L’église abbatiale de Saint-DenisLa consécration de la façade occidentale de Saint-Denis
en 1140 marque une transformation profonde dans
les rapports entre sculpture et architecture : aux grands
tympans sculptés (ou, pour l’un d’entre eux au moins, de
mosaïque), l’architecte de l’abbé Suger a, pour la première
fois, fait ajouter, sur les piédroits, de grandes statues sculp-
tées chacunes dans le même bloc que la colonne, donc
pleinement intégrées à l’ensemble architectural, faisant
franchir un nouveau pas au processus de glorification de
l’entrée de l’église lancé depuis la fin du siècle précédent.
Reprise sur place à un portail du côté nord (l’actuelle
porte des Valois), l’idée est rapidement imitée aux cathé-
drales de Chartres et de Paris, et devient dès la fin de la
décennie un élément essentiel du portail gothique.
Déposées dès 1771, officiellement pour laisser passer le
nouveau dais de procession, en fait dans le cadre d’un
«embellissement» dans le goût du temps qui reproche à
l’architecture médiévale ses excès décoratifs, les statues
colonnes de la façade occidentale disparaissent alors.
Des six têtes aujourd’hui connues, trois se trouvent
dans des collections publiques américaines, les trois autres
sont présentées ici.
Première à intégrer les collections du musée, la tête
féminine identifiée avec la reine de Saba du piédroit gauche
du portail central (A. Cl. 23250) est probablement la plus
frappante malgré les mutilations qui lui donnent un
caractère étrange. L’aspect extrêmement décoratif de
la couronne contraste avec la force du visage aux lèvres
fermes, aux traits taillés avec une vigueur étonnante.
Comme pour la tête de Moïse provenant de l’ébrasement
droit du portail de droite (B. Cl. 23312), les pupilles sont
évidées pour accueillir des morceaux de pâte de verre
renforçant, avec la polychromie aujourd’hui disparue,
l’aspect vivant et sévère de ces sculptures.
La tête d’un prophète non identifié provenant de
l’ébrasement gauche du portail de droite (C. Cl. 23415)
possède en revanche des globes oculaires lisses, mais
présente le même mélange de finesse décorative et de
hiératisme, renforcé par le fort axe vertical du visage.
Quelques années plus tard, vers 1145, Suger fait réaliser les
chapiteaux du cloître par un atelier de sculpteurs également
actif à Saint-Germain-des-Prés. Les représentations y mêlent
un répertoire d’animaux fantastiques, sirènes, griffons et
créatures hybrides, à de fidèles reprises des modèles antiques.
Ainsi, du chapiteau D. Cl. 12119, directement inspiré des
éléments en marbre de l’édifice paléochrétien (voir les
chapiteaux dans le frigidarium, salle 9), poussant l’imitation
jusqu’à prolonger la tradition antique de l’astragale (moulure)
intégrée dans la colonne et non dans le chapiteau comme le
voulait la pratique du XIIe siècle.
La Sainte-Chapelle du Palais de la Cité à ParisL’achat par Louis IX, en 1239, de la Couronne d’épines aux
Vénitiens, puis en 1241, d’une partie des arma Christi
(les instruments de la Passion) à Baudoin II, empereur latin
de Constantinople, entraîna le lancement de ce qui fut
probablement le chantier le plus prestigieux, mais aussi le
plus rapide, du XIIIe siècle. Après moins de dix ans, la cha-
pelle Saint-Nicolas du Palais de la Cité fut remplacée par un
reliquaire de pierre et de verre qui entra en fonction en
1248. Outre le riche trésor et la non moins extraordinaire
parure de verre, la Sainte-Chapelle comportait aussi, contre
les murs à l’intérieur de l’édifice, un collège apostolique
associant, dans l’esprit de l’épître de Paul aux Galates
et par-delà le tu es Petrus et super hanc petram, les premiers
disciples aux piliers de l’Église.
Déposés un peu brutalement en 1797, passés par le
musée des Monuments français dirigé par Alexandre Lenoir
puis dispersés, les apôtres furent à nouveau réunis à la
Sainte-Chapelle en 1843, à l’occasion des restaurations
menées par les architectes Duban et Lassus. Des dix statues
qui subsistaient en tout ou en partie, quatre furent rem-
ployées dans la Sainte-Chapelle, les autres partant au dépôt
lapidaire de la Ville de Paris, puis bientôt intégrées
dans les collections du musée de Cluny naissant. Parmi
celles-ci, deux ne sont plus que des fragments de draperie,
une est décapitée, toutes ont perdu leurs attributs ce qui
rend les identifications impossibles, à l’exception de saint
Jean (E. Cl. 18666), le plus jeune des apôtres, traditionnel-
lement représenté imberbe dans les collèges apostoliques.
La richesse des collections lapidaires du musée tient à leur histoire. Dèsla première moitié du XIXe siècle, alors que l’hôtel des abbés de Clunyétait divisé en habitations privées, Alexandre Du Sommerard s'y installa.Les thermes étaient propriété de la Ville de Paris, et celle-ci les utilisaitcomme réserve pour toutes les sculptures déposées lors des restaurationsde monuments. À la création du musée en 1843, la Ville céda le bâti-ment et son contenu à l’État pour le franc symbolique, permettant ainsil’entrée dans les collections de chefs-d’œuvre de la sculpture médiévale.En outre, de 1843 à 1907, le rattachement du musée à la Commissionsupérieure des Monuments historiques favorisa l'enrichissement de cettecollection.
1122-1151Suger, abbé de Saint-Denis
1140Consécration de la façade occidentale de Saint-Denis
1226-1270Règne de Louis IX (saint Louis)
1248Consécration de la Sainte-Chapelledu Palais de la Cité
1771Déposition des statues colonnes deSaint-Denis
La sculpture gothique Salle 11Français
D. Cl. 12119
A. Cl. 23250
B. Cl. 23312
C. Cl. 23415
A
B C
B
E
E. Cl. 18666
salle 10
salle 11
Proches dans leur esprit, mais quelque peu diverses dans
leur facture, la rapidité du chantier ayant demandé de faire
intervenir dans le même temps plusieurs sculpteurs, ces
statues représentent l’apogée du classicisme parisien tel qu'il
s’était développé, au cours du quart de siècle précédent,
dans la suite du portail central de la façade de Notre-Dame
de Paris. Si elles ne possèdent pas la richesse dynamique
des sculptures légèrement plus tardives de Jean de Chelles
au bras nord du transept de Notre-Dame, elles font preuve
d’un équilibre des drapés, d’une douceur des gestes et d’une
équanimité dans les visages qui témoignent de la sereine
certitude d’un art en sa perfection. À la douce mélancolie
de l’un des apôtres barbus, la tête légèrement inclinée,
les gestes retenus, s’oppose le tranquille aplomb du second,
dont le visage est directement emprunté aux bustes romains
des Ier-IIe siècles de notre ère longtemps identifiés comme
des portraits de Sénèque.
Priorale Saint-Louis de Poissy (Île-de-France)Le souvenir de la Sainte-Chapelle était très présent à l’esprit
de Philippe le Bel lorsqu’il fonda, en 1297, à Poissy,
un prieuré de dominicaines consacré à saint Louis, son
grand-père canonisé la même année.
Le décor sculpté intérieur en était cependant différent : au
transept étaient glorifiés le saint roi et son épouse, Marguerite
de Provence, ainsi que six de leurs enfants ; un ensemble
d’anges porteurs des arma Christi provenant probablement
d’une figuration apocalyptique, occupait un espace encore
indéterminé, au jubé, sur la clôture de chœur ou sous le
porche occidental.
Seules deux des statues de la famille royale subsistent :
Isabelle de France, aujourd’hui en place dans la collégiale
Notre-Dame de Poissy, et Pierre d’Alençon (F. Cl. 23408).
Le musée conserve trois figures et une tête d'ange
(G. Cl. 18762, 23246, 23292 et 23441). Ces figures se
distinguent par la fluidité des drapés, héritée des apôtres de
la Sainte-Chapelle, par l’élégance des gestes, par les corps aux
hautes tailles, par les visages aux nez fins et aux yeux étirés,
mais aussi par les déformations que le sculpteur n’a pas hésité
à imprimer aux visages des anges sonnant la trompette.
Eglise de l’hôpital Saint-Jacques-aux-PèlerinsLe principe d’un collège apostolique cernant l’église, tel qu’il
avait été utilisé à la Sainte-Chapelle, fut réutilisé trois-quarts
de siècles plus tard, entre 1319 et 1327, à l’église parisienne
Saint-Jacques-aux-Pélerins, l’identification entre les apôtres
et les pèlerins étant l’un des topoi (lieux communs) de la
rhétorique religieuse au moins depuis le milieu du XIIe siècle.
Si la plupart des sculptures furent réalisées par Robert de
Lannoy, deux d’entre elles, dont l’une de celles conservées
au musée (H. Cl. 18759), furent confiées à un sculpteur
peut-être originaire de Norwich (Angleterre) mais
parfaitement intégré dans le milieu des sculpteurs parisiens
dès la fin du XIIIe siècle, Guillaume de Nourriche.
Son style, plus nerveux, aux drapés plus incisifs, avec un
visage plus naturaliste, se distingue clairement de celui de
Robert de Lannoy (I. Cl. 18756, 18757, 18758 et 18760),
plus traditionnel et plus souple.
Ivoires du XIIIe siècleLe XIIIe siècle voit le travail de l’ivoire prendre en France
et notamment à Paris une nouvelle ampleur. Les liens entre
ivoiriers et sculpteurs autour de 1250 sont rendus
particulièrement évidents par un ensemble d’œuvres regrou-
pées autour d’un diptyque conservé au Victoria and Albert
Museum de Londres provenant peut-être de Soissons.
Un fragment de diptyque illustrant les scènes de la Passion
(J. Cl. 417) appartient à cet ensemble, l’autre volet se
trouve à la Walters Art Gallery de Baltimore (Etats-Unis).
Les figures en fort relief et d’une calme expressivité
rappellent la sculpture de l’époque et notamment celle
des apôtres de la Sainte-Chapelle.
Très différent dans l’esprit est le triptyque provenant de Saint-
Sulpice du Tarn (K. Cl. 13101) réalisé dans des ateliers
parisiens peu avant 1300. Les figures centrales, monumen-
tales, ont une élégance plus fluide, plus souple, tandis que
le traitement des volets latéraux se fait plus graphique.
L’une des plus anciennes valves de miroir, l’Assemblée
(L. Cl. 404), est aussi la plus grande conservée. Ivoire
à fonction profane, destiné à conserver et à protéger une
feuille de métal réfléchissant, il s’agit manifestement, tant
par la qualité de la sculpture rappelant celle de la priorale
de Poissy que par la thématique, d’un objet intimement lié
à la cour royale parisienne. Plutôt que la représentation
d’une scène contemporaine, il faut probablement y voir
la rencontre entre Salomon et la Reine de Saba.
Xavier Dectot, conservateur
F. Cl. 23408
G. Cl. 23292
H. 18759
I. Cl. 18756
J. Cl. 417
K. Cl. 13101
L. Cl. 404
1258-1265Maîtrise d’œuvre de Jehan deChelles, architecte de Notre-Dame de Paris
1285-1314Règne de Philippe IV Le Bel
1297Fondation de la prioraleSaint-Louis de Poissy
1319-1327Robert de Lannoy et Guillaumede Nourriche travaillent àSaint-Jacques-de-l’Hôpital
1805Démolition de la prioraleSaint-Louis de Poissy
1823Démolition de l’église Saint-Jacques-aux-Pèlerins
6 p l a c e P a u l P a i n l e v é , 7 5 0 0 5 P a r i sS e r v i c e c u l t u r e l . T é l . 0 1 5 3 7 3 7 8 1 6w w w . m u s e e - m o y e n a g e . f r
Après utilisation, merci de remettre ce document sur son présentoir.Ce texte est disponible sur le site internet du musée ou sur demande à l’accueil.
Musée Nationalthermes & hôtel de Clunydu Moyen Age
(fig. 1) Priorale Saint-Louis
de Poissy, élévation côté nord.
