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IMPACTS DE L’INTRANET SUR LA PERFORMANCE DE LA
GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
TAFAH EDOKAT
Professeur
Faculté des Sciences Economiques et de Gestion
Université de Dschang
SONKENG GERMAIN
Doctorant en Sciences de Gestion
Université Cheikh Anta Diop de Dakar
BASSIROU TIDJANI
Professeur
Faculté des Sciences Economiques et de Gestion
Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Résumé
L’objectif du présent travail est de montrer en quoi l’utilisation de l’intranet
en tant que variante des NTIC peut accroître la performance de la gestion des
ressources humaines au sein des entreprises. Au-delà de la littérature, cette
recherche se poursuit par un travail empirique mené à l’aide des entretiens et des
questionnaires pour la collecte des données.
Les résultats de cette recherche montrent qu’avec l’utilisation de l’intranet,
l’on passe d’une gestion des ressources humaines traditionnelle à une gestion
des ressources plus performante et par conséquent créatrice de valeur pour
l’entreprise.
Mots-clés: Gestion des Ressources Humaines, Intranet, Performance.
Introduction
Avec l’avènement de la crise économique des années 1980, les entreprises
africaines en général et les entreprises camerounaises en particulier ont connu de
fortes récessions de leurs activités. Quelques décennies plus tard, l’heure est au
vent de la mondialisation des économies dont l’un des principaux effets pervers
est l’accroissement de la pression concurrentielle qui menace gravement la
survie des entreprises. Pour assurer sa pérennité, toute entreprise est désormais
appelée à être efficace. L’efficacité d’une entreprise s’apprécie par son aptitude
à utiliser les moyens mis à sa disposition et en définitive à rémunérer d’une
manière satisfaisante les ressources qu’elle met en œuvre. Ce qui signifie qu’elle
doit être rentable. Pour atteindre cet objectif, le fonctionnement global de
l’entreprise doit être assaini grâce au déploiement de la fonction « Ressources
Humaines ». Ainsi, PERETTI (2001)1 insiste sur le fait que l’irruption massive
des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) accélère le
partage de la fonction « Ressources Humaines » et libère celle-ci de lourds
processus de gestion administrative pour lui permettre de se recentrer sur ses
missions stratégiques.
L’objet de cette recherche est d’aider à mieux cerner les modifications
engendrées par l’utilisation de l’Intranet dans la gestion des ressources humaines
et à mieux comprendre le mécanisme par le lequel cette fonction peut contribuer
à la performance globale de l’entreprise.
I- Cadre conceptuel
1 Cité par Charles-Henri BESSEYRE des HORTS (2002)
Dans cette partie, nous passons successivement en revue les concepts
d’intranet, de performance et de GRH.
I.1- Le concept d’intranet : Définition et contenu
Nous reprenons ici la définition proposée par Robert COULON (1999) pour qui l’Intranet
est un réseau privé, interne à une organisation, et basé sur la technologie internet. Quand
l’intranet est étendu, sur la base d’accords spécifiques, aux clients, fournisseurs ou salariés
à domicile de l’entreprise, on parle d’extranet pour bien distinguer ce réseau privé du
réseau internet (réseau planétaire).
Cette 1ère définition peut-être complétée par celle avancée par COURBON (1984), reprise
par MATMATI MOHAMMED (2000), François DELTOUR, Caroline SARGIS
ROUSSEL ET Julie TIXIER (2001) : « Dans son sens originel et le plus restrictif, le terme
intranet désigne la transposition des standards, des protocoles et des outils en vigueur dans
l’internet public au sein des réseaux locaux privés de l’entreprise ».
De même, l’intranet est une application qui concerne l’Echange de Données Informatisées
(EDI) entre ordinateurs de même entreprise (Dominique PEYRAT-GUILLARD; Nathalie
SAMIER, 2001)
Les travaux de Florence LAVAL, Véronique GUILLOUX, Michel KALIKA (2001)
ont fourni une idée précise du contenu des intranets utilisés comme support de la GRH :
- Les informations RH comprennent, le plus souvent, un descriptif des
procédures RH de l’entreprise, des éléments juridiques (droit des contrats et du travail, textes
des accords), des comptes rendus de réunions du comité d’entreprise, des présentations des
avantages sociaux, le projet l’entreprise, etc.
