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Vera Lux 4 En pleine métamorphose --- Carmen Monuera – 5-11-2013. 1. Aaron avait oublié combien les locaux des administrations, en général, sont similaires, de véritables clones et ce, indépendamment de l’époque, du pays ou de la culture. Le mot d’ordre semble être « pratique » et le concept « neutralité ». Quoi qu’il en soit, les changements de design ne font qu’accentuer la démarche même de l’esprit bureaucratique, ordre et discipline coûte que coûte. Il n’est pas contraire à l’idée, il y a assurément des avantages à cette structure systématique et étatique, mais nul n’est obligé de l’aimer. Heureusement ! Sa guide est une femme agréable, quoiqu’assez rigide dans sa manière de faire. Elle est l’archétype d’une fonctionnaire et son poste à responsabilités est juste et cohérent. Il écoute à peine ses explications détaillées et précises. Une partie de lui-même enregistre ses propos. Plus tard, il fera le tri et se mettra à la page. Pour l’instant, il n’est qu’intéressé que par sa prochaine rencontre avec sa « chef » de stage. Il a un sourire discret et un brin malicieux. Mais il veut surtout marcher sur du velours. Il n’aimerait pas s’en ramasser une, ce qui est dans les paramètres des possibles concernant cette personne. - Ah ! Nous y voici. Comme je vous le disais, ces bureaux sont un peu à l’écart du reste des officines. Mais je pense que vous vous y plairez. En cas de problème, comptez sur mon entière disponibilité. En claironnant les mots, elle entre dans le bureau où se trouve la personne qu’ils sont venus voir. Son bureau personnel est à côté de celui-ci. Elle ne me l’a pas dit, mais il sait une foule d’autres choses sur ces lieux et ceux qui y travaillent. Nul Métamorphe ne s’engage dans une entreprise sans en avoir étudié tous les angles et autres détails. C’est une sorte de seconde nature et un gage de longévité dans leur cas. La femme qui se tient assise derrière son bureau lève les yeux de l’écran de l’ordinateur, les sourcils froncés. Elle ouvre la bouche pour dire quelque chose et reste là, totalement pétrifiée. Elle se relève lentement, me reconnaissant totalement malgré mes lunettes à verres légèrement teintés et très tendance. Elle referme la bouche, la rouvre, se lève, blêmit, rougit et se détient. Je la sais prête à s’élancer dans mes bras, mais le bagou de sa chef la retient. Ça et l’effarement. - Voilà Mlle. Vera Lux qui sera votre responsable de stage et à laquelle vous devrez vous référez les six prochaines semaines. 1

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Vera Lux 4 En pleine métamorphose --- Carmen Monuera – 5-11-2013.1.

Aaron avait oublié combien les locaux des administrations, en général, sont similaires, de véritables clones et ce, indépendamment de l’époque, du pays ou de la culture. Le mot d’ordre semble être « pratique » et le concept « neutralité ». Quoi qu’il en soit, les changements de design ne font qu’accentuer la démarche même de l’esprit bureaucratique, ordre et discipline coûte que coûte. Il n’est pas contraire à l’idée, il y a assurément des avantages à cette structure systématique et étatique, mais nul n’est obligé de l’aimer. Heureusement ! Sa guide est une femme agréable, quoiqu’assez rigide dans sa manière de faire. Elle est l’archétype d’une fonctionnaire et son poste à responsabilités est juste et cohérent. Il écoute à peine ses explications détaillées et précises. Une partie de lui-même enregistre ses propos. Plus tard, il fera le tri et se mettra à la page. Pour l’instant, il n’est qu’intéressé que par sa prochaine rencontre avec sa « chef » de stage. Il a un sourire discret et un brin malicieux. Mais il veut surtout marcher sur du velours. Il n’aimerait pas s’en ramasser une, ce qui est dans les paramètres des possibles concernant cette personne.

- Ah ! Nous y voici. Comme je vous le disais, ces bureaux sont un peu à l’écart du reste des officines. Mais je pense que vous vous y plairez. En cas de problème, comptez sur mon entière disponibilité.

En claironnant les mots, elle entre dans le bureau où se trouve la personne qu’ils sont venus voir. Son bureau personnel est à côté de celui-ci. Elle ne me l’a pas dit, mais il sait une foule d’autres choses sur ces lieux et ceux qui y travaillent. Nul Métamorphe ne s’engage dans une entreprise sans en avoir étudié tous les angles et autres détails. C’est une sorte de seconde nature et un gage de longévité dans leur cas. La femme qui se tient assise derrière son bureau lève les yeux de l’écran de l’ordinateur, les sourcils froncés. Elle ouvre la bouche pour dire quelque chose et reste là, totalement pétrifiée. Elle se relève lentement, me reconnaissant totalement malgré mes lunettes à verres légèrement teintés et très tendance. Elle referme la bouche, la rouvre, se lève, blêmit, rougit et se détient. Je la sais prête à s’élancer dans mes bras, mais le bagou de sa chef la retient. Ça et l’effarement.

- Voilà Mlle. Vera Lux qui sera votre responsable de stage et à laquelle vous devrez vous référez les six prochaines semaines. Vera, ma chère, voici une aide qui vous sera très utile. Monsieur Aaron…

Elle regarde le document qu’elle tient en main, par souci de véracité et prononce son nom avec une intonation et des erreurs de prononciations qui manquent de le faire éclater de rire. Il avoue qu’il a fait en sorte d’avoir un nom des plus difficiles à retenir, cela n’incite personne à faire l’effort.

- … Soiléireacht. Je suis certaine que ce n’est pas la bonne prononciation, vous voudrez bien m’excuser.

- Bien sûr ! J’ai moi-même du mal quelquefois…- Oh, C’est si aimable de votre part de le dire !

Elle a un petit rire amusé et coquet. Il voit les yeux de Vera s’écarquiller d’étonnement. Il semble que sa chef ne soit pas coutumier du badinage. Du moins pas in situ. Cette dernière continue à jacasser sur un ton surexcité et souriant. Vera n’a rien dit. Il s’approche d’elle avec précaution. Elle tend la main, manière subtile de le tenir à l’écart. Il la lui serre doucement. Elle lui a tant manqué, même si cela ne fait pas si longtemps qu’ils se sont vus. Ils ont même échangé quelques What’s App et emails, mais ce n’est pas la même chose. Il reste une proximité de corps et d’esprit qui n’existe que face à face. Les Métamorphes ont besoin de cette proximité, plus encore si une personne leur est proche et, de fait, nécessaire.

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- Ce nom signifie-t-il quelque chose ?

Vera Lux affiche une mine paniquée, ayant zappé les palabres de sa chef, pas lui.

- Oui. Cela signifie clarté.- Ah !

Elle hoche la tête. Vera Lux le regarde fixement. Elle connait son vrai nom de famille, mais elle n’a pas bronché. Elle en connait suffisamment sur les natures et essences Outre-Vivant pour savoir que les noms, prénoms et patronymes sont tous factices et interchangeables, cela dû à la longévité dont ils font preuve.

- Bien ! Je vous laisse entre de bonnes mains, Monsieur Soi…- Appelez-moi Aaron, ce sera plus simple…- Merci ! Moi c’est Gina, mon deuxième prénom. De toute façon, nous ne privilégions pas du

tout le formalisme dans ce département, vous serez d’accord avec moi pour dire que c’est surfait et pénible, hein !

Elle a un petit rire et il a l’impression que Vera va lui faire une petite apoplexie dans pas très longtemps, ce qui l’informe que « Gina » n’est vraiment pas dans son état habituel. Il en rirait bien, mais il croit que ce serait malvenu. Gina les salue en pépiant quelques mots de salutation et de bienvenue supplémentaires, l’assurant de son « entière disponibilité pour quoi que ce soit » et sort de la pièce en dansant presque. La porte se referme derrière elle, ce qu’il apprécie. Vera est toujours immobile. Il craint le… Avec un petit rugissement maîtrisé, elle s’élance vers lui. Il la rattrape et enterre son visage dans ses cheveux, alors qu’elle s’enroule autour de lui comme une liane. Il a tant désiré être près d’elle, son amie, sa très chère amie, sa sœur d’âme...

Je me reprends un peu. Quel comportement inadéquat pour une fonctionnaire de l’Etat ! A ma décharge, j’étais inquiète. Avec la venue de Dariana chez moi, voilà sept jours, j’ai eu le temps de me faire du mouron. Entendons-nous bien ! Aaron avec son âge certain est tout à fait à même de se soigner et de se préserver, nonobstant… Vous connaissez quelqu’un qui se trouve en parfaite sécurité ? A l’abri d’un quelconque problème ou souci, voire pire ? Si vous en connaissez un, peu importe sa nature ou son essence, venez m’en faire part, je suis vachement curieuse de rencontrer un tel phénomène ! Ceci dit… Quand vous dîtes que vous aimez quelqu’un, vous vous en foutez de ce qui peut lui arriver ? Non ! OK ! On est bien d’accord ! Donc, j’ai angoissé à donf ! Et le voilà, toujours aussi craquant.

- On peut savoir où t’étais ?

Merde ! J’avais pourtant décidé de l’accueillir lorsqu’il apparaîtrait de la meilleure façon qui soit et voilà que je te l’alpague comme une mère inquiète ! Wouh !

- Et bien… Quel est le problème ?- Le problème ? Pourquoi devrait-il y en avoir un ? Ma vie n’est-elle pas un très, très, très long

fleuve tranquille ?

Aaron me tient à bout de bras et scrute mon visage.

- Si c’est le cas, j’ai vraiment été très, très, très longtemps absent !

Je soupire profondément en me laissant aller contre lui.

- Tu as raison. Viens, assieds-toi ! Tu veux un café, thé…- Une explication de ta question, surtout, mais si tu avais du chocolat chaud…- Là, je te retrouve ! Oui. J’en ai. Il se fait que Whouna…

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- Whouna ? Il vient ici ?- Des fois. Tiana aussi lorsqu’il a envie de « changer d’air », d’après ses propres mots.- Bon sang ! Tiana ? J’arrive pas à le croire ! Normalement, il ne sort pas d’où il réside. - Oui, ben, tes infos datent un peu. Depuis deux semaines, il passe beaucoup de temps dans les

Cour en Féérie. Il a des trucs à mettre en ordre et avec Whouna, c’est en cours.- En Faërie ? Ne me dis pas que Tiana est retourné là-bas ?- Pas exactement. D’après ce que j’ai compris, avec les… T’es au courant pour le hacker de

Whouna ?- Oui. - OK ! Ben comme la menace avait été très sévère, Dan Miangel…- Bordel !

Aaron s’est levé d’un bond et tourne comme une toupie dans mon petit bureau. Je fronce les sourcils. Un conseil amical total : si vous avez dans l’idée d’avoir des rapports quel qu’ils soient avec des Outre-Vivant, abstenez-vous ! Dès qu’on pense les avoir entravé dans la comprenure, ils se mettent à faire des machins vraiment, mais alors, vraiment pas du tout comme nous. Je veux dire les vivants… La preuve, un mètre nonante-quatre de muscles sous une peau splendide, un visage séraphique sous des cheveux soyeux et mi-long retenu par un lien en cuir et des yeux d’un brun foncé tellement chaud et doux qu’on s’y ferait bien fondre dedans comme un morceau de sucre. Quant aux Lèvres… Censure totale, là !

- Ne me dis pas que tu as laissé ce…

Là il dit un mot que je ne peux même pas vous reproduire, j’ai rien pigé ! Encore un langage d’ailleurs ! Mr. Spock, au secours !

- … c’est l’être le plus… et le moins… et encore, je t’en passe et des meilleurs ! Où est-il ? - Je crois qu’il est en Féérie. C’est une sorte de chef de liaison entre Whouna et là-bas et aussi

Tiana, mais je ne peux pas t’en dire beaucoup plus, je n’y comprends pas grand-chose. C’est un peu comme avoir une succursale de l’ONU à la maison ! Note, ça évite de s’emmerder, mais y’a des jours, des fois…

Aaron se rassoit. Il me regarde fixement. J’ai l’impression qu’il rembobine des séquences d’un passé commun avec Dan et ça n’a pas l’air de lui plaire, ni de lui réussir. Il serre les poings et il est aussi blanc qu’un vampire, enfin comme on l’imagine habituellement pour les V.

- Ecoute ! Inutile de t’inquiéter pour moi. J’ai Mikaïl, Glorios et John, sans parler que Whouna n’autoriserait jamais des débordements violents à mon encontre.

- Oui…

Il se passe une main tremblante sur le visage.

- Tu as raison ! Excuse-moi ! J’ai un vieux contentieux avec lui et… son nom me provoque toujours une hargne terrible !

- Je vois cela ! Mais normalement, il ne vient que très rarement. Disons qu’il n’a pas l’unanimité de sympathie à la maison non plus, même s’il s’est bien comporté et qu’il a été d’une bonne aide.

- Je n’en doute pas. C’est un excellent… exécuteur !

Je n’insiste pas. Autant dévier l’attention. Je n’aime pas le voir ainsi, d’autant que je suis très heureuse de le revoir.

- Alors… Où étais-tu ?- Pourquoi t’en inquiéter ?- Tu n’as pas eu mes messages ?

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- Quels messages ?- Pffuuuu ! T’es pire que moi, là et ça ne te ressemble pas ! Normalement, ce n’est pas toi qui

râle de voir la plupart des Outre-Vivant faire de l’obscurantisme vis-à-vis des nouvelles technos ?

- Oui. Tu as raison, mais disons que là où je suis allé, la techno n’était pas viable.- Je vois.

Que dalle ! Normal, du contraire j’aurais pu m’inquiéter que je comprenne un peu plus sur ce qu’ils me disent ou font ! Comme d’hab, quoi.

- Ecoute… c’est pas que je veux t’inquiéter, mais… Dariana est chez moi depuis une semaine et cela fait près de deux ou plus qu’elle cherche à t’atteindre sans y arriver ?

- Dariana ? - Oui. - Bon sang ! Tu en as encore pour longtemps ?- Non ! On peut y aller, si tu veux…- Ce sera le mieux ! - C’est grave…- Oui et non. Dariana ne serait pas venu me chercher si tout allait bien.

CQFD !

- Bien, allons-y !

J’éteins l’ordi et le scan. Je mets un peu d’ordre. Je jette un regard sur mon merveilleux bureau, si calme, si banal, si neutre. Un vrai havre de sérénité, je l’adore ! Aaron regarde par mon bout de fenêtre. Sa tête est ailleurs, je le sais. Ben voilà, quand je pensais que c’était retour à la normale, c’est reparti pour un tour !

2.Le trajet jusqu’à ma maison a été ponctué par des éclats de rire fréquents. Il m’a donné des

nouvelles de tous ceux que j’avais rencontrés lors de mon séjour en Irlande chez John. Jostard, l’oncle et mentor de John ainsi qu’Ancien des Garous, a eu quelques difficultés avec le Spa pour Outre-Vivant. La responsable, Solina, fille putative de John (il l’a transformée en loup-garou) et une Félidas de nature - moi je suis juste une zinneke du genre et en essence seulement, pas en nature – avait décidé de faire des tas d’aménagements, car, texto, « Vera a su m’inspirer ce qui manque à ce Spa », et ceux-ci ont été mené avec un maximum de grognements. Pourtant, Jostard est vraiment fair-play. Mikaïl l’est plus, mais bon, c’est pas pareil ! Il m’a donné quelques explications sur ses propres recherches et aussi sur les difficultés qu’il avait de faire rentrer les Outre-Vivant, en général et les garous, en particulier dans « l’air et l’ère cybernétique du temps », dixit lui-même. Son projet de scanner les monceaux d’informations que les diverses bibliothèques appartenant aux garous possèdent est tout simplement un challenge terrifiant. Bien sûr vu le temps qu’il peut vivre normalement cela ne devrait pas poser de problème, mais ça reste une tâche gigantesque. Aussi son idée de venir travailler dans mon département n’est pas bête du tout. Il pourrait en retirer des idées pour ce projet qui lui tient vraiment à cœur, d’autant qu’Aaron est un virtuose de l’Internet et j’irais jusqu’à subodorer qu’il est un brin hacker par moment.

A quelques kilomètres de chez moi, alors que le trafic daigne enfin devenir fluide, il me pose la question fatidique.

- Je crois que tu as rencontré Nestor…

Je suis restée comme deux ronds de flan. Comment l’a-t-il su ?

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- Oh, le téléphone Outre-Vivant fonctionne nettement mieux que tous ceux existant et ayant existé. Et crois-moi… Nestor est une vraie légende urbaine. Il a pratiquement des « fans clubs » version Outre-Vivant un peu partout dans les mondes et depuis des millénaires.

- Ben… sans vouloir vexer quiconque… Sans moi !

Et de lui narrer derechef certains des moments clefs du séjour qu’il a eu l’«  extrême amabilité » d’égayer pour son frère de lait, Mikaïl, avec la chance que j’étais également là. Aaron riait tellement qu’il en pleurait. Il était vraiment plié en quatre et à l’arrêt d’un feu rouge, le conducteur d’à-côté, de pur saisissement, en avait la mandibule qui caressait pratiquement ses genoux. Si vous n’avez jamais vu un Outre-Vivant se bidonner, vous ne savez pas ce que c’est se marrer à donf, croyez-moi !

Lorsque je me suis garée dans mon allée, il reprenait difficilement son souffle. Des trémolos de rires gargouillaient encore dans sa gorge lorsque je suis entrée dans le hall. Nous n’entendons rien de précis, ce qui est toujours inquiétant en soi. Ma maison est devenue un moulin, mais version Outre-Vivant, autrement dit, imprévisible et je suis depuis quelques mois très attachée à la plus plate routine, aux habitudes, au train-train quotidien le plus basique et mortel. Croyez-moi vous aussi vous désireriez cela si vous deviez vous coltiner cette heureuse assemblée ! Et encore, il paraît que les extra-terrestres sont vraiment encore plus bizarres à vivre que les autres ! Je sais ! Moi aussi, j’ai ri la première fois qu’on m’en a parlée. J’ai même demandé à la personne qui m’en parlait si elle était sérieuse en me disant cela. Croyez-moi sur paroles, mettre en doutes ce que dit un Fée, c’est vraiment une très mauvaise idée. Donc, j’ai bien dû y croire, en priant très fort Dieu (qui heureusement n’est pas trop défini, parce qu’après mes rencontres avec Flidais, Morrigan et An-eh, je suis en passe de devenir athée) de n’avoir aucune visite d’Extra-Terrestre. Quoi qu’ET… ce n’est pas la même chose, on voyait bien qu’il était super gentil… Bref ! Je veux même pas savoir des trucs sur eux, tiens !

Je fais les honneurs des pièces que nous traversons, du jardin qu’on observe un instant en passant près d’une de mes vérandas, pour nous acheminer à la pièce où je pense pouvoir trouver une partie de tout mon p’tit monde. J’entre dans le séjour et me pétrifie sur le seuil. Pas comme les V, mais presque. Autour de la table, il y a Whouna habillé en… malfrat des années trente lors de la prohibition d’alcool américaine, borsalino en plus ? Glo et Mi sont là aussi en tenue décontractée, jeans et sweat et enfin Dani avec un costume de… croupier ? Attends, c’est quoi ça, Las Vegas version chtarbé made in Brussel ? J’hallucine ou quoi?

- Yo, V !- Daniel… c’est ton idée ?- Ben… s’il veut comprendre les jeux vidéo basiques avant d’entrer dans plus compliqué, faut

qu’Who apprenne les jeux des ancêtres. On a déjà fait le scrabble, le Monopoly, le parchis et maintenant les cartes avec d’abord le poker. Si tu drives le poker, tu drives tout!

- M’enfin tout d’mêm’… Des jeux de société ?- Tu m’as dit qu’il faut « toujours s’en référer à la base des choses pour mieux comprendre

comment on en arrive là où on en arrive. »

Je reste estomaquée. Petit morveux ! Utilisez mes mots pour en faire n’importe quoi, non mais j’vous jure des fois ! Et puis… La vie, enfin, le Monde, c’est pas qu’une grande salle de jeux, merde ! Quoi que… Quand on voit ce qui se fait : Bourse, Marché Immobilier, Google, Internet en général, Banques… Peut-être que si. Je soupire profondément. Il n’a sans doute pas tout faux, le p’tit con!

- T’as raison…

Mes deux CV me sourient d’un air niais, histoire de ne pas pavoiser. Ils ne perdent rien pour attendre. Je me vengerais tout à l’heure sur matelas, je le jure, foi de VL ! Ils ont un petit rire qui est englouti dans celui toujours féérique de Whouna. Essayez donc de vivre avec des Outre-Vivant. C’est super enjoy ! Dani me cligne de l’œil, tout en ramenant son petit monde à l’ordre du jour.

J’entends un gloussement réprimé derrière mon dos. J’en avais presqu’oublié Aaron. J’aurais dû m’en douter ! Tout cela l’amuse et le comble, le bougre ! Whouna me fait un clin d’œil appuyé. Hou là ! C’est comme de voir Monsieur Spock s’essayer à l’éclat de rire ! Flippant ! Je lui souris en

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retour lorsque je le vois froncer les sourcils, puis c’est une véritable aurore boréale qui surgit sur tout son visage.

- Ouani !- Mouwa ? C’est bien toi…

Aaron me dépasse vélocement. Whouna et lui se fondent dans une étreinte puissante tout en riant aux éclats. J’ai la sensation d’être dans une…  Splendeur féérique ? Je ne sais pas comment le définir, mais c’est éclatant et resplendissant, la quintessence de la félicité. J’en suis comme deux ronds de flan. Eh bé ! Ils se parlent dans une langue qui me semble… ronde. C’est bizarre de dire cela, mais c’est l’impression que cela donne. Je me sens à la fois estomaquée, mais aussi euphorique. Mes deux CV d’amour sourient d’un air entendu. Mais comment donc ! Que savent-ils que je ne sache pas, à part tout ? Dani assiste à tout cela avec un intérêt de véritable scientifique, mais pas vraiment surpris. Y’en a pas un pour rattraper l’autre ! Au bout d’une petite éternité, on se rend enfin compte que je suis légèrement larguée. Mikaïl décide de me mettre au parfum. Simple, dans le fond et sympa ! Illuminons donc la petite vivante humaine, histoire qu’elle ne meurt pas totalement idiote ! Waouh ! Faut vraiment que j’en ai plein la patate, là, mais bon… ça vous arrive jamais d’avoir l’irritabilité niveau éruption volcanique non canalisable ? Non ? Ben tant mieux pour vous, alors !

3.« Le fracas des armes et les hurlements de souffrance emplissent l’air avec une férocité telle

que cela en devient insoutenable. Deux jeunes hommes s’écroulent sur le sol rougi. La vélocité des attaques successives sont difficile à suivre des yeux pour les vivants, sauf qu’il n’y a pas de vivants là où le massacre a lieu. Aaron se défend du mieux qu’il peut de l’attaque des garous qui s’abat sur eux sans pitié. Il change constamment de forme échappant ainsi aux attaques incessantes. Certains de ses congénères l’imitent, mais le nombre de victimes va croissant. Le désespoir n’est pas une option sur le champ de bataille, mais cela ne va pas tarder à arriver. Du coin de l’œil, Aaron voit apparaître un être qu’il pensait appartenir aux légendes. Un yengo. La bête monumentale de trois mètres d’envergure pousse un rugissement tellement terrifiant que tous s’arrêtent brusquement, comme figés dans une horreur indicible. Les Métamorphes en profitent pour prendre des formes qui leur permettent de fuir sans demander leur reste. Aaron prend contre lui deux petits enfants qui ont de la peine à revenir à leur forme habituelle. Des larmes coulent rouge rubis sur ses joues pâles. Il refuse de voir ceux qui gisent sur le sol écarlate. Trop, beaucoup trop… Il déglutit. Un autre vampire s’approche du yengo. Mana. Le plus ancien des vampires, une légende dans le monde des Outre-Vivant. Peu de temps après, John Faoleire regarde le carnage. Un hurlement terrifiant surgit d’entre ses lèvres alors qu’il se transforme en un loup gigantesque. Les combattants se mettent en mode soumis devant celui qui est le chef des meutes. Jostard, son oncle qui est le gardien des garous en général et des loups garous en particulier, est là aussi et sa rage est indescriptible. Aaron ne comprend pas ce qui se passe, mais pour la première fois depuis le début de cet ignoble carnage, une lueur d’espoir luit dans son cœur. Lorsqu’il pensait qu’il ne pouvait plus s’ébahir de ce qui se passe, un être sublime arrive. Il le regarde, fasciné et complètement abasourdi. Il ne sait pas qui il est ou ce qu’il est, mais cela importe peu. Chacun d’eux se plie naturellement à la puissance de cet être. Imperceptiblement il se tend vers lui, comme s’il pouvait… Il ne sait trop. Sa force est si incroyablement vivante, alors qu’il sait que cet être ne l’est pas, qu’il doute de pouvoir comprendre exactement ce qui se passe. Les loups garous commencent à ramasser les corps et les placer côte à côte. L’être qui resplendit sous la lumière du jour passe près de chaque corps. Il pose une main sur chacun d’eux. Avec émerveillement il voit certain des siens revenir à la vie. D’autres restent tel qu’ils sont tombés. Aaron assume que certains sont morts, alors que d’autres ne l’étaient pas encore totalement. Personne ne revient de la mort, même pas les Outre-Vivant. Aaron se laisse tomber à genoux trop ému pour rester debout. Il berce ses deux frères entre ses bras avec un sentiment de soulagement extrême. » 

Je reviens à moi, pour ainsi le dire. Je titube un instant, la respiration courte tant ce que j’ai vu m’a déstabilisé. Tout ce sang, cette agonie, cette furie imbécile sans pitié, sans rien d’autre qu’un désir d’éliminer, d’anéantir, de détruire. Je respire pesamment, le cœur en lambeaux. Comment peut-on

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promouvoir seulement l’idée de guerre ? Mikaël, qui a projeté en moi cette vision tout en posant ses pouces sur mes tempes en l’effleurant à peine, me soutient contre lui avec douceur. Je m’agrippe à sa force. Il comprend si bien ce que je ressens. Il me sourit légèrement.

- Tu as sans doute compris qu’il s’agissait de Whouna, mon aimée…- Oui, bien sûr. Qui d’autre sinon?

Mikaïl me serre plus fort contre lui en riant doucement. Pourquoi ? Il y a d’autres Whouna à part notre Whouna ?

- Non, mayame ! Whouna est unique.- Je ne devrais pas le dire, mais c’est plutôt rassurant.

Mikaïl a ce petit rire inaudible qui me… wouh ! Il est si craquant… mais…

- Donc, c’est quoi la suite de l’histoire ?- Une réunion qui a duré sept mois.- Sept mois ? Ben, on ne peut pas dire que vous êtes plus rapide que nous pour régler des

problèmes !- Oh, crois-moi, yamanahe ce délai est extrêmement court. Nous avons eu le cas d’une réunion

qui a duré cent sept ans !- Quoi ? - Oui. Le conflit était tel qu’il a fallu tout ce temps…- Ben… Note… dans certains cas, on peut dire que l’Histoire humaine a eu certains conflits qui

ont nécessité des siècles pour se résorber et quand on voit certains résultats on se dit que tout n’est pas vraiment réglé…

- J’imagine que c’est une analogie viable… - Donc… - Whouna a présidé les réunions. Il s’est établi dès le début des tractations comme le protecteur

des métamorphes…- Mais… attends ! Pourquoi les garous et surtout les loups garous ont-ils commis ce carnage ?

J’ai cru comprendre, enfin… J’imagine qu’ils voulaient la destruction totale de ces derniers. Si c’est le cas… Pourquoi ?

- C’est exact. La raison, si jamais on peut attribuer une raison à un tel comportement nihiliste et génocidaire vis-à-vis d’autres êtres vivants ou Outre-Vivant, est toujours assez confuse et non justifiable. On peut dire que la peur et aussi l’incompréhension sont les moteurs d’une telle attitude. Les métamorphes sont des êtres à part parmi les Outre-Vivant. Au départ, ils sont de la même nature que les Garous, mais une disparité génétique a changé la donne, faisant des Métamorphes une communauté différente et exceptionnelle. Leur capacité et leur potentialité les rendent terriblement puissants et par là-même dangereux pour les garous. Du moins, c’était l’idée à cette époque. Lorsque les pourparlers sont devenus contondants, Whouna a décidé qu’il était temps de proportionner aux métamorphes une Communauté à part et surtout des gardiens plus proches d’eux. Il décida aux termes des sept mois de discussion que les Garous en général et les loups garous en particulier, sous la houlette de Jostard et de John, les protègeraient. La décision fit un tollé incroyable, mais personne n’osa s’y opposer. Le plus violent opposant aux métamorphes ne voulut pas se plier aux décisions concertées et il fallut l’éliminer. Whouna le fit d’une manière si spectaculaire que cela marqua durablement les mémoires de chacun des participants et des autres. A partir de ce moment, une paix et un certain entendement s’est installés entre les deux communautés. Les frictions ont surgi à certains moments, mais rien de dramatique.

- Cela a eu lieu quand ?- Il y a deux cent dix-sept ans à peu près. - Wep ! Je comprends mieux la réaction d’Aaron. - Oui. Mais je dois dire que la relation entre Aaron et Whouna est assez particulière. Depuis le

début il existe un lien assez incroyable entre eux. Virtuellement, on peut dire que Whouna est

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le créateur de tous les êtres Outre-Vivant et des vivants aussi. Mais de mémoire, nul n’a jamais entendu parler d’une implication aussi directe de Whouna dans une situation comme celle-là.

4.Dariana est arrivée. Je suis allée lui ouvrir la porte, puisque « ma petite famille » est occupée à

échanger des souvenirs en plusieurs langues dont certaines doivent être mortes depuis un certain temps. Dariana semble nerveuse.

- Ça va ?- Oui… Il est là ?

Je l’aide à retirer son ciré. Nous sommes bien au mois de mai, mais il pleut, ce qui n’a rien de surprenant venant de la Belgique. Elle se dandine sur une jambe. Elle a l’air si jeune, alors qu’en fait elle a sûrement quelques siècles d’existence.

- Il va bien ?- Oui. Mais je ne le connais pas assez bien pour le dire. Apparemment il le semble.- Ah ! Tant mieux !

Elle n’a pas l’air de vouloir y aller, mais d’un autre côté, elle meurt sans doute d’envie d’accourir le retrouver. Que se passe-t-il réellement ?

- Je vois qu’il pleut toujours… Si vous alliez prendre une douche et vous relaxer un brin… j’ai l’intention de faire des crêpes et avec la bande de goinfres que j’ai autour de moi autant que je m’y mette d’arrache-pied !

Un silence étrange semble s’abattre sur la maisonnée. Maintenant que j’y pense, personne n’est venu voir qui était à la porte et c’est…

- Euh… Vous avez fait quelque chose pour qu’on n’entende pas ?- Oh ! Désolée, c’est devenu une seconde nature chez moi. En fait il s’agit d’un voile

d’insonorisation que je place autour de moi et de mes interlocuteurs directs afin de me préserver… Une simple mesure de sécurité.

- Waouh ! Et tous les métamorphes l’ont ?- Non. Je suis une des seules, à ma connaissance. - Et vous pouvez me l’apprendre ? Parce que, croyez-moi, j’adorerais pouvoir garder mes

pensées pour moi et aussi les mots que je dis, au moins, de temps en temps !- Oh, je vois. Mais je ne puis vous l’apprendre, cela fait partie de ma nature. Cependant, je peux

vous aider à cloisonner mieux vos pensées afin d’avoir plus de privacité.- Mikaïl, mon compagnon, a déjà essayé, mais ça ne donne rien.- C’est parce que c’est un homme.- Comment ça un homme ? Quel rapport ?- Aucun, à priori, cependant dans ce genre de situation c’est une femme qui peut le mieux vous

aider à cloisonner.- Je ne comprends pas. - Disons que dans le temps, il s’est créé une sorte de lien intra-cervical entre les femmes qui

leurs permettait de s’entraider et aussi de se protéger en cas d’intrusion mentale violente de la part des hommes. C’était une des formes de violence pratiquée par bon nombre de natures et d’essences masculines. Aussi nous avons créé ce réseau neuronal spécifique qui s’est développé de génération en génération à l’insu des hommes.

- Vous étiez une des créatrices, si je ne me trompe pas ?- Je suis même la seule instigatrice. Dans mon cas, j’ai développé également ce voile

d’insonorisation qui m’est propre…

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Je fronce les sourcils.

- Il est en place, là, sinon j’ai bien peur que tous ceux qui sont ici ne soient au courant.- Oui, n’ayez crainte. Seul Whouna et Glorios, dû à leur ancienneté, connaissent ma spécificité

et ce réseau neuronal. Mana, également, les connait et il a, pour ainsi dire, perfectionner celui-ci. Je dois dire que Glorios en ces temps-là m’a beaucoup aidé et soutenue. Je lui dois même de sauver littéralement ma peau à certains moments.

- Cela ne m’étonne pas de lui. Vous le connaissez depuis combien de temps ?- Sept mille sept cents dix-sept ans, approximativement.- Ah oui, tout de même ! Wouh ! Je dois dire… Vous les faites pas. Mais, je commence à

m’habituer. Enfin, en principe. Du coup, je me sens très jeune depuis que je vous connais, enfin, je veux dire les Outre-Vivant en général.

- J’imagine.

Un radieux sourire s’épanoui sur tout le visage et j’en reste éblouie. Elle est vraiment sublime. Un peu fée, aussi ?

- Oui. J’ai une essence Fae dans mes veines.- Oh ! Ok ! Je suppose… bien… mais bon… Allez donc vite vous préparer. Je dois m’y mettre

séance tenante. Avec la bande de goulafs qu’il y a ici… Et dire que je croyais que les V ne mangeaient pas. Quel est le crétin qui a inventé un truc pareil ?

Dariana a un petit rire, alors que je me dirige tout droit vers la cuisine sans passer par la case «  petite véranda », où ils sont tous d’après les bruits qui me parviennent, mais je n’en suis pas certaine. J’ai toujours un peu de mal à différencier les bruits et à savoir exactement ce qui se passe ici et là. Enfin… D’ici peu, j’espère, je vais pouvoir cloisonner ma tête, ce sera bien, mieux même. Etre toujours envahie, c’est vraiment pas cadeau !

5.J’entre dans la cuisine et je m’arrête net. Il y a de l’incompréhension dans l’air. Je ne peux pas

mieux dire. Whouna est assis. Je ne m’y fais toujours pas. J’ai tellement l’habitude de le voir debout, telle une statue de chair ou un cerbère, que ses attitudes « normales » actuelles me déconcertent. Dani est assis à cheval sur une chaise et il semble… gêné et embêté. Il regarde fixement sa Tablet. OKeeeeeeee…

- Je vous dérange?- Non.

Ok ! Ils ont répondu simultanément. Je dérange!

- Je reviens plus tard, c’est…- NON !

Simultanéité. Je reste. Je m’assois sur une chaise.

- Ma très chère Vera, je crois que tu pourrais m’aider ou plutôt aider Daniel.

J’ouvre la bouche, la referme.

- Attends ! Si toi qui est la « Connaissance personnifiée », le disque dur interplanétaire, que dis-je, universel complet, tu ne peux pas aider Daniel, je ne vois pas comment moi je le pourrais !

- La connaissance n’est pas toujours le savoir.

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Je fais un arrêt neuronal. Veux dire quoi avec ça ?

- Oui, bon, d’accord, mais…- C’qu’Who veut dire, c’est que j’ai un truc en problemo, mais il arrive pas à m’conseiller.- Ah ! Je vois.

Que dalle, mais inutile de le faire remarquer. Je fronce les sourcils en voyant Dani rougir furieusement. Aaaah ! Ooookaaaayyyyy ! Y’a d’l’eau dans le gaz, mais où et avec qui ?

- Et tu crois aussi que je pourrais te conseiller ?- Ben… c’est avec une fille et comme t’es aussi une fille…

Oh là ! Danger ! C’est le seul domaine où les conseils, connaissances et même savoirs se cassent la gueule totalement.

- Euh, ouais, à priori, c’est exact.- Alors. Tu me conseilles quoi pour l’inciter à sortir avec moi, alors qu’elle est pas sûre que

c’soit une bonne idée ?

J’ouvre la bouche, la referme, la rouvre, la referme. Ça s’arrange pas des masses, là ! Whouna me lance un regard torve. Son aura est neutre, autrement dit, pâle et stable. Merci du cadeau ! Ça fait du bien de se sentir aussi soutenue. D’ailleurs… Où est Glo et Mi ? Ah oui…dans la « petite véranda » ! Maintenant je vois très bien pourquoi ils y sont !

- Mayama,…Glorios et moi allons faire les courses, nous revenons aussi vite que nous pouvons. Nous t’aimons…

-  !!!!Je reste sans voix. Petits CV ! Ils détestent faire les courses ! Merci pour la solidarité ! Ils m’envoient des baisers en rafales et moi je leurs tire des baffes virtuelles en rafale avec une énorme mitraillette. Et ils font quoi ? Ils m’envoient deux énormes éclats de rire ! Ne perdent rien pour attendre, tiens ! Quoi que… faire les courses, c’est bien aussi vu le nombre d’occupants dans la maison que j’ai pratiquement en permanence et les autres allées et venues impromptues et aléatoires le reste du temps ! J’ai encore toujours un peu de mal avec cette idée de deux V allant faire leur marché comme vous et moi, mais bon, ça les amuse peut-être… Faut pas croire, hein, un rien peut amuser un Outre-Vivant et les V sont très curieux à l’idée d’essayer de nouvelles expériences. Gage de l’Eternité ou de l’Immortalité ? L’ennui peut-il être mortel pour les Immortels ? Ça m’va ! Je veux dire, les courses. Notez, les courses j’aime pas trop. Les kilomètres de surface entre travées, les embouteillages de chariots, les caisses avec caissière ou sans qui sont toujours prises d’assaut, la file d’attente serrée en sandwichs entre les mauvaises humeurs et les impatiences exacerbées, non, vraiment qui peut aimer ça ?

Donc… si je résume… Dani, fille, un possible rencart, l’incertitude, l’inquiétude et…

- Ben… t’as déjà demandé à la fille un rencart ?- Non, mais sa meilleure cop m’a dit qu’elle n’aimait pas trop sortir avec des mecs comme moi. - Sa meilleure cop ? A ta place je f’rais l’impasse sur ce qu’elle dit. Et puis… ça veut dire quoi

un « mec comme toi » ?

Il hausse les épaules d’un air faussement dégagé. Il doit vraiment y tenir à cette nana !

- Ecoute… je crois que tu devrais l’inviter. Pas la meilleure cop, la fille qui t’intéresse. Au pire, c’est une fin de non-recevoir, au mieux, t’as ton rendez-vous.

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Daniel réfléchit longuement. C’est quelqu’un de très secret et réfléchi, même si ça n’a pas l’air comme ça.

- Wep ! Ça peut l’faire !

Je souris. Problème réglé. Ouh là ! L’heure tourne. Faut que je m’y mette sinon…

- Ah, V, y’a Glo qu’a dit qu’il t’a déjà fait la pâte et que t’as plus qu’à les faire. Il a tout mis là-bas… On peut y’aller ?

Je me tourne vers la cuisinière et le comptoir où Glorios a tout mis en place pour que je puisse cuisiner directement. Je l’aime ! Vraiment, il est génial ! Une grande vague me submerge ! Et merde ! Faut vraiment que Dariana me briefe bientôt ! Je suis fâché contre eux, si ? Glorios m’envoie une vague de questionnement dans mes pensées.

- Dariana ?- Rien ! T’occupe pas, Glo ! Un truc de fille…- Mm ! Si tu le dis, ma félidée.- C’est cela même ! Bon je vous laisse, mes amours, je vais m’y

mettre, sinon…et n’oubliez pas de ramener des toasts, des condiments, des…

- Mon aimée, nous avons fait une liste…- Ah oui, oui, bien sûr ! Non, je disais ça, je disais rien, hein… bon, j’y

vais… vous ne tardez pas trop… enfin, vous faites au mieux, hein…

J’ai la tête qui part en vrille. J’essaie de savoir combien de crêpes je dois cuire par habitant de la maison et bien sûr, nulle en math comme je suis, je panique à mort ! Et s’il n’y avait pas assez de pâte ?

- Ramenez aussi des biscuits et des…- Ma félidée…- Mayama…

Je soupire profondément. Je perds un peu les pédales, dernièrement. Mais bon… vous avez déjà eu à gérer un moulin ? Mes hommes m’envoient des étreintes affectueuses et des baisers. Je fais de même. Ils sont si merveilleux… Whouna a un large sourire qui le fait resplendir, alors que Dani fait comme si de rien n’était. Je me demande s’il n’est pas capab… Non ! Jusqu’à preuve du contraire, c’est un bon petit vivant humain comme moi ! Où je vais là ? Mais tout de même… Bonjour la privacité ! Whouna me fait un clin d’œil et j’en reste comme deux ronds de flan. Oh bon sang !

- Bon ! On va t’laisser, V ! A +…- Oui, à plus…

Je me place devant la cuisinière. A nous deux !

6.J’en suis à la cinquante-septième crêpes et on peut dire que j’ai la main et le poignet. Je suis

tellement concentrée que rien n’a plus d’importance que le grand bol avec la pâte, la poêle, le beurre qui grésille et mon maître atout, une spatule qui doit sans doute être bénie des Dieux. Maintenant savoir quel Dieu, c’est une autre histoire.

- Andhrímnir. Il est le Dieu des chefs de cuisines et le cuisinier des Ases, autrement dit, des Dieux apparentés à Odin.

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Whouna est debout près de moi et me regarde faire depuis… combien de temps exactement ?

- Pas longtemps, ma petite fille. Tu es vraiment très douée.- Oui, euh, merci… mais… Tu m’as dit quelque chose ?- Oui. Je te donnais le nom du Dieu des chefs de cuisines.- Il existe ?- Oui. Un être à part. Assez bougon à ses heures, mais comme tous les génies, je suppose.- Et comment tu as dit qu’il s’appelle ?- Andhrímnir.- Ah ouais, quand même ! Du moment que je dois pas le retenir… Tu crois qu’il y en aura

assez ?- Cinquante-sept crêpes ? Ma foi… J’imagine que oui. - Bon, ben, pour moi c’est assez. A table !

Je me retourne pour le crier une deuxième fois quand je les vois tous assis à la grande table massive de la cuisine. Dani, Glorios, Mikaïl, Aaron et… Dariana qui a le regard baissé et ne semble pas très à l’aise. Nous verrons cela plus tard. Ce qui m’effare, je ne les ai pas entendus s’installer. Faut vraiment que je sois distraite. Whouna m’aide à placer la grande casserole d’eau chaude sur lequel un plat profond est déposé avec un monceau de crêpes. J’en prends une deuxième avec une autre pile de crêpes. La table a été dressée et je ne sais même pas par qui. Va falloir que je m’achète un sonotone à ce compte-là ! Personne ne dit rien et ça commence à me foutre le bourdon. Quoi encore ?

Whouna me tire la chaise en arrière pour que je puisse m’asseoir et je lui souris avec affection et gratitude. On a beau être féministe - et je le suis dans tout ce qui importe réellement - je n’en apprécie pas moins ces petites attentions et considérations chevaleresques. J’ai eu un père et un abuelo « caballeros » et ça compte pour moi. Chacun se sert. Pendant quelques instants seul le bruit des couverts et autres s’entendent dans la grande pièce. Je sucre ma crêpe avec ce sucre brun foncé que j’adore, enroule le tout et coupe un petit morceau du rouleau.

- Je dois savoir quelque chose en particulier ou vous avez décidé que le silence était un hommage à mon art culinaire incomparable ?

- Ton art culinaire incomparable, cela va de soi, ma félidée !- C’est ça et si je ne crois pas celle-là, tu m’en ressers une autre !- Tu as raison. Disons que… nous avons une nouvelle à t’annoncer.

Il ne dit plus rien, songeant sans doute à la meilleure façon de me faire ingurgiter la couleuvre.

- Bon ! Faut que je sorte les forceps ?- Les forceps ? Voilà qui semble inusité, chère petite Vera. Pourquoi les aurais-tu besoin ?- C’est une manière de parler, Whouna, pour dire « accouche ».- Accouche ? Glorios est-il enceinte ? Cela me parait improbable, sa nature bengaroush est

devenue stérile voilà bien longtemps… A moins que Dariana ?- Tu peux accoucher, Glo ? Wouh ! Mais non ! Laisse tomber ! Ça va encore faire des histoires

qui vont détourner le vrai propos ! Ce que je veux dire, Whouna… C’est une autre expression qui veut dire qu’il doit passer à table au plus vite.

- Mais nous sommes déjà attablés, ma douce Vera.

Je pousse un petit gémissement de frustration tout en ne sachant pas si je dois rire ou pleurer.

- Bon ! Ecoute, tout ce que je veux c’est qu’il me dise ce qu’il doit me dire, maintenant, illico presto.

- Ah ! Bien ! Je comprends.- Parfait ! - T’inquiète, V, je vais l’affranchir des expressions linguistiques, ça vaudrait mieux. J’crois qu’

j’ai trouvé des sites, c’sera plus easy pour le brancher d’ssus !

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- J’espère que tu ne hackes pas les systèmes, Dani, tu connais le deal…- Eh, ch’uis clean, V ! Pas de hacking, juste un système que j’ai bidouillé pour que Who

s’connecte en direct live !- Mouis ! Va falloir que j’appelle Alonso pour qu’il voit ça d’plus près ! Tu sais…- Je sais ! « Discrétion, sagacité et profil bas ». J’suis d’dans, j’t’assure, V ! Sont hipe dar tes

crêpes, V !- Mm !

Je fais ma bourrue, mais dans le fond depuis le début je l’ai à la bonne, Dani. C’est un brave petit, même s’il faut le guider et le recadrer quelquefois. Enfin, comme nous tous, non ?  

- Bon ! Donc, c’était quoi la nouvelle ?- Marjorie vient te rendre visite avec Hubert.

J’avale de travers et Aaron me tapote le dos avec dextérité, alors que Mikaïl me tend un verre d’eau. Ma fille a toujours eu le don de me couper l’appétit, entre autre. Je me disais aussi que tout allait vraiment beaucoup trop bien depuis un certain temps. Comme toujours avec elle j’oscille dans mon désir et mon non-désir de la revoir. Je ne sais que faire. Glorios et Mikaïl continuent à parler, mais je les entends à peine, jusqu’à ce que Glorios dise une chose qui me ramène au moment présent.

- Si tu ne veux pas qu’elle vienne, il n’y a pas de problème, ma félidée.

Je regarde Glorios.

- Ça veut dire quoi exactement?- Que tu es la seule qui peut décider, mon aimée.- Oui. Je sais pas, mais… Attendez, là ! C’est quoi le stuut avec cette idée de « décider » ?

Glorios regarde Mikaïl et je sais qu’ils se parlent intra-cerveaux ! Et, bien sûr, j’en suis exclue comme d’hab ! Je les regarde tous les deux alternativement. Je connais trop mes deux amours. Ils ont tramé quelque chose derrière mon dos. Sûrement pour me protéger. Ils ont ça dans le sang !

- Vous n’avez pas quelque chose à me confesser ?- Nous n’allons plus à confesse depuis quelques siècles, yamanahe ! - Ah oui, j’oublie toujours. Les croix, l’eau bénite, les églises, les…- … qui ne nous font rien du tout. Enfin, si on nous plante un crucifix, on aura une blessure qui

saignera, quant à l’eau, elle nous mouillera.

Quand ils prennent cet air docte pour m’expliquer l’inanité des idées préconçues sur les vampires en général, j’ai envie de me mettre à la boxe !

- Bon ! OK ! Pigé ! C’est très bien de vouloir détourner mon attention, mais… Alors ? C’est quoi le binz?

Mes deux CV d’amour s’échangent un regard, ce qui est très humain comme geste. Ils auraient pu s’échanger une connivence intra-cerveau, s’ils ne le font pas, c’est que…

- Et bien… disons que nous avons remué quelques fils pour que ton beau-fils ait le travail de ses rêves avec les déplacements pertinents ad hoc dans diverses destinations partout dans le monde. A charge de remerciement, Hubert a fait en sorte de ne pas venir trop souvent te visiter.

- Trop souvent ? Il y a deux ans et demi que je ne la vois pas. Et si j’avais voulu la voir ?- Tu la vois via Skype tous les sept jours, mon aimée.- Oui, mais si je veux l’embrasser, la serrer dans mes bras…- Le faisiez-vous avant son départ, ma félidée ?

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- Non ! Mais ce n’est pas la question !- Non ! C’est la réponse au fait que tu n’étais pas prête, mon aimée, à la voir débarquer ici et

maintenant.

Vrai, mais je ne vais jamais l’avouer. JAMAIS ! Mes deux amours me regardent. OK !

- Vous avez raison, mais… Suis-je déjà prête ? Je sais… Question idiote, quoi que… je dois bien la voir un jour ou l’autre, hein. C’est ma fille, mon bébé, celle qui compte beaucoup pour moi, même si…

- On a tenu compte du « même si », ma félidée. Depuis le début. - Je sais… Et vous avez eu raison, même si je trouve le procédé vraiment très… Enfin, bref ! Et

ils arrivent quand? - Dans sept jours.- OK ! Juste le temps de me remettre, quoi.

Je regarde les deux piles de crêpes qui ont pas mal diminué de volume. Pas question de me laisser mourir de faim ! De toute façon, faut c’qui faut, non ? On termine de manger les crêpes. Mikaïl nous ressert du chocolat chaud qu’il a trouvé le temps de confectionner. Quand ? Je me perds un peu avec leur turbo version V. Sept jours ? Oh, bon sang !

7.Je regarde par la verrière de la véranda qui donne sur le jardin éclairé en ombres chinoises par

une lune presque pleine. Mon corps se raidit. John est là, juste derrière moi. Depuis combien de temps ? Je ne l’ai pas entendu arriver. Il s’approche, frôle doucement mon dos. Sa peau nue est chaude et tendue sur des muscles longs et souples. Sa verge durcie se cale au bas de mon dos. Son visage caresse ma joue, s’attarde sur mon cou où il m’inhale profondément. Il m’entoure de ses bras, je me laisse aller contre lui. Il soupire contre ma nuque. Je m’irise de partout.

- Tu sens si bon…- Comme un rôti de porc ?- Comme une personne que je désire dévorer par mes baisers, mes sens, mon amour. Laisse-moi

t’aimer…

Je ne sais pas si je suis prête. J’ai si peur.

- Tu en as besoin autant que moi. Je le sais, toi aussi.

Sa voix rauque susurre les mots sur ma peau frissonnante. Je tourne mon visage, mes lèvres s’unissent aux siennes. Nos langues se goûtent, se jouent de notre désir.

- Tu me marqueras ?

Je lève mes bras, entoure son cou, me serre contre lui. Le baiser s’approfondit.

- Tu as déjà ma marque, moi la tienne- Comment ? Quand ? Où ?- Là.

Il me tourne vers un rayon de lune. Là, au-dessus de son sein gauche, une marque. Une lune presque pleine et une ligne ondulée en-dessus. Je ne distingue pas bien les couleurs, mais elle semble parfaite. Je passe un doigt précautionné sur le motif.

- Pourquoi la ligne ?- Sans toi, je ne suis pas entier.

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- Mais… je n’ai pas fait la marque… enfin, je veux dire…- Si, tu l’as fait. La première fois que je t’ai vu, j’ai su que tu étais ma compagne. La marque est

apparue.- Mais… si je n’avais pas voulu de toi ? Elle se serait effacée ?- La marque serait apparue de toute façon. Elle est le signe de ce que les humains appeler

« votre moitié d’orange ».

Je suis confuse. Je l’ai marqué sans l’avoir marqué ?

- Je ne comprends pas bien…- Les lycanthropes se marquent automatiquement lorsqu’ils rencontrent celle ou celui qui est la

compagne ou le compagnon de vie.- Ah !

Je ne comprends toujours pas, mais… Je me moule étroitement à son corps. Je ne sais que dire. J’ai peur, mais je le désire dans ma vie. Alors ? Alors je ne vais pas m’auto-psychanalyser maintenant ! Mes doutes sont miens et ne dépendent que d’une certaine réticence intérieure. So… Je vais parler à travers mes baisers, mon amour. J’ai faim de lui.

- J’ai besoin de toi avec moi, en moi…

Il me soulève entre ses bras et lentement m’embrasse.

- J’ai besoin de toi avec moi, moi en toi…

En moins d’une minute, nous sommes dans une chambre. Mon dos collée au mur, John me soutient, me retient, me noue à lui. Notre baiser s’intensifie. John a cette félinité qui parle à la mienne, alors même que nos natures ne sont pas si proches. Je ne suis qu’humaine avec une essence de Felidae et lui est un lycanthrope avec d’autres essences garous et des natures que je ne connais pas. Cependant, je me sens en adéquation complète. En quelques secondes nos corps fusionnent. Ses lèvres sont partout, sur mes seins, mon sexe trempé, ma peau palpitante. Mon bassin se cambre sous le sien, désirant plus. Ses lèvres sont sur les miennes et la valse des baisers s’intensifient. Mes gémissements inaudibles se déversent dans sa propre bouche. J’apprécie. Il y a plus d’un être à l’ouïe surdéveloppé dans la maison, même si la chambre est insonorisée. Nous nous prenons et déprenons avec frénésie, retenant nos souffles, nos pensées, ne laissant place qu’au désir, palliant aux moments d’absences trop nombreux. Il m’a tant manqué ces dernières semaines. Il semble devoir être partout pour régler toutes sortes de problèmes. Jostard, son oncle et Chef Suprême des Meutes et des Garous, selon le terme officiel, le requiert bien trop souvent à mon goût. Cependant, je n’interviendrai pas, ni ne serait cette femme jalouse et acariâtre qui le grondera à tout bout de champ. Quoi que… j’ai aussi cette veine-là. Il a un petit rire qui ressemble à un son de loup. Nous reprenons notre souffle. Son corps luisant de sueur repose à plat, alors qu’il enserre le mien contre lui. Je laisse ma main glisser sur son torse, savourant les muscles bien définis. Tous ces Outre-Vivant ont des corps splendides. J’imagine que la sélection naturelle à leur niveau est encore plus efficace que pour les vivants. Mana m’en avait touché un mot. Je suis toujours aussi curieuse.

- Tu restes combien de temps ?

Glups ! La question m’a échappé et ça que j’avais décidé de ne pas la jouer mégère. Il a un rire bas qui me fait wanagladou un peu partout.

- Autant de temps que nécessaire.- Tu sais combien je déteste cette réponse.- Je crois.- Ne la joue pas « loup » jouant avec sa proie, c’est pas le moment ! Avec tout ce qui se passe

maintenant… Oh, misère !

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Je me tais. Je le savais, trop is te veel ! Ça me pendait au nez ! Le stress…

- Chut… je sais. Je reste plusieurs semaines. Je le dois pour toi et aussi pour Aaron. La situation n’est pas facile. Glorios doit partir. Il a des affaires à régler pour… enfin, des affaires d’importance. Mikaïl a des affaires…

- … judiciaires… Je sais. Il semble qu’il y a eu quelques problèmes et qu’il doit mettre bon ordre. Crisold sera là aussi, non ?

