Les dossiers pédagogiques « Théâtre » et « Arts du cirque » du réseau SCÉRÉN en partenariat avec le Nouveau Théâtre d’Angers. Une collection coordonnée par le CRDP de l’académie de Paris.
n° 153 novembre 2012
La MouetteTexte d’Anton TchekhovMise en scène de Frédéric Bélier-Garcia
Au Nouveau Théâtre d’Angers du 14 au 24 novembre 2012 Photo de répétition sans costumes © STÉPHANE TASSE
ÉditoAprès un échec à Saint-Pétersbourg en 1896, La Mouette de Tchekhov connaît un immense succès lorsque Stanislavski la met en scène au théâtre d’Art de Moscou. Lors de la première, le 17 décembre 1898, le public est tellement ému qu’à la fin de la représentation un long silence précède un tonnerre d’applaudissements. Les spectateurs ont l’impression d’assister à une nouvelle forme de théâtre qui les touche profondément. Cette révolution tient à l’écriture de Tchekhov qui, sous l’apparente banalité des répliques, raconte si bien l’âme humaine mais aussi à Stanislavski qui est en train d’inventer l’art de la mise en scène. Frédéric Bélier-Garcia, directeur du Nouveau Théâtre d’Angers depuis 2007, a mis en scène beaucoup de textes contemporains, entre autres les comédies grinçantes d’Ha-nokh Levin, mais peu de pièces classiques. Avec La Mouette, il aborde Tchekhov pour la première fois (annexe 1). Quand on essaie de comprendre quel parti pris sera le sien, on entend dire que « ce ne sera pas russe » ou « peu dix-neuvième ». Il souhaite surtout que le spectateur d’aujourd’hui puisse se reconnaître dans des personnages que « le rêve est prêt à emporter vers le meilleur mais qui, comme de grands oiseaux incapables de voler, demeurent dans ce décor, dans ce théâtre qui flétrit en eux au fil des actes et des années ». Le parcours suivant permet aux élèves de pénétrer dans les coulisses de la création par des recherches proposées au fil des rencontres avec les artistes de La Mouette.À noter que deux visions de La Mouette s’offrent cette année dans la collection Pièce (Dé)montée, celle de Frédéric Bélier-Garcia et celle d’Arthur Nauzyciel, consultable en ligne à l’adresse :http://crdp.ac-paris.fr/piece-demontee/piece/index.php?id=la-mouette
Retrouvez sur4http://crdp.ac-paris.fr l’ensemble des dossiers « Pièce (dé)montée »
Avant de voir le spectacle : la représentation en appétit !
Le choix de la traduction [page 2]
Les personnages ou la confrontation… [page 3]
Les costumes de La Mouette [page 5]
L’espace de La Mouette, une scénographie… [page 6]
Le sous-texte ou le courant souterrain [page 7]
L’affiche, premier regard sur la représentation [page 8]
Après la représentation : pistes de travail
Les souvenirs de la représentation… [page 10]
Le jeu amoureux [page 11]
Le jeu choral [page 11]
La bande sonore [page 13]
La fonction des objets [page 14]
La scénographie : une mise en abîme du théâtre [page 15]
L’évolution du personnage à travers le costume [page 16]
La construction du personnage par l’acteur [page 17]
Annexes [page 19]
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n° 153 novembre 2012
Avant de voir le spectacle
La représentation en appétit !
Frédéric Bélier-Garcia, metteur en scène de La Mouette, opte pour la traduction d’Antoine Vitez 1 plutôt que pour celle d’André Markowicz qu’a choisie Arthur Nauzyciel dans sa mise en scène pour la cour d’honneur du festival d’Avignon (2012). Pourquoi ?Frédéric Bélier-Garcia : « La traduction de Vitez est plus simple. Tchekhov a un grand souci de la simplicité de la langue. La magie de son théâtre ne vient pas d’une complexité de la langue comme chez Shakespeare, Claudel ou Racine mais elle
est dans l’aller-retour entre texte et sous-texte, elle vient d’une sorte de quotidienneté qui est toujours un peu symbolique. Et Vitez retranscrit bien cette simplicité de la langue présente dans le théâtre comme dans les nouvelles de Tchekhov ».