- La rubrique Mobilité et Carrière diffuse les offres d’emploi, des fiches de
description des postes, un référentiel métier, un bilan des mouvements internes, les
procédures de candidatures internes.
- La politique de formation est valorisée par une présentation du catalogue des
formations, du plan de formation, des formulaires d’inscription en ligne ou à imprimer. Des
modules d’auto formation assistée par ordinateur sont parfois mis à la disposition des
utilisateurs.
- La capitalisation des connaissances s’appuie sur des bases de données, des
outils de travail en groupe, des forums de discussion, des boîtes à idées.
- Une gestion administrative automatisée permet de réaliser des tâches en
ligne, telles que la gestion des congés, la mise à jour du fichier du personnel, etc.
- La gestion des compétences est médiatisée par la diffusion du référentiel des
compétences, des modalités d’acquisition et d’évaluation des savoirs, qui peuvent être
proposées en ligne.
Certains système d’information (SI) prennent la forme de systèmes communicationnels,
comme l’illustrent les internet, intranet, e-mail, etc. (Julie TIXIER, 2004). Nous comprenons
que l’intranet est une illustration des SI.
I.2- Le concept de performance
La performance de l’entreprise s’exprime de plusieurs manières à travers des
indicateurs chiffrés souvent très agrégés comme le chiffre d’affaires, le bénéfice réalisé, le
niveau de l’action (M. KALIKA, F. LAVAL, V.GUILLOUX, 2001).
Dans ce titre, nous passons en revue les notions qui permettent de mieux cerner le
concept de performance. Pour ce faire, nous nous penchons principalement sur la définition,
la classification temporelle et la mesure ainsi que les sources de la performance.
I.2.1- Définition
La performance est une expression largement familière aux mondes du sport et des
concours où elle est synonyme d’exploit, de succès, de prouesse.
Le Robert définit la performance comme étant un « résultat chiffré obtenu dans une
compétition »; cette définition de la performance, si elle convient bien au monde sportif,
s’applique aussi aux organisations et surtout aux entreprises. Pour celles-ci, engagées dans un
processus concurrentiel de plus en plus fort s’apparentant à une dure compétition, la notion de
performance est présente et mesurée par des résultats. On considère généralement qu’une
entreprise a réalisé une bonne performance si les objectifs qu’elle s’est fixés pour une période
donnée ont été atteints ou dépassés (Mohammed MAMATI, 2001).
D’après les travaux de MOUSSA SAMBO (1998), dans la littérature, le concept de
performance est concurremment ou indifféremment assimilé : à l’efficacité, à la capacité, à la
compétitivité, à l’efficience, au rendement et à la productivité. Le concept de performance est
également associé aux termes de santé, de réussite, de succès et d’excellence.
En reprenant (LEBAS, 1995), MOUSSA SAMBO (1998) se fonde sur le modèle des
performances des PME (CHURCHILL & LEWIS, 1989; FODIL et Ali., 1996; JULIEN,
1997) pour admettre que l’entreprise performante est celle qui fait mieux que ses
concurrencent au moins à moyen terme, par rapport aux paramètres de performance jugés les
plus significatifs.
Le concept de performance regorge également des dimensions temporelles qu’il
convient de classifier.
I.2.2- La classification temporelle et la mesure de la performance
Le consensus autour de la notion de performance s’opère sur une approche globale.
Chacune parle de la performance mais l’observateur s’aperçoit que le concept prend dans les
faits, des déclinaisons variées (Alain AKANI, 2004)2. Elle peut être saisie à court, à moyen et
à long terme.
I.2.3- La performance sociale à court et à moyen terme
La performance dans le court et le moyen terme s’apprécie toujours à deux niveaux à
savoir l’efficacité et l’efficience.
- L’efficacité sociale qui est le degré d’atteinte des objectifs quels que soient les
moyens utilisés. Elle mesure le degré d’atteinte des objectifs sociaux ou socioéconomiques. Il
peut s’agir, par exemple, de réaliser un taux d’absentéisme donné.