- Oui. Il doit procéder à quelques sentences.- Je suis désolée pour lui. Il déteste les appliquer.- Oui. Crois-moi il vaut mieux que cela soit lui que d’autres. Tous les vampires ne sont pas

aussi compassifs que lui.- J’imagine…

Et j’imagine vraiment. De tels prédateurs doués de raisons et de déraisons, avec des siècles, des millénaires voire plus de vécus en passif et un tas d’habiletés extraordinaires ne font pas forcément des êtres très équilibrés. J’aime autant pas savoir. J’ai la chance d’en connaître qui le sont et je les aime tous tant....

- Je compte parmi eux, ma féline ?- Eh ! Tu cherches des compliments ?- Non, la conviction que je compte autant pour toi que tu comptes pour moi.

Sa voix est douce, les mots susurrés. Je me détache de lui et me soulève jusqu’à ce que mon visage soit en face du sien.

- Tu ne le sais donc pas ?- Il faut croire que non.- Bon sang, John ! Je ne peux pas vivre sans toi. C’est une réalité, la mienne de tous les jours.

J’ai besoin de te savoir dans ma vie, sinon je n’ai pas la vie que je désire, qui me convient… je…

Mes yeux se gonflent de larmes qui s’écoulent sur mes joues.

- Eh ! Non, s’il te plaît, ne pleure pas, mo ghrá (mon amour)…

Il me berce contre lui. Je suis tellement… tellement… c’est le débordement, là. Trop de stuut en même temps… je devrais savoir tout gérer, ben il faut croire que non. On est humain ou on ne l’est pas, merde ! Je sens un petit sourire poindre sur les lèvres de John. Je suis vraiment pathétique. La bonne nouvelle… c’est pas comme si c’était une nouveauté. La super bonne nouvelle… John est là avec moi pour un certain temps et c’est tout ce qui compte, maintenant.

Lorsqu’il m’embrasse, il le fait avec tant de douceur. Nos corps se fondent l’un en l’autre désirant être plus proche, plus aimant. Quelques minutes plus tard nous sommes sur mon lit. Je ne sais pas comment nous sommes arrivés là, je ne pose plus la question. Il semble que mes trois amours n’ont aucun mal à m’amener ici et là aussi facilement que de transporter une besace. Mes idées me désertent. Nos mains nous redessinent inlassablement, caressant chaque partie de nous sans cesser de nous embrasser. Ses lèvres partent en conquérant, alors que je suis déjà soumise à son désir, à notre plaisir. La lune presque pleine éclaire la chambre d’une lueur chaude et étrange. Je distingue par moment son corps nimbée de cette lumière sourde. Ses longs cheveux s’égarent en mèches soyeuses sur ma peau ajoutant à mon plaisir. Lorsqu’il honore mon sexe avec sa bouche, je gémis avant de m’éparpiller dans un orgasme qui me laisse pantelante. Il me serre dans ses bras. Son sexe érigé pulse contre ma cuisse. Je reviens à moi et le regarde. Ses yeux ont une lueur brillante qui me rappelle celle d’un loup.

- Tu vas te transformer ?

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- Non. La pleine lune n’a pas d’effet sur moi. - Sur aucun d’entre vous ?- Autant que pour n’importe quel humain. C’est un mythe issu d’un poème qui a disparu. Par

contre, il se peut qu’il exacerbe mon désir… pour toi…- Oh ! Tu vas me croquer comme un vilain loup, Mister Lobos ?- Tu n’es pas le petit chaperon rouge et je n’aime que mordiller… ici… et là…

Ses dents se posent sur mon corps, mes tétons, plus bas, partout en une danse exaltante qui me le rend plus désirable encore.

- Viens…

Il se hausse sur ses avant-bras. Je place mon bassin à la hauteur de son sexe. Il entre en moi avec tant de lenteur que la jouissance culmine à nouveau.

- Retiens-toi… là… doucement…

Sa voix susurre les mots et ma peau s’irise. Lorsque nos sexes se fondent de plus en plus en cette union passionnée, nos gémissements se font plus forts, plus puissants. Durant une éternité nous nous prenons avec puissance, longuement jusqu’à ce qu’il déverse sa semence au creux de moi. Je l’enserre dans une étreinte jalouse et comblée.

- Laisse-moi me coucher contre toi… je pèse trop lourd…- Non. Je veux te sentir comme cela, dans mes bras…- Mo ghrá… (mon amour)

La dernière chose que je sais, ses yeux sont plus brillants qu’avant et son corps plus lumineux. La lune passe devant la fenêtre éclairant tout. Je me sens réunie, pleine, complète. Black-Out !

8.Lorsque je me réveille, John n’est plus avec moi. Je sais qu’il dort peu. Je ne l’ai pas entendu

sortir du lit, mais sa place à mes côtés est encore tiède. Je m’étire langoureusement. Je vais me lever. Ce sera un petit matin avec tout le temps du monde devant moi pour me préparer. La maison semble calme et silencieuse. Tant mieux. J’ai un peu de mal avec tous ces va-et-vient. Je sais que Glorios vaque à ses affaires. Il me prépare quelque chose. Quoi ? Mais il ne reste jamais très longtemps loin de moi, sauf s’il est au bout du monde. Mikaïl a des affaires d’ordre judiciaire à mettre au clair. Normal, il est à la fois juge et aussi exécuteur et il prend ses mandats très au sérieux. Je sais que Crisold sera là aussi. Il devra exécuter certaines sentences. La pire qui soit à ses sens, celle de la Déstructuration. Il en est l’Exécuteur principal. La déstructuration ou l’effacement est une terrifiante expérience d’existence, mais qui n’ôte pas l’existence. Elle ne s’applique que dans des cas extrêmes, lorsqu’une sentence d’élimination n’est pas requise, mais que le mal causé est proportionnel à celui qui donnerait lieu à la pire des sentences, la dissolution définitive de l’existence. Ranita, sa compagne et ma SCTCEP, autrement dit, ma secrétaire-confidente et tête chercheuse et pensante m’a expliqué qu’il valait mieux que cela soit lui plutôt qu’un autre, parce qu’il avait une infinie compassion pour ceux sur qui il doit pratiquer cette exécution. Il aurait même créé un liquide qui permet d’atténuer en partie le passage à cette sorte de « coma » qui annihile la personne. Je ne peux pas m’empêcher de frissonner. Connaissant Crisold, qui est comme un frère pour moi, cela doit être un véritable calvaire. Je crois qu’il viendra ici. Mi casa es su casa, toujours. Idem pour Ranita, cela va sans dire qui est aussi ma sœur maintenant plus qu’avant. Ils forment un couple génial.

Je sors de la salle de bain, fin prête. Pour le boulot, j’ai une série de vêtements, toujours les mêmes, que je mets en alternance. Pas de dérapage, ça m’évite de perdre du temps et de me casser la tête pour choisir une tenue vestimentaire adéquate. Je m’avance vers la porte quand je vois les trois gouttes d’eau près du linteau. Polinius, mon âme égarée, mon petit romain défunt qui vague toujours par ici. J’ai bien essayé de le faire passer de l’autre côté, puisque je suis une gardienne des âmes de la

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Mort dans la Vie, autrement dit, une sorte de Gondolier qui fait passer les âmes des vivants dans T.O.U.T (Totum Omnium Umbrae Terra (le domaine des âmes, le monde des âmes). Et non ! Je ne suis pas la réincarnation de Charon ! D’ailleurs… il paraît qu’il est toujours là-bas sur le Styx. Je ne veux pas le savoir ! Trop flippant ! Je sais… Tout ça c’est du pipeau, mais c’est aussi ma réalité. Ned, une espèce de guide spirituel qui est sensé m’aider pour comprendre le schmilblick et qui se trouve dans une autre dimension, d’après ce que j’ai pu piger, est un « passeur de lumières », un gardien des âmes de la Vie dans la Mort. Donc, à deux, on essaie de faire au mieux pour que les vivants morts aillent où ils doivent aller et que ceux qui doivent pas encore y aller n’y aillent pas encore. Donc…

- Pourquoi t’es encore là, Polinius ? C’est pas que t’es dérangeant, tu f’rais même un peu genre Casper, le petit esprit et puis, un de plus ou un de moins dans la maison, c’est pas ça qui va faire la différence, mais bon… ça fait quand même 1796 ans que t’es dans les parages à te balader d’ici et là… Pourquoi ? Si j’t’explique en latin, tu m’comprendrais mieux ?

- Ma très douce…- Ah ben, çui qui manquait, tiens ! Alors, vieille branche, ça fait un bail, non ? Qu’est-ce que tu

deviens ?- Polinius ne parlait pas latin et les âmes n’ont pas la nécessité des

langues…- Qu’est-ce que je disais ! S’il avait une langue, il communiquerait

mieux ! T’es sûr que tu ne peux pas l’emmener avec toi ? - Chaque âme décide de ce qui lui convient…- Tu veux dire qu’ils ont une volonté personnelle ?- C’est à peu près cela. - OK ! Note… Il est plutôt sympa… Tu seras là pour…- Je suis toujours là, ma très douce.- C’est bien que tu me le dises, parce que t’es assez discret dans le

genre… Mais bon… entre toi et moi… je me sens un brin larguée ici… tu comprends, déjà les Lycos, les garous, les fées, les vampires et les Dieux et maintenant… les Métamorphes… c’est trop, quoi !

- Il ne t’est demandé que ce que tu peux assumer.- Ça c’est du psy inter-universel ou quoi ? Arrête ton char,

Ned ! Faut que ça s’arrête un peu ! Si ce n’était pas Aaron, moi je m’s’rai carapaté ailleurs fissa, tu capice ?

- Je ne le sais que trop, ma très douce…

Je frotte mes cheveux à deux mains. Le pire… je vais le faire, vraiment. Aaron compte beaucoup pour moi, mais… c’est comme de circuler dans un labyrinthe noyé dans l’obscurité. On a beau te dire que tu peux le faire, tu n’es qu’un doute ambulant. Je sens deux vagues d’amour m’inonder. Glorios et Mikaïl. Je ris un peu. Mes CV d’amour.

- OK, Ned… t’as sans doute raison ! Mais t’avises pas de rester en dehors du stuut !

- Cela ne sera pas le cas.

Et voilà, plus de Ned. Me fait toujours la même chose, un moment, il est là, l’instant d’après, il n’est plus là. Crevée que je suis, vraiment à la masse. Mais… quand faut y aller, faut y aller. Polinius flotte jusqu’à moi. Il semble irradier tout entier dans une sorte de sourire et trois autres gouttes d’eau apparaissent pratiquement à mes pieds. J’éclate de rire.

- OK, Polinius. Merci…

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J’arrive au bas des escaliers. Pas un son. Je ne sais pas si je dois m’en réjouir. J’entre dans le séjour qui est côté façade rue. Je circule avec circonspection depuis un certain temps dans la maison. Zone dégagée ! RAS ! Ah non ! Je m’arrête net. Dariana est là avec Aaron assis chacun sur un siège à bonne distance. Aïe ! J’aurais dû m’en douter. Hier soir il est resté. Je sais qu’ils ont discuté pas mal d’heures. Cela semblait nécessaire. J’essaie d’évaluer leur humeur sans trop y parvenir. Si on me demande mon avis, un des trucs entre eux, c’est le courant attractif qui les lie. Très haute tension sexuelle réprimée et je suis certaine de ça. Le reste, trop d’inconnues dans l’équation. J’entre de plein pied dans la pièce. Quand faut y aller, faut y aller et mieux vaut toujours y aller franco  ! De toute façon, vous croyez que je pourrais passer inaperçue avec les sens de ces deux-là  ? Prenez vot’ temps pour y penser un chouïa… Je plaque un sourire passe-partout sur tout le visage et je les regarde.

- Ça va ?- Oui.- Vous êtes arrivés à un accord.- Oui.- Non.

Parfait ! Ils sont arrivés à un accord, sauf qu’il doit encore se peaufiner.

- Donc… Vous avez déjeuné ?- Oui.- Bien ! Je le ferai au boulot. Je ne suis pas très petit déj… Je peux savoir ce qu’on va faire

après… enfin, je veux dire qu’on doit aller au boulot dans trois-quarts d’heure, mais après j’ai pris cinq jours de récup… Au fait, tu restes combien de temps ?

- Pas très longtemps, pas plus de trois mois. Je vais loger dans un de mes appartements.- Tu peux rester…- Je le sais, ma dame, mais je serais mieux chez moi. Dariana vient avec moi.- Non ! - Si !

Ça se peaufine de plus en plus. Je ne dis rien.

- OK !

Il y a un moment de gêne. Dariana a le regard baissé ainsi qu’Aaron. Je suis surprise de le voir si tendu. Il est tellement cool toujours. J’imagine qu’on a toujours autour de soi au moins une personne qui arrive à nous mettre sens dessus dessous. Heure de clôturer le moment ombrageux pour passer aux choses sérieuses de la vie active ! Autrement dit, le turbin ! J’affiche un sourire avenant et regarde Aaron.

- Tu viens au turbin avec moi, Aaron ou tu…- Oui.

Aaron ne lache pas des yeux Dariana qui laisse les siens vagabonder partout sauf sur lui. Pour quelqu’un de son âge je la trouve aussi timide qu’une jouvencelle et c’est adorable. Je blêmis de suite. Va vraiment falloir mettre le pare-feu mental ! Aaron se tourne vers moi et a un bref rire, repris par Dariana. Ouf ! Essayer de réprimer vos pensées pour voir et après vous venez me dire comment vous vous sentez ! Aaron sort un trousseau de clefs de sa poche.

- Tiens. Tu connais déjà mon adresse… je serais de retour avec Vera d’ici quelques heures. Nous devons mettre au point une stratégie…

- Nous ne pouvons pas…- Dari, pas maintenant. Je dois y aller…

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Il s’approche d’elle avec circonspection. Il lui prend les mains.

- On ne pourra rien faire maintenant. Kritish t’a assuré que les âmes n’étaient pas encore en danger…

- Il ne peut pas l’assurer.- Il le peut plus que nous tous réunis ! C’est un Ouslagesh (chamane druidique) depuis des

milliers d’années…- Il ne veut pas…- Il ne peut pas… sa condition physique ne lui permet plus ces sortes de rituels et tu le sais.

N’es-tu pas ici pour cette raison ? Reposes-toi ces prochaines heures. Mana devra être là. Il est le seul qui a autant d’habileté que Kritish…

- Mana arrive déjà ? Quand ?- Demain, vraisemblablement.- Génial ! Merci de m’en avertir… j’adore les surprises !

Ils se tournent vers moi comme un seul homme. Je lève les mains dans le geste traditionnel de non-agression. Ils se mettent à rire, moi aussi. John vient m’entourer la taille par derrière. Je ne sursaute pas. Je savais qu’il était là. Je l’ai… senti ! Wouf ! La marque ?

- Tout va bien ?- Au poil ! J’ai tellement hâte d’arriver au boulot ! J’adore ma routine, rien de nouveau, pas de

surprise… Tu nous accompagnes pour que je te le présente ?- Le bureau ?- Pas n’importe lequel, le mien !

Je sens John se statufier derrière moi avant de l’entendre rire dans mon cou. Nous éclatons tous de rire. Le rire peut-il être désespéré aussi ?

9.Nous roulons depuis un quart d’heure et le silence est pesant. Vous allez dire que c’est parce

que normalement je le couvre par pleins d’idées qui me passent par le ciboulot, mais vous auriez tort. Il est pesant, parce qu’il recèle tout ce qu’Aaron a en lui comme mots qu’il n’arrive pas à dire. Je sais que lui et Dariana ont dû passer une partie de la nuit à parler des choses qui les concernent, des affaires de Métamorphes, j’imagine. Mais leurs propres affaires, autrement dit, celles qui leur importent vraiment ? Celles qui les unissent tout en les désunissant par un silence inquiet et frustré/frustrant ?

- Ça va ?

Très maigre comme question, mais je ne vais pas rester les bras croisés en voyant mon ami si mal en point, d’autant que je conduis, autant ne pas les croiser ! Wouh ! Je sais, nul de chez nul, mais si vous sentiez la tension qui règne dans l’habitacle, vous aussi vous feriez des vannes aussi pourries que la mienne ! Je sens son regard fixement vrillé sur moi. Je déglutis. Ne pas oublier que c’est un Outre-Vivant et que je ne sais toujours pas le danger potentiel que pourrait devenir un Métamorphe. S’il y a une chose que j’ai bien compris, c’est qu’aucun Outre-Vivant n’est vraiment neutre, ni pacifique. Ils ne constituent pas vraiment un danger, mais peuvent devenir une très réelle menace et je ne suis pas de taille. Trop… vivante, en quelque sorte ! Ceci dit… Quelqu’un peut-il me démontrer dans l’Histoire de l’Humanité quand les humains n’ont pas été un danger, une menace, un prédateur, une catastrophe ambulante, un virus incarné mortel et destructeur? C’est bien ce que je pensais… Donc… Aaron pousse un soupir long et profond.

- Désolé ! Je suis… navré de te mettre dans une position aussi désagréable. Tu ne devrais pas te retrouver à nouveau mêler à ces sortes d’histoires.

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- Lesquelles ? Celles qui font que ma vie soit perturbée, jouissive et excitante ? Sûr ! Il y a vraiment de quoi être « navré » !

Il rit légèrement en faisant un petit salut du buste.

- Celles-là même.- Alors ne te bile pas, mon pote ! Je crois que je serais incapable d’avoir une vie « métro-

boulot-voiture-dodo » arrivé à ce point-ci. Je ne suis pas encore accro à l’adrénaline, mais ce n’est pas à dédaigner pour un futur plus ou moins proche. De plus… Ces « histoires » m’ont fait rencontrer mes trois amours et tant d’amis, familiers et plus proches encore que les petits aléas et inconvénients de mon quotidien ne sont que des pis-aller ! Trois fois rien, quoi !

Il ouvre la bouche, puis part d’un formidable éclat de rire si joyeux que j’en ai le cœur chaviré. Aaron est une des personnes les plus riantes et lumineuses que je connaisse. Le voir sombre est quelque chose qui me perturbe et m’inquiète. J’en souffre aussi comme si je ne pouvais, ni voulais le voir comme cela.

- La relativité à côté de toi l’est beaucoup moins !- Merci ! C’est Einstein qui va être content ! Sérieusement… je veux t’aider toi et Dariana.

Vous avez un sérieux problème et… je me suis attachée aux « bien-être » des âmes, si ce n’est à elles-mêmes. Ned sera là aussi, donc pas de souci. Puis… si je peux t’aider pour quoi que soit d’autre, tu ne dois pas hésiter, tu es mon ami, un des miens…

Il pose sa main sur la mienne et la serre tendrement.

- Si j’ai besoin d’une aide pour quoi que ce soit d’autre, tu seras la première avertie…

Nous arrivons sans encombre et nous mettons main à la pâte dès que nous sommes dans mon si merveilleux et formidable bureau. Si je pouvais en voilà bien un que je serrerais profondément entre mes bras ! Je dois dire qu’en pratiquement dix ans que je turbine ici, jamais il ne m’a déçu. Pouvez-vous en dire de même avec… qui ou quoi vous voulez, hein ? Durant deux heures je lui explique en quoi consiste le gros de mon travail. C’est un élève assidu et très concentré. Les questions qu’ils posent sont toujours intelligentes et adéquates. Je sais qu’il prend note mentalement de ce que je lui apprends pour son projet de « moderniser » ou plutôt d’amener une partie des Outre-Vivant, garous en tête et sans doute aussi les Métamorphes - ou Change-formes comme on les appelle aussi - à entrer dans ce millénaire avec toutes les avancées technologiques. Il est plutôt mal-barre, car c’est pas gagné d’avance ! Un peu genre demander à des Tyrannosaure Rex de se mettre à la salade sans sauce  ! Heureusement, il n’est pas seul. Je sais que Jostard, l’oncle de John et John lui-même l’appuient dans sa tâche et je gagerais que Glorios et Mikaïl aussi. Je sais que Mana a également parlé en ce sens dans les réunions qu’ils ont de temps en temps, mais si c’est comme avec nous, les vivants, comme ils nous nomment, ça doit pas être du gâteau. Ça donne quoi au juste ces réunions ? Une ONU d’Outre-Vivant ? Ça me fait penser à un film de Star Trek ! Bonjour les discussions ! Je me demande…

- Tu en as parlé à Whouna ?

Nous sommes confortablement assis dans nos sièges en dégustant un Irish Coffee. Oui, je sais ! On la voyait venir de loin. Aaron, originaire d’Irlande, donc… Et ben non ! Il se trouve que j’aime beaucoup l’Irish Coffee et que j’ai pas attendu de connaître John ou Aaron pour en déguster ! Non mais des fois, une fois !

- A Mouwa ? Pour mon projet ? Oui, en substance.- Je crois que s’il pouvait appuyer ton projet…- Non ! - Pourquoi ?

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- L’idée est parfaite, mais je ne le mettrai pas en évidence. Tu vois… Mouwa est un être qui est pratiquement un mythe parmi les Outre-Vivant. Beaucoup considère qu’il est issu d’une légende et tu sais ce qu’on dit…

- Il y a toujours un peu de vrai dans les légendes ! OK ! Je vois ton point de vue, mais…- Tu le vois et tu ne le vois pas, ma dame. Si Mouwa apparaissait et se mettait à réagir comme

un être de chair et de sang, ce serait un véritable cataclysme dans le monde des Outre-Vivant ! L’ampleur et la magnitude d’un tel phénomène déstructurerait nos Univers au point d’en arriver à le détruire. C’est une des raisons pour laquelle Mouwa est protégé aussi drastiquement y compris par ceux qui sont ses enfants directs, les Faes.

- Je comprends mieux pourquoi Tiana était toujours si crispé.- Tianalampa ? J’oublie toujours que tu as rencontré l’un des plus anciens et des plus

controversés des Faes ! Crois-moi il a de bonnes raisons pour vouloir le protéger. - Et chez moi, tu crois que c’est le meilleur endroit pour être protégé ?- Le meilleur, ma mie ! Qui irait imaginer qu’un être tel que Mouwa serait chez un être vivant

en plein centre de la capitale de l’Europe !- Vu comme ça… et puis… tant qu’à faire, qui irait s’imaginer un Whouna qui vit comme un

vivant ?

Aaron a un petit rire. Depuis que Whouna est à la maison, j’ai de la peine à le voir autrement que comme un quidam. Si ce n’était parce que j’aperçois toujours son aura, il serait un invité normal… Quoi que… puis-je vraiment jauger un invité d’après qui il est ou ce qu’il est ? Depuis toujours ceux qui sont chez moi sont mes invités, autrement dit, ma famille, les miens et c’est une règle cardinale. Cependant, Whouna n’est pas… il est… Bon ! D’accord ! C’est Whouna et il est unique. Ceci dit, l’autre jour Dani et lui avaient mis le petit séjour dans un bel état. Comme j’avais eu une journée de merde, j’ai sorti la ménagère Mogwaï, autrement dit, la version méchante du Gremlins, titre du film toponyme. Ils ont tout nettoyé et remis en ordre et sans moufter encore bien. Quand j’ai raconté ça à mes trois hommes, j’ai bien vu qu’ils avaient un peu de mal avec ça, mais bon… Je ne vais pas laisser ma maison devenir un fourbi sous prétexte que j’ai des êtres exceptionnels qui vivent là ! A ce compte-là, plus personne ne s’occuperait de son chez soi comme il faut au niveau du nettoyage et autre. Aaron me regarde la bouche grande ouverte.

- Tu as fait nettoyer et ranger Whouna ? Vera… Je te conseille de ne pas en parler avec Tianalampa, il peut être versatile à l’occasion, comme tous les Faes.

- Ben, tant pis ! C’est comme ça ! C’est juste une question de savoir-vivre, tu comprends ! Puis, Dani lui a expliqué.

- Ah oui ? J’aimerais bien savoir ce qu’il a bien pu expliquer à Whouna pour justifier cet acte.- Simple ! Il lui a dit texto : « C’est norm’, W ! Ma mère c’est la même chose et d’puis qu’ j’vis

seul presque tout l’temps, j’comprends mieux ! Le bordel, à force, c’est pas vivable, vaut mieux pas laisser trainer les trucs trop longtemps, ça fait désordre! Faut pas êt’ boloss»

Aaron ouvre la bouche, puis part d’un autre formidable rire. Je devrais m’excuser auprès de Whouna pour lèse-majesté ou un stuut du style ? Non ! Si on commence avec les excuses et tout ça, histoire de rester politiquement correct… de plus, l’idée de Whouna, c’est bien de rester chez moi pour apprendre comment on vit au jour d’aujourd’hui ? Ben voilà ! Aaron se calme, mais à chaque fois qu’il me regarde, il glousse. J’ai déjà dit que les Outre-Vivant gloussaient souvent ? Oui, je sais. Pas glamour du tout et chez les Fées, c’est encore plus gravos, mais c’est la réalité. On dit qu’avec le temps on s’habitue ! Sûr ! Comme d’avoir une entorse permanente !

- Ceci dit, Aaron… le premier qui touche à Whouna, je te lui refais le portrait et sans anesthésie, que même sa mère le reconnaîtrait pas !

Aaron éclate de rire. Il est avec Glorios celui qui rit le mieux. Il y a tant de joie et de félicité dans ce rire que je le rejoins. Durant quelques secondes nous nous laissons aller à l’hilarité avec abandon et plaisir. Nous nous calmons et finissons nos boissons.

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- Au fait… comment as-tu eu ce stage ? Tu es étudiant ? Pas un peu vieux pour l’être encore ?- Qui le saurait ?- Comme dans Twillight ?- Pas vraiment et un peu tout de même. Il est vrai que pour certains Outre-Vivant venir s’asseoir

ou se rassoir sur les bancs scolaires est une nécessité. C’est une manière de comprendre comment évolue le monde dans lequel nous vivons, même si beaucoup l’apprenne d’une autre manière. J’utilise souvent cette manière et cela me permet de me tenir à la page… virtuelle en ces temps-ci.

- Je vois. En tous cas, tu fais un des meilleurs stagiaires que j’aie jamais eu !- Tu en as eu beaucoup ?- Suffisamment pour vouloir acquérir une batte de baseball et arrangez quelques portraits ! Il y

en a eu une qui était… oh bon sang ! Rien que d’y penser… Le genre pin-up, mais plus up que pin et le crâne ressemblant à s’y méprendre à un puit sans fond !

- A ce point ?- T’as pas idée ! Le pire, si elle s’était contenté d’être « belle et tais-toi », j’aurais vaillamment

enduré les deux mois, une éternité si tu veux mon avis ! Non ! Elle devait en plus faire sa maline, ce qui revenait à me faire faire des erreurs tant elle arrivait à m’étourdir avec son crétinisme larvaire. Et son parfum… je me suis toujours demandé comment elle avait réussi à avoir son diplôme, parce qu’elle a fini par l’avoir et ce, malgré le rapport incendiaire que je lui ai concocté !

Aaron ne dit rien, mais à son sourire je pense qu’il a une petite idée sur la question. Moi aussi, mais rien que d’y penser… Gigantesque carré blanc !

- Bon, c’est pas tout ça, mais si on ne veut pas avoir pour la quatrième fois « Gina » venant aux nouvelles, autant s’y remettre.

- Oui. Allons-y !

Nous dévissons tranquillement quelques secondes, quand soudain Aaron me parle dans la tête.

- Fais comme si de rien n’était… je t’explique plus tard !J’ai juste le temps de quelques clignements d’yeux – depuis le temps que je me chope des intrusions mentales, c’est à peine si je cille encore – qu’Aaron se transforme sous mes yeux en… Lampadaire  ? Au secours, Tante Sidonie ! Je croyais qu’elle était la seule à pouvoir se dissimuler derrière un lampadaire au point de passer elle-même pour un lampadaire. Et non, je ne sous-entend pas que c’est pas une lumière ! J’ai pas un si mauvais esprit ou… si ? Au moment où je « fais comme si de rien n’était en tapotant sur mon clavier », je le sens. Un homme d’apparence banale entre dans la pièce d’un air timide et vaguement souriant et je commence à péter de trouille ! Je déglutis discrètement. Il me fout vraiment les jetons ! C’est comme s’il avait un filet invisible de « mauvaiseté » qui essayait de m’emprisonner. Je ne peux pas donner plus de précisions, sauf que ce type ne veut rien de bon. Vis-à-vis de moi ?

- Ah… Bonjour ! Je crois que je me suis perdu…- Bonjour. Que cherchez-vous ?

Je me suis levée lentement. C’est un réflexe inévitable. J’aime autant lui donner un minimum d’avantage, quoi que… un bureau avec des tas de choses made in Administration, ça peut devenir du matériel de combat lourd, sinon… une agrafeuse qui vole via votre crâne, à votre avis, ça peut donner quoi ? Deux idées lambda qui vont se pacser ? L’homme regarde distraitement autour de lui, mais il est à l’affut.

- On m’a dit que je pouvais trouver de l’aide pour régler un problème administratif.- Ah oui, mais les bureaux d’aide sont dans le bâtiment contigu…- Bien sûr, j’ai dû confondre.

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Il s’avance lentement, mais sûrement de moi et je lutte pour ne pas me paralyser. Du coup, je me demande si « Gina » n’aurait pas une soudaine envie de voir « comment ça va par ici » ! Mais je ne pratique pas la transmission de pensées ! Merde ! Il est contre mon bureau et il sourit toujours. Il y a autour de lui une sorte de nuée opaque et mouvante qui m’empêche de voir clairement de quelle essence ou nature il est. Cela ressemble à un écran de fumée et aussi à une partie de son essence ou de sa nature. Je ne sais plus que faire pour éviter que le pire ne se produise, parce que si d’une chose je suis certaine, c’est qu’il n’hésiterait pas à me faire du mal si cela va dans son sens ou dans son intérêt à lui. Une sorte de tremblement imperceptible court sur ma peau. C’est maintenant que j’aimerais avoir une essence féline qui me permettrait de me changer, mais je ne peux pas. Je suis vivante et totalement humaine, même si j’ai de lointains ancêtres qui faisaient partie de la nature Felidae. Je ne bouge pas. Il continue à me sourire, mais il n’avance plus. Je sais qu’il pourrait détruire le bureau très facilement pour me débusquer, mais il ne tente rien. Il se contente de me sourire et sans doute de me sonder mentalement. Je ne sens rien de précis dans mes pensées, mais je le sens, confusément. Si je n’arrive toujours pas à cloisonner mes pensées vis-à-vis de bon nombre d’Outre-Vivant, la majorité étant des proches, j’arrive à contrôler l’accès de ceux que je ne connais pas, ce qui me fait gagner du temps et une certaine marge de manœuvre. Ici, c’est clairement du temps. Il se détend un peu et fait un pas en arrière lentement tout en continuant à me sourire.

- Dans l’autre bâtiment, vous m’avez dit… Merci. Je pense pouvoir le trouver facilement. Vous… m’avez été d’une certaine aide…

Il continue à reculer sans cesser de me regarder.

- Je vous en prie. Cela arrive quelquefois, c’est assez mal indiqué, je le disais encore à ma chef de service, mais ils ne font rien, alors les gens se trompent. Mais ils vont bien finir par trouver une solution, parce que c’est pas franchement, franchement très pro, ça… enfin, vous savez ce qu’on dit, les lenteurs administratives… ça va aller ? Parce que si ce n’est pas le cas, vous pouvez…

L’homme a le sourire qui se fane lentement sous mon flot de paroles que je continue à débiter un petit moment, jusqu’à ce que j’entende les pas grimper vélocement les escaliers. Pas l’ascenseur ? Pour moi, c’est clair ! C’est un Outre-Vivant. Croyez-le ou non, mais les Outre-Vivant ont horreur des ascenseurs, téléphériques et autres moyens du genre. Je garde l’oreille sur l’extérieur de mon bureau, histoire de voir s’il ne va pas débouler encore une fois. Rien ! J’ai dû être convaincante, même s’il a été menaçant jusqu’au bout ! J’inspire profondément et me laisse tomber au fond de mon siège délicieusement ergonomique. C’est à ce moment-là qu’Aaron revient à lui. Enfin, je veux dire qu’il arrête de faire le lampadaire ! Un lampadaire ? Oh, misère !

10.- C’est un renifleur.

Aaron est adossé à la chaise sur laquelle il a été assis une grande partie de la matinée jusqu’au… lampadaire ?

- Quoi ?

Je le regarde encore sous le choc. Il s’approche de moi lentement et me hale contre lui. Merde ! J’ai eu si peur. Il me berce doucement en me frottant le dos.

- C’est quoi un renifleur ? Comme les chiens renifleurs de la police pour détecter de la drogue ?- Pas exactement, quoi qu’il y a de l’idée, mais… la nature des uns et des autres est totalement

différente ! Chez les Outre-Vivant, c’est un être qui est commandité pour retrouver une autre personne et accomplir un objectif. Entre autre.

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- Des Outre-Vivant ?- Pas seulement.- C’est un mercenaire ?- En quelque sorte. Il peut faire tout et n’importe quoi s’il a la motivation adéquate.- Tuer ? Me tuer ? Pire ?- Ce n’était pas après toi qu’il en avait. De plus, il n’aurait pas pu t’atteindre. J’étais là. - Oui. En lampadaire. Depuis quand un lampadaire est une arme mortelle ?- Depuis qu’un métamorphe l’use pour s’occulter afin d’utiliser un élément de surprise, un

avantage, un atout mortel.

J’ouvre la bouche. Je ne peux pas arrêter de trembler.

- Chuut. Tout va bien, il n’aurait pas pu t’atteindre.- Mais s’il…- Tout est possible, mais les métamorphes sont les seuls qu’ils ne peuvent vaincre. Un atout

animique et anatomique. De plus, j’ai maintenu un voile ténu et indétectable par les renifleurs pour qu’il ne puisse reconnaître autre chose que ta nature de vivante humaine.

Je ne dis rien. Je commence à me calmer.

- Merci d’avoir joué le jeu, ma Vera.- C’est un jeu ?- Pas tant que je n’aurais pas déterminé qui est le commanditaire. On sait déjà qu’il me cherche.- Pas moi ?- Non. Sa manière d’agir toute en prudence et en retenue le démontre assez, son apparence…- De Monsieur tout le monde ?- Oui, c’est l’idée. Mais, en fait, il n’a pas une apparence définie.- C’est quoi alors, une nuée, un mauvais air, une image virtuelle, un hologramme ?- Non. Il n’y a que Mana et Mouwa qui connaissent sa vraie apparence, c’est ce qui les rend

redoutable et recherché.- Recherché comme dans « Wanted… » .- Non. Comme une valeur sûre.- Ah ! Sont-ils comme vous, des métamorphes ?- Pas exactement. Ils ont certaines de nos capacités, mais en forme, pas en fond.- Des copies conformes, des clones ?- Oui et non.- C’est lié ?- Sans doute, mais on n’en aura confirmation qu’après avoir parlé à Mouwa et à Mana. Ils

sauront nous conseiller. Mais c’est positif, le loup est sorti de sa tanière.- C’est aussi un Lycos ?

Je me suis rejetée en arrière.

- Non, c’est une manière de dire les choses.- Ah ! Désolée, je ne suis pas très fut-fut, là !- Je le sais. Viens, assieds-toi. Nous allons terminer ce qui était en cours, puis on rentre.

Maintenant, détends-toi. J’ai maintenu le voile neutre qui ne met en avant que ta nature vivante et humaine, ainsi que celui d’une aura de normalité, mais je vais relâcher celui-ci.

- Je… je ne comprends pas.- Si tu es trop angoissée, on risque de voir débarquer la cavalerie. Et je tiens beaucoup à mes

abattis intacts !- Mais enfin… même… tu ne pouvais pas savoir qu’il viendrait et… bon, j’ai encore le droit de

m’énerver ou de…

Aaron a un petit rire.

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- Si tu crois que ça peut calmer tes amours, tu n’as pas encore compris ce dont ils sont capables pour toi.

Je soupire profondément. Je sais. La même chose que moi pour eux. Ceci dit… nous sommes arrivés à une certaine indépendance les uns vis-à-vis des autres, sinon cela deviendrait vite un calvaire à vivre. Et ça marche. Nous sommes aussi interdépendants les uns des autres, mais jamais les uns sur les autres. J’ai réussi à leur faire comprendre que si j’étais le maillon faible de notre quartet, en apparence, de par ma nature de vivante humaine, cela ne signifiait pas que je l’étais réellement. Je suis aussi forte, puissante et capable de me défendre qu’eux, même s’ils ont des avantages ajoutés certains. Je peux le faire pour moi et pour eux. Ils ont compris très vite. Même si… On n’est pas sorti de l’auberge. Je hoche la tête.

Nous reprenons la divine paperasserie administrative là où nous l’avions laissée. Bénie soit le travail routinier !

Dans la voiture qui nous ramène au bercail, je regarde subrepticement Aaron. Bien que notre temps de travail ait été très intense, je n’ai pas cessé de penser à cette histoire de métamorphose. Bien sûr, je pense à La Métamorphose de Kafka et… rien d’agréable dans cette pensée. Pourquoi  ? Je suis fonctionnaire de l’Etat à mi-temps, certes, mais fonctionnaire quand même. Hors le personnage de la Métamorphose est aussi un fonctionnaire. Pourrais-je me métamorphoser comme lui en cancrelat  ? Je déteste les petites bestioles, même si je peux comprendre leur utilité. Il y a aussi les Métamorphoses d’Ovide, mais… bon… OK ! Je me souviens plus. Attendez, là, vous vous souvenez de tous ce que vous avez appris à l’école? Si oui, vous venez me l’expliquer et on compare !

- Tu te transformes souvent en lampadaire ?

Merde ! Je ne voulais pas dire ça, mais je l’ai dit. Pourquoi je ne tourne pas sept fois ma langue dans ma… Wouh ! Pas penser à ça, la dernière fois, Glorios a capté cette même pensée et m’a démontré au moment même qu’on pouvait tourner sa langue plus de sept fois dans une autre bouche que la sienne… Oui, je sais, ça craint un max, mais bon ! Vous ne connaissez pas Glorios et sa…

- Ça dépend, des fois c’est en guéridon, en bâton de chaise ou encore en dessous de table.

Je regarde fixement Aaron. Il y a un embouteillage.

- Mais si quelqu’un veut t’allumer quand tu es un lampadaire?

Aaron a un petit rire égrillard.

- Voilà une excellente décision…- Non ! Je veux dire… si on pousse sur l’interrupteur…- Je ne m’allume pas.- Mais alors que va faire la personne ?- Certaines n’insistent pas, d’autres vont chercher une ampoule pour changer celle qu’elles

croient HS.- Mais… si elles te mettent une ampoule pour de vrai…- En général, le temps qu’elles reviennent avec une nouvelle ampoule, je me suis transformer en

autre chose ou je suis simplement parti.- Mais quand tu ne peux pas te changer ou partir…- Le courant ne passera pas, aussi elles finissent par considérer que je suis un lampadaire cassé.- Mais si elles insistent pour te mettre sous électricité…- Vera…

Je regarde Aaron. Oui. Je sais. Avec des si on ne fait pas un monde, mais tout d’mêm, cette histoire d’ampoule…

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- Désolée, je ne suis pas une lumière, hein…

Il pouffe bruyamment et je ris aussi. On fait bien la paire. Il se calme et me caresse la joue tendrement. Il est si tendre…

- Ma chère Vera… je peux me métamorphoser en pratiquement tout. Pas en ordinateur, ni autre artefacts modernes, cela serait étrange, surtout si on décidait de m’utiliser. Les meubles… oui. J’évite néanmoins certains, comme les sièges par exemple. Pour avoir eu assis sur moi quelques malodorants personnages par le passé, je préfère ne plus m’exposer à nouveau à cette pestilence.

- Vous sentez tout !- Oh que oui ! Nous sommes totalement conscients lors de ces transformations, c’est un atout,

un avantage ou un total inconvénient selon les circonstances.- Mais… et en air aussi ? Je veux dire en brumes…- Ah, je vois ! Encore une référence à un de tes romans de la Bit-lit. Note, cela est un don

attribué aux vampires et particulièrement à Dracula, si mes souvenirs sont bons. Je peux le devenir, ainsi que de la buée.

- De la buée ? Tu veux dire comme sur les vitres quand il fait trop chaud ou trop froid.- Oui. - Et ça t’a servi à quoi ?- Ah, voilà une question intelligente ! Eh bien, il fut un temps où j’ai passé de longues heures

sous cette forme lors de missions de repérages, mais surtout d’espionnage !- Waouh ! T’as été James Bond version brumeuse ? Ben dis donc !

Aaron rit encore.

- C’est une excellente analogie. Je m’appelle Aaron, James Aaron !

Il éclate longuement de rire. Je vous ai déjà dit que les Outre-Vivant ont un humour bizarre et qu’il déteint de plus en plus sur moi ? Ben, maintenant, c’est fait ! Il se calme et devient pensif.

- Au début, à Londres, lorsque Napoléon faisait un massacre sur le continent, les affaires étaient au plus mal. La situation ne semblait jamais devoir s’arrêter. J’ai été appelé par un vieil ami, décédé aujourd’hui sur un champ de bataille, pour lui servir d’espion. A l’époque, cette fonction existait à peine. Il y a toujours eu des espionnages, de fait l’Histoire de l’Humanité est truffée de faits rapportés par ce moyen-là. C’est une stratégique qui est une des bases de la politique. Ma capacité à me métamorphoser faisait de moi un candidat exceptionnel. Bien que mon ami ne connaisse pas cette particularité de ma nature profonde, il savait que j’étais habile pour obtenir des informations comme je le lui avais prouvé plusieurs fois dans d’autres domaines. Il m’exposa le plan, la situation, que je connaissais succinctement par ailleurs et le fait d’avoir une grande connaissance des langues furent déterminantes pour m’engager dans ces missions périlleuses. J’aurais pu devenir un meuble lors de ces espionnages, mais le risque était trop grand. Les réunions d’alors pouvaient tourner au vinaigre. Tandis qu’être étaler sur la vitre en buée, derrière un voilage ou un rideau qui plus est, cela devenait faisable. J’ai donc adopté cette manière de faire et les résultats ont été excellents. J’ai pu aussi entendre des confidences de certaines personnes qui n’avaient rien à voir avec la politique, mais qui purent m’être utiles à d’autres moments. L’information, c’est du pouvoir. Je te le confirme, ma chère Vera !

J’essaie de l’imaginer étaler sur les vitres dans des dessins improbables. Je n’y arrive pas, c’est trop… space, quoi !

- Et les français n’avaient pas un métamorphe sous la main… - Non, heureusement. Ce sont pratiquement les seuls qui peuvent nous détecter.

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- Qui encore ?- Mouwa, Mana et Glorios.- Waouh ! Mouwa je comprends, mais Mana et Glorios… ils ont des essences de…- Ils ont des essences garous, mais ce n’est pas cela qui leur permettent de nous détecter. Je

crois que c’est dû à leur âge et aussi à une sensibilité très particulière qui est lié à des essences et des natures d’êtres et d’animaux qui n’existent plus.

- Je vois.

Que dalle, mais je n’ai pas envie de passer pour plus bête que je ne suis ! Nous roulons à pas d’escargot, ce qui n’est rien de le dire. Heureusement, nous sommes presque rendus. Tant mieux ! Je ne sais jamais ce qui m’attend à la maison. Pour certains l’inattendu est vraiment un cadeau des Dieux, pour moi c’est kif-kif et bourricot avec foutoir, anarchie et douleurs de crâne ! Essayez pour voir et vous me direz comment ça a été pour vous !

11.J’entre dans le salon et me pétrifie sur le seuil. Mon regard se vrille sur ce petit morveux de

Dani. Ils sont devant la télévision format XXXL en train de jouer à un jeu vidéo qui montre de l’action. Laquelle ? Vous n’avez qu’à vous informer vous-même, moi je n’ai jamais rien compris à ces jeux. Je regarde tour à tour mes deux amours, Glo et Mi, puis Whouna et j’en reste comme deux ronds de flancs. Il est habillé dans la tenue de… Dark Vador ? Je regarde mes deux CV, qui m’ont à peine jeté un regard, pour me rendre compte qu’ils sont habillés en… guerrier galactique ? Je ne peux pas dire lesquels, je suis tellement, tellement… d’autant que Dani s’est habillé en Han Solo et…

- DANI !

Je sais, j’ai hurlé, mais… Des grognements divers me répondent alors qu’ils arrêtent momentanément le jeu.

- Tu peux m’expliquer, Daniel, pourquoi tu as habillé Whouna en Dark Vador ? C’est… tu ne peux pas le déguiser en cette… chose…

- Yo, V ! C’est que pour qu’il comprenne bien le côté obscur de la Force, alors fallait que je lui mette le costume du Dark, pour qu’il voie mieux !

- Mais enfin… c’est comme si je devais m’habiller en sorcière pour comprendre leurs habiletés de guérisseuse, c’est… Puis… Depuis quand les jeux vidéo font partie de l’air du temps ?

Dani me regarde fixement alors que mes deux V se statufient. Whouna… Comment voulez-vous que je sache ce qu’il sent avec ce masque… et en plus, y’a même le son qu’il fait dans le film, vous savez ce bruit de soufflerie… essoufflée ! Flippant !

- Wep, V ! C’est de la réalité virtuelle !

J’ouvre la bouche pour dire… Rien ! Je n’ai rien à dire sauf que… la réalité virtuelle est-elle de la réalité ? Si c’est le cas… Quelle réalité ? Quelle compréhension pour quelle réalité ?

- ET pour que Whouna comprenne bien la réalité virtuelle, il doit porter le vêtement de Dark Vador ?

- Non, il est top dar, le Dark ! Dark Vador, c’est un affreux qu’est pas boloss, faut pas croire, c’est juste qu’il est badé à donf, parce que c’est trop dar pour lui, il s’prend archi la tête, québlo et devient looser parce qu’il arrive pas à s’arracher. Dark c’est comme la face cachée quand t’es archi destroille. C’est archi auch pour lui !

Je me rigidifie. Whouna acquiesce, j’imagine que ça doit vouloir dire quelque chose de sensé. Mais bon… faut aussi qu’j’me met’ à parler jeune ? Chui pas sortie de l’auberge alors ! Je soupire profondément en laissant tomber mes épaules et en levant mes bras au ciel.

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- Bon ! OK ! J’vais aller m’habiller en petit chaperon rouge, parce que c’est le côté enfantin du méchant loup ! J’reviens !

Mes deux CV me sourient d’un air niais. Ils ne perdent rien pour attendre. Je me vengerais tout à l’heure sur matelas, je le jure, foi de VL ! Ils ont un petit rire qui est englouti dans celui toujours féérique de Whouna, même masqué. Essayez donc de vivre avec des Outre-Vivant. C’est super enjoy ! Dani me cligne de l’œil, tout en ramenant son petit monde à l’ordre du jour. Le jeu repart de plus belle. Je m’en vais trouver une réalité à ma mesure ! Un p’tit coup de hamac, histoire de me prouver que je m’en balance aussi pas mal !

J’ai fini par m’endormir dans le hamac. Pendant un moment, lorsque je suis arrivée dans ma véranda côté jardin, j’ai cru que John était là. Ce n’était que son rire lupin qui virevoltait dans ma tête. Il a entendu ce que j’ai dit dans le salon et il a apprécié. Il peut, mais je ne vais pas me déguiser en cette foldingue à la cape rouge, d’ailleurs… une cape rouge, c’est d’un ringard ! Non ! Même pas pour lui. Une autre vague de rire lupin me submerge alors que je m’étends et me laisse aller. Black- Out !

La faim me réveille et me fait sortir de ma tanière. Heure de dîner ! Dans la grande cuisine, j’ai la sensation de vivre un vrai repas de famille, nombreuse dans ce cas-ci, mais famille quand même ! Quelque chose danse de félicité dans mon être. J’ai enfin l’impression que cette pièce, ma vaste cuisine, est vraiment utilisée comme il se doit. Pourquoi ? La table en bois massif est capable d’accueillir près de quinze convives et encore sans se serrer les coudes, mais c’est pas ça, c’est… indéfinissable, juste bon, plaisant, chaud. Je regarde ma petite famille. J’ai remarqué que le dégel a commencé entre Dariana et Aaron. Tant mieux, j’aime quand les personnes autour de moi vont bien et sont heureux, même si c’est difficile de savoir ce que veut dire ce mot pour les uns et pour les autres. D’ailleurs… Si une personne aime être malheureux et que ça le rend heureux comme ça, je serais heureuse pour elle ?

- Dis-moi, Aaron… j’ai eu l’impression que vous étiez en silence radio pendant un petit temps dans le bureau de Vera. Tu peux m’expliquer ?

Mikaïl a la voix douce qui me fait hérisser les poils des bras. Génial ! J’ai encore été distraite et j’ai pas pu mettre au parfum mes trois amours ! John, qui est revenu juste au moment de passer à table ( il a senti qu’on allait manger ou quoi ?) et Glorios ont l’air détendu. Mauvais ça. Aaron dépose lentement son verre et regarde Mikaïl, puis Glorios et enfin John de manière plus soutenue. Le premier qui me casse un machin dans la maison, même par inadvertance, je ne donne pas cher de sa peau ! Qu’on se le dise ! Les regards dévient vers moi, mais ils gardent leur sérieux ! Wouh ! Ça va chauffer dans les foyers !

- Un renifleur est apparu dans le bureau !

Avec un bel ensemble mes trois amours se lèvent. Les chaises raclent le sol en bois poli. Whouna, Dani, Dariana et moi retenons notre souffle. Aaron reste impassible. Mes trois hommes reprennent leur place. Je déteste les testostérones en capilotade, merde !

- Qui ?- Je ne sais pas, Mikaïl. Si je le savais, je ne vous en parlerais pas, je serais déjà en chasse.- Pas sans nous, tromniana.- Je vous suis reconnaissant de cette attention…- Aaron, s’il y a un renifleur, il y a un commanditaire et s’il y a commanditaire, il y a un contrat.

La mission qui t’a tenu éloigné durant quelques semaines doit y être pour quelque chose et ce que Dariana est venu te solliciter aussi. Tout est lié. De plus, tu oublies une de mes capacités, protaniolus…

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- Je n’oublie pas, Glorios, tu es un des seuls qui peuvent les reconnaitre sous leur apparence, mais je ne peux te demander cela… Dariana et moi avons parlé et nous sommes d’accord sur un plan.

- Parfait, tromniana et merci de nous en parler…- Je désirais le faire en présence de Mana, Leanna, Timoti, Crisold et Ranita…- … mais il va falloir le faire maintenant, le temps semble s’accélérer.- Je le pense aussi, Mikaïl.- Quant à ne pas compter sur nous, Aaron, mon frère, oublie. Si les métamorphes sont en

danger, les garous aussi. En tant que Gardien des tiens, je dois à ces derniers et à toi, qui est leur ancien et leur gardien, mon appui. C’est sans appel, moins encore si Vera est impliquée dans la résolution de cette situation.

- Tu insinues que je pourrais la mettre en danger ?- Tu es fou de penser cela, mo brathair, je sais ta tendresse et ton amour pour elle comme la

sœur qu’elle est pour toi. Cependant, tu connais comme moi les risques encourus…- Excuses-moi, John… je le sais. J’imagine que je suis plus inquiet que je ne veuille bien le

dire…- La question étant, Ouani, si tu as pu distraire suffisamment le renifleur pour qu’il nous donne

une marge de temps. Je peux étirer le temps jusqu’à la venue de Ranita, Leanna, Crisold, Mana et Timoti, mais pas durant très longtemps.

Nous nous tournons tous vers Whouna qui a l’aura d’une couleur indéfinie, celle qu’il a lorsqu’il sonde quelque chose. Je ne peux pas décrire cette couleur, elle n’existe pas dans notre dimension, je crois, même si je peux la voir.

- C’est une bonne question, Mouwa. Je n’ai pas reconnu l’essence signalétique de ce renifleur, aussi je crois que c’est un nouveau ou du moins avec une expérience plus limitée dans le temps. Par le passé, j’ai eu affaire à pas mal de ceux-ci et je les connais tous. Ce dernier en date étant inconnu au bataillon, il peut s’avérer moins performant ou plus, seuls les résultats le diront. Le seul inconvénient, c’est que ne pouvant lire son essence, je n’ai pas une piste valable sur le commanditaire comme c’est le cas habituellement.

- Gênant, en effet, mais en recoupant ce que nous savons de l’affaire, qui nous concerne tous, nous devrions avoir certaines pistes valables.

- J’y ai pensé. D’autant que les éléments que je possède sont trop flagrants, ce qui laisse supposer que le commanditaire ne veut pas rester inconnu indéfiniment. Cependant… si tu peux nous donner ces jours en sus, Mouwa, ce serait un bénéfice…

- C’est comme si c’était fait ! Tope là !

Whouna présente sa paume levée vers Aaron qui a un instant de confusion, puis fait le geste. Check five ! J’ouvre la bouche, estomaquée, alors que Dani fait un «  Yeee maan ! » convaincu. Je reprendrais bien un peu de crème brûlée, d’autant que je ne l’ai pas préparée et qu’elle est d’autant plus exquise. Ah non, d’abord un p’tit coup de fromage. Enfin, eux, moi… je vide mon verre cul sec, dommage de le faire avec cette excellente piquette, du millésimé et tutti quanti, mais j’en ai besoin. Mikaïl lève haut ses parfaits sourcils. Je fais la grimace en reposant mon verre. Je sais, lèse-majesté de la dive bouteille et tout ça, mais…

Le repas continue dans un remue-ménage verbal digne des meilleures réunions familiales, avec le pouce-café, le café et le thé. Je n’aurais pas fait un diner aussi complet, mais Dani est venu me trouver hier soir avant de retourner dans son kot d’unif et m’a expliqué, à sa façon, qu’il était important que Whouna sache comment c’était un vrai repas en famille, avec entrée, plat principal etc. Je ne vois pas l’intérêt, vu que Whouna n’est pas vraiment vivant, même s’il est la quintessence de la Vie et de la Mort dans l’Univers, mais bon… il paraît que c’est important pour « que Whouna ait une idée complète de comment qu’c’est maint’nant qu’on peut avoir d’la bouffe complète ! ». J’imagine qu’il veut dire par là que dans le monde occidental dans lequel on vit, on peut faire des repas copieux à tous les niveaux. Je ne sais pas si c’est vraiment nécessaire et même réaliste… toutes les cinq seconde quelqu’un meurt de faim dans le monde, alors que nous avons la possibilité de nourrir jusqu’à 11 ou 12 milliards d’habitants. Sans parler que la répartition alimentaire dans le monde est vraiment à

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gerber… Je pense tellement à Coluche et à son objectif lorsqu’il mit sur pied son grand projet d’aide alimentaire… Il serait horrifié s’il voyait où nous en sommes encore au jour d’aujourd’hui, je le suis aussi, mais… Cela veut-il dire que je suis prête à changer de vie ? Non ! Vous le feriez, vous ? Pourquoi ? Par solidarité et solidarité vis-à-vis de qui ou de quoi ? Que faire ? Etre conscient, est-ce suffisant ?

