RAPPORTS DE RECHERCHE OXFAM
Les rapports de recherche d'Oxfam sont rédigés dans le but de partager des résultats de
recherches, de contribuer au débat public et d'inciter à commenter les problématiques relatives
au développement et aux politiques humanitaires. Ils ne reflètent pas nécessairement les
positions d'Oxfam en matière de politiques. Les opinions exprimées sont celles de l'auteur et
non pas nécessairement celles d'Oxfam.
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PREMIÈRE LIGNE DE DÉFENSE Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
GABRIEL PONS CORTÈS
ITZIAR GÓMEZ CARRASCO
En dépit de la littérature existante sur les différentes modalités de réserves
alimentaires, nous manquons d’analyses spécifiques se concentrant sur le
potentiel de la première ligne de défense contre l’insécurité alimentaire. Le but
de la présente étude est de combler cette lacune en analysant les expériences
des dernières années, passant en revue les facteurs qui peuvent déterminer ou
conditionner leur échec ou leur réussite, et d'évaluer certains instruments
innovateurs (tels que l’articulation avec les stocks nationaux, l'assurance
indicielle et les fonds de stabilisation) qui pourraient également contribuer à leur
amélioration.
2 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
TABLE DES MATIÈRES
Résumé 4
1 Introduction 5
2 Contexte 7
Renforcement de la résilience 7 Bonne gouvernance de la sécurité alimentaire et droit à l'alimentation 8
3 Comprendre le problème à résoudre au niveau local 9
4 Définition des différents types de stocks de proximité existants 12
Stocks de proximité: éléments clés et objectifs 13 Réserves de sécurité alimentaire locales 14 Warrantage 15
5 Comment les stocks de proximité peuvent-ils contribuer à la sécurité alimentaire? 18
En atténuant les effets de la flambée des prix 18 En renforçant des stratégies de sécurité alimentaire plus ambitieuses 18 En mettant en œuvre des initiatives de protection sociale 19 En augmentant les revenus des petits producteurs 20 En protégeant les moyens d‟existence et les actifs 21 En aidant à surmonter l'éloignement et l'isolement 21 En autonomisant les populations 22 En favorisant la participation des femmes et leur autonomisation 23
6 Comprendre la fragilité des stocks de proximité 25
La vulnérabilité face au risque prix 25 La vulnérabilité au climat 27 Promotion, planification et conception 28 Les problèmes de gestion 30
7 Définition d'un environnement favorable où les stocks de proximité puissent prospérer 34
A quoi servent les stocks de proximité? 34 Comment devrait-on soutenir, planifier et concevoir les stocks de proximité? 34 Les stocks de proximité déjà existants doivent-ils être soutenus ? 35 Ce que les États devraient faire pour soutenir les stocks de proximité 36 Qu'est-ce que les stocks de proximité devraient faire par eux-mêmes: créer des fédérations 42 Il s'agit de renforcer les capacités des institutions 44
8 Conclusions et recommandations 45
Ce que les gouvernements doivent faire 45 Ce que les organisations paysannes doivent faire 47
Bibliographie 48 Notes 50
Remerciements 51
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 3
ACRONYMES
AAAE Association Aidons l‟Afrique Ensemble
APHLIS Système d‟information sur les pertes post-récolte en Afrique
CEDEAO Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest
CIMMYT Centre international d'amélioration du maïs et du blé
DDC Direction du développement et de la coopération
FEPAB Fédération des Professionnels Agricoles du Burkina Faso
GSA Greniers de sécurité alimentaire
HARITA Horn of Africa Risk Transfer for Adaptation
PAM Programme Alimentaire Mondiale
WRS Warehouse Receipt System (warrantage)
4 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
RÉSUMÉ
En dépit de la littérature existante sur les différentes modalités de réserves alimentaires, nous
manquons d‟analyses spécifiques se concentrant sur le potentiel de la première ligne de
défense contre l‟insécurité alimentaire. Le but de la présente étude est de combler cette lacune
en analysant les expériences des dernières années, passant en revue les facteurs qui peuvent
déterminer ou conditionner leur échec ou leur réussite, et d'évaluer certains instruments
innovateurs (tels que l‟articulation avec les stocks nationaux, l'assurance indicielle et les fonds
de stabilisation) qui pourraient également contribuer à leur amélioration.
Cette étude mettra en avant que la première ligne de défense a un certain nombre de traits
distinctifs qui en font un élément particulièrement bien placé pour contribuer positivement aux
stratégies de sécurité alimentaire dans le Sahel. Les stocks de proximité sont fermement ancrés au
niveau local de la sécurité alimentaire et peuvent jouer un rôle clé dans le cadre des stratégies
locales et nationales de sécurité alimentaire. Ils sont adaptés à chaque contexte spécifique et leurs
objectifs peuvent être adaptés en fonction des besoins concrets des collectivités qu'ils desservent.
La première partie de l'étude examine comment les stocks de proximité peuvent contribuer à la
sécurité alimentaire (depuis l‟atténuation des effets de la flambée des prix et la protection des
moyens d‟existence, au soutien pour surmonter l‟isolement géographique ou l‟autonomisation
des populations) ; et analyse la vulnérabilité des stocks de proximité face aux risques de prix et
climat ainsi que les défis liés à la promotion, planification et conception des stocks.
La deuxième partie du rapport cherche à déterminer les facteurs et les conditions nécessaires
pour créer un environnement propice dans lequel les stocks de proximité puissent fonctionner
efficacement. Les États ont l'obligation légale de veiller à ce que le droit à l'alimentation soit
rempli et le soutien aux stocks de proximité devrait être considéré comme une partie intégrante
de cet engagement fondamental ainsi qu‟un moyen efficace de renforcer les approches
communautaires à la sécurité alimentaire.
Les stocks de proximité ne sont pas une solution type qui peut être appliquée partout. Ils ne sont
pas viables dans tous les contextes et exigent certaines conditions pour bien fonctionner. Une des
conditions clés est d‟obtenir l‟engagement et le soutien des gouvernements afin d‟accompagner les
stocks pendant leur développement et d‟assurer le soutien nécessaire.
La section finale propose une série de recommandations pour les gouvernements et les
organisations paysannes. Les gouvernements sont encouragés à adopter des mesures visant à lier
les stocks de proximités aux réserves nationales, à les approvisionner au niveau local, à faire face
aux risques de prix et climat, à renforcer les liens avec les initiatives de protection sociale, à
améliorer la capacité institutionnelle des stocks, à développer des systèmes de surveillance, à
promouvoir la légalisation des stocks, à introduire des subventions adéquates, à promouvoir le
développement des nouvelles technologies et enfin à encourager le stockage des ménages comme
ligne de défense zéro.
Les organisations paysannes sont encouragées à créer des fédérations, à faciliter les échanges
d‟information entre stocks de proximité, à partager les frais d‟un organisme de contrôle centralisé
aussi bien que les services de soutien et de conseils techniques et à agir comme stocks tampons et
à mutualiser les risques.
Ce rapport est le résultat de quatre processus de recherche : a) un examen préliminaire approfondi
de la littérature existante et des sources secondaires sur les stocks de proximité et ses instruments
connexes; b) une étude économétrique évaluant le potentiel des fonds de stabilisation/
compensation pour lutter contre la vulnérabilité face au risque prix; c) l‟expérience d‟Oxfam en
Afrique ; d) les résultats d‟une étude préliminaire fondée sur un travail de terrain au Burkina.
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 5
1 INTRODUCTION
Ces dernières années, les défis visant la sécurité alimentaire ont surtout porté sur deux sujets
dont la communauté internationale se préoccupe de plus en plus. D'une part, les effets
dévastateurs de la volatilité des prix alimentaires sur les populations les plus vulnérables, ayant
fait sombrer plus de 300 millions de personnes sous le seuil de pauvreté ; et d'autre part, la
récurrence des crises alimentaires aiguës qui continuent à inverser les tendances positives du
développement en Afrique sub-saharienne.
Dans ce contexte, les réserves alimentaires sont en cours de réévaluation par les organisations
de la société civile en tant qu‟instrument potentiellement capable de répondre à ces questions à
plusieurs niveaux et de façons différentes : a) comme partie de la solution face aux hausses
des prix (servant comme un outil clé dans la lutte contre l'instabilité des prix alimentaires) et b)
comme partie de la solution face aux crises alimentaires récurrentes dans des régions comme
la Corne d‟Afrique et le Sahel (en tant qu‟un instrument de sécurité alimentaire d'urgence).
Le débat mondial sur les réserves alimentaires évolue parallèlement au renouvellement des
paradigmes du développement qui, traditionnellement, offraient des solutions globales pour des
problèmes marqués par des spécificités locales. Un tournant décisif s‟est produit abandonnant
les plans de développement globaux qui ont été appliqués au niveau mondial dans tous les
contextes au profit d‟une focalisation sur des approches adaptées situant les communautés au
cœur des initiatives de développement. L‟appropriation et la participation locale sont maintenant
largement acceptées en tant que facteurs clés essentiels à la réussite de toute initiative pour le
développement. Traduire ces principes en actions concrètes reste un défi majeur.
La CEDEAO a proposé un système de défense contre l‟insécurité alimentaire axée sur quatre
lignes de réserves alimentaires (Hub Rural, 2012, p.9) :
1. La première ligne de défense, avec le stockage de proximité, généralement organisé au
niveau communautaire ou villageois, au niveau des communes ou au niveau des
organisations de producteurs ;
2. La deuxième ligne de défense, comprenant le stock national de sécurité et/ou les réserves
stratégiques, placés sous la responsabilité des États, ou au sein de dispositifs cogérés par
les États et un pool de partenaires financiers ;
3. La troisième ligne de défense, avec le stockage régional et ses différentes composantes
envisagées ;
4. La quatrième ligne de défense, avec les mécanismes de solidarité et d‟assistance
internationale (agences humanitaires des Nations Unies, partenaires au développement,
ONG internationales).
6 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
Schéma 1: Les réserves alimentaires et les lignes de défense
Source : Gabriel Pons Cortès et Itziar Gómez Carrasco
En dépit de la littérature existante sur les différentes modalités de réserves alimentaires, nous
manquons d‟analyses spécifiques se concentrant sur le potentiel de la première ligne de
défense contre l‟insécurité alimentaire. Le but de la présente étude est de combler cette lacune
en analysant les expériences des dernières années, passant en revue les facteurs qui peuvent
déterminer ou conditionner leur échec ou leur réussite, et d'évaluer certains instruments
innovateurs (tels que l‟articulation avec les stocks nationaux, l'assurance indicielle et les fonds
de stabilisation) qui pourraient également contribuer à leur amélioration.
Les débats sur les stocks de proximité restent souvent dominés par leur histoire passée : des
résultats inégaux et un large éventail de problèmes complexes, que les observateurs les plus
critiques pensent être immuable. Cette étude mettra en avant que la première ligne de défense
possède un certain nombre de traits distinctifs qui en font un élément particulièrement bien
placé pour contribuer positivement aux stratégies de sécurité alimentaire dans le Sahel. L'étude
cherchera finalement à déterminer les facteurs et les conditions nécessaires à la création d‟un
environnement propice dans lequel les stocks de proximité puissent fonctionner efficacement.
Ce rapport est le résultat de quatre processus de recherche : a) un examen préliminaire
approfondi de la littérature existante et des sources secondaires sur les stocks de proximité et
les instruments connexes; b) une étude économétrique évaluant le potentiel des fonds de
stabilisation/compensation pour lutter contre la vulnérabilité face au risque prix; c) l‟expérience
d‟Oxfam en Afrique ; d) les résultats d‟une étude préliminaire fondée sur un travail de terrain au
Burkina.
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 7
2 CONTEXTE
La crise alimentaire vécue en 2007-8 a produit une série de fortes hausses de prix qui ont eu
des effets profonds sur les segments les plus vulnérables de la population. D‟après Oxfam
(2008), ces augmentations de prix ont entraîné 290 millions de personnes à travers le monde
sous le seuil de pauvreté. En 2010, une nouvelle hausse des prix y ajouta 44 millions de
personnes.
Les crises alimentaires constituent un phénomène récurrent pour les pays du Sahel. Ces crises
incluent la transmission d‟une crise globale à la région (les effets de la transmission dépendent
du montant des importations, des types de céréales affectées, de leur commercialisation, du
montant de la récolte, des mesures commerciales prises, etc.).
Dans les zones semi-arides du Burkina, du Mali et du Niger, les effets des crises de 2008 et
2010 ont été particulièrement dramatiques, car la majorité de la population étaient des
acheteurs nets de denrées alimentaires. En outre, ces trois pays subissent régulièrement des
crises alimentaires liées aux catastrophes naturelles et climatiques, aux fléaux et aux hausses
de prix qui ont des effets dévastateurs sur la population de la région, ce qui, à son tour, entraîne
des taux élevés de malnutrition, mettant en danger les moyens d‟existence et rendant la
population chroniquement vulnérable.
La vulnérabilité croissante de la population du Sahel est souvent mal perçue comme étant
exclusivement liée aux facteurs de risque des catastrophes naturelles nécessitant seulement
des actions humanitaires concrètes à un moment donné. Tel que nous l‟avons indiqué
précédemment, la réalité est beaucoup plus complexe que cela. L‟augmentation de la pauvreté,
la vulnérabilité et l‟insécurité alimentaire constituent des problèmes chroniques qui exigent des
réponses globales permettant de répondre pas simplement aux préoccupations humanitaires
urgentes. Les réponses efficaces devraient aussi renforcer la capacité des populations
vulnérables à surmonter les effets dramatiques des crises alimentaires tout en préservant leurs
moyens d‟existence.
L'expérience de ces dernières années a remis en question l'efficacité des stratégies de sécurité
alimentaire avec une excessive focalisation sur les réponses d'urgence à court terme et peu de
rapport avec des objectifs de développement plus ambitieux (voir Trench et al, 2007). Depuis
2008, les principaux acteurs reconnaissent de plus en plus le besoin de combler le fossé entre
les interventions humanitaires et celles pour le développement afin de répondre efficacement
aux objectifs de résilience à moyen et long terme qui vont au-delà des nécessités d'urgence
immédiate des communautés1. Les stocks de proximité peuvent potentiellement contribuer aux
efforts en cours pour combler cette lacune.
RENFORCEMENT DE LA RÉSILIENCE
Le renforcement de la résilience est entré au centre des débats actuels sur la sécurité alimentaire.
Oxfam définit la résilience comme «la capacité d'un individu ou d‟une communauté d'anticiper,
d'absorber et de se remettre des chocs avec peu de soutien ou sans soutien, tout en étant capables
de maintenir leur bien-être en dépit des changements qui ont lieu sur une période plus longue2 ».
Les discussions en cours sur la résilience mettent davantage l'accent sur la nécessité d‟adopter
un plan d‟action qui soit conscient des risques et des vulnérabilités. Par conséquent, de
nouvelles stratégies sont en cours d'élaboration en vue de combiner l‟aide humanitaire et la
réduction des risques de catastrophe avec les efforts de développement à long terme.
La nécessité d'une "double approche" pour la sécurité alimentaire et la réduction de la faim, qui
réponde à la fois aux besoins alimentaires immédiats et à la résilience à moyen et long terme a
d'abord été préconisée par l‟Organisation des Nations Unies pour l‟alimentation et l‟agriculture
8 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
(FAO) (cité dans Jaspars et Wiggins, 2009). Cette approche met l'accent sur la nécessité de: a)
créer des opportunités pour améliorer les moyens d‟existence, mais aussi et en même temps b)
assurer une action directe contre la faim grâce à des programmes qui améliorent l'accès
immédiat à la nourriture (FAO, 2003). Les stocks de proximité sont bien adaptés pour participer
à cette approche globale étant donné leur potentiel pour aider à trouver une solution à moyen et
long terme en aidant à protéger les moyens d‟existence et en renforçant la résilience.
En tant qu‟instrument ayant le potentiel de renforcer la résilience, la première ligne de défense
mérite une attention renouvelée. Cette étude explore les façons dont les stocks de proximité
peuvent aider à répondre aux besoins urgents des plus vulnérables ainsi qu‟aux enjeux à long terme
liés à la protection des moyens d‟existence (en améliorant l'accès à la nourriture, en redressant les
défaillances du marché et en favorisant l'autonomisation des communautés entre autres mesures).
BONNE GOUVERNANCE DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET DROIT A L'ALIMENTATION
La bonne gouvernance de la sécurité alimentaire constitue l'un des principaux défis auxquels
sont confrontés les décideurs politiques dans la région. Les principes de flexibilité,
responsabilité, transparence, participation et égalité sont essentiels pour s'assurer que les
programmes de sécurité alimentaire conçus selon la double approche susmentionnée
répondent aux besoins des personnes les plus vulnérables (FAO, 2011a, p. 4).
Garantir le droit à l'alimentation implique le fait d‟obtenir à la fois la disponibilité de la nourriture
et la possibilité d‟accéder à celle-ci (FAO, 2011b, p. 4). La responsabilité de garantir le droit à
l'alimentation retombe principalement sur l'État, puisque c'est à l'État qu‟il incombe de créer
l'environnement juridique, politique et institutionnel dans lequel le droit à la nourriture peut être
rempli. Le contexte politique et institutionnel est donc la clé pour comprendre pourquoi certaines
politiques de sécurité alimentaire réussissent ou ne réussissent pas (FAO, 2011a, p. 37).
La lutte efficace contre l'insécurité alimentaire implique l'amélioration de la productivité agricole
tout en facilitant l'accès aux aliments pour les plus vulnérables. Le débat sur la productivité a
figuré en bonne place lors de la réunion du G20 tenue à Mexico en Juin 2012. La productivité
n‟est pas seulement une question d‟extension agricole, d'innovation et de meilleures pratiques.
L‟on reconnait de plus en plus que les institutions, les règles et les processus politiques jouent
un rôle clé dans la quête d'une croissance agricole durable, d‟une sécurité alimentaire accrue et
de la promotion des moyens d‟existence (FAO, 2011a, p. 4).
Ces facteurs créent un «environnement propice» pour que les politiques de sécurité alimentaire
puissent travailler efficacement et répondre aux besoins des populations les plus vulnérables.
