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Faut-il vraiment « sauver » le lac Tchad ?
Géraud Magrin
L’Afrique plurielle : paradoxes et ambitionsFIG Saint-Dié8 octobre 2011
UMR TetisUMR
Prodig
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Le lac Tchad à l’affiche de l’agenda international
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Introduction• Disparition du lac Tchad ?• Causes :
– changement climatique– pressions anthropiques
• Conséquences : – écologiques
o disparition (superficie)o biodiversité
– humaines : o pauvreté, migrations, conflitso nombre de victimes
• Réaction nécessaire : – grand projet– autres actions
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• Objectif de la conférence : expliquer le décalage entre discours politico-médiatique et connaissance scientifique sur le lac
• Positionnement– Géographie régionale (Bouquet, 1990 ; Magrin,
2001)– Hydropolitique et Political ecology
• Hypothèse : le mythe de la disparition fonctionne car il sert un large faisceau d’intérêts hétérogènes
• Un travail en cours…
Introduction
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Sources
• Bibliographie – C. Bouquet (1990)– Travaux de l’Orstom/IRD (hydrologie)– Médias et institutions
• Des travaux personnels– Dynamiques agricoles– Raison, Magrin, 2009. Des fleuves entre conflits et
compromis. Essais d’hydropolitique africaine, Karthala– Magrin G., 2007. « Le lac Tchad n’est pas la mer d’Aral »,
Mouvements, www.mouvements.info/spip.php?article201 • Une « observation participante » : FMDD, Ndjaména, 29-31
octobre 2010 (Passages n° 166)
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Plan de la conférence
1. Une oasis sous pression
2. Le fonctionnement du mythe
3. Un marigot politico-institutionnel
Discussion
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Source : Raison, Magrin, 2009
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1. Une oasis sous pression 1.1 Variabilité et incertitude
• Les états anciens du lacMéga lac Tchad quaternaire (Leblanc et al., 2006)
6 000 BP340 000 km2
160 m de profondeur
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1. Une oasis sous pression 1.1 Variabilité et incertitude
• Le lac durant les derniers siècles
Source : Maley, 1981
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1. Une oasis sous pression 1.1 Variabilité et incertitude
• Les lacs du XXe siècle– Les 3 lacs de J. Tilho (1914) :
ogrand Tchad : 25 000 km2 d’eaux libres, cote 284 momoyen Tchad : 15-20 000 km2 d’eaux libres, 2 000 îlesopetit Tchad : cote < 280 m
– début XXe et depuis 1974– eaux libres de 1 500 à 14 000 km2
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1. Une oasis sous pression
1.1 Variabilité et incertitude• Facteur principal de remplissage : volume des
pluies (en zone soudanienne et sahélienne)• Fonctionnement : crue/décrue
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Source : J. Lemoalle, d’après les données du Climate Research Unit (Cambridge)
?
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1.1 Variabilité et incertitude• Le lac actuel est un « petit Tchad ordinaire »
– pas de changement notable depuis 1974– depuis sécheresses (1970-1980) :
• 3 bassins• végétalisation• périphéries marécageuses
– au sud : faible variation, eaux douces– au nord : assèchement fréquent, salinité
• Les prélèvements pour l’irrigation comptent peu (2-3 km3 sur 25-30)
1. Une oasis sous pression
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Source : Lemoalle, 2003
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1.1 Variabilité et incertitude
• Connaissances scientifiques des effets du réchauffement climatique :
?
