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Sémiologie de la langue

Compte rendu

En complète ignorance l’un de l’autre, Peirce et Saussure ont instauré les fondements d’une nouvelle discipline, d’une science des signes, même si son objet ne fut pas clairement présenté.

Logicien de formation, Ch. S. Peirce s’est consacré à l’élaboration d’une réflexion sur les signes en proposant une triple division des signes en icône, indice et symbole, où chaque entité est divisible à son tour en trois sous-ensembles, mais ne formule rien de précis sur la langue. Pour lui la langue est partout et nulle part, elle se réduit aux mots qui sont tantôt des indices, tantôt des symboles. Dans ce sens tout est signe, signe d’un autre signe, ce qui pousse Benveniste à se poser la question sur la validité de cette acception. Pour lui, un signe est toujours un élément A, et qui remplace un élément B qui n’est pas signe. Et pour que la notion du signe ne s’abolisse pas dans le processus infini de la sémiosis, il faut d’une part admettre la différence entre le signe et le signifié, de l’autre part, placer chaque signe dans un système de signe, d’où la condition nécessaire de la signifiance, ce qui empêche les signe de fonctionner de la même façon ainsi que de relever d’un système unique.

Saussure, à l’encontre de Peirce, en cherchent à délimiter et définir les champs d’exercice de la linguistique, prend la langue comme objet exclusif. En la séparant du langage qui reste multiforme et hétéroclite, il la considère comme un tout en soi et un principe de classification. Deux principes qui vont à leur tour introduire la sémiologie, une science qui va s’occuper des autres systèmes du même ordre (que la langue) dans l’ensemble des faits humains. Donc Pour Saussure, à la différence de Peirce, « le signe est d’abord une notion linguistique, qui plus largement s’étend à certains ordres de faits humains et sociaux ».

Ainsi c’est dans son caractère sémiotique que la langue trouve son unité et son principe de fonctionnement, de même que le domaine d’exercice du signe comprend outre la langue des systèmes homologues dont le caractère fondamental est être des systèmes de signes. Seulement la langue est la plus importante de tous ces systèmes. Mais dans quel sens et comment ?

La pensée saussurienne rattache la linguistique à la sémiologie, l’étude de la vie des signes dans la société, en raison de ce principe posé au centre de la linguistique et qui implique au signe d’être « arbitraire », ce qui fait que l’objet principal de la sémiologie sera l’ensemble des systèmes fondés sur l’arbitraire du

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signe. Ce principe gouverne l’ensemble des systèmes d’expression et d’abord la langue. Quant aux systèmes qui, en plus de la langue, relèvent de la sémiologie, Saussure se borne à en citer quelques uns, en les mettant au même niveau que la langue.

La question que se pose donc Benveniste touche au statut de la langue parmi les autres systèmes de signes. Un examen qu’il commencera par les systèmes non linguistiques, et acheminera vers la détermination du caractère commun à tous les systèmes ainsi que le critère de leur appartenance à la sémiologie. Il s’agit bien de leur propriété de signifier ou ce qu’il appelle la SIGNIFIANCE, et leur composition en unités de signifiance, ou SIGNES.

Un premier travail consiste donc à déterminer les caractères distinctifs et propres aux systèmes sémiologiques. Pour le faire Benveniste les classe selon leurs conditions internes et externes :

les conditions internes (sémiotiques), relatives ào la nature et le nombre des signes o le type de fonctionnement : la relation qui unit les signes et leur

confère une fonction distinctive les conditions externes (empiriques), qui concernent

o le mode opératoire : la manière dont le système agit, ou le sens auquel il s’adresse (vue, ouïe,…)

o le domaine de validité : là où le système s’impose et doit être reconnu ou obéi

Ainsi se manifestent deux principes qui touchent aux relations entre systèmes sémiotiques : le premier, le principe de non-redondance, c’est à dire qu’il n’y a pas de synonymie entre les systèmes sémiotique, et du fait on ne peut dire la même chose par deux systèmes différents (la parole & la musique), le second, celui de la non-convertibilité en raison de la non-redondance entre les systèmes sémiotiquesDans ce sens, un même signe commun entre deux systèmes de signes différents ne peut jamais être sujet de synonymie ou de redondance puisque c’set seule la différence fonctionnelle qui compte (et non l’identité substantielle) et la valeur du signe ne se définit que dans le système qui l’intègre. Du fait, il n’existe pas de signes trans-systématiques.