1. Toutes les citations du texte, sauf mention contraire, sont issues de la
traduction d’Antoine Vitez : La Mouette, Anton Tchekhov, et sont © Actes Sud,
1984. La pagination se réfère à l’édition au Livre de poche de ce texte.
Les disdascalies sont en italique.
Le choix de la traduction
ActivitéComparer les deux traductions de La Mouette
Objectif : faire prendre conscience de la singularité de la traduction choisie.
b À la lumière de cette réflexion sur la langue de Tchekhov et sur la traduction de Vitez, l’enseignant demande aux élèves d’observer les deux traductions d’un passage de l’acte III (annexe 2) où Arkadina essaie de convaincre Trigorine de rester avec elle alors qu’elle sent qu’il lui échappe. Sans préciser
quelle version est de Markowicz ou de Vitez, le professeur demande à deux élèves de se mettre debout, chacun ayant en main une traduction différente et de l’adresser à un camarade de la classe : à chaque signe de ponctuation, l’élève lecteur s’arrête puis écoute l’autre élève dire le même texte dans la deuxième traduction. Ils ne doivent pas spécialement mettre d’intention mais faire simplement entendre les mots et laisser du silence entre chaque signe de ponctuation. À la fin, la classe entière se prononce sur le vocabulaire, la construction des phrases qui ont semblé « plus simples ».
« Ça m’est égal, je n’ai pas honte de mon amour pour toi. (Elle lui baise les mains). Mon trésor, tête folle, tu veux faire des bêtises, mais je ne veux pas, je ne te laisserai pas… (Elle rit). Tu es à moi… Tu es à moi… Ce front est à moi, et ces yeux à moi, et ces beaux cheveux de soie
sont aussi à moi… Tu es tout à moi. Tu as tant de talent, d’intelligence, tu es le meilleur de tous les écrivains d’aujourd’hui, tu es l’unique espoir de la Russie… tu as tant de sincérité, de simplicité, de fraîcheur, d’humour sain… »
Traduction d’Antoine Vitez
« Tant mieux je n’ai pas honte de mon amour pour toi. (Elle lui baise les mains). Mon trésor, ma tête brûlée, tu veux faire des folies, mais moi, je ne veux pas, je ne te laisserai pas… (Elle rit). Tu es à moi… à moi… Et ce front, il est à moi, et ces yeux, ils sont à moi, et ces
cheveux splendides, ces cheveux soyeux, ils sont aussi à moi… Tu es tout à moi. Tu es si doué, si intelligent, le plus grand des écrivains de notre temps, tu es le seul espoir de la Russie. Tu as tant de sincérité, de simplicité, de fraîcheur, d’humour salubre… »
Traduction d’André Markowicz
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On peut remarquer par exemple que l’adjectif « sain » qui définit l’humour dans la traduction de Vitez est moins recherché que « salubre », étonnant adjectif accolé à « humour » dans la traduction de Markowicz. La mise en valeur emphatique du sujet, systématique chez Markowicz, crée aussi une insistance sur les différentes parties du corps de Trigorine absente de la traduction de Vitez.
Les personnages ou la confrontation de deux générations
Photo de répétition sans costumes © STÉPHANE TASSE
Comment Frédéric Bélier-Garcia choisit-il des acteurs pour jouer des personnages appartenant à deux générations différentes ?
À la question du choix d’une actrice comme Nicole Garcia pour jouer Arkadina, Frédéric Bélier-Garcia répond : « Je ne veux pas jouer sur la notoriété, plutôt sur l’âge et l’appartenance à des générations différentes. La génération « du dessus », celle des acteurs que j’ai choisis pour jouer Arkadina, Paulina et Sorine est une génération qui a commencé au théâtre, et dans
un théâtre d’avant-garde, il y a quarante ans dans les années 1970 et qui progressivement a eu une notoriété au cinéma. La génération « du dessous », celle des acteurs jouant Medvedenko, Macha, Nina, Treplev est composée d’acteurs sortis en même temps des conservatoires et qui font des recherches dans le domaine théâtral surtout. Or l’histoire de La Mouette est une histoire de générations : le triomphe des parents sur les enfants, des parents qui refusent de passer la main, la victoire d’une génération passée sur la génération présente ».