© BnF
E
I
L K J
I H I
H
G
F
G
G
G
Île-de-France et Lorraine
Île-de-France
Le culte de la Vierge s’étant répandu tout au long
du XIIIe siècle, la représentation du groupe de la Vierge
présentant l'Enfant devient, à la fin du siècle, le sujet
privilégié des commanditaires. L’Île-de-France et la Lorraine,
notamment, s'illustrent dans le domaine de la sculpture.
Parmi les œuvres du musée, remarquons d’abord une œuvre
de petites dimensions, dont l’apparence précieuse est
renforcée par la survivance partielle de sa polychromie : fort
mutilée, la Vierge comme l’Enfant ayant perdu leur tête,
cette petite sculpture assise (A. Cl. 18768) présente
un grand sens de la mise en espace et, surtout, un intérêt
remarquable pour le décor, dans le soin apporté tant
aux vêtements de la Vierge qu’au trône sur lequel
celle-ci est assise.
Œuvres de l’abbaye de Longchamp (Île-de-France)
Plus tardive de près d’un demi-siècle, la Vierge (B. Cl. 19254)
provenant probablement de l’abbaye de Longchamp est tout
aussi fine, mais moins exubérante. Selon une iconographie
bien connue, l’Enfant joue avec un oiseau, sans doute un
chardonneret, la tradition médiévale voulant que celui-ci ait
reçu la tâche rouge qui orne sa tête en passant sous la Croix,
ce qui en fait une préfigure de la Passion.
Originaire de la même abbaye mais sculpté près d’un quart
de siècle plus tard, le Saint Jean (C. Cl. 19255) a souvent été
attribué à l’un des grands sculpteurs de la fin du XIVe siècle,
Jean de Liège. Même si le caractère sérieux, voire austère, du
visage ne permet pas de retenir cette attribution, il n’en reste
pas moins qu’il s’agit bien d’une œuvre de grande qualité,
mais très différente du reste de la sculpture de cette époque.
Plutôt que le traitement lisse, fluide, des drapés qu’affection-
nait la plupart des sculpteurs contemporains, l’artiste a ici
préféré un traitement heurté, tranchant, qui contribue à
donner à son œuvre une présence physique exceptionnelle.
Les Vierges à l’Enfant de Lorraine
Leur silhouette trapue, presque épaisse, leur tête couronnée
et portant un voile court, ainsi qu’on peut les voir, par
exemple, à la cathédrale et au musée de Saint-Dié-des-
Vosges, rendent les Vierges à l’Enfant de Lorraine aisément
reconnaissables.
Le musée conserve l’une des plus belles (D. Cl. 18944). La
tête légèrement ovale posée sur un cou large et épais, le
hanchement sensible malgré l’épaisseur du corps, la finesse
des mains, la souplesse du long manteau, la concentration
de l’Enfant plongé dans son bréviaire, le soin du détail
(notamment de la ceinture dont l’extrémité repasse sous le
manteau pour se glisser dans un pli au-dessus du genou
droit), tout contribue à donner à cette sculpture une
élégance subtile. Au même titre que les autres exemples
s'en rapprochant, celle de Saint-Dié, mais aussi celle de
Maxéville (près de Nancy), en effectuant une synthèse entre
le raffinement de la sculpture parisienne des premières
décennies du XIVe siècle et une tradition plus posée sinon
statique, ce groupe ouvre la voie aux recherches de la
sculpture de la zone occidentale de l’Empire dans les
années 1350.
Retables des Pays-Bas méridionauxLe XVe siècle voit se développer, dans les Pays-Bas
méridionaux (région correspondant approximativement
à l’actuelle Belgique), une production de sculpture particu-
lièrement organisée et spécialisée dans les grands retables en
bois rehaussés de polychromie (un retable est un élément
sculpté, peint ou d’orfèvrerie destiné à être placé derrière
l’autel, en latin : retro tabula).
Les corporations
Ces groupements jouent un rôle central dans ce système.
Ils organisent strictement la création, fixant chacun des
éléments techniques avec précision, du choix du bois
à celui des pigments, déterminant aussi à qui incombe telle
ou telle tâche. Chaque ville appose une marque
de certification sur les œuvres réalisées sous son égide selon
les règles qu’elle a établies, marques dont la plus célèbre est
probablement la main d’Anvers (fig. 1), apparue vers 1470
et que l’on retrouve aussi bien sur les éléments sculptés que
sur la caisse même des retables.
Si le XIIIe siècle se place dans la suite du siècle précédent par l'importanceprimordiale accordée à la sculpture monumentale, les deux dernierssiècles du Moyen Âge se démarquent par le développement de la dévotionprivée, d'une part, l'intérêt pour des œuvres narratives, d'autre part. Ladomination de la froide théologie scolastique dont Thomas d’Aquin fut,au XIIIe siecle, le plus important représentant, est remise en cause par lapropagation d’une piété plus mystique, insistant sur la relation directeentre le croyant et le monde divin.
1215
Concile de Latran IV. Dogme de la transsubstantiation
1255
Isabelle de France fonde l’abbayede Longchamp
1406
Mort de Claus Sluter. Claus de Werve prend sa suite
Vers 1418
Rédaction de l’Imitation de Jésus-Christ,probablement par Thomas a Kempis
Vers 1470
Apparition de la main d’Anvers
Sculptures des XIVe et XVe siècles
Salle 14Français
C. Cl. 19225 (détail)
A. Cl. 18768
B. Cl. 19254 (détail)
D. Cl. 18944 (détail)
A
B
C
D
E
(fig. 1) Mains d’Anvers
Les retables flamands et brabançons
Outre de nombreux fragments, deux grands retables
complets témoignent au musée de l’importance de cette
production brabançonne. Celui provenant de l’abbaye
des Prémontrés d’Averbode, en Brabant, œuvre de l’atelier
anversois de Jan de Molder (E. Cl. 240), fut installé sur
l’autel du Saint-Sacrement à Pâques 1514. Son iconographie
est relativement originale, puisqu’il n’est pas consacré
aux scènes de l’enfance ou de la Passion du Christ mais
à un point de théologie brûlant tout au long du Moyen Âge
et qui était alors à nouveau particulièrement débattu,
le problème de la transsubstantiation (la transformation du
pain en chair et du vin en sang du Christ). Ainsi, au centre,
juste au-dessus de l’autel inférieur se trouvait l’hostie,
présentée dans un ostensoir soulevé par deux anges revêtus
d’une dalmatique (longue tunique à larges manches portée
notamment par les diacres). Au-dessus, le Christ surgit
de l’autel principal au moment où le pape saint Grégoire
procède à la consécration des espèces, l’un des miracles
traditionnellement invoqués pour témoigner de la réalité
de la transsubstantiation. Dans le compartiment de gauche,
Melchisédech, roi et grand prêtre de Salem, bénit Abraham,
scène de l’Ancien Testament largement interprétée par
les théologiens médiévaux comme annonçant le miracle
eucharistique, tandis qu’à droite est représentée la Cène.
Petits retablesLe développement de la dévotion privée à partir des années
1300 entraîne l’apparition, à côté des grands retables
sculptés ou peints, d’autres plus petits, parfois en matériaux
précieux, parfois aussi en bois peint et doré destinés à des
chapelles privées. Deux exemples en témoignent ici.
En Bourgogne
Le premier (F. Cl. 23311), qui a perdu ses volets, est
consacré à une scène classique de la dévotion privée,
la Déploration sur le Christ mort, celle des sept douleurs
de la Vierge qui se prêtait le plus à une représentation
à la fois intimiste et morbide en phase avec la piété de la fin
du Moyen Âge. Le goût pour les étoffes lourdes aux plis
creusés très marqués et pour les mouvements graphiques est
caractéristique de l’art du duché de Bourgogne, notamment
de celui du gendre et successeur de Claus Sluter, Claus de
Werve, dans l’entourage duquel fut sculpté ce retable.
Ce goût est ici sensible tant dans les gestes de saint Jean ou
de Marie Madeleine que dans le contraste entre la verticale
de la figure de la Vierge et l’oblique du corps du Christ.
En Rhin inférieur
C’est à un monde tout différent qu’appartient le second
retable (G. Cl. 3269), bien que le sujet en soit sensiblement
le même. Au lieu de la représentation resserrée autour
des quatre principaux personnages, monumentale malgré
ses dimensions réduites observées sur le retable bourguignon,
Arndt de Kalkar (ville du Rhin inférieur) choisit d’inscrire
la scène dans un paysage structuré, le Golgotha, figuré par
une série de plans aux angles marqués, l’un des éléments
caractéristiques du style de cet artiste. Les personnages
foisonnent, et il faut noter au premier plan dans l’angle
inférieur droit, la présence d’un donateur, un chartreux
présenté par saint André. Si les plis sont fluides,
les attitudes, en revanche, sont contournées, accentuant
les expressions de douleur. Les volets peints, au sens de
lecture classique pour l’époque (de haut en bas pour le volet
de gauche puis de bas en haut pour celui de droite),
retracent sur la face intérieure les épisodes de la Passion :
la nuit au Mont des Oliviers, le baiser de Judas,
la Flagellation, le Couronnement d’épines, le Portement
de Croix et la Crucifixion.
Autres sculptures des Pays-Bas méridionaux Même si les grands retables dominent largement leur
production, les sculpteurs des anciens Pays-Bas méridionaux
ont aussi réalisé des sculptures en ronde bosse.
De celles-ci, le musée conserve notamment une magnifique
Marie Madeleine (H. Cl. 1851) reconnaissable au pot
d’onguent qu’elle porte, ici représentée comme une jeune
femme raffinée, à la taille haute et fine, au visage légèrement
ovoïde, à la robe rehaussée de passementerie. La sainte est
surtout remarquable par la coiffure particulièrement
travaillée, avec les nattes s’enroulant autour du bonnet puis
repassant au sein de la boucle qu’elles forment avant de
retomber sur les épaules.
Une autre œuvre remarquable, la Vierge à mi-corps
(I. Cl. 11490), peut être rattachée à un ensemble d’autres
Vierges de la fin du XVe siècle, toutes conservées dans
la région de Louvain, notamment celle de Piétrebas,
qui offrent la même forme ovale du visage, la même
expression nonchalante, les mêmes longs cheveux ondulés,
la même moue presque aguicheuse. Était-elle dès l’origine
à mi-corps ? Cette disposition, fréquente en Italie, est en
revanche rare en Europe du Nord ; il est possible qu’elle
ait été sculptée en pied puis sectionnée à la taille dans un
second temps.
Xavier Dectot, conservateur
E. Cl. 240
F. Cl. 23311
G. Cl. 3269
H. 1851 (détail)
I. Cl. 11490
6 p l a c e P a u l P a i n l e v é , 7 5 0 0 5 P a r i sS e r v i c e c u l t u r e l . T é l . 0 1 5 3 7 3 7 8 1 6w w w . m u s e e - m o y e n a g e . f r
Après utilisation, merci de remettre ce document sur son présentoir.Ce texte est disponible sur le site internet du musée ou sur demande à l’accueil.
Musée Nationalthermes & hôtel de Clunydu Moyen Age
1215
Concile de Latran IV. Dogme de la transsubstantiation
1255
Isabelle de France fonde l’abbayede Longchamp
1406
Mort de Claus Sluter. Claus de Werve prend sa suite
Vers 1418
Rédaction de l’Imitation de Jésus-Christ,probablement par Thomas a Kempis
Vers 1470
Apparition de la main d’Anvers
E
FG
IH
L’essor des émaux champlevés à l’époque romaneLa technique la plus ancienne, antérieure au Moyen Âge,
est celle des émaux cloisonnés, utilisée dans l’empire
byzantin et, en Occident, durant le premier Moyen Âge.
L’émail est logé dans des alvéoles délimitées par de fines
cloisons d’or fixées sur une plaque de métal peu épaisse,
le plus souvent en or.
