Cours des Olympiades Internationales 2017
Les dérivés carbonylés
Amandine VINCENT
mail : [email protected] (ou [email protected])
Sources :
Chimie Organique, J. Clayden
Introduction à la chimie organique, J. Drouin
Chimie tout-en-un, PC/PC*, B. Fosset
H-Prépa Chimie PC/PC*, A. Durupthy
40 expériences illustrées de chimie organique et générale, E. Martinand-Lurin
Techniques expérimentales en CHIMIE, A.-S. Bernard, S. Clède
Cours internet Faidherbe Lille, G. Dupuis
Spectral DataBase for Organic Compounds
Prérequis :
Substitutions nucléophiles et réactions d’éliminations, organomagnésiens : synthèse et réactivité, réactivités des alcools, réactivité des alcènes, réactions acido-basiques et d’oxydoréductions en chimie organique, stratégie de synthèse, IR et RMN, VSEPR, mésomérie, stéréochimie.
Introduction :
Définition des composés carbonylés : Ceux sont les composés organiques comportant au sein de leur molécule le groupe carbonyle C=O. Deux classes fonctionnelles leur correspondent : • les aldéhydes comportent le groupe caractéristique (ou groupe fonctionnel) -
CHO. Le groupe carbonyle est lié à un groupe alkyle ou phényle et un atome d'hydrogène (exceptionnellement deux atomes d'hydrogène dans le cas du méthanal) ;
• les cétones comportent le groupe caractéristique -CO-R. Le groupe carbonyle est lié à des groupes alkyles ou phényles.
Exemple de molécules naturelles :
Les dérivés carbonylés interviennent également comme intermédiaires de synthèse. Ils permettent la création de liaisons carbone-carbone simples ou doubles mais aussi de réaliser des aménagements fonctionnels ainsi que des protections de fonctions.
Exemple : Synthèse de la Vitamine E
Objectif du cours : Comprendre la réactivité des dérivés carbonylés au service de la stratégie de synthèse.
I- Présentation 1- Nomenclature
• Cas ou le groupe carbonyle est le groupe prioritaire de la molécule :
a) Nomenclature des aldéhydes
Le nom de la molécule est formé en ajoutant le suffixe al au nom de l'hydrocarbure correspondant à la chaîne principale.
Exemples :
b) Nomenclature des cétones
Le nom de la molécule est formé en ajoutant le suffixe one au nom de l'hydrocarbure correspondant à la chaîne principale.
O
OO
OHOCH3
O
Camphre (S)-(+)-Carvone
Camphre
Cinnamaldéhyde Vanilline
H
O
H
O
HO
HOH
O
H
Méthanal Ethanal Trans 2-buténal 2-hydroxybutanal
Exemples :
• Cas ou le groupe carbonyle n’est pas le groupe prioritaire de la molécule :
Lorsque le groupe carbonyle n'est pas le groupe principal (il est donc considéré comme substituant), il impose le préfixe oxo-, aussi bien dans le cas de cétones que d'aldéhydes. On trouve aussi le préfixe formyl-.
Exemple :
2- Propriétés physico-chimiques a) Moment dipolaire
La liaison C=O est fortement polarisée du fait de la différence d’électronégativité entre l’atome de carbone et l’atome d’oxygène.
Pour l‘acétone, le moment dipolaire est de 2,8 Debeye.
Par conséquent, l’acétone, très utilisée comme solvant, est miscible en toute proportion dans l’eau. C’est un solvant polaire aprotique.