ActivitéLire à haute voix la liste des personnages
Objectif : se familiariser avec les noms russes des personnages et comprendre leurs rela-tions (générations différentes).
b Lire à voix haute avec onze voix (nombre de personnages) la didascalie initiale en
faisant sonner les noms russes, à la manière d’un majordome, pour se familiariser avec le nom des personnages (annexe 3).
b En s’appuyant sur la définition qu’en fait Tchekhov, demander aux élèves quels personnages seront joués par les acteurs plus âgés et par les acteurs plus jeunes.
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2. Vinaver Michel, Écritures dramatiques, Actes Sud, 1993.
ActivitéJouer une scène de conflit entre deux générations
Objectif : comprendre que la parole au théâtre est action et pas simple conversation.
À propos du fonctionnement de la parole au théâtre, le dramaturge Michel Vinaver 2 parle d’un « duel » quand les personnages entrent dans un conflit et précise que quatre figures sont alors utilisées : l’attaque, la défense, la riposte et l’esquive. Il parle en revanche d’un « duo » quand domine dans la parole la figure du « mouvement vers » l’autre.
b Après avoir défini ces mots avec les élèves (attaque, défense…), l’enseignant peut demander de repérer ces figures dans l’extrait entre Arkadina et Treplev (annexe 4) et de voir comment le duo initial entre mère et fils se transforme en duel pour s’achever à nouveau en duo.
b Une fois les figures repérées, l’enseignant peut demander à sept élèves de dire chacun une réplique de Treplev à tour de rôle (idem pour Arkadina) en traduisant les figures repérées par la manière de dire.
Par exemple, dire avec beaucoup de douceur les « mouvements vers », avec violence les « attaques » et avec fermeté les « défenses ». Il faut veiller à ne jamais précipiter la parole et respecter vraiment les silences marqués par les signes de ponctuation.
On peut rappeler à l’occasion de la lecture de cette scène que « La Mouette est une vaste paraphrase d’Hamlet », comme le dit Antoine Vitez. Dans cet extrait, la jalousie incestueuse de Treplev à propos de Trigorine, amant de sa mère Arkadina, rappelle des scènes entre Hamlet et sa mère Gertrude.
b On demande aux élèves d’analyser dans cet extrait les deux causes du conflit entre la mère et son fils : la jalousie de Treplev envers Trigorine, mais aussi une conception différente du théâtre.
Photo de répétition sans costumes © STÉPHANE TASSE
Photo de répétition sans costumes © STÉPHANE TASSE
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Les costumes de La Mouette
Frédéric Bélier-Garcia s’est entouré de deux costumières (Catherine et Sarah Leterrier, mère et fille) pour créer les costumes de La Mouette (entretien avec Catherine Leterrier, annexe 5).Pour cette création, les costumières ont créé plus d’une vingtaine de costumes car certains personnages changent plusieurs fois de tenue durant les quatre actes.
Catherine Leterrier révèle une source d’inspira-tion importante pour la création des costumes, le peintre Vuillard : « Dans La Mouette, les personnages sont au début pleins d’espoir, ils seront dans les couleurs et tissus unis. Puis petit à petit, comme la vie ne leur permet pas de
réaliser leurs rêves, les imprimés des costumes deviendront de plus en plus présents voire sur-dimensionnés et donneront l’impression de faire rentrer les personnages dans le décor comme s’ils étaient enserrés dans leur espace ».
Le costumier et le peintre
ActivitéObserver un tableau
Objectif : prendre conscience des sources d’inspiration des costumiers.
b L’enseignant peut proposer l’étude d’un tableau d’Édouard Vuillard (Intérieur à la table à ouvrage, 1893) qui a inspiré les cos-tumières et demander aux élèves d’analyser la manière dont le peintre crée cette confu-sion entre personnages et décor.
Costume et personnage
ActivitéObserver des maquettes de costume
Objectif : découvrir comment un costume révèle un personnage.
b L’enseignant interroge les élèves sur les codes vestimentaires en général et sur la façon dont tel ou tel vêtement traduit à la fois l’appartenance sociale d’un individu et sa psychologie.