Assurer la participation locale et communautaire est essentiel pour comprendre les besoins des
personnes affectées et assurer un large soutien et une appropriation de l'initiative (FAO, 2011a,
p. 28). Par conséquent, toute réponse efficace doit être solidement ancrée sur une
compréhension approfondie du contexte local et du niveau microéconomique. Si l‟on ne garanti
pas cela, les macro-solutions continueront à échouer en ce qui concerne les populations les
plus vulnérables.
Toute proposition qui cherche à améliorer la sécurité alimentaire doit assurer un certain niveau
de capacité administrative et la gestion des stocks de proximité n‟est pas une exception à cet
égard. Les gouvernements locaux et nationaux doivent améliorer leurs capacités a fin de
coordonner, d‟appliquer des nouvelles normes et d‟augmenter leur capacité administrative.
Selon Colin Poulton, si les normes de gouvernance ne sont pas améliorées, le système
alimentaire sera condamné entre l‟échec de l‟État et l‟échec du marché (Poulton et al, 2006).
Comprendre comment les stocks de proximité ont le potentiel de répondre à ces défis constitue
l'un des principaux objectifs de cet article.
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 9
3 COMPRENDRE LE PROBLÈME À RÉSOUDRE AU NIVEAU LOCAL
Le renforcement de la résilience consiste à s'assurer que les plus vulnérables puissent
échapper au piège de la pauvreté tel qu‟illustré dans le schéma n° 2. Ce schéma expose les
problèmes rencontrés par les petits producteurs dans les zones uni-modales semi-arides
comme le Sahel, sans inclure les difficultés de ceux qui ne peuvent pas produire et devraient
bénéficier de mesures de protection sociale. Il n‟est pas surprenant que la plupart des facteurs
soient les mêmes que ceux qui ont limité les possibilités des petits producteurs de bénéficier
des hauts prix pendant la dernière crise pour augmenter leur production et revenus.
Les causes empêchant de disposer de la production suffisante pour toute l‟année, sont variées
(Intermon Oxfam, 2010) ; la cause la plus immédiate étant l'absence d‟un mode de stockage
adéquat qui garantisse la préservation du grain (1er cercle). Par conséquent, les producteurs
préfèrent souvent vendre à bas prix juste après la récolte afin d'éviter que le grain ne périsse.
Cela implique des pertes pour les producteurs, étant donné qu‟ils doivent acheter le grain à un
prix plus élevé plus tard dans la saison. Pour fournir une estimation des pertes post-récolte il
nous faut souvent une analyse de type conjectural. Le Système d‟Information Africain des
Pertes Post-Récolte (APHLIS3) estime que le pourcentage de pertes en Afrique orientale et
australe oscille entre 6 pour cent à 8 pour cent avant le transport au magasin (Banque
Mondiale, 2011, table 2.5, p. 17). La valeur des pertes de céréales en Afrique sub-saharienne
pourrait atteindre les 4 milliards de dollars américains par an, sur une valeur annuelle estimée
de 27 milliards de dollars américains en 2005-2007 (Banque Mondiale, 2011, p.18).
Le besoin urgent de liquidité après la récolte (2) constitue la raison première pour laquelle les
producteurs sont obligés de vendre à bas prix (3). Les intermédiaires jouent un rôle
fondamental dans ce processus. Malgré qu‟ils soient souvent présentés de manière négative,
qu‟on ne leur fasse pas confiance et qu‟on se méfie d‟eux, les intermédiaires constituent une
partie clé du système. Les intermédiaires existent quand le contexte leur permet de jouer un
rôle dans la chaîne. Au-delà d‟en tirer des bénéfices qui souvent exploitent les petits
producteurs, ils peuvent jouer un rôle positif dans l‟organisation de ventes, facilitant l‟accès aux
marchés et apportant des conseils techniques précieux dans certains cas. En l‟absence
d‟autres sources de financement et crédit, les intermédiaires peuvent aussi financer la
production (Intermón Oxfam, 2010).
Cependant, il est vrai que dû à un manque de pouvoir de négociation nécessaire pour traiter
avec les intermédiaires, les prix obtenus par les producteurs sont plutôt faibles. Voila pourquoi,
le fait que les prix au détail soient élevés ne veut pas forcément dire que les petits agriculteurs
en tirent profit. Cela peut rendre les récoltes non-compétitives,4 ce qui, à son tour, crée une
situation où l‟on n‟ose pas investir pour améliorer le rendement. Les importations bon marché,
de l'aide alimentaire internationale ou d'interdiction des exportations (4) aggravent ce problème,
puisque les producteurs ont tendance à ne pas investir s‟ils courent le risque de subir des
pertes supplémentaires en cas de nouvelles baisses des prix.
Outre les raisons susmentionnées, même pour un investissement limité, les producteurs
peuvent aussi ne pas avoir les fonds nécessaires pour couvrir les coûts des intrants (5).
L'absence de marché de crédit, ou de garanties, peut empêcher les producteurs d'investir, ou
peut les amener à contracter des dettes auprès d'intermédiaires, ce qui augmente leur
dépendance globale. Les intermédiaires profitent du besoin d'argent des producteurs et de leur
manque d'espace de stockage pour justifier leurs bas prix.
En outre, la production est faible parce que, sans assurance, le risque de pertes dues à des
causes climatiques (6) et à la volatilité de prix (7) décourage encore plus l'investissement. La
forte variabilité du climat augmente l'aversion au risque des petits exploitants
10 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
Le fait que l‟on ne cultive que des petites zones est couplé au manque de machinerie (8) et de
techniques agricoles adéquates (9). La mauvaise qualité des semences, le niveau insuffisant
d‟engrais et de pesticides réduisent eux aussi la récolte.
Schéma 2: Les causes de l'insécurité alimentaire pour les producteurs agricoles les plus pauvres
Source: adapté d’Intermón Oxfam, 2010.
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 11
Lorsqu‟arrive la période de soudure, les réserves sont épuisées (10). Cela oblige les
producteurs à s‟endetter, de vendre leurs actifs (11), et à migrer (12) afin d'obtenir un revenu
pour acheter des aliments. La migration a lieu précisément pendant la saison de la semence
(qui coïncide avec la période de soudure), au moment où la force de travail est la plus
nécessaire sur les parcelles agricoles. Cela aggrave encore plus la situation pour la saison
suivante. Par conséquent, les petits propriétaires sont pris au piège dans un cercle vicieux qui
accroît la limitation de l'investissement et les force à cultiver des zones de plus en plus petites.
Malgré un engagement limité, les États5 essaient de résoudre ces problèmes en investissant
dans la construction de routes, en encourageant l‟expansion agricole et en allouant de
subventions aux intrants. Les réserves alimentaires des États ont l‟habitude de fournir une aide
alimentaire d'urgence lorsque les crises alimentaires arrivent, mais ils ont aussi tendance à
donner «trop peu et trop tard». En outre, les réserves nationales ne sont pas l'instrument le
mieux adapté pour répondre au besoin urgent de liquidité des petits producteurs et aux
problèmes de stockage auxquels ils sont confrontés (1, 2 et 3).
12 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
4 DÉFINITION DES DIFFÉRENTS TYPES DE STOCKS DE PROXIMITÉ EXISTANTS
Le problème du bradage a été combattu de deux façons différentes :
1. Grâce à la promotion d'un stockage ménager, avec ou sans crédit post-récolte.
2. Grâce aux stocks de proximité (voir définition en bas).
Plusieurs organisations, telles que la Direction du Développement et de la Coopération Suisse
(DDC), ont réussi à promouvoir le stockage ménager pendant de nombreuses années par le
biais des programmes post-récolte6. L'octroi de crédits en combinaison avec le stockage
ménager a l'avantage d'éviter les coûts de stockage à la communauté (étant donné que chaque
famille stockerait son grain chez elle), mais serait soumise à un risque accru de non-
remboursement (notamment l'aléa moral lorsque les producteurs font valoir qu'ils ne peuvent
pas payer lorsqu'ils sont confrontés à une mauvaise récolte). Pour éviter ce risque moral, des
garanties sont demandées, mais celles-ci ne sont viables que lorsque les familles ont des actifs.
À cet égard, en Afrique, l‟un des problèmes auxquels doivent faire face les producteurs est le
grave manque de garanties pour le crédit agricole. Les terrains ne peuvent pas être offerts en
tant que tels puisque, la plupart du temps, leur propriété est de type collectif (Coulter, 2005).
Au sujet de la combinaison du stockage ménager et du crédit post-récolte, l‟une des seules
expériences documentées à ce jour est une initiative conçue à Madagascar, où 40,000 tonnes
de paddy ont été stockées (principalement distribuées en 7.000 stocks domestiques) et les
ménages ont eu accès à 5 produits de crédit (crédit de stockage, crédit de production, location-
vente, crédit commercial et crédit social d‟urgence). Ce système de crédit de stockage a été
positivement évalué et il possède l‟avantage sur le warrantage (définition p.16) d‟être
hautement centralisé, auto-réglé et abordable (Coulter, 2009, p.25).On peut supposer que les
coûts de transaction de contrôle de la garantie des ménages dispersés sont plus élevés que
ceux encourus lors du stockage communautaire. L‟amélioration du stockage ménager pourrait
aussi être justifiée par le fait qu‟elle établirait une saine concurrence avec les stocks de
proximité : ces derniers seraient nécessaires et utilisés pour leurs capacités à offrir des services
fiables axés sur l‟amélioration du stockage ménager.
Au Kenya et au Malawi, une initiative pilote inspirée par le projet Post-Cosecha en Amérique
centrale a été appliquée par le CIMMYT7 en vue de fournir des options de stockage alternatif
pour les petits agriculteurs. Le projet se caractérisait surtout par l‟offre de sessions de formation
pour la construction de silos métalliques. Depuis 2008, 105 silos ont été produits et distribués
dans les districts d‟Embu et Homa Bay (Kenya) et 45 autres dans les districts de Dowa et
Mchinij (Malawi) (CIMMYT, 2011).
Bien que l'initiative ne visait que les petits exploitants agricoles, un certain nombre d'écoles et
de communautés urbaines ont également commencé à utiliser des silos métalliques, en
reconnaissant les avantages d'acheter du grain lorsque les prix sont bas et d‟être en mesure de
disposer du grain nécessaire tout au long de l'année. À la vue de la réussite de cette initiative
pilote, plusieurs pays à travers le continent ont exprimé leur intérêt à développer des initiatives
similaires (CIMMYT, 2011).
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 13
STOCKS DE PROXIMITÉ : ELEMENTS CLÉS ET OBJECTIFS
Les stocks de proximité ont existé pendant des siècles comme des éléments fondamentaux des
stratégies de survie développées par les communautés traditionnelles. Les stocks de proximité
sont des initiatives collectives formelles ou informelles gérées8 par les petits producteurs dans
le but d'améliorer la disponibilité et l'accès à la nourriture (greniers de sécurité alimentaire9), ou
d'augmenter les revenus en achetant du grain aux producteurs lorsque les prix sont bas et de le
vendre lorsque les prix sont plus rentables (stocks commerciaux). Bien que leurs objectifs
fondamentaux diffèrent, les deux types de réserves essaient en fin de compte, d'améliorer les
conditions des producteurs par la gestion du cycle des prix.
Les stocks de proximité dans les zones déficitaires : les stocks de proximité situés dans les
zones déficitaires visent principalement à accroître l'accès à la nourriture et la disponibilité des
aliments. Dans ces zones, les stocks de proximité fonctionnent en achetant auprès des
agriculteurs après la récolte et en vendant ce même grain dans la communauté pendant la
soudure à un prix inférieur (ou en distribuant le grain entreposé sous forme d‟emprunt). Les
producteurs qui ont vendu du grain aux stocks de proximité doivent le racheter quand la période
de soudure arrive et qu‟ils n‟ont plus de grain.
Les stocks de proximité dans les zones excédentaires10
: Augmenter les revenus est le
principal objectif des stocks de proximité mis en place dans les zones excédentaires. Ces
réserves ont un fonctionnement similaire à celui des stocks de proximité dans les zones
déficitaires, mais avec un esprit différent, car ils cherchent à obtenir les prix les plus élevés
possibles pendant la période de soudure et d‟en partager les bénéfices avec les producteurs
(une fois déduits les coûts de maintenance). Si gérés efficacement, les deux types de réserves
peuvent tous les deux aider à réduire la vulnérabilité des acheteurs de produits alimentaires
nets causée par les fluctuations saisonnières du marché et à alléger la contrainte de l‟offre, en
libérant les stocks quand les prix augmentent en raison des faibles niveaux
d'approvisionnement.
Les stocks de proximité poursuivent des objectifs différents et peuvent prendre différentes
formes en fonction de leur contexte. Ils peuvent chercher des objectives commerciaux ou
sociaux. Certains types de stocks de proximité (notamment les réserves de sécurité alimentaire)
cherchent à protéger les plus vulnérables en garantissant l‟accès à la nourriture de manière
gratuite ou à bas prix pendant toute l‟année (particulièrement pendant la période de soudure).
Leur fonction sociale et les services qu‟ils assurent aux plus démunis constituent leurs principes
directeurs, même s‟ils doivent maintenir l‟équilibre entre la durabilité financière et la logique
sociale pour rester économiquement viable. D‟autres types de stocks (notamment la
commercialisation groupée et le warrantage) sont principalement dirigés par des objectifs
commerciaux et fonctionnent comme des entreprises cherchant à gagner des revenus.
L‟expérience suggère que les stocks de proximité ont été particulièrement vulnérables à cause
de la recherche combinée des objectifs sociaux et commerciaux (Coulter, 2006, p. 4, Domingo,
1995 and Teyssier, 2002).
La base communautaire des stocks de proximité facilite l'action au niveau local et donne aux
stocks de proximité la souplesse nécessaire pour adapter leur composition et les services qu'ils
offrent à chaque contexte local. Il est difficile de trouver des types «purs» de stocks de
proximité. La plupart des stocks de proximité combine des objectifs multiples et il n'y a aucun
classement ni aucun accord reconnu à grande échelle au sujet de quelle appellation
correspondrait à quelle fonction. Aux fins de la présente étude, nous proposons la classification
présentée dans le schéma n° 3.
Les «vrais» stocks de proximité sont ceux qui remplissent les trois conditions suivantes :
1. Ils ont pour objectif de tirer profit des variations de prix en utilisant le stockage
communautaire (par opposition au ménager). Ceci est fait de deux manières: en diminuant
14 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
les marges de prix pour les consommateurs (surtout dans le cas de zones déficitaires), ou
en l'augmentant pour les vendeurs (la plupart du temps dans le cas des zones
excédentaires).
2. Il y a un risque prix associé au cycle des prix, qui est, au moins en partie, à la charge de
l'organisation.
3. Ils fonctionnent comme des entreprises (y compris les greniers de sécurité alimentaire),
car ils ont un bilan à la fin de la saison et peuvent faire faillite s‟ils vendent à un prix inférieur
à celui auquel ils avaient acheté initialement.
Schéma 3 : Types de stocks de proximité
Source : Gabriel Pons Cortès et Itziar Gómez Carrasco
RÉSERVES DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE LOCALES
11
Les réserves de sécurité alimentaire locales ont pour objectif de sécuriser l'accès et la
disponibilité des stocks au cours de la période de soudure en tenant un inventaire des stocks
immédiatement disponibles qui peuvent être vendus à la communauté à des taux inférieurs aux
prix du marché.
Certaines réserves de sécurité alimentaire fournissent des crédits en nature au cours de la
période de soudure: le bénéficiaire ou le membre de la communauté obtient un prêt en nature
et doit rembourser après la récolte. Le taux d'intérêt est généralement très élevé12
, afin de tenir
compte de la variation des prix entre le moment où le prêt est contracté (au cours de la période
de soudure, lorsque les prix sont élevés) et le moment où il est remboursé (post-récolte, quand
ils sont bas).
D'autres13
ne vendent le grain que pendant la période de soudure et, par conséquent, le
bénéficiaire doit trouver une autre activité (élevage horticulture ou vente de bétail) afin d'acheter
du grain. Dans ce cas, le seul risque de prix restant est celui de la vente des réserves à un prix
inférieur à celui payé à l'origine lorsqu‟arrive la période de soudure. Il n‟y a pas de manque de
crédit, puisque les réserves sont toujours vendues.
Au Burkina Faso, l'Association Aidons l‟Afrique Ensemble (AAAE) gère un groupe de 21
greniers de sécurité alimentaire dans le département de Rambo. Les stocks de proximité
stockent entre janvier et mars et vendent entre juin et septembre. Étant donné que l'association
n'accorde pas de crédits pour acheter le grain et que l‟argent est requis pour couvrir les besoins
céréaliers au cours de la période de soudure, elle distribue des arbres fruitiers (principalement
des manguiers et des nérés) pour compléter les besoins alimentaires et fournir des revenus
supplémentaires aux bénéficiaires (AAAE, 2011).
Ces types de stocks de proximité sont principalement situés dans les zones déficitaires et, par
conséquent, les achats de grain doivent être effectués en dehors de la région. La plupart des
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 15
stocks de proximité s‟approvisionnent régulièrement par l‟achat des céréales dans les zones
excédentaires. Lorsque ces mêmes stocks de proximité font partie d‟un réseau plus vaste, des
échanges sont organisés depuis les zones excédentaires vers celles déficitaires.
Encadré nº 1: La Fédération Naam
Au Burkina Faso, le réseau Naam est composé de 368 greniers de sécurité alimentaire
situés dans 19 provinces à travers le pays (qui desservent près de 500.000 personnes). La
présence de stocks de proximité à la fois dans les zones excédentaires et dans les zones
déficitaires permet d‟avoir principalement des ventes et des échanges au sein même du
réseau (bien que la Fédération ait recours aux réserves externes quand la situation
l'exige).
La Fédération Naam a amélioré l'accès à la nourriture des manières suivantes:
1. En modérant les prix afin de s'assurer qu'ils sont, au moins, similaires à ceux trouvés
dans les marchés voisins (mais le plus souvent inférieurs) ;
2. En introduisant la vente au détail, ce qui permet que des petites quantités puissent être
vendues directement au niveau des stocks de proximité (un service particulièrement
utile pour les pauvres et les plus vulnérables) ;
3. En réduisant les coûts de transport ;
4. En ayant des effets positifs indirects sur les activités génératrices de revenus, par le
biais d'achats locaux à des prix plus favorables et en encourageant le commerce local ;
5. En fournissant une aide alimentaire occasionnelle pour les plus vulnérables dans les
moments d'extrême nécessité.