Regardonslestempératuresd’ébullitiondesliquidespurssuivants(demassemolairevoisine):
Molécule Butane Acétone Propanol Température
d’ébullition (°C) -1°C 56°C 97°C
Interaction prédominante
Dipôle induit-Dipôle induit
(London)
Dipôle-Dipôle Permanent (Keesom)
Liaison Hydrogène
OO
O
Propanone 2-butanone 3-méthyl but-3-énone (Acétone)
O
CO2H
Acide 2-méthyl-4-oxopentanoïque
Les températures de changement d'état sont plus élevées pour les dérivés carbonylés que pour les alcanes mais elles sont moins élevées que pour les alcools. Cela s’interprète par des interactions stabilisantes de type dipôle-dipôle entre groupes carbonyles.
b) Stabilitié de la liaison C=O
La double liaison C=O est particulièrement stable.
Cette stabilité va avoir des conséquences importantes sur la réactivité des dérivés carbonylés. En effet, les étapes qui conduisent à la rupture de la double liaison C=O sont difficiles car coûteuse en énergie et sont donc souvent renversables.
3- Propriétés Spectroscopiques a) Signature du groupe carbonyle en infrarouge
Mise en évidence de la signature du groupe carbonyle en infrarouge :
Pour cela nous allons mettre en regard le spectre infrarouge de deux molécules : le 2-méthylpentane et le 4-méthyl-2-pentanone.
Liaison C-C C-O C=C C=O Energie de
dissociation (kJ.mol-1)
347 360 610 740
Conclusion : Le groupe carbonyle C = O est caractérisé en spectroscopie
infrarouge par une vibration d’élongation située vers 1700 cm−1.
Regardonsàprésentlespectreinfrarougedelamolécule4-Méthyl-Pent-3-ène-2-one.
Conclusion : Lorsque la double liaison C=O est conjuguée avec une liaison C=C, alors le nombre d’onde correspondant à la vibration d’élongation du groupe carbonyle est inférieur à celui du groupe carbonyle non conjugué. Il se situe autour de 1680 cm-1.
b) Signature des aldéhydes en RMN
Exemple : Simulation de spectre 1H-RMN de l’éthanal dans CDCl3
Conclusion: Les protons aldéhydiques sont très déblindés et ont un déplacementchimiqueautourde9-10ppm.
Onconsidèregénéralement,qu’iln’yapasdecouplageentre leprotonaldéhydiqueetlesautresprotonsdelamolécule,enparticulierleprotonenαdugroupecarbonyle.
Explication : Le proton aldéhydique se situe dans le cône de déblindage (cf cours RMN)
II- Additions nucléophiles sur les dérivés carbonylés 1- Structure géométrique
Lagéométrieautourdel’atomedecarbonedugroupecarbonyleestAX3,soittrigonaleplane.
Lescomposéscarbonyléssontdonclocalementplansauniveaudugroupecarbonyle.
Celavaavoirdesconséquencesimportantessurlasélectivitédesréactionsd’additionnucléophilesurlesdérivéscarbonylés(cfexercices).
2- Réactivité électrophile des dérivés carbonylés
Remarque : Dans le cadre du programme des Olympiades Internationales de la Chimie, les orbitales atomiques et moléculaires ne sont pas étudiées. Ainsi, nous utiliserons le formalisme de la mésomérie comme modèle pour expliquer la structure électronique des dérivés carbonylés et étudier certains aspects de leur réactivité. Nous verrons que les résultats expérimentaux sont en bon accord avec les prévisions faites par ce modèle.
a) Bilan
b) Réactivité électrophile de l’atome de carbone
Nous avons déjà vu dans la partie précédente, que la liaison C=O était fortement polarisée. Le carbone possède une charge partielle δ+ et l’atome d’oxygène une charge partielle δ-.
Le groupe carbonyle présente deux sites particuliers : l’atome de carbone est un site électrophile et l’atome d’oxygène un site base de Lewis.
En présence d’un nucléophile, les dérivés carbonylés vont faire des réactions d’addition nucléophile.