À partir de maquettes de costumes dessinées par Sarah Leterrier (annexe 6), les élèves réfléchis-sent à la manière dont ces costumes révèlent socialement et psychologiquement un person-nage. Dans un premier temps, les élèves mènent cette réflexion sans référence aux personnages de La Mouette. Puis ils essaient d’imaginer, à partir des maquettes et de quelques répliques, à quel personnage de La Mouette correspond tel ou tel costume. Dix élèves lisent chacun une réplique caractérisant un personnage (annexe 7). Chacun des dix élèves choisit auparavant sa place dans la classe (debout ou assis), lit silen-cieusement sa réplique, fixe son regard sur une personne (proche ou lointaine dans l’espace de la classe) et adresse sa réplique. Les répliques sont dites dans l’ordre, avec le plus de sincé-rité possible et en respectant la ponctuation par un vrai silence de quelques secondes. On rappelle aux élèves qu’ils ont à leur disposition quatre émotions majeures : la peur, la colère, la tristesse et la joie. Ils choisissent l’émotion qu’ils veulent pour dire leur réplique après avoir annoncé le nom de leur personnage.
© DANY PORCHÉ© DANY PORCHÉ
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L’espace de La Mouette, une scénographie entre intérieur et extérieur
Interrogée sur ses choix scénographiques, Sophie Perez répond (annexe 8) : « La Mouette parle de la mise en abîme du théâtre. À partir de là, la scénographie est réversible : la maison, dont l’intérieur est très réaliste, est représentée par des châssis qui, une fois retournés, évoque-ront des châssis de théâtre. Tout peut se moduler. Une pièce de maison peut devenir un bout d’île, l’île un intérieur. Il faut que la scénographie soit envisagée comme un objet de théâtre ».
Photo de répétition sans costumes © STÉPHANE TASSE
ActivitéLire les quatre didascalies initiales des quatre actes
Objectif : repérer les espaces intérieurs et extérieurs.
Les didascalies initiales des quatre actes sont écrites à la manière d’un romancier naturaliste (Tchekhov a lu Maupassant et Flaubert : Arkadina lit d’ailleurs un texte de Maupassant au début de l’acte II, Sur l’eau). Elles décrivent
l’espace où évoluent les personnages mais sont aussi à interpréter de façon symbolique. Ainsi de l’acte I à l’acte IV un espace semble triompher de l’autre : l’espace intérieur ou l’espace extérieur ? (annexe 9)
b On invite les élèves à se demander ce que cette évolution de l’espace révèle du destin des personnages.
L’enseignant peut trouver des éléments de réponses chez Georges Banu 3, auteur de nom-
breuses recherches sur le théâtre de Tchekhov. Il dit à propos de l’espace de La Mouette : « une action extérieure s’enferme pro-gressivement dans une maison, jusqu’à aboutir à une chambre barricadée ».
3. Banu Georges, « Rupture dans l’espace de La Mouette »,
Le Texte et la Scène, Institut d’études théâtrales, 1978.
ActivitéDessiner la première image de La Mouette (comment représenter le théâtre dans le théâtre)
Objectif : s’initier à la scénographie
b L’enseignant demande aux élèves (par groupe de quatre) d’imaginer, à partir de la didascalie initiale de l’acte I et des deux premières répliques de la pièce, quelle serait, selon eux, la première image du spectacle.
L’enseignant rappelle que dans ce premier acte Treplev va jouer sa nouvelle pièce devant sa mère et les autres personnages, ce qui explique la présence de l’estrade et du rideau. Il précise aussi que le théâtre n’est pas le cinéma, qu’il ne peut tout montrer et fait appel à l’imagination du spectateur (un arbre suggère une forêt…). Les élèves dessinent sur une feuille de dessin avec des crayons de couleurs cette première image à partir de leurs réponses aux questions suivantes :
© Photo d’équipe NTA
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Quel cadre de scène choisir parmi les six proposés (annexe 10) ? carrés ou rectangles aux formes plus ou moins allongées et aux points de fuite plus ou moins centrés ? Ces six cadres sont pro-posés par le scénographe Yannis Kokkos pour une initiation à la scénographie 4. Ils permettent de préciser les différents choix de dimensions et de perspec-tives scéniques (scène réduite ou profonde, cadre de scène bas ou élevé…) Quels éléments semblent essentiels parmi tous ceux évoqués par Tchekhov (parc ? allée ? estrade ? buissons ? rideau ?). Qu’est-ce qui est au premier ou au second plan ?Enfin, où se trouvent dans cette scénographie les deux personnages qui parlent au début ? (Medvedenko : « Pourquoi êtes-vous toujours en noir ? » Macha : « C’est le deuil de ma vie. Je suis malheureuse. ») Sont-ils au centre ? sur le côté cour ou côté jardin ? au lointain ? en avant-scène ? et pourquoi les rêver là ?