L'existence des greniers de sécurité alimentaire a apporté d'autres avantages importants
pour la communauté. Elle a diversifié le type de nourriture disponible et offert la possibilité
d'acheter des petites quantités, ce qui améliore à la fois le régime de la communauté et
l'accès à la nourriture pour les personnes les plus vulnérables. La qualité des produits
s‟est également vue améliorée grâce aux meilleures conditions de stockage.
En outre, deux services essentiels sont offerts : a) une série d‟activités de renforcement
des capacités qui ont formé 4.400 membres des comités de gestion entre 2004-7; b) un
système de crédit unifié basé sur une seule ligne (au nom de la Fédération) a aidé à
surmonter le problème de manque de crédit.
Source: COTA (2009, p.67).
STOCKS COMMERCIAUX
Il existe, principalement, deux types de stocks commerciaux : la commercialisation groupée et
le warrantage14
. Le principal trait distinctif de ces deux types de réserves alimentaires, c'est que
leur principal objectif est d'augmenter les revenus et cela implique de stocker des céréales des
producteurs jusqu'à la fin de la saison afin d'assurer de meilleurs prix, ainsi que de fournir une
certaine forme de crédit (avec les grains à titre de garantie).
La principale différence entre la commercialisation groupée et le warrantage, c'est que la
commercialisation groupée a une sorte de fond de roulement qui lui permet de financer le crédit
ou d‟acheter du grain. Si les fonds proviennent d'une banque ou d‟une institution de micro-
finance, alors le stock peut être considéré comme une forme de warrantage (si le grain est
certifié à titre de garantie de façon indépendante ou non). Par conséquent, les deux principales
questions définitoires sont : a) qui c‟est qui stocke le grain, et b) qui fournit des fonds pour le
crédit. Ces deux caractéristiques seront développées dans la section suivante.
16 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
Commercialisation groupée
La commercialisation groupée poursuit trois objectifs principaux : a) protéger les agriculteurs
contre les pertes à la suite du cycle des prix (par ex. "survendre" à prix bas et racheter à des
prix élevés); b) éviter l'exploitation de la part des intermédiaires; c) soutenir les agriculteurs en
aidant à la recherche d‟un meilleur marché pour leur grain (Coulter, 2006, p. 9). Ce type de
réserve locale peut prendre une grande variété de formes, l'une de ses caractéristiques
définitoires étant de savoir si elles sont établies dans des zones excédentaires ou déficitaires.
Par définition, la commercialisation groupée a pour objectif d'augmenter les revenus de ses
membres. La diversité des services offerts dans les zones excédentaires est plus élevée que
dans les zones déficitaires. Comme dans le cas des greniers de sécurité alimentaire, ils
peuvent fournir des crédits en nature au cours de la période de soudure15
et, également,
acheter également du grain ou octroyer des crédits en échange. Le crédit est un service fourni
par la plupart des stocks situés dans les zones excédentaires.
Les stocks commerciaux ont recours à un large éventail de mesures internes en vue de :
1. Définir qui est le propriétaire du grain. La commercialisation groupée peut consister à
acheter le grain du producteur et, dans ce cas, assumer tout le risque prix, ou il peut
accorder des crédits au producteur avec le grain à titre de garantie, auquel cas c‟est le
producteur qui porte le risque prix. Le grain entreposé a le même but que l'argent dans les
banques financières puisque les céréales constituent des passifs.
2. Organiser des ventes au cours de la période de soudure. Deux options sont les plus
courantes : les ventes conjointes organisées par les stocks commerciaux à un moment
précis dans le temps ou les ventes individuelles négociées à niveau particulier tout au long
du cycle.
Cette variété représente les différentes solutions qui sont trouvées afin d‟assumer le risque prix
(examinée en détail dans la section sur la vulnérabilité face au risque prix).
Le type de propriété constitue un autre trait caractéristique. La personnalité juridique et le statut
des coopératives céréalières sont pleinement reconnus, ce qui implique que leurs règles sont
juridiquement contraignantes. Cependant, les stocks de proximité communautaires sont établis
pour servir toute la communauté sans exception. Par conséquent, toutes les personnes qui
appartiennent à la communauté adhèrent au stock. Les stocks sont établis avec l'objectif de
servir la communauté en cas de besoin et sont dirigés par des leaders de la communauté, sans
aucune forme d‟accord juridique.
Warrantage
Les warrants (ou certificats de dépôt) sont des documents émis par les exploitants d'entrepôts
comme preuve que les produits spécifiés, la quantité et la qualité indiquées, ont été stockées
dans des endroits particuliers par les déposants désignés (Coulter et Onumah, 2002).
Le warrantage rassemble une association des producteurs (comme une banque de céréales ou une
coopérative), une organisation qui certifie que le grain y est stocké et en émet le reçu, et une
banque (qui fournit des crédits contre ces reçus à titre de garantie). Le stockage se fait par la voie
d‟une "garde sécurisée". Cela implique que l'exploitant de l'entrepôt est responsable de toute perte
de la valeur du grain par le vol, l'incendie ou autres catastrophes, mais il n'a aucun intérêt légal ou
bénéficiaire dans celui-ci. En cas de liquidation, le titre juridique demeure en faveur du déposant et,
par conséquent, les créanciers ne sont pas en droit de réclamer la propriété des céréales stockées
(Onumah, 2003, p. 3).
Le warrantage fonctionne de la façon suivante (Chetaille, 2011, fig 2):
1. Le producteur apporte le grain à l'entrepôt au début de la saison.
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 17
2. L'entrepôt en expédie un accusé de réception (certificat de dépôt ou mandat).
3. Le producteur négocie un crédit auprès de la banque (à l'aide d‟un reçu à titre de garantie)
qui sont évalués au prix actuel du grain sur le marché à ce moment-là.
4. À la fin de la saison, l'acheteur (avec le producteur) paie la valeur du produit à la banque.
5. La banque donne le reçu à l'acheteur.
6. L'acheteur donne le certificat à l'entrepôt et la banque paie au producteur la valeur du stock
après en avoir déduit la valeur du crédit et les intérêts correspondants.
7. L'entrepôt donne le grain à l'acheteur.
Le warrantage peut donc permettre aux producteurs d'accéder à plus de capital et à un coût
plus raisonnable, ce qui contribue à briser les barrières entre le secteur bancaire formel et les
secteurs commerciaux autochtones (Coulter et al, 1997, p. 3).
Le warrantage peut être vu comme une version plus sophistiquée et formelle de
commercialisation groupée. La différence principale entre le warrantage et la commercialisation
groupée est que le warrantage évite le problème de la décapitalisation du fond de roulement,
parce que le risque crédit retombe sur la banque, qui le couvre avec le reçu. Toutefois, veiller à
ce qu‟il y ait une garantie de qualité standard a des coûts de transaction, qui sont supportés par
le producteur. Afin de se protéger du risque de prix, les banques ne fournissent des fonds que
pour 60-70 pour cent de la valeur des produits. Par conséquent, le risque de prix retombe lui
aussi sur le producteur (Chetaille, 2011, Afrique Verte 2011).
Au Niger, le warrantage a d‟abord été mis en place en 1999 dans le cadre d'un projet financé
par la FAO : Intrants Project. À l'heure actuelle, les services de crédit sont encore assurés par
des institutions micro-financières parce que les banques sont encore réticentes à cause des
risques que cela implique. Au Burkina, les expériences sont récentes et rares, ayant été initiées
dans la plupart des cas depuis moins de 5 ans.
Une étude de cas portant sur quatre systèmes, Chetaille et al (2011) a montré que, bien que le
warrantage orthodoxe ait réussi à accroître le revenu des producteurs de 20 pour cent, les
pertes dues au risque prix en un an découragent la plupart des utilisateurs.
Commercialisation groupée ponctuelle
En Afrique Occidentale, il existe une modalité de commercialisation en commun ne pouvant pas
être considérée comme un type de réserves alimentaires, connue sous le nom de
«commercialisation groupée16
» Un groupe de paysans (qui généralement possèdent un
entrepôt) déposent leurs stocks de céréales au cours de la saison des récoltes et les vendent
conjointement avec le but d'obtenir de meilleurs prix.
Malgré que la commercialisation groupée ponctuelle poursuive des objectifs similaires et son
fonctionnement soit presque identique à celui des stocks de proximité plus "classiques", elle ne
peut pas être considérée comme une réserve alimentaire classique. La commercialisation
groupée ponctuelle ne remplit pas deux des conditions fondamentales qui caractérisent les
réserves alimentaires classiques : a) elle ne cherche pas à tirer profit des variations de prix en
utilisant le stockage partagé (car, en général, elle entreprend des procès de vente à court terme
et ne stocke guère) ; b) jusqu'à ce que la vente ne soit faite, chaque producteur assume le
risque prix sans demander aucun crédit sur sa part du stock.
Par conséquent, le principal facteur de différenciation est le fait que la commercialisation
groupée ponctuelle comporte des risques individuels, et non pas communautaires ou de la
coopérative. Voilà pourquoi, habituellement, ce système est adopté dans des zones
excédentaires et par les producteurs les moins vulnérables (c'est-à-dire ceux qui sont capables
de garder une certaine partie de la récolte jusqu'à ce que les prix augmentent).
18 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
5 COMMENT LES STOCKS DE PROXIMITÉ PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ?
EN ATTENUANT LES EFFETS DE LA FLAMBÉE DES PRIX
Potentiellement, les stocks de proximité peuvent jouer un rôle crucial dans la lutte contre la
flambée des prix. Bien que la mobilisation des réserves locales pourraient modérer les prix
élevés au cours des années maigres (Dembélé, 2007, p.5), les mêmes facteurs qui affectent les
réserves nationales affectent également les stocks de proximité : les niveaux des stocks sont
plus élevés les bonnes années (lorsqu‟il est peu probable que l‟on fasse appel à la réserve pour
faire face aux pénuries alimentaires), que les mauvaises années (lorsqu‟il est fort probable que
l‟on ait besoin de la réserve) (Lynton-Evans, 1997, p.12). Il peut donc en être déduit qu‟à cet
égard, les stocks de proximité sont plutôt pro-cycliques que contra-cycliques.
Cela soulève la question des échanges entre zones excédentaires et zones déficitaires et la
mise en commun des risques. Les échanges entre les différentes zones géographiques sont
connus sous le nom d‟"arbitrage spatial", lequel est considéré comme l'un des principaux
facteurs ayant causé l'échec des stocks commerciaux dans le contexte de l'Afrique occidentale.
Les difficultés auxquelles se sont heurtées les producteurs pour faire face aux opérateurs privés
et comprendre les complexités du commerce privé ont eu pour résultat de minces marges
nettes (dans le meilleur des cas) et de nombreuses pertes pour les banques céréalières
(Coulter, 2006, p. 10).
Dans le cas des stocks de proximité, pour atténuer le risque prix l‟on cherche à réduire les
écarts de prix excessifs entre la saison de la récolte et celle de soudure (ce qui permet aux
consommateurs d'accéder aux céréales à des prix équitables au cours de la période de
soudure et aux producteurs d‟augmenter leurs revenus). C‟est ainsi que leurs membres
obtiennent des prix plus favorables (principalement dans les cas des réserves de sécurité
alimentaire) ou bien jouissent de meilleurs prix d'achat toute au long de l'année (principalement
dans le cas de la commercialisation groupée). Toutefois, étant donné leur petite taille par
rapport au marché, les stocks de proximité ne parviennent pas à atténuer les hausses de prix
au niveau national17
.
EN RENFORÇANT DES STRATEGIES DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE PLUS AMBITIEUSES
L'amélioration des pratiques agricoles est, d‟après Coulter, «le changement le plus
révolutionnaire» que les stocks de proximité peuvent potentiellement apporter, en raison des
synergies puissantes entre la réduction du coût des intrants (là où ce service existe),
l'amélioration des perspectives de recouvrement des crédits et celle des marchés de la
production (Coulter 2006, p.19).
Les ONG qui établissent des stocks de proximité offrent également d'autres services
complémentaires dans le cadre de stratégies de sécurité alimentaire plus ambitieuses
s'appuyant sur le travail des organisations déjà existantes. Par exemple, au Burkina, l'AAAE18
offre des crédits pour acheter des bœufs de labour (Baziomo, 2011). La combinaison de
l‟utilisation de bœufs de labour et l'amélioration des pratiques agricoles a entraîné
l‟agrandissement des zones de culture, la réduction du temps de travail et l‟augmentation des
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 19
rendements (jusqu'à 500 kg / ha de plus de maïs, 200 kg / ha en plus de mil et 100 kg / ha plus
de sorgho).
En Tanzanie, certains stocks de proximité ont également offert des charrettes à bœufs et des
charrues de fer19
(selon les expériences des programmes d'Oxfam).
Les stocks de proximité ont également servi à rassembler les gens autour d'une question
d'intérêt commun (l‟amélioration des prix des céréales) et à fournir un forum permettant de
discuter et de rechercher des solutions communes aux problèmes communs (notamment
certains obstacles empêchant les petits producteurs de franchir le fossé entre leur propre
subsistance et leur introduction sur le marché). Cela fait des stocks de proximité un outil
puissant ayant le potentiel de soutenir des stratégies de sécurité alimentaire plus ambitieuses.
Certaines organisations ont également intégré des programmes de nutrition fondés sur les
stocks de proximité. Dans ceux-ci les céréales sont utilisées pour produire un type de farine qui
est ensuite enrichie en utilisant différents nutriments, puis distribuée gratuitement aux familles
vulnérables pour améliorer l'alimentation de leurs enfants20
.
La fédération Mooriben au Niger a développé avec succès un système de services intégrés
(voir schéma nº4) qui prend en charge les stratégies alimentaires plus ambitieuses de plusieurs
façons. Les membres du réseau ont accès non seulement aux stocks de proximité, mais aussi
à toute une gamme de services dont : une radio communautaire, des informations sur des
questions d'intérêt pour les petits exploitants, un soutien au crédit, un warrantage, une vente
des intrants et un appui technique (Bennegouch, 2010).
Schéma 4: Réseau de services Mooriben
Source : redessiné à partir de Benegouch (2010)
EN METTANT EN ŒUVRE DES INITIATIVES DE
PROTECTION SOCIALE
Certains stocks de proximité visent la protection sociale reposant essentiellement sur les efforts
des personnes associées à leurs activités. Le cas du réseau Mooriben au Niger constitue une
illustration intéressante de ce type de pratique. Le stock de proximité Mooriben demande
20 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
chaque membre une contribution d‟au moins 5 kg pour la création d'un "stock de secours" au
moment de la récolte. Au niveau de chaque stock de proximité, l‟on établit le pourcentage
global de la contribution (habituellement autour de 10 pour cent de la production excédentaire,
quoique ce chiffre soit défini en fonction du volume global disponible). La stratégie de
mobilisation du réseau Mooriben est exclusivement basée sur les ressources des groupements
de réseaux et de leurs membres. En outre, le réseau couvre également les frais de transport
pour la distribution du grain à ceux qui n‟en ont pas les moyens. À la lumière de l'impact positif
de cette initiative sur les plus vulnérables, Mooriben envisage de mettre en place ce type de
stock dans tous les groupements d'ici 2014 (Mooriben, 2009, p. 12).
Bien que la Fédération Naam n'ait officiellement introduit aucune mesure concrète de protection
sociale, les ventes au détail (amélioration de l'accessibilité pour les plus pauvres), la
diversification (large gamme de produits et la possibilité de créer de petits marchés pour eux),
les ventes à crédit et les dons occasionnels (bien que tous deux interdits par la charte) ont eu
des effets positifs sur le bien-être des personnes les plus vulnérables (Sonet et Nacoulma,
2009, p. iv)
Au Burkina, l'AAAE a incorporé une série de mesures visant à soutenir les membres les plus
vulnérables de la communauté (classées en 14 catégories concrètes). Le grain est
régulièrement distribué gratuitement selon divers quotas établis sur la base du cas par cas (la
taille du ménage étant un critère clé). Quand ils reçoivent du grain additionnel provenant de
donateurs, un plan de distribution plus étendu est mis en œuvre.
Ce sont quelques exemples des initiatives de protection sociale réalisées par les stocks de
proximité indépendamment des programmes gouvernementaux. Renforcer la relation entre les
deux servirait à diminuer le fardeau des stocks et assurer aussi des bénéfices mutuels grâce à
l‟amélioration de la réponse des stocks et du gouvernement dans le domaine de la protection
sociale. La section 7 inclue des détails additionnels sur ce point.
EN AUGMENTANT LES REVENUS DES PETITS PRODUCTEURS
Tel que nous venons de le décrire, les deux types de stocks de proximité (greniers de sécurité
alimentaire et stocks commerciaux) peuvent fournir des fonds après la récolte. Ce facteur est
important, car il permet d‟empêcher le grain d‟être vendu à bas prix et ainsi d‟augmenter les
revenus des producteurs. Cela est possible dans une certaine mesure qui dépend en grande
partie des quantités vendues et des marges offertes par les stocks de proximité.
Les stocks de proximité peuvent aussi aider à fournir des revenus plus équitables pour les
producteurs. Ces mesures peuvent favoriser la confiance du marché, qui peut à son tour inciter les
petits producteurs à investir et à améliorer la production (numéros 3 et 5 du schéma n° 1).
Les petits producteurs peuvent bénéficier de l'augmentation des revenus grâce à deux
principaux facteurs :
1. L'augmentation des rendements résultant de meilleures pratiques agricoles, (comme nous
venons de l'expliquer ci-dessus).
2. Le stockage spéculatif (arbitrage temporel).
C‟est le premier de ces facteurs qui contribue le plus à l‟augmentation des revenus. Comme la
plupart des producteurs ne sont en mesure de vendre que de petites quantités de céréales (un
ou deux sacs), une augmentation du pourcentage sur ces petites quantités ne représente pas
une grosse différence. Toutefois, peu importe le pourcentage de cette marge, le producteur
peut toujours le considérer comme une bonne motivation pour accroître la production21.
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 21
EN PROTÉGEANT LES MOYENS D‟EXISTENCE ET LES ACTIFS
Les fonctions des stocks de proximité mentionnées dans cette section peuvent contribuer de
manière significative à la protection des moyens d‟existence et des actifs. En plus de répondre
aux besoins d'urgence, les stocks de proximité peuvent servir des objectifs de développement à
moyen et long terme en permettant aux collectivités de poursuivre leurs activités économiques
au cours de la période de soudure, de manière à protéger leurs moyens d‟existence et prévenir
la migration.
