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TEXTE INTÉGRAL Classiques & Patrimoine William Shakespeare Hamlet

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Traduction de François-Victor Hugo,

révisée par Marc Stéphan

Appareil pédagogique et lexique par

Marc Stéphanprofesseur de Lettres

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Présentation : l’auteur, l’œuvre et son contexteWilliam Shakespeare ———————————————————————— 4-5Aux origines d’Hamlet —————————————————————— 6-7Le contexte historique et culturel ——————————————— 8-9

Hamlet de William ShakespeareTexte intégral ————————————————————————————— 10

Étude de l’œuvre : séances

Séance 1 Une tragédie de la vengeance ——————————— 156

LECTURE, ÉTUDE DE LA LANGUE, EXPRESSION, PATRIMOINEContextualisation : Le théâtre élisabéthainMéthode : Comment analyser les registres tragique et pathétique

Séance 2 Le surnaturel : christianisme et superstitions — 160

LECTURE, ÉTUDE DE LA LANGUE, EXPRESSION, PATRIMOINEHistoire des arts : Le baroqueMéthode : Comment concevoir des indications de mise en scène

Séance 3 Le monde est un théâtre :

vérité et mensonge —————————————————— 164

LECTURE, ÉTUDE DE LA LANGUE, EXPRESSION, PATRIMOINENotions littéraires : Le théâtre dans le théâtreMéthode : Comment organiser un débat

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Séance 4 La portée métaphysique et philosophique ——— 168

LECTURE, ÉTUDE DE LA LANGUE, EXPRESSION, PATRIMOINENotions littéraires : Le monologueMéthode : Comment analyser les registres satirique et ironique

Séance 5 Une pièce poétique —————————————————— 172

LECTURE, ÉTUDE DE LA LANGUE, EXPRESSION, PATRIMOINEHistoire des arts : Les représentations d’OphélieMéthode : Comment analyser le registre lyrique

Autour de l’œuvre : textes et image dans le contexte1. RÉÉCRITURES D’HAMLET

Lorenzaccio, ALFRED DE MUSSET —————————————————— 178

« Ophélie », ARTHUR RIMBAUD ——————————————————— 180

La Machine infernale, JEAN COCTEAU ——————————————— 182

Le Jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet, BERNARD-MARIE KOLTÈS —————————————————————— 185 QUESTIONS

2. VANITÉ

TABLEAU : Vanité, MARIA VAN OOSTERWIJCK —————————— 187 QUESTIONS

Lexique ——————————————————————————————— 188

Sommaire

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Hamletde William Shakespeare

PERSONNAGES

Claudius : roi de DanemarkHamlet : fils du précédent roi, neveu du roi actuelPolonius : chambellan1

Horatio : ami d’Hamletlaërte : fils de PoloniusVoltimand, Cornélius : ambassadeurs danois auprès du roi de NorvègerosenCrantz, Guildenstern : anciens compagnons d’études d’Hamlet et espions du roi ClaudiusosriC : courtisanun GentilHomme

un Prêtre

marCellus, Bernardo, FranCisCo : officiersreynaldo : serviteur de PoloniusComédiens

deux Fossoyeurs

FortinBras : prince de Norvègeun CaPitaine

des amBassadeurs anGlais

Gertrude : reine de Danemark et mère d’HamletoPHélie : fille de PoloniusLe spectre du père d’Hamlet, Seigneurs, dames, officiers, soldats, matelots, messagers, gens de suite

La scène est à Elseneur.

Vocabulaire1. Chambellan : premier ministre.

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Acte I, scène 1

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Acte I

Scène 1ElsEnEur. Une terrasse devant le château.

Francisco est en faction1. Bernardo vient à lui.

Bernardo – Qui va là ?

FranCisCo – Non ! À vous de me répondre. Halte ! Faites-vous connaître.

Bernardo – Vive le roi !

FranCisCo – Bernardo ?

Bernardo – Lui-même.

FranCisCo – Vous venez très exactement à votre heure.

Bernardo – Minuit vient de sonner ; va te mettre au lit, Francisco.