H
O
1. EtMgBr
2. H2O, H+
rdt 67 %
O OH
Remarque : Ne pas confondre addition nucléophile (AN) et substitution nucléophile (SN1 ou SN2). Lors d’une étape d’addition nucléophile, il y a formation d’un unique produit associant les deux réactifs. Dans une réaction de substitution nucléophile, il y a remplacement d’un groupe de la molécule par un autre.
b) Réactivité électrophile comparée des dérivés carbonylés et dérivés d’acides
• Mise en évidence expérimentale
• Effets mésomères et inductifs des substituant de la double liaison C=O :
Plus il y a de substituants donneurs (inductifs ou mésomères) plus l’atome de carbone de la double liaison C=O est enrichi en électron et l’électrophilie du carbonyle diminue.
A l’inverse, plus il y de substituants accepteurs (inductifs ou mésomères) plus l’atome de carbone de la double liaison C=O est appauvri en électron et l’électrophilie du carbonyle augmente.
• Gène stérique :
L’addition nucléophile sera plus rapide sur un aldéhyde qu’une cétone car cette dernière est plus encombrée qu’un aldéhyde. Cette explication va dans le même sens que celle avec les effets mésomères et inductifs.
• Classification :
On peut ainsi classer les fonctions par électrophilie croissante de l’atome de carbone de la double liaison C=O comme suit :
OO
O
1. iPrMgBr
2. H2O, H+
OOH
O
3- Activation électrophile
a)Miseenévidenceexpérimentale
b) Interprétation et conclusion
Enprésenced’unacidedeLewis,l’atomed’oxygène(basedeLewis)s’yassociepourformerunenouvelleespècedontonpeutécriredeuxformesmésomères.
Cettenouvelleespècecationiqueestuncarbocationstabiliséparmésomérie.
La présence d’un acide de Lewis permet d’accroître l’électrophilie de l’atome decarbone: onparle d’activationélectrophile. L’exaltationde l’électrophilie de l’atomede carbone va permettre d’augmenter la vitesse de réaction lors d’une additionnucléophileultérieure(enparticulierpourunmauvaisnucléophile).
Exempled’acidesdeLewis:
Remarque :Enréalité,lemécanismed’additionnucléophiled’unorganomagnésiensurundérivécarbonylépasseparunétatdetransitioncycliqueà6centresquirendcomptede l’activation électrophile par le réactif lui-même. En effet, l’organomagnésien estcertesunnucléophilemaisaussiunacidedeLewisvialesdeuxlacunesqu’ilpossèdesurl’atomedemagnésium.
O Ethan-1,2-diol(ou éthylène glycol)
APTS
O O
+ H2O
Rendement au bout de 2h : 80 %
O Ethan-1,2-diol(ou éthylène glycol)
O O
+ H2O
Rendement au bout de 2h : 0 %
Transition: les organomagnésiens réagissent avec les dérivés carbonylés par additionnucléophilespouraugmenterlachaînecarbonéeetréduirelegroupecarbonyleenalcool.Nousallonsvoiruneautrefaçond’obtenirdesalcools,sansallongerlachainecarbonéevial’utilisationd’hydrures.
4- Aménagement fonctionnel des dérivés carbonylés : réduction par les hydrures a) Bilan
Remarque1 : LiAlH4 est très réactif et réduit également les esters en alcoolscontrairementàNaBH4.NaBH4estunréactifchimiosélectif.
Exemple:
Remarque2: LiAlH4 réagit violemment avec l’eau et doit être utilisé en conditionanhydreetsolvantaprotique.Ilréagitselonlaréactionsuivante:
O1. NaBH4, EtOH
25°C
2. H20, H+ refluxrdt : 92 %
OH
O H 1. LiAlH4, Et2O anhydreTA
2. H20, H+
rdt : 98 %
HO H
O
OO1. NaBH4, EtOH
TA
2. H20, H+ refluxrdt :88 %
O
OOH
Al’inverse,onvoitqueNaBH4estcompatibleavecunsolvantprotiquecommel’éthanol.Deplus,ladestructiondel’excèsdeNaBH4s’effectuedansl’eauenchauffantàreflux.