Comme nous l‟avions déjà souligné précédemment, la migration saisonnière (liée à la soudure)
constitue un problème majeur dans des contextes d'insécurité alimentaire. La période de
soudure coïncide avec la saison de semis et, par conséquent, la migration à ce moment là,
déterminante pour la récolte suivante aggrave la situation globale, renforçant ainsi le cercle
vicieux de la pauvreté. Les familles vulnérables perdent une partie de la force de travail
nécessaire pour la semence lorsque les petits exploitants se voient obligés de migrer à la
recherche d'un salaire leur permettant de couvrir leurs besoins alimentaires de base.
Les expériences en Tanzanie (programmes d'Oxfam), au Niger (Soumaila et H. Wada, 2009) et
au Burkina Faso22
(Oxfam travail de terrain, 2012) suggèrent qu‟en permettant aux collectivités
de poursuivre leurs activités économiques, les stocks de proximité peuvent jouer un rôle central
dans les efforts pour lutter contre les migrations en période de soudure.
Dans des contextes marqués par des risques idiosyncratiques (dans des situations où
seulement certains individus ou sous-groupes sont touchés par la crise, et non pas la
communauté toute entière), les stocks de proximité permettent aux petits producteurs d‟obtenir
des crédits23
de céréales et de vendre au détail24
des petites quantités de grains, leur offrant
ainsi une alternative à la vente de leurs actifs (terre, bétail, semences, etc.).
Toutefois, les stocks de proximité n'ont pas la capacité d'agir à grande échelle lors de crises
alimentaires à évolution lente. Cela est dû au fait que les stocks de proximité sont vulnérables
aux facteurs climatiques qui affectent la plupart des habitants d‟une zone. Si la récolte est
mauvaise pour toute la population, il est plus difficile pour les stocks de proximité de résister au
choc (question développée dans la section sur la vulnérabilité au climat).
Cela serait le cas pour le warrantage en particulier, puisqu‟il est souvent largement basé sur la
production locale. Les greniers de sécurité alimentaire dans les zones déficitaires pourraient
éviter ces problèmes, puisqu‟ils obtiennent le grain en dehors de la zone affectée (selon
l„étendue de la sécheresse et si la capacité d'achat des bénéficiaires reste intacte).
Dans la plupart des cas, les stocks de proximité ne peuvent protéger efficacement les actifs que
dans le cadre de stratégies locales répondant à des chocs idiosyncratiques, mais pas face aux
complexités des chocs covariants25
.
EN AIDANT À SURMONTER L'ÉLOIGNEMENT ET L'ISOLEMENT
L'un des principaux facteurs qui limitent l'accès à la nourriture est l'éloignement géographique
(et la distance jusqu‟aux marchés). Le rôle particulier que les stocks de proximité peuvent jouer
en tant que première ligne de défense mérite une attention particulière ; leurs spécificités les
rendant particulièrement aptes à travailler efficacement dans les zones isolées.
La région du Sahel est vaste et de nombreuses communautés doivent faire face à des coûts de
transport élevés aggravant plus encore le problème des prix lors de la période de soudure. En
22 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
outre, d‟une part le réseau routier n‟est pas approprié et d‟autre part, la période de soudure
coïncide avec la période où, en saison des pluies, les routes sont dans leur pire état.
Des études effectuées au nord du Burkina ont montré que, tandis que dans les zones
déficitaires, la principale préoccupation était l'accès à la nourriture ; dans les zones
excédentaires, le mauvais état des routes et le manque de moyens de transport constituaient
les deux principales préoccupations pour les producteurs cherchant à envoyer leur production
vers d'autres circonscriptions (COTA, 2009, p. 21). En outre, la question du transport ne se
répercuterait pas seulement sur les prix mais aussi sur la disponibilité de la nourriture sur le
marché local.
En tant que première ligne de défense, les stocks de proximité peuvent aider les communautés
en situations d'urgence étant donné que leur proximité et leur familiarité avec le contexte local
leur permettent d'assurer non seulement la remise rapide de nourriture, mais aussi la
distribution d‟une nourriture plus adaptée (biologiquement et culturellement) (S.Wiggins et S.
Jaspars, 2009).
Hors des contextes de crise, les stocks de proximité peuvent également fournir un soutien
considérable aux petits producteurs. L‟on a observé, par exemple, que le fait de ne pas avoir à se
déplacer jusqu‟en ville pour acheter de la nourriture constitue déjà un avantage certain ayant des
effets positifs sur le bien-être des petits producteurs et de leurs familles. L‟expérience au Burkina
met en évidence un certain nombre de façons grâce auxquelles les stocks de proximité contribuent
à des objectifs plus ambitieux de sécurité alimentaire avec des mesures visant à surmonter
l'éloignement et l'isolement. En rapprochant la nourriture des collectivités, les stocks de proximité
permettent aux petits producteurs de consacrer plus d‟heures au travail ; ils réduisent aussi les coûts
de transport, diminuent le risque de vols sur les routes et réduisent les risques causés par les
mauvaises conditions de la route lors de la saison des pluies (COTA, 2009, p.66).
EN AUTONOMISANT LES POPULATIONS
Pouvoir de (capacité individuelle)26
Les stocks de proximité ont le potentiel de promouvoir de façons différentes l'autogestion
(capacité de planifier et de prendre la responsabilité de ses propres actions) chez les petits
producteurs. L‟approche locale implicite dans la structure et le fonctionnement des stocks de
proximité exige nécessairement la participation et l'implication de la communauté. En fait, la
plupart des expériences réussies avec les stocks de proximité s'appuient sur le présupposé que
les membres de la communauté doivent prendre leur part de responsabilité dans la quête de la
sécurité alimentaire. Bien que les niveaux de participation et d'engagement varient selon les
situations et les contextes, dans le cas des stocks de proximité, les membres sont
généralement impliqués à tous les niveaux (depuis la construction des entrepôts et la
contribution aux stocks initiaux jusqu‟à la participation dans la définition des règles et normes).
Ces caractéristiques particulières font que les structures des stocks de proximité soient
susceptibles de soutenir efficacement l'autogestion des bonnes pratiques chez les petits
producteurs.
Pouvoir sur (réduire la dépendance)
Les stocks de proximité promeuvent l'autosuffisance en renforçant la position des petits
producteurs, réduisant leur dépendance et soutenant le développement de marchés dans
lesquels les petits producteurs conservent une part plus équitable du pouvoir de marché (S.
Wiggins et S. Jaspars, 2009). Ils peuvent également contribuer à équilibrer les relations de
pouvoir et l'autonomisation des petits producteurs en limitant la concentration du pouvoir de
marché dans la vente et la distribution de nourriture. Les programmes d'achats locaux peuvent
aussi servir de filets de sécurité pour soutenir ces efforts.
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 23
Pouvoir avec (changer avec les autres membres)
Les stocks de proximité peuvent également favoriser la cohésion sociale au niveau de la
collectivité en servant de centres collectifs où les questions d'intérêt commun sont discutées.
Fournir ce type de forum peut aider à développer l'esprit communautaire et l'appropriation de
l‟initiative du stock local. Ceci, a un impact positif sur la gestion et la performance globale, et en
même temps, cela apporte des nouvelles initiatives d‟amélioration pour toute la communauté.
La Fédération Naam, l‟AAAE et Mooriben ont mis en œuvre des activités de formation pour
leurs membres dans le cadre des stocks de proximité, visant également à autonomiser les
populations et à contribuer à l‟amélioration des pratiques de gestion.
Démocratisation
En principe, les stocks de proximité devraient adopter des pratiques démocratiques tels que
des élections justes et libres, un rôle dans la prise de décision pour les membres les plus
faibles et une transparence dans le partage d‟information. Comprendre à quel point ces
pratiques sont une réalité pour les stocks de proximité nécessite une étude complète et
échappe aux objectifs de ce document.
Cependant, il faut noter que ces arguments positifs sur l‟autonomisation ont un inconvénient
étant donné le caractère exclusif de certains stocks de proximité. Dans certains contextes, leurs
membres deviennent des élites locales: ils achètent le grain de leurs membres à de bons prix
(ou ils bénéficient de primes), mais ils achètent à des moins bons prix aux autres personnes.
Pour les stocks commerciaux, il est souvent difficile d‟assurer la non-exclusivité, surtout parce
que les stocks doivent trouver un équilibre entre la contribution locale de ses membres et la
recherche d‟expansion.
EN FAVORISANT LA PARTICIPATION DES FEMMES ET LEUR AUTONOMISATION
Les stocks de proximité peuvent fournir un espace pour la participation et l‟autonomisation des
femmes. Les expériences au Burkina Faso (l‟AAAE et la Fédération Naam) ont montré le rôle
positif que peuvent jouer les femmes en tant que membres actifs des comités de gestion des
stocks de proximité. Elles reçoivent une formation et aident à faire circuler l'information
concernant les stocks de proximité chez les autres femmes de manière à encourager leur
participation et leur accès à ceux-ci.
Au Niger, il existe des exemples de types particuliers de stocks de proximité qui ont été établis
et adaptés uniquement pour les femmes les plus vulnérables de la communauté afin d'assurer
le maintien de la production et de leur permettre de ne pas immigrer pendant la période de
soudure. Dans ce projet, le crédit est accordé à un taux d'intérêt saisonnier de 10 pour cent et
le remboursement dépend souvent des fonds des membres de la famille travaillant à l'étranger
(car cela coïncide généralement avec la période où les céréales sont les plus chères), ce qui
constitue un handicap important (Soumaila et H. Wada, 2009).
Au Burkina Faso, l'AAAE offre des microcrédits aux femmes (un total fixe individuel de 25.000
CFA à un taux saisonnier de 10 pour cent) grâce à une Caisse d'Épargne et de Crédit
Villageoise de Développement. Ils sont accordés en octobre et remboursés progressivement
jusqu‟en juin. Depuis 2007, le programme a déjà bénéficié à 600 femmes avec un taux de
remboursement de 100 pour cent27
. Les responsables de leur gestion expliquent ce taux élevé
par deux facteurs : a) les bénéficiaires sont soigneusement sélectionnées par le comité local du
village ; b) les bénéficiaires sont regroupés en équipes de 5 et acceptent de se couvrir
mutuellement en cas de non-paiement.
24 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
Les comités de gestion de cette même association ont tendance à encourager les femmes
membres à partager des informations sur les services disponibles (notamment sur les stocks de
proximité) avec les autres femmes, afin de transmettre plus efficacement les messages en
renforçant la confiance (entretien avec les comités de gestion des stocks de proximité, juin
2012).
La participation des femmes et leur accès sont également conditionnés par la complexité des
facteurs socioculturels déterminant certaines pratiques quotidiennes. Dans le cas de l'accès aux
stocks de proximité, par exemple, l‟on a observé que, dans certaines communautés, l'achat du
grain est considéré comme une tâche masculine lorsque la quantité à acheter est grande (un
sac de 100 kg ou plus). Cependant, les hommes ont parfois honte d'aller aux stocks de
proximité quand ils ne peuvent se permettre d'acheter que de petites quantités. Dans de telles
situations, ce sont les femmes de la famille qui achètent le grain (entretien avec l‟animateur de
l‟AAAE, Juin 2012).
Néanmoins, bien que l'expérience de la participation des femmes dans les stocks de proximité
soit perçue positivement, l‟on a observé que le problème de l'analphabétisme fait qu‟en fin de
compte, se soit souvent les hommes qui prennent les décisions clés.
En vue des données limitées disponibles dans cette rubrique, ce programme de recherche
réalisera une autre étude pour compléter les informations existantes.
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 25
6 COMPRENDRE LA FRAGILITÉ DES STOCKS DE PROXIMITÉ
La fragilité des stocks de proximité ne peut être correctement comprise que si la complexité des
obstacles auxquels ils sont confrontés est dûment prise en considération. Leurs faiblesses
peuvent être regroupées en deux catégories principales : a) vulnérabilités (prix et climat) et b)
défis (associés à la promotion, la planification et la conception des stocks de proximité et à leur
gestion et organisation).
LA VULNERABILITÉ FACE AU RISQUE PRIX
Le risque prix peut être défini comme la variation inattendue de la valeur d'un produit sur le
marché, ce qui a une incidence sur les attentes de revenus des agents économiques impliqués
dans la production, le commerce ou la consommation de celui-ci.
Il est important de distinguer le risque prix de la variation des prix, puisque cette dernière est
nécessaire afin de couvrir les coûts d'entretien, de stockage et de transport. Si le prix n'était pas
supérieur à la fin de la saison qu'au début, aucun producteur ne serait prêt à stocker. La
variation des prix entre les différentes saisons est également nécessaire parce qu‟elle signale
aux agriculteurs le besoin d'investir plus ou moins dans une culture, en fonction de son
abondance ou de sa rareté sur le marché. Cette différence de prix entre différents moments
dans le temps est connue sous le nom d'arbitrage temporel.
La même logique s'applique à la variation de prix entre les différents endroits, car si le prix n'est pas
plus élevé loin des marchés locaux, les petits producteurs ne seront aucunement incités à
transporter le grain vers les zones déficitaires. Ces différences de prix entre les différentes zones
géographiques sont connues comme arbitrage spatial, et elles constituent un défi majeur pour les
banques de céréales. L‟expérience au Kenya suggère que, sans un transport gratuit ou
subventionné et sans contact avec les ONG soutenant des initiatives de warrantage dans d'autres
régions, il est difficile de gérer l'arbitrage spatial (Coulter, 2006, p. 38).
Dans le cas des céréales, le risque prix n'est pas le même pour les producteurs que pour les
intermédiaires ou les stocks de proximité. Pour les producteurs, le risque prix signifie que les
changements brusques des prix des intrants ou les chutes des prix des céréales peuvent
compromettre la rentabilité de leurs cultures. S'ils ont assez d'argent pour conserver la récolte
pendant quelques mois (ou s'ils appartiennent à une banque de céréales), le risque prix est
alors le même que celui pris en charge par les intermédiaires ou les stocks de proximité (c‟est à
dire avoir, pendant la période de soudure, des prix plus bas qu‟au cours de la saison de la
récolte).
Pour les stocks de proximité, comme pour n'importe quel intermédiaire, le risque prix signifie
que les prix à la fin de la saison sont inférieurs aux prix observés au début. Pour comprendre
comment cela affecte les stocks de proximité, regardez le schéma n°5 (la première et la
deuxième saison représentent des cycles de prix normaux, et la troisième saison serait un cycle
anormal ou inversé).
Cette inversion du cycle peut arriver une année sur quatre dans les pays du Sahel sans accès à
la mer, selon les calculs préliminaires basés sur des données statistiques effectués dans le
cadre du présent rapport de recherche.
26 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
Schéma 5: Comment l'inversion des cycles des prix affecte les stocks de proxi-mité
Source : Gabriel Pons Cortès et Itziar Gómez Carrasco
Les raisons qui expliquent cette inversion de cycle sont sûrement nombreuses :
• Deux bonnes récoltes consécutives ; début de la saison avec des prix plus élevés que
d'habitude, compensés par l'entrée de grain à la fin de la saison; plus de stocks initialement
aux mains du secteur privé, ou une baisse des prix sur les marchés internationaux.
• L‟intervention de l'État est probablement l‟une des raisons les plus fréquentes de l'inversion
du cycle selon les situations et les contextes. Lorsqu'ils sont confrontés à la volatilité des
prix, les États peuvent adopter différentes stratégies. Ils peuvent essayer de contrôler
l‟augmentation des prix (généralement à la fin de la saison) pour tenter d‟aider la majorité de
la population, qui se compose d‟acheteurs nets, ceci en posant comme priorité la
consommation à des prix inférieurs (par le biais des importations, des interdictions
d'exportation, ou de l'aide alimentaire). Les restrictions d‟importations peuvent être le seul
moyen pour les pays exportateurs d‟éviter les effets de la flambée de prix dans les marchés
internationaux sur les marchés internes. Dans ce type de cas, les restrictions doivent
seulement être permises avec l‟objectif d‟assurer une disponibilité nationale de grain pour
couvrir les besoins intérieures mais doivent être interdites au delà de ces besoins (Galtier,
2002).
Le cas des interdictions d'exportation en Tanzanie, par exemple, fournit une illustration claire de
cette pratique. Des études montrent comment les interdictions imposées par l'État (Chetaille et
al, 2011, Jenin, 2011) entraînent la chute des prix en période de soudure, ce qui, à son tour,
génère des pertes pour les stocks commerciaux (même si une fourchette de prix pourrait avoir
les mêmes effets si appliquée pendant la période de soudure). Bien qu'il soit compréhensible
que l'État cherche les moyens d'assurer des bas prix pour la majorité de la population, une fois
que les implications de ce type de politique sont prises en compte, les avantages sont loin
d'être évidents. Ces mesures axées sur les consommateurs sont préjudicielles pour les
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 27
warrantages, car elles compromettent leur capacité de fonctionner comme des outils
transformant les acheteurs-nets en producteurs-nets (du moins dans les zones rurales). Ainsi, si
les prix sont bas à la fin de la saison, effectivement cela met en danger la performance et
l'efficacité de la principale solution que les communautés ont trouvée pour essayer de faire face
aux problèmes décrits dans le schéma n°2 (à savoir les stocks de proximité, le warrantage et
les coopératives de commercialisation).
Comment le risque prix affecte le warrantage?
Le warrantage souffre également du risque prix, la différence étant que ce risque est supporté
principalement par le producteur. Étant donné que, dans le cas du warrantage, c‟est la banque
qui accorde le crédit au producteur, il est généralement admis que le risque prix est
solidairement partagé par les deux parties. Toutefois, une étude portée par Afrique Verte (2011)
montre qu‟en fait, dans le scénario susmentionné, le risque incombe très largement au
producteur :
• Les banques gagnent plus que le producteur dans 62 pour cent des cas.
• Les organisations de producteurs gagnent plus que la banque dans 26 pour cent des cas
seulement.
• Les bénéfices pour les deux ne sont similaires que dans 12 pour cent des cas.
Les banques tentent de se couvrir contre le risque prix en octroyant des crédits qui ne
représentent que 60-70 pour cent de la valeur réelle du grain déposé par les producteurs. Cela
garantit que la banque ne subisse des pertes que dans de très rares circonstances, tandis que
le producteur a beaucoup plus de possibilités d‟en sortir perdant.
