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Page 1: Jack Arel, le compositeur de “I’ll never leave you” · PDF filegagner sa vie, il tient la guitare ou le piano les fins de semaines. Il chante aussi un peu ... Eddy Mitchell,

JE CHANTE MAGAZINE N° 1 — SEPTEMBRE 2007 — PAGE 48

Lorsqu’en 1967 il compose leschansons du fi lm Les JeunesL o u p s, Jack Arel est déjà dans lemétier depuis une bonne dizained’années. Dans les années 50, aprèsdes études au Conservatoire (classede percussions et d’harmonie), il separtage entre la composition etl’orchestre de Léo Clarens où, pourgagner sa vie, il tient la guitare oule piano les fins de semaines. Ilchante aussi un peu... « Et le lundi,je me remettais à faire mes petiteschansons, à aller solliciter lesauteurs. .. J ’ai commencé àcomposer à l’époque où il y avaitdes directeurs artistiques dans lesmaisons de disques. Nous autres,auteurs ou compositeurs, nousfrappions aux portes et nous étionsreçus par les directeurs artistiquesou les artistes eux-mêmes. Il n’yavait que trois radios et deux télé -visions... »

Une des première fois où le nom deJack Arel apparaît sur une pochette dedisques, c’est en 1959, sur le 45 toursPolydor d’un certain Stephen Bruce...

« Bruce est un Américain qui vivait àParis, et lorsque je l ’ai connu, il neparlait pas un mot de français. Sur cedisque, il y avait une chanson écrite avecJean-Claude Darnal : Bonjour monsieurStephen... » De son vrai nom Bob Karcy,Stephen Bruce incitera Jack Arel à venirs’installer aux États-Unis où, ensemble,ils fondent une société spécialisée dans lejazz.

À New York, ce féru de jazz écume lesclubs pour enregistrer des concerts.« Pendant cette période, j’ai eu la chancede rencontrer les plus grands jazzmen,j’ai connu des soirées formidables... Pourla vidéo, nous achetions desprogrammes — des documentaires maissurtout de la musique — que l’on reven -dait en Europe. Nos bureaux à New Yorkse trouvaient sur la 32ème Rue, on avaitun petit immeuble à nous... Mon associéa bien réussi. Moi, je me débrouillais àpeine en anglais, je baragouinais... »

Durant son séjour aux États-Unis —une dizaine d’années, de 1988 à 1999 —,Jack a le temps de comprendre comment« f o n c t i o n n e n t » les Américains. « AuxÉtats-Unis, un responsable de sociétépeut vous recevoir cinq minutes. Si vousl ’avez intéressé ou convaincu, i ls ’ a c c r o c h e . Et si le PDG ne vous reçoitpas, ce sera son bras droit qui le fera àsa place. Là-bas, ils sont attentifs et unpeu à l’affût de tout... En France, vousn’arrivez à voir personne. »

Au début des années 60, ses chansonssont enregistrées par Jean-Claude Pascal,Dick Rivers, Eddy Mitchell, RichardAnthony, Tom Jones. Plus tard parDalida, Florent Pagny... Sur un texted’Yves Stéphane (auteur de L’amour c’estcomme un jour), Jack Arel compose un

très beau slow qu’enregistre Mouloudjien 1963 : L’amour, l’amour, l’amour.

Le succès de I’ll never leave you e n1968 lui ouvre les portes du cinéma et dela télévision où il signe de nombreuxgénériques (Trente millions d’amis,Auto-moto, Midi Première, Les Tiffins..).

Ahmet Ertegun, PDG d’AtlanticAu début des années 70, Arel compose

Melody Lady, une chanson que Sheilaadapte sous le titre M é l a n c o l i e. « J’étaisproducteur de la version américaineenregistrée par Freddie Meyer qui étaitsortie chez Carrère. Entretemps, j’avaisété en contact avec Ahmet Ertegun, legrand patron du label Atlantic, depassage à Paris. Ce n’était pas n’importequi ! Par le biais d’une relat ioncommune, il me reçoit en short dans sonhôtel, au Plazza Athénée. Ertegun parletrès bien français : “Oh, Jack ! Commentallez-vous ?” On n’a pas fait “affaire” surce coup-là, mais c’est pour vous dire quele grand patron d’un label aussi presti -gieux prend le temps de vous recevoir...À Paris, je n’ai jamais pu avoir unrendez-vous avec le responsable dubureau d’Atlantic France...

J’ai eu le privilège de faire ce métier,avec des hauts et des bas, j ’ai eu lachance d’en vivre (merci mon Dieu ! ) .Mais aller faire le siège des gens ou lesharceler au téléphone, je ne peux pas...Personnellement, je ne veux pas medévaloriser en allant frapper aux portescomme je le faisais à l’âge de 20 ans. Oubien je travaille avec des gens qui ontenvie de travailler avec moi — qu’onessaie tout au moins —, autrement, cen’est pas la peine...

Aujourd’hui, le métier est pris en mainpar quatre sociétés de disques —Universal, Warner, BMG-Sony et EMI —et le reste n’existe plus, à part quelquesindépendants... Pour lancer un artiste, sivous n’êtes pas dans le sérail de TF1 etque vous arrivez avec votre petiteproduction, on ne vous regarde et on nevous écoute même pas ! »

Claude FrançoisSur « le métier », Arel ne manque pas

d ’ a n e c d o t e s . En voici une sur ClaudeFrançois. « J’adore les contacts et j’aimetravailler directement avec les artistes.Un jour, je reçois un coup de fil de NicoleDamy, la secrétaire de Claude François :

— “Claude cherche des chansons et ilaimerait bien que tu lui en présentes.”Bien entendu, je suis tout disposé, maisje pose la question qu’il ne fallait pasposer...

— “OK, alors je le vois quand ?”— “Mais... il n’a pas le temps de te

voir !”— “Nicole, s’il ne peut pas me voir, il

n’y a pas de chansons...”— “Mais pour qui tu te prends ?”— “Je me prends pour rien... mais j’ai

besoin du contact ! De parler avec lui, desavoir un peu ce qu’il veut...”

— “Oui, mais il n’a pas le temps de terecevoir !”

— “Dans ce cas, il ne peut pas y avoirde chansons...” Voilà comment je fonc -tionne... »

Édith Piaf et Colette RenardJovial, volubile, Arel enchaîne les

histoires du « métier ». « J’ai eu lachance de connaître Édith Piaf quelquesannées avant sa mort, Pierre Ribert, desÉditions Métropolitaines, me l’ayantprésentée.

Je venais de composer une chansonpour laquelle je ne voyais que deux inter -prètes : Édith Piaf et Colette Renard. Cesoir-là, j’ai rendez-vous avec ColetteRenard au Théâtre Grammont, où ellejouait Irma la Douce, et, un peu plustard, avec Édith Piaf à l’Olympia. J’étaistout jeune, je démarrais. Dans les logesdu théâtre Grammont, Colette Renard semaquille. Je me présente. Tout en conti -nuant à se maquiller, et sans seretourner, elle me répond : “Oui, laissezla chanson sur la chaise, je sais lire lam u s i q u e . . . ” Je pose la chanson et jerepars.

Jack Arel, le compositeur de “I’ll never leave you”