poésieLe ProbLème du sud

Jan Baetens

LES I M P R E S S I O N S N O U V E L L E S

Extrait

Cet ouvrage est publié avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Mise en pages : Mélanie Dufour

© Les Impressions Nouvelles - 2013www.lesimpressionsnouvelles.com

Jan Baetens

lE problèmE du sud

LES IMPRESSIONS NOUVELLES

Pour qu’il tienne

Cela, que l’on trouvait ridicule, me touchait parce que j’y trouvais des sentiments nus, où le raisonnement ne mordait pas, et un goût d’aventure.

(Jean Paulhan, Le guerrier appliqué)

Pour qu’il tienne,Et puisse mener à quelque choseQui ne soit pas lui (sans quoi &),Le texte doit s’arrêterÀ temps, et souvent.

Pour une esthétique du point :Le mot, la phrase, les livresQu’on ne dit pas, et la merDe qui, au village,Tourne le dos à la fenêtre.

Le Sud c’est tout cela.

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Variations sur Gramsci

1.

Le problème du Sud s’appelle la question méridionale.La question méridionale se divise en thèmes.Les thèmes demandent qu’on avance des solutions.Les solutions se pensent à l’aide de formules magiques.La formule magique n’est pas celle que défend le parti.Le parti se méfie du partage des terres mal cultivées.Partager les terres mal cultivées est idée d’incultes.Les idées d’incultes ignorent le plan de la théorie.La théorie, chose pratique, est affaire de mots.Les mots qui conviennent doivent créer l’union.L’union doit faire arc et cercle et ligne générale.La ligne générale mariant nord et sud se nommeméridien.

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2.

Le problème du Sud est le problème.Le problème du Sud est le problème du réel.Le problème du réel qu’on ne peut pas dire.Le problème est qu’on dit le Sud alors qu’on devraitdire le réel.

Le problème non pas au cœur mais du cœur du problème.Le problème de dire ce qui est tel qu’il est tant qu’il estquand il est et comment et pourquoi.

Le problème donc qui ne se laisse pas dire.Le problème qui fait parler.

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3.

Le problème du Sud est le problème du c’est-à-dire,C’est-à-dire du c’est-à-dire comme analyse,Classement, More mathematico :Diviser en classes,Soustraire d’une classe,Additionner paysans et ouvriers,Multiplier les classes du futur l’une par l’autre.Mais aussi du c’est-à-dire littéralement :Car le papier aussi doit se rebeller,Faire masse, tout démolir, revenir à dire,Jusqu’à comprendre :Rentrée des classes pour les poètes.

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4.

Gramsci entre parenthèses Nomme deux passions vulgaires :L’argent, virgule, puis les femmes,

Et son exemple est le curéDu Sud, les paysans du Midi, eux, Souffrent de passions humaines seulement.

Puis Debord vint, et son style XVIIIe,Et la vie pour lui, dans son livreLa Société du Spectacle,Est la vie humaine du Nord,

Justement, sans spectacle aucun,Sans rien à voir, rien à pleurer,Sauf les porte-clés des gens de peuQui manquent aux collections.

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5.

On pourrait le dire :Ceux du Sud, ceux qui font tout et qui n’ont rien,Ce ne sont pas ceux qui écrivent, Ce sont ceux qui lisent seulement (et encore).

On pourrait le penser :Ceux qui lisent,Faisons-en des écrivains(et plus s’ils veulent)

Mais le problème n’est pas entre ceux qui ceci et ceuxqui cela,

C’est le problème de ceux entre :Les porteurs de parole, les explicateurs d’orthographe,

Ceux qui passent avant les uns et après les autres,Ceux qui passent les ordres comme on passe des plats,Ceux qui sont eux-mêmes de passage, et qui refusentde rester.

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[…]

Table des matières

Pour qu’il tienne 5Variations sur Gramsci 9Nord et Sud 17Autres variations (sur Lorca) 29Pourquoi pas la Chine ? 37Deux retraités 49Cache-cache-cache 53Keepsake 63« Le Sud » 73Mon Sud 79Post-scriptum : L’Aquila, 1703-2009 87

Diffusion / Distribution : Harmonia MundiEAN 9782874491672

ISBN 978-2-87449-167-296 pages – 10 €

le Problème du sudjuin 2013

En 1926, Antonio Gramsci publie « Quelques thèmes de la question méridionale », long article où se critiquent les comités ouvriers de Turin, prêts à faire la révolution sans considérer le monde paysan, mais aussi les dominés du Sud, naïvement convaincus qu’il suffit d’occuper les terres pour changer la vie. Son plaidoyer pour une stratégie d’ensemble devrait plaire aux altermondialistes d’aujourd’hui, mais les théoriciens de la « multitude » et de l’autogestion n’ont que peu de sympathie pour le rôle que Gramsci réserve aux intermédiaires, aux intellectuels « organiques ».La poésie paraît très absente de ces débats, hier comme aujourd’hui. Elle a pourtant ses mots à dire sur le problème du Sud. Le présent recueil en aborde quelques facettes.Digressions, donc, mais contrôlées, et quelques dissensions.

Jan BAETENS est critique et poète, ses intérêts personnels le portent souvent vers des sujets quasi-absents en littérature : le basketball, la bande dessinée, les mésaventures des poètes du dimanche. Pour Cent fois sur le métier (Les Impressions Nouvelles, 2007), il a obtenu le prix triennal de poésie de la Communauté française de Belgique.

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