LA VULNERABILITÉ AU CLIMAT
Le climat, et notamment, la sécheresse, est l'un des problèmes les plus graves auxquels
doivent faire face les stocks de proximité. Les mauvaises récoltes les affectent de plusieurs
façons :
• Le nombre de non-paiements de crédits est très élevé.
• Les stocks sont inférieurs en raison de mauvaises récoltes.
• Le chiffre d'affaires est inférieur en raison de la faiblesse des stocks.
• La décapitalisation à la suite des trois points susmentionnés.
L‟on a souvent affirmé qu'il existe une compensation naturelle (ou «assurance naturelle») entre
le risque prix et le risque climatique : la baisse des récoltes dans les mauvaises années est
généralement compensée par l‟augmentation des prix et, par conséquent, le risque prix et le
risque rendement sont compensés (au moins en partie). Les pertes ou réductions souffertes par
la production seraient atténuées par la hausse des revenus en raison des prix élevés.
Cependant, l‟on pourrait aussi remarquer que l'assurance naturelle a un effet inverse, étant
donné que, lors de mauvaises récoltes, les producteurs se voient eux aussi obligés d‟acheter
de grandes quantités sur le marché pour nourrir leurs familles, or les prix sont élevés puisque la
récolte a été mauvaise (Galtier 2009, p. 10 - 11). D‟après une étude menée en Afrique orientale
et australe par Barret (2008, tableau 1, p. 308), c'est ce qui arrive effectivement dans plus de 70
pour cent des pays étudiés. L'assurance naturelle n‟est donc qu‟un mythe, pour tous ces petits
producteurs qui sont des consommateurs nets et qui ne peuvent pas produire assez pour
nourrir leurs familles toute l‟année.
28 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
Encadré nº 2 : Participation d'Oxfam à des initiatives d'assurance indicielle
Oxfam participe actuellement à plusieurs initiatives sur l'assurance indicielle.
La plus ancienne est HARITA en Éthiopie, un programme innovateur qui vise à rendre
accessible une assurance commercialement viable pour les agriculteurs les plus
vulnérables. Cette initiative offre la possibilité de payer la prime d'assurance par le biais
d'une « assurance pour le travail » avec le partenaire communautaire local Relief Society
of Tigray, la réassurance de la Suisse de Réassurances et le soutien de la Rockefeller
Foundation. Les agriculteurs se lancent dans des projets communautaires de réduction
des risques, comme des projets d‟'irrigation et de meilleure gestion de leurs terrains. Le
projet a été étendu à plus de 1.300 familles dans cinq villages en 2010, et plus de 13.000
ménages dans quarante-trois villages en 2011. Cette même année, sept villages ont
souffert des conditions de sécheresse et 1.810 agriculteurs ont été indemnisés.
HARITA a été intégrée dans une initiative plus large, R4 Initiative de Résilience Rurale28
,
un partenariat entre Oxfam America et le PAM qui vise à reproduire le cadre global sur la
façon de gérer le risque climatique. Il étendra ses travaux au Sénégal et à deux autres
pays, qui doivent encore être déterminés au cours de l‟année prochaine.
Au Mali et au Burkina, PlaNet Guarantee, Allianz et Oxfam ont implanté un projet
d'assurance indicielle avec l‟objectif de couvrir 60.000 agriculteurs en Afrique occidentale.
Les projets utilisent des données satellitaires pour évaluer la quantité de pluie en vue de
développer des méthodes qui réduisent le plus possible le risque de base. Actuellement,
au Burkina, PlaNet et Intermón Oxfam mettent en œuvre un projet pour 5.000 agriculteurs
membres de la Fédération des Professionnels Agricoles du Burkina Faso (FEPAB). Dans
le cadre de ce projet, l‟assurance constitue une exigence obligatoire si l‟on veut obtenir un
prêt agricole.
Il est important de souligner que l'assurance indicielle est conçue pour protéger les
individus contre le non-remboursement, mais pas les stocks de proximité, qui seraient tout
aussi affectés par les effets négatifs des problèmes susmentionnés (à savoir b, c et
partiellement d). Ainsi donc, il serait nécessaire de penser à un type d'assurance
spécialement adaptée aux besoins des stocks de proximité afin de fournir un soutien
indispensable au développement de ceux-ci et de contribuer à leur viabilité.
PROMOTION, PLANIFICATION ET CONCEPTION
Promotion
L'expérience des dernières décennies suggère que chaque fois que des stocks de proximité ont
été promus à grande échelle dans le cadre d‟initiatives ambitieuses des autorités (top-down),
cela n‟a pas marché. À l‟opposé, à partir du moment où le modèle d'affaires n‟est pas trop
risqué, les processus à long terme, jouissant lentement et patiemment de l‟appui externe
(comme la Fédération Naam au Burkina Faso), montrent une bonne performance depuis de
nombreuses années.
Dans de nombreux cas, les stocks de proximité ont été créés pour répondre à une décision
politique plutôt que pour matérialiser une demande effective des communautés (Dembélé 2007,
p.5). Cette approche top-down a souvent provoqué un manque d'appropriation de l‟initiative, ce
qui a ouvert la voie à la corruption29
, a limité la participation et a fini par entraîner l'échec de
plusieurs stocks de proximité.
Par exemple, dans les années 1990, le gouvernement tanzanien a construit 1000 entrepôts
d'une capacité de 300 tonnes. Ceux-ci n'ont pas été utilisés par les agriculteurs parce qu'ils
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 29
n'avaient pas confiance en les organisations créées pour les gérer. Depuis lors, bon nombre de
ces entrepôts ont été transformés en warrantages gérés par le secteur privé (Coulter, 2007).
Le détournement de l'argent public peut également être un problème. Un exemple documenté
montre comment un projet financé par le Gouvernement du Japon pour la construction de 101
entrepôts au Mali a entraîné une série d'irrégularités financières s‟élevant à un total de 1,32
milliards de francs CFA - plus de 2 M € (Diarra, 2011 p.72).
Les arguments avancés dans ce rapport soulèvent la question suivante : de grandes quantités
de fonds peuvent-elles être allouées à la promotion des banques de céréales avec des
garanties suffisantes d'efficacité et d‟appropriation de l‟initiative. Les recommandations inclues
dans la section finale de ce rapport suggèrent quelques conditions nécessaires au succès de ce
type d‟initiative.
Planification et conception
Les stocks de proximité ont souvent été conçus et établis sur la base d'une analyse portant sur
des données inexactes. Par conséquent, beaucoup de stocks de proximité étaient perdus
d‟avance.
La durabilité des réserves locales est liée à leur capacité à être approuvées par les collectivités
qu'elles desservent et, en ce sens, l‟appropriation de l‟initiative est extrêmement importante. Si
la réserve locale est vraiment considérée comme un instrument clé dans la quête de la sécurité
alimentaire, elle recevra le niveau de soutien requis pour lui donner les meilleures chances
possibles de devenir efficace et durable.
En l'absence de directives adéquates et de soutien technique dès les premières étapes, les
stocks de proximité ont été confrontés à un manque généralisé de capacités de gestion, avec
des infrastructures pauvres, des règlements et des constitutions insuffisantes pour soutenir
efficacement leur développement (Dembele, 2007, p.5).
Les stocks de proximité ne sont pas différents des nombreuses autres organisations de
producteurs et coopératives qui combinent des objectifs sociaux et commerciaux. En fait, les
mêmes conditions qui s'appliquent à la promotion des coopératives peuvent s'appliquer aux
stocks de proximité. Chirwa et al (2005) font les recommandations suivantes :
• Des règles claires et des normes de comportement devraient être établies pour les
fonctionnaires et leurs membres, avec des systèmes de suivi et d'application de sanctions.
Les systèmes d'audit financiers sont particulièrement importants.
• Les structures de gouvernance qui déterminent la relation entre le droit de vote ou de
contrôle, l'investissement en actions et l‟utilisation des services des organisations
partenaires actives (OP) doivent évoluer pour répondre aux opportunités critiques des
marchés et ressources disponibles et aux contraintes auxquelles sont confrontées les OP.
• La plupart des groupes d‟agriculteurs locaux ont besoin de recevoir le soutient des niveaux
supérieures de la hiérarchie, les organisations gouvernementales, non gouvernementales ou
commerciales, mais ce soutien doit être soigneusement adapté aux besoins de ces groupes
et de leurs opportunités, en reconnaissant que le renforcement des capacités est un
processus à long terme.
• Les groupes d'agriculteurs et les organisations de plus haut niveau sont sensibles aux
interférences politiques et, par conséquent, des règles claires doivent être convenues et
appliquées pour empêcher la subversion des influences politiques.
30 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
LES PROBLÈMES DE GESTION
Les problèmes liés à la gestion sont au cœur de l'échec de beaucoup de stocks de proximité.
Lorsque l‟on cherche à expliquer les problèmes de fonctionnement des stocks de proximité, les
causes les plus fréquemment citées sont : une absence de règles et de hautes commissions
d‟administrateurs, un manque de responsabilité, des capacités insuffisantes et une surveillance
déficiente (Blein, 1999). Ils représentent aussi quelques-uns des défis majeurs que doivent
surmonter les stocks de proximité, afin de renforcer leur position et d'améliorer leur
performance globale.
Beaucoup de ces problèmes sont en fait dus à une mauvaise phase de conception et
planification, ainsi qu‟à l'absence d'études de faisabilité préalables à la création des stocks de
proximité. Les faibles capacités et le manque de formation des membres du comité de gestion
ainsi que leurs longues procédures administratives et opérationnelles constituent également un
facteur déterminant de l'échec de beaucoup de stocks de proximité (Kent, 1999 et Diop et al,
2006).
Les stocks de proximité ont tendance à être gérés en suivant aveuglément les usages
coutumiers (achat post-récolte et stockage à vendre au cours de la période de soudure). Les
administrateurs parviennent rarement à réfléchir stratégiquement sur les conditions du marché
et n'ont pas la capacité de réagir sur la base d'une information plus vaste et complexe qui
permettrait d'améliorer le fonctionnement global et les perspectives des stocks de proximité.
La pensée stratégique est essentielle pour s‟assurer que les stocks de proximité gèrent les
arbitrages temporel et spatial aussi efficacement que possible. Une prévision et prévoyance
adéquates jouent un rôle fondamental pour assurer que les stocks de proximité fonctionnent
dans les meilleures conditions possibles. La preuve en est l‟expérience de la Fédération Naam
(Blein, 1999) montrant combien ces facteurs contribuent à la réussite et à la viabilité des stocks
de proximité. Les stocks de proximité les plus viables sont ceux qui parviennent à planifier leurs
achats à l‟avance et réussir à obtenir les prix et les conditions de stockage les plus avantageux.
Tel que nous l‟avons mentionné précédemment, les stocks commerciaux ont affaire à l'arbitrage
spatial (commercial entre les emplacements géographiques) (Coulter, 2006) et à l'arbitrage
temporel. Les expériences de Mooriben et de la Fédération Naam fournissent un témoignage
précis sur les défis associés à l'achat de grain à la fois du point de vue logistique (frais de
transport et d'accès routier) d‟un point de vue de la sécurisation des achats stratégiques
(conditionnée par l'accès aux données sur les prix qui assure la prise de décisions informée
dans les meilleures conditions possibles).
Une question qui se pose est celle de savoir si, étant donné le risque prix en jeu, l'achat post-
récolte et la vente de la totalité du stock dans la période de soudure constitue la meilleure
stratégie pour le warrantage. Kouyaté et al (2002) montrent que les commerçants du Niger
n‟accumulent pas de stocks importants mais qu‟ils effectuent plutôt des rotations rapides, ceci
est dû à leur manque de fonds de roulement ainsi qu‟au risque prix auquel ils sont confrontés.
Blein (1999, p. 58) fournit une illustration convaincante de la limitation des marges qu‟entraîne
ne faire qu‟une seule rotation. Dans son exemple, un warrantage d'une capacité de 15 tonnes,
qui ne compléterait qu‟une seule rotation par an, devrait obtenir une marge de 17 pour cent
pour s‟assurer que le fonds de roulement du warrantage reste stable (en termes absolus). Cette
marge doit atteindre 20 pour cent pour assurer la stabilisation du pouvoir d'achat du fonds de
roulement (en tenant compte de l'inflation et des tendances à la hausse des prix des céréales).
Les marges en-dessous de ce pourcentage entraîneraient inévitablement la décapitalisation
progressive des stocks. D'où l'importance de s‟assurer que les décisions soient bien informées
et soient bien fondées sur des stratégies globales, plutôt que sur des systèmes mécaniques ou
opérationnels (tels que “toujours acheter une fois au début et vendre une fois à la fin” au lieu de
“agir selon les indications du marché”).
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 31
Non-remboursement de crédit
Fournir des services de crédit constitue l‟une des raisons principales derrière la création de
stocks de proximité. Dans de nombreux contextes, l'octroi de crédit représente l'un des objectifs
les plus poursuivis, mais en même temps, il tend à être le plus problématique. Or, il est vrai que
le non-remboursement de crédit est l'un des facteurs clés menant à l'échec des stocks de
proximité.
La question de l'octroi ou du non-octroi de crédit est l'une des décisions stratégiques principales
que doivent prendre les stocks de proximité. Les raisons du non-remboursement de crédit sont
très complexes, car il n'est pas seulement le résultat d'une mauvaise gestion. Il peut également
être dû à une mauvaise récolte, à des questions culturelles, à un aléa moral (parfois causé par
les agences de coopération pour le développement), ou à de nombreuses autres causes. Au
Burkina, la Fédération Naam a décidé d‟éviter de donner des crédits aux consommateurs après
avoir réalisé que le manque de crédit a été le principal risque pour la durabilité des stocks de
proximité.
L‟AAAE a pris une décision similaire et elle a opté pour la mise en place d'un organisme
indépendant de micro-finance (la Caisse d'épargne et Crédit Villageoise de Développement)
pour gérer les crédits sans qu‟ils soient associés aux stocks de proximité.
Il semblerait qu‟à ce jour la seule solution viable au problème du non-remboursement de crédit
a été celle de créer des structures de crédit indépendantes : ce qui trahit le principe originel de
l'utilisation de céréales comme forme de garantie. Ceci constitue une réflexion claire du niveau
des difficultés entraînées par l'offre de services de crédit viables quand ceux-ci sont liés aux
structures des stocks de proximité vulnérables et à capacité limitée.
Frais
Les promoteurs ont également tendance à surestimer les gains obtenus par le stockage
spéculatif de céréales (Coulter, 2006). Ceci est dû au manque et à la faible disponibilité
d'études de faisabilité. Ces études devraient normalement contribuer à révéler les frais qui
généralement ne sont pas pris en compte. Les frais habituels comprennent l'entretien du
magasin, le personnel (quand il est payé), la lutte contre les parasites ainsi que les frais
financiers (l'intérêt du capital utilisé pour acheter le grain). Un faible pourcentage (généralement
entre 2,5 et 5 pour cent, bien que souvent plus élevé) doit également être retiré pour le grain
détérioré.
Les dépenses financières représentent une part importante du total des frais de fonctionnement
des stocks de proximité. Au Niger, par exemple (Afrique Verte 2011) le taux d'intérêt est de 2,5
pour cent par mois. Le pourcentage total au cours de la période de stockage est de 15 pour
cent. Une fois que les 2,5 pour cent du grain détérioré en est déduit, une augmentation des prix
de 17,5 pour cent est requise rien que pour couvrir la détérioration et les dépenses financières.
D‟après la même étude (basée sur les prix du mil), dans 24 des 34 des exemples étudiés, le
prix en période de soudure a été de 17,5 pour cent plus élevé que pendant la récolte. Cela
implique un taux d'échec de 29 pour cent, un pourcentage qui est loin d'être négligeable,
puisqu'il oblige le producteur ou la productrice à fournir des fonds supplémentaires à la vente de
son grain afin de rembourser le crédit.
L'entretien du magasin ainsi que la taille de celui-ci, comme dans toute entreprise avec des
coûts fixes, impliquent des coûts. Quatre études de cas menées par Chetaille et al (2011)
montrent que les coûts peuvent varier de 1,4 € / 100kg pour le maïs jusqu'à 6,5 € / 100 kg pour
le paddy. Mais cette étude montre de manière intéressante que la banque de céréales la plus
petite (200 t) a les coûts les plus bas, par rapport au plus haut (6,5 € / 100 kg) du paddy avec
800 t. Cela pourrait s'expliquer par la modalité d'organisation : les petits stocks de proximité
peuvent être compétitifs s‟ils réduisent les frais fixes et le personnel travaille sur la base du
volontariat.
32 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
Outre les frais physiques, le fonctionnement des stocks de proximité implique des frais de
transaction importants (frais non-physiques associés à l'information, la négociation et
l'exécution des contrats) qui peuvent être encore plus importants, car ils peuvent dissuader une
plus large participation. En outre, il existe aussi d‟autres frais de participation. D‟après Coulter
(2007), il existe divers coûts cachés dans la participation aux stocks de proximité :
• Les coûts associés à la perte d‟autonomie des individus au sein de leur groupe.
• Le coût d'opportunité du temps passé à se réunir et à communiquer avec les autres
membres du groupe.
• Le coût de veiller à ce que le "comportement accordé" soit respecté par le personnel, les
officiers et les membres du groupe. Cela peut impliquer l'introduction des protocoles de
pesticides, le rejet de produits qui n'ont pas les standards et l'interdiction de la vente aux
intermediaires selon les contrats (ainsi que le règlement des litiges et l'application des
sanctions).
Ces frais cachés constituent un obstacle pour les petits producteurs. Ceux-ci pourraient stocker
2-3 sacs de céréales, en ayant la fausse impression qu‟il n'est pas rentable d'appartenir à un
stock de proximité. Afin d'assurer la participation des plus vulnérables, le stock de proximité doit
être en mesure d'offrir d'autres services, tels que l‟ampliation agricole ou le crédit, compensant
les frais de participation.
Ceci est particulièrement important à la lumière de l‟accès limité qu‟ont les petits producteurs
aux informations sur les prix, par conséquent, ils vendent souvent à des prix inférieurs à ceux
du marché. Les frais et les coûts supportés pour pouvoir être membre d‟un stock de proximité
doivent être évalués en comparaison avec les pertes causées par le manque d'information
nécessaire pour garantir des prix équitables (Chetaille, 2011).