FranCisCo –  Grand merci de venir ainsi me relever  ! Le froid est piquant, et je suis transi jusqu’au cœur.

Bernardo – Avez-vous eu une faction tranquille ?

FranCisCo – Pas même un mouvement de souris.

Bernardo –  Allons, bonne nuit  ! Si vous rencontrez Horatio et Marcellus, mes camarades de garde, dites-leur de se dépêcher.

Entrent Horatio et Marcellus.

FranCisCo – Je pense que je les entends. Halte ! Qui va là ?

Horatio – Amis de ce pays.

marCellus – Hommes liges2 du roi danois.

FranCisCo – Bonne nuit !

marCellus – Ah ! adieu, honnête soldat ! Qui vous a relevé ?

Vocabulaire1. En faction : monte la garde.2. Hommes liges : vassaux entièrement dévoués.

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Acte I, scène 1

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FranCisCo – Bernardo a pris ma place. Bonne nuit !

Francisco sort.

marCellus – Holà ! Bernardo !

Bernardo – Dis-moi, est-ce Horatio qui est là ?

Horatio – Un peu.

Bernardo – Bienvenu, Horatio ! Bienvenu, bon Marcellus !

marCellus – Eh bien ! cette chose a-t-elle reparu cette nuit ?

Bernardo – Je n’ai rien vu.

marCellus – Horatio dit que c’est le fruit de notre imagination, et il ne veut pas se laisser persuader au sujet de cette terrible apparition que deux fois nous avons vue. Voilà pourquoi je l’ai pressé de faire avec nous, cette nuit, une minutieuse veillée, afin que, si la vision revient encore, il puisse confirmer nos regards et lui parler.

Horatio – Bah ! bah ! elle ne paraîtra pas.

Bernardo –  Asseyez-vous un moment, que nous rebattions encore une fois vos oreilles, si bien fortifiées contre notre histoire, du récit de ce que nous avons vu deux nuits.

Horatio – Soit ! asseyons-nous, et écoutons ce que Bernardo va nous dire.

Bernardo – C’était justement la nuit dernière, alors que cette étoile, là-bas, qui va du pôle vers l’ouest, avait terminé son cours pour illu-miner cette partie du ciel où elle flamboie maintenant. Marcellus et moi, la cloche sonnait alors une heure…

marCellus – Silence, interromps-toi !… Regarde ! Le voici qui revient.

Le spectre entre.

Bernardo – Avec la même apparence que le roi qui est mort.

marCellus – Tu es un savant1 : parle-lui, Horatio.

Vocabulaire1. Un savant : Horatio a fait des études avec Hamlet.

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Acte I, scène 1

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Bernardo – Ne ressemble-t-il pas au roi ? Regarde-le bien, Horatio.

Horatio – Tout à fait ! Je suis frappé par la peur et la stupeur.

Bernardo – Il voudrait qu’on lui parle.

marCellus – Questionne-le, Horatio.

Horatio – Qui es-tu, toi qui usurpes1 cette heure de la nuit et cette forme noble et guerrière sous laquelle la majesté ensevelie du Danemark marchait naguère  ? Au nom du ciel, je t’ordonne de parler.

marCellus – Il est offensé.

Bernardo – Voyez ! il s’en va fièrement.

Horatio – Arrête ! parle ! parle ! je t’ordonne de parler !

Le spectre sort.

marCellus – Il est parti, et ne veut pas répondre.

Bernardo – Eh bien ! Horatio, vous tremblez et vous êtes tout pâle ! Ceci n’est-il rien de plus que de l’imagination  ? Qu’en pensez-vous ?

Horatio – Devant mon Dieu, je n’aurais pu le croire sans le témoi-gnage sensible et évident de mes propres yeux.

marCellus – Ne ressemble-t-il pas au roi ?