- Tu crois pas qu’tu dois dire main’nant pour la mission…

Dani me sort de mes pensées… Chacun regarde Dani. Je suis surprise que personne n’ait interrompu mon continuum verbal interne. Ou bien… Dariana a réussi à me mettre un paravent psychique ? Trop génial ! Mes trois hommes se tournent vers moi en me lançant un sourire allant du goguenard au malicieux. Pfff ! Bande de CV et CG (con de garou). Ils ont un petit rire. On verra ça à un autre moment, mais… merci de m’avoir donner mon aparté mental, j’apprécie vraiment. Whouna me sourit gentiment et pose sa main sur ma joue un bref instant. Il a des petits gestes comme cela et je m’en sens toujours si pleinement heureuse, comme une petite fille et c’est si bon de me sentir ainsi.

Aaron se lève brusquement et nous le regardons tous. Il semble si tourmenté, mais je crois qu’il faut en arriver aux faits, le temps fait défaut. Il se met à arpenter nerveusement la cuisine, arrivant à ne frôler personne avec cette grâce propre aux Outre-Vivant. Je sais qu’il rassemble ses idées, inquiet d’en dire suffisamment et surtout le plus clairement et concrètement possible. Je ne m’inquiète pas, Aaron a un vrai don de tribun qui s’ignore. Peut-être l’a-t-il été dans un autre temps  ? Qui sait.

- Vous savez tous que j’ai été absent quelques semaines. La raison en était l’annihilation de sept cerveaux métamorphes. Etant des sportifs de haut niveau, les personnes les plus proches ont pensé dans un premier temps qu’il s’agissait d’un effet de leur entrainement très intensif.

La voix d’Aaron est atone, mais je sens toute sa rage et sa douleur pour ces sept personnes.

- Mais quel rapport ? Vous n’êtes pas des humains lambda ?- Non, ma dame. Mais notre organisme est celui qui est le plus proche des humains « lambda »,

comme tu dis. Aussi nous ne pouvons pas autant que les autres Outre-Vivant nous excéder dans l’effort, cela risquerait de nous amener à tomber malade. Cependant étant métamorphe, notre nature nous remet d’appoint très vite dans ces cas forts rares et isolés. Mais ici, le temps de leurs maux passa, ils se rétablirent, du moins au niveau physiologique, mais les proches constatèrent que ceux-ci entraient très rapidement, lors de la convalescence, dans une stase de coma, autrement dit, dans l’annihilation du cerveau et le plus préoccupant est que ce coma ou annihilation est « induxé ». Par qui ? Je n’ai pas pu le déterminer. Etant gardien des Métamorphes, je suis allé les voir un par un et j’ai constaté qu’un même lien était brisé chez chacun. Un lien animique.

- C’est la même chose que Dariana a constaté ?- Oui. Nos affaires sont les mêmes. Aujourd’hui il y a dix-sept en annihilation cervicale. - Tous des sportifs ?- Non ! Quoi que le sport est une des passions des métamorphes, mais pas au point d’être

intensive comme les sept premiers. Dariana et moi n’avons pas pu déterminer pourquoi ces personnes et pas d’autres, le point commun entre eux, mais apparemment il n’y en a pas. Pour moi, il s’agit ni plus ni moins d’une attaque aléatoire contre les métamorphes en général !

- Mais pourquoi et qui ?- Qui ? Aucune idée, mais Flexianor, mon alter ego en «  Formacailyou » devrait le savoir.- Où ?- Là où tu devras aller, ma féline.

Je me tourne vers John qui se tient dans sa position préférée, à mes genoux, le visage sur les cuisses. Je lui ai demandé avant s’il ne désirait pas un coussin, mais il m’a répondu que sa nature de Lycos privilégiait cette position à d’autres et qu’il ne pouvait sentir la même chose que nous, les humains lambda, à savoir douleur et même crampe. Je lui fais confiance, je ne suis pas Lycos et maintenant…

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j’ai encore un peu de mal avec ça, je ne vais pas mentir, mais je m’adapte. Je lui caresse les longs cheveux doux comme de la soie. Je regarde à nouveau Aaron qui a l’air terriblement stressé.

- Pourquoi moi et pas toi si tu es gardien des tiens ?- Parce que je ne puis m’y rendre sous quelque forme que ce soit, alors que certains des miens

dépérissent. Ils ont besoin de moi de ce côté-ci pour garder le lien unitaire carnalis.- Je vois.

Que dalle, mais bon ! Si je ne comprends pas maintenant, plus tard, pareil, mais ça n’empêchera rien, of course !

- Mais, pourquoi ?- C’est la question. Si nous ne savons pas qui ou quoi, nous ne pouvons savoir pourquoi. Je

préfère ne pas conjecturer. Nous n’avons pas que des sympathisants et des adeptes au long de l’Histoire.

- C’est ce qu’on m’a dit.

Aaron reste immobile avant de pousser un grand soupir, se passer la main sur le visage et les cheveux. Il nous regarde tous alternativement.

- Vous en savez à peu près autant que moi maintenant.

Il se rassoit, la mine soucieuse. Je lui serre la main. Il me sourit tendrement. Quoi qu’il arrive, on va bien finir par savoir de quoi il retourne.

- Quand je peux aller voir ton alter ego ? Flexible, c’est ça ?

Il me regarde en écarquillant des yeux. Il éclate de rire brièvement.

- Il va t’adorer, ma dame, vraiment.- Wep ! Sûr ! J’ai déjà vu dans les autres plans ! Ça craint un max ! - Pour répondre à ta question. Dès que Mana est là avec Leanna et Timoti. Tous trois sont

chamanes par nature et essence, cela nous aidera. Cependant, le rituel de salvation pour les âmes retenues et la « Réjunevence » des dix-sept corps ne pourra se faire qu’à la pleine lune, d’ici dix-sept jours. Mais en amont, nous pourrons déjà faire beaucoup. Flexianor t’aidera.

- C’est comme pour les Lycos…- Pas exactement, ma féline. Pour les métamorphes, la pleine lune n’est nécessaire que lorsque

des situations comme celles-ci se présentent, mais elle n’a pas plus d’influence sur leur nature ou leur essence qu’elle n’en a pour les vivants.

- Pour les Lycos, oui ?- Elle a plus de pouvoir, mais jamais comme ce qui se dit ou s’écrit, plutôt…

John ne m’en dira pas plus. Je sais déjà qu’ils n’ont pas besoin de la pleine lune pour se transformer, le cas aussi pour les métamorphes, mais je n’en sais pas plus et John n’est pas près de m’en parler. Je le comprends, d’autant qu’au niveau de la comprenure, c’est pas toujours ça pour moi !

12.Aaron n’est pas venu au bureau. Il a appelé personnellement « Gina », comme ma chef de

service veut qu’on l’appelle désormais (elle se prend pour Gina Lollobrigida ou quoi ?) pour le lui dire arguant d’un imprévu de dernière minute. L’imprévu est une possible piste pour l’affaire qui le concerne lui, Dariana et les leurs. Gina était enchantée en me prévenant de l’absence d’Aaron ou devrais-je dire du coup de fil. Il lui envoie des ondes de félicité ou quoi ? En presque dix-sept ans de bons et loyaux services au sein de cet auguste ministère, je ne l’ai jamais vu comme cela. Un p’tit coup d’hormones en folie, peut-être ? J’ai fini ma tâche en temps et heure et j’avoue que j’ai pris

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autant de plaisir que d’habitude. Quel plaisir d’avoir une routine aussi bien huilée, aussi parfaitement harmonisée. Je recommande vraiment ! Rien de tel qu’un bon moment à suivre un même rituel pour se sentir centrée et syntonisée. Le trajet se fait calmement, comme un mardi, autrement dit, calmos. J’aime autant, le côté hystéro véhiculaire sur fond de freinages intempestifs et d’accélération chtarbée, très peu pour moi !

Je me gare et je tends l’oreille. Rien ! Bon ou mauvais signe ? Je ne sais jamais. Dès que je mets un pied hors de mon lit, c’est Indiana Jones made in Belgium, versus femina ! J’aime pas l’aventure ! Comme disait mon grand-père : « no quieres patatas, toma diez kilos ! Tu ne veux pas de patates, voilà dix kilos pour toi ! » Je sais ! Pas très clair, mais il se comprenait ! Le hall est désert et des bruits m’arrivent depuis… la véranda sur le jardin. Leanna, Mana et Timoti sont-ils là  ? Glorios est parti tôt pour revenir au plus vite, Mikaïl aussi. Il semble que le printemps n’amène pas qu’une meilleure saison, elle ramène des tas de tâches supplémentaires à accomplir et bien sûr pour l’avant-veille de préférence ! Je me réjouis de les revoir. Je presse le pas et j’entre de plein pied dans la salle lumineuse. J’ai pas dit ? Il y a du soleil. Un froid de gueux, mais du soleil et un ciel si pâle que le bleu en semble effacé. Au moment où je m’avance vers Leanna quelque chose me percute, je pousse un cri strident et me recroqueville sur moi-même. Qui a la mauvaise idée de me lancer des… galets ? Je sens que quelqu’un… John ? Me prend contre lui et m’amène sur le transat. J’écarte mes doigts. Apparemment, pas de dégâts physiques.

- Ma féline ? Regarde-moi ! Tu vas bien ? Que se passe-t-il ?- On m’a lancé un galet…- Un galet ?

Whouna est accroupi devant moi.

- Milles excuses, ma petite Vera. N’en veut guère aux opuscules… Ils étaient si impatients de te revoir qu’ils se sont lancés contre toi…

- Les opuscules ? Oh merde ! Je ne savais pas…- La faute est mienne pour ne rien te dire, mais ils ont insisté pour te faire la surprise.- Oh…

Et là, je les vois. Ils sont en rang serré, dans une attitude de contrition. Je crois même entendre une sorte de mélopée plaintive qui sonne à mes oreilles comme du repentir et de l’affliction. Je me relève et m’agenouille devant eux.

- Eh ! C’est bon là, c’est juste que je ne savais pas… mais je vous jur’ que je suis hyper heureuse de vous revoir, là…

D’une poussée, le rang se fragmente et se reforme en un immense cœur avec une mélodie maritime des plus romantiques. J’éclate de rire. Elles viennent m’entourer comme dans une étreinte et je crois même entendre des baisers pierreux. Puis elles font une sarabande au son du ressac d’une marée paresseuse, puis viennent m’entourer encore. Je ris tant ils sont merveilleux. Je les avais oubliés, même si je m’en souviens chaque fois que je pose mon visage au creux du merveilleux bouquet qu’ils ont créé pour moi. D’après Whouna ils l’ont inventé, car il me représente à leurs yeux comme cela. Il veut aussi dire «  nous serons toujours ensemble ». Il est constitué de fleurs que je n’ai jamais vu, mais qui me font penser à la mer, et qui dispense, lorsque je le respire, une senteur maritime qui m’enchante et m’enivre. Elle a aussi un faible rythme de ressac et cela m’apaise terriblement. Il ne se fane pas, ni n’a besoin d’entretien, il existe de façon féérique, magique, même. Ils sont si incroyables. Je les ai rencontrés dans Whouna. Ils sont en quelque sorte ses enfants directs, mais ils sont aussi comme des « puces électroniques » très intelligentes, autrement dit, qui sont autonomes et peuvent donc émettre une réflexion et avoir une distance par rapport à ce qu’ils perçoivent et savent des Univers en espace-temps différenciés. Whouna étant une sorte de disque dur à multi billions de giga bytes possédant tout ce qui est dans l’Univers, vous voyez un peu le genre ! Les opuscules sont aussi des sortes de partenaires d’affaires. Je me détache légèrement d’eux afin de saluer comme il se doit mes chers amis, Leanna, Mana et Timoti que je ne connais pas encore. Après les effusions d’usage, nous allons dans

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ma chère véranda côté rue. Les opuscules sont assis sur moi maintenant comme des petits animaux de compagnies, sauf qu’ils semblent émettent un son ressemblant au ressac. C’est tellement harmonieux et serein…

- Pourquoi sont-ils ici ? Je veux dire… à part me voir…- De temps en temps, je leurs demande de sortir de moi pour aller ici ou là afin de se rendre

compte « de visu » et in situ de ce qui se passe. Avoir les connaissances ne fait pas toujours un savoir. Pour qu’il y ait savoir, il faut pouvoir comprendre tout ce que sont ces connaissances et de façon théorique, ce n’est jamais suffisant.

- Tu veux dire qu’il y a des opuscules sur Terre ? Depuis quand ?- Depuis toujours. Ce sont également mes émissaires dans certains cas. - Tu veux dire qu’ils peuvent changer de forme ?- Non. La forme n’est que cela, leur fond peut se transformer et c’est par là que le savoir peut

s’inscrire.- Je vois.

Que dalle, mais bon, je suis dans le brouillard depuis tellement de temps maintenant, qu’un peu plus ou un peu moins, hein, on ne va pas s’fâcher pour ça !

- Et ils viennent apprendre quelque chose…- Pas vraiment, quoi que tout peut être enseignement, mais ils désiraient venir pour savoir s’ils

pouvaient t’être utile dans ta nouvelle mission. 

Un petit cri qui ressemble à un gémissement retentit dans l’entrée. Je tourne le visage et je vois Aaron totalement subjugué qui me regarde ou plutôt les opuscules. On dirait qu’il est en transe. Dariana se rapproche de lui et le prend contre elle. Je vois un filament jaune brillant s’échapper d’elle. Elle le scanne ? Il est en danger ? Whouna se porte à leur côté.

- Petit, qu’y a-t-il ?- Mouwa… Ce sont tes enfants ?- Oui.

Aaron se laisse tomber sur un genou en pliant le cou. Dariana nous regarde confuse et vaguement inquiète. C’est quoi encore ce souk ? Peuvent pas faire comme tout l’monde des fois, une fois ? Je regarde Leanna qui est assise entre Timoti et Mana. Ils regardent ce qui se passe avec un sourire attendri. Bon ! C’est déjà ça !

- Ma féline… Pour Aaron et les siens les opuscules sont des alliés précieux, des sauveurs aussi. Ils ont mis à l’abri des centaines de métamorphes alors que le danger les guettait.

- Oh ! Je vois…

Les opuscules se resserrent contre moi comme s’ils m’étreignaient. Puis ils se désagrègent et forme… des lettres ? Voyons voir… Oh non ! C’est trop mimi… OK. Ils m’ont écrit OK ! Je leur tends mes mains ne sachant pas trop comment les prendre contre moi. Ils placent sur elles et sur mes bras et je sens un courant doux et soyeux m’emplir.

- Allez voir Aaron… je crois qu’il serait heureux de vous avoir près de lui…

Elles refont un OK et partent vers Aaron qui s’est relevé. Je vois son aura devenir blanche, puis rose et rouge, puis d’une couleur indéfinissable. Elle se mêle à celle si particulière de Whouna. J’ai l’impression qu’elles forment comme une sorte d’arc-en-ciel énergétique. Les opuscules deviennent comme de petites étoiles brillantes et j’ai même l’impression qu’elles grimpent dessus. Je regarde Leanna, Mana et Timoti. Ils semblent voir ce que je vois. Mana me fait un clin d’œil. Waouh ! C’est toujours aussi space de le voir faire. John me hale plus contre lui. Sa bouche s’attarde dans mon cou et ma clavicule. Je lui donne plus d’espace. Aaron se lève et les opuscules viennent l’étreindre comme ils

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l’ont fait avec moi. Aaron pleure. Dariana entoure Aaron qui la hale plus près. OK, c’est bon, je crois qu’ils sont sur la même longueur d’onde. C’est beau l’amour, non ? Enfin, je crois. Whouna se place contre le mur dans une attitude qu’il affectionne particulièrement. Il me sourit, puis me fait un clin d’œil. Flippant ! Ça va jamais le faire, je crois bien ! Mais… Comment il est habillé aujourd’hui ? On dirait un costume de pirate, manque plus que la jambe en bois, le perroquet et le bandeau sur l’œil ! Pour la panoplie des armes des corsaires, tout y est et en plus ça n’a pas l’air d’être en toc. Dani  ! Je me demande à quoi il pensait et quelle est la leçon qu’il pense lui prodiguer en l’affublant de la sorte ? On n’est pas carnaval ou si ? Notez, je m’y perds un peu dans les temps… autant pour moi ! Mais de là à le vêtir de pirate ! Oh bon sang !

13.Je suis assise devant la porte vitrée de la véranda côté jardin. Tous sont dans le séjour près de

celle-ci. Ils sont en pleine discussion sur ce qu’il convient de faire pour régler le problème des Métamorphes. Cela ressemblait à un état-major. Aaron a passé beaucoup de temps dans des armées ou autres corps armés et cela lui est resté. Il a même fait apparaître des cartes et des plans. J’ai décroché à un certain moment, alors que Mana, John, Leanna discutaient ferme. N’étant guère utile à ce niveau du programme « sauvetage », je suis finalement partie transater dans la véranda. Si je ne suis pas venue tout de suite, c’est parce que les opuscules ont tournicoté autour d’Aaron. Ce dernier semble les comprendre. Ils se sont échangés des… mots… si tant est que les sons émis par les uns et les autres étaient bien cela. Aaron a beaucoup ri et de temps en temps il s’est transformé pour le plaisir des opuscules. L’odeur iodée flottait plus encore à ces moments-là. Le plus fort d’alors a été lorsqu’Aaron s’est transformé en plusieurs éléments que l’on voit sur une plage. Un seau, une pelle, un petit râteau, un transat, un essuie de plage, un étui de lunettes, un parasol, une table, une chaise, des produits solaires, un barbecue et enfin, le clou de la présentation un mini feu d’artifice qui s’est terminé par la forme d’un opuscule brillant et évanescent. Si je ne l’avais pas vu, je ne l’aurais pas cru. Il semble que les opuscules sont des fans complets des Métamorphes. Whouna était aux anges et les autres… béats d’admiration. Pourtant ils ont dû en voir d’autres avec les Métamorphes, mais ça ne semblait pas diminuer leur plaisir et leur émerveillement. Les opuscules se sont calmés, ont apportés certains arguments probants et il semble bien qu’ils vont faire autre chose que me rendre visite ou s’amuser. Tant mieux, vu comme la situation se présente, toute aide est le bienvenu. Je n’ai pas de nouvelles de mes deux amours. Mais pas de nouvelles, bonnes nouvelles. J’aime que nous soyons ensemble, mais pas scotchés. C’est ce qui fait notre force et notre union. Timoti est près de moi. Je ne l’ai pas entendu me rejoindre. L’homme est si secret, si silencieux. On pourrait le confondre avec une statue. Son passé doit compter de longs moments d’immobilisme. Je lui jette un regard de côté. Il se tourne vers moi en me souriant légèrement.

- Que ne me dit-on pas ?

Il fronce les sourcils, les yeux en forme de points d’interrogation.

- Oui. Il y a quelque chose qui manque dans cette histoire. D’accord… dix-sept corps en état de… hibernation, on va dire, en passe de passer de l’autre côté… on dit mort pour les Métamorphes ?

- Oui. Disons qu’ils utilisent souvent le terme de « partir ».- Partir ?- Oui. Ils ont une vision différente de la mort qui dit que lorsqu’un des leurs n’est plus là

présent, c’est qu’il est parti, mais ne nous quitte pas pour autant.- Je vois.

Que dalle ! Vous avez déjà essayé de comprendre la philosophie appliquée vis-à-vis des rites, coutumes et habitudes de tous les peuples de la terre ? Je vous fais grâce de ceux des Outre-Vivant. Donc ? Oui, non, ne sais pas… bon, ben quand vous le saurez, vous venez me voir et on essaie de voir si nos deux méconnaissances font une connaissance. J’me comprends !

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- Donc… ils sont presque partis, mais pas encore… il faut que j’aille voir l’alter ego d’Aaron pour faire je sais pas quoi… sauf qu’ici c’est pas comme avec Whouna qui avait besoin de moi, parce ce qui l’ « attaquait », Dani en l’occurrence, en le prenant pour un jeu virtuel, était humain et moi aussi – quoi que des jours je me le demande – et après cette visite il faut que je fasse encore un truc qui fera que personne ne parte, du moins pas de l’autre côté… donc… il manque un stuut !

Timoti ouvre la bouche et me regarde sans trop savoir quoi dire. Ça me fait toujours un effet bœuf de leur en boucher un coin et plus encore quand il s’agit de quelqu’un comme Timoti. Vous devriez le voir… c’est vraiment pas le mec avec qui vous avez envie de vous disputer, ni même de discuter tout court… il est vraiment… enfin, c’est une personne… Bref ! Il est imposant. Mais bon… à partir du moment où je vais aller dans un lieu inconnu avec des choses inconnues, des êtres inconnus et pas d’assurance tous risques, j’estime que je peux poser des questions et vouloir en savoir plus. Si je ne l’ai pas encore dit… je déteste voyager si ce n’est pas dans un lieu à plus d’une étoile, avec pleins de facilités hyper modernes, des commodités idem et zéro risque. Le trekking sauvage au bout du monde, les randonnées dans la belle et effroyable nature sans connexion internet en plus, très peu pour moi  ! Appelez-moi ennuyeuse, chochotte ou manque d’imagination, m’en fous ! Je ne peux pas… Tout à coup, je l’entends. Un grand silence venant de partout ! Zut ! J’ai fait ma hystéro perso et y’avait du monde aux environs ! Génial !

- Vera, je conçois votre…- Ton… tutoies-moi, Timoti… vu ce qu’on est amené à vivre pour moi et exister pour toi, le

tutoiement me va très bien !- Merci. Je conçois ton désarroi et ta colère…- Ce n’est pas vraiment… enfin, si. Je ne vais pas mentir, je suis un chouïa en colère, mais c’est

aussi… faut me comprendre. Je ne crois pas aux statistiques, ni aux prévisions qui stipulent que si on fait telle chose en étant déterminée, tout se fera comme penser.

- Je ne vois pas très bien où tu veux en venir, Vera.- Un exemple trivial : je décide d’aller dans la salle de bain pour me laver les mains.

Normalement je finirai par y aller et me les laver, mais au moment où j’y vais, on sonne à la porte, ou mon chien me regarde avec des yeux d’épagneul alors que c’est un beauceron, ou le téléphone sonne pour m’avertir de quelque chose ou pour me vendre un truc ou encore parce que la personne s’est trompée de numéro ou encore je me rappelle que je dois faire un truc et donc… donc… j’avais toute les probabilités de pouvoir me laver les mains, mais voilà au bout du compte je ne l’ai pas fait. C’est comme on dit, avec des si on ne bâtit pas un monde. Tu comprends ?

- Pas vraiment.- Ce que je veux dire c’est que vous vous imaginez que je pourrais réussir, mais moi je n’ai pas

cette certitude et même si vous me barder de tatoo, de défenses, de présences et d’alarmes et de protection, rien ne peut prévoir que je vais sauver ces dix-sept personnes et… j’aime Aaron et je sais qu’il souffre et je ne veux pas qu’il souffre et je veux…

- Eh ! Viens là, mon amie…

J’éclate en sanglots. Trop is te veel ! Timoti me berce en psalmodiant une mélopée dans une langue que je ne connais pas, mais qui me semble ronde… comme dans gironde. Enfin quelque chose qui s’insinue en moi comme un bienfait, un plaisir, une sérénité. Je finis par m’apaiser. En fait, j’ai la pétoche. J’en suis à ma presque quatrième mission et avant cela a été et… ce n’est pas comme si je ne savais pas la contre, mais j’ai une conscience plus aigüe de ma propre impuissance, de mon possible échec et… si cela doit entraîner…

- Tu ne peux prendre cette responsabilité-là, Vera, mon amie.- Ouais, c’est ce que l’on dit toujours. Mais ce n’est pas vrai. Je me sens responsable et je

m’investis à cause de cela…- Si la mission ne peut s’accomplir, nous trouverons un autre moyen…- Un plan b ?

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- C’est ce que vous nommez toujours. Oui. - Je suis le plan A ?- Tu es celle qui a le plus de probabilité de réussir.- C’est là que le bât blesse, Timoti.

Il me caresse les cheveux, me retenant contre lui doucement. Il y a de la douceur, un peu comme dans Mana, quelque chose d’ancien qui est comme un baume en moi.

- Pourquoi les Outre-Vivant ne peuvent défaire ce genre d’embrouilles ? Vous avez des habiletés que nous n’avons pas, les vivants.

- Tu as celle, comme tes congénères, qu’aucun des Outre-Vivant a.- Et c’est quoi ?- La vie. Vous avez et êtes la vie incarnée dans une conformation qui touche au magique et vous

mourrez.- Ah oui ! Note, chez les vivants, ce dernier point n’est pas vraiment considéré comme un plus,

ni une qualité, mais plutôt comme une malédiction, voire un châtiment.- Oui. Et c’est pour cela que c’est si précieux et c’est cela qui peut faire la réelle différence au

moment de « rectifier » le tir comme vous dîtes dans ces sortes d’affaires.- C’est mon lien vital qui va pouvoir renouer ces Métamorphes à leur existence, les sortir de ces

stases mortelles ? Un peu comme si j’étais un vecteur, une super glue virtuelle, un pontage ?- C’est cela dit autrement, Vera, mon amie.- Super ! Je me sens déjà mieux. Maintenant je suis comme une crème antivieillissement ! Y’a

pas à dire plus j’avance en âge, plus ça va mieux ! Avec tout ça… t’as pas vraiment répondu à ma question. Qu’est-ce qu’on ne m’a pas dit ?

- En faisant disparaître les « Krakyenomak », on a mis en péril les Métamorphes. - Quel rapport ?- Il se pourrait que ces derniers aient été des Métamorphes dans leur structure basique, mais se

seraient développés autrement. Ils avaient la capacité de se transformer selon l’environnement et l’espace comme les Métamorphes, mais de manière beaucoup plus efficace encore et cette particularité s’est renforcée avec le temps.

- C’est pas bon signe, alors ?- Pas vraiment si l’hypothèse s’avère exacte. - C’est pour cela que tu es là ? Tu es l’instigateur de leur génocide… et je ne peux qu’approuver

ici vu ce qu’ils étaient, mais…- Je ne peux être responsable de la disparition de ces derniers, mais bien de ce que j’ai voulu et

fait. Je recommencerai si cela s’avérait nécessaire…- Un mal nécessaire ?- Oui. Et je le déplore. Nous le déplorons tous…

Je ne peux décrire la sourde tristesse que je sens en lui et je crois que je comprends.

- C’est comme pour ma responsabilité ?- En quelque sorte. Rien n’est jamais tout à fait semblable, similaire, sans doute.- On doit trouver si c’est exact ?- Oui.- Et alors ?- Il faut trouver un lien qui s’unira à toi pour rétablir la réjunevence de ces dix-sept personnes.- Les deux doigts dans l’nez, sûr !

Timoti me regarde fixement.

- Fais pas attention, je déstresse un peu ! Bon. Ben, on va voir c’qu’on peut faire, alors, mais je comprends mieux ce que tu fais ici.

- Ah oui ?

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- Oui. T’es déjà un lien dans l’équation et pas n’importe lequel et même si ça te semble chtarbé, ça me rassure et je suis heureuse que tu sois là.

Je me mets à cogiter, sauf que je ne sais pas trop quoi. Pourquoi ? Vous savez toujours décoder le continuum de vos pensées, émotions sensations et sentiments en langage clair simple à piger ? Ben voilà, idem pour moi !

14.Aaron est penché sur le clavier de l’autre ordinateur qu’on a placé pour lui voilà deux jours. Il

tape à une vitesse vertigineuse. J’imagine que cela à tout à voir avec sa nature. Ma tête est un maelström d’idées éparses, de sensations, d’émotions et d’autres choses qui circulent librement et virtuellement dans ma caboche. Inutile que j’y mette de l’ordre, l’ordre du jour est de laisser l’anarchie suivre son cours. Il paraît que le désordre ou le chaos ou l’anarchie – pour moi c’est un peu comme tartine et boterham, quoi !- tend à s’orienter vers un ordre certain ou un certain ordre. Bon, ben, hein, je vais laisser faire, pas de quoi se casser la tête ! Aaron est si concentré. Il est sur mode : je contrôle ce que je fais, ce que je fais va s’aboutir parfaitement. Comment fait-il ? Moi avec son histoire de… coma métamorphe, je n’arrive pas. C’est comme si j’avais une overdose par rapport à tout ça. Ou alors, c’est parce que ce soir on part dans le machin-chose pour aller voir machin-truc, l’alter ego d’Aaron pour savoir ce que je peux faire. Il reste quoi… cinq jours, six avant de faire le grand raccordement. Puis… il y a les opuscules. Elles m’ont fait une sorte de massage hier soir. Je n’ai rien compris, mais… ça m’a fait un bien fou ! Je peux même pas vous recommander, officiellement elles n’existent pas, alors…

Aaron relève la tête.

- Tu n’arrêtes jamais…- Quoi ?- De cogiter…- Oui, je sais… Mais… Comment tu fais ?- Quelques siècles d’habitudes…- Wep ! - Mais pas seulement… si on ne peut rien faire de plus pour faire avancer une situation, inutile

de perdre des énergies.- Très zen…- Du simple bon sens…- Qu’est-ce que tu crois qu’il va se…

Aaron éclate de rire et moi aussi. J’avoue, aujourd’hui, je suis sur les dents. J’ai l’impression que je n’arrive plus à faire comme si tout cela était normal. La venue de ma Marjie est-elle pour quelque chose dans ce que je ressens maintenant ?

- Prenons une petite collation… - Tu ne vas pas me dire de ne pas m’inquiéter ?- Pourquoi, cela arrêtera ton inquiétude ?- Non. Donc…- Inutile de perdre des énergies.- Cela même.- Je vois.

Totalement. C’est drôle, mais avec Aaron je comprends plus facilement. En quelques minutes nous avons une bonne petite collation plein d’excellentes calories à se mettre sous les dents. Je plonge ma bouche au creux d’un corps moelleux, odorant et savoureux de couque au chocolat, lorsque la porte s’ouvre et Whouna apparaît, suivi d’un Dani (il est pas à l’unif, le petit ? Je règlerai cela plus tard…) super excité et un peu à l’est, ainsi que d’un John qui fixe son regard hypnotique sur mes lèvres. Du coup j’avale de travers, d’autant que Whouna est habillé comme l’as de pique – et ne me demandez

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pas c’est comment être habillé comme l’as de pique, faites comme moi et tout le monde, visiter Wikipédia ou un dictionnaire papier ad hoc, merde !- que ça lui va vachement bien, mais que saperlipopette, on habille pas un… un… bref, un Whouna comme ça ! Et puis d’ailleurs, c’est quoi cette manie de lui faire endosser des tas de vêtements tous plus chtarbés les uns que les autres ? C’est quoi le concept ? L’imprégnation sociale à travers la mode vestimentaire ? Je perds les pédales. Monsieur de Funès, au secours !Aaron se relève précipitamment.

- Mouwa ?- Mon petit… je suis venu aussi vite que je pouvais…- Mais… et Dani ? Et John ?- Dani est en apprentissage comme moi et on interchange nos habiletés et nos connaissances…

Aaron a l’air ahuri. Bienvenu dans mon monde ! Et dans le genre prétexte pour n’en faire qu’à sa tête, y’a pas à dire, Dani est champion toutes catégories ! Je règlerais ça plus tard !

- J’ai accompagné Whouna, Aaron, car nous devons aller au Gremium…

Aaron pâlit terriblement. Je m’approche de lui aussi vite que je peux, mais il lève une main pour me tenir éloigné. Si l’aura de Whouna est stable, celle d’Aaron devient bizarre. Il y a comme des fulgurances noires qui traversent plusieurs nappes d’aura qui se superposent et l’ensemble ressemble à un rideau métallique en lames multicolores superposées version enfer psychédélique ! Pas bon du tout ça ! John me lance un regard d’avertissement de rester là où je suis. Dani est placé derrière Whouna s’en qu’il n’ait bougé. Quoi ? Il va exploser comme une grenade ? Aaron se tourne vers moi. Glups ! J’ai encore dit c’qu’il fallait !

- Exactement, mon amie… Merci ! Il me faut partir.

Il se tourne vers John avec un calme olympien qui me fout les chocottes.

- Depuis quand ?- Ce matin à l’aube.- Et depuis quand…- Pas de signe avant-coureur. Lorsque sa mère l’a réveillé comme chaque matin, il était en stase.

Depuis peu.- Qui ?- Le fils de Marania Tinianou, Léonard.- Elle a tout de suite su, j’imagine. Je suis désolé.- Oui. Elle est une des rares qui peuvent dater ces sortes de maux.- Je sais…

Aaron parait si las, je vois le pas du temps s’inscrire subtilement sur son visage, son corps, son être en entier. Son aura devient blanche et lumineuse. Il est temps que je fasse le nécessaire. Si je peux. Cela m’est si péniblement, physiquement pénible de le voir ainsi.

- C’est quoi le Gremium ?- C’est le lieu où nous avons amené les corps… l’entrée est difficile d’accès, car elle est à la

fois sur ce plan de réalité et sur un autre intermittent où ces personnes sont tenues dans un état stable et intemporel.

- Un coma induxé ?- Si tu veux…- Et tu as besoin de John pour y entrer et de Whouna pour t’y emmener.

Aaron a un petit rire en s’approchant de toi.

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- Tu as tout compris…- Je suis bonne élève… je peux faire…- Pas encore, ma dame Vera. Merci…

Il me serre contre lui. J’ai le désir de le bercer pour lui ôter cette sourde peine qu’il a en lui, mais… ce n’est sans doute pas le moment ? Nous restons quelques infimes secondes comme cela, moi le soutenant, lui faisant pareil.

- Gina arrive… tu vas devoir trouver un bonne excuse… elle a jeté son dévolu sur moi et… en d’autres moments, cela aurait pu être amusant, gentiment amusant…

- T’inquiète… près de vingt piges dans le métier, ça donne des ficelles…

Quelques secondes plus tard ils ne sont plus là. Je clignote des yeux. Gina est bien là, les yeux furetant partout, la mine déçue et un prétexte se formant dans cette tête chercheuse de chef de service. Putain ! Qui a dit qu’un demi-jour de travail, c’est pas long comme temps de travail ?

15.Dans la voiture j’ai la tête comme un juke-box sans le côté tempo qui donne envie de se

bouger. Le seul mouvement que je veux, c’est celui du hamac lorsque je me sens dériver vers le sommeil. Le bonheur ! J’arrive dans la maison et j’ai qu’une envie, faire demi-tour et me carapater n’importe où. En fait, je suis en overdose, là. Comment elles font les héroïnes des romans pour pas se péter les câbles genre « je suis en vacances, prière de ne pas déranger » ? La portière s’ouvre et le visage de Whouna apparaît près de moi.

- Ma petite Vera… Désires-tu que je nous transporte ailleurs ?- C’est possible cela, compte-tenu de la situation et de…- Nous ne sommes pas à quelques heures près et il nous faut la nuit tombée pour que tu puisses

rejoindre Formacailyou. - ET, ce serait où « ailleurs »?- Les opuscules t’ont préparé une sorte de véranda avec une vue sur la plage et un hamac avec

un transat à côté pour que tu puisses choisir.- Et aussi un cocktail frais, un chaud soleil bronzant…- Et même un parasol…- Pour le cocktail ?

Whouna s’immobilise et se rigidifie comme une statue vivante.

- Ne serait-ce pas trop grand pour un verre ?

Je ris comme une bitu. Trop drôle ! Mais je suis aussi au bord des larmes. Trop bizarre ! Whouna émet ce son divin qui est la quintessence de la joie, du rire… je ne peux pas le définir, mais c’est… enjoy  ? Alegria ? Enfin ça, quoi ! Nous reprenons notre sérieux.

- Non… Je veux dire ce sont des petits accessoires qui ressemblent à des parasols, mais de petite taille avec lequel on agrémente, on décore un verre, souvent un verre de cocktail. C’est l’image, si tu vois…

- Je verrai assurément.- Que diront les autres ?- Leanna, Timoti et Mana reprennent des forces. Le jet lag fonctionne aussi pour eux, bien qu’à

un autre niveau…- Non ? C’est dingue, ça…- Oui, je suppose que cela doit te le sembler… Dani travaille à l’un de ses cours…- Oui, c’est très bien, mais c’est en cours qu’il devrait être.

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- Trois de ses professeurs sont malades.- Ah oui ! Ben, drôle de coïncidence, non ? Et tu l’as cru ?- J’ai pu apprécier de près leur état animique. Ils sont en effet en précaire état de santé. Une

gastro-entérite sévère pour les trois. Il semble qu’il y avait une sorte de mini épidémie parmi le corps professoral…

- Mm ! Quand tu dis que tu as pu apprécier… tu veux dire quoi ?- A partir d’un nom ou même d’une représentation mentale d’un être, je peux voir où il se

trouve et dans quel état il se trouve.- Comme dans un rêve prémonitoire ?- Je ne puis te dire, ma chère petite Vera. Il m’est difficile de t’expliquer cela, mais, disons, j’ai

accès à chaque être d’une manière… virtuelle, si c’est bien ce qui se dit aujourd’hui.- Comment on disait avant ?- On ne disait pas. Personne ne disait cela, personne ne savait cela, si ce n’est certains, très peu

en fait.- J’imagine bien. Mais bon… t’es aussi un Whouna donc, c’est normal, j’imagine.

Je pense à mes deux amours, John étant occupé au Gremium. Je n’ai pas accès à lui, mais s’il y avait quoi que ce soit, je le saurais, non ?

- Ma félidée… tu me manques… si je n’étais pas coincé dans ces deux réunions, l’une d’elle presque finie, qui sont importantes je serai près de toi… prends ce temps avec Whouna… les opuscules te donneront un temps blanc…

- Blanc ? Tu me manques aussi… - C’est un temps figée dans le temps, mon aimée.- Comme dans… je ne sais plus comment ça s’appelle, mais c’est

comme une césure dans les plans de réalité… J’ai été là-bas avec Tiana… un espace où on peut se nourrir en quelque sorte…

- Tianalampa t’a amené dans le « Monialanbena » ?- Si tu le dis…

Je sens une vague de colère émanant de Glorios. Je croyais que ça allait mieux pour lui avec ce qu’il ressent pour les fées en général et Tiana en particulier, mais c’est pas encore ça, faut croire !

- Bon bref… c’est un endroit cool, zen, paradisiaque, c’est bien cela ?- Oui. Vas-y, mayama, tu y seras bien et Whouna saura quand te

ramener.- Tu me manques, Mi !- Toi de même. Je ne tarderai plus.- Je vous aime…

Ils m’envoient des… choses que je ne peux pas vous dire, privé, c’est privé ! Puis, euh… je ne suis pas certaine que vous avez l’âge humainement légal, genre maturité, pour savoir ce qu’ils m’envoient  ! Et même si… non, niet, no, neen ! Puis… l’ignorance est un bienfait, faut me croire sur paroles !

- Bon… si tu es prêt, je crois que je vais accepter ton aimable invitation…- Voilà qui me réjouit et réjouira plus encore les opuscules.

Quelques secondes plus tard, je suis dans un hamac me balançant suavement, les opuscules dans la même position que moi sur un transat et tous ont un verre avec un petit parasol. Là, c’est certain, je rêve !

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16.Et le grand soir est arrivé. On m’a fait aller à Formacailyou, là où je vais retrouver l’alter ego

d’Aaron, un certain Flexible ou un truc du genre. Je suis évidemment pas rassurée. Notez… après les autres espaces et plans dans lesquels j’ai été et où je me suis fourvoyée quelque fois, y’a vraiment aucune raison que j’ai pas les foins cette fois-ci. Que je me sente coulos, là j’pourrais commencer à angoisser à donf ! Mana avec Leanna et Timoti ont été vraiment merveilleux et cela m’a aidée. J’ai repris les conseils que Mana m’a donnés, j’ai insulté au passage Ned qui se la joue « guide virtuel et indescriptible exempté de guidance pour causes inconnues », puis je me suis retrouvée ici.

Je regarde mes mains. Elles sont identiques aux miennes quand je suis de l’autre côté, enfin de mon côté. Le reste semble à l’identique aussi. Bien. Je n’aimerais pas être autrement, même si je suis autrement aussi. L’espace est vert. Toutes sortes de vert, mais on ne dirait pas qu’il y a des choses, des paysages, pourtant ce n’est pas vide. C’est habité. Par quoi, qui ? Je ne vois rien, c’est juste une impression. Puis j’entends une sorte de… sur un sol pierreux, suivi de sons… Glups ! Il y a un… puis un grand souffle. Merde ! je suis dans un truc inconnu avec un monstre qui risque de me trucider ! Génial ! Pourquoi je suis toujours fourré dans des histoires pareilles ? Ah oui… Aaron… Dariana… mon amitié, ma tendresse pour eux… Putain ! C’est pas vrai, ça ! Les sons s’amplifient et nulle part où me cacher. Puis, au détour de… quelque chose comme un flanc de colline, sauf qu’il n’y a pas de colline, je le vois, la chose et c’est… Oh non ! Téméraire, au secours ! C’est un dragon, sauf que c’est aussi un humanoïde. C’est comme si je le voyais sur deux plans et c’est vraiment très déstabilisant. Je traîne un… oh non ! Il a apporté son casse-croûte avec lui, un homme manifestement mort. Evanoui, c’est possible, histoire de me dire que je PEUX le sauver d’un sort funeste, hein ? La bête s’arrête et me regarde. Si seulement j’avais une lance ou un Beretta, quoi que je doute que je puisse l’atteindre ici ! D’ailleurs on devrait m’informer de ce qui peut tuer ici, histoire de me donner une chance mercenaire de me défendre. Quoi que…

- AAAAhhhhh ! Vous en avez mis du temps, Verrrraaaa Luuuuxxxxx !

Sa voix est un grondement sourd qui soulève l’air comme un vent, sauf qu’il n’y a pas d’air ici, ni de souffle, c’est juste l’idée. Et euh… l’écho… c’est un écho ou alors un problème de cordes vocales ? Je le regarde d’abord lui, puis le corps en alternant le regard de l’un à l’autre plusieurs fois. Je déglutis.

- Pardon ?- Oui. Vous pouveeeeeez me demandeeeeeeer pardoooooon. Et que fait Neeeeeergonior ? Il

devraaaaaaait être iciiiiiiii avec vous…- Qui ?- Aaaaaahhhh ! Cette maniiiiiiie de chaaaaaaanger les nooooooms avec les temps qui

paaaaaassssssssssent. Celui qui se noooooommeeeeee Aaaaaaaaaaron maintenaaaaaant.- Ah oui ! Ben… il ne peut pas à cause…- Du lien ! Oui, oui ! On finit par perdre de vue cssssssssertaines chosssssssses… Bien !

Maintenaaaaaaaant que vous êtes lààààààààààààà, commençççççççççççons !

Je blêmis. Non ! Il ne va pas se repaître de… La bête reprend l’homme et le place à côté de plusieurs corps que je n’avais pas vu jusqu’à maintenant. Il semble peiner et je ne comprends pas pourquoi.

- Il a l’air de peser lourd.- Trèèèèèèèèèèès ! Ccccccccc’est pourquooooooooiiiiiii je suis heureux de vous voirrrrrrrrrr

enfiiiiiiiiiin !- Pourtant…- AAAAAAHHHHHHHHHH !

Il reprend une apparence humanoïde en se secouant, bien qu’il ait toujours ce halo de…dragon ?

- On ne vous apprend donc rien dans cette époque incohérente dans laquelle vous slalomer ? Quand on dit : « l’âme me pèse ! J’ai l’âme lourde ! » Et bien c’est parce qu’ici, en annihilation, le poids est très lourd.

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- Un poids mort ?- En quelque sorte. Si vous n’aviez pas ces sortes d’humour putride, je refuserais

catégoriquement d’avoir un quelconque contact avec votre espèce ! Quoi qu’il en soit, vous êtes ici et votre aide est requise…

- Ah ! Je ne savais pas que je…- Trêve de balivernes ! Ne perdons pas plus de temps ! Pour une petite nature comme la

vôtre, vous faite peu de cas du temps extrêmement court dont vous disposez !

Il oscille un instant, puis reprend cette forme hybride qui est total flippant ! Sympa le trouffion ! Pourquoi je tombe toujours sur des cas antipathiques comme ça ? C’est un défaut génétique ou quoi ? Putain, on dirait bien qu’il a du mal à fixer son apparence ! C’est plutôt positif ou alors ça va dégénérer avec moi en forme de kebab ?

- Aaaaaaaahhhh ! Au moins vous ne faittttttttttessssss pas comme les aaaaaaaaaaaautres, miiiiiiiiiiiine de tooooooooout savoir.

Il reprend sa forme humanoïde et pousse une sorte de rugissement. Puis il reprend sa forme hybride avec plus de succès. Il pousse une sorte de son qui doit correspondre à son contentement.

- Booooon ! Maintenant que ccccccc’est claiaaaaaaiiiiiiiir…

Je déglutis péniblement. Le plus drôle… il sent divinement bon. Je ne peux pas dire… vous savez, c’est comme ces senteurs qui sont diffusés dans certains endroits de relaxation ou de bien-être. Je me détends un peu. Un être qui sent si bon, ça doit pas être plus méchant que ça, si ? Il hale un corps avec infiniment de difficulté malgré sa taille imposante et sûrement une grande force et puissance, mais… Je fais de même et…

- C’est bizarre, mais ça ne pèse pas autant que je pensais…

Il a de nouveau une apparence humanoïde et il est… waouh ! Ben, c’est… waouh ! Il est beau… enfin, beau, c’est…

- Evidemment ! Tu es vivante, l’âme ne peut pas te peser, mais pour nous c’est autre chose ! Heureusement, depuis que vous prenez des psychotropes…

- Des psychotropes ?- Ces pilules que vous ingurgitez dès que vous allez mal ou avez un mal être…- Des antidépresseurs ?- Oui, si c’est bien ce terme-là… depuis lors vous êtes tellement pris sous les effets que

votre âme en est anesthésiée dans un premier temps, puis dans un second reposée et enfin un peu libérée.

- Je ne comprends pas comment elles peuvent être libérées à cause des antidépresseurs !- Oh ! Réfléchis, humaine ! Parce que si elles ne sont plus aspirée dans les relents fétides du

mal-être, étranglée sous les assauts répétées de vos difficultés à vivre, elles sont libérée à nouveau pour faire leur travail sans être aspirée, écrasée, annihilée…

- Je vois.

Encore moins que d’hab, mais il n’a pas l’air d’être de ceux qui vont l’accepter !

- Mais… pourquoi elles pèsent tellement si elles ne sont pas…

J’arrête de dire ce que je pensais. Bien sûr ! Elles sont mal du côté du « vivant » en étant en annihilation cérébrale, donc elle « étrangle » l’énergie et elles pèsent sur les âmes, n’étant pas là, n’étant pas ici non plus, mais entre deux dimensions ou espaces, en quelque sorte. Ici et nulle part, quoi ! J’me comprends !

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- Bien ! Tu as parfaitement compris. J’aime cela. Tu poses des questions intelligentes, même si elles sont un peu… naïves. Enfin ! Un travers de votre espèce, les humains. Cela passera avec le temps. Continuons ! Le temps presse. Nous devons aller au Colliseum… Je te donnerais quelque chose qui t’aideras dans ta tâche et sera l’indice clef pour qu’Aaron réagisse. Comment se porte la délicieuse Dariana ?

- Vous la connaissez ?- J’ai eu cet indicible honneur. Une femme si délectable, l’âme la plus légère et pure que

j’ai pu intimement côtoyé…

Il laisse son regard errer quelques instants, rêveur, charmeur et… coquin ? Wouh ! Il est tellement, tellement… tellement, quoi ! Ça ne va pas faire plaisir à Aaron s’il l’apprend ! Notez… si c’est son alter ego, peut-il faire des cachotteries à Aaron ? Sûr ! Attendez là, vous êtes d’où ? Les Outre-Vivant, ben c’est pas comme vous, mais c’est pas pour ça qu’ils feraient pas comme vous ! Comprennes qui pourra, moi y compris ! Nous reprenons l’épreuve de force en trainant les corps pour les placer les uns près des autres. Flexianor les dispose de manière identique comme s’ils les préparaient pour un rituel bien précis dont il est le seul à connaître les normes. J’essaie de faire comme lui, mais le résultat n’est pas vraiment probant ! Est dragon qui est, pas celui qui veut ! Wep ! Nous finissons par « ranger » les corps. Il trace des fines lignes dans un sol d’une matière que je ne distingue pas. D’ailleurs tout semble comme dans du cristal, mais sans en être. Cela vibre aussi, mais c’est moins clair que du cristal sans être totalement opaque non plus. C’est comme si c’était vivant et inerte en même temps. Il se redresse. Sa forme reste un instant fluctuante et imprécise comme si elle se syntonisait avec les corps et ce qui les soutient et les entoure. Il me regarde. Il s’approche lentement d’une démarche sinueuse et gracile.

- Bien ! Ne tergiversons plus ! Passez-lui mes salutations les plus… amicales qui soient… en privé ! Aaron est assez soupe au lait, aussi inutile de lui donner de quoi s’agacer…

Je hoche la tête. Flexible machin me regarde par en-dessous et je flippe un peu, puis me sourit. Je me détends un peu. Sympa d’sa part ! J’apprécie, d’autant que le machin : «  je suis juste le messager, me tuer pas », je suis pas encore certaine que ça marche chez les Outre-Vivant et… j’ai aucune envie de le vérifier, hein ! Pas folle la guêpe ! Moi itou ! Il me lance un regard carnassier et je réagis instinctivement. Je me lance en avant et me place devant les corps. Je ne sais pas ce qu’il compte faire, mais… il devra me passer sur le corps s’il veut faire du mal à ses corps en stase animique. Il change de forme et devient une magnifique bête gracieuse et formidablement terrifiante. Je déglutis fortement. Le dragon me regarde, surpris et curieux. Je ne sais pas, mais à le voir, avec les corps les uns à côté des autres et sa mâchoire qui doit avoir des dents de… dragon, j’ai soudain un vilain doute. Je me place entre lui et les corps, les bras écartés. Je sais ! Débile, mais vous avez déjà été devant un dragon qui pourrait devenir un mangeur de chair humaine ? En plus, je suis pas un de ces princes ou guerriers qui vont assaillir des dragons, même s’ils sont pas tout à fait dragon tout en étant quand même un dragon, merde !

- Non ! Vous ne pouvez pas les manger !- Les maaaaaangeeeeeer ? Quiiiiiii ? Eeeeeeuuuuuuuux ?

Il se déplace si vite que je ne le vois pas arriver, mais il est presque au-dessus de moi. Mes tatoo se mettent tous à vibrer, mais ça ne distrait pas la bête qui a pris sa forme complète – magnifique – de dragon, puis il reprend sa forme d’humanoïde en riant aux éclats ! Il se calme brusquement.

- AAAAAAAAhhhhh ! Vous direz à Mana et à Aaron que vous êtes un cadeau inestimable.

Il me pose une grande griffe affutée sur l’intérieur du poignet et un petit dragon stylisé apparaît. Oh non, non, non ! Mais qu’est-ce qu’ils ont tous à vouloir me marquer ? C’est quoi qu’ils ne comprennent pas dans : je hais les tatoo sur moi ? Faut que je leurs fasse un dessin ou quoi ? Il redevient un hybride dragon-humanoïde. Il me fait un sourire éclatant, malicieux et… tendre ?

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- Allez, Dwyin, nous allons rétablir l’ordre des choses, après être retourné là-bas… j’aurais… AAAAAAAAAAAAhhhh… un tel plaissssssiiiiiiir à vous revoooooooiiiiiir… Veeeeerrrrraaaaa Luuuuxxxxxxxxxxx… AAAAaaaaaaaaaahhhhhhh…

17. Je reviens à moi. Ils sont tous là y compris mes amours. Glorios me tient contre lui. Pas de

signe de transformation en yengo ou autre bestiole mythique, est-ce bon signe ?

- Ça va, mon Glorios?

Je lui caresse la joue.

- Et toi, yamanahe ?- Crevée ! T’es sûr, Aaron, qu’il n’a pas été un Dieu avant ? Ffffff ! Quel caractère !- Ça va ?- Oui, oui. J’ai aidé pour les corps, enfin les âmes…- Oui, j’imagine. Il a été un dieu mineur dans une société oubliée de l’Histoire.- J’en étais sûre ! Aide-moi à me relever, tu veux ?

Glorios me sourit et me tient contre son torse. Bon sang ! Le travail de force n’est pas pour moi, alors ça non !

- Et alors ? Pourquoi il l’est plus ? Mis à part le fait qu’il ne l’est plus à cause du manque d’adeptes ou de croyants…

- Oh ! Déjà à l’époque où il exerçait comme Déité, il a démissionné. Il trouvait que les demandes des vivants étaient insupportables !

- Alors il a choisi les morts ?- Pas vraiment. Disons qu’il s’était attaché à une famille de vivants qui a été sentencié à mort

par le potentat du coin. - Et la famille avait fait quoi ? Il y avait des mômes dans cette famille ?- Trois. Deux filles, un garçon, très jeunes.- Mais enfin, c’est monstrueux !- Ça l’était. Le père avait remis en cause sa légitimé en tant que leader et… ce dernier a voulu

faire un exemple. - Dis-moi qu’il a mal fini cette raclure ?- Il a régné quinze ans, ce qui était énorme pour l’époque, compte-tenu du fait que l’espérance

de vie était de quarante-cinq ans. Il a vécu jusqu’à soixante ans, mais il a enterré tous les siens les uns après les autres, dont ses enfants et ses deux femmes.

- Castigo de Dios…- Oui. Celui de…- Oh ! Mais c’est terrible…- Oui et non. Les enfants ont atteint les quarante ans tous. L’aîné a été conçu à ses treize ans…

Celui-ci a atteint quarante-sept ans. Ce fut le dernier qu’il enterra. Mais… aucun ne laissa de descendance.

- Wouh ! Ca craint…- Oui. Mais là, la cause en est la nature.  Ils avaient un gène défectueux transmis par le père, très

rare, qui empêchait la possibilité de mener à bien une progéniture. - Tu veux dire quoi ?- Les enfants naissaient, mais mourraient pratiquement dans les jours qui suivaient.- On peut dire que la nature fait bien les choses ?- Cela dépend de qui l’aurait dit alors, ma dame.- J’imagine… après ça on reproche au cinéma et aux bouquins via leurs créateurs de pondre des

histoires horribles. Rien ne vaut la réalité dans le genre. Euh… ah oui ! Flexianor te transmet ses bons souvenirs et à toi aussi… Dariana…

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Je rougis un peu. Glorios fronce les sourcils. Plus tard, peut-être, je lui en parlerai… Flexianor m’a raconté des choses avec Dariana quand on était occupé à travailler… Le moyen d’arrêter les confidences de quelqu’un comme ça ! Critiquez pas, vous étiez pas là, moi bien, merde !

- Donc… Ben… j’ai apporté un truc… je sais pas trop… Chouette endroit le Colliseum !