La mauvaise qualité du grain
Il y a un problème traditionnel de mauvaise qualité du grain et de manque de niveaux et
standards dans les zones rurales, un problème qui affecte non seulement les stocks de
proximité, mais aussi les agriculteurs au sens large. Entre autres, ceci est causé par le manque
de confiance entre les agriculteurs et les intermédiaires: les premiers jouant sur la qualité (en
mélangeant des débris, et même des pierres, avec le grain) et les derniers, ne payant pas le
poids exact (en trichant sur les mesures).
Une fois les grains dans les stocks de proximité, il peut y avoir des pertes supplémentaires en
raison d‟une mauvaise gestion technique. Ce problème de qualité du grain, dénommé « risque
qualité » par Chetaille (2011), va des graves problèmes de conservation -incapacité de lutter
contre les parasites, parfois à cause de faux-pesticides, des techniques de séchage, de
l'humidité, de la saleté ... à l'absence de niveaux et standards requis pour participer aux appels
d'offres et aux échanges des produits de base.
En termes de conservation du grain, il faut souligner que, bien que l'un des principaux objectifs
des stocks de proximité soit d'améliorer la qualité du stockage (voir schéma nº2), de nombreux
stocks de proximité ne réussissent pas à contrôler l‟état du grain.
L'un des objectifs du programme Purchase for Progress (P4P, voir encadré nº3) est d'améliorer
la qualité du grain des agriculteurs afin de les intégrer dans des chaînes de valeur. L'hypothèse
est qu'il existe un marché de qualité payant plus pour un meilleur grain. Pour le moment, le
PAM est celui qui verse la prime à la qualité, mais il n'est pas évident que d'autres acheteurs
fassent la même chose. Cette hypothèse doit encore être testée dans de nombreux pays. Des
facteurs tels que l'émergence des classes moyennes et les préférences changeantes des
consommateurs pourraient augmenter la demande de céréales de meilleure qualité (Banque
Mondiale, 2011).
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 33
Certaines nouvelles technologies qui sont développées pour améliorer la qualité du grain offrent
de nouvelles possibilités aux agriculteurs. Par exemple :
• Le super-sac (un sac en plastique hermétique qui tue les parasites grâce à la respiration du
grain quand il consomme l'oxygène) et d'autres méthodes sous atmosphère modifiée
(GrainPro, Eco2 ...).
• La « boîte bleue », un petit kit développé par le P4P contenant un l'équipement de base pour
l‟essai de la qualité du grain et des outils pour tester la qualité des aliments sur le terrain. La
boîte bleue contient un équipement d'échantillonnage du grain ; un matériel de calibrage et
un kit d'essai d'aflatoxine.
34 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
7 DÉFINITION D'UN ENVIRONNEMENT FAVORABLE OÙ LES STOCKS DE PROXIMITÉ PUISSENT PROSPÉRER
A QUOI SERVENT LES STOCKS DE PROXIMITÉ ?
Les stocks de proximité peuvent jouer un rôle clé dans le cadre des stratégies locales et
nationales de sécurité alimentaire. Le fait qu'ils soient fermement ancrés au niveau local de la
sécurité alimentaire les rend particulièrement bien placés pour répondre efficacement aux
besoins locaux et pour s'adapter aux changements. Les stocks de proximité sont adaptés à
chaque contexte spécifique et leurs objectifs peuvent être adaptés en fonction des besoins
concrets des collectivités qu'ils desservent.
Les stocks de proximité peuvent être un outil efficace dans la lutte contre les risques
idiosyncrasiques. Ils peuvent répondre aux besoins de certains individus et de petits groupes
dans des circonstances où les effets du choc ne touchent pas toute la population (c'est-à-dire,
quand seulement une partie de la population exige les services du stock de proximité). Les
stocks de proximité peuvent également soutenir les populations les plus vulnérables dans les
années normales en leur facilitant l'accès à la nourriture à des prix inférieurs.
Toutefois, dans la lutte contre les chocs covariants (sécheresses, inondations, montées des
prix) provoquant des crises alimentaires récurrentes, les limites des stocks de proximité doivent
être reconnues, puisque ces chocs affectent directement la production locale et rendent cet
instrument inefficace face à ces macro chocs. Il se passe la même chose dans les situations
où l‟inversion des cycles des prix provoque la faillite des stocks de proximité. À la lumière de
ces insuffisances, on peut affirmer que, face à des chocs covariants, c'est au niveau des
réserves alimentaires nationales que les questions d‟insécurité alimentaire peuvent être traitées
le plus efficacement. Par contre, il faut reconnaître a) le rôle de protection et de défense des
économies familiales face à des chocs personnels et b) la nécessité de relancer ces structures
de défense après un choc de grande ampleur ou une phase d‟inversion des prix.
COMMENT DEVRAIT-ON SOUTENIR, PLANIFIER ET CONCEVOIR LES STOCKS DE PROXIMITÉ ?
Veiller à l'appropriation de l’initiative
L'une des conclusions de cette étude est que les stocks de proximité méritent d'être
« promus ». Il est important d'introduire cette section en faisant la différence entre la promotion
et le soutien. Promotion signifie la création de nouveaux stocks de proximité, et non le soutien
de ceux qui existent déjà. Il est crucial de savoir comment ces nouveaux stocks de proximité
doivent être promus. Nous avons vu plus haut que les approches top-down ont tendance à
conduire à un manque d'appropriation de l‟initiative pouvant être très problématique.
Le premier point consiste à se souvenir qu‟ils sont et doivent être gérées comme des
entreprises. Les donneurs de fonds plaident en faveur de la participation du secteur privé dans
la gestion des réserves et pour l'inclusion des agriculteurs les plus pauvres dans la chaîne de
valeur. Les stocks de proximité accomplissent ces deux objectifs, car ils appartiennent à des
producteurs locaux et ils relèvent (ou devraient relever) de leurs propres initiatives. Par
conséquent, ils devraient être traités comme appartenant au secteur privé. Le risque d'échec
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 35
peut être élevé, comme dans toute autre initiative privée et les mêmes réserves s'appliquent
comme dans toute autre initiative agro-industrielle.
Deuxièmement, toute sorte de don pour construire l'entrepôt ou constituer un fonds de
roulement a besoin d'une forte contrepartie de la contribution locale. Dans les expériences
d'Oxfam en Tanzanie, les «actionnaires» ont construit les entrepôts (leur contribution à la
construction a été divisée en parts égales de temps consacré). Le niveau d‟appropriation de
l‟initiative fut excellent, le seul effet secondaire étant que certains groupes étaient trop réticents
à inclure de nouveaux membres, parce que les nouveaux membres devaient égaler la
contribution des anciens membres en espèces. Oxfam a contribué avec les matériaux de
construction et le soutien d'experts dans la construction, et dans certains cas, avec le fond de
roulement.
En améliorant la planification et la conception
Les stocks de proximité ne constituent pas une simple solution type qui peut être appliquée
partout. Ils ne sont pas viables dans tous les contextes et exigent certaines conditions pour bien
fonctionner (par exemple, les stocks de proximité ne sont pas adaptés aux marchés céréaliers
hautement concurrentiels et ouverts, car les variations de prix intra-saisonnières peuvent être
inférieures.) Cela signifie que des études de faisabilité sont obligatoires avant tout nouveau
stock de proximité.
Une attention spéciale doit être portée à l‟analyse du contexte particulier dans lequel les stocks
de proximité devraient se développer (notamment si les stocks doivent fonctionner dans des
zones déficitaires, excédentaires ou à équilibre précaire) pour assurer une planification et
conception adéquates.
LES STOCKS DE PROXIMITÉ DÉJÀ EXISTANTS DOIVENT-ILS ÊTRE SOUTENUS ?
La principale force des stocks de proximité réside précisément dans ce qu'ils peuvent arriver à
faire lorsqu'ils sont adaptés à chaque contexte local. Cette approche basée sur les collectivités
requière forcément un certain niveau de soutien institutionnel qui était souvent absent lors des
expériences passées.
Compte tenu de leur potentiel pour contribuer positivement aux stratégies de sécurité
alimentaire et à l'importance de promouvoir des solutions basées sur les collectivités, les stocks
de proximité méritent d'être soutenus de manière à assurer la création d'un environnement
favorable dans lequel ils aient les meilleures chances possibles de réaliser leur potentiel et de
se développer. Bien que l'histoire des stocks de proximité soit marquée par l‟inégalité de leurs
performances, il faut aussi reconnaître que les stocks de proximité ont principalement été mis
en place dans des contextes dépourvus des conditions nécessaires à leur fonctionnement
efficace.
Les contextes politiques dans lesquels les stocks de proximité ont été mis en place ont souvent
été caractérisés par des systèmes de gouvernance inadéquats et irresponsables qui étaient
incapables de fournir l'appui institutionnel nécessaire pour aider les stocks de proximité à se
développer. Ces facteurs, couplés à un climat économique défavorable, ont considérablement
affaibli le potentiel des stocks de proximité.
Les États ont l'obligation légale de veiller à ce que le droit à l'alimentation soit satisfait et le
soutien aux stocks de proximité devrait être considéré comme une partie intégrante de cet
engagement fondamental. Compte tenu de l'échec systémique des forces du marché pour
garantir l'accès à la nourriture pour tout le monde, des mesures alternatives doivent être mises
en place pour nourrir ceux qui n‟ont pas le pouvoir d'achat nécessaire et sont négligés par les
36 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
stratégies de marché (Oxfam, 2011). Les États devraient diriger ces efforts, mais en travaillant
en étroite collaboration avec les organisations pour la coopération (OSC) et d‟autres acteurs
clés afin d'assurer la participation et l'appropriation de l‟initiative de la part des personnes
concernées. Soutenir les stocks de proximité serait un moyen efficace de renforcer les
approches communautaires à la sécurité alimentaire.
Certaines conditions sont nécessaires pour la création d'un environnement favorable qui
permette aux stocks de proximité de prospérer. L'une des exigences clés est la sécurisation de
l'engagement et le soutien des gouvernements pour accompagner leur développement et pour
leur venir en aide si nécessaire.
CE QUE LES ÉTATS DEVRAIENT FAIRE POUR
SOUTENIR LES STOCKS DE PROXIMITÉ
Lier les stocks de proximité aux réserves nationales
Par le passé, l'absence de liens forts entre les réserves locales et nationales a
considérablement affaibli le potentiel qu‟avaient les stocks de proximité de jouer un rôle efficace
en tant qu'instrument pour la sécurité alimentaire. Les réserves nationales et locales peuvent
agir de manière conjointe pour répondre aux pointes de prix en vendant à bas prix pendant la
période de soudure même si leur capacité reste limitée. Les stocks nationaux pourraient
potentiellement renforcer et étendre cette capacité sans avoir une incidence sur le
fonctionnement global des stocks de proximité. Les stocks de proximité peuvent réagir face aux
hausses de prix et ont la capacité suffisante pour pouvoir vendre à des prix peu élevés pendant
la période de soudure. Là où les stocks de proximité n'existent pas, les États peuvent réagir en
intensifiant la présence de magasins publics "à prix modérés". Toutefois, articuler les rapports
entre les deux de manière à ce qu‟ils se complètent constitue tout un défi.
Au Burkina Faso, le gouvernement a récemment mis en place un réseau pilote de greniers de
sécurité alimentaire connu sous le nom de " boutiques témoin". Ces réserves partagent les
objectifs des greniers de sécurité alimentaire susmentionnés (à savoir assurer l'accès à la
nourriture pour les plus vulnérables), mais leur fonctionnement actuel illustre quelques-uns des
principaux défis de ce type de réserves. Plusieurs de nos interviewés30
nous ont fait remarquer
que, en l'absence de critères d'éligibilité clairs (tels qu‟être bénéficiaires des programmes de
protection sociale), toute personne peut accéder à la boutique et acheter des céréales à un prix
social sur les bases du «premier arrivé, premier servi». En plus d'être néfaste pour les
personnes les plus nécessiteuses, cette situation a ouvert la voie à la spéculation et à la
revente, ce qui n‟est profitable que pour ceux qui ont le plus de moyens. Le fait que l'État
choisisse de dupliquer une structure déjà existante au lieu de renforcer les greniers de sécurité
alimentaire, met en évidence la nécessité d'une approche plus intégrée de la sécurité
alimentaire qui tienne dûment compte des initiatives locales comme des instruments clés ayant
le potentiel de renforcer les politiques gouvernementales.
En l'absence de réserves alimentaires nationales, les gouvernements devraient s'efforcer
d'éviter les interférences excessives dans les cycles des prix par des politiques telles que
l'importation ou l'aide alimentaire, et devraient également prévoir des mécanismes nécessaires
pour renflouer les stocks de proximité en difficultés (mais avec un échange monétaire
seulement, pour éviter d'autres effets secondaires négatifs de l'intervention).
Alimenter les réserves nationales à travers l'approvisionnement local
Dans le contexte des programmes de sécurité alimentaire, l'approvisionnement local fait
référence aux achats d‟aliments effectués par les gouvernements, les bailleurs ou les
programmes des Nations Unies (tels que le PAA ŔProgramme d‟Achats d‟Aliments- au Brésil ou
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 37
le P4P -Purchase for Progress- dans 21 autres pays) au niveau local (ou régional). Quatre
avantages potentiels clé (BEST, 2011) de l‟approvisionnement local par rapport à
l‟approvisionnement externe doivent être soulignés : a) les produits locaux arrivent plus
rapidement ; b) ils sont culturellement appropriés et adaptés aux goûts locaux ; c)
l‟approvisionnement local peut stimuler la production locale en assurant une marchés pour ces
produits ; d) il peut promouvoir l‟investissement et améliorer les conditions globales des petits
producteurs. Toutefois, ce type d'achats doit être effectué en gardant à l'esprit la situation du
marché, étant donné que quand les prix sont élevés, acheter localement peut avoir des effets
négatifs sur les marchés alimentaires31
. Générer une situation qui prend en charge
l'augmentation des prix peut avoir des effets opposés pour les consommateurs nets et elle doit
donc être attentivement surveillée.
Dans les programmes susmentionnés, les produits alimentaires provenant de
l'approvisionnement local reconstituent les réserves nationales ou sont alloués aux programmes
du PAM. Étant donné que la recirculation des réserves nationales peut potentiellement
endommager les marchés, des liens directs entre l'achat local et la protection sociale (comme
l'alimentation scolaire) peuvent réduire ces problèmes32
.
Encadré nº3 : Purchase for Progress comme exemple d'approvisionnement local
Le P4P vise à renforcer les capacités des petits agriculteurs à faible revenu en
augmentant leur productivité et la commercialisation des denrées alimentaires de base et
à les canaliser pour répondre aux besoins du PAM de ces produits.
Depuis les années 1980, les achats de céréales du PAM dans les pays en voie de
développement ont augmenté en moyenne de 60 pour cent, atteignant 80 pour cent dans
beaucoup de cas. Toutefois, à l'origine ces achats manquaient de mesures
d‟approvisionnement ciblées sur l‟appui aux petits exploitants. Pour combler ce manque, le
programme P4P a été développé dans le but d'accroître la capacité des petits exploitants
à accéder au marché et dans le but d‟expérimenter des mécanismes d‟approvisionnement
local du PAM, sans que ses besoins soient mis en danger.
Cette initiative pilote est mise en œuvre dans 21 pays, atteignant plus de 1000
organisations agricoles et plus de 500.000 paysans. Entre 2008 et 2011, le PAM a signé
des contrats pour plus de 207 000 tonnes pour une valeur de 75 millions de dollars
américains.
Le P4P met surtout l‟accent sur l'apprentissage. Le programme cherche à identifier des
modèles d‟approvisionnement local qui puissent bénéficier aux petits exploitants sans
compromettre les objectifs fondamentaux du PAM de fournir des aliments sains d'une
manière fiable, rapide et rentable.
Néanmoins, le programme est confronté à un certain nombre de risques. Le non respect
par les producteurs des engagements stipulés dans les contrats est l'un des principaux
problèmes que doit surmonter P4P, selon les propres évaluations du PAM. Il est évident
que ce problème n'est pas différent de celui auquel doivent faire face toutes les
organisations de producteurs : comment éviter les ventes parallèles quand la concurrence
(intermédiaires) paye en espèces et sur place, tandis que le P4P paye au bout de
plusieurs semaines, un laps de temps crucial pour des paysans qui ont souvent un urgent
besoin d'argent.
Source : P4P, Purchase for Progress, A Primer (WFO, 2012).
Bien que le transfert du programme P4P soit encore à définir, dans des pays comme le Rwanda
et le Guatemala, les gouvernements ont manifesté leur intérêt pour l'expérience et ils ont déjà
tenté de reproduire l'initiative. Les stocks de proximité pourraient être associés à ce type
d'initiatives en articulant les achats des stocks de proximité en vue de reconstituer les réserves
nationales, ou en associant ces derniers aux programmes d'alimentation scolaire. Une initiative
pilote est actuellement testée au Ghana basée sur cette dernière association.
38 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
Les efforts visant à créer des synergies entre les réserves alimentaires et les initiatives de
protection sociale peuvent continuer à soutenir les petits exploitants par le biais de systèmes
efficaces d‟approvisionnement local qui se concentrent sur les petits producteurs. Ces
synergies seraient capables de remplir le double objectif d'assurer une source fiable de
nourriture pour ces initiatives tout en fournissant un marché pour les produits des petits
producteurs.
Aborder le risque de prix : soutenir la stabilité des cycles
Les gouvernements devraient travailler pour essayer de garder les cycles des prix intra-annuels
aussi stables que possible. S‟ils ne sont pas en mesure de le faire, il faudrait chercher des
façons de compenser les stocks de proximité face aux variations de prix. L'une des mesures
que pourraient prendre les gouvernements serait la création de fonds de stabilisation pour
compenser leurs pertes.
Une solution durable aux problèmes rencontrés par les petits producteurs implique
nécessairement que l‟on facilite leur transformation d‟acheteurs nets en vendeurs-nets. À moins
que les États n‟établissent un système de compensation pour soutenir la viabilité des réserves
locales, cette transformation ne sera jamais possible.
La stabilité des prix dépend principalement de l‟intervention attentive sur les marchés où les
hausses de prix sont excessifs, mais en évitant des mesures aveugles interdisent les
exportations et nuisent aussi bien aux stocks de proximité qu‟aux commerçants.