b) Mécanisme
• AvecNaBH4
Mécanismesimplifié:
• AvecLiAlH4
Remarque:Enthéorie,unquartd’équivalentsuffitpourréaliserlaréductiondudérivécarbonylé.Cependant,letransfertdutroisièmeetduquatrièmehydrureestdifficiled’unpointdevuecinétiquecarl’hydruremétalliquedevienttropencombré.OnutilisedoncsouventunexcèsdeNaBH4ouLiAlH4.
c) Interconversiondefonctionsalcools-dérivéscarbonylés
• Nous avons vu qu’il était possible d’obtenir un alcool à partir d’un dérivécarbonylé.Inversement,ilestaussipossibled’obtenirdesdérivéscarbonylésparoxydation d’alcools (attention ce ne sont pas des réactions d’additionsnucléophiles).
Exemple:
Letrioxydedechromedansl’acidesulfuriqueetl’acétones’appelleréactifdeJones.Ilesttrèspeuchimiosélectif.
• L’oxydation d’un alcool primaire, peut conduire à un aldéhyde ou un acidecarboxylique. Des oxydations dites ménagées permettent de s’arrêter àl’aldéhyde.Onpeutqualifiercetteoxydationdechimiosélective.
Exemple1:
Letrioxydedechromedanslapyridineetledichlorométhanes’appelleréactifdeSarettetCollins.
Exemple2:
Leréactifutiliséiciestduchlorochromatedepyridinium,abrégéPCC.
Remarque:Lescomposésàbasedechromesonttrèstoxiques.DenouveauxréactifsontétémisaupointpourlimiterlesrisquescommeleréactifdeDessMartindePeriodinanequipermetaussiuneoxydationménagéedesalcools.
HO
H
H
H
H
CrO3.H2SO4
Acétone, 30h, 30°Crdt : 60 % O
H
H
H
H
OMe
H
OH
7 éq CrO3.Py2
CH2Cl2, 30 minrdt : 75 %
OMe
H
O
HO
Br
OCH3
ClCrO3.PyH
CH2Cl2, 3 hrdt : 99 %
O
Br
OCH3
Exemple:
Exercice:Comptezlesnombresd’oxydationsduDessMartinPeriodinane
Enrésumé:
On peut aussi bien obtenir des dérivés carbonylés à partir de dérivés d’acide (cfchapitre sur les organomagnésiens et chapitre sur les dérivés d’acides à venir) Cesréactionspeuventêtre sélectivesen choisissantdes réactifs adéquats et en contrôlantlesconditionsopératoires(nombred’équivalentnotamment).
Enutilisantdes réactionsd’oxydo-réductionsonpeutaisémentpasserdesalcoolsauxdérivéscarbonylésetauxdérivésd’acides.Cesinterconversionsdefonctionspeuventêtre chimiosélectives, régiosélectives et stéréosélectives. Elles ouvrentdespossibilitésd’aménagementsfonctionnelsintéressantesenstratégiedesynthèse.
5- Protection de fonction des dérivés carbonylés : exemple de la réaction d’acétalisation (Révisions) a) Bilan
b) Mécanisme
Révision : Déjà vu dans le cours sur les alcools
OH
OIOAc
OAcAcO
O O + 2AcOH + O
IOAc
OCH2Cl2, 2h
O
O OEthan-1,2-diol
(ou éthylène glycol)
APTS O
OO O
+ H2O
1. PhMgBr
2. H2O, H+
OH
PhPhO
+ HO OH
6- Création de liaison C=C : réaction de Wittig (hors programme aux Olympiades Internationales)
Wittig a obtenu le Prix Nobel en 1979.
a) Bilan
C’est une réaction monotope.