Horatio – Comme tu te ressembles à toi-même. C’était bien là l’ar-mure qu’il portait, quand il combattit l’ambitieux Norvégien ; ainsi il fronçait le sourcil alors que, dans une entrevue furieuse, il écrasa sur la glace les Polonais en traîneaux. C’est étrange !

marCellus – Deux fois déjà, et justement à cette heure morte, il a passé avec cette démarche guerrière près de notre poste2.

Vocabulaire1. Toi qui usurpes : toi qui prends sans en avoir le droit.2. Poste : endroit où ils montent la garde.

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Horatio – Quel sens particulier donner à ceci ? Je n’en sais rien ; mais, à en juger en gros et de prime abord, c’est le présage de quelque étrange catastrophe dans l’État.

marCellus –  Eh bien  ! asseyons-nous  ; et que celui qui le sait me dise pourquoi ces gardes si strictes et si rigoureuses fatiguent ainsi toutes les nuits les sujets de ce royaume ! Pourquoi tous ces canons de bronze fondus chaque jour, et toutes ces munitions de guerre achetées à l’étranger ? Pourquoi tous ces charpentiers de marine mobilisés, dont la rude tâche ne distingue plus le dimanche du reste de la semaine ? Quel peut être le but de cette activité toute haletante1, qui fait de la nuit la compagne de travail du jour ? Qui pourra m’expliquer cela ?

Horatio – Moi je peux le faire, du moins d’après la rumeur qui court. Notre feu roi, dont l’image vient de vous apparaître, fut, comme vous savez, provoqué à un combat par Fortinbras de Norvège, que piquait un orgueil jaloux. Dans ce combat, notre vaillant Hamlet2 (car cette partie du monde connu l’estimait pour tel) tua ce Fortinbras. En vertu d’un contrat bien scellé, dûment ratifié3 par la justice et par les hérauts4, Fortinbras perdit avec la vie toutes les terres qu’il possédait et qui revinrent au vainqueur. De son côté, notre roi s’était engagé à céder une portion équivalente qui aurait été réunie au patrimoine de Fortinbras, si celui-ci eût triomphé. Ainsi les biens de Fortinbras, d’après le traité et la teneur formelle de certains articles, revinrent à Hamlet. Maintenant, mon cher, le jeune Fortinbras, écervelé, tout plein d’une ardeur fougueuse, a ramassé çà et là, sur les frontières de Norvège, une bande d’aven-turiers sans foi ni loi, enrôlés moyennant les vivres et la paie, pour

Vocabulaire1. Haletante : dont le rythme est rapide et saccadé.2. Notre vaillant Hamlet : Hamlet et son père portent le même prénom.3. Dûment ratifié : approuvé et jugé conforme aux règles.4. Hérauts : officiers importants.

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quelque entreprise hardie ; or il n’a d’autre but (et cela est prouvé à notre gouvernement) que de reprendre sur nous, par un coup de main et par des moyens violents, les terres perdues par son père. Et voilà, je pense, la cause principale de nos préparatifs, la raison de ces gardes qu’on nous impose, et le grand motif du remue-ménage et du tumulte que vous voyez dans le pays.

Bernardo – Je pense que ce ne peut être autre chose ; tu as raison. Cela pourrait bien expliquer pourquoi cette figure de mauvais augure passe tout armée à travers nos postes, si semblable au roi qui était et qui est encore à l’origine de ces guerres.

Horatio –  Il suffit d’une poussière pour troubler l’œil de l’esprit. À l’époque la plus glorieuse et la plus florissante de Rome, un peu avant que tombât le tout-puissant Jules-César, les tombeaux laissèrent échapper leurs hôtes, et les morts en linceul1 allèrent, poussant des cris rauques, dans les rues de Rome. On vit aussi des astres avec des queues de flamme, des rosées de sang, des signes désastreux dans le soleil ; et l’astre humide sous l’influence duquel est l’empire de Neptune s’évanouit dans une éclipse, comme si le jour du jugement dernier arrivait. Ces mêmes signes précurseurs d’événements terribles, messagers toujours en avant des destinées, prologue des catastrophes imminentes, le ciel et la terre les ont fait apparaître dans nos climats à nos compatriotes. (Le spectre reparaît.) Mais, chut ! Regardez ! là ! Il revient encore ! Je vais lui barrer le passage, dût-il me foudroyer. Arrête, illusion ! Si tu as un son, une voix dont tu fasses usage, parle-moi ! S’il y a à faire quelque bonne action qui puisse contribuer à ton soulagement et à mon salut, parle-moi  ! Si tu es dans le secret de quelque malheur national, qu’un avertissement pourrait peut-être prévenir, oh ! parle. Ou si tu as enfoui pendant ta vie dans le sein de la terre un trésor extorqué,