Il y a un arrêt respiratoire et gestuel avec rigidité vampirique… Quoi encore ? Pourquoi ils ne me donnent pas des modes d’emplois pour utiliser de tels lieux, où m’y rendre, genre : dans tel endroit, pas y aller habillée en jaune, dans tel autre, pas sautiller, ne pas aller là si on est vivant ou humaine ou respirant etc., si vous rencontrer machin ou bidule, ne pas faire ça ou ceci… etc. Enfin le parfait petit guide pour ceux qui se retrouvent en des lieux improbables et dangereux ! Bon sang ! Je dois toujours tout faire et après c’est la cata ! Faudrait savoir, non ?

- Ma petite fille, as-tu ressenti quelque chose de particulier en y pénétrant, car tu as bien pénétré dans le Colliseum ?

- Oui. Superbe endroit ! Rien à voir avec le vrai, enfin je veux dire le romain, celui où Gladiator a été… enfin virtuellement dans le film… quoi que dans la réalité… bref ! C’est vraiment impressionnant comme la version réelle. Mais… maintenant que tu le dis... Le tatoo, celui d’An-eh…

Comme si de l’évoquer lui permettait de se faire sentir, il se met à vivre et à chauffer légèrement. Le serpent qui se mord la queue. On parle d’Ouroboros… Est-ce lui ? Je ne sais. Toutes ces histoires à dormir debout qui sont dénominées légende, croyance, religion, savoir, connaissance ou encore philosophie me donne mal au crâne. A-t-on toujours besoin de sublimer la réalité, ce qui est, ce qui devrait être ?

- Il m’a fait vachement mal au début, puis il a grandi, il est sorti de moi, peut pas dire autrement, il m’a recouvert entièrement comme si c’était une combinaison, genre scaphandre, mais c’était translucide, parce que je pouvais me voir à travers, mais je savais qu’on ne pouvait pas le voir de l’extérieur, mais il était bien là, je le sentais pulser… Flexianor a rigolé quand il a vu ça…

Glorios pousse un rugissement à décoiffer la crinière d’un lion ! Non, non ! Pas en yengo, siouplaît ! Il se calme.

- Mais ça va, Glo, je vais bien, si, si je t’assure…

Aaron soupire longuement. Mana a un sourire indulgent.

- Désolée, ma chère Vera, c’est un tour pendable de Flexianor. Il fut aussi durant quelques siècles « Dieu de la Facétie », un Dieu qui a existé durant presque un millénaire, mais qui a disparu comme cette civilisation. Cependant il ne t’aurait pas mise en danger. Il t’a scannée ?

- Oui ! Hyper gênant !- Alors il savait ce qu’il adviendrait. De plus… il a toujours pris un malin plaisir à faire enrager

An-eh… une vieille querelle divine ! - Quel rapport avec moi et mon tatoo ?- Il s’activerait, ce qui est un des rôles de celui-ci, mais dans ce cas-ci, ce n’était pas vraiment

nécessaire, puisque Flexianor était avec toi, ce qui est toute la protection dont tu avais besoin, mais en activant ton tatoo, il savait que cela alerterait An-eh… une manière comme une autre de lui faire un « petit coucou malicieux ». Est-ce bien le terme que l’on pourrait utiliser ?

- Oui, si tu veux ! On peut aussi dire un foutage de gueule complet, emmerder son monde, faire chier, casser à donf…

- Bien ! Je vois que les expressions d’aujourd’hui valent celles d’hier. Je te suis reconnaissante de ces nouvelles connaissances, ma petite fille !

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Mana garde un sérieux solennel, pas moi. CV d’amour, va !

- Flexianor m’a mis un autre tatoo…

Je montre à Aaron le petit dragon stylisé sur l’intérieur du poignet. Il reste imperturbable, mais je sens qu’il cille. Quoi, encore ?

- Qu’est-ce qu’il y a ? Dis-moi tout. De toute façon, je m’attendais au pire…- Oh non, ma mie ! Ce n’est pas si terrible, seulement…- Wep ! Pas « si terrible », c’est que c’est quand même terrible ! Alors ?- Je dois entrer en toi.

Je blêmis affreusement. Non, non, non ! Jamais, sous aucun prétexte, je…

- Tu veux dire quoi au juste ?- Il me faut me transformer en une molécule pour entrer en toi et prendre le lien

d’attachement.- Une molécule ? Comme un médicament ?

Beurk ! Je n’avalerai pas tout cru Aaron, nenni, nenni, nenni !

- C’est quoi le problème avec vous ? Pouvez pas donner les machins d’aide de main en main ?

- Il est virtuellement impossible, ma petite Vera, de le faire d’un plan à l’autre. La plupart du temps ce qui est dans l’un n’existe pas dans l’autre. Aussi les personnes qui ont la faculté comme toi de passer d’un plan à l’autre sont des vecteurs.

- Vecteurs ? Comme des passeurs ?- Oui. C’est une dénomination valable.- Génial ! Moi qui déteste les maths, je suis finalement à moi toute seule qu’un composé

mathématique, une équation et va savoir, pourquoi pas une inconnue, tant qu’à faire ! Et j’avale la pilule comment, Aaron ?

- A travers le tatoo ! Tu ne sentiras pas grand-chose. Flexianor s’est chargé de rendre neutre cette application pour toi.

- Et après… c’est fini pour moi ?- Pas exactement… mais rien qui ne doive t’inquiéter, ma dame !

Merci ! Maintenant je le suis à donf ! Il me regarde et pffuuuiiiitttt, Aaron n’est plus là ! Je regarde pour voir s’il ne s’est pas déplacé, mais non, il a tout simplement disparu. Je sais ! Ca fait quatrième dimension, genre vortex à la mord-moi le nœud, mais c’est la vérité vraie, merde !

- Aaron…

Je regarde autour de moi. Les autres me regardent regarder, ce qui n’aide pas vraiment, mais me rassure un peu. Si eux trouvent ça normal, alors qui suis-je pour penser que c’est pas normal dans leur normalité ? Donc… Aaron réapparait devant moi et je manque m’écrouler sur le dos, mes fesses concrètement, vu que c’est toujours l’air bag naturel qui prend le plus gros dans des cas comme celui-ci.

- Aaron ? Mais… t’étais passé où ? Un moment t’es là, l’autre plus ? Y’a un vortex dans cette maison ou quoi ?

- Plusieurs, ma mie, mais rien qui ne doive t’inquièter !- J’aimerais beaucoup qu’on ARRÊTE de dire de ne pas m’inquiéter, ça m’inquiète encore

plus ! Et puis, je m’inquièterais si j’veux !- Na !

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Je regarde Aaron qui me fait un sourire… angélique ! J’te jur’ des fois, une fois !

- Désolée, ma mie… je me suis converti en molécule plus vite que prévu et je n’ai pu t’avertir.

- Tu veux dire que… tu es entré en moi ?

Glorios a un gloussement qui me donne envie de lui en coller une, chose que Mikaïl se charge de faire en lui donnant une pichenette bruyante et sans doute douloureuse derrière le crâne de mon amour. Glorios éclate de rire ! Irrécupérable !

- Cela est fait, ma mie, j’ai pris ce qui m’est nécessaire pour la nuit de la pleine lune. Avec le lien d’attachement, je pourrais relier les corps en stase aux âmes éternelles.

- Donc, tout va bien ?- Le processus est en cours.- Tu peux déjà utiliser ce lien ?- Non. Mais avec Dariana nous pouvons le charger ioniquement afin qu’il soit plus

performant la nuit de pleine lune. - Vous pouvez faire cela ?- C’est une de nos habiletés. Nous pouvons fusionner des énergies afin qu’elles soient plus

puissantes et performantes.- Vous êtes quoi, au juste ? Des batteries énergétiques ?- Tout être vivant l’est en quelque sorte, mais nous le sommes à plus forte et importante

intensité. - Je vois.

Que dalle ! Si en plus faut que je me coltine des comprenures au niveau de la physique nucléaire, je vais jamais m’en sortir. Mon ventre en profite pour faire un de ses gargouillis des plus malsonnants et pas du tout, du tout sexy. Quand mon métabolisme se la joue premier degré basique, y’ a plus aucune théorie qui tienne. Une minute plus tard, je suis assise dans l’ample cuisine. Cette manie de me faire circuler à des vitesses supersoniques !

18.Je dois faire le repassage. Je savais bien que j’oubliais quelque chose… Les tâches ménagères

et moi, ça fait « crach-niet », mais quand faut l’faire, faut l’faire ! J’entre dans la petite pièce qui me sert de débarras et… Whouna fait le repassage. Non. Oui. Whouna repasse. Non. Oui ? Il relève la tête, le fer émet un son de vapeur libérée. C’est bien Whouna.

- Tu repasses ?- Oui.

Il fronce les sourcils. Whouna repasse. Arrêt sur image, on rebobine, je me repasse l’image.

- Qui a-t-il, ma petite Vera ? Ai-je commis un impair ?- Je… tu repasses.- Cela est-il mal ? Aurais-je dû m’en abstenir ? Cela contrevient à…- Non, non ! C’est juste que…- Voulais-tu le faire ?- Oui, mais c’est pas ça !

Dani entre. Je ne tourne vers lui. Il a cet air de ne pas être là, tout en étant tout de même présent.

- Whouna repasse.

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- Wep ! Il a fait aussi la vaisselle hier… celle du p’tit dej…- Mais… C’est ton idée, Dani ? - Wep ! C’est quoi l’dare ? C’est Whouna qu’a voulu, j’ai pas dit non.- Mais… enfin, c’est sympa, Whouna, mais c’est pas nécessaire…- Attends, V, c’est pas ça ! Il voulait savoir ce que ça voulait dire « Art ». On a cherché sur

Wikipédia, dans des BIB, dans Google via des sites web, des docus à la télé, on a été au musée…

- T’as été au musés avec Whouna ?- Wep ! Celui avec les tableaux anciens, des flamands, j’crois…- Le Musée D’Art Ancien à Bruxelles.- Wep ! - Et vous avez aimé ? T’as aimé ?- Wep ! Big spécial ! Y’avait des salles où y’avait des gens avec nous et c’était comme si on

était tous des ombres et que les tableaux c’étaient les gens… Puis y’avait ce silence, tu sais…

J’hoche la tête. Whouna regarde Dani en souriant avec une tendresse infinie. Je le comprends. Qu’a-t-il vu dans ces tableaux ?

- Et toi, Whouna ?- Les œuvres d’Art sont les enfants de mes enfants.

OK ! Je dois comprendre quoi ? C’est tout un art de comprendre. Ça sort d’où ça ?

- On a été voir d’autres musées… Whouna a bien aimé, hein ! Wep ! Puis on a cherché encore sur Google, d’autres docus à la télé, j’étais pas sûr, Whouna bien.

Bienvenu au club de la non-comprenure !

- Quel rapport avec le repassage ? La vaisselle ?- Il a vu « Arts Ménagers ». Il a lu l’info, puis j’lui ai expliqué que c’était des trucs qu’on fait

dans la maison pour qu’tout soit impec, tout ça quoi, il ne voyait pas trop, alors je lui ai dit qu’il devait essayer, qu’il allait comprendre.

- Ah ! Donc, toi aussi, Dani, tu vas repasser, nettoyer…- Oh non ! Ça va ! Moi j’ai pigé le truc !- Wep ! Ça j’en suis certaine ! Et toi, Whouna ? Tu comprends maintenant ?

Il regarde la pile de vêtements… C’est dingue ! Comme ça à vue de nez, c’est parfait ! Il a dû intégrer des modes d’emploi sur Internet.

- Je ne saurais te dire, ma petite Vera. Je comprends l’idée d’ordonnancement, de maintien, mais la notion d’art m’échappe encore.

- Bien, te bile pas, elle échappe à toutes les femmes depuis le début de l’humanité ! Donc, te forces pas à le faire…

- Cela est plaisant toutefois. Cool ? Est-ce le terme, Dani ?- Wep ! C’est un peu vieux comme terme, mais c’est bon.

Je le regarde. Petit con!

- Oui. Ça me vide le cerveau des fois et puis ça la remplit mieux.

Il médite ces paroles en reprenant les gestes mécaniques et compassés sur une chemise.

- J’aime cette idée…

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Dani me fait un clin d’œil en s’éclipsant. Sûr que lui a compris tout l’art qu’il y a aux tâches ménagères, surtout dans l’art de l’esquive. Whouna me fait un clin d’œil en reprenant le fer qui émet un autre pschitt de vapeur et reprend sa tâche. Je ne m’y habituerai jamais. Je veux dire… le clin d’œil. Le repassage… Non plus ! C’est comme si… je sais pas moi… Zeus se mettait au repassage. Ça vous f’rait quoi ? Ou Thor ? Ou… Anubis ? Non ! Pas An-heh ! D’ailleurs je ne devrais même pas penser à lui. Il m’a marqué, pas au fer, mais bon… marqué, c’est marqué, merde !

19.En passant par le couloir qui mène à la véranda côté jardin – où je vais enfin pouvoir

« transater » un bon moment ! Youpiiiii ! – j’entends des petits rires étouffés. Curieuse neuse comme je suis, je m’approche de la pièce. C’est bien ce que je pensais. John et Glorios regarde sur un IPhone dernière génération vraisemblablement un What’s App ou un mail ou encore un Twiter, bref un de ces messages virtuels d’aujourd’hui. Ça me fait encore bizarre de voir des Outre- Vivant utiliser la technologie actuelle et avec grande dextérité encore bien ! Bon, OK ! Je ne m’attendais pas à ce qu’ils soient encore à l’âge de pierre ou même du papyrus, mais ça fait drôle quand même ! Je les regarde faire des messes basses entre deux petits rires. Je secoue la tête. Des messes basses comme des collégiens ! Si c’est pas malheureux ! Et en plus ils ne m’ont même pas senti arriver. C’est que leur…

- Nous te savons là, yamanahe, mais nous aimons ton regard curieux sur nous…

- Oui, je suis d’accord avec Glorios, tu as un regard si chaud, si attentif…

Je soupire profondément. J’aurais dû m’en douter. CV et CF (chien fou!

- Alors, c’est quoi le dernier potin extra-vivant ?- Nestor !- Wouh ! Vaut mieux garder ça en privé et faire en sorte que Mi ne le sache pas, il est déjà…- Que ne doit pas savoir Mi, mon aimée ?

Pour le coup c’est moi qui n’ai rien senti venir. Mikaïl est derrière moi, tout près et c’est pas bon du tout ! Mes deux autres amours ont une mine de deux airs ! CV et CF ! Je leur lance une grimace en roulant des yeux. Ils n’en ratent jamais une !

- Je… en fait, rien d’important, j’en suis certaine. Une nouvelle comme tant d’autre dans le monde des nouvelles, tu sais quoi, hein !

J’ai tourné la tête pour lui dire cela avec un sourire qui est sûrement la quintessence de la fausseté.

- Nestor, rien d’important ? J’en doute ! Je crois que vous étiez sur le point de révéler ce grand « rien d’important » à Vera, non ?

Mikaïl me hale contre son corps. Je m’y love. J’aime me tenir contre lui, il est mon point d’appui, mon ancre, mon port d’attache. Il dépose son menton sur mon crâne en me caressant le ventre en de longs mouvements concentriques. J’en ronronnerais bien. C’est si bon ! Glorios et John affichent toujours cette mine savamment neutre, mais qui cache un plein tonneau de rigolade, j’en suis certaine. Ils se concertent des yeux. Ah, les matois !

- Une rumeur…- Avec Nestor, les rumeurs sont des faits avérés. Le contraire serait si la nouvelle est sensée,

rationnelle, raisonnable, or avec Nestor ces mots-là n’existent pas en quelque idiome ou langue vivante ou morte qui soit ! Donc, viens-en au fait !

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- A vos ordres, Grand Exécuteur !

Je sens Mikaïl se rigidifier derrière moi.

- Glo, s’il te plaît !

Il me fait une brève révérence et fait une moue de repentir à Mikaïl. John regarde ostensiblement le sol. Je crois que c’est parce qu’il est victime d’un fou rire qu’il ne veut pas laisser éclater. Sympa de sa part ! Il me regarde un bref instant avec ses merveilleux yeux clairs. Il est si touchant, si beau aussi.

- Nestor a fait réaliser un cercueil à deux places et y à convier une femme à l’y partager.

Mikaïl se statufie à nouveau. Moi-même je suis complètement tétanisée. Je blêmis.

- Tu es en train de me dire que Nestor a convié une vivante à partager un cercueil.

Le ton est plat, monocorde. Je m’accroche à ses bras violemment et me pousse contre son corps. Si jamais il lui vient l’envie de filer faire un jogging, il m’aura comme excédent de voyage, sûr !

- Oui, mais c’est sa « copine » d’après ce qui se dit !- Sa « copine » ? Tu entends par là une compagne ?- Oui.- Vivante?- Oui. - Ne serait-ce pas Adina, celle que Ranita a mandatée pour aider Nestor dans les préparatifs du

Rituel de Régénérescence ?

Glorios hoche la tête en souriant légèrement. John est à deux doigts d’éclater de rire bruyamment. Je suis toujours agrippée à Mikaïl et je n’en démordrai pas ! Je fronce les sourcils.

- Adina et lui s’aiment ! Notez, cela ne m’étonne pas, Adina est vraiment merveilleuse et s’il y a bien quelqu’un qui peut mettre un peu de plomb dans le crâne obtus de Nestor, c’est bien elle !

Mikaïl se déporte à grand peine pour regarder mon visage, puis il éclate de rire suivi par les deux autres bitus ! Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ? Mikaïl me prend contre lui et m’embrasse doucement la tempe.

- Je ne sais pas si cela pourrait l’aider, mon aimée. Il y a près de deux siècles, à peu de chose près, un père courroucé de voir Nestor tourné autour de sa fille lui a envoyé une poignée de plomb avec sa chevrotine. Nestor a eu le réflexe de se reculer aussi loin qu’il pouvait pour éviter la force d’impact des projectiles autant que possible et afin de se relever rapidement et de disparaître au plus vite de la vue de son agresseur. Ce dernier d’ailleurs n’a jamais rien compris, comme nous avons su par après lorsque nous avons dû investiguer ce qui s’était passé. Il est arrivé chez Mana en piteux état et il a fallu un certain temps pour le défaire de toute cette mitraille. L’histoire s’est propagée parmi les Outre-Vivant avec des changements substantiels et notables dans les récits rapportés, comme tu t’en doutes. Le fin mot de l’histoire est encore plus inepte que tout ce qui a pu se dire et de la version officielle que Timoti a eu soin de propager. De fait, Nestor n’en avait nullement après les charmes de la jeune fille. Il désirait en savoir un peu plus sur la broderie dont cette dernière était renommée comme étant la plus adroite dans ce domaine.

- La broderie ?- Oui. Je sais. Nestor s’était entiché d’une jeune fille qui était fascinée par la broderie et voulant

la complaire il chercha le moyen d’en savoir plus sur le sujet, quitte à en faire lui-même.- Nestor brodant ? C’est une blague ?

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- Non.- Oh bon sang d’bonsoir ! Mais… il a quoi dans le crâne ?- Pas assez de plomb, peut-être ?

Les trois CV et CF (chien fou) se bidonnent une nouvelle fois. Je finis par rire aussi par mimétisme. Quelqu’un a prévu cette Adina de qui est réellement Nestor, en supposant que quelqu’un sache vraiment qui est Nestor ? Wouh ! Ça craint un max ! 20.

J’entre dans mon bureau, aménagé pour que je puisse m’isoler, avoir ma privacité. La maison commence à devenir petite, une sorte d’auberge. Espagnole ? Curieux que l’on préfère ma demeure à celle de Mi qui est immense et pourrait tous nous abriter avec tout le quartier en sus. Mais il semble que tout mon petit monde préfère vivre serrer. Foutu CV ! Je suis injuste. En fait… je crois… ils se sentent dans un foyer et… c’est ce que je veux. Mi casa es tu casa. C’est toujours d’actualité.

J’entre et me dirige vers mon ordi afin de « skyper » avec ma fille lorsque Ragiskwalawa, le « livre » personnel de Crisold qui est aussi son ami-confident et compagnon des siècles, me saute pratiquement dessus. Je pousse un cri d’effroi pensant que c’est une araignée géante. Merci Harry Potter ! Je manque m’étaler du bond que je fais, sauf que c’est dans les airs que je me retrouve plaquée contre Glorios. Mince ! Encore le plafond ! Etre tout contre Glorios, c’est… Wouh ! C’est fou l’état de mes hormones ! John déboule dans la pièce. Je l’entends tourner en rond, histoire de voir où je suis. Il lève les yeux et a un rire… lupin, avant de sortir aussi vite qu’il est rentré.  CF ! Mi est encore en session judiciaire. Encore ! Faut croire que les actes délictueux sont légions partout et chez toutes les espèces.

- Quoi ?- Tu me manquais…- Pas toi !

Il a un rire qui me fait gladaladou partout, mais plus dans les zones à hautes capacités de chaleur  ! Il se met à tourbillonner dans les airs lentement comme si nous dansions une valse. Cet homme va finir par me rendre barjo en voulant toujours nous envoyer en l’air comme ça !

- Glo ! On peut redescendre sur le plancher des vaches, là ?- Tout ce que tu voudras, mayama.

Ils nous déposent dans le grand siège en cuir qui date d’une époque franchement révolue, mais qui est tellement confortable qu’il peut dire adieu à une retraite sûrement bien méritée ! Je me blottis contre lui. Je me sens des fois si…

- Ça va, ma petite félidée…- Oui. Non. Je ne sais pas.- Couci-couça ?- Wep !

Il me berce doucement et je m’apaise. Normalement, Mikaïl est celui qui arrive à me rasséréner quand je suis dans cette humeur entre chien et loup. Je ne tente même pas de démêler l’écheveau de ce qui n’irait pas pour que je me sente comme ça, c’est peine perdue ! C’est du vague à l’âme, essayer donc déjà de localiser l’âme pour essayer de lui ôter sa nébulosité. Pas gagné d’avance ! Je laisse courir, finira bien par s’estomper.

- Je dois partir pour deux jours… mais…- Non ! Tu délègues déjà à Ranita et vraiment je suis fière de toi. Pas que j’ai douté, je savais

que tu le ferais, mais…- … accro au boulot, accro sans repos !

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- Wep ! Mais… on en a déjà parlé, je ne veux pas que tu restes pour moi à chaque fois que je s’rais un peu à l’ouest… de plus, il y a suffisamment de personnes ici pour veiller à ce que tout aille au mieux, dont Whouna…

- Oui. - Je n’ai pas besoin que tu veilles sur moi, mais que tu me soignes comme je te soigne…- J’ai bien saisi le concept. Tu sais où…

Je l’embrasse à pleine bouche pour couper court à la litanie des « où me joindre au cas ou », « tu as bien tous mes numéros d’appel », « tu… ». Glorios sous ses dehors nonchalant est un inquiet, quelqu’un qui protège au-delà de la raison. J’aime et je déteste. Notre baiser s’intensifie. Le plaisir se déchaîne avec ardeur. En quelques secondes, je suis à moitié nue et lui aussi. Le fauteuil couine de façon alarmante, mais il en a vu d’autres. Notre union s’élève avec fureur. Je le sens au creux de moi, si profond que nous fusionnons. Des images explosent dans mon esprit dans un kaléidoscope enfiévré alors qu’il me prélève quelques gorgées de sang. Une place de marché avec ses étals, une journée ensoleillée dans un port bruyant, une taverne enfumée avec des personnages aux mines patibulaires, une foire, une scène d’opéra, une salle de bal, un espace immense avec au bout deux trônes, une place avec un chevalet… vide, une foule silencieuse, une nuit obscure dans une ruelle… Il s’entaille délicatement la lèvre et quelques gouttes sucrées et salées se glissent dans ma bouche. J’aspire sans trop savoir ce qu’il en est, toute à mon délire de passion et de plaisir. Un cri gargouille dans ma gorge repris par un autre de Glorios alors que la jouissance explose dans un tourbillon fragmenté. Mon corps s’arque pour mieux s’abandonner. Les images de son passé révolu s’éloignent lentement sur un visage de femme en extase. Black-Out !

Je reprends conscience avec un léger soubresaut, ne sachant pas où je suis, qui je suis et ce qui se passe. Je tourne mon visage et John est là, accroupi dans cette pose étrange qui le fait ressembler à ce qu’il est par nature, un loup, un Lycos plus précisément. Je passe fébrilement mes mains sur mon corps. Je soupire discrètement, je suis habillée et étendue sur le large fauteuil. J’imagine que Glorios s’est occupé également de passer un gant de toilette sur mon corps avant de m’apprêter. Il le fait toujours. La première fois, cela m’a surpris. Il m’a alors dit qu’à certaines époques de son existence l’hygiène est ce qui pouvait faire une légère différence entre être en bonne santé ou succomber à la maladie. Je n’ai pas très bien compris pourquoi il me disait cela – Glo est quelquefois avare en explications – d’autant qu’il est immunisé à pratiquement toutes les maladies. C’est plus tard que l’euro est tombé. Evidemment ! Ses amantes ou amants… et d’autres vivants. J’imagine qu’avec les épidémies et autres catastrophes tant naturelles qu’humaines, ça ne devait pas toujours être évident. Du coup, ben, je me suis faite à ses pratiques, d’autant que nos unions sont toujours si intenses que je sombre invariablement dans un sommeil de plomb ou un endormissement. C’était quoi encore le cliché  « après l’amour les hommes s’endorment toujours ». C’est mon côté masculin qui doit sûrement s’exprimer là ?

Je me redresse. Je sais que John sait ce que Glorios et moi… le nez d’un Lycos est d’une sensibilité… mais bon, ce n’est pas comme s’il ne savait pas que Glo et moi, moi et Mi et nous trois et maintenant lui. Bref ! Je ne vais pas me justifier, ce qui est fait – et si bien fait, waouh !- est fait.

- Ça va ? Tout va bien ?- RAS, ma petite féline. J’aime te voir dormir.- Sûr ! Je ronflote d’après Glorios et des fois je bave, même…- Mais c’est fait avec tellement de glamour…

Je fais la grimace ! Si on pouvait ne pas me parler de glamour, j’apprécierais ! Depuis que je sais que les fées existent et que c’est pas vraiment comme on croit que c’est, j’ai un peu de mal.

- Bien sûr, bien sûr ! Donc…- Je venais voir si tu allais bien.

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J’ouvre la bouche, je clignote des yeux, puis j’éclate en sanglots. John me prend contre lui et se glisse sur le fauteuil. Il me tient juste comme cela et moi… écluses à donf ! Quelques minutes plus tard ou une éternité, j’arrête les flots. J’ai vraiment les hormones en folie ou alors…

- Ne te fustige pas, mhuirnín (mon amour), laisse-toi aller…

Je regarde ce visage si harmonieux, ces yeux. Il est beau et fascinant.

- Tu as besoin de faire un break, mhuirnín…- Je sais. Normalement avec Mi et Glo, j’arrive à me détendre, mais il y a toujours quelque

chose qui… ou quelqu’un qui… et puis, Nestor…- Ah, Nestor !- Tu le connais ?- La question serait : qui ne le connait pas. Il fait figure de star parmi les Outre-Vivant.- Je ne savais pas. Enfin, j’ai entendu quelques rumeurs…- Oh, c’est plus que des rumeurs, il est l’un des sujets de conversation de nos mondes, crois-

moi !- Waouh ! Note, ça ne m’étonne pas !- Tu n’as pas l’air de l’aimer. Pourtant il plaît en général à toutes les femmes…- Je suis l’exception qui confirme la règle. En fait… il rend fou Mi et du coup…- Oui, je sais cela. C’est également un des sujets récurrents. Je dois dire que Nestor a un don

pour rendre fou un nombre considérable de gens. - Un don, tu l’as dit !- Pourtant c’est quelqu’un de moins loufoque qu’il n’est en réalité. - Je sais cela aussi, mais je m’inquiète toujours pour Mi.- J’imagine, ma douce féline. - Je n’ai jamais compris pourquoi il a fait en sorte de le convertir. - Cela tient à son histoire. Lorsque Nestor était bébé, sa mère se trouvait à un mauvais endroit et

un mauvais moment. Elle a sans le vouloir molester un des prédateurs de l’époque. Par un instinct très sûr, elle a réussi à cacher Nestor et la bête l’a tué, puis en partie dévorée. Quelques chasseurs, dont le père de Mikaïl, sont arrivés peu après les faits. Ils ont trouvé le bébé et l’ont rapporté à la mère de Mikaïl. Les parents de Mikaïl étaient des êtres déjà surprenants pour l’époque. La mère était également une chasseuse, fait rare, quoi que pas totalement isolé. De fait, Nestor et Mikaïl sont vraiment frères de lait. Lorsque Mikaïl a été converti, il n’a pas pu laisser son frère de lait derrière lui. Je ne crois pas qu’il savait alors dans quoi il s’engageait, même si Nestor de son vivant était déjà en moindre mesure ce qu’il est aujourd’hui. Il n’a guère changé et, crois-moi, Mikaïl a une patience d’ange.

John a un grand rire en secouant la tête. Je sais qu’il se remémore pas mal de méfaits imputables à Nestor. Je le considère comme un frère, turbulent, mais souvent cela se trouve entaché par mon inquiétude vis-à-vis de Mikaïl. Je me doute bien que Nestor est plus que la somme de ses bêtises qu’il met tant de soins à orchestrer, mais je n’arrive pas vraiment à le cerner et cela empiète sur ma naturalité vis-à-vis de lui. J’imagine que cela changera avec le temps.

- Nestor gagne à être connu. C’est aussi l’être le plus généreux que tu puisses connaître, mais ça… il vaut mieux ne pas lui en parler, cela le rend imprévisible.

- Encore plus ? Bien ! Je vais éviter le sujet, alors !

Il me berce contre lui et je sens un désir naître au creux de mes reins. J’ai la sensation de le négliger, mais je ne peux aller plus vite dans mes sentiments. Il a une place à part et j’éprouve le besoin d’être avec lui lentement, doucement, avec infiniment de suavité, comme il est, quelqu’un de rare, de précieux, d’essentiel pour moi, de vital aussi.

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- J’ai envie de toi, ma féline, mais tu as besoin de temps et je suis prêt à bonifier cette patience autant de temps qu’il faudra…

- Tu ferais cela pour moi ?- Cela et plus. Je te l’ai dit. Je t’ai attendu longtemps, je t’attendrai encore aussi longtemps que

tu auras besoin.- J’ai la…- Chut ! Je suis auprès de toi et c’est cela qui compte… laisse le temps au temps…- El tiempo al tiempo. Ma abuela disait souvent cela.- Ta abuela était une femme… avisée, comme toi. Laisse-moi te tenir, puis t’aimer autrement…

Et c’est ce que nous avons fait durant un certain temps. Je n’ai pas su quand je sombrais entre son plaisir, le mien, le nôtre et mon propre mal-être, mais au bout du compte ce fut… Black-Out !

21.Glo et moi entendons un rugissement atterrant. Glo fronce les sourcils. J’ai la chair de poule.

Merde ! C’est Mi. La dernière fois qu’il a poussé ce cri, c’était à cause de Nestor, son « frère » qu’il a converti au début de sa transformation en vampire. Wouh !

- Nestor est…- Non ! Il n’est pas ici. Mais allons-y tout de suite, mayama !- Oui…

J’ai à peine le temps de le dire que nous sommes dans la cuisine. Je titube un peu. Je crois que je ne m’y ferai jamais totalement. N’est pas Speedy Gonzalez qui veut ! Mi se tape la tête contre un panneau en chêne massif d’un dressoir. Oh merde ! Je me détache de Glo que j’ai tenu très serré collé et file vers Mi.

- Arrête ! T’es fou ! Tu vas te faire mal. - Si seulement cela pouvait être vrai, ça me soulagerait !

Je me glisse entre le meuble et Mi.

- Que se passe-t-il, Mi?

Il me fait un signe avec la tête vers sa Tablet qui repose de guingois sur la table. Je la prends et… Oh, merde alors ! Glo lit par-dessus mon épaule.

- Ah oui ! Je vois.- C’est quoi c’boucan ?

Daniel entre suivi par Whouna… habillé en rocker ? Non ! Je ne veux pas savoir ! Sauf… waouh ! Il est magnifique ! Dan regarde nos têtes ahuris à Glo et à moi et prends la Tablet. Il lit rapidement.

- C’est ça le blème ? - Que se passe-t-il, curiponi (fils) ?

Mi ne dit rien, il reste rigide comme une statue. Dani prend la Tablet et lit. Il fait une légère grimace. Il en sait suffisamment pour savoir qui est Nestor et bien sûr, Vlad. Whouna lit par-dessus son épaule. Il a une brève lueur brillante qui fait changer son aura dans un ton indéfinissable. Perplexité ?

- Wep ! C’est boloss, Mi !

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Mi hoche la tête, livide. Il a un visage au-delà du crispé et son immobilité est statuaire. J’apprécie mieux ça. Un autre jogging comme il y a deux mois serait trop pour moi.

- C’était quoi ce hurlement ? C’est quoi l’urgence ?

John entre dans la cuisine à moitié habillé, les cheveux dégoulinants. Wouh ! Il est... wouooooooooh ! J’ai tout à coup une danse lambda hormonale qui se contorsionne dans tout mon corps. Wououououh de wouh !

- Nestor !

Glo plisse les yeux. Il se retient de rire. John regarde Mi, puis Glo. Son regard mordoré glisse sur moi en une caresse lente et abrasive. Woooooooouuuuuuuuuhhhhhhhh !

- Ah oui ! Nestor. J’aurais dû m’en douter.

Dani et Whouna ressortent. Whouna lance un regard à Mi. Je sais qu’il comprend ce que Mi ressent, mais sa discrétion le tiendra à l’écart, par respect et égard pour lui. Ce dernier appréciera le geste de Whouna dès qu’il se sera calmé. Ah, Nestor ! Vraiment, on avait bien besoin d’un Nestor en sus du reste ! Mikaïl lance un véhément coup de poing dans le panneau en chêne massif d’une armoire. Celui-ci se fissure en deux. Je regarde Mikaïl s’éloigner avec impuissance. Mais pourquoi toujours s’en prendre à mes meubles ? Merde ! Z’ont qu’à aller dans un parc à conteneurs s’ils ont tellement besoin de foutre en l’air des choses ! Oh, bon sang ! Je sursaute en regardant près de moi… un Mogwaï ? Je recule juste au moment où Aaron se métamorphose en lui-même.

- Très drôle !- Désolé ! Ne t’inquiète pas pour Mikaïl, ma dame, il va se calmer et revenir.

Je hoche la tête. Je déteste voir mi comme cela. C’est la personne la plus pondérée que je connaisse. Il n’a vraiment pas besoin qu’on le mette dans cet état. Enfin, plutôt que Nestor le mette ainsi.

- Pourquoi Vlad lui envoie un mail pareil ? Il devrait savoir comment se sent Mikaïl dès qu’il s’agit de Nestor… Puis… Pourquoi Vlad se met-il dans cet état ? Il devrait savoir comment est Nestor avec ses blagues débiles et pénibles ?

- Il le sait, crois-moi. Seulement… Pour bien comprendre… Il faut remonter à l’époque où Bram Stoker a fait publier son Dracula. Personne ne s’y attendait parmi les Outre-Vivant.

- Mais il y avait bien des légendes, des contes…- Bien sûr ! Et nous avons laissé courir, puisque toute société se nourrit aussi de légendes et de

contes à dormir debout. Cela n’était guère un problème. Mais personne n’a cru ou envisagé qu’un occidental puisse mettre en lumière l’existence des vampires !

- Mais si on en parle ailleurs…- Légende ! Conte! - Oui, c’est vrai ! Désolée ! - Non. Tu as raison. Lorsque Mary Shelley a sorti son livre qui ne s’intitulait pas encore

Frankenstein, mais « Frankenstein ou le Prométhée moderne », nous y avons vu une sorte d’allégorie impulsée par son immense détresse vis-à-vis de la mort de son mari, l’extraordinaire poète Percy Bysshe Shelley. Un homme fougueux et passionné…

- Tu les as connus ?- Brièvement. Il formait un couple surprenant dont le drame n’était jamais exempt, mais leur

amour resplendissait, même s’il n’était jamais dépourvu de complexité. Shelley était un être rayonnant et sa poésie le reflète en partie. Sa position politique dans sa vie était également admirable, quoi que très conflictuelle pour l’époque. C’était une époque vraiment très divertissante de part des personnes telles que Percy, Mary Shelley, Byron, Polidori et tant d’autres… C’était une sorte de « renaissance » artistique en quelque sorte ou un chant de

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cygne qui annonçait un nouvel ordre mondial, comme vous diriez aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, nous aurions dû envisager la possibilité d’un tel roman.

- Lequel ?- Dracula.- Ah oui ! Désolée, je suis un peu « especita » (pas fine) comme disait mi abuela.- Je te comprends, mon amie. Quand Vlad a lu le livre, il a été totalement horrifié et furieux. Le

livre est en soi un véritable ramassis d’inexactitudes et de stupidités, mais il y a des choses qui sont exactes et même extrêmement précises. Nous avons recherché celle ou celui qui aurait été la source de telles précisions, mais rien, nothing, nooit, nada ! Nous avons bien sûr accusé Nestor d’être le petit malin qui a susurré dans l’oreille de Bram Stocker ces indices véridiques, mais rien n’a jamais pu être prouvé. Nous avons laissé courir et envisagé que le seul coupable fut l’imagination fertile de Stoker qui a réussi à extrapoler sur des on-dit et autres informations en tombant juste sur certaines. C’est assez courant en art. Vlad a été horrifié de ce qui s’écrivait, d’autant que c’est quelqu’un de discret et qu’il a su, d’une certaine manière, palier à ses erreurs passées. Cet écrit n’a fait que remuer un couteau dans une plaie qui, bien que cicatrisée, lui fait encore mal.

- J’imagine. Mais alors, il doit être habitué à…- Vlad ? Non ! Nestor a le don de le titiller ou de retourner des couteaux dans les plaies et de

l’exaspérer comme personne autre que lui. Un don très personnel et tout le monde espère unique.

- Ça promet pour le Rituel de Régénérescence. - Ne crois pas ça ! Finalement, ils finiront par s’entendre. Vlad, sous ses dehors bourrus, sévères

et même cassants quelquefois, a un sens de l’humour très incisif, sanglant, même. Lui et Nestor se ressemblent assez, ce qui explique les frictions et autres bisbilles. Il n’y a eu qu’un seul moment où ils sont restés fâchés et sans se parler durant vingt-sept ans. Ce fut un moment divin pour Mikaïl, comme tu peux t’en douter ! Et ne te méprends pas, les retours de bâton de Vlad seront spectaculaires et sanglants !

- Mais… Pourquoi en parler à Mikaïl ?- C’est un médiateur chez les Vampires et c’est son rôle et sa prérogative de savoir ce qui se

passe. - Donc… ce que j’ai lu est habituel ?- Oui. Nestor aime cela. Il appelle ça des frasques. Vlad essaie de rester impassible, mais des

fois… alors il en parle à Mikaïl, même si ça ne va rien changer. - Bon sang, Aaron ! A cet âge, ils pourraient faire un effort pour être raisonnable.

Aaron me regarde fixement.

- Ma gente Vera, justement, le danger à ces âges est de devenir raisonnable. Cette manière de faire est le meilleur garant pour aller de l’avant, pour garder une veine « chtarbée », comme tu dis quelquefois. C’est le meilleur atout pour traverser les années sans sombrer dans le désespoir du temps qui passe avec sa cohorte de souffrances toutes plus terrifiantes les unes que les autres. Crois-moi, ma mie. Ce qui paraît être si stupide peut s’avérer être le meilleur des garde-fous.

J’ouvre la bouche. Lorsque la sagesse se personnifie en personne et en mots, il vaut mieux l’assimiler et se taire ! Après tout, je ne suis pas totalement de cette jeune génération actuelle qui privilégie l’action à la réflexion ou… si ?

22.J’entre dans un espace gigantesque. Bon sang ! C’est la plus extraordinaire BIB que j’ai jamais

vu. C’est quoi ? Un centre d’infos pour tout l’Univers ? Une sorte de Bibliothèque D’Alexandrie version galactique ? Waouh ! Je suis flippée à mort, là. Le plus drôle, j’ai un peu de mal à expliquer en mots ce que je vois. C’est à la fois comme lorsqu’on est dans une bibliothèque, les livres, les espace

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lectures, les autres détentes, les bureaux, les tables ici et là… il y a aussi de très grandes verrières, mais qui semblent plus d’énormes lampes, des espèces de lampadaires en forme de dôme hyper grand et ce sont aussi comme des fenêtres, sauf que cela ne donne pas sur un extérieur. La décoration est… indescriptible. C’est avenant, apaisant, affable, amical, attractif… enfin, le « a » positif, pas le privatif ! Et l’amplitude donne un silence habité, je ne peux pas le dire autrement. S’il y a des êtres ici, je n’en vois aucun, même pas « l’amante ». Pourtant je serais prête à parier qu’elle connaît cet endroit. Il y a aussi une senteur ténue, celle du papier, mais pas celui qui est en décomposition et qui pue le pourri, mais bien celui du papier qui fleure bon l’arbre d’où il provient. J’inhale à donf et c’est totalement jouissif. Partout où mon regard se pose ce ne sont que livres, manuscrits et autre volumes. Il y a tellement de couleurs rendues par les tranches des livres rangées les unes à côtés des autres que cela devient comme d’étranges arc-en-ciel superposés. Ne dit-on pas que les arc-en-ciel sont les escaliers qui permettent aux humains d’être reliés aux Dieux ? J’avais entendu dire cela… je ne sais plus où, ni quand… J’ai peut-être trouvé où mènent tous les arc-en-ciel du monde ?

Quelqu’un vient se placer près de moi. Quelqu’un ou quelque chose. Je m’en fous. Je suis tellement estomaquée, émerveillée par les milliers de rangées de livres que rien ne m’intéresse. Je pourrais rester ici des lustres et encore, je suis certaine de ne jamais en venir à bout de toutes ces merveilles et… Une sorte de raclement de gorge m’avertit que la personne ou la chose près de moi veut attirer mon attention. Je détourne les yeux en grinçant des dents. Quoi encore ? Je fais un pas sur le côté en sillant des yeux. Ned?

- Ned… T’es toujours aussi indescriptible… Dis donc, ça fait un bail, non….- Le temps juste, ma douce. Il m’apert que tu es fort occupée, ce qui m’emplit d’une ineffable

joie.- Ce que tu es ampoulé, mon vieux. Au fait… Tu es aussi ici ?- Ce lieu est une enclave pour les nôtres.- Tu veux dire une sorte de Suisse ?- C’est un peu cela.- Ben, c’est bien choisi. Une Biblio, c’est un bon endroit, j’crois.- Une bibliothèque ? J’imagine que c’est ce que tu perçois de ce lieu.- Pas toi ?- Pas exactement, mais je ne puis te le décrire.- Oui, je sais. Tu n’as pas les mêmes sens que moi et blablabla… Et les autres le voient comme

toi ?- Les perceptions des différents « êtres » qui peuplent l’Univers sont adéquates à chacun d’eux.- Bon ? Autrement dit, c’est un lieu à multi facettes perceptives, quoi.- Oui. On peut l’exprimer comme cela.- T’as besoin de moi ? Parce que là, je suis un peu fool… Avec Aaron et ses dix-sept corps en

stases machin-choses, son stage avec moi, ses brusques départs pour essayer de garder les dégâts circoncis et qu’ils ne dégénèrent pa plus, Nestor qu’est pas là, mais plus présent que ça, tu meurs, Dani qui joue à je sais pas quoi avec un Whouna qui est plus qu’heureux d’être l’objet du petit génie, Dariana qui est en amour, mais qu’arrive pas à l’installer avec Aaron, Leanna, Timoti et Mana qui sont de passage pour m’aider, mais qui sont aussi en périple touristique… parce que je t’ai pas dit, mais la dernière nouveauté chez les Outre-Vivant, c’est le tourisme tout azimut, ça vient de sortir, tout chaud, tout frais ! Glorios est en délégation de ses multiples fonctions d’homme d’affaires, Mikaïl est en justice avec des cas, j’imagine, John est là présent, mais il sait me donner de l’espace, ce que j’apprécie et Marjorie, ma petite fille vient me rendre visite bientôt. Comme tu vois je suis un chouïa hyper, hypra, over -superbookée, là !

Ned me regarde. Enfin, je devrais plutôt dire que je sens le regard de Ned sur moi et il est… waouh  ! Il est chaud et tendre et aimant. Je me sens baigné dans celui-ci et apaisée comme s’il m’ôtait les choses comme des vêtements. Je devrais me sentir nue en ce moment, mais je ne me sens qu’enveloppée, comme régénérée et c’est si bon, si génialement bon !

- Tu fais ça comment ?

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- Je suis ton guide, il m’appartient de te donner ce qui te convient.- Tu sais toujours ce qu’il faut dire, hein…- Pas toujours. Plutôt quand… Ne crains rien, ma très douce, les choses prennent les places qui

sont les leurs.

Ned tourne son visage de côté. Il a un profil… indescriptible.

- Il faut que j’y aille… Je serai là lorsque l’union de vie et de mort se renouera pour les personnes qui sont en stases.

- Je te verrai alors…- Sans doute pas. Le plan dans lequel tu seras est fragmenté en divers espaces qui ne coïncident

pas pour ce qui est de la perception de la vue. Mais je serai là et ferai ce qui se doit. Il est temps de retourner.

Il se dissout devant moi et… je sursaute en ouvrant les yeux dans l’obscurité. Je ne suis pas seule dans la chambre comme je l’étais au moment de pioncer. La question…. Qui ou quoi est là  ? Une petite lampe de chevet s’allume près du lit. Normalement les monstres n’allument pas une lampe pour mieux voir comment ils vont dévorer leur proie, non ? J’entends un petit rire, c’est…

- Glorios ? T’étais pas au… Japon  ou quelque part par là ?- Presque. En Océanie.

Je me lance contre lui qui est toujours en costard-cravate comme quand il doit aller dans un endroit costard-cravate.

- Mais… T’as fait comment pour arriver si vite ? Je t’ai appelé fin d’aprèm…- J’étais déjà dans l’espace aérien européen à peu d’heures de distance de toi !- Oh ! Je ne voulais pas te le dire, mais je suis méga-géant-hyper heureuse de te voir ici, tu me

manques tellement…- Pas nous ?

Je pousse un cri et m’enfonce sous l’édredon épais en plumes d’oie que j’ai sorti ce soir en prévision de ma nuit sans l’un ou l’autre de mes amours, voire les trois. C’est pas que je suis une accro aux habitudes surtout quand elles sont… elles sont… elles sont et j’ai pas à donner de qualificatifs ou si  ? On soulève légèrement l’édredon sur trois côtés et je vois les visages perplexes et inquiets de mes trois amours. Oui, je sais ! J’ai toujours pensé depuis ma toute petite enfance que m’enfoncer sous les draps, couvertures ou édredon pouvaient me sauver d’un quelconque danger monstrueux ! Ne ricanez pas, on se rassure comme on peut, na !

- Ça va pas, ma félidée ?- Je… oui. C’est juste que j’aie toujours peur qu’y aient des monstres qui viendraient me faire

du tort durant la nuit.

Ils se glissent sous l’édredon avec moi et me regarde très sérieux et un peu déconcertés. Ils ont dû allumer une autre lampe, parce que je vois très bien leur visage.

- Nous ne laisserons jamais aucun monstre te faire du mal ni de nuit ni de jour. Jamais, mon aimée.

- Je sais… mais… bon… des fois, c’est pas évident… cf. la peur atavique du noir, du mal, du méchant, du danger, de la mort… enfin vous voyez, quoi !

Ils hochent la tête, mais je crois qu’ils voient pas. Peut-être qu’ils peuvent plus voir ça, parce que ça fait trop loin dans leur mémoire et que « atavique », c’est pas vraiment atavique pour eux, parce que ça a perdu son sens ?

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- Faite pas attention ! Je suis tellement heureuse que vous soyez là. Je pédale un peu dans la semoule dernièrement et avec Margie, ma p’tite fille qui arrive et les stuuts avec Flexus…

- Flexanior…- Oui, ça, ben… je perds un peu les pédales !

Ils se lancent un regard d’intelligence et hochent la tête.

- On a quelque chose qui pourrait te faire un meilleur parcours cycliste, si tu veux, ma féline…- Cycliste ? - Oui…

Et la randonnée a été… waooouuuuuuuuuuuuuuu ! Je vous raconte même pas, c’était presqu’indescriptible, sauf que ça a laissé des traces dans ma mémoire et ailleurs qui sont…waoooooooouuuuuuuuu ! Vous voyez ?

23.Je pédale dans la semoule. Non, je me gondole à Venise, sauf que le gondolier chante comme

un Dieu… ou un haut Soprano ou un… Sauf que…

- Fais dodo, Colas, mon petit frèreFais dodo, t’auras du loloMaman est en hautQui fait du gâteau.Papa est en basQui fait du chocolat.Fais dodo, Colas, mon petit frèreFais dodo, t’auras du lolo.

Pourquoi une berceuse ? Un gondolier de Venise qui… c’est un rêve ? J’entrouvre un œil brumeux. La voix est divine, pas très italienne, un brin… un gondolier qui n’est pas habillé en gondolier, mais en…

- Whouna ?- Oui ?

Il est habillé comme d’habitude, sauf que je ne peux pas décrire comment c’est habituellement. Le nouveau hamac dans lequel je me suis écroulé il y a un certain temps se balance doucement. Whouna le fait balancer.

- Pourquoi tu me balances et me chantes une berceuse ?- C’est moi qui lui ai dit, V.

Je me tourne vers Dani que je n’avais pas vu jusque-là. Whouna continue à me bercer doucement. Je renonce à me redresser. Je sens que la station couchée est plus propice à entendre ce que je vais entendre.

- Et pourquoi as-tu demandé à Whouna de me chanter une berceuse tout en me berçant ?- Ben… c’est quand on a été à cette expo au Heysel…- Laquelle ? Celle sur l’Egypte ?- Ben non ! Y’avait pas une sur ça, mais sur des baye (trucs) pour les bébés ?- Le Salon Babyboom ? - Wep ! - Mais… pourquoi tu y as été ?- J’t’ai dit qu’on allait à des expos…

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- Oui. Je pensais que c’était sur l’Art…- Wep, aussi, mais les salons, c’est comme un art vivant, quoi !

Je regarde Dani. Il me surprend toujours. J’ai beau le cataloguer dans le domaine «  jeunes d’aujourd’hui », il finit par s’échapper et je le retrouve là où je ne pense jamais le trouver. Autrement dit, je catalogue ferme ! Au temps pour ma conviction que j’ai une ample ouverture d’esprit. Bon ! Concentration et patience sont les mamelles de l’apprentissage ! Cherchez pas, j’ai trouvé ça toute seule !

- Quel rapport avec la berceuse ?- Whouna voulait comprendre comment c’était avec les bébés.- Mais… où avez-vous côtoyé des bébés ? Ne me dis pas que tu as été dans une crèche pour

expérimenter je ne sais quoi avec Whouna !- Wep, V, j’suis pas boloss (crétin) ! C’est ma cousine qu’à un chiare et quand il s’est mis à

chialer elle l’a bercé en lui chantant un baye !

Un baye ? Des siècles de mots pour qu’ils soient remplacés par d’autres incompréhensibles ! Merci le progrès !

- Et quel rapport ?- Ben, Wou a voulu voir comment c’était, parce qu’il n’osait pas d’mander à ma cousine, alors

comm’y’avait l’expo…- Le Salon…- Wep, ben on y a été, mais il ne comprenait pas pour la berceuse.- Et donc tu lui as demandé de me bercer en me chantant une berceuse. J’ai l’air tellement

jeune, Dani ?- Oh non ! Pas du tout, mais comme t’étais dans un hamac…

Merci ! J’avais encore des doutes quant à ma jeunesse extérieure, maintenant je suis fixée. Je me tourne vers Whouna qui ne semble perplexe. Un air très habituel chez lui.

- Tu vois maintenant pour le bébé ?- Cela est apaisant.- Ça l’est. Note, je ne me souviens pas comment c’était… mi abuela me berçait étant enfant, je

le sais, parce que ma mère me le disait des fois. C’était d’ailleurs pas quelque chose qu’elle cautionnait. Cherche pas à comprendre, mes parents sont… mes parents ! Mais je crois que cela devait me plaire et à mi abuela aussi…

- Cela te plaît maintenant, ma petite Vera ?- Si j’ai des hamacs, c’est que cela doit me rappeler quelque chose au fin fond de ma mémoire.

Les Fées ne bercent pas les bébés ?- Je n’ai jamais vu cela se faire. Du reste, les Faes ont très peu de progéniture et de façon très

espacées… mais ce que vous appelez « instinct maternel » et qui semble passer par ces moments de… tendresse, n’existe pas vraiment chez eux.

- Je comprends. Chez nous on berce souvent les petits, même s’ils ne pleurent pas. C’est un peu comme si on… dansait l’émotion ou le sentiment… tu vois… on les berce, on leur chante et c’est comme si on dansait ce qu’on ne sait pas très bien expliquer en mot.

Whouna réfléchit. Je me vois bercer Marjorie, lui chantonner, lui susurrer des bêtises avec une voix douce. C’était comme une musique légère et suave… un courant de bonheur, des pas de félicités.

- Je comprends, ma petite Vera. Cela doit être bien agréable…

Je me redresse d’un coup et descend prestement du large tissu bariolé et tendu.

- Couche-toi ! Je vais te bercer en te chantant.

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Whouna écarquille des yeux, puis me sourit à me faire tomber à la renverse. Son aura se meut dans des tons féériques si brillants que je quitte bien vite cette vision de peur de m’aveugler. Il se dépose dans le hamac et je commence à le bercer en chantonnant. Son aura s’apaise, mais un air de joie intense l’enveloppe complètement. Je m’en sens illuminée d’une autre manière et durant la chanson nos auras se fondent doucement comme si elles avaient trouvés l’harmonique parfaite pour s’unir. Whouna tressaille comprenant mieux que moi ce qui se passe. Je suis toute à ce que je fais, des images du passés surgissant soudain comme des hologrammes flous en noir et blanc d’un temps passé, celui où j’essayais de jouer un rôle de mère quand je me sentais dépassée comme mère. L’aura de Whouna m’entoure avec une tendresse infinie. Que sait-il de cela ? Sans doute tout ou presque tout. La mer primordiale n’est-elle pas la mère de tout dans ce monde et peut-être dans l’Univers entier  ? Marjorie arrive après-demain. Je me sens… pas prête du tout, du tout, du tout, mais… je veux tellement être avec ma petite fille, ma femme-fille, mon enfant-adulte que ma voix se creuse en trouvant les mêmes sons que j’avais en ce temps-là, mais qui est toujours présents en moi comme si le temps, justement, ne pouvaient pas avoir de prise là-dessus. Marjorie…, Margie…24.