1. Une oasis sous pression
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1. Une oasis sous pression 1.2 Ruée vers l’eau et ressources naturelles
Croissance démographique
• Peuplement ancien– îles refuge– rives sud désertes
• Polarisations depuis les années 1950
• Population actuelle : – autour du lac :
o 1980 : 0,7 Mo 2010 : 2 M
– bassin : 30-35 M
2121
Source : Ladel, Roussel, 2007
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1. Une oasis sous pression
1.2 Ruée vers l’eau et ressources naturelles
La pêche• De grandes richesses halieutiques• Une économie active
23Source : Magrin et
al., 2010
24
1. Une oasis sous pression
1.2 Ruée vers l’eau et ressources naturelles
La pêche• Une impression de crise• Des causes multiples
– sécheresses– pêche
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1. Une oasis sous pression
1.2 Ruée vers l’eau et ressources naturelles
Difficultés de l’agriculture irriguée• Aménagements des années 1950 aux
années 1970 (Nigeria, Tchad)• Des difficultés liées
– aux sécheresses– à d’autres facteurs
27
Source : Magrin,
2009
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1. Une oasis sous pression
1.2 Ruée vers l’eau et ressources naturelles
Prospérité de l’agriculture de décrue• Des innovations depuis les années 1980
29Source : Magrin et
al., 2010
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1. Une oasis sous pression
1.2 Ruée vers l’eau et ressources naturelles
L’élevage• Des pâturages de décrue importants• Des tensions éleveurs/agriculteurs limitées
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1. Une oasis sous pression
1.2 Ruée vers l’eau et ressources naturelles• Les ressources du lac attirent• Mais les flux migratoires les fragilisent
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2. Le fonctionnement du mythe
2.1 Du succès d’une erreur• Article de Coe et Foley (2001) dans Journal of
Geophysical Research ; images de la Nasa– annonce de la disparition du lac
• pluviométrie• prélèvements
– un diagnostic erroné • irrigation surestimée• erreur de lecture des travaux IRD
• Une erreur – qui n’a pas été formellement reconnue…– … et qui continue de faire référence
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Une icône : le lac “peau de chagrin” vu par la Nasa
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2. Le fonctionnement du mythe
2.2 L’emballement médiatique• Au rythme
– de la science– de l’agenda international– du discours institutionnel– du hasard de l’actualité
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15 octobre 2009, Rome –
« Une véritable catastrophe humanitaire menace la région du lac Tchad du fait du tarissement des ressources en eau […].
Du fait des caprices du climat, du changement climatique et de la pression démographique (…), il s’est réduit de 90 pour cent, passant de 25 000 km2 en 1963 à moins de 1 500 km2 en 2001.
Si le niveau de l’eau continue de baisser à son rythme actuel, ce lac disparaîtra dans une vingtaine d’années, selon les prévisions climatiques de la NASA. »
Lac Tchad, la catastrophe humanitaire vue par la FAO (1)
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Lac Tchad, la catastrophe humanitaire vue par la FAO (2)
« 30 millions de personnes menacées
Quelque 30 millions de personnes vivent dans la région du lac Tchad. Elles souffrent énormément de l’assèchement du lac et de la détérioration des capacités de production agricole de la région. Toutes les activités socio-économiques s’en trouvent affectées et la surexploitation des ressources en eau et en terre entraîne conflits et migrations. »
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Intervenir d’urgence
« La catastrophe humanitaire qui succédera au désastre écologique nécessite des interventions urgentes. Il faut stopper la disparition tragique du lac Tchad et sauver les moyens d’existence des millions de personnes qui vivent dans cette vaste région. »
Lac Tchad, la catastrophe humanitairevue par la FAO (3)
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2. Le fonctionnement du mythe
2.2 L’emballement médiatique• Ouest France, 4 janvier 2009
– « En cinquante ans, la superficie du lac Tchad a été divisée par dix. L’existence de quatre millions de Tchadiens, Camerounais, Nigériens et Nigérians qui vivent sur ses berges est en péril. »
• Actualité internationale, avril-mai 2010 : – « Le Lac Tchad (…] n’est plus aujourd’hui qu’un
petit lac autour duquel grouillent 30 millions de réfugiés climatiques. »
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2. Le fonctionnement du mythe
2.2 L’emballement médiatique• Logiques
– mauvaise conscience occidentale – prime à la catastrophe– effet « boule de neige »
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2. Le fonctionnement du mythe
2.3 Du mythe aux projets de transfert• Des héritages
– Elie Roudaire, fin XIXe : rêves de mer saharienne– Hermann Sörgel, Atlantropa, Zurich, 1932
• Projet Transaqua (Bonifica, 1989), depuis le Congo
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Transaqua: Fulfilling Africa´s Potential!
