them thoroughly.

Of this particular book it must be asserted that it should neverbe read except by the student versed in algebra, and then not asa part of mathematics, but of the history of mathematics.

Abu Ja‘far al-Khazin (900–971)

Explication de la dixième épître d’EuclideAbu Ja‘far al-Khazin (900–971)

Pour toute ligne droite posée, il existe un nombre infini de lignesdroites qui lui sont comparées ; certaines lui sont commensurablessoit en longueur, soit en puissance seulement, soit en longueur eten puissance ; et certaines lui sont commensurables soit en lon-gueur seulement, soit en puissance, soit en longueur et en puis-sance ensemble. Ce qui fait six classes.

Explication de la dixième épître d’EuclideAbu Ja‘far al-Khazin (900–971)

1 a+√

a2 − a2/4

2 a+√

a2 − a2/2

3 a+√

a2 + a2/3

4 a+√2a2

5√a+

√a− a/4

6√a+

√a− a/2

Traité sur l’Arithmétique (1172)As-Samaw’al (ca. 1130–1180)

[. . . ] Ce que l’on extrait de l’approximation des racines irration-nelles par le calcul est ce par quoi nous voulons obtenir une quan-tité rationnelle proche de la racine irrationnelle. Il peut existerune quantité rationnelle plus proche que cela de la racine irra-tionnelle. Il peut ensuite exister une troisième quantité ration-nelle, plus proche de la racine irrationnelle que la seconde et lapremière quantités, car pour n’importe quelle quantité rationnellesupposée proche d’une racine irrationnelle, la différence entre ellesest de fait une ligne droite, et une ligne peut être divisée et par-titionnée indéfiniment.

Simon Stevin (1548–1620)

Le char à voile de Maurice de Nassau, Prince d’OrangeSimon Stevin (1548–1620)

la croix des mathématiciensSimon Stevin, Traité des incommensurables grandeurs (1585)

Arithmétique (1585)Simon Stevin (1548–1620)

La logique ou l’art de penser (1662)Antoine Arnauld (1612–1694), Pierre Nicole (1625–1695)

Nous voyons encore que Simon Stevin, tres-celebre Mathematiciendu Prince d’Orange, ayant defini le nombre, Nombre est cela parlequel s’exprime la quantité de chacune chose, il se met ensuite forten colere contre ceux qui ne veulent pas que l’vnité soit nombre,jusqu’à faire des exclamations de rhetorique, comme s’il s’agissoitd’vne dispute fort solide.

La logique ou l’art de penser (1662)Antoine Arnauld (1612–1694), Pierre Nicole (1625–1695)

Le mesme Steuin est plein de semblables disputes sur les defi-nitions de mots, comme quand il s’échauffe pour prouver que lenombre n’est point vne quantité discrette : que la proportion desnombres est toujours arithmetique, & non geometrique : que touteracine de quelque nombre que ce soit est vn nombre. Ce qui faitvoir qu’il n’a point compris proprement ce que c’estoit qu’vne de-finition de mot, & qu’il a pris les definitions des mots qui sontincontestables, pour les definitions des choses qui sont contes-tables.

Arithmetica Universalis (1707)Isaac Newton (1643–1727)

On entend par nombre, moins une collection de plusieurs unités,qu’un rapport abstrait d’une quantité quelconque à une autre demême espèce, qu’on regarde comme l’unité. Le nombre est de troisespèces, l’entier, le fractionnaire et le sourd. L’entier est mesurépar l’unité ; le fractionnaire par un sous-multiple de l’unité ; lesourd est incommensurable avec l’unité.

Nombre SourdAbbé de la Chapelle, Encyclopédie (1780-1782)

Incommensurabled’Alembert, Encyclopédie (1780-1782)

références

M. Ben Miled (1999) Les commentaires d’al-Mahani et d’unanonyme du Livre X des Éléments d’Euclide, Arabic Sciencesand Philosophy, 9(1), 91–119M. Caveing (1998) L’irrationalité dans les mathématiquesgrecques jusqu’à Euclide, Villeneuve d’Ascq : Presses Uni-versitaires du SeptentrionN. Farès (2009) La notion d’irrationalité selon un mathéma-ticien du xe siècle : Abu Ja‘far al-Khazin, Lebanese ScienceJournal, 10, 113–123S. Rommevaux (2014) Irrationalité des nombres, irrationa-lité des lignes selon Michael Stifel et Simon Stevin, Revued’Histoire des Mathématiques, 20(2), 171–209K. Saito (1998) Mathematical reconstructions out, textualstudies in : 30 years in the historiography of Greek mathe-matics, Revue d’Histoire des Mathématiques, 4, 131–142