- Dani…

Il relève la tête de sa Tablet. Il n’avait pas un portable avant ? Je m’y perds avec tous ces artefacts modernes ! Si ça se trouve c’est un portable, mais plus plat que le portable, presque Tablet, mais pas vraiment Tablet !

- Oui ?

Il a un regarde incertain, le même que ma fille quand elle se demandait ce qu’elle avait bien pu faire ou ce que j’allais encore exiger d’elle. Wouh ! Moi qui pensais en avoir fini avec la « mother attitude », c’est râpé !

- C’est quoi cette manie de fringuer Whouna avec… enfin comme tu le fringues ?- Quelles fringues, V ?- Ben oui ! A chaque fois que je le vois, tu lui fais porter un costume différent.- Tu veux qu’il se fringue comment Whouna ?

Je reste interloquée. Je ne suis pas très regardante sur l’habillement. Si on me demandait comment est habillé untel, même si j’ai passé plusieurs heures avec cette personne, je serais incapable de vous le dire. C’est dire combien les fringues m’intéressent ! Sauf que chez Whouna… pas qu’avant j’étais très intéressé par ce qu’il portait, mais… tout d’même, là…

- Je sais pas, Dani, mais c’est un peu space que tu lui fais porter…- Ben, Whouna est space, V et les fringues… Wep ! C’est un peu genre qu’il s’sente comment

c’est pour nous, les vivants !

J’écarquille des yeux. Quel rapport ?

- A travers les vêtements ? Etre vivant, c’est plus que des fringues, l’habillement en général, même un uniforme…

- Pour toi oui, mais V, s’habiller c’est hyper important ! Si t’as pas le bon ice, t’es nulle part, V !

Le « bon ice », kesako encore ?

- C’est comme être dans le « in », V ! - Ah oui ! J’l’avais oublié çui-là ! Et tu veux dire quoi, « pour toi oui » ?

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- Ben, t’as pas le bon ice tout l’temps, quoi !- Bon ice ? - Le look !- OK ! Et c’est quoi le bon look ?- Ben, c’est pas être comme toi.

Je me regarde. Jupe longue, sweet large avec petites fronces à la taille.

- Qu’est qu’il a mon look ?- Il est archi bien pour toi, mais t’es pas hype.

OK ! Surtout ne pas m’énerver !

- Et c’est quoi « pas hype » ?- T’es hors hype, t’as le bon ice pour toi, pas pour le reste, mais c’est calé, j’t’assure, V !

J’dois comprendre quoi, là ?

- Donc, si je comprends bien… je suis pas top, mais c’est pas grave, parce que moi je suis comme j’aime être ?

- C’est ça ! Mais t’es quand même archi cool comme meuf, V !- C’est rassurant ! Je suis bien, mais habillée comme l’as de pique ?

Il fronce les sourcils, puis me sourit à pleines dents.

- T’es archi belle d’tout’ façon, V ! T’as pas besoin d’avoir le bon ice !- Merci ! Je me sens vachement mieux, là !- Wep, V, c’est hype !

Vaut mieux laisser courir. Qui a besoin d’avoir le bon ice pour être archi hype ? Ben voilà, vous avez tout compris !

Je suis en sous-vêtements devant la monstruosité archaïque en bois plein qui fait office de garde-robe dans notre chambre à coucher. Le lit et une partie du sol sont jonchés de vêtements. Je sais. J’ai dit que j’en avais rien à faire d’avoir le bon ice pour être archi hype, ben, j’ai menti ! Mes trois hommes sont dans la chambre, un peu perdus. Moi aussi. Glorios est contre le mur, une jambe repliée et un air neutre, mais je suis certaine qu’il est mort de rire à l’intérieur de lui. Je le connais  ! Mikaïl s’est assis dans le rocking-chair et observe la pagaille qui l’entoure en essayant de comprendre ce qui se passe. Bon courage, même moi je ne pige pas grand-chose. Mais qui sait  ? ET lui dire que c’est une question de principe, ou une histoire d’égo féminin ou encore une phase chtarbé d’hormones, ça va pas l’aider des masses ! John est presque accroupi dans cette pose qui est tellement lui. Il sourit, pas très à l’aise et un peu perplexe. Je le comprends ! C’est idem pour moi, sauf que c’est pire ! Mais je lui fais confiance, il va pas tardé à arborer ce petit air goguenard qui me mets dans un état… Waouh !

- J’ai regardé après que j’ai compris que j’avais pas le bon ice, alors j’ai cherché à la télé… Depuis quand y’a tellement de chaînes ? C’est dingue ça, on reste pas connectée durant quelques temps et hop, ça s’multiplie comme des p’tits pains ! Bref ! J’suis tombée sur une chaîne mode, défilés, magasins, look, designers etc… Ben, j’peux vous dire que les fringues sont vraiment spéciales, je dis pas « immettables », mais… Où j’pourrais les mettre, hein ? Et puis les tailles… si le bas m’irait, au-dessus, pas du tout et vice-et-versa!

Mes trois hommes fixent mes seins avec un air de… un air de… Oupsydou ! Chaud d’vant !

- Regardez pas mes seins ! C’est qu’des seins, juste comme c’qui devrait aller dans les vêtements, sauf que ça pourrait pas aller dans ces fringues-là !

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- Ma félidée, si ça ne tenait qu’à moi, tu serais continuellement sans vêtements.- Oui, mais toi, Glo, t’es un dépravé ! - Ton dépravé exclusif, même !- Comment ?- Ton…- J’ai bien compris ! Vous comprenez pas ! Whouna a le bon ice, parce que Dani l’a mis dedans

pour qu’il soit archi hype et qu’il soit comme les vivants, alors que moi je suis une vivante et je suis pas dans le bon hype, parce que j’ai pas le bon ice ! En fait, je suis dans le domaine des surcharges pondérales sur le retour, genre pré-troisième âge avancé avec aucune option d’avoir un jour le bon ice !

Je me laisse tomber sur le lit les bras en croix ! Ça me crucifie ! Rien ne bouge dans la chambre. Je relève les yeux. Ils ont tous le regard fixe. Non, fixé… sur quoi ? Ah ben oui ! Mon soutif a expiré. J’ai les seins pratiquement à l’air libre. Génial ! Manquait plus que ça ! Plus qu’une fois… dormir et plus si affinités et y a de l’affinité dans l’air, je le sens vraiment partout… Margie est là bientôt. Bon sang ! Comment je faisais les nuits avant de passer des exams ?

25. Sa chère petite fille, Marjorie, est arrivée et bien sûr tout le monde est à la maison, histoire de

me faciliter les choses. Après d’effuses embrassades, les «  Tu n’aurais pas un peu grossi ? » « Tu n’as pas bonne mine, mais bon, tu as toujours été très mauvaise lorsqu’il s’agit de prendre soin de toi  ! » « Tu devrais faire comme moi, manger plus bio et aussi plus végétalien, même si, je comprends que ce n’est pas évident pour toi, bien sûr ! » «  Tu appliques la crème que je t’ai fait envoyer ? Il le faut, regarde mon teint, idéal ! Et bon, ce n’est pas que tu es vieille, maman, mais tu n’es plus toute jeune non plus ! » et autres joyeusetés made in Marjorie entre deux rires, sourires et petites étreintes surexcitées (elle se barbiture à quoi ?), le calvaire commence pour moi. Marjorie se tourne vers Glorios.

- Bonjour. Vous êtes…- Glorios. Enchanté.

Il la prend dans ses bras et lui donne deux baisers sonores sur les joues. … écarquille des yeux en reculant.

- Vous êtes un ami de maman ?- Oh plus que cela ! Son prétendant serait plus juste.- Ah !

Mikaïl se penche vers elle et lui prend délicatement la main qu’il embrasse avec douceur.

- Je suis Mikaïl. Prétendant de ta mère.

Marjorie ouvre la bouche et la referme en rougissant. John s’approche et l’embrasse sur les deux joues sans l’étreindre.

- Je suis John. Prétendant de votre mère.

Ma fille se tourne vers moi qui suis complètement tétanisée, puis vers son mari qui a la mine de celui qui n’arrive pas à digérer un parapluie.

- Trois ?

Elle se tourne vers Whouna qui arbore cet air compassé et neutre qu’il affiche la plupart du temps.

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- Et vous êtes aussi un prétendant de maman ?- Non. Elle est ma chère fille.- Quoi ? Ne me dis pas que grand-père a eu une liaison et que…- M’enfin ! Comment peux-tu imaginer une chose pareille ? Ma mère, ta grand-mère n’a jamais

trompé mon père, ton grand-père, c’est absurde, grotesque, insultant même. Ils étaient les plus amoureux des couples qui aient existé sur la face de la Terre !

- Mais… TROIS ? Trois préten…

Elle vacille et se serait écroulée par terre si son mari ne l’avait pas rattrapée à temps. Dani la regarde fixement.

- Elle est enceinte ?- Non ! Ah, bon sang ! Vous êtes contents, là ? Comment avez-vous pu lui dire cela…- Parce que c’est la vérité, ma félidée.- Mais toute vérité n’est pas bonne à dire et… Et merde ! Je suis tout de même sa …MERE !- Et alors ? Une mère n’a pas le droit d’avoir une vie privée, mon aimée ?- Là n’est pas la question, Mikaïl ! J’avais prévu de le lui dire avec ménagement et d’une autre

façon au bon moment…- Il n’y a pas de bonne « façon », ni de « bon » moment pour le lui dire, ma féline.- Je…

Je me laisse tomber sur la chaise. Dani regarde tout comme s’il assistait à un spectacle. J’imagine que c’est ce qu’il fait le mieux avec tous ces jeux de rôles et autres joyeusetés ludiques et virutelles, assister à des situations de vies. Whouna s’agenouille devant moi.

- Ma douce, veux-tu que je lui efface ces souvenirs-ci ?- Non ! Il reste toujours une trace. Non. De toute façon il va y avoir de la discutaille. C’est

toujours le cas. Vous pouvez essayer de ne plus m’aider, là ? Ca m’aiderait pas mal.

Mes trois amours hochent la tête en même temps. Ils n’en feront rien. Je ferais pareil, mais cela ne va pas rendre le séjour de ma fille plus facile. Et dire que je ne lui ai même pas encore dit la nature de tous ceux qui m’entoure ! Wep ! Sûr que c’est galère de chez galère !

Marjorie s’est retirée dans leur chambre avec Hubert. Celui-ci réapparait dans les minutes qui suivent ce moment de… Oh, bon sang ! Je n’en veux pas à mes amours, non, mais je leurs en veux quand même. Pourtant… j’arrive à comprendre, sauf que je ne veux pas comprendre, parce que je veux être fâchée, parce que je ne sais pas comment j‘aurais fait, ni même si je voulais le faire. Je veux dire que j’avais, dans les tréfonds des tréfonds des tréfonds de moi, l’idée que je pouvais ne rien dire, même si en surface de ces tréfonds, je savais que cela ne pouvait pas en rester comme cela, qu’il fallait bien que cela soit dit… Wouh ! Comment vous faites quand vous êtes dans une situation des plus gênantes, voire flippantes ?

Je regarde Hubert arriver jusqu’à moi. Je le regarde, muette, mais une question et une inquiétude marquants chacun de mes traits.

- Elle va bien… le jetlag et l’émotion… elle va dormir un moment… cela devrait aller mieux après…

- Sûr ! Je suis désolée de…

Je bouge les mains sans trop savoir quoi dire, comment qualifier tout ceci.

- Non, s’il te plaît. Ne t’excuse pas, Vera, je comprends. C’est juste une question de temps…

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Je fronce les sourcils en le regardant fixement. J’ai l’impression de le voir pour la première fois, ce qui n’est pas faux. Regardons toujours bien ceux qui nous entourent ? Jusqu’où entourons-nous notre entourage de notre propre aveuglement ? C’est le mari et le compagnon parfait pour ma petite Margie. Je le vois si clairement, maintenant.  Comment n’ai-je pas senti plus tôt sa différence ? Ah oui… je n’avais pas encore les capacités de mes trois amours, Mikaïl, Glorios et John. C’est un Outre-Vivant. De quelle espèce ? Il me regarde par-dessus le bord de son mug. Nous sommes seuls dans la cuisine.

- Je vois que tu sais.- Pas tout, Hubert. De quelle nature es-tu ?- D’essence Métamorphe à la 7ième génération. Je n’ai que peu d’habileté et pas celle de me

changer ou de muter, si tu préfères.- Ah ! Margie le sait-elle ?- Non. Elle n’a pas idée et c’est très bien ainsi.

J’hoche la tête. Entièrement d’accord avec lui. Elle n’est pas de taille à l’accepter, ni même à le comprendre.

- Sais-tu pour moi et…- Oui. Je l’ai su dès que je t’ai vue avec eux.- Rien d’inconvenant de notre part, j’espère ?- Nullement. De l’extérieur, tu es normale, mais je suis d’essence Métamorphe et j’ai la capacité

de percevoir si quelqu’un est un Outre-Vivant.- Ce sera plus facile pour moi.- Pour moi, aussi.- Pourquoi as-tu accédé à la demande de Margie de venir me voir ?- Elle t’aime et elle s’inquiète à sa manière de toi et de ta vie.- Je sais. Mais, Hubert, je n’ai pas l’intention de me cacher ?- Je le sais aussi et cela me semble très bien. Je connais de réputation tes trois compagnons et

j’ai pleine confiance en eux pour te rendre heureuse.- Merci.

Je suis agréablement surprise. Je pense qu’il s’inquiétait aussi pour moi et cela me touche.

- Nous resterons trois jours seulement. J’ai une nouvelle affectation, si je puis dire, à Tokyo.- Waouh ! Cela te plaît, vous plaît ?- Oui. Ta fille a l’âme d’une aventurière sous ses allures très conventionnelles. Elle est curieuse

de tout, a facilement des contacts avec les autres et sait instinctivement ce qu’il convient de faire en toutes situations et avec toute personne.

- Je sais. Elle a toujours en un don inné pour les contacts. Une vraie « relation publique » à elle toute seule.

Nous sourions de concert. Il l’aime. Elle l’aime. J’ai confirmation que les choses sont comme elles doivent être selon ce qu’ils désirent qu’elles soient. Quoi demander de plus ? Ceci dit… L’amour lointain est une chose que je valorise énormément.

26.Whouna s’assoit près de moi dans la véranda côté jardin avec vue sur le divinement agencé

parterre entretenu de main de maître par Monsieur Gaston. J’ai le regard perdu. Je perçois tout, mais sans le voir précisément. Etre à travers un rideau de brume ? Son aura est magnifique et stable. Elle s’adjoint à la mienne et me procure une sérénité étagée, celle qui me permet de reprendre pied dans le ici et maintenant.

- Je lui ai parlé.

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Sa voix chantante m’enchante comme toujours.

- A qui ?- A ton enfant.- Oh ! Et elle t’a écoutée ? - Pas beaucoup. Au début, puis un peu plus, mais pas assez, alors je lui ai montré.

Je me tourne vers lui avec inquiétude.

- Quoi ? Tu lui as montré quoi?- Des photos et de petits films de toi et de tes amours.- Tu t’es transformé en miroir ? C’est la cata, là, la vraie cata !- Non ! Bien sûr que non. Dani m’a donné une Tablet et a constitué un album de photos et de

petits films qu’il a glané sur vos ordinateurs respectifs.- Ne me dis pas qu’il a hacké les ordinateurs ?- Je ne te le dirai pas, ma petite Vera. Elle a beaucoup apprécié, même si elle n’a pas dit grand-

chose.- Oh ! Bien… Désolée, Whouna. Je te remercie… mais… Tu savais que les parents sont censés

assurer ?- Assuré ? Vis-à-vis de quoi ? Ou qui?- Non… je veux dire on est les responsables, les adultes, ceux qui n’ont pas de doute… Enfin,

tu vois quoi? Les grands!- Les grands?- Les grandes personnes par rapport aux petits, les enfants, ceux qui ont besoin d’être guidé,

instruit, dirigé parfois…- Oh ! Je vois. Et tu n’es pas une « grande » ?- Je… oui. Non. Peut-être…- Alors, tu l’es assurément, ma petite Vera.

Nous gardons le silence quelques instants. Le jardin est illuminé par un trois-quarts de lune et c’est d’autant plus mirifique.

- Elle a bien vu?- Je pense que oui, sauf si elle a besoin de lunettes, en ce cas…

Je le regarde fixement, puis j’éclate de rire. Il écarquille les yeux, puis rit aussi. Il n’est pas certain de quoi, moi non plus, mais… à chaque jour suffit sa peine et on est encore aujourd’hui, non ?

Marjorie me regarde fixement. J’ai du mal à lui soutenir le regard. Je n’ai rien à me reprocher, merde ! Ça, ce n’est pas comme je me sens. Fichue inquiétude! Non! Je ne veux pas me poser de questions, genre : que pense-t-elle de moi ? A-t-elle honte de moi ? Je la dégoute ? Va-t-elle me renier ? Non ! Je vais même pas penser que je peux me faire ce genre de question, hein ?

- Comment tu peux le faire ?

Je blêmis horriblement. Quoi ? Ma fille ne veut pas savoir des choses sur ma vie sexuelle, tout’ d’mêm ! Si?

- Je veux dire comment tu fais pour les aimer tous les trois. Moi, j’ai déjà un peu de mal à savoir si j’aime Hubert, même si je sais que je l’aime, je crois, mais… alors, trois…

Son regard est écarquillé, confus, perplexe et curieux. Je sens qu’elle veut comprendre. Me comprendre aussi ? Mais ai-je vraiment une explication plausible, raisonnable, raisonnée, cohérente à

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lui soumettre ? Non ! Trois fois non ! Est-ce que je veux lui expliquer. Non ! Trois fois non ! Puis-je lui expliquer ? Non ! Le lui dois-je ? Oui, mais non. Alors ? Et puis… comment sait-elle que je les aime ? Ça se voit tant que ça ?

- Je… quand j’ai connu Mikaïl, je ne savais pas si j’allais l’aimer. Puis… comme c’était… lui… enfin il est… lui… c’est devenu évident, vraiment évident au plus le temps passait et que je le connaissais. Lui. Puis, Glorios…

Je rougis furieusement. Il m’a tout de suite attirée, irrésistiblement. Plus que cela même. C’était… Waouh ! Ça l’est toujours.

- Il est… c’est lui… et moi avec lui. Parce que Glorios… c’est devenu évident, parce que c’est lui… Glorios. Lui et moi. Comme moi avec Mikaïl… C’est lui. C’est eux…

Ma fille hoche la tête. Comprend-t-elle vraiment ?

- Puis John est arrivé… je ne savais pas, mais…- C’était lui. C’est lui avec toi.- Oui.- Donc tu ne sais pas…

Elle hoche la tête, la mine convaincue. Le comprend-t-elle vraiment ? Je désire qu’elle le comprenne ? Je désire comprendre moi-même ? Elle se rapproche de moi et doucement se couche et pose sa tête sur mes cuisses comme lorsqu’elle était enfant et qu’elle n’allait pas bien. Je lui caresse ses longs cheveux. Elle m’a tant manqué. J’ai peur. Mais… eux et moi, c’est nous et… c’est nous.

Nous sommes dans la véranda devant le parterre de Monsieur Gaston qui semble encore plus beau que la dernière fois que je l’ai vue. Ce drapeau andalou végétal me comble et m’émeut. Le ciel est strié légèrement par les avions qui passent et repasseront peut-être par-là, un peu plus à droite, un peu plus à gauche, au centre, là. Il est d’un bleu si clair que cela doit être un signe. De la pluie  ? J’ai le souvenir d’un autre ciel, plus brillant, plus lumineux, si bleu, si velouté… on y aurait nagé pleinement ! Ma Margie et Hubert partent cette nuit à une heure du matin. A moins que cela soit demain à une heure du matin ? Ils partent. Marjorie part. Ces trois jours ou presque ont passé comme un seul jour.

- J’aime bien ce hamac, il est superbe…

Je tourne mon visage vers Marjorie.

- Oui… C’est un cadeau de Glorios…- Ils prennent bien soin de toi. Je suis heureuse… tu avais besoin que l’on te chouchoute…

J’ai un nœud dans la gorge. Je hoche la tête et lui tend la main. Nous entrelaçons nos doigts. Elle est un peu de biais, me regardant avec ce même sourire qui me rappelle mi abuela.

- Papa t’en a fait tellement voir… je me rappelle comme il n’était jamais content, ni satisfait, comment il t’agressait verbalement, physiquement peut-être, même si je n’ai jamais rien vu…

- Non. Il ne m’a jamais frappé…- Il n’en avait pas besoin, les mots qu’ils utilisaient étaient bien suffisants…

Je hoche la tête, la gorge à nouveau nouée. Je ne savais pas qu’’elle s’en rendait compte… j’ai tant fait pour qu’elle n’en pâtisse pas…

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- Je suis désolée que tu…- Non! Ne t’excuse jamais, ne te justifie pas non plus! Moi je suis désolée que papa ait été

comme ça avec toi… Il est mon père, mais… jamais il ne sera à la hauteur de la mère que tu es pour moi…

Je sens mes yeux se border de larmes. Je ferme un instant les yeux, espérant ne pas avoir à verser encore une larme pour ce passé si lointain, mais si proche quand il frappe mes cicatrices.

- Désolée aussi de te le dire… je ne voulais pas te rappeler…- Non! Ne t’excuse pas, ne te justifie jamais, mi amorcito…

Nous serrons nos paumes et nos doigts avec une complicité que je pensais disparue depuis longtemps. Son aura est brillante, si belle qui oscille entre le rose foncé, amour, compassion et l’émeraude, harmonie, équilibre. Quand mon bébé est-il devenu un adulte? Elle ferme les yeux. Je regarde son visage. Elle a embelli encore plus qu’avant. Je reconnais en elle des traits de plusieurs personnes de ma famille, de celle de son père aussi. Ne serions-nous finalement qu’un puzzle génétique? Elle s’endort doucement. Son souffle arrive jusqu’à moi.

Nous sommes tous là. Enfin, mes trois amours, Aaron et Dariana qui sont juste passés. Avant-hier Leanna, Mana et Timoti sont arrivés et nous avons fait une fiesta. On a même un peu dansé. C’était si festif… je ne me souviens plus trop. En fait, c’est cela le pire… j’ai tout vécu comme dans un brouillard. Le fog, c’est bien à Londres qu’il se trouve ? Pourquoi je l’ai dans la tête, là ? Ils sont partis la nuit-même pour visiter en vitesse le Luxembourg. Je n’ai même pas tiqué. Pourquoi le Luxembourg ? Et pourquoi pas d’ailleurs ? Il parait que c’est superbe… Whouna est là dans cette pose qu’il affectionnait souvent au début, contre le mur, hiératique, si beau comme une sublime statue virtuelle. Il a un sourire. Ça c’était pas avant. Je sais qu’il est pour moi. Je me sens si vide et si entière… Dani révise. On a eu une discussion alors que c’était ni le moment ni l’endroit, sur la nécessité de suivre le parcours des études avec discipline et méthode. Dani a juste dit  : « Cool, V ! Chui pas boloss ! J’m’y suis mis ! T’inquiète ! » Depuis il est en blocus. Je crois que je devrai m’excusez auprès de lui… j’ai pété un câble, sûr !

Marjorie arrive dans le large vestibule. Hubert la suit de près avec les bagages. Il n’a aucun mal à les prendre toutes. Cela aurait dû m’indiquer qu’il est… plus qu’un humain. D’autant que s’il est musclé, c’est comme un coureur de fond ou cycliste, plutôt mince. Elle reste sur la dernière marche et nous passe tous en revue, puis elle vient vers moi avec cette grâce qu’elle a depuis toujours. Elle s’arrête devant moi. Je dois avoir une tête… la tête, quoi ! Elle me saute au cou et nous nous étreignons follement. Elle baragouine je ne sais quoi contre mon cou. J’hoche la tête, je dis « oui, oui », je ne sais rien,  mais c’est pas grave. Je ne veux pas qu’elle parte, mais il faut qu’elle parte. Elle se déprend de moi. Je veux la retenir, mais je ne le fais pas.

- Dani a dit qu’il allait te faire une meilleure application pour Skype et il a bidouillé je ne sais pas quoi sur mon Smart pour que je puisse t’avoir on line quand je veux. Et il a fait pareil sur ma Tablet et mon portable, comme ça on est hyper connectées. Il a aussi parlé de t’acheter un « mobile hype pour être plus ice ».

- Ah bien, très bien ! Enfin, on verra, moi tous ces bidules rectangulaires avec écran tactile, ça me fout le bourdon ! OK ! C’est bien !

- Je suis sûre que tu peux l’utiliser, maman… Avec ma nouvelle applique qu’il a bidouillée pour meilleure image et meilleur son, avec zéro décalage, plus de mémoire et ton nouveau mobile qu’il va aussi bidouillé pareil, on sera bien connectée… tu verras, ce sera méga géant, maman !

- Je vois…

Que dalle ! J’ai juste retenu « bidouiller ». Va falloir voir avec Don Alonso. Dani est si créatif… que je n’aimerais pas que ses talents virent du côté obscur de la force !

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- Il faut qu’on y aille… je te phone quand on est à Tokyo… j’t’envoi des What’s App avec la nouvelle applic…

- OK ! Parfait…

Elles me les envoi où ? J’ai un téléphone mobile, oui, mais des fois je me dis qu’il en sait plus sur moi que moi sur lui. Enfin, avec le bidouillage… Glorios me serre la main. Il s’en occupera. Je suis si nulle en technologie moderne… enfin, de cette époque… d’ailleurs suis-je vraiment de l’ère moderne ou suis-je passé du côté des vieux du siècle passé ? Faut suivre, il paraît ! D’accord, mais derrière qui et quoi ?

Nous sommes sur le trottoir à faire de grands gestes avec les bras. La nuit est glaciale, les réverbères éclairent surtout le silence d’un quartier en plein sommeil. On m’entraîne dans la maison. Je m’arrête dans le vestibule. Je regarde mes trois amours qui me regardent aussi avec tellement d’amour, de tendresse, de… J’éclate en sanglots. Ils m’entourent. Je me sens ballotée dans les bras de l’un d’eux. On me dépose dans le lit. Je n’ai plus mes vêtements. Ils sont si habiles pour déshabiller. Pour habiller aussi, mais ils prennent plus de temps pour ça, alors c’est plus évident quand ils me désapent. Ils sont autour de moi sur l’édredon. Je les regarde. Ils ont l’air un peu brouillé. Un début de presbytie ? Je pleure toujours. Je le sais parce que l’un d’eux m’essuie constamment les joues et les yeux. On a combien de litres de larmes dans le corps ? Je n’arrive jamais à le savoir… Espérons que pas assez pour se la jouer Naufragés sur la Méduse. De plus, j’ai changé les draps ce matin…

- Ça s’est bien passé, hein ! Je vous l’avais pas dit qu’elle était merveilleuse, ma petite fille…

Après ça j’ai comme un vide. Black-Out !

27.Le travail avance bien, moi pas. Je veux dire que je fais bien avancé le travail, donc j’avance

aussi, mais intérieurement je fais du sur place. Je peux même pas dire que je suis déprimée, que ma vie n’est pas ce que je veux qu’elle soit, non… C’est seulement que… je m’étais fait un monde, que dis-je, un univers entier de comment Margie, ma petite fille, allait prendre la chose, je veux dire, ma relation tripartite et voilà qu’elle le prend comme je pensais qu’elle devait le prendre, en étant elle-même et en acceptant moi et mes amours et comme je désire qu’elle accepte ma relation et ma vie et pas en rejetant, jugeant et détruisant par une attitude moralisatrice et dictatoriale. Alors il est où le blême ? Une ombre s’installe sur le document que je m’apprête à réviser.

- Sans vouloir oblitérer tes pensées, ni faire de l’ombre à ta profonde cogitation… je pense, ma chère chef de mon stage, que tu devrais y mettre une sourdine, voire ne plus y penser du tout.

Je regarde Aaron. Il a des cernes et a l’air vraiment crevé. C’est possible d’avoir l’air comme ça quand on est un Outre-Vivant ? Réponse en son et image online… Oui !

- T’as l’air mal, petit frère.

Aaron se passe la main sur les cheveux emmêlés et sur le visage. Il a un léger tremblement.

- Tu sais que tu n’es pas obligé de venir ici quand…- Non ! Je dois venir. Je ne peux en faire plus, pas avant que la pleine lune ne soit là…- Je sais… On y est presque. Il n’y a plus eu de personne entrant en stase…- Non. - Dariana et toi, vous…- Dariana…

Il regarde au loin en me coupant doucement la parole. Je voudrais tellement faire plus pour unir ces deux-là ! Quoi ? Vous avez jamais eu envie de réunir deux âmes sœurs qui sont trop têtus pour ne pas

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se pacser ? Bon ! On est bien d’accord ! Sauf que bien sûr, rendre les sens communs à deux non-sens centenaires incarnés, c’est du travail de titan, pas moins ! Il reporte son attention sur ma petite personne. Je connais ce regard…

- Ne tergiverse plus, ma mie… Cela fait trois jours que tu es comme un zombie à tourner autour de ce qui aurait pu arriver et qu’i n’est pas arrivé…

- Ne parle pas de malheur, p’tit frère ! Zombie ? Rassure-moi… Ils n’existent pas au moins ceux-là ?

- Disons que les nécromanciens existent bel et bien et…- Oh bon sang ! Ce que je déteste voir des espoirs s’effondrer comme ça ! Mais, euh, à

Bruxelles-plage, rien de tel, hein ? Je veux dire pas de nécromancien…

Aaron se fige, la réponse de la majorité des Outre-Vivant quand ils ne savent pas ou ne veulent rien dire ou faire !

- Ça craint un max ! Fais-moi plaisir, t’invites pas l’un d’eux chez moi ! Je suis pas encore totalement végétarienne, mais là, pour le coup, je pourrais bien le devenir…

Beurk ! Dire qu’avant ça je flippais à donf quand je voyais des films d’horreur alors que dans la vie réelle et autour de moi ça grouille d’horreurs incarnées ! Elle est pas belle la vie !

- Nous n’avons que très peu d’accointance avec ces individus, ma dame ! De fait, nous avons soins de ne jamais nous rencontrer.

- Ben continuez comme ça, moi ça me va !- Tu devrais faire quelque chose qui te plairait vraiment… tu as besoin de décompresser…- Idem pour toi, Aaron !- Je le ferai bientôt… mais tu es prioritaire en ce domaine. Je crois que tes compagnons t’en

seraient reconnaissants…

Je me tourne vers lui et je le vois ! Oui. Je vois combien j’ai été conne ces derniers jours et combien ils ont été patients, plein de sollicitude, de considération, alors que moi…

- Eh !

Il me prend dans ses bras. Je n’ai même pas vu le déplacement, mais je me sens tellement en sécurité contre lui.

- Non ! Je ne t’ai pas dit cela pour que tu culpabilise, que du contraire. Nous sommes tous conscient combien cela est difficile pour toi… je pense que tu as juste besoin d’une césure…

- Un break ?

Le mot sort assourdi contre son léger sweet si doux et qui sent si bon.

- Oui. Juste quelque chose qui te ferait te détendre.- Genre yoga ou lévitation transcendantale ?- Tu n’as pas le vertige ?- Oui.- Evitons la deuxième option… Quant au yoga…tu en fais régulièrement ?- Jamais ! Ça me stresse à donf !- Donc, cela ne peut être une option.

Je nous berce sans m’en rendre compte. Je le fais toujours instinctivement quand je sens qu’il y a quelqu’un de stressé y compris moi-même. Cela m’apaise et lui aussi. Je sens son aura s’asseoir en lui et devenir sereine. Je réfléchis un peu, pas beaucoup, c’est plutôt comme la dérive des glaciers sur mer calme. Puis, je sais.

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- Le Planétarium ! Tu veux m’accompagner ?- Las ! Je ne puis pas, mais cela m’aurait plu…- Je comprends…- Vas-y avec Wouma ?- Whouna ? Mais enfin… il doit déjà tout savoir…- Pose-lui la question… je crois que cela pourrait lui plaire…

Nous regagnons nos places. Pourquoi pas ? Le travail suit son cours. Je suis heureuse que mon bureau détende Aaron. C’est qui qu’avait raison quand elle disait que son bureau c’était le nec plus extra, hein ? Bibi ! Faut pas vous gêner pour le dire haut et clair, je sais encore ce que je dis !

28.Ce soir, à part d’être la plus belle pour ne pas aller danser, j’ai décidé d’arrêter de me prendre

la tête. J’ai serré contre moi très fort mes amours en leurs disant que j’étais désolée, que des fois, ben, c’était un peu le trou noir dans la tête et que ça cassait tout, mais que là, c’était bien fini. Après s’être tous trois rigidifiés comme seuls savent si bien le faire les vampires et les Outre-Vivant en général, ils m’ont tout simplement attrapé et dans notre chambre c’était… Wouh ! Waouh ! Je ne vous raconte même pas… Si, si, comme je vous l’écris. Je… d’ailleurs rien que d’y penser… Les coups de chaud on peut aussi les avoir sans être en pleine ménopause ? Je dis ça, mais bon… en fait… OK ! J’arrête ! Faut juste que vous sachiez que… ben… ils sont… ils sont… Ils sont ! On ne va pas tartiner des pages et des pages sur la question, si ?

Donc… Après un repas enjoy où on a ripailler à donf et rit idem, j’ai décidé de me hamaquer dans la véranda, d’autant que j’ai commandé un nouvel hamac que j’ai entraperçu dans une revue et… j’ai pas pu résisté ! Bon ! Je sais ce que vous allez dire… Accro aux hamacs, c’est du grand n’importe quoi ! Mais accro aux chaussures, vous croyez que c’est quoi ? Ils sont quoi ceux qui le sont, des millepattes humanoïde ? Donc, hein… pour les critiques, vous repasserez dans cent dix ans, de préférence ! Avec tout ça, où j’en étais… Ah oui ! Je me balance mollement dans l’air chaud de ce début de nuit. Je tourne la tête. Whouna est là. Je ne sais pas depuis combien de temps. Je vous assure, vous devriez essayer, ça vous déconnecte direct le transat ou le hamac. Il s’est installé sur un transat. Il a l’air un peu mal-à-l’aise.

- Ça va…- A donf !

Je le regarde. Il me fait un clin d’œil. Wouh !

- Tu t’es mis aussi à parler jeune ?- Dani est un excellent professeur et ses amis aussi.- Ses amis ? Il t’a présenté à ses amis ? C’est pas…- Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Or cette époque est très habile à passer

outre les évidences…- Tu as raison… on a beau être en pleine époque où tout est visible, on n’est jamais aussi

invisible… - Un effet pervers !- Oui…- Ils sont chouettes ses amis? Enfin… je demande ça, je demande rien, hein…

Whouna me regarde légèrement décontenancé.

- Je n’ai pas remarqué qu’il y avait parmi eux des chouettes-garou… Voilà qui est troublant…- Non, non ! Enfin, je ne sais pas s’ils sont humains, mais quand on dit chouette, c’est… comme

dire sympa, tu vois…

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- Oh ! Les expressions langagières me sont encore hermétiques, je le crains.- T’inquiète, ça viendra en son temps…- Je suppose…

Nous nous sourions. Son aura est d’une blancheur éclatante et stable avec un liseré d’un doré que je n’ai vu nulle part. A défaut de trouver une nuance, doré est le plus proche de ce que je perçois. Les auras sont en général déclinées sur des palettes de couleur conventionnelle, mais avec Whouna c’est différent, peut-être parce qu’il est aussi toutes les auras d’ici et d’ailleurs ?

- Ils peuvent venir ici si Dani veut… je sais que sa mère est un peu débordée et qu’elle n’a pas trop envie de voir Dani… son père…

- Il a quitté le domicile conjugal…- Oh ! Je m’en doutais un peu… mais la mère n’est pas très maternelle…- C’est le cas.- C’est pas que je veux la remplacer, mais…- Je comprends, ma petite Vera et crois-moi, Dani est conscient de cela et il a bien besoin que

l’on s’occupe de lui comme cela. Je ferai en sorte qu’il ait ce dont il a besoin à ce sujet et si ses amis peuvent lui donner aussi cela en venant ici, je ferai le nécessaire.

Whouna le fera. Il est le Veilleur. Owanouminatouquiala. C’est son nom dans beaucoup de civilisations perdues et qui existent encore. « Celui qui veille sur toute chose ici et partout ailleurs. » Je ne sais pas comment je le sais, mais je le sais. C’est comme si j’étais une infime part de lui. Difficile à expliquer, mais c’est si réel.

- Et en parlant de cela, si on pouvait faire de même avec Aaron…- Aaron ? Mon podrawa (fils) ne va pas bien ?- Si… enfin, non, compte-tenu de ce qui se passe, mais c’est son histoire avec Dariana…

Whouna reste immobile me fixant de ces étranges et fascinants yeux.

- Ben, tu sais… ils devraient être ensemble.- Ne le sont-ils pas déjà en ce moment ?- Oui… je veux dire… ensemble comme couple, tu vois ! Ils s’aiment… Je ne comprends pas

pourquoi ils ne forment pas un couple… à moins… des fois on aime quelqu’un, mais on n’arrive pas à être avec lui, parce qu’il n’est pas comme on voudrait qu’il soit et ça empêche de l’aimer, même si on l’aime tout de même.

- Est-ce alors vraiment de l’amour, ma petite Vera ?- Ben, c’est sûr que ça n’y ressemble pas… ces personnes tiennent aux autres personnes, mais si

on tient à quelqu’un c’est bien parce que ce quelqu’un est qui il est, non ? C’est pas le cas de Dariana et d’Aaron, si ?

- Non.- Alors, c’est quoi le stuut ? J’imagine que ce n’est pas récent cette situation…- De ce que j’en sais, cent sept ans !- Waouh ! Un bail, quoi ! Ben faudrait qu’ils concluent…- Qu’ils concluent ?- Wep ! Qu’ils se pacsent sévère gravos, là ! Je veux bien qu’ils aient toute leur existence

devant eux, mais bon… dans les affaires d’amour, c’est bien d’y aller franco et pas trop tergiverser… sinon, c’est comme les fleurs coupés, ça peut se faner très vite ! Enfin… quand je dis vite… cent sept ans ! Ah oui, quand même, quoi ! Ils sont tous aussi lent chez les Outre-Vivant ?

Whouna prend son temps pour répondre. Ceci dit… Un Whouna est qualifié pour traiter les affaires de cœur ? Notez, tant qu’il ne s’essaie pas à la chirurgie coronarienne, il est aussi habilité que n’importe qui pour traiter des affaires de cœur. Oui ! Je sais ! Vanne pourrie ! Et alors ? C’est où qu’c’est écrit qu’on devait faire que des vannes géniales, hein ? On est bien raccord, là !

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- Je peux l’être comme tout un chacun. Le sentiment que vous appelez « amour » est assez semblable parmi toutes les espèces. La façon de l’exprimer varie… Les métamorphes sont mes enfants les plus chers à mon… cœur. Cependant, de par leur nature, ils sont extrêmement prudents et circonspects.

- Pourquoi ?- Leur maturité se fait avec énormément d’écueil. L’un d’eux, le plus terrifiant, est le risque de

devenir caméléon.

Il me regarde significativement, sauf que je ne sais pas ce qu’il veut que je comprenne. Ça existe les garou caméléon ? J’arrive pas à m’imaginer…

- C’est une façon de dire… en fait le risque de « mimétiser » tout ce qui est à portée de vue est un véritable cauchemar quand cela survient. Lorsque cela arrive, la personne est mise dans un caisson d’isolement sensoriel particulier où on « renature » ses perceptions afin qu’il puisse les contrôler.

- Tu veux dire qu’il se transforme à chaque fois qu’il est devant quelque chose ou quelqu’un ?- Oui.- Oh, bon sang ! C’est horrible ! Quel rapport avec les amours contrariés de Dariana et

d’Aaron ?- Rien et tout. Lorsque des métamorphes s’aiment ou se pacsent, le risque d’un trop grand

rapprochement peut les faire basculer dans une sorte d’état sensoriel proche du caméléon dont je t’ai parlé avant.

- Mais s’il le contrôle… oh ! Je vois. Depuis quand contrôle-t-on le sentiment d’amour ! Ben dis-donc, ils sont pas sortis de l’auberge, là… pourtant… ils sont tellement maîtrisés tous les deux… il n’y a pas quelque chose qu’on pourrait faire pour avancer le schmilblick…

- Oui.- Eh ben alors pourquoi ils ne sont pas déjà plongé là-dedans jusqu’à l’âme ?- Justement, ils doivent faire une union d’âme et cela doit se faire sur un autre plan…- Avec Flexus-machin…- Flexianor, oui.- Bon ! Ok ! Le… la… enfin Flexible…- Flexianor…- Oui, lui… Peuvent pas avoir des noms ordinaires ? So… Il est pas vraiment facile à gérer,

mais il y a quand même moyen de moyenner, non ?- Si, mais il faut que les deux personnes soient sur… la même longueur d’ondes… c’est comme

cela que vous dites.- Oui… Mais ils le sont, non ?- Cela comporte qu’ils soient dans une syntonisation et une harmonie complète à tous les

niveaux…- Oh misère ! Je vois le problème ! Et y’a pas un chef-d’orchestre pour mettre tout ça à niveau ?- Pas vraiment…- On n’est pas dans la merde !

Whouna hoche la tête en me souriant, ce qui donne comme un petit lever de soleil sur une mer calme et plaisante, le genre… Waouuuuhhh ! Si vous voyez ce que je veux dire…

- Tu penses quoi des Planétarium ?- Dois-je en penser quelque chose, ma chère petite fille ?- Ben… comme pour le reste. Tu sais quoi ? Toi et moi on a besoin d’une petite virée au

Planétarium de Bruxelles… et en passant j’te montrerais les boules. Tu verras, ça fout vraiment les boules !

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29.Comme toujours le spectacle des vicissitudes de l’Univers dans cet espace à l’atmosphère si

particulière – un dôme tourné vers le grand tout céleste – m’a ravi et m’a rendu à ma dimension humaine. J’ai toujours ces mots dans ma tête quand je sors de là : « on n’est vraiment pas grand-chose… ». De fait, nous sommes vraiment une poussière d’étoile ! D’avoir pendant quelques minutes la tête dans les étoiles, littéralement, me renvoie de manière plus saine et plus sereine les pieds sur terre. Allez-y y comprendre quelque chose, mais si je peux donner un conseil pas trop éclairé, je ne suis pas trop une lumière, notez, allez donc vous faire une petite vision ou ré-vision dans un Planétarium, ça vaut le détour. Le public composé de personnes de tous âges se disloque vers la sortie en échangeant peu de paroles. Dans la vaste salle en pénombre et au plafond arrondi, extraordinaire écran avec vue sur l’insondable et extensible Univers, mère et père de tout ce qui est, a été et sera, Whouna se dirige vers la plateforme au centre où se trouve ce vidéoprojecteur complexe qui nous permet de voir des images sur tout le dôme concave de 360°. Les rares spectateurs sortent en laissant les écouteurs au préposé au visionnage des films. A pas lents et précis, il observe l’appareil et je sens que ses sens s’ouvrent en scannant tout avec intérêt. La salle est presque vide. Je regarde l’espace en clair-obscur et me dirige vers Whouna.

- On doit y aller, Whouna…- Allons-y !

Il me tend le bras et j’y pose ma main. Dani lui a fait voir des films d’époque où quoi  ? Nous sortons après avoir donné les écouteurs à l’homme et après les salutations d’usage nous descendons vers l’espace à thème de l’entrée où un public lambda circule de façon anarchique en attente de pouvoir entrer dans la salle que nous venons d’abandonner. Whouna regarde tout, s’arrête ici et là, puis un peu plus longtemps sur les boules représentant les planètes les plus connues de notre espace céleste. La Terre est là avec les autres, reconnaissable à sa couleur bleue. La Belle Bleue, planète d’eau, berceau de vies. Je regarde les gens. Des enfants, des bébés en poussettes, des touristes en mal de visites, une petite foule hétéroclite qui ne parlent pas trop. J’ai beau venir à différents moments de l’année, c’est toujours pareil. Le public est toujours un peu déphasé… Je crois que c’est bon de l’être comme cela. Whouna s’arrête devant la table où le soleil est découpé comme un gâteau permettant de voir son centre. Un bouton permet d’entendre le bruit que fait le soleil, cette sourde pulsation qui me fait penser à un cœur qui bat à un rythme qui me paraît étrange et proche. Whouna tend l’oreille et un fin sourire l’illumine. Son aura est en constante mutation et je ne sais qu’en penser. J’espère juste qu’il ne va pas se transformer en miroir, ce serait bizarre, sûr ! Whouna tourne son visage si merveilleux et me fait un clin d’œil.

- J’avais oublié ce son si particulier… Cela manque dans ce petit film, les sons… une symphonie céleste que je ne peux t’expliquer, que tu ne saurais sans doute pas entendre… L’univers est une mégaphonie si extraordinaire…

- Beaucoup de bruit…- Non. Ce ne sont pas des bruits, pas même des sons… du tumulte. Un tumulte si foisonnant que

je ne m’étais pas rendu compte combien cela m’avait manqué…

Son regard se tourne vers l’intérieur et son aura prend les volutes de plusieurs arcs-en-ciel. Je reste la bouche ouverte, perdant de vue tout ce qui n’est pas lui. Au bout de quelques secondes éternelles, les sons alentours refont surface dans mes oreilles. Whouna me tend la main. J’y place la mienne. Il prend d’un même regard la pleine mesure de tout ce qui nous environne.

- Nous devrons revenir, ma chère petite fille. Allons-y…

Un petit crachin nous accueille sitôt sortis. Les larges marches sont déjà dégoulinantes de cette lavasse pluvieuse au goût de pollution urbaine. Je ne lève pas le nez. Pourtant, je vous assure, j’aimerais pouvoir le faire, le ciel m’a toujours inspiré, mais essayez donc de le faire quand il pleut pratiquement toujours. Heureusement qu’on a pu voir les boules alors qu’il faisait encore nuageux

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menaçant, mais pas encore humide. Whouna a regardé les grosses boules brillantes. Il se tenait comme d’habitude, rigide, mais j’avais l’impression qu’il scannait tout. Flippant à donf ! J’ai donné quelques explications, mais juste pour faire un peu guide touristique, tant qu’à être là… Dani l’a mis au parfum, docus et autres à l’appui et donc, j’imagine que Whouna est capable de donner une conférence sur le module géant de l’atome en suspension touristique. Il n’a rien dit. Il a juste dit.

- Fascinant…

Je l’ai regardé la bouche ouverte. Merde ! Il a dit comme Mr. Spock ! Je l’ai regardé pour voir si Dani lui avait pas fait un détour via les vieilles séries télé de mon enfance, mais difficile à dire quand on a une telle attitude compassée. Clayton, le majordome et ami de Mikaïl, a pris des leçons auprès de Whouna ? J’ai rien su dire, je l’ai donc embarqué via le Planétarium. Nous ne marchons pas trop vite. Je me susi garée pas trop loin, le parking appartenant au Planétarium étant inutilisable pour l’instant. J’ai ouvert un grand parapluie aile de corbeau. Je sais ! Sinistre, mais bon, il faut bien que vivre avec des vampires me donnent un petit coup de sinistrose de temps en temps, non ?

- Alors… t’as aimé ?

Whouna s’arrête un instant. Il regarde devant lui. Son aura vacille, mais je crois que c’est par l’émotion. Je ne saurais pas dire de quelle couleur elle est, ça bouge trop.

- Surprenant ! Cela m’a rappelé un autre temps…

Je le regarde fixement.

- Tu veux dire quoi avec ça ?- Je suis né lorsque le Big Bang a… commencé. Ma nature est celle des Matières Primordiales.

Ce n’est que récemment que je suis devenu ce que tu nommes la « mer primordiale », ce qui me semble une juste appellation.

- Mais… pourquoi passer des matières primordiales à la mer…- La mer primordiale me permettait de donner Vie et Mort.- Pourquoi mort ?- C’est intrinsèque à ces deux états.- Je vois.

Moins que jamais ! Mais essayer de comprendre le B.A.-BA du début de tout, tiens, pour voir  ! C’est pas parce que Whouna est… enfin, c’est Whouna, quoi, qu’il peut nous expliquer un truc qui nous dépasse… C’est comme de voir l’océan entier d’un seul coup d’œil, on n’y arrive pas, on manque de distance et de perspective et de… tout, quoi !

- Lorsque je suis devenu la mer primordiale, je suis devenu garant et gardien de la Vie et de la Mort à parts égales. Mais… j’avais oublié lorsque je fus avant… c’était si extraordinaire… je sens en toi, ma chère petite fille, des émotions vivaces après avoir vu ce film… tu t’es sentie exaltée aussi et… c’est cela qui était aussi là-bas. Tout avait le goût d’une aube, d’un début, de tous les possibles… le chaos n’était qu’un vaste champs de naissances et renaissances et de possibilités sans fin, puis il y eut des éons d’accalmies et un certain ordre émergea… c’était…. Exaltant.

- Oui. Ça je peux comprendre… je ressens la même chose, pourtant ça fout les jetons, on n’est pas à l’abri, tout est si violent, mais… j’adore ! C’est dingue, mais sentir toute cette puissance, c’est… j’adore ! C’est chtarbé, non ?

- Pas vraiment. Il y a de la majesté dans les aléas de l’Univers et aussi une magnitude qui inspire le respect et cette adoration dont tu parles. Cela reste des sentiments très humains. Dans d’autres temps, il y eut un mot… Awoyuniobe… cela signifiait : ce qui élève l’âme en dehors de la Vie.

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Je ne dis rien. Je n’ai pas compris, mais bon ! On s’est compris sur un autre niveau. Donc, moi je dis que… sortie Planétarium : Bingo !

- Où j’ai mis la bagnole ? Je sais pas pourquoi on n’arrive jamais à trouver où on gare les foutues carcasses métalliques sur roues !

- Je puis te guider si tu le désires.- Vaudrait mieux ! Je me sens pas trop de tourner en rond jusqu’à tomber sur le cercueil

ambulant ! - Le cercueil ambulant ?- La teuf-teuf, si tu préfères…

Il fronce les sourcils. OK ! Je ne devrais pas insulté ce merveilleux moyen de locomotion… enfin, merveilleux, faut voir… à part Mikaïl qui est un dingo de la mécanique et des caisses et donc émerveillé à donf, je ne crois pas que j’arriverai un jour à les apprécier vraiment !

30.Il reste sept jours avant… de faire ce que je dois faire pour essayer de sauver dix-sept, car ils

sont toujours dix-sept - à qui dois-je remettre mes plus sincères remerciements et ma plus profonde reconnaissance pour cela? – et Aaron est dans un état de stress incroyable. Le burn-out existe-t-il chez les Outre-Vivant ? Et si c’est le cas, ça donnerait quoi ? Je ne veux pas le savoir, vraiment pas ! Dariana est présente à sa manière subtile et prenante. Nous avons pratiqué un peu le côté «  claquement de porte auditive » dans mon cerveau. Ben, vous n’allez peut-être pas le croire, je suis l’exception qui confirme la règle. Normalement, avec le savoir-faire de Dariana et tout ce qu’il faut pour que ça marche, ben il y aurait comme une certaine obstruction dans ma cafetière ! Qui a dit obtuse ? Je ne suis pas obtuse, je suis juste un peu « dura de mollera », comme disait mi abuela. Autrement dit, je suis un peu têtue, quoi ! Pourtant, je vous assure, j’en ai marre que presque n’importe qui puisse se connecter à ma tête et suivre en direct live mes élucubrations mentales ! A la fin, on s’y fait, je ne dis pas, mais bon… Essayer de vous imaginer quelqu’un qui pourrait entendre tout ce que vous cogitez… hein… ça fout la pétoche ! Ben voilà, vous avez tout compris ! Mais dans le côté têtu, ce qui est très bien aussi, c’est qu’on lâche pas prise très rapidement pour les bons trucs et les mauvais machins. Ici, Dariana et moi sommes sur la même longueur d’ondes, on va ne pas lâcher le morceau !

Aaron a fermé les yeux. Son stage se passe très bien, même s’il pourrait s’en passer, mais je crois que… et ne le répéter jamais à personne… sa gentillesse innée l’empêche de laisser tomber maintenant à cause de Gina, ma chez de service, qui, avant, était si peu présente dans mon boulot que j’ai même failli oublier que j’en avais une. Si ça n’avait pas été pour les réunions mensuelles… On s’habitue vite à mener sa barque seule… Et là… roulements de tambour, Gina est là tous les jours, apparaissant soudainement plusieurs fois dans mon bureau, sous les pires prétextes qui soient. Vous connaissez les adages : l’occasion fait le larron… ben, c’est presque ça, mais le meilleur c’est : les prétextes sont fait pour s’en servir ! Mauvaise nouvelle pour le monde, après avoir tellement utilisé les prétextes, ce dicton ne pourra plus servir sous aucun prétexte ! Et non, je ne dirai pas : il n’y a qu’une femme pour pouvoir user un homme comme ça ! C’est vraiment dégueu comme dicton… alors lisez-le maintenant, ensuite à la trappe des dégueulasseries à détruire !

Gina est là. Quand je vous disais…

- Aaron… j’ai jeté un regard sur votre résumé des tâches de la semaine passée… en treize ans de carrière, je n’ai jamais rien vu de pareil ! Vous êtes un élément parfait pour n’importe quelle entreprise, la meilleure valeur sûre qui soit ! Vera… je ne peux que vous féliciter pour ce choix ! Continuer comme cela et vous avez un poste assuré à vie parmi nous.

Je suis fonctionnaire de l’état ! Ce n’est pas déjà le cas ?

- J’ai pensé que nous pouvions prendre un petit café de ma réserve personnelle, que j’achète online chez un petit fabricant en Afrique… vous m’en direz des nouvelles… pour fêter cet

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excellent travail. Il n’y que le plaisir que l’on se fait et surtout jamais de petits plaisirs, n’est-ce pas…

Et la voilà à hennir de rire ! Bon, OK, vous pensez que je suis garce, mais vous ne la voyez pas comme je la vois ! C’est clair, si nos bureaux n’étaient pas des sortes de placards remaniés, elle aurait un canapé dans le sien et je ne donne pas cher de la vertu d’Aaron et on ne peut même pas dire que ce serait une « promotion-canapé », il ne postule à rien, sinon à en apprendre un peu plus avant de passer et continuer son propre chemin. Puis… traitez-moi de pragmatique, mais les cernes sous les yeux d’Aaron ne me disent rien qui vaille. C’est clair ! Dès qu’on est arrivé en fin de demi-journée de travail, j’appelle Whouna et on file directos chez moi où je le mettrai d’office dans un transat, le hamac, ça bouge trop et il a besoin de ne plus bouger… un caisson d’isolation serait encore mieux, mais je n’en ai pas… et non, je n’en veux pas ! Je le pense vraiment, au cas où on serait connecter à mon cerveau ! Comme vont les choses, on s’rait bien capable de m’en amener un ou même plusieurs n’importe quand, alors, merci, mais non merci !