La performance en terme d’efficacité sera appréciée sur la base d’indicateurs de
qualité :
Niveau de qualité des productions (taux de rebuts, retours, etc.);
Respects des échéances dans l’élaboration des documents, réduction des délais;
Respect des engagements budgétaires.
- L’efficience socioéconomique qui est le rapport entre les résultats obtenus et les
moyens mis en œuvre pour obtenir.
Quelque soit le type d’organisation considéré, la définition de la performance en
terme d’efficience est toujours la même. Il s’agit de rapporter le résultat obtenu aux moyens
mis en œuvre pour l’obtenir.
Au delà du court du moyen terme, la performance peut également être saisie à Long
Terme.
I.2.4- La performance à long terme
Prendre en compte la performance à court et à moyen terme est nécessaire mais pas
suffisant. Il importe aussi d’intégrer la pérennité de la performance dans le temps par
l’analyse et le développement de la performance à long terme.
La performance d’une organisation c’est aussi le but d’un potentiel durable. Ce
potentiel durable se traduit par:
- La création d’accumulations immatérielles telles que le savoir-faire, la pérennité de
l’organisation, la valeur accumulée;
2 Alain AKANI (2004), Notes de cours de GRH, DEA gestion, Cotonou, Bénin
Résultats obtenus par un Homme, un groupe, une équipe, etc.
= Moyens en temps ou en coûts mis en œuvre pour les obtenir
Performance en
Terme d’efficience
- La capacité de flexibilité en vue de faire face aux changements;
- Les services rendus à la collectivité dans la durée pour les organisations non-
marchandes comme les hôpitaux ou les universités.
Une classification de la performance en fonction des dimensions temporelles n’est
cependant pas suffisante pour mieux cerner le concept de la performance.
D’où provient la performance? C’est à travers ce questionnement que nous mettons
en relief les sources de la performance en entreprise.
I.2.5- Les sources de la performance
La performance, perçue et mesurée au niveau du groupe, de l’entreprise, trouve son
origine dans deux sources dont l’incidence est combinée : l’une est interne, l’autre est externe,
c’est-à-dire héritée de l’environnement. A ce propos, deux écoles se sont toujours affrontées
sur la question des sources de la performance.
- La performance intrinsèque
La première école dont les théoriciens de l’organisation sont les promoteurs,
considère que la performance de l’entreprise est le fruit d’un ensemble de facteurs internes
comme l’utilisation optimale des ressources, la création de bonnes conditions de travail, un
climat social favorable au travail, etc.
La performance intrinsèque ou performance de l’unité résulte dans ce cas de la
combinaison d’une performance humaine, d’une performance technique et d’une performance
financière.
Pourtant, il est admis que la performance globale de l’entreprise pour être atteinte
passe aussi par une performance extrinsèque.
- La performance extrinsèque
La 2ème école portée par les économistes et stratèges d’entreprises, considère que la
performance organisationnelle est le produit de facteurs externes comme les caractéristiques
économiques du secteur, la technologie, la position de l’entreprise sur le marché, etc. Ce type
de performance tient à l’ensemble des évolutions externes.
I.2.6- La synergie des deux sources de performance
Les points de vue de ces deux écoles sont réducteurs d’une réalité bien plus
complexe.
En fait, la performance organisationnelle est un produit de la synergie de ces deux
ensembles de facteurs à condition qu’ils soient pris en compte dans une stratégie globale de
l’entreprise. Pour le Louarn et Wils (2001), repris par M. Kalika, F. Laval, V. Guilloux
(2001), « on admet maintenant que les causes de la performance d’une firme sont multiples et
complexes : les unes réussissent parce qu’elles sont en avance sur le plan technologique,
d’autres parce qu’elles innovent constamment, d’autres encore parce qu’elles proposent leurs
produits ou services à des prix plus bas que leurs concurrents ».
La performance se construit et se mesure à plusieurs niveaux : le niveau de
l’entreprise, le niveau d’une entité (une unité, une structure, une équipe), le niveau individuel.