La réaction est irréversible car la formation de la double liaison P=O est très stable (environ 450 kJ.mol-1) et déplace ainsi l’équilibre vers la formation des produits de la réaction.
b) Schéma mécanistique
Remarque : Le mécanisme des réactions de Wittig est encore sujet à débat. Certains évoquent des additions nucléophiles, d’autres des cycloadditions 2+2. Nous présentons ici un schéma mécanistique comme addition nucléophile.
1. CH3Br
2. n-BuLi, pentane3. Cyclohexanone
Rdt : 86 %
PPh3 + OPPh3
Schéma mécanistique :
Les phosphoniums ont un pKA compris entre 5 et 30 qui peu varier selon la nature des substituants.
Bases utilisées couramment pour déprotonner les phosphoniums et pKA associé :
Base pKA Soude NaOH 14
t-BuOK (Tert-butylate de potassium ) 18 NaH (Hydrure de Sodium) 35
LDA (lithium diisopropylamidure)
36
n-Bu-Li (n-Butyl lithium) 40
c) Stéréosélectivité et variantes de la réaction de Wittig
Il est possible de contrôler la stéréochimie de la double liaison C=C formée selon les conditions opératoires et la nature de l’ylure de phosphore.
La rationalisation de ces résultats est totalement hors de portée de ce cours, toutefois en voici un exemple.
N-Li+
Le sous-produit de la réaction est soluble en phase aqueuse et est donc facilementéliminableavecuntraitementenampouleàdécanter.
DepluslastéréochimiedeladoubleliaisonC=CforméeparcettevariantedelaréactiondeWittig(Horner-Wadsworth-Emmons)estmajoritairementE.
Les variantes des réactions de Wittig permettent principalement de contrôler lastéréochimie de la double liaison C=C et d’éviter la formation d’oxyde de trialkyl-phosphinedontilestdifficiledesedébarrasser.
III- Acidité du H en α
1. Mise en évidence expérimentale de l’acidité du H en α
Définition « position α » : en chimie organique, le carbone alpha (ou « carbone en alpha ») est le premier atome de carbone attaché à un groupe fonctionnel. Par extension, on appelle le second carbone carbone bêta, et ainsi de suite. Cette nomenclature peut aussi s'appliquer aux atomes d'hydrogène attachés aux atomes de carbone. Un hydrogène attaché à un carbone alpha sera appelé hydrogène alpha, celui sur un carbone bêta hydrogène bêta, et ainsi de suite.
Regardons l ‘expérience suivante :
Lorsque l’on met en solution le composé de stéréochimie (S) on obtient au bout d’un certain d’un temps, un mélange racémique.
Ceci ne peut s’expliquer que par le passage par un intermédiaire en équilibre avec les deux dérivés carbonylés appelé énol.
PO
OEt
O
EtOEtO
1. NaH
2. Butanal
O
OEt + (EtO)2PO2-
(E)
CH3
OH3CH CH3
OH3CH
(S) (R)
L’équilibre s’écrit comme suit :
De façon générale :
L’énol et le dérivé carbonylé sont des isomères qu’on appelle ………..
Définition « tautomère » : Les tautomères sont des couples d'isomères de constitution interconvertibles par la réaction chimique réversible appelée tautomérisation. Dans la plupart des cas, la réaction se produit par migration d'un atome d'hydrogène accompagnée d'un changement de localisation d'une double liaison.
Remarque : Ne pas confondre tautomérie, mésomérie et prototropie.
L’énol possède une planéité locale autour de l’enchaînement C-C-O.
Ceci explique la perte d’information de la stéréochimie dans l’expérience mentionnée ci-dessus.
2. Equilibre céto-énolique
Cet équilibre peut s’effectuer en milieu basique ou acide.
Bien souvent la constante d’équilibre céto-énolique est très faible. Il existe toutefois des cas particuliers où l’isomère énolique est stabilisé.