Dix minutes avant midi et donc la fin de ma demi-journée de labeur, Gina file enfin. On a finalement eu une discussion sympa. Quand je vous disais qu’Aaron est vraiment un mec hyper gentil… il n’aime pas le café… il en boit, mais c’est pas sa tasse de thé, si vous voyez ce que je veux dire… Il préfère les thés et c’est même un vrai connaisseur. Moi j’avais dans l’idée qu’il aimait le kawa, mais ce n’est pas le cas. Ben, il en a bu deux tasses, petites, mais deux. Je l’adore !

Aaron se laisse aller sur son siège en passant une main lasse sur le visage. Je ne vais pas dire qu’il fait son âge, je n’ai aucune idée de ce que ça donnerait s’il devait avoir le visage de… son âge ! J’me comprends ! J’appelle Whouna dans ma tête en lui envoyant une image mentale d’Aaron. C’est comme une photo sur un téléphone portable, mais en plus organique et réel. Pour ceux qui suivent pas…

- Whouna ar…

Et Whouna est là devant Aaron qui sursaute légèrement avant que je ne termine de dire ce que je voulais dire. Vous comprenez pourquoi je m’inquiète autant, hein ? Un Métamorphe ou un outre-Vivant en général qui se laisse surprendre, c’est la pire chose qui soit. Il se lève d’un bond.

- Il y a un autre de mes…- Non, podrawa (fils), calme-toi ! Cela est mon erreur. J’aurais dû laisser Vera te dire que je

venais vous chercher. Elle s’inquiète à juste titre.

Il se tourne vers moi et ouvre la bouche. Je lève la main.

- Non ! Désolée, mais même si tu faisais un excellent plaidoyer, je n’y adhèrerais pas ! Tu as besoin de repos. J’ai besoin que tu sois toi complètement maintenant, mais plus encore quand je devrais faire… ce que je dois faire…

Il se laisse tomber sur la chaise qui couine légèrement. Les meubles ne sont plus ce qu’ils étaient !

- Tu as raison. Je suis à bout… allons-y !

Et nous y sommes aller franco et directos dans la véranda côté jardin où Whouna nous a fourré lui dans un transat, moi dans un hamac et… il nous a bercé ! Je ne veux même pas imaginer quand il se mettra à nous chanter des berceuses ! Je… Black-Out !

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31.Cette nuit, c’est le grand jour. Sauf que… si on dit nuit, on peut pas dire que c’est le jour ou

si ? Je débloque ferme. En fait, comme je ne peux pas faire les cent pas, parce qu’il n’y a même pas cent pas à faire dans mon burlingue, je tourne comme son hamster dans sa roue, autrement dit, cercle vicieux et à vide. Je ne vais pas y arriver ! Comment fait Aaron pour rester aussi cool ?

- Avec beaucoup de difficulté, ma mie.- Zut ! J’ai encore oublié de mettre le « voile mental » comme l’appelle Dariana. Je devrais.

Depuis que je l’ai… c’est plus solitaire qu’avant ! Tu veux savoir un truc vraiment flippant ?- Si tu veux…- Ben… finalement, ce n’est pas si désagréable de savoir que certains peuvent lire dans ton

cerveau. Enfin… tes pensées, celles qui sont les plus explicites… C’est comme de savoir qu’il y a quelqu’un à l’écoute de toi… c’est difficile à expliquer, mais il y a quelque chose de rassurant… Flippant, hein !

- Non. Cela peut se comprendre…- J’imagine… comment tu fais ?- De lire dans les cerveaux des autres ?- Non… oui, enfin, ce n’est pas la question… je veux dire, pour rester aussi calme.- Les dix-sept personnes qui sont en stase le sont toujours et même si l’une d’elle sombre dans

le sommeil éternel – c’est comme cela que les nôtres appelle ce que vous nommez mort – je pourrais les « réanimer » comme vous dîtes.

- Oh ! Je n’avais pas vu ça de cette manière… mais… et si je n’y arrive pas  ? Je ne suis pas une héroïne, ni…

- Cette discussion a déjà eu lieu…- Je sais et je la remettrai sur le tapis une autre fois, parce que c’est la réalité. Je suis une

quarantenaire, fonctionnaire de l’état à mi-temps, mère d’une fille adulte, divorcée, humaine et vivante, avec le physique plutôt enrobée, avec trois compagnons – mes amours, sans doute la seule chose vraiment extraordinaire dans ma vie – et vraiment pas sportive, ni versée dans les armes. Vraiment pas le profil d’une héroïne !

- Ah ! Et les personnes comme toi ne peuvent pas être des héroïnes ?- Je n’ai pas dit cela… en fait, je ne sais pas ce qu’est une héroïne vraiment, à part, celles des

comics et des romans et aucune n’affiche ma dégaine.- Alors, réjouissons-nous de cela, car ce n’est pas d’une héroïne dont nous avons besoin, mais

de toi, Vera Lux. Tu es celle qui est essentielle dans cette situation, comme elle a été pour les autres précédentes. Et tu sais pourquoi ?

- Non… je ne sais pas.- Parce que tu doutes, tu as peur de te tromper, tu crains de ne pas réussir, tu ne veux pas faire

du tort, tu te soucies des autres pour ce qu’ils sont et c’est pour cela que tu es essentielle et déterminante pour ces situations.

Je fronce les sourcils.

- Ce sont des compliments, là, que tu me fais ?- C’est la réalité. Je ne vais pas essayer de te convaincre, mais comprends cela… si je suis

calme, cool, comme tu dis, c’est parce que je sais que toute la situation, que mes dix-sept amis et familiers sont entre de bonnes mains avec les tiennes, avec toi. Je te prépare un petit chocolat chaud ?

Aaron passe près de moi, m’enlace brièvement en m’embrassant sur le front, puis sort calmement. Je me laisse tomber lourdement sur la chaise pivotante et sur roulettes. Eh bé ! Si ça va pas le faire, alors rien va le faire, autant que je m’y fasse ! Il n’oubliera pas de mettre de la crème fraîche, j’espère ? Tant qu’à m’alourdir avec des kilos autant que ce soit en y prenant du plaisir.

Je suis dans ma chambre. Il y a des tas de choses qui se sont passés depuis ce matin, de ces petits évènements sans réelles importances, mais qui tissent la toile de fond d’une journée. Je n’ai été

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présente que de façon mécanique. Parlant avec l’un ou l’autre, sans trop tenir compte de qui c’était. Je me revois accomplir des tâches ménagères, je ne sais lesquelles, je me vois ingurgiter ceci ou cela en liquide ou en solide, j’ai même téléphoné à quelqu’un et pris deux communications. Glorios était sur le chemin de la maison, de retour de… je ne sais plus… Mikaïl a fini de mettre en ordre des désordres légaux et juridiques, voire judiciaires, il n’y a pas de vacances pour la vermine, c’est bien connu, quant à John, il a été voir les dix-sept « assoupis », s’est occupé de ses amis et autres collègues Lycos et Garous, tout en restant connecté par la pensée avec moi, si ce n’est par What’s App. Et oui  ! Il parait qu’on n’arrête pas le progrès ! Quel rapport avec moi ? Parce que du côté pratique, concret et fonctionnel, y’a encore du boulot en ce qui me concerne pour ces « progrès » ! J’avoue que la technologie et moi, ça fait au moins des gigatonnes de différences ! Dani est en blocus d’examens et Whouna… Whouna est là. Je le sens. Il est là, partout. Normal. Il est le vecteur, une sorte de générateur central qui va permettre d’aider à « réveiller » les « assoupis ». J’aime pas dire coma ou ce qu’Aaron m’a expliqué… en fait… je vais être une sorte de princesse charmante qui va donner une sorte de baiser énergétique et virtuel pour réveiller tout le monde ! Notez… y’a le clairon, mais le réveil en fanfare, c’est tout ce que je déteste. Et puis y’a Flexius ou machin chose en forme de dragon qui va aussi être là… Mana en chef d’orchestre comme toujours… Timoti en garde du corps, le mien surtout, parce que si les Krako-machin sont bien les responsables, il est le plus habilité à en venir à bout et Leanna va recoller les morceaux, autrement dit, ma petite personne. Dariana et Aaron seront avec les leurs, attentifs à les récupérer de ce côté-ci… des espèces de soignants super-sophistiqués à tous les niveaux. La routine, quoi ! Et… mes trois amours qui sont là pour moi pour… pour moi… pour moi… pour moi…Quelqu’un a-t-il laissé une fenêtre ouverte ? Je sens un courant d’air. Je regarde autour de moi. Ah, d’accord… Ils sont là…

- Vous êtes là ? Qui a ouvert une fenêtre ?- Une fenêtre, ma féline ?

John s’approche de moi et s’accroupit. Il a l’air si loup comme cela… si beau aussi… Il relève son visage… Il me respire ? Des fois, j’ai l’impression que…

- Ben… il y avait un courant d’air…- Peut-être était-ce notre entrée dans la chambre ?- Tu crois ? C’est possible… surtout quand vous faîtes vot’ Superman supersonique…

C’est drôle…. Ou pas ? Glorios reste contre le mur. Il a toujours cette pose super sexy à la Marlon Brandon… un peu… voyou… sauf qu’en blond… en doré en fait… il a l’aura en doré pourpre… ou du doré avec du pourpre… un ange ? Non… enfin des anges et des vampires peuvent donner naissance à un être ayant les deux ? Mais les anges… existent ?

- Pas comme l’imagerie humaine l’expose…- Normal ! Moi aussi j’avais des imageries sur les vampires et toutes… pfuiiiittttt ! Envolés !

Kaput ! Zéro !

Je ris un peu bitu et au ralenti. Je suis à la masse. Pourquoi Glorios scanne tout comme ça ? Il le fait souvent… j’ai des fois l’impression qu’il est un sorte de détecteur… comme pour les métaux, mais pour tout ce qui est dans un espace où il arrive… Il est si beau…

- Vous faites comment avec ceux qui meurent et vous qui restez… indéfiniment ?

Ils se regardent entre eux. C’est fou comme ils sont complices. J’aime bien ça !

- Comme vous. Les vôtres meurent, passer un temps de « deuil » vous continuez à vivre. Le futur n’est qu’une succession de présent. Peu importe l’extension de cette durée de temps. La vue ne peut aller que jusqu’à une certaine distance, passé celle-ci rien n’est plus visible. Les autres sens plus extra-sensoriels peuvent dépasser cette distance limitée, mais pas beaucoup plus. On revient toujours au présent, au moment présent. Hic et nunc.

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Glorios me regarde en souriant. Je regarde John qui a ce regard attentif qui me fait toujours… toujours…

- De quoi as-tu peur, ma féline ?- De devenir votre passé…

Les trois hommes la regardent fixement.

- Nous n’avons plus de passé depuis que tu es dans nos existences, parce que notre présent est le seul qui compte et importe puisque tu y es présente, ma féline.

- Oui, yamanahe. C’est idem pour moi… En doutes-tu tant que cela ? Ta condition de vivante te fait-elle peur ?

Je ne sais que répondre. Je parle si lentement, si atone, si… si… si…

- En voyant ma fille, j’ai senti que le temps passé et le futur à venir avec un descendant et… tout à coup, j’ai pensé que la vie allait partir et que très tôt je n’aurais plus que le passé comme présent sans avenir possible.

Mikaïl s’approche de moi. Son regard est si sérieux, mais son sourire est si tendre, si tendre… si tendre…

- Tu désires être rassurée ?

Il s’accroupit devant moi, prenant le t-shirt en partie lacérée par mes soins entre mes doigts crispés, en le déposant par terre avec précaution. Ce n’était pas un de mes préférés ?

- Je… oui… Non… en fait, je ne sais même pas ce que je désire…- Nous veux-tu avec toi, maintenant dans ce présent immédiat ?

Je le regarde en fronçant les sourcils.

- Je vous veux toujours avec moi…- C’est ce que nous désirons aussi, mon aimée… Pouvons-nous nous étendre auprès de toi ?

Je hoche la tête… si vite, si vite… la tête tourne un peu, puis vire, puis tourne… je suis étendue… comment ? Le matelas est si bon avec moi…

- Oui. Une étreinte en groupe ?- Une étreinte ne groupe, mon aimée…

Black-Out !

Glorios regarde leur compagne profondément endormie entre eux trois. Sa beauté l’émeut toujours autant. Elle le taxe d’ange… il ne peut qu’être un déchu près d’elle…Il soupire intérieurement. La tension est si grande… il est temps d’y mettre un frein. Ils regardent ses deux compagnons qui est comme lui, concentrés sur leur amour, dans une pose faussement sereine, la protégeant dans cette puissante léthargie qui durera trois heures. Après…

- Elle dort profondément… - C’est le cas, loup…

John regarde Glorios.

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- Ce n’est pas un sommeil normal…- Techniquement, si. Concrètement, non. Il est « induxé »…- Tu l’as soumis à… Je croyais que c’était un mythe !- De quoi parles-tu, John ?

John regarde Mikaïl qui a la mine trop sérieuse pour ne pas y avoir anguille sous roche.

- Il y a une légende qui parle d’une bataille entre deux puissants clans qui ne fut jamais menée à… bien, car les guerriers des deux camps tombèrent dans un sommeil si profond que lorsqu’ils en sortirent ils étaient si calmes et si sereins qu’ils ne comprirent jamais le pourquoi de leur présence sur ce champ de bataille, ni les raisons qui les poussaient à se livrer au combat. De fait, peu après, ils jumelèrent leurs deux clans et en firent un des plus puissants de cette époque-là !

- Jolie légende, loup !

Glorios a un sourire narquois. John pousse un bref hurlement lupin.

- Sans charre ! C’était toi !- Cela se peut…- Mais… pour Vera…- Elle en avait vraiment besoin. Cela faisait longtemps… Elle sortira de ce sommeil totalement

en forme à tous niveaux.- Tu sais que tu es la solution parfaite pour les insomniaques…- Mes talents ne sont pas à vendre ! Du reste, Mana a réussi à prélever quelques spécificités

pour en faire une décoction et c’est là toute la contribution que je porterai jamais à l’art médicinal et scientifique.

John hoche la tête en l’abaissant un peu en signe de soumission. Ce fut maladroit de sa part de faire ce commentaire. Tous les Outre-Vivant savent bien ce qui leurs en coûte de prodiguer certaines particularités de leurs performances et c’est beaucoup trop cher payer ! Glorios sourit légèrement. Cela remue trop de choses en lui. Trop de mauvais souvenirs aussi… Le silence s’éternise.

- N’empêche… je suis franchement impressionné, youngaléè (père des plus anciens)…- Je le suis aussi, certains jours…

Mikaïl rit entre ses dents. Le temps s’écoule, lentement avec une complicité qui les rend plus aimant pour leur belle. Glorios a hâte de partir pour ce petit voyage d’agrément avec sa félidée. Elle en a plus que jamais besoin. Il saura alors l’amener à se ressourcer comme jamais. Une autre de ses habiletés qu’il possède et qu’il a soin de prodiguer le plus souvent qu’il peut, sans que cela se sache. Les reconnaissances des autres le mettent toujours en porte-à-faux… John regarde leur amour avec cette lueur d’incertitude qu’il a toujours. Les deux hommes font comme s’ils ne savaient rien, ne comprenaient rien. Ils espèrent qu’avec le temps John comprendra que Vera l’aime tout autant qu’eux. John sort de la chambre. Whouna lui sourit légèrement. En un éclair ils disparaissent à la vue.

32.- Je ne comprends pas ! Si Timoti qui a des liens avec les Krako…- Krakyenomak… Et nous n’avons pas de liens. J’ai été celui qui les a en grande partie

éradiqués de la surface de cette planète.- Oui, ça ! Et nous ne savons pas encore s’ils sont les responsables, parce que…- Lors de la pleine lune, autrement dit, dans une heure lorsqu’elle sera au zénith, le ou les

responsables de « l’endormissement » comme tu le dis, yamanahe, devront apparaitre dans l’espace où tu iras afin d’empêcher la « réjunevence » de ces dix-sept personnes, du contraire,

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Aaron et Dariana qui a été investie par Aaron des pouvoirs ad hoc pourront avec ton aide rétablir ce lien.

- Bon, ça je comprends ! Mais pourquoi toi aussi, Glorios ?- La marque que t’a posée Flexianor m’interpelle ! Il me faut me rendre avec toi sur place.

Je regarde le petit dragon stylisé sur l’intérieur de mon poignet. C’est quoi encore ce binz ?

- Quel rapport ?- C’est une marque de protection, d’appartenance à une nature et aussi une marque

d’invocation.

Je blêmis affreusement. Attends, je ne suis pas en présence d’une nature ou d’une essence démoniaque comme dans la série Kara Gillian de Diana Rowland ?

- Non, je te rassure, yamanahe… il n’y a pas de démon dans ton entourage.

Et ailleurs ? NON ! Je ne veux pas le savoir !

- D’accord, alors, euh, l’invocation…- C’est une forme d’invitation…- D’invitation ? Comme quand on envoie un carton d’invitation pour un évènement ?- Cela même !- Je dis ça, je dis rien… mais ça donne pas la même chose chez nous.- Sans aucun doute, ma félidée !- Donc… et arrête de te moquer de moi… si, tu te moques de moi, je le vois dans les deux

petites rides aux commissures de tes lèvres… Ah ! Tu vois ! Mi dit la même chose que moi… donc… tu dois venir avec moi, mais… OK ! Note… t’es jamais venu avec moi dans des autres espaces… tu es comment ?

- Divin, yamanahe, tout simplement divin !

Et là, la honte totale, je me bidonne à donf ! Mais vous avez pas vu sa tête… le pire, c’est que ça doit pas être faux… il y a chez Glorios quelque chose de si splendide qu’il ne peut l’être que toujours quel que soit son apparence. J’arrête de rire. Je sais, mais… essayez pour voir de vous balader, pour du vrai, dans des endroits qu’existent pas ou alors, peut-être dans votre imaginaire, et vous venez me dire c’que ça vous fait ! Mana me sourit et me prend par la main.

- Viens… Glorios… couche-toi là et prends contre toi Vera au plus serré…

Glorios nous place. Je ressens tout de suite un bien-être et aussi… Glups ! Pas le moment, mais il me fait toujours tellement d’effet ! S’il n’a pas du démon en lui… du succube, peut-être ? Comme Jean-Claude, amour d’Anita Blake écrit par Laurell K. Hamilton ? Glorios a beau m’assurer que non… j’ai des doutes, beaucoup, en fait, mais essayer de confesser un type qui compte quelques millions d’années en âge ? Bonjour l’effort !

- Vera, ma petite fille, concentre-toi…

Je regarde Mana. Timoti vient se placer près du siège comme s’il était une sentinelle et j’imagine que c’est comme cela qu’il vient. S’il y a du krako-machin là où on va, sûr qu’il est à même de le savoir tout de suite, même s’il paraît qu’ils sont d’excellents illusionnistes. Leanna me sourit, tout en psalmodiant quelque chose. Son aura acquiert une blancheur si éclatante qu’elle irradie littéralement. Je sais qu’elle nous enveloppe de quelque chose, mais aussi Aaron et Dariana qui doivent également psalmodier quelque chose de son côté. Mikaïl se tient un peu en retrait, mais je le sais attentif à nous deux. John m’envoie dans ma tête une sorte de hurlement lupin, sa manière de me dire qu’il est avec moi, même s’il est parti avec Aaron. Il sera la « sentinelle » auprès de ce dernier et des corps en stase.

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Whouna entre dans la pièce par… je ne sais pas où ! On va pas devoir refaire les plâtres, si ? Parce que s’il y a trop de fissures, c’est pas bon pour la maison, d’autant qu’elle est déjà assez vieille et avec le climat qu’on se chope en Belgique…

- Vera, ma petite fille… Je sonderai plus tard les murs de ta maison, mais il faut te concentrer maintenant… tu te souviens comment faire ?

- Ben oui ! Faut me déconnecter d’ici, me laisser glisser dans…

Et wouf ! Pas le temps de finir ma phrase, on est relà. Je veux dire on est dans l’espace avec l’autre… Flexianor… j’ai retenu son nom, c’est plutôt bon signe, non ?

33.Je trébuche avant de me stabiliser. Je rêve ou le paysage a changé depuis la dernière fois ? Un

rugissement suivi d’un nuage épais de fumée arrive droit sur moi. Je ne bouge pas, totalement tétanisée. Flexianor sous sa forme de dragon est presque sur moi. Son apparence change plusieurs fois avant de devenir celle d’une magnifique bête ailée, avec des écailles alternant entre bleu électrique et obsidienne brillante. Les yeux rouges fulgurent. Il est grandiose et flippant à donf ! Un panache fumeux s’exhale de sa bouche immense sans lèvres, mais pourvue de dents aussi acérées que des sabres. Sa voix gutturale émet un grognement épouvantable.

- J’ai failliiiiii atteeeeeennnnnnddddddrrrrrreeeee…- Ah vous, c’est bon, là ! C’est pas le jour, hein ! Ou le soir, ou l’après-midi… bref ! C’est pas

le moment ! Je viens d’avoir deux semaines à faire chier des barres à une locomotive à vapeur qui n’utilise que du bois comme combustible, alors, hein, de hoeve !

Il crachote quelques filaments de fumée en écarquillant des yeux. Vous avez déjà vu un dragon gigantesque écarquiller des yeux ? Ben c’est comme une géante qui fait du moulin à vent avec un éventail !

- Parce que si vous croyez que ça m’le fait, ben vous êtes boloss ! Y’a pas qu’vous qu’avez des soucis problématiques, moi aussi ! Ça où c’est hormonal ou les deux… Chai plus ! Je stresse, quoi !

Flexianor se laisse tomber devant moi. La terre tremble un peu. Je déteste quand la terre tremble, ça me fout les j’tons ! Il me soulève d’un geste sûre et m’assoit sur lui. Je ne bouge pas. Wouh ! Il fait quoi, là ?

- Oooooohhhh ! Veraaaaa Luxxxxx, c’est mooooiiiiiii qui doooooooiiit m’excuseeeeeer auprèssssssss deeeeeee voooouuuuuuusssssss… Ma feeeemmmmmmeeeeeeee vaaaaaaa accooooooouuuuuchéééééé…. Je streeeeessssseeeeeee aussiiiiiiiiii…

J’ouvre la bouche pour dire… rien d’intelligent, aussi je la ferme. Il est marié ? Et père ? Putain !

- Oh ! Et comment va Madame…- Dracooooonidaaaaaa…- Madame…- Dracooooonidaaaaa…- Oui, Madame…- Noooooonnnn, juuuuuussssteeeeee Dracoooooooonidaaaaaaaa…- Ok ! Et, euh… ça se passe bien ?

Rester positive toujours, d’autant que… on fait quoi quand un dragon stresse ? Je ne veux pas le savoir…

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- Ooooouuuuiiiiii… C’est moi qui…

Il me dépose devant lui sur… une chaise-transat ?  Elle sort d’où ? Il prend la forme humaine, sauf qu’en ombre aurale, il a toujours cette apparence de dragon splendide et terrorisant.

- Je suis inquiet. C’est la première fois que je suis papa…

Il s’approche de moi. Il me respire longuement.

- Mm ! Très judicieux… C’est Mana ?- Pardon ?- Oui… il a activé les marques… Pratinouloka ?- Oui… Comment le savez-vous ?- Je le perçois… Il a eu raison. Nous avons affaire à forte partie et… vous allez bien, Vera

Lux ?- Oui… mais c’est vous qui… papa, c’est pas d’la tarte ?- De la tarte ?- Une expression pour dire que c’est quelque chose de sérieux.- La tarte ?- Non… votre situation… être père…- Ah ! Les vivants humains avez toujours fait le nécessaire pour embrouiller le langage… pas

étonnant que vous n’arriviez jamais à vous comprendre et à vous entendre…- Je… en fait, vous avez raison… mais bon… félicitations… vous êtes heureux ?

Il me regarde avec le même regard que le dragon, rouge rubis liseré de mordoré profond.

- Voilà une question qui est étrange, Vera Lux ! J’imagine que les vivants doivent se la poser pour s’en rendre compte…

- Je… sans doute…- Je vais répondre… je vais répondre… le bonheur est en moi toujours… être papa est un plus

dans le bonheur qui est en moi…- Ah ! Ca je peux comprendre…- Oui, vous le pouvez, Vera Lux… Alloooooonnnnnnssssss-yyyyyyyyyy !

Il s’est changé d’un coup et d’une patte agile me juche sur son ample dos où une large bande, une sorte de harnais vient se placer sous mes mains.

- C’était pas prévu dans…- Teneeez-voooooouuuuuuuus bieeeeeeeennnnnn, Veeeerrrraaaaaaaa Luuuuuuxxxxxxx !

Il s’élance au quart de tour et moi je hurle et pas vraiment de plaisir ! Ils ne perdent rien pour attendre, les CV, CF et autres C Outre-Vivant, Dieux ou pas ! N’auraient pas pu me prévenir, les sagouins?

34.Je ne reconnais pas l’endroit. J’ai toujours mon corps… pas de changement, c’est rassurant et

tout ce vert… espoir ? J’aime le vert, cela me calme… L’endroit est pleinement dépouillé alors qu’on se sent en pleine nature… c’est comme un mirage, mais ce n’est pas un mirage, puisque les mirages sont dans les déserts ou dans l’armée. Les sons sont comme dans la nature, multiples et se mêlant harmonieusement, on dirait même que l’air est aussi comme dans… Un rugissement pas trop loin ! Allons bon, qui a encore embêté Flexianor ? D’après ce que j’en sais, via les films et surtout les livres, il vaut mieux ne pas embêter les dragons… enfin si c’est bien ce qu’il est…

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- Dis… AAAAHHHHHHH !

Je recule précipitamment, tombe sur mon airbag naturel et lève la tête haut, très haut. Putain  ! Il y a une énorme bête avec des écailles super brillantes de différentes couleurs et une gueule allongée et des yeux de plusieurs couleurs et… pourquoi il est assis comme un toutou ? Je suis où là, dans la dimension des Dragons ? Bien ma veine ! Déjà que c’était flop total avec l’autre, maintenant j’en ai deux sur les bras !

- Yamanahe…

Je rampe jusqu’à lui alors qu’il se baisse pour que son énorme gueule soit en face de mon tout petit faciès.

- Glorios ? C’est toi ? Mais comment ça se fait… tu m’as pas dit… et ils savent que tu es un…- Oui.- Oui à quoi ?- Oui à tes deux questions. Quant à la première… je ne puis me transformer en dragon que dans

ce plan-ci. Il a été conçu pour moi et les miens…- Tu es le père de Flexianor ?- Disons que je suis son ascendant… son père est une personne adorable !- Ben, je ne veux pas dire, mais Flexianor n’a pas de qui tenir, là ! A moins qu’il m’ait fait un

traitement de… défaveur…- Disons que Flexianor est particulier… il a eu son lot de soucis.- Bienvenu dans le monde de tout le monde, alors ! Et c’est pas une raison raisonnable et

suffisante ! - Je sais, ma félidée… Bouche-toi les oreilles, veux-tu et viens plus près…- Tu ne vas pas me manger ou me mordre…- Te manger, sûrement pas… nous ne sommes pas carnivores, quoiqu’on ait pu laisser

entendre… et te mordre… rappelle-moi cette délicieuse suggestion lorsque nous serons de retour…

Mince ! J’en ai déjà les… Argh ! Mais c’est pas vrai ! Comment il me le fait toujours ? Wouh ! Soudain, je vois des vrilles translucides arriver jusqu’à mes pieds et s’élever lentement en spirales ondoyantes. Elles entourent mes pieds, puis montent successivement le long de mes jambes les entourant délicatement. Je pousse un petit râle étouffé, trop épouvantée pour seulement bouger un cil. Je déglutis audiblement, le cœur voltant à une vélocité exponentielle. Glorios se place au-dessus de moi comme pour me protéger et tout mon être mental se tend vers lui, mon corps étant dans l’incapacité de se mouvoir.

- Glorios…

Je souffle son nom entre mes lèvres légèrement entrouvertes et tremblotantes.

- Ce n’est rien de grave, cette dimension enracine sa nature dans ceux qui viennent jusqu’à elle pour les reconnaître comme sienne.

- Une carte d’identité organique ?- En quelque sorte, yamanahe. Je suis là…- Oui…

Je sens comme les vrilles s’introduisent dans mon être délicatement, m’explorant avec respect et considération. Une chaleur agréable me parcourt et tout à coup, je sens que je fais partie de cet espace comme si j’avais toujours appartenu à celui-ci. Une reconnaissance subliminale et mutuelle s’installe et je perçois une onde de bien-être nous parcourir pareillement. Je soupire et souris amplement. Je suis ici chez moi, sans l’être vraiment. Glorios a un rire bas et rocailleux.

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- Je le savais, mais le sentir est merveilleux, ma félidée…- Tu le sens aussi ?- Oui…

Je ris de plaisir et Glorios aussi. Les vrilles se déprennent de moi et je me blottis contre Glorios qui a la peau d’une tiédeur surprenante et d’une texture soyeuse. Il pose sa patte près de moi et c’est comme être dans un cocon avec en plus, la base organique de cet espace comme support. Que du bonheur ! Je soupire d’aise. Il y avait longtemps qu’une telle sérénité ne venait m’envelopper et je sais alors que j’en avais besoin avec désespoir. Soudain d’un des côtés du vallon plat aux mille couleurs verdoyantes, un cliquetis qui me semble familier se fait entendre, quoi qu’entendre n’est pas le mot juste, ce serait plutôt comme le percevoir depuis l’intérieur du son. C’est étrangement juste et précis.

- T’entends ?

Glorios relève la tête d’un mouvement plein d’une élégance reptilienne et écoute. Il a un rire bas qui se propage en grandes vagues le long de son corps aux écailles scintillantes. Il est magnifique. Comment fait-il pour être splendide quel que soit sa… parure ? Et elles sont là. Je me disais aussi… Les opuscules tels qu’en elles-mêmes ! Ça c’est du Whouna tout cuit ou je ne m’y reconnais pas ! Je suis heureuse de les voir. C’est qu’elles sont attachantes. Elles me font fête à leur façon et j’ai l’impression de recevoir mille caresses et bizous. J’adore ! Et ça me fait rire aussi. Glorios a une sorte de rire rentré et il a l’air heureux. Elles s’approchent de lui et se frottent contre son dos.

- Oh oui, mes toutes belles… ça me manquait…

Il se dandine et se trémousse tout en émettant des râles rauques et jouissifs. Wouh !

- Elles font quoi ?- Elles me grattent partout… c’est l’inconvénient sous cette nature, on ne peut pas se gratter…

J’écarquille les yeux.

- T’as l’air de Balou ?- Balou ?

Il me regarde fixement.

- C’est un ours dans un dessin animé filmé, inspiré de l’œuvre de Kipling. Le Livre de la Jungle. Tu connais ?

- Il ne me semble pas reconnaitre un tel personnage.- Chui sûre qu’il te plairait… On se le visionnera à notre retour… il se frotte aussi le dos et

demande à Mogli, le petit garçon de lui frotter le dos…- Aaaaahhhh, oui… je vais aimer… plus bas, mes belles, plus à gauche… vous êtes des

amours…Aaaaahhhhh, c’est si bon, si bon… aaaaaahhhhh…

Les opuscules émettent toutes sortes de stridulations, ce que je traduis comme du plaisir. J’ai l’impression qu’elles communiquent entre elles et aussi avec Glorios.

- Elles te parlent ?- En quelque sorte…- Moi j’y arrive pas…- Tu pourrais… elles sont la quintessence du « Verbe » dans les univers… on leur doit la

communication comme vous le nommez aujourd’hui et qui au début n’était qu’un lien de reconnaissance entre espèces identiques ou autres. Oui… là, ah… vous êtes divines mes chères… un peu plus fort…. Aaaaaaaaaaahhhhhhhhhhh, quel délice, mes beautés…

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Quelques minutes se passent à voir ce grand corps squameux se vautrer dans le plaisir des gratouillements et autres frottements. Elles arrêtent et durant quelques secondes elles et Glorios semblent se livrer à une sorte de rituel de reconnaissance. Je ne peux pas l’appeler autrement, mais c’est l’idée que cela projette. Elles se déprennent de Glorios et viennent s’installer près de moi en un ordre préétablis par elles et qui a sans doute un certain sens. Je ne comprends pas tout, mais est-ce nécessaire de toujours tout comprendre ? Non. La preuve ! Glorios se baisse et prends cette posture étrange, mais toujours classieuse.

- Viens ici, ma belle…- OK ! Et pourquoi au juste ? Ce n’est pas que j’ai pas confiance, mais je sais rien sur les

habitudes des dragons et je…- Il me faut te protéger les oreilles, car il me revient d’appeler Flexianor qui n’est pas le plus

ponctuel des dragons ! - Ah ben, voyez-vous ça ! Quand je pense que…

Glorios me prend sous son aile littéralement et je ne dis plus rien. C’est comme être dans une grotte de chair, avec une chaleur délicieuse et aussi un tel sentiment de plénitude, comme ça doit être à certains moment dans le ventre de sa mère… j’adore, jusqu’à ce que je comprenne le pourquoi du comment ! Je place rapidement mes paumes sur mes oreilles, mais même comme cela je peux l’entendre encore distinctement. Un cri à te désosser littéralement ! Ben si c’était comme ça à l’époque des dinos, je suis contente de pas y être et si on pouvait m’éviter que je me rende dans un plan où il y en aurait… merci bien ! Les plans d’enfer de ce genre, je passe !

Quelques secondes plus tard et deux rugissements assourdissants de plus, le sol tremble. On dirait bien qu’il y en a un qui arrive en courant ! Bien fait pour sa pomme ! C’qu’il m’a énervé, le con ! L’espace organique sous lequel je suis ondule un peu et je comprends que c’est Glorios qui se marre. Quand je vous dis qu’ils sont tous grave bitu! CV, va ! Du coup, j’aimerais un peu plus de visibilité, histoire de voir ce qui se passe. Ben voilà ! Fallait juste demander… L’aile s’écarte et Glorios me place délicatement devant lui en me retenant contre le côté de son immense poitrail. Il est toujours dans cette pose impossible qui me permet d’être à sa hauteur, en quelque sorte, ou lui à la mienne. Question de point de vue ! Je toussote légèrement. Un autre dragon de dimension plus petite apparaît. C’est Flexianor. Je ne l’ai pas vu comme cela la dernière fois, mais je le reconnais. Il y a quelque chose de… semblable à lui sous cette forme.

- Vera Lux ! Grakachka… (Père de tous)- Flexianor… tu n’as pas changé…- Je l’espère, Grakachka… Mesdames ? Un plaisir et un régal de vous avoir dans mon modeste

espace d’existence.

Les opuscules se mettent à « craquouiller » vélocement, ce qui fait rugir de rire Flexianor. Il est presque beau comme ça, mais… c’est pas Glorios ! Puis elles se taisent et Flexianor leurs fait une sorte de révérence sinueuse qui est élégante, quoi qu’étrange. Comme si elle se faisait à tâtons, comme quand c’est rouillé, parce qu’on ne la fait pas depuis longtemps ou pas très souvent.

- Bien ! Aussi plaisant que soit cet échange. Il est plus que temps…- Je le sais et vous prie de m’excuser, mais il m’a fallu retenir l’âme d’un de ceux qui sont sous

ma garde… elle était sur le point de disparaître…- J’en suis désolé ! Ne perdons pas plus de temps !

Glorios se redresse en me prenant contre lui et me plaçant sur une sorte de balancelle qu’il a autour de son puissant cou. D’où ça sort ça ! Vaut mieux pas savoir… de toute façon… Mais…

- Où est Timoti ?- Il est auprès des corps en stase. Il se tient prêt, si nous avions besoin de lui. Il est habilité pour

pénétrer dans cet espace…- Comment ça ?

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- Il est en quelque sorte un Gardien des Espaces en général.- Un concierge inter-spatial ?

Flexianor hurle de rire et Glorios n’est pas ne reste. Très drôle ! Morte de rire, là !

- Ah ! Bien… Ok ! Allons-y alors, hein…

Glorios a encore cette ondulation. Heureuse qu’il y a, au moins, un qui se marre à donf !

35.Le vent siffle, immobile. Je sens quelque chose comme un souffle puissant m’envelopper,

mais je ne vois rien bouger, même pas moi. Je suis statique dans un tourbillon et soudain avec un « plop » de bouchon de champagne puissance mille, je vacille dans ma nacelle qui fait un tour complet sur elle-même. Je ne crie même pas, je lâche juste ma respiration que j’ai retenu sans m’en rendre compte. Ma cage thoracique est un tambour XXL et j’ai l’impression qu’une partie de mon organisme est resté en chemin.

- C’est quoi ce foutoir ?

Ma voix s’étire comme prise dans un écho bouffé par un chewing-gum.

- Un canal dimensionnel…- Je vois.

Que dalle ! Vu ce qui est vu, autant ne pas chercher à mieux comprendre. La voix rocailleuse de Glorios qui s’est entendue normale contient une trace gigantesque de rire. Je peux compter sur ce grand CV pour se poiler n’importe où, comment et sous n’importe quelle forme. Le rire s’amplifie. Si je ne savais pas que c’était lui, je pourrais croire que c’est une avalanche. N’empêche… les dragons se bidonnent-ils ? Faut croire, mais notez… c’est pas comme si j’avais rencontré une masse de dragons dans ma vie ! Enfin, genre «  c’est un vrai dragon, c’te personne », oui, comme tout le monde, mais avec écailles, queue dentelée, dents cimeterre, griffes épées et couleurs de peau improbables… Non ! Même pas en rêve. Mais si vous avez plus d’infos sur le sujet, faut pas hésiter de faire un p’tit docu pour mettre sur Internet, sûr que ça fera des vagues cybernétiques ! So…

- Et on est où ?

Je sais pas pourquoi je pose la question, finalement vais-je revenir ici où que cela soit  ? C’est pas comme si j’étais maso…

- Nous sommes dans l’espace neutre, le “Owoooouuuuwoooouuuu”, où les corps en essences se trouvent. Dariana et Aaron feront le rituel de lien physique entre leur corps en stase et leur nature. Les liens se restructureront lorsque tu uniras le « krouna » dans l’espace neutre.

- Euh… OK ! Donc, tu vas me dire ce que je dois faire, hein ? Parce que pour moi, c’est niveau science-fiction tout ça ! Sans manquer de respect, mais bon… c’est pas comme si c’était une recette de cuisine.

- Mayama…

Un rire bas roule dans sa gorge et se déploie autour de nous comme une vague iridescente d’air. Il se penche vers moi et je vois une lueur de tendresse infinie dans ce regard si particulier.

- Ta présence sera la base, tu sauras ce qu’il convient de faire à ce moment-là…

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Bon ! Au moins un qui a confiance en moi ! Un mouvement se déplace vers moi et je sens une autre fois le même « plop » que lors de la « traversée » de ce canal. Je ferme les yeux, je ne sens rien, puis…Du vent, un vent violent tourbillonnant, silencieux et immobile, j’étouffe. Glorios m’extirpe de la nacelle et me met dans une poche centrale de tissu comme ces harnais que les parents portent sur leur torse ou leur dos pour leur petit bout de choux. Une patte se place devant comme un immense parasol ou une jalousie. Je me sens protégée et pas du tout rassurée.

- Ce n’est qu’un tourbillon aléatoire d’énergie. Elle ou il se cache derrière. Je n’ai pas assez de sa signature significative pour l’atteindre, mais ce n’est qu’une question de secondes. Flexianor travaille dessus. Il est le meilleur en cette matière.

- Je… OK ! C’est toi qui vois.

Il a un autre rire bas qui me fait gladaladou partout. Le vent se stabilise et je l’entends crépiter comme du beurre arrivé à bonne température dans la poêle. Avec un grand « plop » de bouchon de champagne, tout s’immobilise violemment, genre arrêt sur image. En un brouillon temporel, je suis sur le sol, rivée et légèrement nauséeuse. Il y a une personne. Elle. Je la perçois, c’est elle, splendide, longs cheveux blonds arrivant aux genoux, déployés tel un châle capillaire autour d’elle… voyons voir ? C’est la version craignos de Vénus dans sa conque ? Non ! Il y a une sorte de halo pulsant qui l’enveloppe entièrement et qui part des longues mèches. Comme des pétards ? Pour l’instant, c’est pas vraiment version idyllique, même si physiquement elle a tout ce qu’il faut là où il faut, en des proportions idéales, sauf que… elle a un justaucorps qui l’enserre comme la peau autour d’un saucisson de couleur… fuchsia ? Non, attends là… elle peut pas se la jouer « grande, belle, élancée, mirifique, à te faire bander tous les mecs doués d’un QI avoisinant le zéro pointé, les arcs et faire pâlir d’envie toute les nanas lambda (pas moi, je suis hors connexion à ce niveau-ci, merci bien !) » et se boudiner dans une gaine couleur fuchsia ! Quel mauvais goût ! Elle regarde pas les émissions de télé, toutes accessibles depuis Internet, qui parle de mode et comment se fringuer ? J’abandonne la vision de ce corps magnifique si mal exposé pour remonter jusqu’à son visage ! Oups ! La Gorgone ? Vous voyez ? Ben, rien à voir, sauf pour le côté flippant à donf ! Mortel ! Tout est comme on imagine un visage, nez, bouche, front, etc. sauf que… c’est… enfin, c’est… c’est pas ça ! Plus tu regardes sa tronche, plus tu te dis que c’est pas ça ! Quand tu mets en perspective le « pas ça » avec le reste fuchsia, t’as l’impression qu’elle fait poisson ! J’ai dit thon ? Non, alors me faite pas écrire ce que je n’ai pas dit ! D’accord, on pourrait penser que, mais rien à voir ! Elle fait juste aquatique. Sirène ? Vous le faite exprès ou quoi ? Faut arrêter les analogies du genre ! C’est pas une sirène, d’après Leanna, Timoti aurait une essence sirène et… non, rien à voir ! C’est juste qu’on la sens… liquide !

- Krakyenomak… Nommes-toi !

La voix de Glorios résonne comme si nous étions dans une grotte, sauf que nous sommes dans un terreplein de couleur ocre et gris sale, comme une plage, mais sans mer, quoi qu’on entende un ressac qui semble venir d’ici et de nulle part. Une trace résiduelle de ce qui a été un jour et n’est plus  ? Est-ce elle qui installe cet environnement de quelque chose qu’elle a connu, vécu ? Tout est possible dans les espaces parallèles, le tangible et l’intangible, le réel et l’imaginaire, tout et son contraire en parallèle ou juxtaposé. L’aura de cette chose femelle est tourbillonnante et cela ne m’inspire rien de bon. Elle ondoie doucement comme bercée par des ondes invisibles. La danse est mortelle, je le sens au fond de moi.

- Tu n’es rien, Kriarchtorcha pour me demander cela.

Briseur de nature et d’essence ? Ce n’est pas Mana qui a ce titre ? Débile ! Il doit bien y en avoir plus d’un avec ce titre et Glorios étant plus ancien que Mana…

- Je suis dans ton monde depuis la nuit des temps. Je suis. Nomme-toi où supportes mon courroux millénaire !

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Une sorte de fulgurance énergétique flamboie et atteint la femme, enveloppant tout son être d’une clarté sourde. Son cri est déchirant. Je porte mes paumes aux oreilles en gémissant. C’est intolérable ! Elle part en vrille dans les airs et soudain je la vois telle qu’elle est réellement. Sa nature mêlée à une essence empruntée lui donne un aspect sinistre. Sa couleur d’un gris métallique rappelle un peu la couleur des dauphins, mais qui se choperait une maladie de peau. Des écailles translucides la couvrent jusqu’au visage. Ce dernier reste merveilleux, trop sans doute, comme un masque subliminal. Je ferme les yeux, trop éblouie. Je sens Glorios effectuer certains gestes et des filaments d’énergie pure s’échappent de tout son corps. J’ouvre précipitamment les yeux lorsque j’entends un claquement effroyable. La femme ondoie dans une danse frénétique et létale comme une danse serpentine. Sa peau est une carapace luisante et je perçois avant de le voir le mouvement qu’elle s’apprête à faire.

- NON !

Je m’élance vers elle pour la bloquer quand Glorios et Flexianor posent une main sur mes épaules et un flux d’énergie d’une voie puissante sourd de nous trois se dirigeant vers la femme. Elle tourbillonne sur elle-même, en spirale et je les vois, les dix-sept « veines » unies aux auras des Métamorphes. Celles-ci sont d’une couleur jaunâtre éteinte et maladive traversées chacune par une fine lamelle pulsante de courant, une pulsation faible, trop faible. La quinzième semble sur le point de s’éteindre. Un gémissement de souffrance sourd de mes lèvres.

- NON !

Je porte mon regard sur chacune d’elle et une vague puissante s’élève avant de se fragmenter en d’iridescentes vaguelettes qui enveloppent chaque aura comme une gaine. Je sens l’énergie reconstruire les liens d’existence quand, dans un hurlement digne d’une furie, la femme s’élève, mais trop tard. Je m’élève à mon tour, portée par une rage noire et aveugle. Un feulement sourd de ma poitrine.

- Non !

La femme se paralyse soudain, figée dans sa propre énergie crépitante. Glorios et Flexianor entonnent une mélopée, alors que j’entoure la femme en me déplaçant en cercles concentriques tout en feulant. Le chant s’élève rocailleux et rude dont un mot resurgit continuellement.

- Kouklenka…

J’imagine que c’est le nom de ce monstre, mais cela m’importe peu de le savoir. Je désire la déchiqueter comme un chat le ferait d’une souris. L’impulsion est si forte que tout mon être en tremble. Je m’accroupis devant la femme figée qui me suit du regard attentivement. Le flux et le reflux des ondes magnétiques la sondent sans discontinuer, l’éparpille, la fragmente. Son lien se dissout en abandonnant lentement les auras des dix-sept âmes retenues, alors qu’un long cri d’agonie précède l’implosion qui secoue tout son être. Je vois son aura se déchiqueter comme des brisants sur des rochers, lâchant prise sur les veines des dix-sept auras. Le mouvement est fascinant et terrifiant, d’une beauté surnaturelle et létale.

Je me relève et regarde Glorios penché sur le corps écrouler de la femme. Elle a repris l’apparence ordinaire d’une superbe femelle comme si son essence empruntée à une humaine se superposait à sa nature, comme un vêtement, la soustrayant pour ce qu’elle est ou qui elle est. Sa voix s’élève, harmonieuse, le chant d’une sirène brisée. Son visage se tourne vers la grande face de Glorios. Son regard flamboie comme des rubis.

- Donne-moi une sépulture digne, Klaknak… Klaknak.

Mort dans l’Ether ? J’imagine que c’est leur Enfer ou leur Paradis. Glorios la serre contre lui.

- Komaka… L’hommage te sera rendu…

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Mère ? Elle est mère. Non. C’est plus que cela, c’est la Mère de cette espèce, la dernière représentante. Cela a du sens. J’aurais dû m’en douter. Seule une mère agirait ainsi. Mère ? Una aura blanche translucide sourd du torse de Glorios se mêlant à celle de Flexianor et enveloppe comme un linceul le corps de la femme. Durant plusieurs secondes infinies, je perçois les différentes formes prises par son espèce depuis leur émergence dans le flux de la Vie au départ et ensuite dans celui de l’Existence. Tout se mêle, s’entremêle et forme une boule d’énergie éclatante. La mort la réunit quelques secondes, je la vois clairement, une souffrance indicible se diluant dans l’espace alentour. La paix émerge soudain. Les derniers lambeaux l’unissant aux dix-sept auras se rompt définitivement et celles-ci se déploient et disparaissent à mon autre vue. Ils sont sauvés. Je tombe en arrière. Glorios me soulève et m’englobe dans son essence comme dans un édredon. Mon être est étendu avec précaution dans la nacelle. Nos essences s’unissent, diluant le vécu dans les poches des souvenirs. La sensation de flottaison reste. Des images sans fin parviennent en moi par vagues, un passé concentré en une boule d’existence, réminiscence de vies et d’existences, de morts et de dissolutions. Je suis gardienne de cette espèce. Des sanglots éclatent de tout mon être. Quelques mots d’une langue inconnue s’élève en une étrange mélopée fluide dans une harmonique sulfureuse sentant l’embrun. Mon oraison funèbre prend fin.

-- Les dix-sept corps sont saufs…- Ils sortent lentement de leur stase. Je te porte, yamanahe… je te porte…

Je soupire, souris vaguement. Au coin de l’œil, je vois Timoti prendre le corps enveloppé de la femme, Kouklenka, Komaka et partir avec lui. Il saura lui donner une sépulture décente. J’ai mal pour elle, pour les victimes… Komaka ? Black-Out !

36.J’entends des voix. Je les connais. C’est un peu confus. Pas un cauchemar, ni un rêve, juste du

son et… un arôme de tendresse et d’amour.

- Vera…

Pas de longues voyelles allongées, donc pas de monstre dentu et écailleux, avec langue bifide XXXL et ongles acérées genres dents de sabre et des…

- Vera… yamanahe…

Glorios !

- Ouiii…- Ouvre les yeux.- Veux pas… - Nous sommes là…- L’autre aussi.- Non. Elle n’est plus.- Vrai ?- Si tu ouvres les yeux, tu verras.- Et si…- Vera, mon aimée…

Mikaïl ! Pas de grosse bête ondulante avec de la méchanceté sous l’apparence de la beauté envoûtante. Berk ! Mikaïl laissera pas la méchanceté me cerner et me bâfrer l’intérieur comme les os d’une grosse côte de viande cuite à la braise et…

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- Vera… Petite féline. Reviens avec nous… allons, viens, ma féline…

John ! Mon loup si doux, si tendre. Je veux être avec lui. Il ne me laissera pas attraper par les autres, les méchants pas beaux, les Outre-Vivant bizarres, ceux que je ne comprends pas. Il va me prendre contre lui et personne n’ira contre moi, me fera du mal. Sécurité, entourée, protégée, aimée… tant… Eux trois. Tous les trois. Eux. Eux et moi. Et merde ! J’ouvre les deux. Ils sont là. Mikaïl me sourit doucement dans ce maintien hiératique qu’il prend quand il ne sait trop que faire ni comment le faire. John accroupit dans sa pose « lupine », mais relax comme s’il avait tout le temps du monde devant lieu. Magnifique et si patient… Il me sourit d’un air malicieux et je lui rends son sourire. Glorios. Debout, les mains derrière le dos, la pose de celui qui sait qu’il n’a rien à craindre de personne. Il sait plus que quiconque la contre.

- Vous êtes là… je suis partie longtemps ?- Vingt-six heures…- Waouh ! C’est pas un peu extrême comme grasse matinée, non…

Ils ont un petit rire. Je sais, vanne pourrie, mais bon… Essayer de réagir comme il faut quand j’vis des stuut pareils !

- Et, euh… les autres, enfin les dix-sept corps en…- Ils sont sains et saufs. - Tous.- Oui.- Tu me l’as déjà dit ça, Glo ?- Oui. Mais il est toujours propice de répéter les bonnes nouvelles.- Euh oui… chui d’ac avec ça ! Et Dariana ? Aaron ?- Ils les complètent dans leur être.- Oh ! Tu veux dire comme réinitialiser un ordi ?

En un brouillon mobile, je me sens entourée, étreinte, embrassée, caressée. C’est si bon, si bon ! Ils me manquent toujours tant…

Je mange. Non… j’engloutis. Ma faim est si grande. Vingt-six heures sans manger, c’est comme si je devais rattraper les cinq repas requis. Je sais, débile… c’est pas comme si je n’avais pas de réserves, mais c’est… comme compenser. Mon plat semble ne jamais se vider, mais ma faim est inextinguible. Besoin ? A mesure que les aliments entrent, je les sens arrondir mes hanches et grossir mon fessier. Génial ! Si ce n’était à cause de toutes ces péripéties que je vis, je serais déjà comme une baleine, mais curieusement je me maintiens dans une taille plus stylisée et mon poids est stable, voire descendant. Donc, je peux me goinfrer en toute impunité ? Mon plat est vide et je me sens presque rassasiée. Je pousse un profond soupir. C’est bon ! Je relève les yeux et rougis profondément. Ils me regardent tous fixement. Et merde !

- Euh… désolée, j’avais un petit creux et bon… c’est qu’un jour sans manger…

Et voilà, c’est reparti. Ils sont morts de rire. Le pire, je ne vois pas très bien ce qu’il y a de marrant à voir quelqu’un se goinfrer autant. Bon, OK ! Se goinfrer est peut-être exagéré, disons que j’ai été un peu plus vorace que nécessaire. N’empêche, j’aime quand ils rient, même Whouna qui… Whouna !

- Whouna ! T’es là ? Bon sang, que c’est bon de te voir. Et le petit, enfin, je veux dire Dani…

Whouna s’approche de moi et se penche jusqu’à ce qu’il m’enserre dans une étrange moelleuse. Je ne sais pas pourquoi je suis si heureuse de le voir, mais… J’éclate en sanglots ! Je sais. Vous me direz

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que j’ai un comportement incohérent, mais qu’est-ce que vous diriez, vous, si vous vous retrouviez confrontée à deux dragons pour sauver dix-sept corps et ça sans savoir vraiment ce que vous êtes en train de trafiquer, hein ? Ben, voilà, c’est ça !

Après je ne sais combien de temps à sangloter comme une bitu sur Whouna… sur Whouna ? Quand nous sommes-nous transportés sur un hamac XXXL dans ma véranda préférée ? SOS, Mr. Spock, y’a du gaz dans ma caboche ! Je relève la tête. Whouna me tient contre lui dans une étreinte douce et si chaude. Je ne veux même pas savoir quelle tête j’ai, ni même si j’ai une tête, pour l’instant je me sens assez détachée de moi-même. C’est juste trop de… trop, quoi !

- Tu crois que ce sont les hormones ?- Tes hormones me semblent fonctionner correctement, ma petite Vera.- Je veux dire… Laisse tomber ! De plus c’est un argument sexiste… enfin on l’utilise

comme argument sexiste et moi avec ma tête de traviole, je le ressers… Faut vraiment que je sois super perturbée, là !

- Tu n’es pas en état de perturbation, je dirai que tu as relâché une certaine tension nerveuse et émotionnelle qui te pesait trop, mais de ce que je peux en percevoir, tes niveaux sensoriels sont équilibrés maintenant.

Je regarde fixement Whouna. Il a vu les Star Trek Nouvelle Génération avec Data ou quoi ?

- Euh… Dani t’a pas balladé dans des séries télés un chouia chtarbé, par hasard ?- Pas plus que d’habitude.- Des documentaires, alors ?- Il m’a fait lire certains de ces cours. Ils appellent cela « Psychologie » et ils parlaient de la

psyché humaine. Du moins, c’est ce qu’il m’a semblé !Le petit morveux ! Il fait lire ses cours, ceux qui le barbent le plus à Whouna pour que ce dernier les lui régurgite ! Je vais devoir avoir une sérieuse discussion avec ce petit merdeux ! Dans mon monde, ça s’appelle de la manipulation et pas de ça chez moi, Lisette !

- Tes paramètres sensoriels semblent se surcharger à nouveau…- Stop ! Whouna… je sais que tu as très envie de prendre « l’air du temps » et que tout est

bon pour te remplir d’infos, mais Dani a exagéré, là ! Il n’a pas à faire ce qu’il a fait… Quant à mes paramètres… Ecoute ! Je suis juste fâchée avec lui… Mais bon, pas de quoi fouetter un chat !