I.3- Le concept de GRH : Définition et but
Le concept de Gestion des Ressources Humaines (GRH) dérive de trois mots :
Gestion qui signifie organisation, Ressources qui signifie Connaissances, talents, forces et
d’autres attributs que l’homme incarne qui sont utilisés pour les services de production (de
telles ressources sont comparables à d’autres atouts utilisés dans le processus de production)
et humaines qui se rapporte aux gens.
A partir de ce qui précède, la GRH peut être définie comme l’organisation des
talents, des Connaissances, des qualités, des forces, des énergies et tous autres atouts humains
utilisés dans la production des biens et services de telle manière que l’organisation qui
emploie des travailleurs puisse obtenir le profit le plus élevé et les travailleurs sous forme de
revenu, la récompense maximale de leurs services.
Ainsi, la GRH s’occupe du côté humain de la gestion de l’entreprise et les relations
des employés avec la firme.
Le but de la GRH est de s’assurer que les ressources humaines sont utilisées de telle
sorte que l’employeur obtienne les plus grands bénéfices possibles à partir de leurs capacités
et que les employés bénéficient à la fois de la récompense matérielle et psychologique de leur
travail.
D’après Martine FABRE et Bernard MERCK (2001, P401- 402), la fonction RH
recouvre cinq grands domaines :
- La gestion de l’emploi et le développement collectif des compétences (gestion
prévisionnelle et stratégique de l’emploi par bassin d’emploi, plans d’adaptation et de
reconversion, plan de montée en compétence dans les métiers en évolution, plan global de
formation,...).
- La gestion individuelle des carrières des cadres et non cadres (évaluation des
performances, évaluation du potentiel, actions de développement individuelles, conseil de
carrière et orientation, coaching dans certains cas, recrutement, gestion des viviers, gestion
des rémunérations, aspect juridiques, ...);
- La conduite du changement (analyse et régulation sociale, anticipation, développement et
régulation sociale, anticipation, développement et évolution des organisations,
communication sociale pour faire adhérer aux évolutions de l’entreprise, développement du
management et de la culture managériale, ...). Dans ce domaine, il appartient au DRH de
mettre en œuvre des systèmes de renforcement des nouveaux comportements (auto-
évaluation, appréciation, rémunération, promotion, formations), de veiller au respect des
libres arbitres individuels, de créer des espaces de débat sur les enjeux et les risques liés au
changement, et enfin de vérifier que l’engagement de la ligne hiérarchique est suffisant. Il
s’agit de créer une véritable culture de changement à un système aussi soutenu que possible,
mais compatible avec la stratégie et la capacité du corps social à l’intégrer.
- Les relations sociales (veille sociale, relations avec les organisations sociales,
tenue des instances, hygiène et sécurité, actions sociale, ...);
- La gestion administrative (saisie des évènements individuels, calcul et édition de
la paie, déclarations post paie, information au personnel concernant les aspects administratifs,
maîtrise de processus et contrôle interne,...).
Schématiquement, la définition de la GRH est ressortie dans le modèle général
suivant :
Titre : Personnel/ Human Ressource Management.
Économie Marchés du travail Lois et règlements Syndicats
Facteurs externes
ACTIVITÉS GPRH
1-Activités de support
-Analyse individus et portes
-Evaluation résultants
-Prévisions
2-Activités fonctionnelles
-Recrutement externe
RÉSULTATS GPRH
Attraction
Performance
Conservation
Assiduité
Satisfaction
Individus
Capacités
Motivations
Postes
Source: BASSIROU TIDJANI (2004), Notes de cours de Stratégie des RH (adapté de
HENEMAN et al, 1986).
II- Cadre méthodologique: Echantillonnage, collecte et analyse
des données
Le présent travail de recherche, par souci de pertinence de ses résultats doit se
conformer à la rigueur méthodologique. Il est question de décrire la démarche
méthodologique qui nous a permis d’obtenir nos résultats.
L’objectif du présent travail est de cerner les modifications engendrées dans la
performance de la GRH par l’utilisation de l’intranet comme variante des NTIC. Pour
atteindre cet objectif, nous avons procédé à des études de cas. Dans ce titre, nous exposons
successivement la procédure d’échantillonnage, les techniques de collecte et d’analyse des
données en vue de l’obtention des résultats.