R2
R3
O
R1R2
R3
OHR1
EnolDérivé carbonylé
HalphaK°(T)
Voici quelques exemples :
Dérivé Carbonylé
Enol associé
K°(T) 10-6 10-4 106 76
Infrarouge du pentan-2,4-dione (Acétylacétone) :
O O
H
O O O
OH OH
H
OH OH O
RMN 1H (CDCl3) du pentan-2,4-dione :
3. Notion de carbanion stabilisé
On s’intéresse au couple acido-basique :
En l’occurrence, dans le cas des dérivés carbonylés au couple acido-basique suivant :
Le pKA d’une liaison C-H dans une chaine alkyle est très élevé. Dans le cas des dérivés carbonylé, il est possible d’arracher le proton du H en α car le pKA est situé autour de 20-25.
Le pKA est exceptionnellement bas pour une liaison C-H en α d’un dérivé carbonylé car la forme basique (carbanion) est stabilisée par mésomérie.
En effet :
CH
C
R2
R3
O
R1Halpha
R2
R3
O
R1
Remarque 1 : Il est possible de déprotonner de façon quantitative le H en α d’un dérivé carbonylé en utilisant une base comme le diisopropyle amidure de lithium (LDA) dont nous avons vu (lors de la réaction de Wittig) qu’elle avait un pKA de 36.
Remarque 2 : Pour le pentan-2,4-dione, le pKA égal à 9 est nettement inférieur au pKA d’un dérivé carbonylé « lambda ». En effet le carbanion est particulièrement stable du fait de la présence des deux groupes carbonyles sur lesquelles va pouvoir se délocaliser le doublet d’électron.
On peut écrire trois formes mésomères pour ce carbanion :
4. Mécanisme d’équilibre céto-énolique
• Mécanisme en milieu basique
• Mécanisme en milieu acide
Remarque : Les mécanismes doivent tenir compte des conditions acido-basiques. Dans le mécanisme proposé ci-dessus en milieu acide, il est nécessaire de protonner le dérivé carbonylé avant d’arracher le proton pour éviter d’avoir une charge négative.
5. Régiosélectivité de la déprotonation
Prenons l’exemple ci-dessous :
Le dérivé carbonylé ci-dessus peut fournir, par action d’une base, deux énolates régioisomères.
L’énolate A est le produit cinétique car il est issu du dérivé carbonylé dont le proton en α le plus dégagé a été arraché par la base.
L’énolate B est le produit thermodynamique car le plus stable. En effet la double liaison C=C est plus substituée dans l’énolate B que l’énolate A (règle de Zaitsev).
Selon les conditions opératoires, le chimiste organicien est capable de favoriser l’un ou l’autre des énolates.
Exemple 1 : Choix de la base
% de A % de B LDA 99 1
Et3N (pKA = 11) 22 78
Plus la base est forte et encombrée, plus l’énolate cinétique sera favorisé.
Pus la température sera basse, plus l’énolate cinétique sera favorisée.
O O
+
OBase (B)
- B-HA B
O O
+
OBase (B)
- B-HA B
Exemple 2 :
% de A % de B Ajout de la cétone dans
un excès de base 72 28
Ajout de base dans un excès de cétone
22 78
Explication :
IV. Réactivité nucléophile des énolates
1. Bilan
2. Mécanisme
O O
+
O
A B
Ph3C-Li
DME, 25°C
Li Li
O
HCH3
CH31. NaH
2.
25°C
Rdt : 88 %
Br
O
CH3
CH3
3. Réactions en compétition avec la mono-alkylation d’énolate
• Polyalkylations / régiosélectivité des alkylations d’énolates
Si plusieurs H en α peuvent être arrachés par la base, il peut se former des produits polyalkylés.
Exemple 1 :
Le chimiste organicien doit jouer judicieusement sur les conditions opératoires (température, choix de la base, nombre d’équivalents) pour contrôler l’alkyaltion
des énolates.
Exemple 2 :
Exercice : Comment faire pour obtenir le produit suivant à partir de la pentan-2,4-dione ?