Au début du XIIe siècle se développe en Occident une
technique moins coûteuse, celle des émaux champlevés, déjà
connue dans l’Antiquité. Elle consiste à placer l’émail dans
des alvéoles (ou champs) creusées dans une plaque de métal
assez épaisse, généralement en cuivre ; les parties épargnées
(non émaillées) sont dorées au mercure. Cette technique
connaît un formidable essor, qui correspond à l’épanouisse-
ment de l’émaillerie romane, dans deux foyers principaux.
Le foyer méridional
Expérimentés à Conques, sous l’abbé Boniface, au début
du XIIe siècle, les émaux champlevés se diffusent dans le
nord de l’Espagne et le sud-ouest de la France, avec pour
centres majeurs Silos et Limoges. Fabriquée dans un atelier
espagnol ou limousin, la plaque de reliure du Christ en
Majesté (A. Cl. 13070 - vitrine 11), dont le pendant
La Crucifixion, (fig. 1) se trouve à Madrid, est un rare
exemple méridional d’association d’émaux champlevés et
cloisonnés. Romane par la frontalité du Christ aux drapés
stylisés qui remplit toute la mandorle (figure en forme
d’amande) symbolisant l’univers, mais aussi par la
vivacité des symboles des évangélistes, cantonnés dans
les écoinçons (angles) en vertu de la “loi du cadre”, cette
œuvre rappelle par sa mise en page certains bas-reliefs
sculptés romans (fig. 2).
Le foyer septentrional
Les émaux champlevés se diffusent également dans un foyer
centré sur les régions de la Meuse et du Rhin, et étendu
jusqu’à la Saxe, l’Angleterre et la Champagne. Datée vers
1160-1170, la plaquette Élie et la veuve de Sarepta (B.
Cl. 23823 - vitrine 10), à la palette froide caractéristique des
émaux septentrionaux, appartenait sans doute à une de ces
croix typologiques de la région de la Meuse c’est-à-dire
mettant en relation des épisodes de l’Ancien et du Nouveau
Testament (fig. 3) : les bouts de bois croisés sont ici une
préfigure de la croix du Christ. L’ensemble de plaquettes
et nimbes émaillés (C. Cl. 14673, Cl. 17709, Cl. 23529,
Cl. 23535 - vitrine 10), éléments de grandes châsses
démembrées, présente l’association, typique des émaux
rhéno-mosans des années 1180-1200, des techniques du
champlevé et du cloisonné. La plaque de reliquaire de la
Crucifixion (D. Cl. 13068 - vitrine 10), réalisée à Hildesheim,
déploie ses silhouettes réservées (Vierge, Eglise, Christ,
Synagogue, Disciple, moine donateur) sur un fond bleu nuit
constellé de points d’or fréquents sur les émaux de Basse-Saxe.
L’Œuvre de LimogesDésignée dans les textes, à partir de 1169, sous le terme
d’Œuvre de Limoges (Opus lemovicense), la production
des ateliers limousins, dont les premiers témoignages datent
du 2e quart du XIIe siècle, se diffuse dans toute l’Europe,
favorisée par la décision du concile de Latran IV, en 1215,
d’autoriser l’emploi de l’émail champlevé pour les vases
sacrés. Le prix relativement modeste des matériaux,
la vivacité des couleurs, la verve narrative, l’abondance
et la diversité des objets fabriqués ont contribué au succès
des émaux limousins.
Une production abondante et diversifiée
À la production religieuse, modeste ou luxueuse, qui
comprend de nombreuses châsses-reliquaires (châsse des rois
mages, E. Cl. 23822 - vitrine 12) et des objets liturgiques
tels que pyxides (boîtes à hosties), croix, reliures de livres
sacrés, colombes eucharistiques… s’ajoute la gamme des
objets profanes. Le décor profane ou courtois de certaines
pièces, chandeliers, gémellions (coupes jumelles destinées
au lavement des mains : F. Cl. 954 - vitrine 23), n’exclut pas
une utilisation liturgique. De nombreux objets en cuivre
doré non émaillé ont aussi été réalisés par les ateliers
limousins, comme les groupes d’applique, qui semblent être
des éléments de retables, de La Flagellation et de La Cène
(G. Cl. 942, Cl. 973 - vitrine 20).
Au Moyen Âge, l’émail est l’une des principales ressources du décor de l’orfèvrerie. C’est une poudre de verre colorée à l’aide d’oxydes métalliques(cobalt, cuivre, fer…) et le plus souvent opacifiée. Appliquée sur un support métallique (or, argent ou cuivre), elle se liquéfie à la cuisson et sesolidarise au métal en refroidissant. Opaques ou translucides, les émaux,qui se prêtaient bien à l’ornementation et à la narration, ont connu auMoyen Âge un extraordinaire succès, en raison de leur éclat et de leurscouleurs. Presque toutes les techniques d’émaillage ont été inventées oudéveloppées à l’époque médiévale.
1077
Fondation de l’ordre de
Grandmont
1107- ap.1121
Boniface, abbé de Conques
1169
Première mention de l’Œuvrede Limoges dans les textes
1173
Canonisation de Thomas Becket,archevêque de Cantorbéry, assassiné en 1170
1189
Canonisation d’Etienne deMuret, fondateur de Grandmont
1215
Concile de Latran IV
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14
Les émaux au Moyen Âge
Salle 16Français
A. Cl. 13070 - vitrine 11
(fig. 1) Crucifixion, plaquede reliure, Madrid,
Instituto de Valencia deDon Juan
(fig. 2) Bas-relief, XIIe s.,Toulouse, Saint-Sernin,
déambulatoire.
(fig. 3) Croix typologique,atelier mosan, vers 1160-1170, Bruxelles, Musées
royaux d’Art et d’Histoire.
E
G F
A
B C D
Les ateliers limousins ont été capables, afin de réduire
les coûts de production et de satisfaire une vaste clientèle,
de mettre en œuvre une fabrication en nombre, comme
celle des châsses de saint Thomas Becket (H. Cl. 22596,
Cl. 23296 - vitrine 13), qui attestent la diffusion rapide
du culte de l’archevêque de Cantorbéry, assassiné dans
sa cathédrale en 1170 et canonisé en 1173.
Les ateliers de Limoges ont également créé des objets
uniques pour des commanditaires prestigieux. Les plaques
de L’Adoration des Mages et de Saint Etienne de Muret et
son disciple Hugo Lacerta (I. Cl. 956 a et b - vitrine 11) sont
les seuls éléments subsistant de l’autel majeur de l’église
prieurale de l’ordre de Grandmont, fondé en 1077 par
Étienne de Muret, œuvre probablement exécutée juste
après la canonisation du fondateur en 1189. Le chandelier
à décor de scènes de lutte et de jonglerie (J. Cl. 23440 -
vitrine 23) a sans douté été réalisé dans un milieu proche
de la cour des Plantagenêt, autre commanditaire important
des ateliers limousins.
L’évolution technique et esthétique
Les premières productions limousines présentaient des
figures émaillées sur un fond doré, lisse ou vermiculé –
orné de fins rinceaux – (K. Cl. 18310 - vitrine 12).
Vers 1180-1190 se développe une technique plus facile
à mettre en œuvre, donc mieux adaptée à une fabrication
de masse : sur un fond émaillé, les figures sont laissées
en réserve, gravées et dorées, et portent souvent des têtes
d’applique en relief. Cette nouvelle technique, employée
pour l’Enfant Jésus sur la plaque de L’Adoration des Mages
(L. Cl. 956 b - vitrine 11), se généralise pendant le premier
XIIIe siècle (Grande châsse de sainte Fauste, M. Cl. 2826 -
vitrine 18), à l’exception d’un courant archaïsant qui
réutilise la technique initiale : Reliquaire de saint François
d’Assise (vers 1228-1230, N. LO AD 81 - vitrine 12), Croix
de Bonneval (vers 1225-1235, O. Cl. 22888 - vitrine 12).
La seconde moitié du XIIIe siècle voit la multiplication
de fabrications stéréotypées, de figures d’applique
sommaires (Châsse aux “poupées”, P. Cl. 14766 - vitrine 22),
et l’affaiblissement de la qualité de la production,
qui se raréfie et se recentre sur une clientèle locale
au début du XIVe siècle.
Dans le domaine stylistique et esthétique, l’Œuvre deLimoge reflète l’évolution de l’art roman à l’art gothique. Le magnifique Christ roi crucifié (Q. Cl. 23671 - vitrine 16)se situe à la charnière de ces deux styles : c’est encore unChrist roman, glorieux et triomphant de la mort, mais les genoux fléchis, la tête inclinée et le modelé du torse indiquent un traitement plus naturaliste et l’émergence de l’image gothique du Christ souffrant.
L’émergence de techniques raffinées au tournant des XIIIe et XIVe sièclesAux XIIIe-XIVe siècles, alors que s’épanouit l’orfèvreriegothique, Paris s’affirme comme la capitale des arts précieuxen Europe, à côté d’autres centres tels que Venise, Florence,Sienne, Avignon ou Prague.
Les émaux de plique
Vers 1300, les orfèvres parisiens remettent au goût du jourl’émail cloisonné sur or, avec l’invention des “émaux deplique” (terme qui peut signifier “applique” ou “compliqué”). Les six plaquettes du musée (R. Cl. 21386,
Cl. 21387, Cl. 23411 a, b, c, d - vitrine 36), qui étaient sansdoute cousues sur des vêtements, en sont une magnifiqueillustration. Très raffinées, elles déploient tout un répertoireornemental de trèfles, cœurs et cercles, délimités par de fines
cloisons d’or et remplis d’émaux opaques bleus, rouges
et blancs, ou d’émail transparent laissant apparaître l’or
sous-jacent. Ces plaquettes émaillées sont peut-être dues
au plus célèbre créateur parisien d’émaux de plique,
Guillaume Julien, orfèvre du roi Philippe le Bel.
Les émaux translucides sur basse-tailleLa technique des émaux translucides sur basse-taille, inventée par les orfèvres siennois à la fin du XIIIe siècle, est adoptée à Paris dès le début du XIVe siècle. Elle consiste à appliquer des émaux translucides sur une plaque d’argent(parfois d’or) gravée et ciselée en un bas-relief (une “basse-taille”). Difficile à mettre en œuvre (car les émaux ne sont pasnettement séparés par des cloisons), cette technique délicatepermet de superbes jeux de transparence et de lumière.Destinée, comme la précédente, à des commanditaires fortunés, rois, princes, nobles et riches églises, elle a donnélieu à la réalisation d’objets luxueux, comme le Reliquaire-pendentif de sainte Geneviève (S. Cl. 23314 - vitrine 38),fabriqué à Paris vers 1380. Aux XIVe et XVe siècle, calices,reliquaires et croix, particulièrement en Italie et enCatalogne, s’ornent de plaquettes d’émaux translucides :Reliquaire-monstrance siennois daté de 1331 (T. Cl. 9190 -
vitrine 30), Croix de Barcelone (U. Cl. 22585 - vitrine 27).À la fin du XVe siècle réapparaît à Limoges une productionassociant le cuivre et l’émail, selon une formule nouvelle,celle des émaux peints (souvent sous forme de tableaux).Ceux-ci assureront aux ateliers limousins une prospéritéretrouvée au XVIe siècle. Outre quelques exemplaires précoces présentés salle 17, dont La Crucifixion signée Nardon Pénicaud (V. Cl. 2232), une riche collectiond’émaux peints est visible au musée national de la Renaissance à Écouen.
Christine Descatoire, conservatrice
H. Cl. 22596 - vitrine 13
I. Cl. 956 a - vitrine 11
J. Cl. 23440 - vitrine 23
N. LO AD 81 - vitrine 12
Q. Cl. 23671 - vitrine 16
R. Cl. 21386, Cl. 21387, Cl. 23411abcd - vitrine 36
S. Cl. 23314 - vitrine 38
T. Cl. 9190 - vitrine 30
15 16 17 18 19 20 21 22 23 24
38 37 361 2 3
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Après utilisation, merci de remettre ce document sur son présentoir.Ce texte est disponible sur le site internet du musée ou sur demande à l’accueil.