Aborder le risque climatique : promouvoir l’assurance et le sauvetage
sélectif
L'assurance climatique est l'une des principales mesures à prendre contre le non-
remboursement de crédit des stocks de proximité. Le développement de l‟assurance climatique
exige un environnement légal qui promeuve l‟extension des compagnies d‟assurance privées
au delà de leur fonction habituelle (géographiquement et par rapport au choix de services
offerts). Pour obtenir cette couverture plus large, selon Barret et al (2008) et Skees (2007),
certaines actions gouvernementales sont plus efficaces que d‟autres :
Par exemple, il semble plus judicieux de ne pas subventionner les primes dans les zones
déficitaires, car cela peut provoquer des comportements rentiers et des bénéfices plus larges
pour les nantis (« better-off ») de la zone.
Au lieu de cela, l‟État devrait :
• Payer pour le risque extrême et laisser les compagnies prendre en charge le moins extrême
(« risk-layering »).
• Soutenir la collecte et le partage d‟information
• Payer les frais de recherche et de la conception (qui sont élevés).
• Adapter l‟assurance climatique aux plus démunis en développant des liens avec la
protection sociale à travers « assurance pour le travail » détaillée dans l‟encadré 2.
Les gouvernements devraient également mettre en place des mécanismes de renflouement en
nature par le biais des réserves nationales en vue de fournir un soutien en nature aux stocks de
proximité en difficultés et de les empêcher de faire faillite (c'est-à-dire, les réserves nationales
agiraient en tant que prêteurs de dernier recours). Cependant, il y a un certain danger moral qui
pourrait résulter du soutien aux stocks de proximité qui sont décapitalisés à la suite d'une
mauvaise gestion. L'assurance indicielle pourrait être la solution à cela en mettant en place un
système progressif, qui pourrait couvrir les pertes des stocks de proximité en échange d'une
redevance et utiliser des données satellitaires pour déterminer quels stocks de proximité sont
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 39
vraiment affectés par les mauvaises récoltes dues à la sécheresse ou aux inondations. Ce
thème sera le sujet de recherches ultérieures.
Renforcer les liens entre les stocks nationaux et la protection sociale
Les réserves nationales devraient alimenter les initiatives de protection sociale en fournissant le
grain nécessaire pour les aider à atteindre leurs objectifs sociaux. Les liens entre les stocks de
proximité et la protection sociale peuvent être considérés sous différents angles :
• Les mesures prises par les stocks de proximité, en collaboration avec le
gouvernement : Comme système d‟approvisionnement local : les stocks de proximité
peuvent fournir des céréales à toutes les échelles sociales, tel que nous venons de les
décrire. Dans ce cas, la protection sociale de l'État aide les agriculteurs qui vendent du grain
à obtenir plus de bénéfices.
• Les stocks de proximité pourraient aider l'État à mieux identifier des systèmes de protection
sociale ciblés sur les besoins des collectivités des zones rurales. Au Burkina Faso, l'AAAE a
compilé une liste de 14 groupes vulnérables différents dans la communauté et a établi des
quotas pour la distribution gratuite de grain (AAAE, 2011). Les quantités sont déterminées
en fonction de la taille des ménages et des stocks globaux disponibles à chaque moment du
cycle.
• Les initiatives de protection sociale menées de façon indépendante par les stocks de
proximité : Les stocks de proximité offrent par leurs propres moyens des mesures de
protection sociale pour les plus nécessiteux ou ceux qui ne peuvent pas travailler. Les
magasins de la Fédération Naam, au Burkina Faso, ou d'autres provenant de programmes
d'Oxfam en Tanzanie, leurs remettent des céréales.
Beaucoup de stocks de proximité intègrent des mesures de protection sociale, sans aucun
soutien externe, ce qui crée une situation où, de facto, les gens pauvres, déjà confrontés à
des difficultés graves, soutiennent d'autres qui sont encore plus pauvres. Il semble clair que,
dans de telles circonstances, la charge de la solidarité ne devrait pas retomber uniquement
sur ceux qui sont déjà vulnérables. Les États et les donneurs de fonds devraient alléger la
charge des stocks de proximité à cet égard, en contribuant avec du grain aux initiatives de
protection sociale.
Renforcer la capacité institutionnelle des stocks de proximité
Les États devraient appuyer les efforts visant à renforcer la capacité institutionnelle des stocks
de proximité en investissant dans la formation des comités de gestion (depuis des notions de
calcul à des cours plus spécialisés en comptabilité et gestion d‟inventaires, etc). Un soutien
technique et des services d'orientation devraient également être accordés à tous les stades du
processus de développement en vue de renforcer la capacité des administrateurs des stocks de
proximité.
Une mesure qui permettrait d'économiser du temps et de l‟argent aux administrateurs des
stocks de proximité serait la simplification des procédures administratives. Ceci faciliterait de
façon concrète le fonctionnement quotidien des stocks de proximité par la réduction de la
paperasse et d‟autres obstacles.
Développer un système de surveillance
Les gouvernements pourraient jouer un rôle important dans l'appui de la mise en place d'un
système indépendant, transparent et clairement défini pour l‟audit des stocks de proximité
(Chirwa et al, 2005). Comme ils pourraient aussi jouer un rôle important en appuyant les
activités de surveillance afin d'assurer une plus grande transparence et afin d'identifier si des
mesures correctives et de soutien sont nécessaires pour améliorer leur performance.
40 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
Promouvoir la légalisation des stocks de proximité
La plupart des stocks de proximité n‟ont aucun cadre juridique. Étant donné qu‟ils détiennent les
produits des agriculteurs de la même manière que les banques détiennent leurs économies,
leur statut juridique devrait être clairement déterminé. Les gouvernements devraient promouvoir
la légalisation des stocks de proximité pour veiller à ce que ceux-ci soient responsables des
produits qu'ils stockent (et en même temps pour éviter leur utilisation à des fins politiques). Les
warrantages orthodoxes, par exemple, doivent garantir la qualité du produit stocké et cela
implique avoir un système de niveaux et standards, ainsi que des mesures de contrôle de
qualité. En l'absence d'un cadre juridique, la relation entre les agriculteurs et les stocks de
proximité doit être fondée sur la confiance et le respect des accords, ce qui ne peut pas être
garanti. Les gouvernements sont essentiels pour assurer que les warrantages soient bien
certifiés afin de garantir efficacement la prestation d'un service adéquat (Jayne et al, 2010,
p.92) ainsi que la transparence et la reddition de comptes.
Une des façons qu‟ont les institutions gouvernementales locales de soutenir les stocks de
proximité est de faciliter l‟octroi de licences et les formalités administratives associées -par la
réduction de la paperasse et l‟allégement de certains frais. Ce soutien est apprécié par les
comités de gestion, car il économise du temps et de l'argent aux administrateurs des stocks de
proximité (Entretien avec les membres du comité de gestion, juin 2012).
Subventionner adéquatement
Dans le cadre de ce rapport, les subventions sont définies comme un transfert quelconque de
fonds ou de biens à faveur d‟un stock de proximité. Les subventions ne sont pas censées payer
directement les activités liées à la balance commerciale de grain du stock: ils peuvent pourtant
soutenir des activités complémentaires de manière moins déséquilibrée. Les subventions
servent:
• À aborder les échecs du marché : les marchés d‟intrants peuvent justifier la subvention de
fertilisants quand les associations de producteurs doivent se substituer à un acteur du
secteur privé en dessous de ces capacités. Le gouvernement peut choisir entre
subventionner les commerçants d‟intrants ou aider les organisations de producteurs à le
faire elles-mêmes.
• Pour lancer la commercialisation dans les associations nouvellement fondées ; associations
qui ont besoin de vendre à des prix compétitifs quand leur prix unitaire est haut (pendant les
premières saisons). L'utilisation de l'approvisionnement local pour les producteurs ciblés en
combinaison avec la provision de services pré-récolte permet l'intensification de la
production en réponse au prix garantie (Poulton 2006, p. 353). Cela est l'essence du P4P
(détaillé dans l‟encadré 3).
• À construire la gouvernance et la capacité, les compétences et le développement de
ressources aux différents niveaux entre les organisations de producteurs, leurs membres et
les organisations de soutien.
• À faciliter la production dans les régions les moins compétitives: si les banques céréalières
commerciales peuvent prospérer toutes seules dans les zones excédentaires, dans les
zones déficitaires, elles arrivent à peine à compenser leur balance commerciale. Les
réserves de sécurité alimentaire peuvent faciliter les vies de leurs bénéficiaires mais cela ne
veut pas dire qu'elles serviront à augmenter la production. L'assurance (dans le sens décrit),
la vulgarisation agricole, les crédits et les intrants doivent être subventionnés dans les
situations où le marché ne les fournit pas et quand les conditions environnementales ne sont
pas les plus favorables. Dembélé (2007, p.6) justifie la conservation active des banques
céréalières situées dans les zones déficitaires quand il y a une absence de marché dans le
village, une absence d'infrastructure de transport ou des monopoles locaux. Si ce n'est pas
le cas, les subventions pourraient nuire au développement du secteur privé.
Cela peut être fait des manières suivantes :
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 41
Les subventions constituent l'un des outils politiques les plus discrédités dans l'histoire de
l'agriculture pour de nombreuses raisons. Ces dernières années, certaines initiatives,
notamment le programme de subventions de fertilisants de Malawi, ont essayé d'échapper à ce
lieu commun en adoptant le concept de « subventions intelligentes ». Celles-ci constituent des
systèmes innovateurs d'application sensés réduire les problèmes courants des programmes de
subventions et en étendre les bénéfices (Dorward et al, 2008).
La formulation d'une définition de « intelligent » ne peut pas résoudre le problème de son
application, mais elle peut aider à définir les caractéristiques que ce type de service devrait
avoir. Dans le cadre des stocks de proximité, une subvention intelligente serait un type de
compensation avec une cible précise, évaluée en fonction d‟objectifs précis, conçu pour obtenir
des objectifs concrets ou pour compenser des pertes concrètes, de plus, elle devrait être
temporaire et avec une stratégie de sortie (exit strategy) (à moins que les conditions
écologiques de la zone justifient une permanence plus longue).
Canaliser les subventions par le biais d'une fédération ou d'une grande organisation de
producteurs pourrait aider à cibler et distribuer de manière plus efficace. Pour résumer, les
activités suivantes pourraient être subventionnées :
• Formation et capacitation des équipes de gestion
• Approvisionnement local dans les zones ciblées
• Assurance climatique dans les zones déficitaires (voir encadré 2)
• Technologie de stockage de grain
• Capacité de stockage (toujours avec une contribution locale)
Ce qui ne devrait pas être subventionné : les services qui existent déjà sur le marché et sont
accessibles pour les petits producteurs. Si le crédit existe à des taux raisonnables, il ne faut pas
assurer des fonds de roulement. Si les intrants sont suffisants et disponibles à un prix
raisonnable (ce qui est improbable), il ne faut pas les donner. Les subventions doivent
compenser un manque, sans aider dans des situations où ce soutien n'est pas nécessaire.
Promouvoir le développement de nouvelles technologies
Les gouvernements devraient avoir recours aux nouvelles technologies afin de soutenir les
stocks de proximité et leur assurer une meilleure performance. Pendant les 20 dernières
années, nous avons vécu une série de développements décisifs sur le plan technologique. Pour
les stocks de proximité, ces ressources pourraient inclure les suivantes :
Téléphones portables : la disponibilité des informations sur le marché s‟est vue
radicalement transformée avec l'arrivée et l'utilisation généralisée de la téléphonie mobile.
L'isolement est désormais relatif, puisque les prix peuvent être vérifiés à un coût modeste et
des transferts d'argent peuvent être faits par téléphone. Les paiements et les transactions
sur les marchés, étant ainsi plus faciles, sont de plus en plus fréquents.
Nouvelles méthodes de stockage : bien que les stocks de proximité aient été conçus pour
améliorer la qualité de stockage, beaucoup d'entre eux ont subi de lourdes pertes dues aux
parasites (tels que le grand capucin du maïs). Ces nouveaux modèles comprennent : a) des
silos métalliques (distribués par l'initiative POSTCOSECHA) et b) les méthodes de
modification de l'atmosphère telles que le « super-sac », qui lutte contre les parasites à
travers le CO² émis par le grain stocké dans des conditions hermétiques.
Nouveaux outils de gestion : pendant les vingt dernières années, une série d‟outils
technologiques ont été développés pour soutenir le travail des gérants dans différents
domaines. L‟expansion de l‟utilisation des ordinateurs, d‟internet et l‟introduction de
programmes informatiques spécialisés pour la comptabilité ont permis aux gérants de
gagner en efficacité et en même temps d‟augmenter la transparence et la responsabilité (en
42 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
permettant d‟exercer un contrôle plus ferme sur les activités et les ressources). Les stocks
de proximité pourraient bénéficier beaucoup plus de ces outils dans le futur et leur
promotion devrait être encouragée.
Certificats électroniques de dépôt : un système réglé qui utilise cet outil (e-WRS) a été
introduit en Ouganda. L‟initiative a été bien reçue par les petits producteurs et les banques
(Coulter, 2009, p. 2) même si certaines conditions (notamment un accès fiable à internet et
des connaissances informatiques) seraient nécessaires à son application dans d‟autres
contextes.
Promouvoir la ligne de défense zéro
Améliorer le stockage ménager est toujours valable et ne doit pas être vu comme une
concurrence pour les stocks de proximité. Leur promotion devrait idéalement aller de pair avec
d'autres efforts visant à promouvoir et à renforcer le rôle des stocks de proximité comme des
instruments de sécurité alimentaire. Au Burkina Faso, l'AAAE a mis en place un système dans
lequel les petits exploitants sont organisés en groupes de 4 et travaillent ensemble sur un
champ collectif partagé par le groupe. Chaque champ collectif a un petit grenier pour stocker la
production. Ce stock aliment parfois des stocks de proximité communautaires, qui offre alors un
marché pour ces produits (bien que la production excédentaire généralement limitée et les
stocks soient principalement consommés par les petits exploitants et leurs familles).
QU'EST-CE QUE LES STOCKS DE PROXIMITÉ
DEVRAIENT FAIRE PAR EUX-MÊMES : CRÉER
DES FÉDÉRATIONS
Les fédérations peuvent aider à renforcer les stocks de proximité de diverses manières. Elles
peuvent aider à renforcer l‟appropriation, la participation active et le soutien mutuel entre les
stocks de proximité.
Échange d’information
Les fédérations peuvent jouer un rôle essentiel en aidant à surmonter l'un des principaux
problèmes rencontrés par les stocks de proximité (à savoir, l'arbitrage spatial : négociation entre
les emplacements géographiques), car ils ont la capacité de faciliter les échanges de données
entre les associés et de promouvoir le commerce céréalier entre les banques de céréales
excédentaires et déficitaires (par exemple, la Fédération Naam au Burkina).
Le système d'information des prix établi par la fédération Naam au Burkina Faso constitue un
bon exemple du type de service qui peut être offert aux petits exploitants. Ce système
d'information recueille les prix de quatre céréales (mil, sorgho, maïs et niébé) à travers les
"animateurs" locaux dans sept marchés différents (au moins deux situés dans les zones
excédentaires et deux dans les zones déficitaires) sur une base hebdomadaire. Cette
information est envoyée pour être diffusée par la radio communautaire et atteint tous les petits
exploitants, ce qui facilite la prise de décision éclairée en ce qui concerne les prix. La possibilité
d‟offrir ce type de service à toute la communauté à prix modéré mérite être considérée, puisque
ces revenues pourraient contribuer à couvrir les fonds de fonctionnements des stocks de
proximité.
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 43
Surveillance
Les fédérations peuvent aussi partager les frais d'un organisme de contrôle centralisé, lequel
pourrait agir comme la banque centrale de surveillance (de la même manière que dans le
système bancaire) et faciliter l'accès aux services de soutien (formation, accès aux réserves
nationales) pour que les stocks de proximité puissent remplir toutes les exigences de qualité.
Mais il se peut aussi que le prix à payer pour appartenir à une fédération puisse quand-même
représenter une certaine perte d'autonomie. Coulter (2006, p.11) affirme que le manque de
supervision externe est l'une des quatre causes causant la mauvaise performance des stocks
de proximité. Les fédérations assurent la supervision, mais cette surveillance fait souvent partie
d'un modèle d'entreprise rigide qui réduit le pouvoir de décision des individus.
Soutien technique et conseil
En outre, les fédérations peuvent apporter un soutien et donner des conseils, agir en tant que
associations de producteurs et aider à garantir l‟adéquate reconstitution des stocks pour fixer
conjointement et longtemps à l'avance (novembre-décembre) une date de reconstitution pour
protéger les stocks de proximité contre la décapitalisation. En partageant les services
disponibles, différents stocks de proximité peuvent développer des stratégies d'achat
communes et établir des commissions de vente, des ventes groupées, des moyens de transport
communs rentables, etc., qui faciliteraient le fonctionnement des stocks de proximité.
Stocks tampons
Les fédérations peuvent également fournir des services supplémentaires en agissant comme
des stocks tampons centraux. Certaines organisations (telles que CARE, Mooriben et AAAE)
ont établi des centres qui fournissent du stock aux groupes satellites des banques céréalières
pendant la période de soudure. Les achats des stocks ne peuvent être payés qu‟en liquide (et
non pas à crédit) et l‟adhésion implique que les banques céréalières payent les stocks tampons.
Mutualiser les risques
La possibilité d'utiliser des outils pour les petits exploitants basés sur le marché ou des
coopératives pour gérer le risque prix a été développée depuis plusieurs décennies. La
couverture est largement utilisée dans les marchés financiers développés, mais elle est moins
étendue dans les pays en voie de développement et sert rarement aux petits exploitants.
Plusieurs facteurs peuvent l‟expliquer :
• Le manque de Bourses pour les produits limite la disponibilité de renseignements sur les
prix.
• Le manque d'utilisation de niveaux et standards limite la possibilité d'établir des contrats à
long terme à l‟achat comme à la vente.
• Les interventions du gouvernement dans les marchés affecte les prix et décourage les
institutions financières lorsqu‟il s‟agit de fournir des d'assurances de prix.
