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Si l’on en croit les idéologues officielsdu régime Ouattara, la Côte d’Ivoiredevrait se réjouir comme un seulhomme. Et pour cause: notre bien-aimé Chef d’État est allé aux États-

Unis où il a rencontré –accompagné de troisautres de ses pairs francophones, avec qui ilétait convié au sommet du G8 – Barack Obama.Dans le bureau ovale! Des “pluies de milliards”viendront donc du pays de l’oncle Sam. Ellesnous sauveront de nos propres turpitudes, no-tamment de la faillite programmée de notreéconomie, elle-même liée à neuf ans de guerresauvage pour le pouvoir et à ladestruction systématique del’outil de production nationalpar qui nous savons.

Sauf que… il y a un hic ! Leprésident de la première puis-sance mondiale a reçu ses ho-mologues africains alors qu’ilétait tourmenté lui-même parune question qui angoissetoutes les places du marché dumonde développé. Celui du“plafond de la dette” améri-caine. Les parlementairesaméricains s’étripent autour decette thématique. Les Démoc-rates veulent que le montantmaximum de l’endettementaméricain, déjà relevé huit foisen dix ans, remonte encore. Cen’est en effet qu’en “prenantcrédit” que l’Etat central peutpayer ses différentes charges.Les Républicains, adversairesd’Obama, exigent qu’en con-trepartie, des économies sub-stantielles soient faites – quecertaines dépenses, notam-ment sociales, soient annulées.Cette polémique – qui se rè-glera sans doute dans lesheures qui viennent – témoigneen tout cas de l’étatéconomique des États-Unis. Elle montre la pre-mière puissance mondiale telle qu’elle est. Unenation financièrement essoufflée, tenue enlaisse par ses créanciers – notamment les trèséconomes Chinois, premiers détenteurs desbons du Trésor américain.

En gros, ceux qui nous prêtent de l’argent enempruntent eux-mêmes massivement auprèsde pays plus liquides. Nos “sauveurs” cherchenteux aussi à être sauvés. L’Occident est en crise.Et si les Européens ont tout mis dans la balancepour que la Française Christine Lagarde succèdeà Dominique Strauss-Kahn, c’est parce qu’ils es-pèrent que l’institution sera plus compréhensive

envers ceux d’entre eux qui “mériteraient” unprogramme d’ajustement structurel aussi vio-lent que ceux auxquels l’Afrique a été soumise.La Grèce, puis le Portugal, puis l’Espagne… etdemain l’Italie ou la France?

Sur le “vieux continent”, l’effet contagieux de la“misère du monde” va du Sud vers le Nord.Avec d’autres indices, il témoigne d’un change-ment des équilibres économiques mondiaux. Audétriment de l’Occident. Au profit des paysémergents que sont la Chine, l’Inde, le Brésil etdans une moindre mesure la Russie et l’Afrique

du Sud. Les Ivoiriens, aveuglés par leursquerelles autochtones, ne peuvent pas ne pasvoir ce mouvement de fonds mondial. En réalité,la guerre que nous avons vécue et la reprise enmain brutale qui va jusqu’à l’installation à laPrésidence d’un conseiller économique françaischargé officieusement d’orienter au “bon en-droit” un peu de “gras”, témoigne de la tenta-tion occidentale d’instrumentaliser la seulesupériorité intangible qui lui reste – la supérior-ité militaire – pour se faire “respecter” dans lajungle des échanges économiques interna-tionaux. Et pour garder quelques marchés cap-tifs. L’invasion de la très lucrative Libye, sous lefaux nez d’un Conseil National de la Transition

(CNT) fantoche, relève de la même logique im-placable.

Le temps d’Houphouët-Boigny ne reviendradonc jamais. La Françafrique traditionnelle aprospéré pendant l’époque des “trente Glo-rieuses”. Elle était une relation de sujétionstratégique entre un pays riche ayant encore lesmoyens de sa politique et un “dominion” sous-peuplé et doté de richesses encore inexploitées.Aujourd’hui, nous avons en face de nous les re-sponsables politiques de nations déclassées quidoivent résoudre leurs problèmes chroniques de

dette et de compétitivité, et quiveulent se rassurer en faisantdes “coups” vite rentabilisés.Or, pour créer les conditionsd’une croissance qui peutrelever le défi de notre pousséedémographique, il nous fautautre chose que des “grands-frères” voulant nous re-coloniser pour s’en sortireux-mêmes.

La Côte d’Ivoire d’AlassaneOuattara, qui assume jusqu’à lacaricature sa sujétion à la“communauté internationale”occidentale, va clairement àcontre-courant de l’Histoire.L’Afrique doit aujourd’huirelever le défi de la stabilité deses États – ceux qui nous diri-gent actuellement n’ont cesséde déstabiliser l’État quand ilsétaient dans l’opposition ets’appuient aujourd’hui sur leurstatut de “chouchous” de l’Oc-cident pour refuser de faire lesgestes qui renforceront la cohé-sion nationale. Donc, forcé-ment, la solidité desinstitutions.

L’Afrique, convoitée pour sesrichesses, doit se battre pour

sa souveraineté, seule gage de multipartenari-ats fructueux pour elle. Parce qu’il bénéficiepour l’instant du soutien de la France, AlassaneOuattara réclame le maintien du 43ème BIMAjusqu’à prétendre, devant des journalistesfrançais, que l’Algérie – où l’Occident mène laguerre contre les Islamistes – est à nos portes.Les choses sont pourtant claires. A ce momentprécis de l’évolution de l’histoire, un dirigeantafricain ne peut à la fois enrichir son peuple etcomplaire à l’Occident. Il faut choisir. AlassaneOuattara a choisi, et son choix est connu detous. Nous lui souhaitons bien du courage.

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POLITIQUE 11

A contre-courAnt de

l'Histoire