Vocabulaire1. Linceul : drap mortuaire blanc.

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ce pourquoi, dit-on, vous autres esprits vous errez souvent après la mort, dis-le-moi. (Le coq chante.) Arrête et parle… Retiens-le, Marcellus.

marCellus – Le frapperai-je de ma pertuisane1 ?

Horatio – Oui, s’il ne veut pas s’arrêter.

Bernardo – Il est ici !

Horatio – Il est ici !

Le spectre sort.

marCellus – Il est parti ! Nous avons tort de faire à un être si majes-tueux ces menaces de violence  ; car il est, comme l’air, invulné-rable, et nos vains coups ne seraient qu’une méchante moquerie.

Bernardo – Il allait parler quand le coq a chanté.

Horatio –  Et alors, il a tressailli comme un être coupable à une effrayante sommation2. J’ai entendu dire que le coq, qui est le clairon3 du matin, avec son cri puissant et aigu, éveille le dieu du jour  ; et qu’à ce signal, qu’ils soient dans la mer ou dans le feu, dans la terre ou dans l’air, les esprits égarés et errants regagnent en hâte leurs retraites ; et la preuve nous en est donnée par ce que nous venons de voir.

marCellus – Il s’est évanoui au chant du coq. On dit qu’aux approches de la saison où l’on célèbre la naissance de notre Sauveur4, l’oiseau de l’aube chante toute la nuit ; et alors, dit-on, aucun esprit n’ose s’aventurer dehors. Les nuits sont saines  ; alors pas d’étoile qui frappe, pas de fée qui jette des sorts, pas de sorcière qui ait le pou-voir de charmer ; tant cette époque est sanctifiée5 et pleine de grâce !

Vocabulaire1. Pertuisane : arme composée d’une lance surmontée d’un fer tranchant.2. Sommation : avertissement solennel.3. Clairon : instrument de musique en cuivre, sorte de trompette.4. Notre Sauveur : le Christ.5. Sanctifiée : sacrée, noble.

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Acte I, scène 2

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Horatio – C’est aussi ce que j’ai entendu dire, et j’en crois quelque chose. Mais, voyez ! le matin, vêtu de son manteau roux, s’avance sur la rosée de cette haute colline, là-bas à l’orient. Finissons notre faction, et, si vous m’en croyez, faisons part de ce que nous avons vu cette nuit au jeune Hamlet  ; car, sur ma vie, cet esprit, muet pour nous, lui parlera. Consentez-vous à cette confidence, aussi impérieuse1 à notre dévouement que conforme à notre devoir ?

marCellus –  Faisons cela, je vous prie  ! je sais où, ce matin, nous avons le plus de chance de le trouver.

Ils sortent.

Scène 2Salle d’État dans le château

Entrent Le roi, La reine, Hamlet, Polonius, Laërte, Voltimand, Cornélius, des seigneurs et leur suite.

le roi – Bien que la mort de notre cher frère Hamlet soit un souvenir toujours vert ; bien qu’il soit convenable pour nous de maintenir nos cœurs dans le chagrin, et, pour tous nos sujets, d’avoir sur le front la même contraction de douleur, cependant la raison, en lutte avec la nature, veut que nous pensions à lui avec une sage tristesse, et sans nous oublier nous-mêmes. Voilà pourquoi celle qui fut jadis notre sœur, qui est maintenant notre reine, et notre associée à l’empire de ce belliqueux2 État, a été prise par nous pour femme. C’est avec une joie douloureuse, en souriant d’un œil et en pleurant de l’autre, en mêlant le chant des funérailles au chant des noces, et en tenant la balance égale entre la joie et la douleur, que

Vocabulaire1. Impérieuse : absolument nécessaire.2. Belliqueux : qui cherche la guerre.