Musée Nationalthermes & hôtel de Clunydu Moyen Age
1077
Fondation de l’ordre de
Grandmont
1107- ap. 1121
Boniface, abbé de Conques
1169
Première mention de l’ Œuvrede Limoges dans les textes
1173
Canonisation de Thomas Becket,archevêque de Cantorbéry, assassiné en 1170
1189
Canonisation d’Etienne deMuret, fondateur de Grandmont
1215
Concile de Latran IV
L’orfèvrerie du premier Moyen Âge et de l’époque romane (Ve-XIIe siècles)Les arts du métal
Les royaumes (mérovingien, wisigothique…) nés des
migrations de populations des IIIe-Ve siècles, et successeurs
de l’Empire romain, sont traversés par des courants artistiques
divers voire antagonistes. L’émergence d’un art chrétien
accompagne la christianisation de l’Occident. Il se traduit par
la fabrication d’objets de culte comme la passoire liturgique
(A. Cl. 23248 - vitrine 6) qui sert à filtrer le vin de messe,
et par l’affirmation d’une symbolique et d’une iconographie
chrétiennes : croix pectorale (B. Cl. 14964 – vitrine 4)
destinée à être cousue sur le vêtement, châsse (reliquaire)
avec la Vierge à l’Enfant, saint Pierre et saint Paul (C,
Cl. 13968 – vitrine 4). La continuité avec le monde classique
dont témoigne la croix (B), qui utilise la technique antique
de l’estampage, et l’iconographie figurative de la châsse (C),
contrastent avec l’art ornemental germanique, fait de motifs
géométriques et animaliers stylisés, comme la paire de fibules
(sortes d’agrafes pour attacher les vêtements) en forme d’aigle
(D. Cl. 3479-3480 – vitrine 5). Cette mutation esthétique
s’accompagne de l’apport de techniques nouvelles. Le goût
pour la couleur suscite l’emploi privilégié de pierres (surtout
grenats) et verres colorés, mis en œuvre selon deux procédés
de sertissage. L’orfèvrerie cloisonnée consiste à les loger dans
un réseau couvrant de cloisons (fibules wisigothiques D).
La technique des pierres en bâtes (petits boîtiers individuels),
qui sera utilisée pendant tout le Moyen Âge, trouve une
éclatante illustration dans les couronnes d’or que les rois
wisigoths d’Espagne firent réaliser au VIIe siècle et suspendre
dans les sanctuaires en signe de piété (E. Cl. 2879, Cl. 2885,
Cl. 3211 – vitrine 1). La pratique de l’inhumation habillée,
en vigueur jusqu’au VIIe siècle, a permis de retrouver dans
les tombes un matériel abondant de bijoux, parures, armes
et objets du quotidien, notamment ces nombreuses plaque-
boucles de ceinture ou cette épée d’apparat franque et son
fourreau (F. Cl. 7957 – vitrine 4).
À l’époque carolingienne, malgré les références à l’art
antique et le souci de représentation de la réalité qui
accompagnent la Renovatio Imperii (renaissance impériale),
l’art ornemental de la période précédente reste vivace,
illustré ici par un mordant de baudrier (garniture d’épée)
en or (G. Cl. 3410 – vitrine 4) décoré de filigranes (fils de
métal lisses ou striés fixés par soudure).
L’orfèvrerie romane
Autour de l’an mil s’épanouit, en orfèvrerie aussi bien qu’en
architecture et en sculpture, une esthétique nouvelle : au-
delà de son extrême diversité régionale, l’art roman se
caractérise par une stylisation qui cherche davantage à
évoquer qu’à représenter le réel, comme en témoignent une
croix munie d’une inscription (H. Cl. 13229 – vitrine 8),
la Plaque de reliure des quatre fleuves du paradis (I. Cl. 1362 –
vitrine 10) - toutes deux remarquables par la qualité de leur
gravure -, ou encore le Crosseron de Clairvaux
(J. Cl. 948 – vitrine 7, ill. au verso).
Jusqu’au XIIe siècle, les commanditaires sont majoritaire-
ment les souverains, les églises et les abbayes. Les créateurs
des œuvres sont en général inconnus, à l’exception de
quelques noms comme celui de Roger de Helmarshausen
(peut-être l’auteur de la croix H). Les œuvres ne sont
presque jamais signées, les documents permettant d’identi-
fier le commanditaire et le créateur sont très rares. En
revanche, les techniques de fabrication sont connues grâce
au témoignage fondamental que constitue le Traité sur
divers arts rédigé au XIIe siècle par le moine Théophile
(peut-être Roger de Helmarshausen).
L’orfèvrerie gothique (milieu du XIIe siècle-XVe siècle)Les grands centres de production
La période gothique, à partir du milieu du XIIe siècle,
marque un tournant dans le domaine de l’orfèvrerie.
Paris s'affirme comme la capitale des arts précieux en Europe,
surtout à partir du règne de saint Louis (1226-1270).
La Sainte-Chapelle, construite de 1243 à 1248 au cœur du
palais royal, est peu à peu dotée d’un important
trésor d’orfèvrerie, dont l’une des rares pièces conservées,
Au Moyen Âge, le terme “orfèvrerie” désigne le travail des métaux précieux (or et argent) ou considérés comme tels (cuivre doré), des pierres précieuses et des émaux (présentés sur une deuxième fiche). L’orfèvreriereligieuse, plus abondante parce que mieux conservée, comprend les objetsdu culte rendu au Christ, à la Vierge et aux saints (statuettes, reliquaires),et les objets liturgiques : pyxides et ciboires (pour conserver les hosties),calices et patènes, encensoirs, croix, reliures de livres sacrés… L’orfèvrerieprofane, composée de bijoux, éléments de parure, objets pour la table, estmoins bien conservée, car souvent fondue pour récupérer le métal oufabriquer des objets à la mode.
481-482
Avènement de Clovis,
roi des Francs
587-589
Conversion du roi wisigoth
Reccared
800
Couronnement impérial de
Charlemagne
Début du XIIe siècle
Traité sur divers arts du
moine Théophile
1204
Prise de Constantinople
lors de la 4° croisade
1226-1270
Règne de saint Louis
L’orfèvrerie médiévaleSalle 16Français
B. Cl. 14964 – vitrine 4
C. Cl. 13968 – vitrine 4
D. Cl. 3479-3480 – vitrine 5
E. Cl. 3211 – vitrine 1
G. Cl. 3410 – vitrine 4
I. Cl. 1362 – vitrine 10
D
G F
A
EI
H
GFCBJ
le Reliquaire des saints Lucien, Maxien et Julien (K. Cl. 10746 –
vitrine 37), évoque l’édifice auquel il était destiné.
Le lien de l’orfèvrerie avec les autres arts, notamment
l’architecture, la sculpture, et la gravure, se renforce, comme
en témoigne le Reliquaire de l'ombilic du Christ (L. Cl. 3307 –
vitrine 31). Cette œuvre, exceptionnelle par ses qualités
plastiques, illustre avec brio le raffinement du milieu
parisien vers 1400.
D’autres centres artistiques concurrencent Paris dès
le XIVe siècle. Avignon, où la papauté s’est installée en
1309, devient, grâce au mécénat des papes et des cardinaux,
un creuset où se rencontrent des artistes venus de tous
horizons. La Rose d’or (M. Cl. 2351 – vitrine 2) fut
commandée par le pape Jean XXII à l’artiste siennois
Minucchio, et offerte au comte de Neuchâtel, qui y fit
ajouter ses armoiries. Le Fermail-reliquaire à l'aigle (N.
Cl. 3292 – vitrine 38) témoigne de l’essor de Prague comme
centre artistique sous la dynastie des Luxembourg, rois de
Bohême et empereurs du Saint Empire. Peut-être réalisé
pour l’empereur Charles IV, cet objet précieux qui combine
gravure, émaux et pierreries, est à la fois un fermail, destiné
à maintenir les pans d’un lourd manteau, et un reliquaire.
Essor de l’orfèvrerie profane
et évolution de l’orfèvrerie religieuse
L’essor de l’orfèvrerie profane est lié à l’importance crois-
sante des clientèles laïques. Des productions relativement
modestes aux objets fastueux des cours royales et princières,
bijoux et pièces de vaisselle sont les marques du statut
social de leur possesseur, comme le couteau (O. Cl. 22193 –
vitrine 28) aux armoiries et à la devise de Philippe le Bon
(“aultre n’arai ”). Le “trésor de Colmar” (vitrine 36), enfoui
lors des persécutions contre les juifs survenues durant la
Peste noire, se compose de bijoux et d’éléments de parure
en vogue au XIVe siècle : bagues, anneaux, ceintures,
fermaux (sortes d’attaches pour les vêtements), boutons
et appliques (cousus sur les vêtements) ; le seul objet
spécifiquement juif du trésor est la bague de mariage
en forme de petit édifce dont le toit porte l’inscription
MAZEL TOV (“bon augure”) (P. Cl. 20658 – vitrine 36).
L’un des hanaps (coupes) du “trésor de Gaillon”, ensemble
probablement regroupé par un possesseur normand,
présente un médaillon émaillé orné d’un pélican
(Q. Cl. 1951 – vitrine 28), thème religieux qui n’a
cependant rien d’étonnant sur un objet profane.
L’orfèvrerie religieuse se diversifie tout en reflétant
l’évolution de la piété à la fin du Moyen Âge. Les reliquaires
revêtent des formes très variées : exemplaires anatomiques
comme le Pied-reliquaire de saint Adalhard (R. Cl. 1400 –
vitrine 30), statues (L, U), médaillons... Les croix-reliquaires
de la Vraie Croix (S. Cl. 3294 – vitrine 37), appelées stauro-
thèques, se multiplient depuis la prise de Constantinople
par les croisés en 1204 et l’afflux consécutif en Occident
de fragments réputés venir de la croix du Christ. Le besoin
accru des fidèles de voir les reliques mais aussi l’hostie
conduit à la fabrication de reliquaires-monstrances et
d’ostensoirs. L’essor de la dévotion privée s’incarne dans
de petits objets ornés d’images qui servent de support à la
prière individuelle, comme ce reliquaire en forme de livre
(T. Cl. 19968 – vitrine 35) dont les faces historiées
s’inspirent de gravures contemporaines, illustrant ainsi le
lien étroit entre orfèvres et graveurs à la fin du Moyen Âge.
Les commanditaires et les artistes
La fin du Moyen Âge est l’époque d’un développement sans
précédent du mécénat royal et princier, parallèlement à
l’affirmation des collectionneurs, comme la reine Clémence
de Hongrie ou Louis d’Anjou, frère de Charles V.
Les commanditaires laïcs, aristocrates mais aussi bourgeois
des villes (marchands, banquiers...), sont de plus en plus
nombreux. La Statue-reliquaire de sainte Anne Trinitaire
(U. Cl. 3308 – vitrine 35) fut réalisée en 1472 pour Anna
Hofmann, l’épouse du receveur de la ville allemande
d’Ingolstadt, comme l’indique l’inscription qui précise aussi
le prix de l’objet et le nom de l’artiste, Hans Greiff.
La provenance et les auteurs des œuvres sont mieux connus
qu’auparavant. Les documents écrits se multiplient : statuts
d’associations de métiers (les futures corporations), dont
le Livre des Métiers (vers 1268), contrats, comptabilités,
inventaires, documents fiscaux... Le poinçon de ville est
imposé par un édit de Philippe le Hardi de 1275, et le
poinçon de maître par une ordonnance de Jean le Bon de
1355, mais ils ne sont pas encore généralisés au XVe siècle.
La table d’insculpation des orfèvres de Rouen (V. Cl. 3451 –
vitrine 28), datée de 1408, qui permet d’identifier les
poinçons des 145 orfèvres de la ville, gravés sur une plaque
de cuivre en face de leurs noms, reste un document
exceptionnel. A cette époque, davantage d’œuvres sont
signées, mais elles sont encore minoritaires. Si les sources
écrites permettent d’identifier nombre d’orfèvres, la plupart
des œuvres décrites sont perdues ; inversement, les œuvres
qui nous sont parvenues sont rarement documentées.