• O-akylation des énolates
La O-alkylation est assez rare sauf cas particulier. Elle est souvent utilisée pour « piéger » l’énolate cinétique.
En présence d’une base forte et d’un excès de chlorure d’alkyle silyl, le dérivé carbonylé forme un éther d’énol silylé. Les équillibres n’ont pas le temps de se faire pour former l’énolate thermodynamique car l’énolate cinétique réagit directement avec le chlorure d’alkyle silyl. Dès lors, il n’y a plus d’équilibres céto-énoliques.
O O K2CO3
CH3I
O O+
O O
O O
Exemple :
L’atome de silicium a une très bonne affinité avec l’atome d’oxygène (ESi-F = 580 kJ.mol-1) : la O-alkylation aura lieu préférentiellement à la C-alkylation.
Le silyle éther peut ensuite être enlevé par action d’un réactif à base de fluor (HF, pyridine par exemple) dont on sait qu’il a une très bonne affinité avec le silicium.
• Elimination de l’halogénoalcane
Si l’halogénoalcane est assez encombré, on peut avoir des réactions d’éliminations de type E2. Les alkylations d’énolates se font plutôt sur des halogénoalcanes primaires ou secondaires.
Schéma Bilan :
V. Création de liaison C-C simple et double par condensation entre dérivés carbonylés
1. Aldolisation et Cétolisation
a) Bilan et définitions
Définition « aldolisation (cétolisation) » : Il s’agit de la dimérisation d’un aldéhyde (resp. cétone) énolisable. On obtient ainsi un aldol (contraction de alcool et aldéhyde) ou en nomenclature systématique un β-hydroxyaldéhyde (resp. cétol ou β-hydroxycétone) comme produit de la réaction.
Remarque : De nombreuses personnes emploient le terme d’aldolisation même dans le cas des cétones.
O (CH3)3SiCl (TMSCl)
LDA / THF -78°C
OSi(CH3)3
Exemples :
Ces réactions sont équilibrés et donc renversables (elles s’effectuent sous contrôle thermodynamique). La réaction dans l’autre sens s’appelle rétroaldolisation ou rétrocétolisation.
Analyse rétrosynthétique :
Pour les aldéhydes le rendement est souvent supérieur à 80 % alors qu’il est inférieur à 6 % pour les cétones.
Pour augmenter le rendement de cétolisation, on peut utiliser un appareil de Soxhlet qui va permettre de déplacer l’équilibre dans le sens de formation du cétal.
Montage :
H
O
H
OOH2
CatalyseAcide ou basique
O OOH2
CatalyseAcide ou basique
Aldol
Cétol
b) Mécanismes
• En milieu basique
• En milieu acide
2. Crotonisation
a) Définition
Il s’agit de la déshydratation de l’aldol ou du cétol.
b) Bilan
O OOH+ H2O
H+ ou OH-
Chauffage
La crotonisation a lieu spontanément car elle donne lieu à un système conjugué : une α-énone, très utilisée comme intermédiaire en synthèse organique comme nous le verrons par la suite. La transformation est totale.
c) Mécanisme
• En milieu acide
• En milieu basique
d) Régiosélectivité de la crotonisation
Exemple :
Le produit le plus stable est formé (dans l’exemple ci-dessus, le produit conjugué). La réaction de crotonisation opère sous …………..
3. Condensations croisées a) Définition
Il s’agit de la réaction entre deux dérivés carbonylés (aldéhyde ou cétone) différents dont au moins l’un des deux est énolisable.
O OOH+ H2O
H+ ou OH-
ChauffageH H H
b) Position du problème
• Combien de produits obtient-t-on a priori en mélangeant l’acétone et l’éthanal en proportion stœchiométrique ?
• Quels sont les produits majoritaires ?
La réaction a lieu sous contrôle thermodynamique, donc c’est le produit le plus stable qu’on obtient. Mais ici la différence de stabilité entre les composés n’est pas aisée à déterminer.