Les quelques expériences adaptant l'assurance de prix pour les coopératives dans les pays en
voie de développement se concentrent à ce jour sur les cultures de rente, compte tenu des
faibles chances d'intervention gouvernementales influençant les prix. L'assurance de prix sur le
marché est peu développée et la plupart des projets ne sont pas allés au-delà de la phase
pilote. En Afrique occidentale, la possibilité de travailler avec des programmes de couverture
est également limitée, même pour les grands acteurs.
À la lumière de ces difficultés, Oxfam est en train d'explorer la possibilité d'établir un fonds de
stabilisation dans une fédération de coopératives ; ceci limiterait les dégâts causés par
l'inversion des cycles des prix, en essayant de répondre aux questions suivantes :
44 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
• Déterminer le niveau de risque lié au prix pour une banque de céréales typique simulant, en
utilisant des séries de prix à partir de quinze marchés du Niger, du Mali et du Burkina, ce qui
serait arrivé si elle avait acheté post-récolte et vendu à la fin de la saison.
• Déterminer la faisabilité d'un fonds de stabilisation interne mis en place dans les années où
la différence de prix entre la post-récolte et la saison de soudure a été positive, pour
compenser les années au cours desquelles elle a été négative.
• Déterminer le niveau de risque et le bénéfice si les ventes ont été effectuées mensuellement
plutôt qu'à la fin de la saison. Est-ce que l'incidence d'un faible chiffre d'affaires en raison de
mauvaises récoltes pourrait remplacer ce système ?
Cela implique une comparaison entre les prix sur 12 marchés du Mali et du Burkina entre 1995
et 2001 et l‟analyse des différents scénarios avec 4 stratégies de vente et d‟achat différentes
(stratégie 1 : le stock est vendu pendant la soudure ; stratégies 2-3-4 : les ventes se font
pendant toute l‟année).
Les résultats préliminaires suggèrent les conclusions suivantes :
• Les marges de stockage sont normalement positives.
• La stratégie 1 a normalement une marge plus large que dans les autres scénarios mais le
risque est plus élevé.
• Stratégies 2-3-4 rapportent moins mais impliquent moins de risque.
• Les pertes de marges négatives pendant plusieurs années sont compensées par les
résultats positifs des autres années.
• Donc, un fonds de stabilisation externe pourrait être suffisant pour garantir la viabilité
économique des stocks de proximité.
Deux difficultés majeures sont susceptibles d'apparaître:
Ventes parallèles : Le fonds de stabilisation implique que, dans les bonnes années, les
producteurs doivent renoncer à une partie des bénéfices. Cela faciliterait les choses pour
les intermédiaires qui achèteraient la production aux petits exploitants ayant un sens plus
fragile de la loyauté envers la coopérative. Ce problème des actions collectives est fréquent
dans le commerce équitable, l'agriculture sous contrat, et tout régime qui prévoit un prix
plancher, car il a aussi des handicaps lors de la compétition avec des prix plus élevés.
Le manque de marges suffisantes pour constituer le fonds : Cela pourrait être résolu
en introduisant l‟indemnisation publique pour les organisations de producteurs en
contrepartie de leurs interventions sur le marché. L'État aurait l'obligation de dédommager
toutes les pertes juridiques que peuvent souffrir les stocks de proximité à cause des
interventions influant sur les prix. A cet effet, l'Institut International de Recherche sur les
Politiques Alimentaires (IFPRI) a un outil qui pourrait être utile pour calculer la
compensation : il modélise l'impact sur les marchés résultant de la libération d'une quantité
donnée de grain en provenance des réserves alimentaires.
Les résultats de cette recherche sont attendus pour juillet 2013.
IL S'AGIT DE RENFORCER LES CAPACITÉS DES INSTITUTIONS
Les stocks de proximité ne sont ni la panacée pour résoudre tous les problèmes des
agriculteurs dans les zones semi-arides, ni un outil désespéré voué à l'échec. Il s'agit d'un
accord institutionnel qui peut fournir un meilleur accès au marché, plus de revenus et le bien-
être aux agriculteurs, alors qu‟il ne représente qu‟un léger fardeau plus que raisonnable pour
les budgets gouvernementaux.
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 45
Créer des institutions est un processus lent, qui nécessite l'engagement à la fois des
organisations des agriculteurs et du gouvernement, qui doit fournir un bon environnement pour
eux et équilibrer les effets secondaires de son intervention sur les marchés alimentaires au
cours de la période de soudure avec la nécessité pour les stocks de proximité (aussi bien que
pour les commerçants du secteur privé) de rester des entreprises viables.
Bien que l‟inégalité de leur performance marque l'histoire des stocks de proximité, il faut
reconnaître aussi que la plupart des stocks de proximité ont été mis en place dans des
contextes qui n'avaient pas les conditions nécessaires pour qu'ils puissent se développer et
fonctionner efficacement. Le contexte politique a souvent été caractérisé par l'insuffisance des
systèmes de gouvernance, par la non transparence et par des gouvernements incapables de
rendre des comptes ni de fournir le soutien institutionnel requis pour que les stocks de proximité
puissent s'épanouir. Ces facteurs, couplés à un climat économique défavorable, ont
considérablement affaibli le rôle potentiel des stocks de proximité.
Les stocks de proximité ne constituent pas une solution type qui puisse être appliquée partout.
Leur principale force réside justement dans ce qu'ils peuvent réaliser lorsqu'ils sont adaptés à
chaque contexte local. Cette approche collective implique nécessairement un niveau d'appui
institutionnel qui a manqué dans nombreuses des expériences passées. En outre, l'absence de
liens forts entre les réserves locales et nationales a affaibli, elle aussi, le potentiel des stocks de
proximité de jouer un rôle efficace en tant qu'instrument de la sécurité alimentaire.
8 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
L‟insécurité alimentaire est un problème complexe qui doit être abordé de manière concertée
par toutes les institutions impliquées à chaque niveau. Les gouvernements, ONG,
communautés locales et partenaires internationaux doivent travailler ensemble pour développer
les règles du jeu qui sont nécessaires pour coordonner de manière efficace les réponses aux
crises alimentaires et les solutions à long terme.
Dans ce cadre, les stocks de proximité méritent une attention particulière, étant donné qu‟ils
sont des instruments de sécurité alimentaire avec un énorme potentiel mais qu‟ils comportent
aussi une grande fragilité qui nécessite un fort soutien institutionnel pour assurer leurs services
de manière efficace et durable.
CE QUE LES GOUVERNEMENTS DOIVENT FAIRE
Pour soutenir le fonctionnement des stocks de proximité dans les meilleures conditions
possibles, les gouvernements doivent :
Lier les stocks de proximité aux réserves nationales
Les réserves nationales et locales doivent agir de manière conjointe pour répondre aux pointes
prix de manière plus efficace (en augmentant la capacité de vente des stocks et en soutenant
les initiatives de protection sociale).
Alimenter les réserves nationales à travers l'approvisionnement local
L‟approvisionnement local des réserves nationales sert à établir des synergies entre les
réserves alimentaires et les initiatives de protection sociale. En soutenant un système
d‟approvisionnement local qui se concentre sur les petits producteurs, cette politique pourrait
46 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
permettre d‟atteindre le double objectif d'assurer une source fiable de nourriture pour ces
initiatives sociales tout en fournissant un marché pour les produits des petits producteurs.
Aborder les risques de prix et de climat
• Garder les cycles des prix intra-annuels aussi stables que possible et chercher des façons
de compenser les stocks de proximité pour les variations de prix (fonds de compensation/
stabilisation).
• Promouvoir l'assurance climatique : développer un environnement légal qui promeuve
l‟extension des compagnies d‟assurance privées au delà de leur fonction habituelle
(géographiquement et par rapport au choix de services offerts).
• Mettre en place des mécanismes de renflouement en nature par le biais des réserves
nationales en vue de fournir un soutien en nature aux stocks de proximité en difficultés et de
les empêcher de faire faillite.
Renforcer les liens entre les stocks nationaux et la protection sociale
Les réserves nationales devraient alimenter les initiatives de protection sociale en apportant le
grain nécessaire pour les aider à atteindre leurs objectifs sociaux.
Renforcer la capacité institutionnelle des stocks de proximité
• Investir dans la formation des comités de gestion (depuis des notions de calcul à des cours
plus spécialisés en comptabilité et gestion d‟inventaires, etc.).
• Assurer un soutien technique et un accompagnement nécessaires au bon fonctionnement
des stocks.
• Simplifier les procédures administratives pour faciliter de façon concrète le fonctionnement
quotidien des stocks de proximité par la réduction de la paperasse et d‟autres obstacles
encombrants.
Développer un système de surveillance
Mettre en place un système indépendant et transparent de surveillance afin d'assurer une plus
grande transparence et d'identifier si des mesures correctives et de soutien sont nécessaires
pour améliorer leur performance.
Promouvoir la légalisation des stocks de proximité
• Promouvoir la légalisation des stocks de proximité pour veiller à ce que ceux-ci soient
responsables des produits qu'ils stockent et assurer une bonne certification afin de garantir
un service adéquat.
• Faciliter l‟octroi de licences et les formalités administratives associées.
• Assurer que les projets de création de nouveaux stocks soient fondés sur des analyses
participatives de chaque contexte, des études de viabilité de qualité et une bonne
planification.
Subventionner adéquatement
• Introduire des subventions « intelligentes » (formation, approvisionnement local dans les
zones ciblées, assurance climatique dans les zones déficitaires, technologie de stockage).
Dans le cadre des stocks de proximité, une subvention intelligente serait un type de
compensation avec une cible précise, évaluée en fonction d‟objectifs précis, conçu pour
obtenir des bénéfices concrets ou pour compenser des pertes concrètes, de plus, elle
devrait être temporaire et avec une stratégie de sortie (exit strategy) (à moins que les
conditions écologiques de la zone justifient une permanence plus longue).
• Canaliser les subventions par le biais d'une fédération ou d'une grande organisation de
producteurs pourrait aider à cibler et distribuer de manière plus efficace.
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 47
• Éviter les subventions qui ne sont pas nécessaires (par exemple les services qui existent
déjà sur le marché et sont accessibles pour les petits producteurs). Les subventions doivent
compenser un manque, sans aider dans des situations où ce soutien n'est pas nécessaire.
Promouvoir le développement de nouvelles technologies
Pour les stocks de proximité, ces ressources pourraient inclure des systèmes de
télécommunications et techniques de stockage.
Promouvoir la ligne de défense zéro
Améliorer et promouvoir le stockage ménager, de pair avec d'autres efforts visant à promouvoir
et à renforcer le rôle des stocks de proximité en tant qu‟instruments de sécurité alimentaire.
CE QUE LES ORGANISATIONS PAYSANNES DOIVENT FAIRE
Pour être efficaces, ces politiques doivent être développées en partenariat avec les
organisations de producteurs, qui à leur tour, doivent concentrer leurs efforts dans la promotion
des fédérations pour renforcer la position des stocks de proximité. Les fédérations peuvent :
• Faciliter l‟échange d‟informations entres les stocks pour maximiser leur accès aux marchés
et garantir que les ventes et les achats soient effectués dans les conditions les plus
avantageuses possibles.
• Partager les frais d‟un organisme de contrôle centralisé qui pourrait agir comme banque
centrale de surveillance et faciliter l‟accès aux services de soutien.
• Apporter soutien et conseil technique de manière partagée.
• Agir comme stocks tampons en fournissant des services complémentaires.
• Mutualiser les risques en utilisant des outils communs basés sur le marché pour gérer le
risque prix.
48 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
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NOTES 1 L'initiative SHARE (Soutien à la Résilience dans la Corne d'Afrique) lancé par l'Union Européenne est un
exemple de cette tendance actuelle. Une initiative similaire pour le Sahel a été lancé en juin 2012 : AGIR (Alliance Globale pour l‟Initiative Résilience Sahel) 2 Définition provisoire d‟Oxfam.
3 Système d‟information sur les pertes post-récolte en Afrique, un réseau d'experts locaux en Afrique
orientale et australe dirigé par le Natural Resources Institute
(http://www.erails.net/FARA/aphlis/aphlis/Home/).
4 La compétitivité est comprise en termes de qualité et de productivité (c.-à-d., rendement / coûts de pro-
duction).
5 Les pays qui sont au-dessus de 10 pour cent sont le Burkina, le Niger, la Guinée, le Malawi, l'Éthiopie, le
Mali (et le Ghana (10 pour cent). Moins de 5 pour cent sont l'Ouganda, le Swaziland, le Kenya, le Burundi, le Botswana, le Rwanda, le Lesotho, Île Maurice, la RDC.
6 POSTCOSECHA (post-récolte) est un programme de longue durée financé par la Coopération suisse au
développement qui distribue des silos métalliques fabriqués localement. En 20 ans, il a vendu un demi-million de silos aux petits exploitants en Amérique centrale.
7 Centre international d'amélioration du maïs et du blé.
8 À l‟exception du warrantage.
9 Autrement appelés réserves de sécurité alimentaire.
10 Trois types de zone existent, bien que ce rapport n‟en décrive que deux (déficitaires et excédentaires).
Les stocks de proximité dans les zones d‟équilibre précaire (où les bonnes et mauvaises années se suc-cèdent) pourrait constituer un troisième type mais nous n‟avons pas trouvé d‟information claire sur le fonc-tionnement des stocks dans ces contextes. Cette question pourrait être un futur sujet de recherche.
11 Aussi appelées banques de céréales "classiques", banques de soudure, greniers de sécurité alimen-
taires, greniers villageois…
12 En Tanzanie, les banques de céréales appliquent un taux d'intérêt de 100 pour cent en espèces.
13 Par exemple, l‟AAAE et la Fédération Naam au Burkina Faso.
14 Warehouse Receipt Systems (WRS) dans sa dénomination anglaise.
15 Comme dans les banques de céréales soutenues par Oxfam dans les régions de Dodoma et de Moro-
goro en Tanzanie centrale.
16 La FEPAB, une organisation de producteurs au Burkina, dispose de 26 entrepôts qui travaillent avec ce
système.
17 Roger Blein (2009) a estimé les stocks à 40,000 tonnes au Niger, 15-30,000 tonnes au Burkina et
15,000 au Mali. Ces chiffres sont approximatifs.
18 L'Association Aidons l'Afrique Ensemble (AAAE) offre des crédits de 320.000 francs CFA (490 €) pour
l'achat de 4 bœufs et des équipements de labourage. Ces crédits sont remboursés sur une période de 5 ans (avec la possibilité d‟un sursis supplémentaire de 2 ans). Les membres de l'association sont organisés en groupes de quatre producteurs qui travaillent conjointement dans un même champ, et "s‟entraident" aussi pour labourer leurs champs individuels. Chaque crédit est accordé au groupe et la dette est parta-gée par les quatre membres; à ce jour, l'AAAE a accordé ce type de crédit à un total de 63 groupes de producteurs (entretien avec le président de l‟AAAE, Juin 2012).
19 En Tanzanie, Oxfam travaille avec 14 banques céréalières depuis 2001 dans les régions de Dodoma et
Morogoro. Les services assurés incluent des bœufs et des charrues dans certains cas.
20 Entretien avec le coordinateur du programme de l'école de l‟AAAE, IRIM, Burkina Faso, Juin 2012.
21 Un travail de terrain est prévu pour analyser la dispersion des revenus selon la quantité de sacs vendus
par les petits producteurs aux stocks de proximité.
Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel 51
22 95 pour cent des bénéficiaires de l‟AAAE interrogés dans le département de Rambo (Burkina Faso) ont
affirmé que l'existence des stocks de proximité avait contribué à réduire la migration dans leur communau-té (Juin 2012).
23 Cette pratique n'est plus autorisée par des organisations telles que la Fédération Naam et l'AAEE. Se-
lon l‟AAAE, cela est dû aux marges limités de la vente de leurs produits (seulement 250 francs CFA pour un sac de 100 kg), ce qui signifie que le risque de manque de crédit est si élevé que le non rembourse-ment rien que de 5 sacs peut potentiellement conduire le stock de proximité à la faillite dans un délai de deux ans seulement (entrevue avec l‟animateur de l‟AAAE, Juin 2012).
24 Même si ce n'est pas le cas pour la Fédération Naam et AAAE.
25 Les chocs covariants affectent toute la population d'un lieu donné causant une perte imprévue d'actifs
et de revenus à la suite d'une cause unique comme la sécheresse ou les conflits (Maxwell 2008, p.58).
26 Basé sur la classification de Mayoux, L (2006), Ibrahim et Alkire (2007).
27 Entretien avec le directeur de la CECVD. 28
http://www.oxfamamerica.org/issues/insurance
29 Au moins un cas de détournement de fonds a été vérifié au sein du réseau de l‟AAAE de 21 stocks de
sécurité alimentaire, où un membre du comité de direction a quitté le village, emmenant avec lui une partie du stock ainsi que les recettes perçues grâce à la vente.
30 Entretiens avec les résidents locaux à Ouagadougou et le personnel IO, Juin 2012.
31 Entretien avec le personnel d'Oxfam à Ouagadougou, 2012.
32 C'est le cas du P4P au Ghana et de l'AAP au Brésil.
REMERCIEMENTS
Ce document a été rédigé par Gabriel Pons Cortès et Itziar Gómez Carrasco avec l‟appui
financier de la Junta de Andalucía (Espagne). Les auteurs souhaitent remercier Roger Blein,
Jonathan Coulter et Sophia Murphy pour leurs commentaires et reconnaissent la contribution et
le soutien de nombreux collègues d‟Oxfam. Les auteurs assument l‟entière responsabilité de
toute erreur ou omission.
Cette version est une mise à jour du rapport « Première ligne de défense : évaluation du
potentiel des stocks de proximité dans le Sahel » publié pour la première fois en Octobre 2012.
52 Première ligne de défense : Évaluation du potentiel des stocks de proximité dans le Sahel
Les rapports de recherche d'Oxfam
Les rapports de recherche d'Oxfam sont rédigés dans le but de partager des résultats de recherches, de
contribuer au débat public et d'inciter à commenter les problématiques relatives au développement et aux
politiques humanitaires. Ils ne reflètent pas nécessairement les positions d'Oxfam en matière de politiques.
Les opinions exprimées sont celles de l'auteur et non pas nécessairement celles d'Oxfam.
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Publié par Oxfam GB pour Oxfam International sous l‟ISBN 978-1-78077-205-9 Octobre, 2012.
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