- Pourquoi devriez-vous fouetter un chat ?

Whouna me regarde fixement comme s’il essayait de comprendre la logique de ce que je dis.

- C’est une expression pour dire que ce n’est pas très grave ce que je ressens.- Alors pourquoi le ressentir si ce n’est pas si grave ?

Oh bon sang ! Il lui a aussi donné des trucs de philosophie et si oui lesquels ?

- Ecoute, laisse tomber, enfin je veux dire que tu ne dois pas te préoccuper pour mes paramètres, ni pour rien… je suis un peu larguée, quoi !

Même si pas assez pour ne pas m’occuper du cas Dani. Ne perds rien pour attendre le petit futé !

- C’est aimable de ta part de ne pas vouloir que je m’inquiète à ton sujet… cela ne m’est pas possible cependant…

- Oh, Whouna !

J’enterre mon visage contre son torse. Son aura est si lumineuse que je me sens m’y enfouir avec un bonheur sans mélange. Il resserre son étreinte autour de moi et c’est comme être plongée dans une mer

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solide et apaisante. J’en ai besoin. Nous restons là durant un temps infini et je finis par ne plus percevoir rien, si ce n’est cette merveilleuse détente. Black-Out !

37.Deux semaines ont passé. La routine a repris son cours. Ne me demandez pas quelle routine,

depuis plusieurs mois le mot a pris une autre signification pour moi. Laquelle ? Si vous avez suivi, vous devez le savoir, non ! Je ne vais pas vous prémâcher toute la besogne de la comprenure circonstancielle, non plus, hein ! Bref, c’était redevenu comme d’hab avant que c’est terminé d’être comme d’hab ! J’ai passé un savon à Dani. Je ne suis pas certaine d’avoir été très claire, mais Dani a hoché la tête continuellement, genre chien de déco des années ’70 qu’on mettait à l’arrière des voitures. Vu le nombre de regard qu’il déviait sans cesse par – dessus mon épaule, je gage que quelqu’un lui faisait singe d’assentir à tous ce que je dégoisais. A tout hasard, Glorios ? Sûr ! C’est bien le genre, mais perd rien pour attendre, je règlerais son compte à ma façon plus tard et en privé. J’ai entendu un rire éclater dans ma tête ! CV !

- Je suis, moi et mon corps, à ton entière disposition, ma félidée, pour tout ce qui te plaira !

Motus et bouche cousue à ce moment-là ! Glorios adore quand ça dégénère. Quand j’ai fini d’engueuler Dani, je ne savais pas si lui flanquer une torgnole, m’en flanquer une à moi-même ou… Le serrer contre moi. C’est ce que j’ai fait. Putain ! Ce môme aura raison de moi, mais… bon, on a le cœur qu’on a ou on ne l’a pas et j’me comprends ! Du coup, tout le monde, autrement dit, Mikaïl, John, Whouna et Glorios en ont profité pour s’additionner et faire une étreinte groupale. J’vous jure bien des fois…

Leanna, Timoti et Mana sont revenus à la maison deux jours plus tard de mon périple de sauvetage. Ils ont aidé considérablement Dariana et Aaron dans leur tâche de réincorporation animique des dix-sept Métamorphes. Je n’ai pas tout suivi, sauf que cela s’est déroulé au mieux et sans séquelles. J’ai eu une brève prière au… à… quelque chose, quoi. Vous comprenez… Depuis que je vais ici, là-bas et ailleurs et que j’ai rencontré certains Dieux, je ne sais plus à quel saint me vouer, donc, je lance mes prières en l’air, espérant que cela arrivera à qui de droit pour accomplir mon désir.

Leanna et moi avons eu une longue conversation. Elle m’a aidé à incorporé une part de ma nature de Felidae. Je ne peux pas vous dire ce qu’on a fait, j’étais dans un état α de conscience et j’ai eu accès à quelque chose qui se trouve en moi, ce qui m’a permis de desserrer un peu l’étau d’angoisse qui m’oppressait et de mieux m’aguerrir. C’est clair ? Non ! Ben, va falloir faire avec, j’peux pas mieux expliquer ! Puis, s’il faut tout vous dire, c’est que vous ne faites pas assez d’efforts ! Bon ! Là, je pousse un peu, mais bon… y’a pas écrit «  Maîtresse d’école primaire » sur mon front ou si ?

Du coup, j’étais plus relax et on a fêté. Quoi ? Mais vous êtes bouché à l’émeri ou quoi, aujourd’hui ? On a fêté la réussite de l’entreprise sauvetage et du prochain départ. Mikaïl s’est surpassé pour le festin. Mon copain Ilium – parfaitement, le plus génialissime des majordomes est mon pote ! Ça vous ne bouche un coin, hein ? – est venu donner la touche classe que requérait l’occasion et on a mangé, bu, ri, plaisanté et guindaillé comme un bitu jusqu’à pas d’heure ! J’vous aurais bien invité, mais c’était fiesta à guichet fermé ! Entre le café/thé et pousse-café, je me suis éclipsée dans ma véranda préférée, côté jardin, celle qui a le parterre blanc et vert que Monsieur Gaston m’a créé. Je me suis couché dans le hamac XXXL et j’ai regardé la nuit. Le charivari de la fête arrivait jusqu’à moi, d’autant qu’au fur et à mesure que la soirée avançait, le groupe des fêtards s’est agrandi. J’ai laissé mon regard errer sur un ciel étonnamment clair et dégagé avec sa toile piquetée d’étoiles scintillantes. Le spectacle toujours renouvelé de ces ciels nocturnes ne cessent jamais de m’émerveiller. J’ai senti le hamac bouger et j’ai reporté mon regard sur la personne qui le berçait lentement. Timoti.

- Ça va ?- La question devrait t’être posée, Vera.- Toujours si fair-play…

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- Toujours.- Tu veux venir près de moi. La vue est si belle, bien que j’imagine que tu en as vu de plus

merveilleuses, là-bas, en Australie et à d’autres époques.

Timoti se place agilement à mes côtés et je me cale contre lui. Il passe son bras sous ma nuque et je me laisse aller. Durant quelques fractions de secondes, je perçois son aura qui est d’un bleu solaire, si brillant que j’ai l’impression d’entendre le ressac et de sentir les embruns. J’inspire profondément. Il sent l’océan. C’est très ineffable, presque inodore en fait, mais bien présent comme faisant partie intégrante de lui. J’inspire et je sens toute la sérénité de l’océan se déverser dans chaque cellule de mon être. Je ferme les yeux pour mieux m’en imprégner. C’est magique.

- Là-bas, le ciel est si vaste qu’il semble ne pas y avoir d’horizon. Il est si brillant, si étincelant qu’il fait presque mal aux yeux. J’ai passé beaucoup de temps sous sa voûte et tout alors prenait son vrai sens.

- C’était bon…- Meilleur encore… Laisse-moi te montrer, chère Vera…- Oui…

Je sens sa paume enserrer doucement mon front. Son pouce presse un point précis et soudain je la vois. Elle est célestielle, d’une magnificence si extraordinaire que je me sens tout à coup aérienne. Je vole dans les étoiles avec tant de jouissance qu’un râle sourd de mes lèvres. Je ne peux trouver de mots pour décrire ce que je vois, perçois, ressens, c’est un maelstrom étourdissant et étonnamment stable. Durant une fraction de seconde je deviens un fragment de cette immensité sombre et céleste. La paume quitte mon front et je garde les yeux fermés, la respiration courte et tout mon corps revivifié.

- Tout a pris son vrai sens… C’est magique ?- Oui…

Nous ne disons rien.

- Tu l’as enterrée ?- Oui.- C’était difficile ?- Toujours.

Je me mords la lèvre. Je connais son histoire, les légendes qui en ont découlés, pas dansles détails, les grandes lignes, celles qui modèlent et suivent des traces de souffrance, de doleur, d’ineluclabilité., de désespoir et d’abattement. Celles que nul ne désire suivre, jamais.

- Comment as-tu fait ?

La question que je pose ne le fait ni sursauter, ni tressaillir comme s’il savait réellement ce que je demande.

- En le faisant.- C’était si évident.- C’était une guerre…- Cela justifie tout, explique tout ? Les enfants, les femmes, les…- … mères…- Oui. - Au moment, oui… après… une vie, une existence détruite… non, jamais.- Ca fait mal? - Oui. Toujours.- Plus certains que d’autres ?

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Ma voix n’est qu’un murmure. Il me serre contre lui fortement avec tendresse. C’est cela qui coince. Komaka était un monstre, mais c’était une mère, la mère qui luttait pour sa descendance, pour les siens, sa nature, sa race, sa famille, sa…

- Une mère ne tue pas, elle aime.

Je le regarde fixement. Je déglutis. Je le sens, je le sais, mais… Il me reprend contre lui. Une mère aime. Mais si elle doit… Non ! Je meurs pour ma fille, mais tuer pour elle ? Et un père ? Je veux croire que oui, je sais que c’est oui aussi pour eux. Alors ? Nos regards convergent vers ce bout de ciel. Je ne le vois pas comme moins que celui dans lequel j’ai louvoyé avec délectation, juste une infime part de ce qu’elle est. Les minutes passent et j’ai senti combien j’étais proche de Timoti. Sans mots, sans explications, juste lui et moi sachant qui nous étions. Je me suis serrée contre lui. Le hamac se berçait au compas de ce mouvement perpétuel que Timoti a impulsé avant de s’installer dans celui-ci. Le silence est entrecoupé des sons festifs. Je souris légèrement. Si lourde, si bien, si… Black-Out !

Le lendemain soir ils sont partis. Timoti m’a longuement serrée contre lui. Nous nous reverrons bientôt dans d’autres circonstances. Leanna m’a enserrée dans une étreinte puissante. Elle m’a laissé des instructions sur une clé USB. Vu mon niveau en technologie cybernétique, je sens que c’est Glorios qui va s’y coller pour me régurgiter le tout. Ben oui ! Moi je peux avoir des régurgitations ! Vous vous souvenez ? Je suis l’héroïne, donc apanage des héroïnes, point barre ! Mana m’a également embrassée longuement. Je me suis laissé bercé contre son grand corps. Il est si paternel des fois que cela me fait un bien fou ! Nous n’avons pas pu nous parler, mais c’est partie remise, je le sais. Ilium nous a bien aidés à débarrasser et Dani en a profité pour lui soutirer deux parties de poker  ! Whouna s’est adjoint au jeu et moi… je suis partie faire des courses ! Du coup, j’ai pensé que dans « routine » le plan courses, ça le fait à donf !

Quant à Glorios, j’ai mis ma menace à exécution. Je ne vous dis que ça, pour le reste, je ne sais pas moi, faite donc preuve d’un peu d’imagination, que diable ! Allez, je suis « bonnasse », je vous donne une piste détaillée : deux corps nus, un lit taille californien, des touche-touche ici et là, gémissements, râle, ponction avec flashs d’images sans son et avec, plaisir, jouissance et jouissance, plaisir et plaisir, jouissance et… C’est bon là, vous voyez de quoi je parle ? Bien ! Plantez juste le décor et vous y êtes !

38.Aaron a décidé de conduire. J’ai décidé que je devais retourner à mon mirifique bureau, Gina,

ma chef de service et la routine si merveilleuse du turbin. Il est apparu ce matin tôt à la maison, alors que j’essayais de forer un trou dans le fond de mon bol de café à force de touiller le sucre dissous depuis très longtemps. Hier soir, Glorios est parti faire un voyage d’appoint. Depuis qu’il délègue à Ranita, il ne fait plus que ces sortes de périples. J’aime beaucoup, cela me permet de l’avoir plus souvent avec moi. Il utilise plusieurs ordinateurs dans la pièce qu’il s’est aménagé chez nous. Dariana est encore avec les convalescents. Etant « Gardienne des Formes », elle se doit d’être présente auprès d’eux jusqu’à ce que leur intériorité morphique soit totalement syntonisée. Quand Glorios m’avait dit de quoi elle était gardienne, j’ai encore raté une occasion de la fermer.

- Gardienne des Formes ? C’est un autre nom pour les coaches des régimes, remises en formes et conseils vestimentaires ?

Mikaïl a ri. Glorios n’a pas bronché, je crois qu’il est immunisé ou quelque chose comme ça. Dani a froncé les sourcils de cette manière si particulière qui dénote son souci de trouver une explication qui serait compréhensible. Il fait ça souvent depuis qu’il guide Whouna à travers « l’Air du temps ».

- Ce n’est pas totalement insensé, seulement le régime est plutôt une manière de sustenter leur aura et leur organisme afin qu’ils puissent s’unir en conformité et en existentialité.

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- C’est un peu comme si elle réinitialisait le disque dur pour que tous les programmes fonctionnent à donf !

J’ai regardé Dani fixement, alors que Mikaïl repartait dans un petit fou rire et que Whouna hochait la tête comme si l’explication allait de soi. Bref, si vous avez pigé le machin, tant mieux, moi je suis plus à une incompréhension près ! Je me demande des fois si une partie de mon cerveau ne serait déjà pas en période glaciaire, vu ma capacité à ne rien pigé ou à peine !

- Tu vas le boire ?

Je regarde fixement Aaron.

- Quoi ?- Le café… tu vas le boire ? Je pense qu’il doit être assez sucré maintenant…- Oh ! Oui, je vais le boire.- Bien !

Mikaïl a échangé un long regarde avec Aaron. Je sais qu’ils peuvent communiquer intra-cerveaux. C’est sans doute ce qu’ils font, mais je ne m’inquiète pas. Je me sens comme anesthésiée. Je bois une gorgée et je fais la grimace. Il est froid. Je déteste boire mon café froid surtout au petit déj. Je laisse la tasse. Je regarde les deux tartines beurrées comme je les aime, puis Mikaïl. Un brouillon plus tard, je suis assise sur ses genoux.

- Pas cette mine, mon aimée ! Peu importe si tu ne manges rien… Prends ton temps.

Je me recroqueville contre lui et il me serre doucement contre son grand corps. Je reste là, cinq minutes tout au plus, mais qui me semblent long, infiniment long et magnifiquement long aussi. Ensuite, je prends une résolution. Bon là, c’est basta ! Je vais pas trainer encore longtemps comme ça, hein ! J’embrasse à pleine bouche mon merveilleux amour. Je lui caresse longuement les joues, le front.

- Te amo, Mikaïl…- Moi aussi, yamanahe…

Il me relève doucement en continuant à me serrer contre lui. Je me déprends en lui souriant. Aaron me tend ma légère veste, je l’enfile et nous partons.

Le trajet vers le boulot est silencieux. J’essaie de trouver quelque chose d’intelligent ou d’intelligible à dire et je ne trouve rien. Nada, que dalle ! C’est comme si une partie de mon cerveau n’arrivait pas à carburer normalos. Dois-je m’inquiéter ?

- Pas vraiment. Tu es encore fragile de part ce que tu as vécu. - Mais ce n’est pas la première fois…- Tu as vu une mère et elle a été éliminée.

Je pousse un cri étouffé. Timoti lui a parlé. Aaron bifurque et nous fait entrer dans une allée qui mène à un parc de petite taille. Je ne le connais pas. De fait, c’est un trajet étrange que nous avons pris pour aller au bureau, maintenant que je vois mieux autour de moi.

- Viens. Nous sommes en avance. Allons nous asseoir là-bas. Nous allons parler un peu.

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Il désigne une sorte de petite mare ou des canards s’ébattent avec langueur. Un banc en plus ou moins bon état semble nous attendre. Il prend mon coude et nous guide jusque-là. Courtoisement il attend que je prenne place et s’assoit près de moi. Les canards convergent lentement vers lui. Il sourit en les regardant, puis leur lance des morceaux de pain qu’il sort d’un sac en plastique de son grand manteau en cuir noir. Pas prémédité du tout, tiens ! Il pousse des petits couinements et Aaron leur répond sur le même ton. Les canards s’en vont en se dandinant. J’ai l’impression qu’ils se sont parlé entre eux. Enfin, parlé… communiqué, plutôt.

- Ce n’était pas une mère.

Je me tourne vers Aaron en clignant furieusement des yeux.

- Comment peux-tu dire cela ? Elle voulait que son espèce ne disparaisse pas et c’est dans ce but qu’elle…

- … allait tuer ? Une mère aime, elle ne tue pas.- Mais…- Ecoute, je comprends ce que tu ressens, ma dame, mais ne commets pas la même erreur

que Timoti.- Timoti ? Mais il a exterminé son espèce ou du moins il le croyait…- Oui. Timoti n’a pas agi ainsi pour le plaisir de vaincre une autre espèce ou pour devenir un

héros… c’est un guerrier depuis la nuit des temps, mais il n’a jamais aimé tuer.- Je ne suis pas certaine de te suivre…- Pour cela, il faudrait reprendre l’histoire de son existence et nous n’avons pas beaucoup de

temps, outre le fait qu’il n’aimerait pas que j’en prenne l’initiative. Il y a très longtemps, son peuple et celui des Sirènes ont décidé de ne pas attenter à l’existence de leur espèce, malgré les exactions qu’ils avaient déjà amplement commises. Le paiement fut que la compagne, son aimée d’âme a été exterminé sauvagement par les Krakyenomak, ainsi que toute la famille vivante que Timoti avait encore en ce temps-là. Le pire était l’usage qu’il faisait des enfants qu’ils raptaient.

Aaron s’arrête de parler. Son intensité de rage devient telle que je le vois se métamorphosé en quelque chose que je n’ai jamais vu. Je me fige, genre V et ne respire qu’à peine. Il se calme enfin et soupire longuement, les épaules tombantes.

- Tu ne veux pas savoir ce qu’ils leurs faisaient. Personne ne veut savoir une telle chose… Lorsqu’ils ont décidé de décimer cette espèce, ils ne l’ont pas fait de gaieté de cœur. Timoti était comme possédé, fou de douleur et il a été le plus acharné à les tuer… il ne s’en orgueillit pas, loin de là… Il est devenu si ingérable que Mana a dû intervenir. Je n’ai vu qu’une fois Timoti être pris de cette fureur guerrière et je puis t’assurer, ma dame Vera, que ce fut une vision d’horreur. J’en ai fait des cauchemars durant tellement de temps...

Il ferme fortement les yeux, les poings crispés, le corps tendu. Je voudrais lui poser la main sur une des siennes, mais je m’en abstiens. Il se contient et je sais combien cela s’avère douloureux.

- Pas cela n’a jamais été contre toi, ni contre…- Non ! Nous ne sommes pas des Krakyenomak, du moins pas en ligne directe. Cette

extermination… Ce fut lors d’une bataille d’une antique guerre… J’étais très jeune alors et j’en fus très impressionné.

- Mais maintenant… ça va ? Je veux dire vous vous entendez bien et tout ça…- Nous nous entendons bien et tout ça, oui.

Je donne une tape sur l’épaule d’Aaron qui éclate de ce rire si juvénile et communicatif qui me séduit tant. Il se détend, bien que je voie encore des ombres fluctuer dans son regard. Où enterrons-nous les spectres de nos souffrances ? Les canards cancanent alors à qui mieux-mieux comme pour se joindre à son hilarité. Je ris aussi, mais un peu faux.

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- Elle n’était pas une mère, Vera, juste une « Récipiendaire ».- Une réci-quoi ?- Une sorte de gardienne qui est là pour la sauvegarde de l’espèce au prix du sang et de

l’existence ou de la vie, indistinctement, d’autres espèces, d’autres natures, essences ou races.

- La fin justifie les moyens ?- Pire que cela, la fin justifie tous leurs actes.- C’est… monstrueux…- Ça l’est… - Ce n’était pas une mère, alors…- Non, ni une maman… toi, tu l’es…- Je… oui, je crois…- Tu l’es, crois-moi. Tu es prête à…- … mourir pour eux, mais… je ne crois pas que je pourrais tuer pour eux… je ne pourrais

pas, même si des fois, il parait que, la rage, les circonstances…- C’est cela…

Je regarde Aaron. Il me sourit avec tellement de tendresse et de compréhension. Un poids s’ôte de ma poitrine. J’ai eu tant de mal à accepter l’idée que l’on tue une mère, parce que je m’identifiais à elle, mais…

- Il y a mère et mère…- Oui, ma dame. Et la seule qui peut te dire si tu es une mère est ta fille.

J’ouvre la bouche et la referme. Je regarde une canne avec son caneton. Elle lui pousse de la nourriture afin qu’il se nourrisse tout en cancanant à qui mieux mieux. J’ai nourri ma petite fille. Je l’ai soigné, je l’ai…

- Une mère aime, elle ne tue pas.

Il me tire doucement contre lui en me passant un bras sur la taille et en m’incitant à poser ma tête sur son épaule. Vous connaissez quelqu’un qui demande à son enfant s’il a été un bon parent ? Et si oui… la ou les réponses ont-elles été ce qu’elle ou il désirait entendre ? Je n’ai jamais cessé d’avoir peur de casser mon enfant, bébé, si fragile, si vulnérable, si à la merci de tout autour d’elle, puis après au fur et à mesure qu’elle grandissait, s’affirmait, était elle-même ou ce qu’elle pensait, souhaitait, désirait ou croyait être elle-même, l’inquiétude tenace de faire un faux pas, de me tromper et d’ainsi finir par la casser, dénaturer ou détruire qui elle est, cette magnifique et unique et irremplaçable vie.

- T’a-t-elle demandé d’être parfaite ? As-tu désiré l’être pour elle ? - Non… ni elle ni moi, mais… ne devais-je pas l’être un peu ? Un modèle…- Qui te dit que tu ne l’as pas été pour elle ?- Ce serait vraiment chtarbé et je n’aurais jamais voulu jouer ce rôle de modèle… oh ! Je

vois… pas parfaite… - Oui. Etais-tu présente pour elle ? Etais-tu avec elle ?- Oui, bien sûr ! - Alors…

Le caneton s’ébroue dans la petite mare, la mère dans son sillage, attentive, protectrice, sévère, violente même si le danger pointait le bout de son nez, prête à défendre son petit, mais… irait-elle jusqu’à tuer pour son petit ? Un petit bip sonne. Je ne reconnais pas la sonnerie. Dani a encore changé la foutue…

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- Non, c’est mon Smart… Nous devons y aller. J’ai promis à Gina que nous arriverions à l’heure. Elle a reçu un nouveau mémo pour un nouveau boulot. Je crois que je ne pars pas tout de suite…

Je m’écarte de lui en faisant la grimace. Mouais !

- T’as encore traficoté… laisse-moi deviner… Dani t’a aidé à concocter un plan pour que tu restes un peu plus longtemps, hein…

- Ma dame… que de suspicion ! Je puis t’assurer que je ne suis en rien dans ces changements…

- C’est ça… et mon œil, c’est celui de Big Brother, peut-être ? Bon ! De toute façon, je ne veux rien savoir, mais je te préviens, si jamais j’ai raison, alors je préviens Don Alonso et vous vous démerdez avec lui ! Parce que là, trop c’est te veel !

Je me lève dans un accès de dignité bafouée, sauf que je trébuche sur une racine que je n’avais pas vue et que bon, pour le truc de la dignité, c’est foutu ! Bon sang ! Pourquoi moi ?

39.Depuis cinq bonnes minutes, Gina me tient les mains tout en me disant combien elle est ravie

de mon retour. Elle lache mes petites menottes et m’entraine vers mon siège où elle m’aide à m’installer. Elle place ses fesses musclées à l’aérobic sauvage sur un coin de mon bureau et profite de l’occasion pour m’informer des derniers potins « bureaucratiques », comme elle les appelle. Il faut comprendre « de bureaux », Gina doit quelquefois être traduite. Je vois du coin de l’œil Aaron changer de forme à mesure qu’elle énonce les divers cancans que j’ai raté durant mon absence. Il se transforme successivement en une chaise affalée, alors qu’un collègue tombe d’elle ; en un plateau renversé – il y avait dessus les boissons des participants - qu’une collègue avait laissé tomber lors d’une réunion très importante ; en une femme échevelée qui hurlait – Aaron la mime en silence ici – sur un collègue travaillant au guichet ; en une grande plante tombée à cause de deux collègues trop concentrée sur leur conversation et… Aaron évite de se métamorphoser en ce couple enlacé et en pleine action dans un des cagibis de maintenance. Heureusement ! Gina explose de rire. Une collègue venue chercher une brosse et une ramassette pour ce qu’elle avait laissé tomber avait eu la primeur de cette vision légèrement haute en couleur. Le plus drôle, d’après Gina, c’est la tête qu’a fait cette collègue qui est « une pisse froid et une frigide coincée des genoux », toujours dixit Gina. Quant au cancan juteux, il semblerait que le couple en pleine action soit gay et que cela a déclenché un véritable tollé dans le petit univers des commentaires tous azimuts. Je souris et ris pour mettre à l’aise Gina, mais sérieusement, moi et les bruits de couloir…, ça fait au moins deux ! Pas ma tasse de thé ! Gina est ravie de pouvoir me mettre au parfum, si cela lui fait plaisir, alors tant mieux. Elle se tourne vers Aaron qui, dans un brouillon hyper rapide, reprend sa forme habituelle en souriant de toutes ses dents à une Gina resplendissante. Y’a pas à dire, dire du mal des autres ça rend heureux ! Dîtes pas le contraire, on a tous fait idem un jour ou l’autre ! Ben tiens !

Aaron me lance un sourire ultra joyeux, limite crétinisé du bulbe. J’ai les paumes qui fourmillent, sûr que c’est un vrai coup de sang que j’ai en le regardant ! Je plisse les yeux. CM, va ! Il a un petit rire qui me dit qu’il a entendu ! Peste soit des OV ! Gina pousse une sorte de rugissement hilare, puis finit par conclure la litanie vacharde. Soulagement ! Elle reprend son sérieux en me regardant fixement. Son visage est la personnification de la commisération affectée. Je vois Aaron se transformer en une sorte de Saint, auréole comprise. J’écarquille des yeux. Il va finir par s’en ramasser une bonne paire s’il continue sur cette voie ! Gina pousse une sorte de soupir affligé et me sourit avec douceur.

- Vera… vous ne devez surtout pas vous sentir gênée ! Monsieur Aaron…

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Elle se tourne vers un Aaron qui s’est transformé en un clin d’œil et qui est miraculeusement occupé à ranger son bureau. Le faux cul ! Gina lui sourit de façon éclatante. Aaron lui retourne un sourire discret et humble. Wep ! Elle se tourne vers moi et me secoue les mains avec une vigueur amicale.

- Comme je disais, il a eu l’extrême amabilité de m’expliquer ce qui n’allait pas avec vous. Entre femmes, je comprends par-fai-te-ment ces sortes de petites affaires! Aussi, si vous avez le mooooiiiiiiinnnnnnndre petit soucis, vous me le faite savoir et vous rentrez chez vous. Aussi simple que cela ! Entre femmes et collègues, avec votre âge si particulier, nous devons nous entraider, n’est-ce pas ! Bon ! Je vous laisse et surtout… N’hé-si-tez ab-so-lu-ment pas !

Elle sort après une œillade appuyée à Aaron et une petite tape cordiale sur mon épaule. Je ne sais pas si cet excès d’amabilité me plaît plus que sa précédente indifférence professionnelle à mon égard. Je regarde le battant se refermer et me tourne vers… un beauceron ! Je grogne littéralement et Aaron reprend sa forme initiale illico presto.

- « Des petites affaires » ? Et arrête avec ça, hein ! Le coup du beauceron pour m’amadouer, ça ne prend plus !

- Sûre ?- AAAAARON !

Il lève les mains et me présente un café et une couque au chocolat, habillé comme un cafetier. Je me prends littéralement la tête. Ils vont finir par me rendre frappadingue !

- Oui, ma dame Vera ?

Je fronce les sourcils.

- « Les petites affaires » en question sont donc…- … que tu avais des indispositions menstruelles très incapacitantes, au point de ne pouvoir en

faire beaucoup durant cette période difficile.

Là, j’ai un petit rire de dérision. Si « ne pouvoir en faire beaucoup », c’est annihiler l’«espoir » d’une espèce entière, côtoyer des dragons et aller là où l’imaginaire aurait de la peine à y aller, pas étonnant que les superwoman ont l’air aussi fringantes en sauvant le Monde !

- Indispositions menstruelles ? Les règles ? Bon sang ! Tu plaisantes ! Et depuis quand en sais-tu autant sur le sujet ?

- Depuis cinq siècles, à quelques années près, lorsque je fus praticien. Depuis je connais tout de la femme !

Je hausse les sourcils.

- Médecin ? Waouh ! Impressionnant, Monsieur le séducteur, mais un conseil de petite humaine vivante, évite de dire ça à Dariana.

- Quoi ?- Que tu connais « tout de la femme » ! Toute femme veut être un mystère pour l’autre et plus

encore vis-à-vis de celle ou de celui qu’elle aime.

Aaron ouvre la bouche et a un petit rire gêné avant de rapetisser lentement sous mes yeux en prenant un air désolé. J’éclate de rire. L’idiot ! Il reprend sa forme et sa taille et me prend contre lui. Nous restons enlacés en riant. Je me détache doucement.

- Si on turbinait un chouïa ! Je ne sais pas toi, mais moi j’ai un salaire à gagner, Monsieur le stagiaire !

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40.Sur le chemin du retour, nous avons encore parlé un peu, mais j’avais surtout le baromètre

« curiosité » à plein niveau. Sans avoir l’air d’y toucher, j’ai demandé comment allait Dariana, en m’arrêtant pour ne pas compléter ma question neutre par : maintenant que vous vous êtes retrouvés et compris que vous vous aimiez ? On a de l’éducation ou on n’en a pas. Quoi que… vu son rire, j’imagine que j’ai encore eu une fuite de pensées. Il m’a serré contre lui, m’a soufflé «  bien, très bien même, comme moi » et nous nous sommes bercés un instant. Il s’est dessoudé de notre accolade et m’a souri, tout en se dirigeant vers le salon. Je suis partie prendre un bain hyper chaud, histoire de décontracter ce que je peux de moi-même, autrement dit, pas grand-chose, mais bon, faut c’qui faut  ! J’entre dans le salon où je retrouve une partie des habitants de la maisonnée occupée à diverses occupations de… salon. Je m’affale dans un fauteuil en soupirant profondément. Mes hommes viennent m’embrasser. Je crois, vu le déplacement d’air autour de moi et je leurs renvoie un baiser du bout des lèvres. Ils ont bien compris que j’ai besoin d’espace. Wep ! Sûr ! Je ferme les yeux et laisse le temps s’écouler sans rien faire vraiment. Mes pensées vagabondent comme chaque fois de façon anarchique et débridée. Pas probant comme résultat, mais…

- Je pense donc je suis.

Glorios relève la tête et regarde Vera fixement. Mikaïl fronce les sourcils.

- Mais si je ne pense pas, cela veut-il dire que je ne suis pas ? Et si je ne suis pas, où je suis quand je ne pense pas ? Parce que je vais toujours finir par penser un truc et donc si je ne suis pas là, parce que je ne pensais pas, comment je peux être moi au moment où je pense à nouveau ?

Mikaïl se rigidifie. Cela lui rappelle les leçons de celui qui fut son maître à penser un jour, Socrate. Bien sûr rien de mauvais dans ce souvenir, mais d’autres souvenirs plus mauvais surgissent aussi. Intérieurement, il fait la grimace.

- La réflexion est intéressante.

Nous nous tournons tous vers Whouna qui a une aura dorée sombre. Réflexions profondes ?

- N’étant pas de nature duale, ni d’option clonique, ne pouvant se diviser entre deux dimensions spatio-temporelles, vos organismes ne peuvent pas être ici et là, aussi lorsque vous ne pensez pas, ce qui arrive relativement souvent, si l’on considère les résultats de certains de vos actes ou actions, vous êtes toujours vous-même et donc restez vous-même en vous-même et dans l’espace dans lequel vous vous trouvez tant au moment où vous ne pensez pas qu’au moment où vous pensez.

Je regarde Whouna et je me sens mieux. Avec toutes ces allées et venues ici et là et plus loin encore, savoir que si je ne pense pas, je suis toujours moi où que je me trouve est plutôt rassurant. Mikaïl soupire profondément.

- Je sais pas vous, mais des idées pareilles ça creuse ! C’est quoi l’menu ‘jourd’hui ?

Nous regardons tous Dani qui s’est joint à nous à un moment ou à un autre. Glorios fait une horrible grimace et m’enveloppe dans une de ses étreintes qui me fait gladaladou dans tout le corps.

- La vérité sort de la bouche des enfants, c’est bien connu ! Donc, c’est quoi l’menu, grand chef Mikaïl ?

- Tu n’étais pas supposé concocter le repas ce soir ?- Bon sang ! Je savais bien que j’oubliais quelque chose !- Voilà un exemple que ne pas penser n’empêche pas d’être !

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Nous regardons Aaron qui vient d’apparaître subitement. Je le regarde étonnée. Où était-il ? Je repasse en revue ce qu’il y a dans la pièce et je trouve l’élément qui est en trop. Un rocking-chair en bois. Heureusement que je ne me suis pas assis dessus. Un brouillon plus tard, je vois Glorios tenant à bout de bras un petit nain de jardin qui couine lamentablement. Comment a-t-il fait pour passer d’un siège à un nain de jardin ? Je ne veux pas le savoir ! Glorios secoue le petit bonhomme en terre cuite qui continue à couiner lamentablement.

- Glo ! Lache immédiatement Aaron !

Whouna suit de près ce qui se passe alors que Mikaïl se transforme en un autre brouillon. D’ici dix minutes nous aurons un repas complet servi et bien servi. Dani sourit pleinement alors qu’Aaron se transforme en courant d’air. Glorios fait une autre horrible grimace. Nom d’une pipe ! Qui a dit que la sagesse venait avec l’âge ? Dani sort un de ses mobiles avec des résolutions ultra sophistiquées et les suit. D’ailleurs… résolution ? Laquelle exactement ? J’imagine qu’il va faire une vidéo ou un truc du genre. Cette habitude qui consiste à tout enregistrer fait flipper ! Je ferme les yeux. Dix minutes pour la tambouille, cinq pour me carapater dans un hamac, j’en ai besoin, genre : j’m’en balance un max !

Quel bonheur ! Qui peut résister à un transat ou un hamac ? Pas moi, jamais ! C’est le meuble, l’ustensile, le moyen, le lit, le fauteuil, cocher ce qui vous débecte, qui est parfait pour se laisser aller, lacher prise, surfer dans le farniente ou la siesta à donf ! Vous devriez essayer, c’est… divin, sauf que divin… j’veux pas dire « comme une Déesse ou un Dieu », j’en suis un peu revenue des déités, mais comme… mirifique, version humaine, pas féérique ! Le hamac XXXXL commandé par Glorios se creuse un peu d’un côté. Whouna. Je me laisse glisser contre lui jusqu’à sentir son être m’envelopper dans cette aura doré qui me soigne et me reconstitue pleinement.

- Veux-tu que je nous mène vers un de mes coins ?- Pour cinq minutes ?- Cela se peut…- Pas en Féérie tout de même ! D’après ce que j’ai lu ici ou là dans des séries géniales, le

temps ne s’écoule pas de la même façon. On pense entrer là pour cinq minutes, quand on revient du p’tit tour, vingt ans ou un siècle peuvent être passé en 3D.

- Cela me semble improbable.- Le quoi ?- Cet écoulement aléatoire du temps. Si les temps sont différents, ils ne peuvent tergiverser

de cette manière. - Pourquoi ?- Le temps a des composants mathématiques, ce qui signifie une logique linéaire, codée.

S’il y a des inconnues ou une inconnue, celles-ci sont également inclues dans cette linéarité, peu importe le sens.

- Un peu comme les fuseaux horaires !- Précisément. - Donc, si nous allons là-bas, ce sera cinq minutes ?- Dans cet espace le temps sera cinq minutes dans ton temps réel, mais la densité de ces

cinq minutes ne dépend que de toi, ce que tu mettras en ces minutes, de comment tu les vivras.

Je ne suis pas certaine de comprendre tout. Mais là… c’est cinq minutes de passer, non ?

- Pas vraiment, ma petite fille.- Tu as arrêté le temps ? - Seulement ici et maintenant.- Mais… Les autres sont toujours dans le temps qu’indique les horloges de la maison ?- Pas vraiment. Ils sont sur le même temps que nous.- Donc… j’ai toujours cinq minutes, là ?- Oui. 

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- Et le temps est toujours détenu ?- Plus maintenant. J’imagine que tu préfères rester.- Oui. J’aimerais être ailleurs, mais je ne veux pas partir pour être ailleurs.

Il me serre contre lui.

- Tu es toujours ici, même lorsque tu n’y es pas, ma petite fille.- J’aimerais être là, mais je ne sais plus si je suis vraiment quelque part.- Question de temps, ma petite Vera. - J’imagine…

Je ferme les yeux, je me laisse aller, baignée dans cette douceur minérale qu’est pour moi la présence de Whouna autour de moi et en moi. Mes doutes s’évanouissent, mes peurs s’effacent, tout se dilue et… Black-Out !

41.Glorios a un air de deux airs, voire de trois et ça ne me rassure pas du tout ! Je peux lui faire

confiance pour ce qui est des plans chtarbés. De plus, je trouve qu’ils ont tous des airs de plusieurs airs et quand des Outre-Vivant sont comme cela, c’est flippant à donf. Il n’y a que Whouna qui a l’air de ce qu’il est, un être extraordinaire. John passe beaucoup de temps avec Mi dans le garage. Il semble que Mi a acquis un « petit bijou de l’ingénierie automobile », d’après ses propres dires. Peuvent dir’ c’qu’ils veulent, pour moi une voiture, c’est quatre roues-carcasse-moteur-sièges et pas beaucoup plus.

L’autre nuit, j’ai dû descendre les chercher dans le garage, parce que trop c’est te veel. Je les ai trouvés regardant sous le capot, totalement fascinés par je ne sais quoi, des trucs du genre pistons, bougies ou autres. Bref ! J’ai pratiquement fait une crise d’hystérie pour qu’ils lâchent leur petit joujou métallique pour venir au lit avec moi. Quoi ? Puéril de ma part ? Ben oui ! Mais bon, vous faites comment vous quand vous vous sentez « paumé du petit matin » ? Ben voilà ! On est bien d’accord ! Ils ont été… Waouh ! Carré hyper-méga géant ! Bon, la partie « on te charge sur l’épaule, genre homme de Cro-Magnon », j’aurais pu m’en passer. Comment ? Les Cro-Magnon tirait leur compagne par les cheveux ? Vous ne liriez pas un peu trop de BD, hein ? Et puis… Vous avez demandé à un Cro-Magnon comment il traitait leur compagne ? Non ? Oui ? Savez pas ? Rien à battre ? So… c’est moi qui écris et si je dis que les Cro-Magnon transportaient Madame sur l’épaule, c’est vrai et puis basta ! Capice ? Alora… John m’a chargé jusqu’à la chambre, je riais comme une bitu, la main sur la bouche, histoire de pas réveiller toute la maisonnée. Et dès qu’il m’a fait rebondir sur le matelas tout en se lançant sur moi pour… et puis Mi est arrivé et… et… Arrêt sur image mentale ! C’était… c’était ! Non ! Je ne suis pas obligée de tout décrire ou expliqué, puis d’ailleurs, idem que pour les Cro-Magnon ! C’est qui qui raconte ? Bibi ! On est bien d’accord !

Glorios est parti depuis trois jours. Son air de… je ne suis pas à l’aise. Depuis qu’il délègue, il est plus souvent parti. Il dit que c’est juste pour permettre la transition. OK ! Ça dure combien de temps une transition ? John est aussi parti depuis deux jours. Il avait des choses de garous à faire. Il n’a pas précisé quand il revenait, mais il m’a soufflé, en me serrant contre lui avec force et tendresse, que cela ne serait pas pour très longtemps. C’est combien de temps, « pas pour très longtemps » ?

Depuis que nous avons acquis une vitesse de croisière et que la détente est enfin descendue en moi, je profite du farniente à donf ! D’autant que le temps est clément. Pas de pluie, pas de vent violent et mauvais, du gris à perte de cieux, oui, mais bon… on peut pas en demander plus. Ou, si ? Mon regard se perd dans le duvet grisâtre et « léthargiquement » mouvant des cieux. Il y a quelque chose d’hypnotisant en cette unité céleste. Le hamac s’infléchit un peu. J’ouvre les yeux. Whouna. Il se glisse près de moi. Son aura m’enveloppe comme un plaid douillet. Je m’enlace à lui.

- Ça va ? Dani ?- Il réinitialise une double face.

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J’écarquille les yeux. Pourquoi je pose toujours des questions qui ont des réponses incompréhensibles ?

- Ah bien ! Et toi ? Tu as assimilé beaucoup d’« air du temps » ?

Il se rigidifie. Son aura change en des tonalités impossibles. Whouna pense. J’attends. Mes propres pensées galopent partout et nulle part. Le temps passe. Il se retire comme une vague de notre étreinte, puis réintègre notre noyau de tendresse. Son aura devient d’un bleu scintillant comme la mer sous le soleil. J’ai presque la sensation de sentir une vague maritime m’engloutir chaudement. Quelque chose pétille en moi, joyeux, doux, fou. Un rire gargouille dans ma gorge. Whouna me sourit et son aura devient blanche, brillante, stable. Son regard s’évade alors qu’il semble rassembler ses idées.

- Il me semble que la somme de ce qui me reste à absorber et me nourrir est exponentiellement plus élevée que celle que j’ai déjà acquise.

- Ah ! Ben alors t’es sur le bon chemin. C’est pareil pour nous. Je veux dire les vivants. Plus t’apprends, moins tu sais, sauf que t’as encore beaucoup à apprendre pour en savoir finalement très peu.

Whouna hoche la tête. Son aura reprend une brillance plus soutenue et sereine. Je me laisse aller contre lui.

- Ça fait quoi d’être intemporel ?- Nul ne l’est, ma douce Vera. Mon temps est immense, mais pas infini. Ma temporalité n’est

pas linéaire comme la vôtre, cela fait la différence. - C’est long tant de temps ?

Whouna réfléchit. Son aura devient d’un vert émeraude chatoyant. Il vibre légèrement. J’ai du mal à imaginer vivre ou exister si longtemps, pourtant je n’ai pas envie de poser la question à mes amours, ni aux autres Outre-Vivant, comme si leur longévité allait de soi pour qui ils sont, comme si nous étions tous dans la même mouvance temporelle. Mais Whouna, c’est autre chose. Il était là, sans doute, avant le temps terrestre et il n’est pas dans la même catégorie. Il est au-delà du temps, peut-être même hors du temps.

- Non.

Je tourne mon visage vers lui. Il est dans une tonalité beige dorée. C’était quoi encore la question ? Il me sourit. Je baigne dans une félicité complète et c’est… merveilleux ! Je le regarde. Je l’amuse infiniment, mais d’une manière si douce, si tendre, si aimante. Je ne me sens pas mal.

- Non. Ce n’est pas long. Cela pourrait l’être en linéarité, mais dans mes strates temporelles, l’idée même de longévité n’est pas viable.

- Et tu te souviens de toutes tes strates temporelles ?

Son aura se stabilise et devient d’une blancheur tenue, sereine, pure. La réflexion, sans doute.

- Te souviens-tu de tes trois ans ?- Concrètement ?- Par exemple.

Je réfléchis pour voir si je vois quelque chose, à part des photos en noir et blanc de cette époque, ce qui m’a été raconté et…

- Non. Je ne peux pas dire que je m’en souviens.- Pourtant tu sais que tu les as eus, même si tu ne te souviens pas d’être passé par là. C’est égal

pour nous. Nous savons que nous les avons eu, que nous ne serions pas ce que nous sommes

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aujourd’hui sans être préalablement passé par mes strates temporelles, dans mon cas, tes trois ans dans le tien, mais nous ne nous en souvenons plus. Ils ont été, ils ne sont plus vraiment, pas de la même manière. Nous allons de l’avant, comme vous le faites, exister ou vivre, c’est être dans une mouvance perpétuelle. Le temps est volatil, peu figé, même dans ses restrictions formelles, il reste inatteignable. Seuls des paramètres de vivant ou d’existant ou d’Outre-Vivant, comme tu les appelles, peuvent marquer le temps. Tout ceci reste très subjectif. Cela va de soi.

- L’air du temps…- Oui.

J’ai beau entendre les mots, c’est comme pour mes trois ans, le flou artistique complet ! Pourtant… je vois un peu ce qu’il me dit, sauf que… si longtemps, c’est… je ne peux pas imaginer, ni concevoir. Je me laisse aller contre lui dans un profond soupir.

- Tu ne pars pas encore, hein, Whouna ?- Non, ma toute douce. Pas tout de suite.- Ce ne sera pas long pour toi d’être avec moi, de toute façon…- Cela sera infiniment vivifiant pour moi d’être avec toi, ma petite douce Vera, car chaque

fraction de temps passé à tes côtés compte infiniment pour moi. - Moi aussi.

Je ne comprends pas tout, mais que je compte pour lui, oui, parce que c’est idem pour moi. Je frotte ma joue sur son torse. Une pluie d’étoile irisée saupoudre ma peau. J’aime, c’est soyeux. C’est bon, vivant, essentiel… C’est… Black-Out !

42.Je me réveille en sursaut. Mais, c’est bien sûr ! Je suis toujours dans le transat avec Whouna,

mais il semble être en stand-by. Il se remet à vibrer, avec une aura qui éclaire presque l’espace alentour.

- Je sais maintenant…

Whouna se met à clignoter, une de ses manières de se montrer dubitatif. Pour info, il fait pas ça qu’avec moi, faut pas croire ! Avec Dani, c’est presque constant. On a presqu’envie de lui dire de se ranger, histoire d’arrêter d’actionner le clignotant. D’autant, chui pratiquement certaine que le petit morveux le fait exprès, tout génie qu’il est.

- Que veux-tu dire ?

Son aura est brun-orange, une aura genre perplexité affichée.

- Ben… L’air du temps… Quelle heure il est ?- Quatorze heure dix-huit minutes et des secondes filantes.

Je le regarde fixement. Cette capacité de me donner l’heure sans jamais regarder une montre ou autre objet ayant une horloge incorporé me fait flipper.

- Bien ! On peut y être en une heure en transports en commun. En espérant qu’il ne pleuve pas.- Il est peu probable que la pluie arrive encore aujourd’hui. Elle viendra aux environs de six

heures du matin, demain.- Tu fais aussi baromètre et Monsieur Météo ? Waouh ! Super génial et flippant ! Bon, alors

allons-y !

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Je me dépêtre du hamac avec une agilité surprenante et je suis dans le couloir avant de me rendre compte que j’y suis. Un peu de complexe pour toi, Speedy Gonzales ? Wouh ! Whouna est prêt de moi… avec un borsalino ?

- Le chapeau ?- Un cadeau de Dani. Il dit que pour aller dans une ville, surtout une capitale, c’est un

accessoire « hyp génial, Who ».

Je fronce les sourcils. C’était quoi encore l’adage… Ah, oui… Il faut bien que jeunesse se passe !

- OK ! Si Dani le dit… faudra juste qu’il me donne le lien web pour que j’aille m’instruire sur « comment faut-il s’habiller pour aller dans une capitale ! »

- Oh ! Un tel ciber-endroit existe-t-il ? Intéressant !

Je regarde Whouna qui a une aura… neutre ? Il plaisante. Son visage ne me dit rien, normal, c’est « le » visage de poker parfait !

- Bon ! Okido ! D’accoooord ! Allons-y !

- Voilà… Ici, c’est le Piétonnier en plein centre de Bruxelles… C’est l’endroit parfait !

Nous sommes devant le Piétonnier après une heure en tram, en bus, puis en métro. J’ai conseillé à Whouna de s’abreuver de tout ce qu’il voit ici, dans le métro et dans le tram. J’ai pris le plus long chemin, histoire de prendre trois moyens de transport différents. En plus… je n’ai pas calculé, c’est mercredi après-midi, autrement dit, sortie des classes tôt avec après-midi libre pour les enfants, pas vraiment pour les parents, même si ceux-ci accompagnent leurs enfants ici ou là. Whouna a une aura qui est d’un doré entre brillant et mat. Une drôle de tonalité. Je crois que c’est de l’observation métissée de réflexions internes. C’est… beau, magnifique même. Je l’entraîne vers la Bourse et ses marches où j’ai passé pas mal d’heures attendant l’un ou l’autre pour un rendez-vous. L’exactitude est la politesse des rois ? Maintenant je comprends mieux pourquoi beaucoup ne l’étaient jamais ! Je m’arrête devant les marches usées. Le bâtiment n’a pas belle allure, trop de pollution sans doute, mais… il est toujours là ! Whouna a continué à scanner les environs avec cette même acuité qui le caractérise. Il absorbe tout.

- Viens !

Je l’entraîne dans l’escalier jusqu’à la plus haute marche. Certains sont assis ici et là dans diverses positions.

- Asseyons-nous ici… C’est l’endroit parfait pour l’air du temps ou l’ère du temps ou encore l’aire du temps !

Je montre l’espace dépourvu d’un trafic de quatre roues pour laisser les deux roues et les piétons s’en approprier pour circuler librement. Whouna clignote.

- N’aimes-tu pas ce lieu, ma petite Vera ?- Oui. Non ! Si on en fait un projet viable, alors cela devrait être un vrai lieu emblématique,

mais…J’ai pas mal de doutes. Pour l’instant, ça me semble une erreur ambulante ! - Tu ne l’aimes vraiment pas ?

Je réfléchis à la question.

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- Je l’ai aimé. J’ai aimé cette ville, vraiment. Au fil du temps, j’ai eu la sensation qu’elle perdait son identité. Du coup… qu’aimer ? Une ville qui est devenu la « Capitale de l’Europe » ? C’est comme aimer une image, aussi réelle soit-elle, cela reste une image ! On a beau faire des fêtes typiques « Bruocsella » « Bruseleer », ou quel que soit le nom estampillé « typique » Bruxelles, la personnaliser, la mettre au goût du jour ou du temps… Pour moi, c’est devenu une sorte de No man’s land, une Terra Incognita.

- Pourquoi venir ici en ce cas ?- Parce qu’elle est représentative, significative. Ici, on voit passer le «  Monde », des touristes

venus de partout, des passants lambda, des habitants de la ville et… tout le monde, quoi ! Tu vois… je suis certaine que les humains nous avons toujours été des voyageurs, de là que l’on soit si « génétiquement » mêlé. Aujourd’hui on va plus vite, on ne voyage plus, on se déplace d’un lieu à un autre de plus en plus vite, même pas le temps d’apprécier ce que l’on voit, on filme, on fait des tonnes de photos qu’on envoie voyager à travers la toile du net ou les lignes téléphoniques pour que d’autres voient ce qu’ils ne voient pas vraiment ou du bout du petit cadran de leur téléphone, Tablet ou autres appareils photographiques. Lorsqu’ils rentrent, ils ne regardent même plus les photos ou films pris sur le vif, les reléguant dans le trou noir du petit icône « poubelle » de leur appareil, dans un fichier virtuel, dans une clé USB ou sur un ordinateur et dans leur mémoire surchargée, comme une archive vécue de plus, sans plus. Bruxelles, comme carrefour d’Europe ! Elle devient de plus en plus une ville virtuelle. Comment veux-tu que j’aime quelque chose comme cela ? L’argument que c’est encore plus vrai pour toutes les capitales du monde ne vaut pas pour moi. C’est une de ces manières de se rassurer et de ne pas voir ce qui se passe réellement. Une manière de banaliser ce qui ne devrait jamais l’être. Tu vois… avant je sentais Bruxelles organique, comme un organisme vivant, un lieu de vies, avec des gens qui s’y installent et y font leur vie. Maintenant j’ai l’impression qu’ils habitent là, à défaut de vivre ailleurs. Ici ou là, interchangeable et ça j’encaisse pas. Si on n’est pas dans les choses, les lieux, les évènements, les actes de la vie. Où est-on et pourquoi y est-on ? Les arguments économiques ou circonstanciels tendant à expliquer cela sont certes valables, mais pour un temps seulement. Si on ne vit pas maintenant… Quand, alors ?

Whouna me regarde tout en tenant à l’œil ce qui se passe alentour. Il scintille. Je crois qu’il comprend vraiment.

- Alors nous sommes venus au bon endroit. Un piétonnier… un boulevard piétonnier… Cela semble l’endroit parfait.

Il m’enveloppe dans ce sourire si particulier. C’est comme d’être dans les vagues d’une mer chaude et ondoyante.

43.Je ne sais pas ce que Whouna a absorbé de ce que nous avons vu passer devant nous sur ce

boulevard « Piétonnier ». Je ne sais même pas si nous avons vus la même chose au même moment et au même endroit. Les ressentis ne sont jamais identiques et Whouna est… Whouna. Je ne sais pas trop à qui ou à quoi le comparer, il est vraiment unique, je crois. Pas que je ne le sois pas, ni les autres autour de moi, mais… c’est pas le même « unique ». Je fais partie d’un immense groupe composé d’uniques, alors que lui fait partie d’une seule entité unique. Se pourrait-il qu’il se sente seul ?

- Tu te sens seul, Whouna ?

Nous mangeons une excellente glace avec crème à l’avocat, sauce chocolat chaud et crème fraîche dans une Taverne où je n’ai plus mis les pieds depuis bien longtemps. La glace est toujours aussi délicieuse et… calorique. C’est ça qui fait flipper ! Aujourd’hui on voit tout à travers des filtres uniformément acceptés, à tel point que tout ce que l’on fait n’a plus aucune spontanéité, ni le goût de

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la nouveauté ou de l’aventure. Sauf que… Merde aux filtres ! Je prends une grande cuillérée de glace plongée dans l’avocat et le chocolat chaud liquide et la savoure avec un petit gémissement étouffé. Autant pour la conformité ! Whouna scintille littéralement, ce qui ressemble le plus à un fou rire. Je finis par rire tout en avalant la grosse bouchée.

- C’est bon, hein ! J’crois qu’on peut en faire un lieu habituel de plaisir. T’en dis quoi, Whouna ?

- Que c’est une excellente suggestion.- Alors vendu !

Il me regarde avec cette tendresse qui me fait chaud au cœur et à l’âme.

- Je ne me sens pas seul.- Jamais…- Je n’ai pas le souvenir d’avoir senti ce que vous nommez solitude. - Mais… tu n’as pas de semblable…- Vous en avez quelques milliards, cela vous empêche-t-il de vous sentir seuls, isolés

quelquefois ?- C’est vrai ! D’ailleurs on n’est jamais plus seul que dans une foule. - C’est ce que j’ai senti lorsque nous étions dans cette longue rue piétonnière…- Oui, la Rue Neuve…- Celle-là même… il ne semble pas y avoir beaucoup de rapprochement entre vous…- Aucun, en fait… Pourquoi être unique dans un tel groupe de gens, sept milliards d’humains

sur terre, d’après mes mauvais souvenirs, nous rend plus seul ?