b L’enseignant propose de dessiner les deux personnages à l’endroit souhaité sous formes de simples silhouettes pour figurer l’échelle humaine. Puis chaque groupe présente sa proposition argumentée et ses choix.
b Pour aller plus loin, on peut demander à certains élèves (seuls ou en groupes) de choisir quatre cadres identiques ou diffé-rents pour les quatre actes et de voir com-ment la scénographie évolue de l’acte I à IV et comment l’intérieur envahit petit à petit l’extérieur.
4. Cités et présentés par D. Porché dans 10 rendez-vous avec Yannis Kokkos,
Actes Sud/ANRAT, 2005, p. 81.
Le sous-texte ou le courant souterrain
« Cette dramaturgie sans action [celle de Tchekhov] repose, souligne Peter Stein, non sur ce qui est dit mais sur la manière de le dire. Ce qui change, ce ne sont pas les mots, mais le moyen ou la manière de les dire, de les prononcer. Tel est le fameux sous-texte ou “courant souterrain”. Les acteurs du théâtre de Tchekhov, grâce au sous-texte, ont reçu des rôles tout à fait nouveaux. Puisque ce qui importait n’était plus le contenu du texte mais bien davantage la manière de le dire — l’interprétation, le jeu ont pris une telle importance que l’acteur est devenu un coauteur. Tchekhov a laissé tellement d’espace, de liberté entre les propositions, les bouts de propositions et même entre les mots, que l’acteur peut remplir ces vides de son état psychologique, de son moi. C’est le plus grand cadeau que Tchekhov a fait aux acteurs. Mais cela ne signifie pas qu’il soit facile de le jouer. »
ActivitéJouer une scène selon deux hypothèses de lecture en imaginant un sous-texte différent
Objectif : mesurer l’importance des choix du metteur en scène et de l’acteur.
Frédéric Bélier-Garcia présente la difficulté d’interpréter cette scène : « On ne sait, dit-il, si Trigorine revient dans la maison vraiment pour voir Nina et donne le prétexte de la canne à pêche ou s’il vient effectivement rechercher sa canne à pêche et a déjà oublié le rendez-vous avec Nina ».
b L’enseignant propose de lire cet extrait (annexe 11) selon deux hypothèses de lec-ture :– ou Trigorine revient pour voir Nina sous le prétexte de la canne à pêche.– ou Trigorine revient pour chercher la canne à pêche et a déjà oublié Nina.
Dans les deux hypothèses, le sous-texte est bien différent : les points de suspension, ponc-tuation très fréquente chez Tchekhov, sont à lire différemment. Quatre élèves (deux garçons et deux filles si possible) joueront les deux versions de ce duo selon les deux hypothèses. Pendant que les élèves joueurs apprennent le texte, le reste de la classe imagine et écrit ce
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5. La diagonale est une ligne dont le metteur en scène Antoine Vitez dit
qu’elle est « dramatique », c’est-à-dire qu’elle crée une tension : « Une ligne est
dramatique dans la mesure où elle est biaise. Les dialogues peuvent être diagonaux mais jamais latéraux »,
cité par Dany Porché, op. cit., p. 75.
L’affiche, premier regard sur la représentation
ActivitéAnalyser l’affiche de La Mouette
Objectif : découvrir la portée symbolique de l’affiche.
b L’enseignant demande aux élèves d’ob-server l’affiche du spectacle de La Mouette (annexe 12). Relever les informations tex-tuelles (titre, auteur, équipe artistique, producteurs, tournée), le choix des polices et des couleurs. Analyser la photo (Nicole Garcia jouant Arkadina) et la position du corps.