II.1- Echantillon de l’étude : Processus de sélection et Justification
Des études antérieures ont montré que la banque et l’assurance sont aujourd’hui des
filières suréquipées en informatique par rapport à d’autres secteurs (LALLE, 1999). C’est ce
qui motive l’orientation de notre étude vers les banques.
La sélection de l’échantillon s’opère successivement à deux niveaux, d’abord au
niveau du choix des banques à étudier et ensuite au niveau de la population de chaque banque
retenue.
En 1er lieu, au niveau du choix des banques à étudier, notre étude de terrain est menée
sur trois banques parmi lesquelles deux sont filiales des groupes français et une est filiale d’un
groupe américain. Ces trois banques sont tirées des neuf qui exercent au Cameroun. Le
principal critère de choix est la durée d’existence de l’intranet.
En effet, l’intranet doit être implanté dans la banque depuis au moins trois ans. Ce
critère est utilisé pour éliminer les banques qui ont implanté l’intranet depuis un temps
relativement court, car la durée de fonctionnement de l’outil dans ce cas est assez courte pour
bien percevoir ses effets. Tel est le moyen d’atteindre efficacement notre objectif qui vise la
compréhension des modifications engendrées par l’utilisation de l’intranet dans la GRH.
En 2nd lieu, au niveau de la population de chaque banque retenue, la population mère est
constituée des acteurs internes qui se servent de l’intranet dans leur travail. Nous entendons
par acteurs internes l’ensemble des employés salariés à plein temps tel que défini par
MINTZBERG (1986, P.64) et repris par PICHAULT et NIZET (2001).
Ainsi, à l’intérieur de chaque banque retenue, nous constituons un échantillon composé
des membres de la direction du personnel, de la direction informatique, des cadres et des
employés du centre opérationnel. Cette combinaison a pour but de faire représenter toutes les
catégories d’acteurs d’après la structure organisationnelle de MINTZBERG (depuis le centre
opérationnel constitué des employés jusqu’au sommet stratégique en passant par la ligne
hiérarchique).
Notre échantillon retenu au départ était de 166 individus constitué de 150 employés et
16 cadres et directeurs. Compte tenu des non-réponses pour les questionnaires, nos données
proviennent de 144 individus pour l’ensemble des trois banques, soit 16 interviews réalisées
et 128 questionnaires répondus.
Le choix des individus au niveau des directions et au niveau des cadres n’est pas
ambigu. Par contre, au niveau de la population des employés, nous nous sommes intéressés
aux employés qui étaient déjà présents dans l’entreprise avant l’implantation de l’intranet.
Ceci en raison du fait que ces derniers sont mieux placés pour juger des effets de l’utilisation
de l’intranet. Ceci est d’autant plus vrai que ces individus ont travaillé d’abord sans intranet et
ensuite avec cet outil. Au début, nous contactons quelques uns et ces derniers nous aident par
effet « boule de neige » à retrouver d’autres. Bien entendu, ces « autres » ne sont retenus que
s’ils respectent le critère de départ qui est celui d’avoir été présent en entreprise avant
l’implantation de l’intranet.
II.2- Techniques de collecte des données
Nos données ont été collectées principalement à l’aide des entretiens et du questionnaire
dans une logique de triangulation des sources de données. Pour tous les 3 cas étudiés, les
entretiens ont été menés avec les directeurs et les cadres tandis que les questionnaires ont été
renseignés par les employés à la base.
II.2.1-Les entretiens
L’entretien a été une technique primordiale pour la collecte de nos données.
Qu’il s’agisse des Directeurs Généraux, des Directeurs des Ressources Humaines, des
Responsables informatiques et d’autres cadres, les thèmes abordés sont explorés pour
l’essentiel sous forme de questions ouvertes.
Nous avons réalisé un total de 16 entretiens pour l’ensemble des 3 cas3 étudiés, soit 7
entretiens pour le 1er cas, 4 entretiens pour le 2ème cas et 5 entretiens pour le 3ème cas.
Plus précisément, les 7 entretiens de la banque Alpha ont concerné le Directeur Général,
le Directeur administratif et financier, le Directeur informatique, le Chef service exploitation,
le Chef service personnel et moyens, le Chef service des opérations et le contrôleur de
gestion.