Source : Tarumbwa, Schiller Institute, 2010
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2. Le fonctionnement du mythe
2.3 Du mythe aux projets de transfert• Les réflexions actuelles : des scenarios à
l’étude
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GazabaleGirsilikMatameye
Mallaoua
Kaokiloum
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MAROUA
DIFFA
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BANGUI
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Lere
Lagdo Dam
YOLA
Bouca
GAROUA
200 0 200 400 600 Kilometers
PROPOSED INTER-BASIN WATER TRANSFER
Wetlands
River
Proposed Port
The LAKE CHAD
# Main Town
#Y City
River Enlargement
Gallery
Cannel
G Proposed Palambo Dam
LEGEND
N
N I G E R I A
N I G E R
ProposedPalambo Dam
1,350 Km
0 Km
D. R. C.
S U D A N
Komadugu Yobe River Systems
Benue River
Systems
Ri ver
Chari
Bousso
River Logone
River Logone
Oubangui
River
River
Chari
Chari
>
>
>
LakeChad
Source : Ladel, Roussel, 2007
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2. Le fonctionnement du mythe
2.3 Du mythe aux projets de transfert • Pente naturelle des grands aménagements
(Sautter, 1987)– big is beautiful– maîtrise de la nature et légitimité de l’État– régler tous les problèmes à la fois– intérêt des bailleurs– et de nombreux acteurs– argent « sur et sous la table » (Pourtier)
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2. Le fonctionnement du mythe
2.3 Du mythe aux projets de transfert• Risques
– écologiques• zones humides• biodiversité
– économiques• gagnants :
– agriculture irriguée ? – pêche ? – des contradictions possibles
• perdants : agriculture de décrue, élevage• un bilan à établir
– géopolitiques
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2. Le fonctionnement du mythe
2.3 Du mythe aux projets de transfert• Un projet d’un autre temps
– de l’eau pour quoi faire ? – transférer ou augmenter l’offre…– … au temps de la Gire et de la gestion par la
demande– le contexte africain : un parfum d’années 1960
• après l’ajustement structurel• de nouveau la tentation des grandes infrastructures
– une nouveauté : des rentes environnementales
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3. Un marigot politico-institutionnel
3.1 Le jeu des institutions spécialisées• FAO
– un mode de fonctionnement habituel– un berger qui crie souvent « au loup ! »
• CBLT– une institution ancienne– des financements erratiques– un bilan mince– des réformes successives – le transfert : légitimation et enjeu de survie
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3. Un marigot politico-institutionnel
3.2 Les intérêts variés des États du bassin• Les riverains
– Niger, Cameroun : loin du lac– Nigeria
o le poids lourd de la CBLTo des enjeux périphériqueso une stratégie ambiguë
– Tchado en « situation pétrolière »o la « découverte » de l’environnement
– légitimation– contrôle – recherche de rente
– une société civile embryonnaire
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3. Un marigot politico-institutionnel
3.2 Les intérêts variés des États du bassin• À la périphérie
– RCA favorable au transfert– tout (ou presque) dépend de la RDC
• transfert faible par rapport au débit du Congo (1 300 km3)• mais impacts discutés…• … et incertitude géopolitique
– Libye• une exploitation minière des nappes fossiles sahariennes• un intérêt pour les ressources en eau du lac Tchad
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3. Un marigot politico-institutionnel
3.3 D’autres parties prenantes• Ambiguïtés françaises :
– accompagner la réflexion (sans grands moyens)– occuper le terrain– le think-tank Passages
oun forum réussiomais des suites incertaines
– un grand projet du FFEM ?
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3. Un marigot politico-institutionnel
3.3 D’autres parties prenantes• Des invités inattendus
– Sénégal : oWade et l’association des Amis du lac Tchadodu lac Tchad à la Grande Muraille verte
– Cheminade : entre pensée libérale et dérive sectaireoLiens avec Lyndon Larouche, Schiller Instituteo le lac Tchad, une utopie africaine
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The Eurasian Landbridge
Source : Tarumbwa, Schiller Institute, 2010
56Source : Tarumbwa, Schiller Institute, 2010
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Conclusion• Faut-il sauver le lac Tchad ? • Un objet environnemental global, mais d’intérêt secondaire• Des fenêtres médiatiques• Une situation emblématique des enjeux du développement
durable– ressources naturelles fragiles– croissance démographique– incertitudes sur les effets du réchauffement climatique– complexité
• Enjeux politiques, financiers, institutionnels
Course aux nouvelles rentes environnementales
Rôle de la science dans les relations nature/
sociétés ?
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