Règle : Le(s) produit(s) majoritaire(s) est(sont) celui(ceux) qui correspond(ent) à l’attaque d’un énolate sur le meilleur électrophile.
Remarque : Si l’on chauffe, on peut obtenir le produit de la réaction de crotonisation.
Dans les aldolisations croisées, nous obtenons un mélange de produits dont il est difficile de tirer profit en synthèse organique. Toutefois il existe quelques cas intéressants comme le suivant où sont mis à réagir un aldéhyde énolisable et un aldéhyde non énolisable.
Exercice : Quelles conditions expérimentales choisir pour obtenir majoritairement le produit 2,4,4-triméthylpent-2-énal indiqué dans le bilan réactionnel ?
O
H
O
H OH
H
O
H
O
Rendement de 65 %Non isolé
VI. Réactivité des dérivés α,β insaturé
1. Définition et présentation
Une cétone α,β-insaturée est un composé organique dont l'un des carbones possède une fonction cétone et dont le carbone en α de la cétone possède une fonction alcène.
La structure est localement plane autour de l’enchainement C=C-C=O.
Il existe deux conformations possibles : la conformation s-cis et s-trans.
Exemple : le propènal
La conformation s-trans est généralement plus stable que la s-cis.
Remarque : le « s » de s-cis ou s-trans fait référence à la position des doubles liaisons de part et d’autre de la liaisons simple carbone-carbone.
2. Additions nucléophiles 1,2 et 1,4 sur les α-énones
Regardons les formes mésomères de l’α-énone la plus simple : le propénal
Ces formes mésomères font apparaître deux sites électrophiles : l’un en position 2, l’autre en position 4 qui est propre aux α-énones et leur confère une réactivité particulière.
La présence de deux sites de réactivité électrophile sur la fonction α-énone va poser des questions de régiosélectivité lors d’une étape d’addition nucléophile.
3. Cas des organométalliques
• Bilan 1 :
% de A % de B 90 10
O O
s-cis s-trans
O
1. CH3MgBr
2. H2O, H+ OH
+
A
O
B
Le produit A est le résultat de l’addition 1,2 et le produit B, le résultat de l’addition 1,4.
Dans le cas d’une addition dite 1,2 (addition électrophile sur la position 2), on obtiendra un …..
Dans le cas d’une addition dite 1,4 (addition électrophile en position 4), on obtiendra un …….
• Mécanismes :
Addition 1,2 :
Addition 1,4 :
• En ajoutant à l’organomagnésien de bromure de cuivre, on obtient les résultats suivants.
% de A % de B Sans CuBr 90 10 Avec CuBr 5 95
On note une inversion de la régiosélectivité.
Ceci s’explique par la formation d’un nouveau composé appelé cuprate qui possède une réactivité différente :
Remarque : le mécanisme avec les organocuprates n’est pas au programme, il est plus complexe que celui vu avec les organomagnésiens et ne fait pas intervenir une simple addition nucléophile.
Bilan 2 :
• Résumé :
Avec les organolithiens : on a une régiosélectivité 1,2 ;
Avec les organocuprates : on a une régiosélectivité 1,4 ,
Avec les organomagnésiens : c’est variable. On les utilise peu avec les α-énones car on souhaite contrôler la régiosélectivité.
Remarque importante : La rationalisation de la régiosélectivité est délicate dans le cas présent car le mécanisme ne fait pas intervenir de façon systématiquement une addition nucléophile. Nous ne retiendrons que le résultat sans explication supplémentaire.
4. Applications à la formation de cycle
Bilan :
Analyse rétrosynthétique :
O
1. CH3Li, -78°C
2. H2O, H+ OH
O1. 1 éq, LDA
2.
ChauffageO
O+ H2O
Mécanisme :
Les carbanions stabilisés font de l’addition 1,4 sur les α-énones.
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