En ce qui concerne la banque Bêta, les 4 entretiens réalisés ont été menés avec le
Directeur Général, le Directeur Général Adjoint, le Directeur des Ressources Humaines, et le
Chef du département informatique.
Quant à la banque Gamma, les 5 entretiens ont été menés avec le Directeur Général, le
Directeur Général Adjoint, le Directeur des Ressources Humaines, le Directeur des Finances
et Comptabilités et le Directeur informatique.
Les informations ont été enregistrées à l’aide d’un magnétophone. Certains détails
importants ont été relevés grâce aux prises de notes rapides.
3 Par souci d’anonymat, nous avons dénommé par Alpha, Bêta et Gamma les trois banques étudiées. Ces noms
fictifs seront utilisés pour toute la suite de notre travail empirique.
Au début de chaque entretien, nos objectifs sont clairement expliqués au répondant,
ensuite commence la phase de questions-réponses. Ces entretiens ont duré 1h 30mn en
moyenne.
II.2.2- Les questionnaires
Nous présentons d’abord la construction du questionnaire et ensuite son mode
d’administration.
En GRH, le questionnaire reste la technique d’investigation sans doute la plus utilisée
(IGALENS et ROUSSEL, 1998). Notre questionnaire est essentiellement conçu autour des
échelles d’attitude du type Likert à 7 échelons4, des échelles ordinales et des questions à
choix multiples.
Par souci de réduction du volume, le questionnaire est globalement présenté sous forme
de tableau. Ces questions sont sensées mesurer de la manière la plus large l’opinion du
répondant.
Il a été administré un total de 150 questionnaires pour l’ensemble des 3 cas, soit 45 pour
le 1er cas, 50 pour le 2ème cas et 55 pour le 3ème cas. La population de l’échantillon n’étant pas
géographiquement très dispersée, nous procédons à une administration directe du
questionnaire aux individus en question (administration en face à face).
II.3- Analyse des données
Sur les 150 questionnaires distribués pour l’ensemble des 3 cas, 128 ont été répondus,
soit un taux de retour de 85.33%. L’échantillon n’étant pas excessivement large, nous avons
procédé à un dépouillement manuel de nos questionnaires.
Nos données sont analysées en deux étapes :
- La 1ère étape s’est focalisée sur l’analyse des données issues des interviews. Pour ce
faire, nous avons procédé de prime abord à une retranscription des interviews. Cet exercice
nous a permis d’obtenir une version papier de nos interviews. L’analyse en tant que telle s’est
faite selon une logique interprétative des séquences d’interviews (verbatims). A l’issue de
cette étape, nous avons pu dégager les effets réels de l’utilisation de l’intranet dans la GRH.
4 Les recherches portant sur ces questions montrent que la valeur optimale se situe autour de sept (COX, 1980).
En effet, les échelles de Likert comportent souvent cinq ou sept éléments, mais on peut faire varier ce nombre de
trois à dix en fonction de la précision recherchée. En choisissant le nombre d’échelons, il faut également tenir
compte de la motivation des personnes interrogées (des individus qui sont disposés à faire des efforts peuvent
fournir des jugements plus fins). L’utilisation d’un faible nombre d’échelons risque de frustrer les personnes
interrogées en leur donnant le sentiment qu’elles ne peuvent pas s’exprimer. Quand on augmente le nombre
d’échelons, on obtient plus d’informations (…), mais au-delà de dix éléments, le gain supplémentaire devient
illusoire, car les individus interrogés ne parviennent plus à distinguer correctement les échelons (FENNETEAU,
2002).
- La 2ème étape s’est focalisée sur le dépouillement des questionnaires. Nous avons
procédé à un dépouillement manuel desdits questionnaires. Les questionnaires sont constitués
pour l’essentiel des échelles d’attitude de LIKERT à 7 points. Sur l’échelle proposée, ces
points varient de la façon suivante:
(1) pas du tout d’accord ;
(2) plutôt pas d’accord ;
(3) pas d’accord ;
(4) ni d’accord, ni pas d’accord ;
(5) d’accord ;
(6) plutôt d’accord ;
(7) tout à fait d’accord.