Mais qu’est ce qui régit les rapports de coexistence entre différents systèmes ?« Ce rapport sera déterminé d’abord par l’action d’un même milieu culturel

qui nourrit tous les systèmes qui lui sont propres. Mais cela n’est qu’un autre rapport externe qui n’implique pas nécessairement une relation de cohérence entre systèmes. Ensuite par un rapport entre système interprétant et système interprété ». Il s’agit donc de déterminer si un système sémiotique pourrait s’interpréter lui-même

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ou s’il doit recevoir son interprétation d’un autre système sémiotique. Ainsi, en posant à grande échelle cette condition entre les signes de la société et ceux de la langue, on conclura que les signes de la société peuvent être intégralement interprétés par ceux de la langue, et non l’inverse. La langue est donc l’interprétant de la société, et par conséquent, la langue occupe une situation particulière au sein des systèmes de signes.

Toute sémiologie d’un système non-linguistique doit passer par la langue et ne peut exister que par et dans une sémiologie de la langue. D’ailleurs, celle-ci reste l’interprétant de tous les autres systèmes linguistiques et non-linguistiques.

Il reste donc à préciser la nature et les possibilités de relations entre systèmes sémiotiques, Benveniste nous en cite trois :

la relation d’engendrement : quand un système engendre un autre système. Elle vaut entre deux systèmes de même nature, dont le second est construit à partir du premier. Un rapport à distinguer de celui de dérivation qui suppose évolution et transition historique. (l’alphabet normal engendre l’alphabet Braille)

La relation d’homologie : qui établit une corrélation entre les parties de deux systèmes sémiotiques. La nature de l’homologie peut varier, intuitive ou raisonné, substantielle ou structurale, conceptuelle ou poétique.

La relation d’interprétance : il s’agit du rapport entre système interprétant et système interprété. Un rapport qui départage les systèmes qui manifestent leur propre sémiotique, et les systèmes dont la sémiotique n’apparait qu’à travers un autre mode d’expression. Un point justifie le principe que la langue est l’interprétant de tous les systèmes sémiotiques.

Ainsi, la langue nous offre le seul modèle d’un système qui soit sémiotique à la fois dans sa structure formelle et dans son fonctionnement : elle se manifeste par l’énonciation, qui porte référence à une situation donnée (parler c’est toujours parler-de), elle consiste formellement en unités distinctes, dont chacun est un signe, elle est produite est reçue dans les mêmes valeurs de référence chez tous les membres d’une communauté et elle est la seule actualisation de la communication intersubjective.

La nature de la langue, sa fonction représentative, son pouvoir dynamique, son rôle dans la vie de relation font d’elle la grande matrice sémiotique, la structure modelante dont les autres structures reproduisent les traits et le mode d’action.

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Telle propriété de la langue ne tient pas du fait qu’elle soit le système le plus commun ou dont le champ est le plus large ; mais parce qu’elle est investie d’une double signifiance. Elle combine entre deux modes distincts de signifiance, à savoir le mode sémiotique et le mode sémantique.

Le sémiotique désigne le mode de signifiance qui est propre au signe linguistique.

Le sémantique, engendré par le discours, concerne les problèmes du message actualisé par la langue. Ici le message n’est pas une succession d’unités ou une addition de signes qui produit le sens, mais c’est le sens (l’intenté), conçu globalement, qui se réalise et se décompose en signes particuliers, qui sont les mots. L’ordre du sémantique s’identifie dans le domaine de l’énonciation (le discours).

Ainsi, la langue est le seul système qui s’articule sur deux dimensions : le sémiotique (le signe) qui doit être reconnu (par association ou opposition) ; et le sémantique (le discours) qui doit être compris. Les autres systèmes ont une signifiance unidimensionnelle : soit sémiotique, soit sémantique. Le privilège de la langue est de comporter à la fois la signifiance des signes et la signifiance de l’énonciation. D’où elle tient ce pouvoir majeur de créer un deuxième niveau d’énonciation, où il devient possible de tenir des propos signifiants sur la signifiance. C’et donc de cette faculté métalinguistique qu’on peut trouver l’origine de la relation d’interprétance par laquelle la langue englobe les autres systèmes.