Christine Descatoire, conservatrice
1243-1248
Construction de la Sainte-
Chapelle
Vers 1268
Livre des Métiers d’Etienne
Boileau
1275
Edit de Philippe Le Hardi sur
le poinçon de ville
1309
Installation de la Papauté en
Avignon
1347-1352
Peste noire
1355
Ordonnance de Jean le Bon
sur le poinçon de maître
J. Cl. 948 – vitrine 7
K. Cl. 10746 – vitrine 37
L. Cl. 3307 – vitrine 31
M. Cl. 2351 – vitrine 2 (détail)
N. Cl. 3292 – vitrine 38
P. Cl. 20658 – vitrine 36
Q. Cl. 1951 – vitrine 28
U. Cl. 3308 – vitrine 35
UT
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PSKN
M
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6 p l a c e P a u l P a i n l e v é , 7 5 0 0 5 P a r i sS e r v i c e c u l t u r e l . T é l . 0 1 5 3 7 3 7 8 1 6w w w . m u s e e - m o y e n a g e . f r
Après utilisation, merci de remettre ce document sur son présentoir.Ce texte est disponible sur le site internet du musée ou sur demande à l’accueil.
Influences et techniquesC’est par le biais de deux états musulmans, l’un sur le
déclin, le royaume nasride de Grenade, l’autre en pleine
ascension, l’empire ottoman, qu’une production de vaisselle
fine de céramique, imitée des productions perse
et turcomane, fait son apparition sur le continent.
Si la céramique d’Iznik, qui ne connaîtra son apogée qu’au
XVIe siècle, subit la concurrence de la porcelaine chinoise
et se concentre sur des décors bleus et blancs, la céramique
hispanique, dès son origine, présente une palette de
couleurs beaucoup plus vaste. Surtout, elle introduit deux
innovations techniques fondamentales.
La faïence
La première, promise à un immense succès jusqu’à nos jours,
est le recours à une glaçure plombifère, recouvrant entière-
ment les pièces d’une couche blanche qui, depuis que la ville
italienne de Faenza s’est spécialisée dans ce type de production
à la fin du XVe siècle, les définit comme des faïences.
Le reflet métallique
La seconde innovation fait la caractéristique de la production
espagnole : après une première cuisson, la pose de la glaçure,
l’application du décor au bleu de cobalt, au vert de cuivre et
au brun de manganèse et une deuxième cuisson, le potier
applique un lustre métallique doré, à l’oxyde d’argent de
cuivre, avant de cuire ses pièces une troisième fois, selon une
technique apparue en Perse au IXe siècle.
Production et marchéLa production locale
Dans la péninsule ibérique, la production, d’abord implantée
à Malaga, dans le royaume de Grenade, s’est déplacée, dès les
dernières années du XIVe siècle, près de Valence, dans deux
bourgs du nom de Manisès et de Paterna. Bien qu’implantés
en territoire chrétien, les céramistes, peut-être venus
d’Andalousie, étaient des musulmans. En témoignent non
seulement le répertoire décoratif auquel ils ont recours, mais
aussi les inscriptions arabes que l’on trouve sur certaines
œuvres (par exemple, au musée, le bol A. Cl. 9318).
Le marché européen
Le déplacement de la production, cependant, s’explique
probablement aussi par des raisons de marché. En effet, tandis
que, en dehors du royaume nasride, le succès de la faïence
espagnole à reflets métalliques semble avoir été très limité, celle-
ci est en revanche demandée dans toute l’Europe
occidentale. En témoignent, entre autres, la présence de
céramiques hispano-mauresques sur des peintures d’Hugo Van
der Goes, d’Enguerrand Quarton ou de Filippino Lippi (fig. 1).
L’Italie, surtout, se montre extrêmement friande de ces
œuvres, qu’elle importe en masse. Il semble que les
commerçants majorquins aient joué un rôle essentiel en ce
domaine, ce qui explique non seulement l’attribution qui fut
faite, au XIXe siècle, de ces céramiques à la ville d’Ynca, près
de Majorque, mais surtout le nom que les textes italiens
donnent, dès le XVe siècle, à cette production : maiolica, en
français majolique. Et c’est l’imitation par les artisans toscans
de la production du Levant espagnol qui donna naissance à
l’industrie de la faïence en Italie, puis dans le reste de l’Europe.
Répertoire décoratifLe décor géométrique
Tout au long du XVe siècle, les céramistes de Manisès
et Paterna vont amplifier et transformer leur répertoire
décoratif. Les premières pièces, qu’il est d’ailleurs difficile
d’attribuer avec certitude au Levant plutôt qu’à Malaga,
présentent sur la face un décor essentiellement géométrique,
parfois agrémenté d’arbres de vie inversés ou de la formule
«al afiya», les deux représentations ayant au départ une
valeur apotropaïque (de protection), utilisées ici de façon
L’Europe médiévale n’ignore pas l’art de la céramique, les collections dumusée en témoignent, notamment à travers les carreaux de pavement.Mais il s’agit là de productions destinées à un usage courant, quotidien et,jusqu’à la fin du XIVe siècle, la production de céramique d’apparat estinexistante. La vaisselle précieuse, notamment, est uniquement métallique
IXe siècle
Premières céramiques lustrées enMésopotamie
Fin du XIIe siècle
Premières faïences en Occident
1238
Conquête de Valence par Jacques Ier d’Aragon
Fin du XIVe siècle
Début de la production de faïencelustrée dans le Levant espagnol
1492
Conquête du royaume nasride deGrenade par Isabelle de Castille etFerdinand d’Aragon
Céramiques hispano-mauresques
Salle 17Français
A. Cl. 9318
Région Valencienne et balad balansiya
au Moyen Âge
E. Cl. 2119
(fig. 1) Filipino Lippi, Vierge de l’Annonciation,
1483-1484, San Gimignano, Museo Civico
A gauche : vue généraleAu-dessus : détail
Dœuvres sur socles
E CA B
B. Cl. 1978
systématique et répétitive comme un motif décoratif. De
cette toute première production, le musée conserve trois
grands bassins à bélières (B. Cl. 1978 - ill au recto, C.
Cl. 2343 et D. Cl. 2420) et deux pots à épices ou à
onguents, dont la forme est connue par la suite en Italie
sous le nom d’albarello et utilisée à partir du XVIIe siècle
dans les pharmacies, d’où le nom communément donné à
ces pièces de pot à pharmacie (E. Cl. 2119 et F. Cl. 2120).
Les motifs héraldiques
Les revers, en revanche, s’ornent rapidement de grandes
figures qui paraissent dériver de motifs héraldiques, aigles,
fleurs de lys, lions ou, pour le plat G. Cl. 2456, un rongeur
non identifié.
Mais dès le premier quart du XVe siècle, ces motifs passent
sur l’avers. Leur présence montre que ces plats étaient
destinés à une clientèle d’Europe occidentale. Cependant,
dans un premier temps, ces armoiries semblent n’avoir
qu’une fonction décorative. Les deux plus anciens plats de
ce type (H. Cl. 2776 et I. Cl. 2775) présentent ainsi, pour
l’un, un écusson avec un aigle, armoiries bien plus
communes en terre impériale que dans le monde hispanique,
pour l’autre une fleur de lys blanche que l’on pourrait
rapprocher des armes de Florence, même si, là encore,
il s’agit d’un motif on ne peut plus fréquent. Sans témoigner
d’une commande précise, ces armoiries indiquent bien que
l’on est là face à des plats destinés à l’exportation. Par
ailleurs, ces deux plats sont importants parce qu’ils sont les
seuls à témoigner, dans les collections du musée, d’une phase
intermédiaire de la production, qui conserve encore le décor
bleu et or à motifs d’arabesques et autres «al afiya» des
premières productions, mais y mêle déjà des éléments qui
vont devenir caractéristiques des décennies suivantes, comme
les armoiries ou les décors de revers à semis de graminées.
Les armoiries
À partir du milieu du XVe siècle, en revanche, apparaissent
des armoiries moins génériques, que l’on arrive à relier à des
familles italiennes, le plus souvent toscanes, telles les armes
des Montefiori sur le plat J. Cl. 2777 ou celles des Médicis
sur le plat K. Cl. 2139, «d’or à six tourteaux mis en orle, cinq
de gueules, celui en chef d’azur chargé de trois fleurs de lys
d’or». Ces armoiries sont celles de la famille depuis 1465,
date à laquelle Louis XI autorisa Pierre Ier à surcharger son
écu des trois fleurs de lys, mais le plat lui-même appartient à
une période plus tardive, le premier quart du XVIe siècle.
Quant au décor, il s’enrichit de figures de plus en plus
complexes : décors dits de «feuilles-plumes» (L. Cl. 1687 et
M. 2305), «à la bryone» du nom d’une plante vivace (N.
Cl. 13503 a et b), d’oranges (O. Cl. 2240), de feuilles de
lierre bleues et dorées ou simplement dorées (P. Cl. 7647).
Avec son disque héraldique d’azur aux six étoiles et aux trois
hérissons d’or, ce plat est probablement l’un de ceux qui,
dans les collections du musée, présentent le lustre de la plus
belle qualité, atteignant ici, par un soigneux mélange
de cuivre et d’argent, une teinte très pure d’or jaune.
Les pièces de forme
La deuxième moitié du XVe siècle voit se développer, à côté
des différents plats plus ou moins creux, aux ailes plus ou
moins développées, les pièces de forme, dont le musée
conserve d’intéressants exemples. À côté de quelques
grandes coupes, dont l’une à décor à la bryone avec le
monogramme « IHS » (Ihesus) (Q. Cl. 13503 a), la plus
importante est probablement le grand vase à ailes portant
des armoiries non identifiées au lion debout (R. Cl. 7647).
En effet, le pendant de ce vase, conservé au British
Museum, porte les armes de Pierre de Médicis et semble
bien pouvoir être daté immédiatement après 1465.
Le fait que ces deux vases semblent appartenir à une même
commande est un témoignage de la valeur d’apparat très
marquée de ces œuvres.
Personnages ou animaux s’étendent rarement sur l’ensemble
de la pièce. Le musée en possède cependant deux exemples
de grande qualité, deux plats présentant l’un deux échassiers
affrontés (S. Cl. 3220), l’autre un lion dressé (T. Cl. 9613).
Dans les deux cas, le céramiste utilise avec précision le
contraste entre les pigments minéraux et les effets de lustre
pour séparer contours et volumes du corps, ces derniers
se fondant élégamment avec le décor du fond.
Fin de la production
À partir du deuxième tiers du XVIe siècle, la production
du Levant espagnol se standardise et perd en qualité. Peu à
peu, la palette chromatique se réduit à de simples effets de
reflets métalliques de plus en plus cuivreux aux dépens des
pigments minéraux. Quelques pièces, cependant, témoignent
encore de la survie d’une production intéressante (U. Cl. 9596
ou V. Cl. 9624), avec parfois des formes originales (tasses W.
Cl. 2622 et Cl. 2623, salières X. Cl. 10891 et 10892).
Xavier Dectot, conservateur
I. Cl. 2775
J. Cl. 2777
M. Cl. 2305
O. Cl. 2240
P. Cl. 1686
Q. Cl. 13503a
R. Cl. 7647
S. Cl. 3220
IXe siècle
Premières céramiques lustrées enMésopotamie
Fin du XIIe siècle
Premières faïences en Occident
1238
Conquête de Valence par Jacques Ier d’Aragon
Fin du XIVe siècle
Début de la production de faïencelustrée dans le Levant espagnol
1492
Conquête du royaume nasride deGrenade par Isabelle de Castille etFerdinand d’Aragon
6 p l a c e P a u l P a i n l e v é , 7 5 0 0 5 P a r i sS e r v i c e c u l t u r e l . T é l . 0 1 5 3 7 3 7 8 1 6w w w . m u s e e - m o y e n a g e . f r
Après utilisation, merci de remettre ce document sur son présentoir.Ce texte est disponible sur le site internet du musée ou sur demande à l’accueil.
G M L
S T
F Q R
P J KO N
U
VW
X
I H
œuvres sur socles
Fond grande vitrine
Une croix votive byzantineà programme marial (A)Cette grande croix processionnelle, au revêtement
d’argent sur âme de fer, a été realisée dans l’empire
byzantin. L’une des deux faces est ornée de médaillons et
de rinceaux repoussés* et dorés, l’autre de figures niellées*,
dorées et incisées. Ce type de croix semble avoir été
courant dans l’Orient chrétien, mais très peu d’exemplaires
sont conservés.