Ainsi, il s’est agit précisément de trouver le degré d’accord des répondants par rapport aux
propositions avancées dans le questionnaire. Ces propositions sont des items qui nous
permettent de décrire en profondeur nos variables d’étude.
Cette opération nous amené à calculer pour chaque proposition la moyenne pondérée
des points affectés à chaque possibilité de réponse.
III- Présentation et interprétation des résultats
III.1- Avant l’adoption de l’intranet : une GRH traditionnelle5
«Enfin, nous ne pouvons plus trop nous cogner les nez dans les couloirs... ».
C’est par ce propos quelque peu caricatural du Directeur Administratif et
Financier de la banque Alpha que nous pouvons illustrer la situation qui
prévalait en entreprise avant l’intranet.
Une analyse de nos séquences d’interviews pour l’ensemble des 3 cas
révèle que la Gestion des Ressources Humaines avant l’intranet était
traditionnelle et synonyme de plusieurs goulots d’étranglement.
En effet, avant l’intranet, l’on a vécu une certaine opacité et lourdeur dans
l’administration des entreprises étudiées. Ceci est d’autant plus vrai que les
agences étaient gérées de façon autonome et ne rendaient compte que
périodiquement. L’exemple d’un avis de recrutement interne en est une
5 Nous entendons par GRH traditionnelle celle où n’était utilisés que les outils classiques comme le téléphone,
les notes de service, les réunions, les agents de liaison, etc.
illustration. Rendons-nous compte qu’avant l’intranet, pour informer le
personnel d’un avis de recrutement interne, il faillait organiser une séance de
réunion ou bien afficher une note de service, avec tout ce que cela suppose
comme lenteur dans le processus de traitement.
Il est également important de noter que les entreprises étaient au départ
confrontées à un certain problème de manque de visibilité sur l’ensemble de
l’organisation. Pour se rendre compte de la situation prévalente à chaque niveau
de la structure, l’administration était obligée soit d’organiser les réunions, soit
de faire des descentes sur le terrain. Dans ce cas, on déplorait toujours une
lourdeur à cause du volume important de paperasse et des agences implantées de
part et d’autre sur tout le pays.
Le changement technologique dû à l’implantation de l’intranet a marqué
en quelque sorte le début de la révolution de la Gestion des Ressources
Humaines dans les entreprises.
III.2- Après l’adoption de l’intranet : une Gestion des Ressources Humaines
rénovée
Dans ce titre, pour analyser la situation après l’intranet, nous examinons
d’abord les séquences d’interviews pour l’ensemble des 3 cas et ensuite nous
abordons l’étude des tableaux qui sont des échelles d’attitude où les répondants
ont été amenés à se prononcer.
En effet, l’intranet a changé le visage de la Gestion des Ressources
Humaines dans les entreprises. Cet outil a permis le passage d’une Gestion des
Ressources Humaines traditionnelle à une Gestion des Ressources Humaines
moderne et synonyme de performance.
Les propos du Directeur Administratif et Financier de la banque Alpha
illustrent davantage cette situation : «Avant, nous étions confronté à un
problème d’absence de visibilité sur l’ensemble de l’organisation. Le système
Intranet a pallié à ce manque… Présentement, il y a eu cet outil et on a pu faire
des politiques adaptées sur tout le groupe. C’est la raison pour laquelle les
agences ne gèrent plus les choses de façon autonome… ».
Cette Gestion des Ressources Humaines centralisée grâce à l’outil
intranet est un indicateur de performance. C’est en cela que son utilisation
constitue une évolution importante du mode de gestion au niveau des entreprises
étudiées. Le seul exemple des requêtes sur la gestion des effectifs en est une
illustration parfaite si l’on s’en tient aux propos du Directeur Administratif et
Financier de la banque Alpha.