Que peut raconter à un spectateur qui n’a pas lu la pièce cette photo de l’actrice Nicole Garcia ? Analyser le mouvement des bras, le corsage porté, les franges plumetées au poignet et au col. L’enseignant aide les élèves à découvrir la portée symbolique de la photo à partir de leur interprétation des différentes occurrences du mot « mouette » dans les répliques de la pièce
(annexe 12). N’y a-t-il pas ressemblance entre une mouette et le cliché de l’actrice ? Quels sont les éléments de cette analogie ? Mais alors que dans le texte de Tchekhov, c’est Nina (jouée par Ophélia Kolb) qui est continuellement asso-ciée à une mouette, sur l’affiche c’est Nicole Garcia jouant Arkadina qui apparaît de profil. Que peut nous révéler ce choix : simple volonté de mettre sur l’affiche une actrice connue du public ? Ou plus profondément désir de repré-senter les rêves de Nina, devenir une actrice connue comme Arkadina, quitte à se brûler les ailes ? Ou intention de montrer le pouvoir de l’ancienne génération qui occupe l’espace visuel et empêche la jeune génération d’être visible ? Ou encore souhait de Frédéric Bélier-Garcia de montrer qu’il met en scène sa mère, Nicole Garcia, dans une pièce qui traite d’un conflit violent entre une mère actrice et son fils auteur de pièces d’avant-garde ? Autant d’interpréta-tions qui ouvrent les portes de l’imaginaire et rendent sensible au choix de mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia (annexes 13 et 14).
qui n’est pas dit dans les points de suspension.Si on écoutait le monologue inté-rieur de Nina et de Trigorine dans la première et dans la deuxième hypothèse, qu’entendrions-nous ?L’enseignant crée un espace scé-nique en dégageant une diago-nale 5 qui va d’une porte de la classe au coin opposé. Un bâton censé représenter la canne à pêche est placé près de la porte. Celui qui joue Trigorine entre par cette porte et l’actrice qui joue Nina est assise à l’opposé de cette entrée.
Les deux interprétations de la scène sont jouées successivement : les élèves proposent des mouvements sur cette diagonale qui tra-duisent leurs émotions. Au début, ils doivent être aux extrémités de la diagonale et à la fin, très proches mais ils ne se déplacent que sur cette diagonale : qui avance vers l’autre ? Le font-ils ensemble ou non ? Éviter le piétine-ment : ils se déplacent ou ils sont immobiles. Les regards doivent aussi être précis : que fixent-ils ? l’autre ? ou un ailleurs qui peut être
menaçant, l’arrivée d’Arkadina par exemple ou de quelqu’un d’autre ? Les silences doivent être longs et révéler ce qui se passe en eux, le fameux sous-texte.Puis la classe se prononce sur l’interprétation qui lui semble la plus juste et pourquoi.Pour finir, quelques élèves peuvent faire entendre les pensées intérieures qu’ils ont imaginées sous les points de suspension, en précisant quelle hypothèse ils ont retenue.
Photo de répétition sans costumes © STÉPHANE TASSE
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renseignements / réservations 02 41 22 20 20www.lequai-angers.eu
de Anton Tchekhovmise en scène Frédéric Bélier-Garcia
avecNicole GarciaOphelia KolbAgnès PontierBrigitte RoüanEric BergerMagne-Håvard BrekkeJan HammeneckerMichel HermonManuel Le LièvreStéphane Roger
production Nouveau Théâtre d’Angers Centre Dramatique National Pays de la Loire
LE QUAI - FORUM DES ARTS VIVANTSdu mercredi 14 au samedi 24 novembre 2012
GRAND THÉÂTRE, PLACE DU RALLIEMENTdu jeudi 14 au lundi 18 février 2013
ET TOURNÉE NATIONALE AUTOMNE-HIVERNANTES… LA ROCHE-SUR-YON… SAINT-NAZAIRE…
TOURS… LA ROCHELLE… MARSEILLE… LYON
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© VINCENT FLOURET
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