Sur la face repoussée, le médaillon central inscrit, en buste,
la Vierge orante (en prière) ; les médaillons des
extrémités figurent au sommet le Christ, à la base saint
Jean Baptiste, de chaque côté les archanges Michel et
Gabriel. L’iconographie de cette face est une variante
de la Déisis, ou supplication du Christ par les deux
intercesseurs privilégiés, la Vierge et saint Jean.
Sur la face niellée*, autour du thème byzantin de la Vierge
hodigitria (“qui montre le chemin”, debout, tenant
l’Enfant) placée à la croisée, se succèdent des scènes
de l’histoire de la Vierge, à lire dans le sens des aiguilles
d’une montre à partir de la droite : la Présentation au
Temple et la Vierge nourrie par un ange sur les marches
de l’autel, deux moments du même épisode relaté par
le protévangile de Jacques (texte apocryphe du IIe siècle),
puis l’Annonciation et la Crucifixion.
Le programme marial de cette croix, développé sur
ses deux faces, permet de supposer qu’elle était destinée
à une église ou à une chapelle dédiée à la Vierge.
La représentation au pied de la face niellée* du donateur,
le moine Kosmas, accompagné d’une inscription
dédicatoire, montre qu’il s’agit d’une croix votive.
Les anomalies dans les inscriptions grecques invitent
à ne pas situer sa production à Constantinople, la capitale,
mais dans une province de l’empire byzantin, peut-être
en Anatolie. Par comparaison avec des œuvres peintes dans
l’empire byzantin, cette croix peut être datée de la fin
du XIe ou du début du XIIe siècle.
Le devant d’autel de Bâle,une commande impériale (B)Né en 962, l’empire ottonien (fondé par Otton Ier), futur
Saint Empire, entretient avec Byzance des liens étroits,
commerciaux, diplomatiques et matrimoniaux (comme
l’atteste la plaque d’ivoire de la salle 10 où sont représentés
Otton II et la princesse Théophano), mais aussi artistiques.
Les œuvres en provenance de l’empire byzantin et
les artistes grecs circulent en Occident ; un maître byzantin
a peut-être contribué à la fabrication de cette œuvre.
Les devants d’autel, destinés à orner la face antérieure d’une
table d’autel, sont fréquents au haut Moyen Âge. Œuvre
monumentale en or et pierreries sur âme de chêne, celui-ci
présente, dans un encadrement de rinceaux peuplés
d’oiseaux et de quadrupèdes, cinq arcades surmontées
de médaillons figurant les quatre vertus cardinales :
Prudence, Justice, Tempérance, Courage. Ces arcades
abritent chacune un personnage debout, travaillé au
repoussé*. Au centre, le Christ bénissant tient un globe avec
le chrisme (monogramme du Christ), l’alpha et l’oméga.
Quatre figures sont tournées vers lui : à gauche, saint
Benoît, fondateur de la règle bénédictine, muni d’un livre et
d’une crosse , symbole abbatial ; puis les archanges Michel,
Gabriel et Raphaël. Aux pieds du Christ, deux figures
minuscules sont prosternées en signe d’humilité : ce sont
les donateurs et commanditaires, l’empereur Henri II
et son épouse, l’impératrice Cunégonde.
Ce devant d’autel, fabriqué entre 1015 et 1022, peut-être
à Reichenau, à Ratisbonne ou à Bamberg, plus probablement
à Fulda, fut offert par l’empereur à la cathédrale de Bâle.
Mais sa destination initiale était sans doute un monastère
bénédictin - comme le laisse supposer l’inscription complexe
qui magnifie saint Benoît - : peut-être l’abbaye-mère
de l’ordre au Mont-Cassin, près de Rome, ou l’abbaye de
Michelsberg, à Bamberg, fondée par Henri II. Si elle glorifie
le Christ et saint Benoît, cette œuvre célèbre aussi l’empereur
qui, malgré sa position d’humilité, est associé au Christ
Dans cette salle sont réunis quatre objets liturgiques rares et précieux : undevant d’autel, un évangéliaire et sa reliure d’orfèvrerie, un retable, unegrande croix. Cette dernière est une production byzantine. Les trois premières œuvres, au-delà des différences de date et de matériau, présen-tent des caractéristiques iconographiques, techniques et stylistiques, quimontrent les liens artistiques entre les differentes aires géographiques del’Empire germanique.
962
Couronnement impérial d’Otton Ier :
fondation de l’Empire ottonien
1002-1024
Règne de l’empereur Henri II
Début du XIIe siècle
Traité sur divers arts du moine
Théophile
1130-1158
Wibald, abbé de Stavelot
et mécène
1075-1129
Rupert de Deutz, moine
et théologien
Œuvres d’orfèvrerie religieuse
Salle 19FrançaisB
C
A
D
B. Cl. 2350 (détail)
C. Cl. 13247 (détail)
D. Cl. 22653 (détail)
et exalté comme son représentant sur terre. L’œuvre relève
ainsi d’un art à programme, mis au service d’une politique
fondée sur l’alliance entre le pouvoir impérial et l’Eglise.
Le retable de la Pentecôte,chef-d’œuvre de l’art mosan (C)Aux XIe-XIIe siècles, sans que les devants d’autel disparais-
sent, se développent les retables, placés sur la table d’autel,
à l’arrière (retro tabula). L’exemplaire acquis en 1895
par le musée est en cuivre repoussé*, estampé* et doré
sur âme de bois, enrichi d’émaux. Il représente la descente
de l’Esprit saint le jour de la Pentecôte. Groupés par deux
dans un espace rythmé par des colonnes, les apôtres occupent
le registre terrestre, tandis qu’au tympan surgit le Christ
bénissant, tenant le livre ouvert sur l’inscription PAX VOBIS
(“La paix soit avec vous”). Les rayons de l’Esprit viennent
frapper les apôtres qui expriment diverses émotions : surprise,
méditation, soumission…
La réalisation de ce retable, dans les années 1160-1170, est
très probablement liée à la prestigieuse abbaye bénédictine
de Stavelot, centre artistique majeur de la vallée de la
Meuse : sans doute l’œuvre a-t-elle été fabriquée dans
et pour cette abbaye. Elle est caractéristique de l’art mosan
à son apogée, par son style imprégné d’influences classiques,
par sa technique – palette froide des émaux sur cuivre
champlevé et emploi du vernis brun – et par son iconogra-
phie. Celle-ci est représentative des programmes complexes
élaborés par les moines et les théologiens de la région
de Liège, comme Rupert de Deutz, reposant sur d’étroites
correspondances entre Ancien et Nouveau Testaments.
Les sept colonnes renvoient aux sept dons de l’Esprit saint
(sagesse, intelligence, conseil, force, science, piété et crainte
de Dieu), mais aussi aux sept piliers de la maison de la
Sagesse décrite dans le Livre des Proverbes. Le retable n’est
pas seulement une narration de l’épisode de la Pentecôte,
mais aussi une représentation symbolique de l’Église,
nouveau Temple de la Sagesse, dont les apôtres, rassemblés
par la descente de l’Esprit saint, sont les piliers.
La reliure d’évangéliaire de Novare (D)Cette reliure en argent partiellement doré, qui peut être
datée du premier quart du XIIe siècle, orne toujours
le manuscrit, un évangéliaire, pour lequel elle a été conçue.
Son état lacunaire permet de distinguer sous certaines
figures repoussées le bourrage qui servait à les soutenir,
mélange de cire et de tuile pilée qui correspond exacte-
ment à la recette du moine Théophile, auteur d’un Traité
sur divers arts, le seul recueil pratique de cette époque
parvenu jusqu’à nous. Le plat supérieur de la reliure figure
la Traditio legis et clavium : le Christ remet la Loi à Paul et
les clefs à Pierre ; le plat inférieur s’orne d’une Crucifixion
très endommagée. Ces scènes principales sont encadrées
de niches abritant des personnages en pied ou en buste,
anges et archanges, apôtres, et cinq évêques : les saints
Ambroise de Milan, Eusèbe de Verceil, Syrus de Pavie,
Gaudentius et Agabius, les deux premiers évêques de
Novare. Leur présence suggère une origine géographique
de l’œuvre en Italie du Nord, et plus précisément une
provenance novaraise : sans doute était-elle destinée
à la cathédrale de Novare. La place centrale de saint Syrus,
premier évêque de Pavie, évoque le rôle important joué
par cette ville dans les affaires de Novare.
Des modèles communsLa reliure d’évangéliaire de Novare, située chronologi-
quement entre l’autel d’or de Bâle et le retable de Stavelot,
présente avec ces œuvres de sensibles convergences.
Outre leur parfaite exécution, leur équilibre général,
et leur remarquable utilisation du repoussé, les trois
œuvres présentent, par-delà la diversité de leurs matériaux
(or, argent, cuivre), d’importantes similitudes stylistiques
et iconographiques. Les figures du Christ (B, C, D),
par exemple, sont très proches : stylisation des drapés,
habile modelé, tête en fort relief, cheveux séparés
sur le front et tirés derrière la nuque, auréole crucifère,
perlée et gemmée (reproduite en repoussé ou en émaux).
Les drapés et les visages des personnages renvoient
clairement à l’aire de l’Empire germanique.
L’orfèvrerie a trouvé ici un terrain favorable ; la grande
période de la production de l’abbaye de Fulda
et des commandes d’Henri II, dans la première moitié
du XIe siècle, a été relayée par la floraison des régions
du Rhin et de la Meuse au XIIe siècle, et a rayonné
en Italie du Nord, comme le montre la reliure de Novare.
Christine Descatoire, conservatrice
6 p l a c e P a u l P a i n l e v é , 7 5 0 0 5 P a r i sS e r v i c e c u l t u r e l . T é l . 0 1 5 3 7 3 7 8 1 6w w w . m u s e e - m o y e n a g e . f r
Après utilisation, merci de remettre ce document sur son présentoir.Ce texte est disponible sur le site internet du musée ou sur demande à l’accueil.
B. Cl. 2350 (détail)
C. Cl. 13247 (détail)
D. Cl. 22653 (détail)
* Estampé : décor en relief obtenu à partir d’un moule appelé matrice.* Niellé : coloré en gris par du nielle, un sulfure métallique.* Repoussé : technique permettant d’obtenir des reliefs
en martelant le métal sur l’envers.
962
Couronnement impérial d’Otton Ier :
fondation de l’Empire ottonien
1002-1024
Règne de l’empereur Henri II
Début du XIIe siècle
Traité sur divers arts du moine
Théophile
1130-1158
Wibald, abbé de Stavelot
et mécène
1075-1129
Rupert de Deutz, moine
et théologien
B
C
A
D
Tenture de l'histoire de saint EtienneDe la cathédrale au muséeLa cathédrale d’Auxerre, placée sous l’invocation de saintEtienne, conservait une tenture consacrée à ce saint dont la première mention apparaît dans un inventaire dressé en 1569. En 1726, il est précisé que ces tapisseries sont exposées lors “des grandes festes”. Vendues à l’Hôtel-Dieude la ville en 1777, elles furent aliénées par ce dernier au XIXe siècle. Le musée de Cluny acquit en 1880 dixpièces, rejointes en 1897 par deux autres qui avaient étéachetées par le musée du Louvre en 1838.
Les armoiriesLes écus armoriés présents sur la tenture sont de deux types.Les premiers, simples, portent “d’azur à la bande de gueulesaccompagnée de deux amphistères (sortes de dragons) d’or”(fig. 1), armoiries des Baillet, famille de financiers puis parlementaires parisiens connue du XIVe au XVIe siècle. Les autres, partis (fig. 2) ou écartelés (fig. 3), associent à cesarmes celles, “de sable à la croix d’argent cantonnée de seizefleurs de lis d’or”, de la famille de Fresnes. Tous sont surmontés d’une volute de crosse, insigne épiscopal. Ce décor héraldique désigne le commanditaire puisqu’ils’agit des armoiries du père et de la mère de Jean III Baillet,évêque d’Auxerre de 1477 à 1513.