Il ressort également de nos interviews que l’intranet a eu une incidence
majeure au niveau de la procédure administrative, ce qui aboutit à des nouveaux
modes d’organisation du travail. Les propos du Directeur Administratif et
Financier arguent en faveur de cette vision : « … pour le traitement de certains
dossiers, qu’ils viennent d’en haut ou d’en bas, il est possible de rester ici et de
faire des corrections ou des rectifications autant de fois que voulues, jusqu’à ce
que la copie soit parfaite. Toujours sur le plan administratif, cet intranet nous
aide à jouer franc jeu. Par exemple, il peut nous servir d’élément de preuve si à
un moment donné, un certain doute venait à s’installer par rapport à certaines
situations. On peut dans ce cas bien voir que à telle date, tel individu a envoyé
ou reçu tel ou tel message ».
La vision du Directeur informatique va dans le même sens lorsqu’il
souligne que l’utilisation de l’intranet contribue à la gestion de la pression du
temps en permettant de créer les liens entre toute la hiérarchie et un plus grand
nombre de collaborateurs.
Le métier Ressources Humaines a beaucoup évolué dans ces structures.
Malgré la croissance très prononcée du nombre de clients, croissance qui
suppose une meilleure organisation des Ressources Humaines pour gérer la
pression du temps, de nombreux goulots d’étranglement sont désormais évités.
Ceci est d’autant plus vrai que l’intranet a permis une démocratisation de
l’information, tout en réduisant la paperasse de façon considérable.
L’information étant une denrée périssable, elle est gérée rationnellement
et des les brefs délais. Ce qui sous-entend des gains énormes de temps et la
garantie de son authenticité. Les propos du Directeur des Ressources Humaines
de la banque Gamma illustrent davantage cette situation : « Imaginez-vous par
exemple que avant, pour faire afficher une simple note de service, cela pouvait
prendre beaucoup de jours. Maintenant, il suffit au boss de rester dans son
bureau et d’envoyer par un simple clic l’information à tout le personnel. Mon
système intranet permet aux membres d’une part d’éliminer les temps morts,
surtout qu’il est vrai que l’information est une denrée périssable et d’autre part
d’éviter la fuite et la déformation des informations».
Les rôles de l’intranet se sont étendus sur la prise de décisions. Les
dirigeants ont désormais une vue centralisée des tâches et des objectifs
principaux qui ont été définis pour chaque individu. Ce qui leur permet de
prendre des décisions plus calculées grâce aux données utiles produites par
l’intranet.
Relativement aux variables performance Ressources Humaines, la
proposition : « A mon avis, l’intranet accroît sensiblement la performance de la
GRH » fait ressortir une moyenne des points de 5,94. Ce chiffre est proche du
point (6) et traduit le fait que les répondants sont plutôt d’accord avec la
proposition.
L’amélioration de la performance Ressources Humaines est due au fait
que l’intranet allége la procédure de gestion administrative. Ceci est d’autant
plus vrai que pour la proposition : « je pense que l’utilisation de l’intranet allège
la procédure de gestion administrative », nous avons une moyenne des points de
5,72. Une fois de plus Ce chiffre est proche du point (6) et traduit le fait que les
répondants sont plutôt d’accord avec la proposition.
Au regard de tous les effets de l’intranet au niveau de la Gestion des Ressources
Humaines, cette proposition semble aller de soi car l’importance de cet outil
n’est plus à démontrer.
Conclusion
La présente recherche avait pour objectif de cerner les modifications
engendrées dans la performance de la GRH par l’utilisation de l’intranet comme
variante des TIC. Pour atteindre cet objectif, nous avons en 1er lieu exposé les
concepts qui ont été mobilisés tout au long du travail. En 2nd lieu, la
méthodologie retenue nous a permis de préciser le processus de sélection de
notre échantillon, les techniques de collecte et d’analyse des données.
L’analyse des données et l’interprétation des résultats se sont opérées
principalement en deux étapes :
La 1ère étape a consisté à décrire la gestion des ressources humaines avant
l’intranet. A l’issue de cet exercice, nous avons pu relever une gestion des
ressources humaines traditionnelle.
La 2ème étape s’est focalisée sur l’analyse de la situation de la gestion des
ressources humaines après l’adoption de l’intranet. Cette étape a mis en relief
une gestion des ressources humaines rénovée dont l’implication managériale
majeure reste l’accroissement de sa performance.
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