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Une tragédie de la vengeance

LECTURELecture d’ensemble

1. Acte I, scène 1 : à quels événements politiques passés Horatio fait-il référence ? Quelle atmosphère est ainsi créée par cette première scène ?2. Acte I, scène 5 : en quoi cette scène constitue-t-elle l’élément déclencheur de l’action ?3. Acte II, scène 2 : comment la troupe de comédiens est-elle mise au service de la vengeance d’Hamlet ?4. Acte III, scène 3 : comment le roi compte-t-il éloigner Hamlet d’Elseneur ? Pourquoi Hamlet ne se venge-t-il pas tout de suite ?5. Acte IV, scène 7 : le roi utilise Laërte pour tuer Hamlet. Par quels procédés renforce-t-il la haine du fils de Polonius ?6. Acte V, scène 2 : à la fin de la pièce, peut-on dire qu’Hamlet a atteint ses objectifs ?Questions de synthèse

7. Quels personnages réclament vengeance ? Montrez que leurs motifs sont différents.8. En quoi peut-on parler d’engrenage infernal ?9. La vengeance peut-elle rétablir l’ordre bafoué ?

Lecture d’un extrait (acte I, scène 5, l. 612-712)

10. Que révèle le spectre à Hamlet ? À quoi tient la monstruosité de l’acte de Claudius ?11. Comment le roi défunt incite-t-il son fils à agir ? Quels arguments emploie-t-il ?12. En quoi les paroles du spectre sont-elles effrayantes et pathétiques ? Comment cherche-t-il à impressionner Hamlet ?13. Comment Hamlet réagit-il ?

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Étude de la langue (acte I, scène 5, l. 612-712)

Vocabulaire

14. Le spectre évoque les « dons perfides » (l. 654) du roi Claudius. En vous appuyant sur l’étymologie, décomposez et expliquez la formation de l’adjectif « perfides ».

15. Identifiez dans la tirade que le spectre adresse à Hamlet (l. 653-689) les deux champs lexicaux qui s’opposent.

CONTEXTUALISATIONLe théâtre élisabéthain

Sous le règne d’Élisabeth Ire (1558-1603), le théâtre connaît une vitalité exceptionnelle et un profond renouvellement des formes et des genres. La personnalité de cette souveraine est hors du commun : elle renforce la religion anglicane et assure à l’Angleterre un rayonnement politique et culturel. Durant cette période de prospérité, des auteurs majeurs émergent : Marlowe, Webster, Ben Jonson et, bien sûr, Shakespeare.

Les dramaturges s’éloignent des traditions médiévales et puisent leur inspiration dans le théâtre antique tout en faisant une large place aux enjeux politiques de leur époque. En effet, au Moyen Âge, les comédiens jouaient sur les parvis des églises et sur les places. On représentait des mystères relatant la vie du Christ et des saints. Le caractère solennel de ces pièces religieuses s’opposait au comique des farces.

Les auteurs élisabéthains s’inscrivent quant à eux dans le mouvement humaniste de la Renaissance qui a durablement modifié la pensée occidentale en accordant une attention particulière à l’analyse de la complexité de l’être humain. Ainsi, alors que des salles se multiplient à Londres, la production théâtrale ouvre de nouveaux horizons. Dans La Tragique Histoire du docteur Faust (1589), Marlowe présente un personnage qui a donné son âme au diable en échange de la vie éternelle. Les arts, les sciences et les voyages sont à l’honneur dans les tragédies et les comédies mais des questions plus sombres sont également présentes sur les scènes. Les conflits religieux et politiques (la reine d’Écosse Marie Stuart est exécutée en 1587) habitent ainsi certains drames historiques de Shakespeare comme Richard III. Le théâtre élisabéthain se caractérise donc par sa grande variété.