Etienne, vie et légende du saintEtienne occupe une place bien particulière parmi les saintshonorés au Moyen Âge. En effet, mentionné dans les Actesdes Apôtres (cinquième livre du Nouveau Testament), il futl’un des sept premiers diacres et le premier martyr, ce quiexplique le nombre exceptionnel d’églises, notamment decathédrales, placées sous son vocable comme la précocité et le développement de son culte. La tenture d’Auxerre enest l’un des plus spectaculaires témoignages. Les vingt-trois
scènes de la vie et la légende du saint forment un cycle trèscomplet, actuellement réparti sur 12 pièces et long d’environ 45 mètres, déployé sur les murs de trois sallesconsécutives. Le récit, inspiré principalement la Légendedorée de Jacques de Voragine, débute dans la chapelle (salle
20), puis se poursuit dans les salles 19 et 18. Selon un modede narration fréquent au Moyen Âge et proche dans saconception des bandes dessinées, chaque scène comporte,en bas, un court texte en français qui décrit l’épisode représenté et, souvent, une ou plusieurs inscriptions en latindésignant les personnages ou transcrivant une parole attribuée à l’un d’eux. Pour faciliter la lecture, une numérotation a été mise en place sous chacune d’entre elles.
La salle 18 associe deux ensembles prestigieux qui permettentd’évoquer le décor et le mobilier du chœur des grands édificesecclésiastiques à la fin du Moyen Âge : la Tenture de saintEtienne, qui provient de la cathédrale d’Auxerre, et les stalles de l’abbaye Saint-Lucien de Beauvais.
Situé dans le prolongement de la nef et conduisant à l’autel, le chœur est réservéaux desservants, moines ou moniales dans les monastères, frères ou sœurs dans les couvents, chanoines dans les cathédrales et les collégiales, et reçoit donc le mobilier spécifique destiné aux clercs : les stalles. Au cours de la période gothique, l’habitude s’est peu à peu instaurée de le clôturer. La partie qui sépare la nef duchœur, dénommée jubé (d’après le premier mot de la prière Jube Domine benedicere…, “Daigne, Seigneur, bénir…”), reposait sur des arcades permettantaux fidèles d’apercevoir le célébrant. Le pourtour pouvait recevoir à l’intérieur undécor fixe ou mobile. Au XVe siècle, l’expansion de l’art de la tapisserie conduisitainsi à commander de grandes suites de tapisseries relatant les épisodes de l’histoiredu saint protecteur de l’édifice, placées au-dessus des stalles lors de fêtes ou de grandescérémonies.
A partir de 1215
Construction de la cathédrale
d’Auxerre
1228-1298
Jacques de Voragine, auteur de la
Légende dorée
1477-1513
Jean III Baillet, évêque d’Auxerre
1483-1498
Règne de Charles VIII
1498–1515
Règne de Louis XII
La Tenture de Saint-Etienne d’Auxerre
et les stalles de Saint-Lucien de Beauvais
Salle 20Salle 19Salle 18Français
Un récit en vingt-trois scènes commentées
Dans la chapelle1. Le conseil des apôtres décide de nommer sept diacres qui mettront fin à la discorde entre les Grecs
et les Hébreux.2. Etienne et les six autres diacres sont consacrés.3. Discours d’Etienne dans la synagogue.4. Etienne est conduit devant le tribunal du grand-prêtre et accusé de blasphème.5. Les juifs se bouchent les oreilles en entendant Etienne affirmer qu’il voit le Christ siéger dans les cieux.6. Etienne est emmené hors de la ville.7. Lapidation de saint Etienne.
Salle 198. Le corps de saint Etienne est exposé aux bêtes et son âme élevée au ciel.9. Gamaliel recueille le corps de saint Etienne et l’enterre dans son propre tombeau.
10. 417 ans plus tard, Gamaliel apparaît par trois fois au prêtre Lucien et désigne les tombeaux d’Etienne,Gamaliel, Nicodème et Abibas, par une corbeille de roses.
11. Lucien expose sa vision à l’évêque de Jérusalem.12. L’évêque de Jérusalem recherche en vain le corps de saint Etienne.13. Le moine Migetus révèle l’emplacement réel du corps de saint Etienne.14. Transport du corps de saint Etienne et guérison de malades sur le chemin.
Salle 1815. La femme d’un sénateur de Constantinople demande à l’évêque de Jérusalem l’autorisation
de transporter le corps de son mari.16. Le corps de saint Etienne est emporté par erreur ; le saint apparaît au cours d’une tempête
et sauve les passagers.17. Arrivée à Constantinople où la châsse de saint Etienne est reçue par l’évêque Eusèbe.18. L’empereur ordonne de transporter la châsse dans son palais mais les mules refusent d’avancer.19. Eudoxie, fille de l’empereur de Rome, possédée d’un démon, affirme que le corps de saint Etienne
doit être transporté à Rome et être échangé avec celui de saint Laurent.20. Réception solennelle du corps de saint Etienne à Rome.21. Par la bouche d’Eudoxie, le démon affirme que le corps de saint Etienne doit reposer près de celui
de saint Laurent.22. Les envoyés de Constantinople ne parviennent pas à prendre le corps de saint Laurent.23. Le corps de saint Laurent fait place à celui de saint Etienne et Eudoxie est guérie ; les anges chantent
Felix Roma (“Heureuse [ville de] Rome”)
3
2
1
7 6
13 14
12
11
109 8
18
17
15
16
19
20
21
22
23
4 5
chapelle
(fig. 1)
(fig. 2) (fig. 3)
salle 20
salle 19
salle 18
Le style et le décorLe style, le décor et les costumes sont caractéristiques de l’art des environs de 1500. De nombreux éléments formels ou décoratifs relèvent encore de l’art gothique, ainsi, par exemple, les pans des manteaux cassés de plis à becs emboîtés, les ouvertures trilobées ou les tours et lesmurailles crénelées. Les vêtements profanes, par exemple ceux des personnagesmasculins dans les scènes 4, 6, 7, 16 et 20, avec leurschausses moulantes ou leurs jambières à crevés (fig. 4), leurs coiffures, bonnets courts aux bords relevés (fig. 5) ou chapeaux posés de biais (fig. 6), sont typiques de l’extrême fin du XVe et du début du XVIe siècle.
Les étapes de la créationLes historiens de l’art s’accordent pour attribuer les “petitspatrons” ou “maquettes” de la tenture à un artiste de formation nordique, probablement bruxelloise, proche du peintre Colyn de Coter. Plus récemment, de précis rapprochements ont été mis en évidence avec un groupe de tentures de chœur, comme celle de la Vie de saint Remià Reims, et de vitraux, notamment une verrière de l’église Saint-Martin de Montmorency, dont les modèles à grandeurd’exécution ou “cartons” seraient dus à un même artiste actifen Île-de-France dans les années 1500-1530. Ce dernierserait identifiable avec Gautier de Campes, connu notamment pour avoir fourni les cartons de deux tenturesconsacrées à l’histoire de saint Etienne : la plus ancienne -qui servit de modèle à la seconde, destinée à la cathédrale de Sens et dont deux pièces étaient déjà tissées en 1503 - pourrait être celle commandée par Jean Baillet pour sa cathédrale d’Auxerre.Comme pour la plupart des tapisseries de cette époque, le lieu de tissage n’est pas précisément connu. Plusieurshypothèses ont été proposées, sans argument définitif. Il est certain, cependant, que les principaux centres de tissage étaient alors situés dans les Pays-Bas du Sud, notamment à Bruxelles.
Stalles de Saint-Lucien de Beauvais
L’entrée des stalles au muséeLes stalles de l’abbaye Saint-Lucien de Beauvais, détruite à la Révolution, furent recueillies au début du XIXe siècle successivement par deux des premiers amateurs et collectionneurs d’objets du Moyen Âge : Lucien Cambry,préfet de l’Oise (†1807), puis le comte de Saint-Morys(†1817). Elles furent ensuite déposées à Saint-Denis, puis attribuées au musée de Cluny en 1889-1890. Le remontage, qui intègre aussi des compléments acquis en 1970, a placé les éléments anciens sur des socles, fonds et accoudoirs modernes.
Le commanditaireCes stalles avaient été commandées par Antoine Du Bois,nommé abbé commendataire (c’est-à-dire laïque) de Saint-Lucien de Beauvais en 1492, à seulement 21 ans. Une histoire de l’abbaye rédigée au XVIIe siècle précisequ’elles étaient achevées en 1500.
Les sculptures des jouéesLes deux jouées (panneaux placés aux extrémités d’une rangée de sièges) Ca et Cb font référence à l’édifice destina-taire et au commanditaire : sur l’une (Ca), saint Pierreenvoie les saints Lucien, Julien et Maxien évangéliser le Beauvaisis ; sur l’autre (Cb), Antoine Du Bois est agenouillédevant son saint patron, l’ermite Antoine.
Les miséricordes Hormis ces deux panneaux, les éléments sculptés les plussignificatifs sont les miséricordes, petits panneaux horizontaux reposant sur une console sculptée, fixés au revers du siège mobile pour donner aux moines un appuidans la station debout durant les offices et cérémonies. L’intérêt de ces miséricordes réside surtout dans la variétédes sujets sculptés sur les consoles. S’y côtoient thèmes religieux et profanes, parmi lesquels métiers, occupationsdes moines, scènes de fête, de roman ou de fable. Ainsi, sur une première rangée (A1 à A11), se reconnaissent un rôtisseur (A6), un tonnelier (A8), Renart prêchant auxpoules (A4), un moine prêchant (A3). Sur une deuxièmerangée (B1 à B6), les miséricordes représentent des scènes de genre, peut-être inspirées de quelque roman ou fable ; la dernière figure saint Eustache dans le torrent (B6). Sur la troisième rangée (C1 à C11), est évoqué surtout le monde du spectacle : danseur, acrobate, jongleur ;quelques scènes sont plus surprenantes : un homme poussedevant lui un globe (C3), un autre souffle pour faire tournerles ailes d’un moulin (C7).Comment faut-il interpréter la présence de tels sujets ? Faut-il y voir seulement une détente du regard et de l’esprit,parallèle à la détente physique procurée par ces miséricordes ?Ou faut-il rechercher un sens second ? Le goût de la dérisionest, pour le moins, présent : la Prédication de Renart auxpoules (A4) est sans doute une allusion ironique à la prédication des ordres mendiants, “concurrents” des moines réguliers.
Il est certain, par ailleurs, que ces sujets sculptés dans le boispour l’abbaye picarde, comme les épisodes de la légende de saint Etienne tissés pour la cathédrale bourguignonne,témoignent de l’absence, dans la pensée médiévale, de cloison étanche entre le monde réel, souvent trivial et violent, et le monde imaginaire, où s’épanouissent le merveilleux et le sacré : le second appartient au quotidientout autant que le premier, pour lequel il est un exutoire.
Elisabeth Taburet-Delahaye, directrice du musée
6 p l a c e P a u l P a i n l e v é , 7 5 0 0 5 P a r i sS e r v i c e c u l t u r e l . T é l . 0 1 5 3 7 3 7 8 1 6w w w . m u s e e - m o y e n a g e . f r
Après utilisation, merci de remettre ce document sur son présentoir.Ce texte est disponible sur le site internet du musée ou sur demande à l’accueil.