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Grammaire

16. Horatio s’exclame en parlant d’Hamlet : « Le ciel le préserve ! » (acte I, scène 5, l. 709). À quel mode et à quel temps est conjugué le verbe préserver ?Stylistique

17. Comment nomme-t-on le procédé d’intensification présent dans cette phrase prononcée par le spectre : « Tout meurtre l’est toujours ; mais celui-ci fut le plus horrible, le plus étrange, le plus monstrueux. » (acte I, scène 5, l. 640-641) ?

Lecture d’une réécriture

Le Jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet, Koltès (voir p. 185-186)

18. Quels éléments présents dans l’acte I d’Hamlet sont conservés et exploités par Koltès ?

19. Comment Koltès condense-t-il les premières scènes de la pièce de Shakespeare afin de concentrer l’attention sur la vengeance ?

20. Quelles sont les innovations dramaturgiques proposées (décor, lumières, bruits, personnages) ?

Lecture d’image

21. Qui sont Abel et Caïn ? Pourquoi Caïn tue-t-il Abel ?

22. Comment Rubens met-il en relief la violence de ce meurtre ?

23. Quel lien pouvez-vous faire entre l’histoire d’Abel et Caïn et celle du roi défunt et Claudius ? Rubens, Caïn tuant Abel, 1609

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EXPRESSION

Expression écrite

Dissertation

24. Pourquoi le conflit entre les personnages pourrait-il être ce que vous retenez avant tout de la lecture ou de la représentation d’une pièce de théâtre ? Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur Hamlet mais aussi sur d’autres pièces de votre choix.

25. Dans la scène 2 de l’acte II, Polonius évoque le dramaturge latin Sénèque. Quelles sont les caractéristiques des tragédies de cet auteur ? Quelles influences a-t-il eu sur Shakespeare ?

26. Au xixe siècle, Victor Hugo a revendiqué l’influence de Shakespeare. Dans quels drames romantiques de ce dramaturge la vengeance joue-t-elle un rôle essentiel ?

PATRIMOINE

Le registre tragique se caractérise par l’évocation d’une situation dans laquelle un individu est confronté à des forces qui le dépassent. Celles-ci peuvent être extérieures (puissances divines, obligation ou interdit moral ou politique) ou intérieures (passion amoureuse, haine). Il est donc nécessaire de repérer dans un texte l’expression du caractère inéluctable de la situation en s’appuyant sur le lexique de la fatalité, par exemple. Le tragique entrave la liberté du personnage qui doit toutefois faire des choix pour assumer ou refuser ce destin. Il peut alors être intéressant d’identifier dans un texte les oppositions qui mettent en évidence l’alternative présente. Bien souvent, une situation tragique engendre la douleur du personnage tant le choix à faire est difficile. On parle alors de dilemme. Le registre pathétique (du grec pathos, « souffrance ») est marqué par des procédés d’intensification (répétitions, métaphores, hyperboles, exclamations) et par le lexique de la douleur, tant physique que morale.

Comment analyser les registres tragique et pathétique

Méthode

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Œuvre notamment recommandée pour les classes de 4e dans les nouveaux programmes de collège et pour les classes de 2de et de 1re L dans les programmes de lycée.

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William ShakespeareHamletAu royaume du Danemark, dans le château d’Elseneur, le spectre du roi défunt hante les nuits brumeuses et vient révéler à son fils le nom de son meurtrier. Aux cris de la vengeance se mêlent les plaintes métaphysiques d’un jeune homme dont la folie n’est peut-être qu’une forme suprême de lucidité sur les grandeurs et les misères de l’être humain. Cette pièce spectaculaire (apparitions, théâtre dans le théâtre, duel, empoisonnement), devenue mythique, a inspiré les plus grands écrivains des siècles suivants.

Les atouts d’une œuvre commentée avec, en plus, tous les repères pour les élèves :

• Des rabats panoramiques avec : – une autre œuvre d’art en grand format – une frise historique et culturelle inédite

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ISBN 978-2-210-75679-3

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