A partir de 1089
Construction de l’église abbatiale
Saint-Lucien de Beauvais
Fin du XIe siècle-fin du XIIIe siècle
Composition du Roman de Renart
1483-1498
Règne de Charles VIII
1492-1507
Antoine Du Bois, abbé commendataire
de l’abbaye Saint-Lucien de Beauvais
1498–1515
Règne de Louis XII
(fig. 4) Chausses mou-lantes et jambières à
crevés (scène 6)
(fig. 5) Bonnet court aubord relevé (scène 16)
(fig. 6) Chapeau posé debiais (scène 4)
Ca. Saint Pierre envoietrois saints évangéliser
le Beauvaisis
Cb. Antoine Du Bois estagenouillé devant son
saint patron
A4. Renart prêchant aux poules
B6. Saint Eustache dansle torrent
C7. Un homme soufflepour faire tourner les
ailes d’un moulin
7 6
B1 B6
A11
A8
A6
A4
A3
A1
C1
C3
C7
C11
20
16
Cb
Ca
4
chapelle
salle 20
salle 19
salle 18
ParisLa richesse de sa collection de sculptures romanes parisiennes
est l’une des grandes spécificités du musée national du
Moyen Âge. Si l’on considère généralement que la sculpture
ne s’épanouit à Paris qu’à partir des années 1140, à la façade
de Saint-Denis, cette collection montre au contraire la varié-
té et la diversité de la sculpture parisienne du XIe siècle au
début du siècle suivant.
L’église abbatiale de Saint-Germain-des-Prés
Le plus ancien exemple de ce renouveau de la sculpture
romane en Île-de-France est Saint-Germain-des-Prés.
Fondation royale, sous le vocable primitif de Saint-Vincent-
Sainte-Croix, cette abbaye joua, sous les rois mérovingiens,
le rôle capital quoique intermittent, de nécropole royale.
Bien que sa disposition d’ensemble ait été respectée au cours
des agrandissements successifs, l’élévation de la basilique du
VIe siècle a entièrement disparu entre le XIe et le XIIe siècle.
Deux campagnes ont en effet bouleversé l’apparence de
l’édifice. La première fut lancée par l’abbé Morard (990-
1014), qui fit reconstruire le clocher. À peine plus d’une
décennie après la mort de Morard, en 1025, Guillaume de
Volpiano fut nommé abbé de Saint-Germain-des-Prés afin
de réformer l’abbaye ;
il ne quitta cette
fonction qu’après
avoir pris soin d’y
placer un de ses
proches, Adraud (abbé
de 1030 à 1060), sous
l’abbatiat duquel
le scriptorium de
l’abbaye prit un essor
considérable.
Il est évidemment
tentant d’attribuer au
grand réformateur
et bâtisseur que fut
Guillaume de
Volpiano une part
dans le modelage de la physionomie de l’église et la
construction de la nef (fig. 1). Au cours de ce chantier, trois
ateliers se partagèrent la réalisation des sculptures.
Le premier occupe une place à part : il réalisa les chapiteaux
végétaux (A à E) et fut précurseur d’un certain nombre
d’ateliers parisiens légèrement plus tardifs, notamment celui
de Saint-Martin-des-Champs.
Les deux autres ateliers furent en charge des chapiteaux
figurés : l'un se caractérise par les proportions trapues qu’il
donne à ses personnages (F et K), fortement saillants sur
le fond de la corbeille, mais au modelé très réduit, à la
limite du méplat, l'autre (G à J) confère à ses personnages
un canon très allongé, la taille est vigoureuse, les modelés
sont doux ; dans ces chapiteaux, l’iconographie de l’eucha-
ristie tient une place particulière.
Sur le chapiteau (L), ont collaboré les deux ateliers
des chapiteaux figurés, celui des figures trapues étant
responsable des petits côtés (L1) quand celui des figures
allongées a travaillé sur la face principale (L2), tout son art
se déployant dans la figure du Christ. L’examen de ce
chapiteau, où la transition entre le travail des deux
sculpteurs se fait difficilement, montre qu’ils travaillent au
même moment. Il semble donc que les deux ateliers ont
cohabité, au moins un temps, et se sont partagé la
réalisation de ce chapiteau qui occupait la place centrale
du cycle. Le Christ y tient l’hostie, ce qui est un moyen
pour les commanditaires de réaffirmer le principe de la
transsubstantiation (la transformation du pain en chair et
du vin en sang du Christ), face aux attaques de certains
clercs hétérodoxes (qui s’écartent de la juste doctrine).
L’abbatiale de Sainte-Geneviève
La comparaison avec les chapiteaux de la nef de Sainte-
Geneviève (M à P), réalisés plus d’un demi siècle plus tard,
au début du XIIe siècle, montre combien les chapiteaux de
Saint-Germain-des-Prés illustrent un moment particulier
de la sculpture parisienne. Au même titre que l’abbaye de
Saint-Germain-des-Prés, l’église des moines génovéfains
était au cœur de l’une des principales communautés
monastiques de la capitale.
Le Haut Moyen Âge n’ignore pas totalement le travail de la pierre, mêmesi celui-ci est surtout destiné au décor liturgique, principalement à motifsd’entrelacs, tandis que la sculpture figurative est plutôt réalisée en stuc, en bronze ou en ivoire. Entre les alentours de l’an Mil et le milieu du XIIe siècle, la sculpture monumentale se développe à nouveau pourprendre place tout d'abord sur les chapiteaux puis sur les grands portails,sculpture qui, au Moyen Âge, était toujours polychrome.
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Sculptures romanes Salle 10Français
L1. Petit côté à figures trapues
D. Chapiteau à décor végétal
K. Chapiteau à figures trapues
I. Chapiteau à figures allongées
(fig. 1) Plan de l’église abbatiale de Saint-Germain-des-Prés et de ses aménagements en 1656
A
L
M O
N P
B C
F G HD E
I J K
L2. Façade principale
950
Étienne, évêque de Clermont,fait réaliser une Vierge d’Orpour sa cathédrale
1014
Mort de l’abbéMorard
1025-1030
Guillaume de Volpiano, abbé de Saint-Germain-des-Prés
1088-1099
Urbain II pape
vers 1100-1110
Construction de la nef de Sainte-Geneviève
1115-1153
Bernard, abbé de Clairvaux
vers 1130
Reprise du chœurde Sainte-Geneviève
Dans la nef (fig. 2), relativement obscure car jouxtée d’uncôté par le cloître (l’actuel lycée Henri IV), de l’autre parl’église paroissiale (Saint-Étienne-du-Mont), quatre trèslarges colonnes étaient sommées de puissants chapiteaux deplus d’un mètre de large. L’un (M) ne présente que des rinceaux végétaux, deux d’entre eux (N et O) figurent lessignes du Zodiaque, le dernier (P) des scènes de la Genèse.Les figures sont ici trapues et peuvent parfois sembler unpeu grossières, mais il ne faut pas oublier l’emplacement très
haut de ces chapiteauxqui répondent avanttout à une fonctionarchitecturale et dontle décor n’était proba-blement que peulisible. L’ensemble deces chapiteaux apparaît comme uneode à la Création,aussi bien à traversson histoire, laGenèse, qu’à traversses conséquences, lanature et l’écoulementdu temps que symbo-lise le zodiaque.
Le prieuré de Saint-Martin-des-ChampsProvenant du prieuré parisien de Saint-Martin-des-Champs,probablement du cloître, un torse de prophète (Q. Cl. 23604), vient rappeler que, même si les témoignages subsistants sont rares, la sculpture parisienneavant la construction de la façade de Saint-Denis et de ses statues colonnes, ne se limitait pas aux seuls chapiteauxmais pouvait aussi prendre des formes plus monumentales.
Sculpture sur boisA côté de la sculpture sur pierre monumentale, destinée à s’intégrer dans l’architecture, les hommes des XIe et XIIe siècles faisaient également appel à la sculpture surbois, notamment pour les œuvres destinées à se trouver àl’intérieur de l’église. Beaucoup plus fragiles en raison de la putrescibilité de leur matériau, celles-ci nous sont plusrarement parvenues.
Les Vierges à l’Enfant d’AuvergneLe nombre de pièces conservées pour l’Auvergne témoignede la richesse de la sculpture sur bois dans cette région au XIIe siècle. La région, à l’époque, est prospère. Urbain IIa choisi Clermont pour l’appel à la croisade. Qui plus est,dans la cathédrale de Clermont, se trouvait une Vierge d’or, réalisée au Xe siècle, à la réputation miraculeuse qui attirait les foules. Au XIIe siècle, cette Vierge fut recopiée dans de nombreuxédifices de la région, donnant naissance à un ensemble parti-culièrement riche de Vierges trônantes, frontales, portantl’Enfant sur les genoux, dont le musée conserve un exemple(R. Cl. 9270). Sans être figuré comme un nourrisson, Jésusn’est pas non plus ici représenté comme un jeune adulte,mais bien comme un enfant, déjà pénétré de sa mission etbénissant de la main droite. Parfois improprement appeléessedes sapientiæ, ces sculptures sont l’un des nombreux signesdu développement du culte de la Vierge au XIIe siècle, danslequel le rôle de saint Bernard fut déterminant.
Les Christs en Croix d’AuvergneL’Auvergne produisit également de grands Christs en Croix, destinés à être placés derrière l’autel. Le musée enconserve deux. Le premier (S. Cl. 23409), sculpté à la toute fin du XIIe siècle,appartient à un groupe originaire du sud de l’Auvergne. La tête posée sur l'épaule droite, les yeux fermés, il insiste clairement sur le caractère mortel du Christ, en un temps oùcertains courants hétérodoxes, voire franchement hérétiques(contraires à la doctrine), remettaient en question sa doublenature, à la fois humaine et divine. Le second Christ (T. Cl. 2149), qui provient au contraire dunord de la région, est plus ancien et aussi plus original.Triomphant, les yeux ouverts, il appartient à l’iconographietraditionnelle du Christ telle qu’elle s’était développée depuisl’époque paléochrétienne. En revanche, son visage fin, auxcheveux bombés sur le dessus, et surtout son extraordinaireperizonium aux plis acérés, rappelant le travail du métal et au nœud ample et largement travaillé, témoignent d’uneouverture de l’artiste aux créations d’autres régions que laseule Auvergne : la Bourgogne toute proche, mais aussi l’Île-de-France où naît alors la première sculpture gothique.
CatalogneLa sculpture sur bois se développa aussi hors du royaume de France, et notamment en Catalogne où, dans le deuxièmequart du XIIe siècle, un atelier réalisa, pour les églises du valde Boí et du tout proche val d’Aran, des ensembles monu-mentaux représentant la Descente de Croix. Un groupe sedistinguait par une iconographie légèrement différente, cellede la visite des Saintes Femmes au Tombeau du Christ, tombeau qu’elles trouvent vide, seule évocation de laRésurrection dans les Évangiles. Deux des sculptures de cegroupe sont conservées, l’une au musée (U. Cl. 23673) etl'autre au Fogg Art Museum de Cambridge (Etats-Unis). Les mains dressées devant le corps, en signe de prière, laSainte Femme est légèrement penchée en avant pour contem-pler le tombeau vide. Par son travail symétrique et sa finessehiératique, elle offre un aspect fascinant que renforce encorela perte de la polychromie qui, comme pour toutes les sculp-tures médiévales de bois ou de calcaire, la recouvrait autrefois.
Xavier Dectot, conservateur
M. Rinceaux végétaux
N. Signe du zodiaque :Verseau
O. Signe du zodiaque :Bélier et Taureau
P. Scène de la Genèse :Adam et Eve
Q. Cl. 23604
R. Cl. 9270
S. Cl. 23409 (détail)
T. Cl. 2149 (détail)
U. Cl. 23673 (détail)
6 p l a c e P a u l P a i n l e v é , 7 5 0 0 5 P a r i sS e r v i c e c u l t u r e l . T é l . 0 1 5 3 7 3 7 8 1 6w w w . m u s e e - m o y e n a g e . f r
Après utilisation, merci de remettre ce document sur son présentoir.Ce texte est disponible sur le site internet du musée ou sur demande à l’accueil.
Musée Nationalthermes & hôtel de Clunydu Moyen Age
(fig. 2) Plan de la nef de l’ancienne église de Sainte-Geneviève
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M O
N
ST
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950
Étienne, évêque de Clermont,fait réaliser une Vierge d’Orpour sa cathédrale
1014
Mort de l’abbéMorard
1025-1030
Guillaume de Volpiano, abbé de Saint-Germain-des-Prés
1088-1099
Urbain II pape
vers 1100-1110
Construction de la nef de Sainte-Geneviève
1115-1153
Bernard, abbé de Clairvaux
vers 1130
Reprise du chœurde Sainte-Geneviève
Le jardin médiéval
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