Whouna ne répond pas. Nous finissons de déguster nos glaces. Nous allons rentrer bientôt. Nous allons prendre le train. C’est un trajet relativement cours et différent. Je ne sais pas vous, mais les trains me donnent toujours une sensation d’être ailleurs, en partance, en vacances, peut-être  ? Imagerie ? Imaginaire ? Fantasme ? Images de filmo rétro ? Je ne sais pas, mais ça le fait bien.

Nous arrivons à la maison. Whouna est très silencieux. Plutôt méditatif. J’ai l’impression que ce n’est pas seulement ce qu’il a vu aujourd’hui qu’il insère dans sa formidable mémoire, mais plus que cela. Le pouls de l’air du temps ? J’aime quelquefois m’arrêter pour observer le va et vient incessant de ceux qui circulent sur les trottoirs, d’autres lieu, le ballet incessant des véhicules qui forment comme des pièces bigarrées d’un puzzle mouvant et coloré. Mieux que le traçage initial de routes créées par les spécialistes, les voitures et autres transports routiers déterminent ce que sont ces chemins carrossables. Peut-être est-ce cela qui me déplaît tant dans ce piétonnier improbable du centre-ville. Ce qui a été créé pour les véhicules se trouvent aujourd’hui en possession des piétons et deux roues et cela semble incorrect, illégitime, traître. Je n’aime guère marcher là, je me sens usurpatrice. Peut-être cela ira mieux lorsqu’on l’aura totalement transformé en un boulevard, mais j’en doute. C’est viscéral.

Nous sommes dans le hall et le silence qui nous unit nous immobilise, en attente de quelque chose qui doit se dire et s’exprimer. L’aura de Whouna semble détenue dans une non couleur et cela m’étourdit. Je ne sais pas la lire. Il me regarde et sa paume vient enserrer ma joue alors que son aura prend une douce lueur dorée, signe de tendresse et d’attachement à mon égard.

- Ma toute douce Vera… je ne saurais trop te remercier pour cet excellent moment passer en ta compagnie. Tu m’as fait découvrir et sentir une part importante de cet air du temps.

- Tu as pris son pouls comme je le pense, alors ?- C’est une manière de l’exprimer… - Et alors…- Vous vous mouvez vite et énormément, ce qui est propre à votre espèce… vous avez toujours

été des migrateurs avant de devenir des cueilleurs, puis des sédentaires en travaillant la terre et en bâtissant des lieux où vivre avec chaque fois plus de commodités et de facilités, il est vrai. Pourtant… vous semblez n’aller nulle part.

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Je reste statufiée. Nulle part ?

- Comment cela ? Oui, nous allons quelque part, c’est pour ça qu’on a des véhicules et des transports en communs et nos pieds, bien sûr et d’autres… bref, des moyens de transports…

- C’est exact, mais ces destinations ne vous font que bouger, il ne semble vous apporter aucun sentiment de joie, ni de bonheur.

- Ça, c’est clair que les transports en commun ne transportent jamais de joie, mais… Pourquoi veux-tu que cela nous apporte de la joie ou du bonheur ?

- Cela ne le doit pas.- Tu veux dire que le but de tout un chacun est de trouver le bonheur ? OK ! Je sais, c’est ce que

l’on dit… et c’est vrai, j’imagine, mais…- Pourquoi y a-t-il tant de solitude et de désespoir alors que vous vous réunissez en tant de lieux,

partager tant d’espaces et tant d’heures ?

Je regarde Whouna. Je ne comprends pas ce qu’il dit, même si je sens que c’est quelque chose de fondamental.

- Je ne sais pas. Je… j’imagine que c’est pas tout le monde…- Bien trop de monde, il me semble. Vous vous fondez dans une masse mouvante, mais vous

n’en faites jamais partie, vous rester isolé d’une manière impossible. Cela est si… troublant…

Whouna regarde vers l’intérieur. C’est vraiment cela. Je sais qu’il essaie de caser ce qu’il a vu et perçu dans quelque recoin de son être et qu’il ne trouve pas. Je ne sais pas quoi lui dire. Peut-être que je me fond aussi dans la masse sans jamais m’y intégrer, restant au-dehors. Il reporte son regard sur moi. Son aura est brillante. Je soupire en haussant les sourcils. Il a un petit rire.

- Viens, entrons. Je pense Dani prêt à se lancer dans une activité qui ne va pas te plaire, ma très douce petite fille.

- Oh bon sang ! Me dis pas qu’il va remettre ça ? Je lui ai dit qu’il ne doit JAMAIS toucher à la machine à laver ! Si jamais il a transformé mon sweet préféré en une serpillère comme ma jupe, je te le… Allons-y ! C’est quand même pas possible que je foute le camp quelques malheureuses trois heures…

- Sept heures et dix-sept minutes…- Oh hein, on va pas barguigner pour quelques heures, si ? De toute façon, je peux pas toujours

m’occuper de tout, merde !

Deux petits rires se font entendre de quelque part. Glorios et John. Qui rira, rira bien le dernier  ! Un autre petit rire ! Et puis d’ailleurs… Comment se fait-il qu’ils soient à la maison ? Je veux pas le savoir ! C’est dingue que cette maison soit comme un moulin ! On entre, on sort et moi je m’en sors plus du tout ! Je file vers la pièce où se trouve ma très performante machine à laver juste au moment où Dani met en route celle-ci.

- NOOOOOOONNNN ! Oh, merde !

Dani me regarde avec effarement. Qui a dit que la fée du logis était quelqu’un de gentil  et d’enchanteur ? Ben ça c’est lorsque la maison tourne comme il faut, du contraire… allez donc lui faire un petit coucou quand c’est le foutoir audit logis, tiens ! Puis, vous venez me montrez les hématomes que vous avez sur le facies ! Je me laisse aller contre le mur en me passant une main sur le visage. Pourquoi moi, hein, pourquoi ?

- Yo, v ! Tu m’as foutu la chkoumoune ! T’inquiète, chui pas boloss, y’a pas dar, c’est Glo qu’a mis le programme et tout… j’ai juste poussé le bouton de démarrage pendant qu’ils sont dans la cuisine. Ils font un truc pour bâfrer, genre bouffe de fiesta pour toi.

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Je me laisse tomber par terre en glissant lentement. Un CV et un CF (chien fou), ça donne quoi ? Un double C ! Des éclats de rire proviennent de la cuisine. Je crois que j’ai besoin d’un break ! Dani s’assoit près de moi. Il ne dit plus rien. Sa main rampe vers la mienne et demande timidement de s’unir. Je le lui concède.

- Désolé, V ! Je… des fois je fais pas comme il faut…

Je lui presse la main. Cela me touche, c’est juste que… je suis un peu over pour le moment. Trop is te veel, hein !

44.- Vlad ! Quel plaisir de…

Je regarde Mikaïl froncer les sourcils. Nous nous détendons dans le grand hamac placé côté jardin devant mon parterre de fleurs et d’herbe que m’a créé mon voisin, Monsieur Gaston. Le téléphone a sonné et c’est… Je ne sais pas, juste que Mikaïl est passé de l’état d’indolence éveillée à une concentration légèrement crispée. Quant à l’interlocuteur… Vlad… comme Dracula ? Wouh ! En voilà un qu’j’aimerais rencontrer surtout s’il est conforme au protagoniste créé par Jeanine Frost

- Je suis infiniment désolé… Quoi ? Tu sais comment il est… mm… mm… Non ! C’est pratiquement impossible de lui faire entendre raison ! Mm… je sais… Je m’en souviens… Oui, oui ! Mais… mm… mm… Je peux essayer, mais à quoi cela servira-t-il ? Il n’en a jamais fait qu’à sa tête… mm…

Mikaïl se rigidifie.

- Dois-je intervenir en tant que Magister ? Si des vivants sont utilisés…

Il écoute attentivement ce que Vlad lui dit à l’oreille. Il semble que le ton est posé, parce que Mi se détend légèrement.

- Je ne doute nullement de tes recherches en ce domaine. Tu as toujours su t’entourer de valeurs sûres et efficaces…

Mikaïl lève les yeux au ciel.

- Non, Vlad, ce n’est pas de l’ironie, mais je te fais confiance, cependant en tant qu’Analyseur, mon rôle et ma responsabilité est de…

Un flot de mots l’interrompt une nouvelle fois.

- … écoutes, je comprends que cela te soit pénible et détestable, mais il n’a pas de mauvaise intention, il est juste… mm… Oui ! Exactement ! Et tu ne peux pas l’empaler, rappelle-toi que ce genre de pratique n’est plus d’actualité et… VLAD ! Tu n’as jamais été aussi impie qu’on t’a décrit, n’ajoute pas toi-même à cette infecte légende ! Tu te souviens que Nestor et moi-même étions sur place alors et que l’abjection n’était pas seulement de ton fait. Les temps étaient à la guerre… mm… puis-je te donner un conseil ? mm… oui… non… cela servirait à rien sinon qu’à lui donner plus d’importance que cela n’en a en réalité et je suis certain que tu n’aimerais pas être dans les cancans de nos pairs… tu sais qu’ils adorent ce genre de… Oui ! Je le sais, Vlad, mais crois-moi, depuis que je le connais et je puis t’assurer que ce fut depuis pratiquement sa naissance, puisque nous sommes frères de lait, il est resté constant dans sa

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manière d’être, sinon dans sa manière de faire et j’ai bien peur que cela ne reste une… constante… Ecoute-moi, Maître, laisse courir ! Et s’il n’y a pas eu mort d’homme d’après ce que tu me dis… mm… Nestor se lasse vite de ses propres turpitudes, mais soit certain d’une chose, il a pour toi le plus vif intérêt et amitié ! mm… A sa manière, je te l’accorde… Bien ! Je te remercie de ta préoccupation pour les miens. La réciproque est vraie. Je me réjouis de te revoir lors du Rituel…

Mikaïl écarte l’appareil ultra plat de son oreille. Je suis même capable d’entendre les hurlements de Vlad ! Eh bé ! Il est plutôt remonté…

- VLAD ! Calme-toi ! Il l’a sollicité et le vote a été presqu’unanime pour qu’il se charge des préparatifs. Mm… Inutile de t’inquiéter ! Nous allons être… mm… mm… Non ! Tu ne lui envoies pas ta milice privée ! Maintenant, tu vas m’écouter, Vlad ! Nestor a tous les défauts du monde, mais si son sens de l’humour est retors, malvenue et souvent imbécile, il ne mettrait jamais sciemment notre destinée en danger. Il a pour notre Communauté le plus grand respect, même s’il ne le montre pas. Sa loyauté a été constante et présente toujours. Aussi, en ce qui concerne son manque de discernement en ce qui te concerne actuellement et les autres fois, il n’en reste pas moins qu’il est tout à fait habilité à prendre en charge cet évènement.

Il écoute attentivement son interlocuteur.

- Parfait ! Je vois que tu as saisi.

Vlad lui dit encore quelques mots et Mikaïl a ce rire bas qui me fait vibrer. Waouh ! Il est si élégant, même lorsqu’il rit… comment ne pas l’aimer. Il tourne ses yeux verts moi et me sourit. Marshmallow et moi, idem !

- Bien ! Je te laisse le choix de ta riposte. Je ne te conseillerai rien, tu as suffisamment de bon sens. Je te verrai en ces jours essentiels, prieten (ami).

Un flot de paroles en… russe, transylvain, roumain ?... se déverse en un staccato rapide. Mikaïl éclate de rire. Le rire est toujours dans ses magnifiques traits lorsqu’il raccroche. Je soupire intérieurement.

- Nestor… - Oui.- Eh bé, ça promet ! - Comme tu dis, mayama…

Je repose ma tête contre son épaule solide et musclée.

- Je sens que je vais le regretter, mais il a fait quoi au juste pour énerver ton ami ?

Il a un sourire mystérieux.

- Il a envoyé des élèves en arts de combat chez Vlad afin qu’ils le combattent.- Mais… Pourquoi ?- C’est Nestor. Il n’y a pas de… logique.- Mais… c’est dangereux ?- Oui. Cependant, Nestor est Maître d’Illusion et il a eu soin de mettre un dispositif chez ces

jeunes hommes qui les auraient protégés lors de leur combat contre Vlad. De fait, ils n’ont jamais soupçonné qu’ils allaient chez Vlad.

- Et ils étaient consentants pour aller combattre quelqu’un qu’ils ne connaissaient pas, mais qui étaient présentés, sans doute comme quelqu’un d’éminemment dangereux?

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- Il semble que oui. Il s’agissait d’une sorte d’examen ultime pour valoriser leur apprentissage. Une sorte de challenge.

- CV !

Mikaïl rit légèrement et je ris aussi. Nestor me fout une pétoche monstre ! Il est tellement, tellement, tellement… Nestor ! J’ai beau me dire qu’avec son âge il sait se défendre et qu’il a su se préserver depuis tout ce temps avec intelligence, du contraire, il n’aurait pas fait long feu, mais… je n’arrive pas à m’ôter du crâne qu’il doit être protégé de lui-même surtout ! Quel insupportable CV ! Mais… je l’aime un peu comme un fils et ça c’est vraiment flippant à donf ! Et… si JAMAIS il venait à l’idée d’un de mes proches de dire ce que je viens de penser, je te l’occis à coup de poêle à frire ! Et çui qui croit qu’une poêle ça ne peut pas causer de dégâts, c’est qu’il ne cuisine jamais, tiens !

45.Quand on pense que les choses vont mal, on n’imagine pas qu’elles peuvent aller mieux.

Ben… en fait… je ne sais même plus ce que ça veut dire « aller bien » ou « aller mal » ! Je patauge dans la semoule en plein ! J’ai fermé les yeux, mais…

- Bon sang, Glo ! Comment tu as pu aller voir ce… Un Elfe ? Mais enfin, Glo ! Les Elfes sont les pires ! Comment tu peux seulement vouloir rencontrer un Elfe ?

Je hurle et lui, que fait-il ? Il reste impassible, genre statue ! Je dois me calmer. Un Elfe ? Les Elfes et je ne parle pas de ceux qui sont avec Père Noël, non, les autres, ceux qui…

- Tu dois me promettre, Glo, de ne plus t’approcher des Elfes ! Tu ne te rends pas compte…- Si.- Comment ça, « si » ?- Je suis leur père. 

J’ouvre la bouche, la referme.

- Comment ça, père ?- Père ou mère… leur créateur.- Mère ? Tu veux dire, comme avec un bedon durant quelques mois, neuf normalement, puis

accoucher ?- Ce fut sept ans, en fait.- Sept ans de quoi ?- De gestation ?- De gestation ? Sept ans de bedon ? Oh, bon sang !

Je regarde Whouna qui a une aura gris perlé et semble très intéressé par notre discussion. Je vois pas ce qui peut y avoir d’intéressant à une engueulade, mais bon…

- Enceinte ? Tu as été enceinte ?- « Gestation » est plus correct comme terme.

Y va pas me faire des correctifs de vocabulaire en plus, le dentu !

- Peu importe ! Tu es en train de me dire que tu as commis, enfin, je veux dire, créer Les Elfes ?- Oui.

Je regarde Whouna sous forme de point d’interrogation. Il me sourit en confirmant avec la tête. Misère et dégommage de peau! Je me laisse tomber dans la chaise juste à côté de moi, qui

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normalement ne se trouve pas là, mais quelqu’un – et je ne veux pas savoir qui, merci ! – a eu l’extrême obligeance de mettre là… à mon intention, j’imagine !

- Comment c’est possible un truc pareil ?- Ça paraissait une bonne idée, à l’origine.

Glo rougit légèrement. Il s’agenouille devant moi et me prend les mains.

- Je ne crains rien des Elfes.- Et eux de toi ?- Ils seraient bien naïfs s’ils ne me craignaient pas un peu.- Ouais, pas faux. Mais… ils sont très nombreux et ils peuvent te faire du mal.- Je t’accorde que s’ils devaient tous m’attaquer en même temps, il est clair que je ne pourrais

pas m’en sortir indemne. Mais cela ne pourra se faire.- Pourquoi ? Parce que devant son Créateur on la ferme et on n’attaque jamais ?- Ce n’est pas ce que j’insinue. Seulement, ils ne savent pas avec certitude que je suis leur père.- Comment ça ?- Disons qu’ils ne me reconnaissent pas comme tel en me voyant, même s’ils savent que je suis

ce que je suis.

OK ! J’ai pas tout suivi là…

- Attends… tu m’embrouilles pas le ciboulot… s’ils savent que tu es leur père, ils doivent te reconnaître comme tel…

- Pas exactement. Cela signifierait que j’ai été présent dans leur parcours d’existence et ce n’est pas exactement cela.

- T’es quoi alors à leurs yeux ? Un père dénaturé, absent, inexistant ?- Un père basique qui leur a donné une aptitude afin de s’implanter ailleurs et de se créer et

recréer selon leurs propres critères et décisions.- Le libre arbitre ?- C’est un peu cela.- Tu les as abandonnés à leur chance ?

Glorios me regarde et j’ai soudain l’impression qu’il change d’envergure.

- Je… désolée, c’est juste que je veux comprendre, c’était dit sans offense… tu es une personne fiable et j’ai pleine confiance en toi, tu es tout pour moi en étant toi. Ici… je veux comprendre…

- J’ai été présent, mais pas de près.- Oh ! Tu es leur Gardien ? Si c’est le terme…- Patriarche serait plus proche… Je les tiens à l’œil en quelque sorte, mais je n’interfère que très

peu.- Ah oui, dakodac, je comprends…

Bien sûr ! C’est tellement Glorios, ça. Mais…

- Ils ne te feront rien non plus, yamanahe, ma félidée, jamais.

Je pose mon front sur son épaule, un appel d’air et je me retrouve dans son giron. Nous sommes seuls dans le séjour.

- Je ne comprends pas quelque chose, mayame…- Quoi ?

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- Tu as adoré Legolas et les autres Elfes dans les Seigneurs des Anneaux ?- Oui.- Alors ?- Ben, c’est un film, magique, quoi… mais… j’ai lu des trucs sur eux et… en fait… ils sont si

sanguinaires… si… en fait… tu feras attention.- Toujours, ma félidée, toujours…- Bien…

Je frotte ma joue contre son torse, son épaule. Il a toujours des sweet-shirt ou des chemises, voire des pulls dans des matières douces, moelleuses, si agréables au toucher. Pour un peu, je resterais scotché à lui tout le temps.

- Tu le peux si tu le veux, mayame…- Mouais… C’est comment sept ans de gestation ?- C’est long, très long.- Wep ! Pourquoi c’est toi qui a été le père des Elfes ?

Je sens qu’il réfléchit. J’imagine que ce chapitre de son existence doit remonter aux calendes grecques. Déjà moi on me demanderait comment c’était à mes cinq ans et je suis dans la panade temporelle pour un bout de temps, alors lui…

- J’étais le plus idoine à ce moment-là. Les autres natures et espèces d’alors n’auraient pu porter cette nature jusqu’à l’émergence de celle-ci dans ces dimensions temporelles et spatiales.

- Mais… t’as toujours été un… mâle ou bien t’as été ou t’es hermaphrodite ?

J’entends un grand boum suivi d’un grognement de douleur quelque part dans la maison. Ben voilà c’que c’est qu’d’écouter des conversations qui sont privés, on finit par se faire bobo ! Bien fait pour ta pomme ! Et voilà ! Y’a un bitu qui se marre à donf ! J’vous jur’ ! Et dire qu’on a même fait une loi pour la vie privée et la privacité et moi j’ai un esprit qu’est pire qu’un moulin où tout le monde a accès ou presque ! Je sens le torse de Glorios gondoler sous ma joue. Ça m’aurait étonné, tiens !

- Je suis mâle dans ma nature essentielle.- Tu veux dire depuis le départ.- Cela même.- OK ! Mais… t’as quand même été en cloque… je ne vois pas comment…- Une de mes natures qui n’existe plus, la nature Bengaroush, avait la particularité de pouvoir

engendrer que l’on soit mâle ou femelle. Disons que selon les circonstances, le mâle ou la femelle décidait de porter la progéniture.

- Ben c’est plutôt top… Pourquoi ce n’est pas devenu une potentialité pour d’autres espèces alors ?

- Il n’y a pas de réponse que je puisse te donner à cette question. - Tu veux dire que c’est comme « les desseins de Dieu sont impénétrables » ?- Je n’irai pas jusque-là, d’autant que cette phrase a été dite par un être humain, selon toute

vraisemblance. Hors en ce qui concerne les fonctionnements des Univers spatiaux/temporels, tout est lié à des structures qui ont des logiques qui se complémentent ou pas. Tout est un subtil agencement qui permet l’une ou l’autre chose.

- Une alchimie universelle ?- En plus élaboré, sans doute. Les explications sont foisons et toutes peuvent avoir une

application dans ces structures universelles ou pas.- Je sais maintenant pourquoi j’ai pas opté pour des études scientifiques, c’est trop compliqué

pour ma p’tit tête…

Glorios me serre contre lui en riant doucement. Je m’installe plus commodément.

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- Tu crois que je deviens acariâtre ?- J’ai connu pire…

Un autre boum suivi d’un juron se fait entendre quelque part. Quoi ? Au moins il est honnête et puis… si vous croyez que je ne sais pas comment je suis actuellement, c’est que vous me croyez inconsciente et ça, même pas en rêve ?

- Tu vas pouvoir assumer ça, amor mio?- Je t’aime, ma félidée, yamanahe…- Moi aussi…- Alors cela pourrait le faire…- Eh ! Ça c’est moi qui dis !

Il a un autre rire. Je ris aussi. Je débloque un peu beaucoup dernièrement.

- Tu es épuisée. - Oui. Ne t’inquiète plus maintenant… je te tiens…- Je sais…

Je frotte ma joue sur son sweet. Je dois faire attention avec l’adoucissant, c’est tellement, tellement… tellement… Black-Out !

46.Si je pouvais trouver un détecteur de mensonges portable, j’en acquerrai un tout de suite.

Depuis deux jours, ils ont tous un air de deux airs, voire de trois et je sais qu’ils mentent tous. Enfin, à part Whouna, Dani et… OK ! Ils ne mentent pas tous, mais PRESQUE tous ! Oh, hein ! Personne chipote dans mes contradictions et mes ambiguïtés, déjà que moi c’est limite over ! Bon ! Et leurs demander… J’ai bien essayé, faut pas croire ! Mais vous connaissez le genre de réponse qu’on reçoit :

«  - Non, non, tout va bien !- Ah bon, tu crois ? Ah, j’ai rien vu… - Tu crois qu’il se passe quoi ? Allez, relax ! Si jamais il se passait quelque chose, tu penses, je

serais le premier à te le dire ! »

Ouais, c’est ça et si tu ne crois pas cette dernière, je t’en sors une autre. Je peux toujours me dire : qui vivra verra ! Si je dois le savoir, je finirai par le savoir, si…

- Euh, V…- Quoi ?- T’arrêterais pas de touiller la pâte, j’crois qu’elle commence à avoir la nausée !

Petit Morveux ! Une pâte ça se touille à l’infini, au plus c’est touillé au mieux c’est ! Quoi que… il a peut-être raison. Je fais quoi de bon ? Pourquoi, vous voulez vous inviter à ma table ? Vous pouvez, mais je ne fais pas cuisine ouverte non plus ! Désolé ! Je suis un peu énervée ! Oui, JE SAIS ! C’est comme ça dans tous les chapitres ou presque ! Et alors ? Vous pouvez me dire combien de fois vous râler dans l’année ? Non ? Ben moi oui, au moins 70 chapitres ! Qui dit mieux ? Wouh ! Je suis flippante à donf ! Heure de préparer des crêpes. Je ne sais pas vous, mais les crêpes ça détend. Le fait que cela cuise si vite, qu’elles ne doivent pas être ni trop mince ni trop grosse, qu’elle soit moelleuse, mais pas trop molle. Bref, il faut du doigté, de la dextérité, de la maestria et surtout un bon dosage. Merde ! J’ai raté la première… mais… si vous êtes de vrais cuisiniers de crêpe, la première est pratiquement toujours ratée, c’est presqu’une institution dans le domaine des crêpes.

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- J’peux l’avoir, V ?- Sûr, vas-y et tu m’dis si c’est bon…- Ben toujours, V. C’est super hype de les boulotter, V !- Petit malin ! Allez, mange !

Il happe la crêpe difforme et l’engloutit en deux, trois coups de dents en se pourléchant les commissures des lèvres. Je continue à les cuire avec dextérité. Le coup de poignet lié à la juste mesure de beurre placé dans la poêle et la bonne température pour faire fondre celui-ci me fait rapidement empiler quelques crêpes sur l’assiette chauffée grâce au bain marie. Dani ne quitte pas le plat des yeux comme s’il avait peur qu’il disparaisse dans un trou noir. Je devrais lui demander des choses, genre  : « Les études, ça va ? Tu penses réussir ton année en rattrapant ton retard ? T’as une idée de ce que tu veux faire plus tard ? Ce n’est pas trop dur de t’occuper de Whouna ? » Non ! Pas cette question-là ! C’est clair qu’ils sont plus que complices et heureux de passer du temps ensemble. Ils sont compatibles, quoi ! « Tu arrives à ne pas hacker ? » Non ! Pas celle-là non plus ! «  L’arrangement entre ton kot d’étudiant et ici te convient ? » Non ! Si ce n’était pas le cas il ne f’rait pas ici comme chez lui. «  Tu vas bien ? »

- Euh… Ça va, Dani ?- Wep ! Ca s’passe crème, archi dar ! - Et avec Whouna ?- Au début, j’le calculais pas trop! Puis, c’est archi dar, oufissime avec lui. J’crois que c’est

mon bestah main’nant ! Je le kiffe à donf !

J’ai rien compris. Il paraît qu’on peut apprendre à parler jeune. Ça veut dire qu’on peut aussi apprendre à parler vieux ? Si c’est le cas, ça donne quoi ? Et moi dans tout ça, je suis dans le moyennement jeune ou le moyennement vieux et il y a un langue pour les «  moyens » âges ? Je regarde la pile. Encore.

- Qu’est-ce qui n’allait pas avec le calcul et Whouna ?- J’te capte pas, V ?

Il place trois crêpes sur son assiette et les inonde avec du Nutella. J’aime pas  ! Enfin, le Nutella, les crêpes, oui. Il les englouti comme s’il n’avait rien mangé depuis plusieurs jours. Bon, c’est bien aussi.

- Tu captes pas quoi, Dani ?- L’calcul avec Whouna ?- T’as dit que…

J’entends un éclat de rire quelque part dans la maison. Encore un CV qui se la pète ! Très drôle ? Pourquoi Dani me regarde comme ça ?

- T’as compté combien j’ai fait de crêpes ?- Vingt-sept.- OK ! Je vais faire cinquante-sept ! J’crois que c’est assez… C’est bon ?- Wep, V ! - Donc, le calcul…- C’est pour dire qu’au début je n’arrivais pas à l’encadrer, tu captes ?- Ah d’accord ! OK ! Donc, tout va bien avec Whouna.- Hype dar, V !- Tant mieux. Et toi… tu vas bien ?

Il empile trois autres crêpes sur l’assiette et jette trois grosses cuillérées de sucre brun. Il les enroule et porte le rouleau à ses lèvres. Il mâche puissamment, appréciant visiblement ce qu’il mange.

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- Te bade pas, V ! Je suis archi dar ! - Tant mieux. Tu me dirais si t’allais pas « archi dar » ?- Pas b’soin, tu l’veras tout d’suite !- Peut-être, mais… tu me le dirais ?

Il avale la dernière grosse bouchée et me regarde fixement. Il s’approche de moi et me prend contre lui. Il me serre très fort, puis me relâche aussitôt. Je soulève la poêle évitant de peu de brûler le beurre.

- Te bade pas, V !

Il empile trois autres crêpes qu’il badigeonne de beurre.

- J’en suis à combien, là ?- Quarante-sept, V !- OK !

Chocolat chaud ou café/thé pour tous ?

- Chocolat chaud, mon aimée. Je m’en occupe.

Je regarde la grande table. Elle est dressée et tous sont assis autour attendant que je finisse de cuisiner. Il faut vraiment que je me concentre. Il se passe des tas de choses autour de moi sans que je m’en aperçoive. Combien d’évènements et de circonstances arrivent auxquelles je ne prête pratiquement aucune attention ? Je passe outre tant de choses dans ma vie ? 47.

- Tente-le encore une fois, Vera…- On a déjà essayé au moins dix-sept fois…- Vingt-sept, en fait…

Dariana me fait répéter afin que je puisse cloisonner mes pensées et… devinez ! J’y arrive pas ! Je ne sais pas pourquoi ! J’ai l’impression que je le fais, mais… c’est comme les fuites dans un tuyau… on a beau cherchez on ne la voit jamais, il faut mettre le tuyau dans de l’eau et là on le voit  ! Mais je ne peux pas me mettre sous eau, histoire que mon cerveau n’ait pas de fuite  ! Et un autre éclat de rire quelque part dans la maison. Heureuse que quelqu’un ou quelques-uns trouve cela drôle, parce que moi, ça me … ça me… ça me…

- Non, non ! Désolé, mon aimée ! On va y arriver, mayame…

ET voilà, pour parfaire l’image pathétique que j’ai depuis quelques temps, les grandes eaux ! C’est sans doute…

- Tu es épuisée, yamanahe et on le serait à moins… je vais rester auprès de toi et me connecter à l’aire de ton cerveau où tes pensées se construisent…

Je renifle en regardant Mikaïl de travers. De travers, parce que j’ai les yeux plein de larmes…

- Tu peux faire ça ?- Oui. Si cela ne t’importune d’aucune façon, Dariana…- Je pense que c’est une excellente idée…- Je te remercie. Reste contre moi.

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Mikaïl me place deux doigts contre ma tempe et je sens une onde entrer en moi lentement. Cela voyage sans s’attarder jusqu’à je le sente comme si c’était moi. L’union d’esprit ?

- Voilà… Essaie à nouveau, mon aimée…

Je me redresse un peu, mais il me ramène contre lui. Je me distrais un instant, jusqu’à ce que je perde un peu le contact des choses physiques autour de moi, pour mieux m’ancrer dans mes pensées. Je n’ai aucune idée, sauf que je songe à quelque chose. Seule mon ouïe est en alerte, mais je n’entends rien, contrairement aux essais antérieurs. Je pousse plus avant avec des idées que je mets sciemment en phrases, mais il n’y a aucune réaction par l’ouïe. Je reste immergée dans mes pensées plus profondément et… rien ! Je ne sens même pas la présence mentale de Mikaïl, là, même si je la sais proche, mais pas suffisamment pour qu’elle puisse s’immiscer dans cette sphère particulière. J’éclate de rire intérieurement et extérieurement et j’ouvre les yeux. Ils sont tous là autour de moi avec d’immenses sourires. Dani qui lève ses pouces, Whouna qui resplendit dans son aura de blancheur éclatante, Glorios qui a ce petit sourire qui m’attire irrésistiblement et Aaron qui nous regarde alternativement avec tantôt un sentiment d’amour fraternel à mon encontre et amoureux vis-à-vis de sa compagne Dariana, tout mon petit monde se réjouit pour moi. Je perçois un filament de pensée s’insérer délicatement dans cette aire particulière de mon esprit. Dariana. Elle me fait une sorte de révérence mentale à laquelle je réponds avant qu’elle ne se retire. Mikaïl me serre dans ses bras, tout en se retirant de mon esprit. Je plonge mon nez contre sa chemise et cette senteur d’ambre noire qu’il porte comme lotion.

- J’y suis arrivé ?- Oui. - Tant mieux ! Je pense quoi, là ?

« Ces CV sont super sexy et j’adorerais être au pieu avec eux, maintenant, pour leurs faire pleins de trucs super hype avec pleins d’orgasmes ! » Mikaïl me regarde, ainsi que tous les autres. Leur expression ne change pas. Bon signe ?

- Je n’ai rien sais, mon aimée. Et toi, Glorios ?- Non plus.- Waouh !

Je me détache du torse tiède de mon amour. Je check cinq avec Dariana en criant un « y-ah » à plein poumon. Glorios éclate de rire. Deux secondes plus tard, on est dans la véranda y deux bouteilles de champagne arrive avec Mikaïl plus souriant que jamais.

48.Gina, ma chef de service, m’a tenu la jambe pendant trois-quarts d’heure juste avant la fin de

ma demi-journée laborieuse, parce qu’Aaron est parti « trop vite », « pas assez de connaissances sur le sujet », « un élément très professionnel et un atout dans le monde du travail », « une personne tellement charismatique » et j’en passe des pires ! Il l’a hypnotisée ou quoi ? Le pire… hier, quand elle a mis une minijupe. J’ai rien contre, mais quand on a des guibolles aussi maigres que des bâtons de chaise, on évite ! Heureusement… demain week-end avec deux jours de plus… un rab nécessaire ! J’ai besoin de… lâcher du lest ! La seule chose qui me donne du baume au cœur, Dariana et Aaron ont réussi à se mettre au diapason. Ils filent presque le parfait amour et… sans charre, j’ai l’impression d’avoir été un peu l’instigatrice. L’air de rien, discretos et tout ça. Heure de rentrer au bercail. J’ai l’impression de tourner en roue libre. Je sais juste que mon bureau n’est plus le nec plus ultra, mais… je crois que cela le redeviendra. J’ai besoin de routine, d’habitudes, de normalité. Pas vous ? Croyez-moi, vivre des trucs hors du commun, c’est vraiment pas ça ! Avant je n’aspirais pas trop à sortir de l’ordinaire, si j’avais des extras, OK, mais pas plus. Et là… J’imagine que pour les Outre-Vivant, tout

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ça, c’est de la bibine archi habituelle, la base du quotidien. Moi, je sature. Je vais vous dire… c’est pas pour rien que les Dieux, les Outre-Vivant soient considérés comme des légendes, des histoires à dormir debout, parce qu’en vrai, ils sont invivables littéralement. Je ne dis pas que ça n’a pas son charme et qu’on peut même se sentir émerveillé, mais après un petit moment c’est… wouh ! D’ailleurs, les super héros ou héroïnes, ils sont jamais tout à fait humain, c’est bien que leur routine c’est pas fait pour notre gabarit de petit vivant avec date de péremption limitée à moins d’un siècle. Faut avoir du corps en plus et les super héros qui en ont doivent s’exercer tout le temps, histoire de tenir la route et de suivre. De là que je me sente comme si j’avais au moins septante balais et encore, j’en connais qui sont plus fringants que moi. Mais… hé, hein… que ça reste entre nous. Aucune envie de me mettre au sport performant, diète ad hoc et tous ces trucs qui te plombent le moral et tes journées. So… ben, finalement, chui pas trop mal comme je suis. Juste… j’dois relativiser, sûr !

Bon, plus que dix minutes pour être at home. J’ai hâte d’y arriver. L’après, c’est transat à tous les étages. Fais un jour mi-figue, mi-raisin avec un chouïa de barbe à pa pa duveteux lambda, bref un bon jour Made in Belgium ! Je me gare dans l’allée qui mène à mon garage investi par une nouvelle trouvaille carrossable de Mikaïl. Vu la discussion animée qu’il a eu avec Glorios, alpaguant au passage Whouna qui, en honneur de sa quête d’être dans l’air du temps, a décidé qu’il devait « étudier de plus près ce qui semble être un moyen de locomotion très prisé de vos jours  ». Sûr, l’étude des bagnoles ça va sûrement lui donner une idée très intéressante de notre époque ! OK ! Je suis partiale, mais les voitures sont pour moi une carrosserie, des roues, un moteur et fouette cocher  ! Dès que j’entre dans le couloir, j’entends des cris de… Mikaïl ? Oh, bon sang ! Encore un coup de Nestor. Qu’est-ce qu’il a bien pu encore inventer ? A moins que… Wep ! Ça doit être l’histoire avec les mecs qui sont allés se battre avec Vlad. Je file vers le séjour où j’ai de la peine à entrer dans le séjour tant les vagues de tension et de rage compriment l’air de Mi. Je reste sur le pas de la porte. Un coup de sang est-il possible chez les V ? Pourquoi est-ce qu’on est toujours emmerdés par les autres ? Ah oui, j’oubliais… «  L’enfer, c’est les autres » ou quelque chose comme ça. Merci, M’sieur Sartre !

- Non ! Mais tu es totalement inconscient ou juste un idiot maladif ?

Je sursaute. Il est déchainé et si ce que disait ma abuela est vrai «  Hablando se entiende uno » «  En parlant on finit par s’entendre ». Oui, mais… se comprendre ?

- TU AS PENSE ? Depuis quand penses-tu ? Et ne vaudrait-il pas mieux que tu arrêtes de penser pour le bien des nôtres, de l’Humanité entière, même et de tout l’Univers, si ça se trouve ? Tu es le pire des…

- NON !

Je m’avance vélocement vers Mi. Certains mots ne devraient jamais se dire, surtout lorsqu’il y a de l’amour entre deux personnes ou plus. Des mots sont comme des lances mortelles qui détruisent la base de toute relation lorsqu’ils sont usés dans certaines circonstances et j’aime trop Mi pour le laisser se saborder lui-même comme cela. Nestor est… Nestor, mais il est l’autre part d’âme de qui est Mi. Il me regarde. Son visage est un masque de violence réprimée, de rage impuissante, d’indicible souffrance.

- Non ! S’il te plaît…

Glorios est prêt de moi. Mi inspire profondément, prenant sur lui avec difficulté. Je tremble incoerciblement. J’entends Nestor hurler dans le combiné. Mi reprends le petit rectangle glacé et le porte à son oreille.

- Nestor… Tu dois cesser les bêtises. Les choses n’ont pas tourné court et de manière tragique dans ce cas-ci, mais cela aurait pu…

Il écoute Nestor hurler de l’autre côté de la communication.

- Ah oui ? As-tu oublié de ce que nous sommes capables ?

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Il serre les lèvres avec violence, se contenant avec peine.

- Comment oses-tu invoquer le pacte que Vlad a fait pour justifier l’inqualifiable stupidité dont tu as fait preuve ?

Nestor hurle de plus belle, alors que Mikaïl se rigidifie plus encore. Un pacte ? Avec un démon ? Mais les démons n’existent pas, hein ?

- Seulement les intérieurs, ma félidée.- Intérieurs ?- Oui, comme démons intérieurs.- Donc les anges n’existent pas…- Je ne dirai pas cela, mayame…- Mais s’il existe des anges, alors les démons…- Pas forcément. C’est compliqué.- Et le pacte de Vlad…

Je sens Glorios hésiter à me répondre. Je m’en veux de…

- Non… ne le dis pas, ma félidée. Disons que Vlad a fait un pacte avec lui-même de ne pas s’en prendre à plus faible que soi, sauf en cas de danger potentiel pour lui-même.

- Je vois.

Que dalle, mais depuis le temps que je n’y pige que dalle, on ne va pas en faire tout un formage, hein. Ceci dit… je peux comprendre un peu… les V peuvent être très… forts, puissants, non ?

- Un peu comme un châtiment perso pour avoir été ce qu’il a été…- Expiation ? Très humain. Pas faux ! Cependant…- C’est compliqué, c’est ça ?- Précisément.

Mikaïl pousse un rugissement terrorisant. Je tressaille violemment.

- Non ! Je sais qui est Vlad. Il est de loin la personne la plus maîtrisée que je connaisse, mais il est aussi un vampire et le plus aguerri et émérites. QUOI ?

Il écoute le flot véhément que Nestor déverse comme une rafale de balles dans son conduit auditif. Glorios me prend contre lui et m’entraîne doucement ailleurs.

- Nous ne devrions pas rester avec Mi…- Pourquoi faire ? Ces deux-là peuvent avoir des discussions telles que celle-ci pendant des

jours si cela leurs chante.- Des jours ?- Oui. C’était… il y a quelques siècles maintenant. Dix-sept jours… Nous avions dû faire appel

à Crisold pour venir mettre un terme à la… discussion. - Il a pu en venir à bout ?- Tu connais Crisold, yamanahe. Que t’en semble ?- J’imagine qu’il a réussi.- Bingo !- Oh, bon sang ! Je ne vais pas le supporter et si on doit demander à Crisold qui est aux

Caraïbes avec Ranita, on devra donc attendre…

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- Peut-être pas finalement…

On entend un hurlement qui me fait blêmir. Il ne va pas devenir comme un vampire, les canines, les ongles super longues et… On entend quelque chose se briser contre le mur. Encore un mobile à la casse. OK ! Ils ont les moyens, mais est-ce une raison pour taper sur mes pauvres murs qui en ont vu bien d’autres, mais tout de même ? On entend d’autres grommellements dans une langue gutturale qui ne me dit rien. Il y a beaucoup de « k » et de « p ». Glorios a un petit sourire qu’il a du mal à réprimer. Il est au bord du fou rire.

- Dommage pour toi, ma félidée, mais ce n’est pas encore aujourd’hui que tu verras le mauvais profil de Mikaïl !

Je regarde Glorios qui rit silencieusement. CV ! Mikaïl apparaît en tirant sur ses poignets. Il a l’air calme, mais il ne regarde rien, ni personne, totalement concentré sur ce qu’il fait. Je m’approche de lui lentement. Il relève les yeux et me regarde fixement. Son regard est immobile comme coincé sur quelque chose qu’il est le seul à voir. Glorios s’adosse au mur dans une pose qu’il affectionne particulièrement, les chevilles croisées élégamment.

- Je vais bien, mon aimée…- Oui comme après une grosse colère contre un Nestor !- Oui… viens là, mayame.

Je me fonds dans une étreinte tendre. Je soupire.

- Tu crois que c’est une bonne idée qu’il s’occupe du Rituel de Régénérescence. - La meilleure, dans la mesure qu’il excelle dans ce genre d’évènements.- C’est vrai ! Il est la coqueluche des Outre-Vivant, ma félidée. Tout le monde serait très déçu

s’il n’était pas aux commandes.- Et il y a une limitation de vitesse et une amende pour conduite imprudente ?

Mikaïl a un rire sourd et je me détends contre lui. Si je n’aimais pas Nestor comme un des miens, je crois que je pourrais l’étrangler de mes propres mains ! CV !

49.Je suis partie plus tôt du travail. Le jour est fade, humide, gris, pluvieux et triste. Bref, la

panoplie parfaite pour s’offrir un bon p’tit coup de blues. Ma boss directe, que je n’ose plus appeler Gina tant elle a repris son air revêche de « chef qui est surbookée et qui n’a aucune aide des autres pour mener à bien sa si lourde tâche », est la candidate parfaite pour ce temps-ci. Il parait qu’il va y avoir des « éclaircies ». C’est toujours ce qui se dit, puis c’est la bérézina grisâtre et la soupe aux zombis habituels qui nous tombent dessus ! Parlez d’un climat agréable ! Quand je vois ma chef, je me dis que le passage d’Aaron a tout aussi bien pu être un rêve éveillé.

Le trajet vers mon foyer est fluide et calme, un peu assoupi ou absent. On sent que les gens se traînent plus par habitude que par envie. De la lassitude ambulante à tous les étages ! J’apprécie. Quoi, mes paroles donnent pas ce son de cloche ? Et alors ? Je peux très bien déplorer le climat ambiant tout en m’y sentant à l’aise. Pour une fois qu’il fait calmos, moi je suis partante à donf ! Parfaitement ! Je me gare devant la maison. La façade devrait être repeinte ou du moins rafraichie. Tous les «  x » mois, je me dis la même chose et tous les « x » mois y’a des stuut qui me tombent sur le paletot et vogue la galère ! J’aurais pu faire un vœu à la fin de l’année, il paraît que cela se fait, sauf qu’à ce moment-là, je n’y ai pas pensé. Quand on est ici et là et partout, on ne pense pas à se mettre une obligation de plus sur le dos, à moins d’être affairiste, hyperactif, maso ou les trois ne même temps. Allez savoir…

Je rentre dans la maison. Jusqu’ici, RAS ! Si c’était possible j’aimerais que la grisaille ambiante continue un chouïa dans ma vie. Le brouillard, ça a aussi son charme, je vous assure. D’ailleurs on dit bien « brouillard artistique », hein ? Ben voilà, je veux un brouillard artistique qui

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jongle dans l’inspiration « arrêt sur image », « pause », « temps arrêté »… Vous captez ? Ben ça, quoi ! Salon ? RAS. Séjour ? RAS. Cuisine ? RAS. Véranda côté rue ? RAS. Et ça c’est quoi ? On dirait… Un aboiement ? Bon sang ! Me dîtes pas qu’ils ont amené un cabot à la maison ? Manquait plus que ça ! Je file dare-dare dans la véranda côté jardin et là… Je fais un arrêt temporel, genre «  je ne peux pas le croire » Qu’est-ce que je disais…un cabot ? Y’en a plein. Y’a en fait… plein de… beauceron ? Oh, bon sang ! Ils sont… Aaron est au fond de la véranda et me regarde fixement. Je lui fais un petit geste de la main. Dariana est près de lui. Je crois qu’il y a d’autres là, mais…

- Oh… comme ils sont beaux ! Je ne sais pas ce que vous avez dans le ciboulot, va falloir vous faire faire des lobotomies en masse pour essayer de connecter deux idées avec bon sens copié/collé autour… Comment vous voulez qu’j’fasse avec tant de… Oh, oooouuiiiiiiii, que t’es beau, mon joli, tout, tout, tout beau… Viens là ! Quels yeux… on voit que t’es un doux toi… c’est bon là, hein, derrière les oreilles, j’ai essayé sur moi et ça fait du bien, mais pas autant que chez toi, hein, mon lapin… et toi… viens ici ma beauté…

Les beaucerons viennent et m’entourent. Je continue à « gagatiser » tout en frottant les dos musclés au poil si soyeux, les oreilles, les crânes et je ris. Oui. Je ris comme disait l’autre, l’ami Beaumarchais : « Je m’empresse de rire de tout de peur d’être obligé d’en pleurer. » Aaron vient près de moi.

- Ma dame, Vera…

Je me tourne vers Aaron.

- Aaron… C’est de toi, cette surprise ?- De nous tous…

Je regarde les visages vaguement amusés de Mikaïl, de Dani, de Dariana et de Whouna. Glorios est franchement hilare, ce qui me mets la puce à l’oreille. Attendez, là ! Ne me dîtes pas…

- Il y a combien de beaucerons, au juste ?- Dix-sept…- Dix-sept… Tu connais le dicton qui dit : «  le ridicule ne tue pas » ?- Je… oui, mais…- Ben je suis la preuve vivante et confirmé de cet adage !- Non ! Jamais, ma douce… ils désiraient te faire une surprise, quelque chose qui te plairait

vraiment…ils savaient pour ton amour vis-à-vis de ton chien et ils ont voulu devenir beauceron pour toi, juste un instant, pour te remercier de ce que tu as fait pour eux…

- Je ne l’ai pas fait pour recevoir…- Nous le savons, ma dame, petite sœur…

Aaron me prend contre lui. Pourquoi je n’arrive jamais à aligner deux idées cohérentes ensemble  ? Il me berce doucement contre lui. Aaron est si tendre, si doux… c’est le frère que j’aurais aimé avoir. Les beaucerons viennent nous rejoindre et nous entourent comme une vraie meute. Je les regarde à travers mes cils mouillés. Ils me poussent un peu avec leur museau. Je laisse tomber une main le long de ma hanche et chacun vient pousser celle-ci de manière à ce que la paume vienne se placer un instant sur leur crâne. Je laisse glisser mes doigts sur la chatoyante fourrure au fur à mesure qu’il passe et repasse les uns après les autres sous ma main. Ils restent un instant assis me regardant avec ces yeux si chaud, du chocolat fondu et je sens le nœud qui m’obstruait la gorge se défaire et disparaître. Un à un, ils me font une sorte de salut canin, puis sortent de la pièce. Aaron se déprend de moi doucement.

- Nous revenons…

Mikaïl me prend contre lui, je sens Glorios m’étreindre aussi. John me fait un signe de la main, puis me sourit d’un air lupin. Whouna resplendit littéralement. Je vois à son air qu’il aime ce qu’il expérimente et je m’en réjouis. Dani se frotte la tignasse avec fureur.

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- Wep ! Sûr qu’j’peux pas faire une photo, juste pour…- Non, Daniel ! Pas de photo !

Glorios a soufflé les mots et Dani fait une horrible moue d’enfant gâté. D’ailleurs… Il n’était pas en blocus ?

- Si, mon aimée, mais c’est exceptionnel. Juste pour la fête que nous t’avons concocté.- Et y’aura encore une surprise ?- Ben, ma félidée, une fête sans surprise, ce n’est pas une fête, si ?- C’est bien ce que je pensais. Y’a à boire et à manger ?- Toujours, mayame.- OK ! C’est déjà ça !

Lorsque nous rejoignons la véranda côté jardin, ils sont tous là. Je me sens encore un peu gênée, mais ils sont tous si gentils et aimables avec moi que je me détends. Ils ont aussi l’air discret, comme s’ils ne voulaient pas trop en faire ou trop la ramener. Très vite nous adoptons une vitesse de croisières grâce au verre de l’amitié, pour ainsi le dire. Je parle à chacun d’eux en privé ou en groupe et si je serais bien en peine de me rappeler tous les propos échangés au moment même, je me sens de plus en plus détendue. Les rires fusent et bientôt ils décident de jouer à un jeu de société. Je me dis alors : « oh bon sang, pas encore un de ces jeux débiles faits supposément pour détendre une ambiance déjà détendue ! » Je n’aurais pas dû m’inquiéter, leur jeu est encore plus débile que ceux auxquelles j’ai dû participer lors de certaines réunions amicales ou familiales, des fois les deux mélangées. Ils ont commencé par définir trois groupes et par nommer un arbitre « pour les incidents fâcheux pouvant se produire », dixit John qui m’explique au fur et à mesure. Je regarde ma chère véranda ! Oh non, alors ! Pas encore. Mais John me rassure, il s’agit surtout d’empêcher les tricheries qui sont très courants dans cette sorte de jeu. Ça ne me rassure pas du tout. Puis, Aaron, l’arbitre, explique les principes de base et alors… c’est le DE-LI-RE ! Le défi est de faire le plus de métamorphoses en des temps record. Le groupe qui aura fait le plus de métamorphoses, mais avec une difficulté ajoutée, que les transformations soient des plus originales, aura gagné. Pour arbitrer l’originalité, ils ont demandé à Whouna de trancher, aidé par les opuscules qui sont apparus depuis le début des festivités. D’après Whouna, ce sont des grands spécialistes de ces jeux très prisés chez les Métamorphes. Whouna a un sourire ravi durant tout le jeu, quant à moi, j’ai abandonné toute tentative de refermer ma bouche. Je ne sais pas combien de transformations ils font, mais je suis à chaque fois ébahie. Glorios encourage vivement l’une ou l’autre équipe et moi je bois une gorgée du liquide pétillant, histoire d’humidifier ma cavité buccale qui prend de trop grands airs. Quand un des invités se change en un arc-en-ciel miniature, je pousse un grand cri de joie qui fait rire tout le monde. Du coup, je passe l’heure suivante à être supporter de cette équipe qui finit par gagner haut la main.

Deux heures plus tard, après un nombre incalculable de toasts portés en l’honneur de-ci ou de ça – coutume dont ils sont très friands, toujours d’après mon informateur attitré, John - je me sens légèrement, très légèrement pompette. On a ouvert du champagne, du vin, du Cava, du champagne et… je me sens… pompette. C’est très drôle et puis ça flotte un peu comme-ci, comme ça, mais c’est… grisant ! Wouh ! J’ai pas la tête en face des trous… euh… les trous en face des yeux… On a mis les chaises de côtés et retirer la table… y’a d’l’espace et on va danser. Pourquoi on va danser,  ça danse déjà tout seul ? Tous ils ont l’air de bouger… c’est comme sur un bateau… ivre… Wouh ! C’est drôle… Encore une p’tit gorgée… même Whouna il danse… je savais pas que les Whouna savaient danser ? Bon… la mer primordiale… la mer elle danse aussi ou ça tangue… Wouh ! J’aime bien danser. Pourquoi je vais jamais dans une dimension où y’a qu’d’la danse ? Doit bien exister un truc pareil dans l’Univers, hein ? D’ailleurs dans l’Univers ça danse aussi, quand y’a des pluies d’étoiles, ça danse, non ? Encore une larmichette pour avoir un meilleur angle pour danser… Si ça valse trop d’un côté ou de l’autre, c’est pas assez harmonique… Oupsy ! Ya le mur qu’a failli me rentrer dedans. Il est p’t’êt fâché parce qu’j’ai pas encore peint comme il fallait… Ben, p’tit mur, faut pas êt fâché avec moiaaaaa… c’est jusqu’qu’j’ai pas eu trop l’temps, mais j’y pense quand je danse pas, faut qu’tu m’crois gentil mur8 Encore une larmichette pour convainc’ l’ptit mur que…

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- Oh la, ma féline… je crois que tu en as assez bu comme cela…- Ben, euh… non, M’sieur Lobos… t’as pas croquer Chaperon Rouge, hein ? Faut’qu’j’te dise,

celle-là, c’est pas une gentille et elle a un grand couteau qui fait bobo… tu vas pas croquer Chaperon Rouge, hein ? Faut promet’, Mister Lobos…

- Tout ce que tu voudras… viens avec moi, ma gentille…- J’aime bien tes cheveux, sont tout doux, comme de la fourrure de loup… Vous dansez aussi

les loups, hein, M’sieur Lobos… Wouh ! Une p’tit larmichette…- Non. Viens, je crois que nous allons faire un petit tour dehors, ma féline…- Tu crois ? Oh ! On va danser sous la lune, c’est ça ? J’savais bien que tu savais danser, Mister

Lobos…

Ils me regardent tous et je leurs sourie. Ils sont tous trèèèèssss gentils… mêm’ qu’y savent s’transformer… en des danseurs… Wouh ! Il fait drôlement bon dehors.

- T’as demandé à Madame la Lune d’venir ce soir ? C’était ça la surprise qu’a promis Glorios ?- Si tu veux, ma belle.- Alors qu’oui qu’j’veux un peu, mon n’n’n’n’n’veu ! Wouh ! On peut d’abord s’asseoir, ya le

jardin qui danse aussi. J’crois qu’c’est une cons, cons, cons… piration avec le mur… Mais, faut pas gentil jardin, si j’dis qu’j’vais repeindre, vais repeindre… sauf qu’ch’ai pas quand… y’a toujours des stuut, hein et c’est pas des… charres, c’est des vrais stuut, quoi !

- Viens ! Ne reste pas sur l’herbe, elle est encore humide de l’ondée de hier matin…- Wep ! T’as raison, Mister Lobos, faut pas rester par terre… Wouh ! Faut qu’arrête de danser,

y’a même pas d’musique ! J’veux danser qu’avec toi et Madame la Lune. On peut…

John me soulève dans ses bras. L’est si fort mon p’tit loup et si beau et si grand et si… mm… ça danse en zig zag main’nant… j’aime plus… mm…Madame la Lune elle me regarde d’travers… Wouh ! C’était juste des p’tits larmichettes, des p’tits… Black-Out !

50.Ouche ! Quand il fait clair, doit-on se réveiller ? J’ouvre péniblement les yeux. Ouche !

- Tiens… bois ça ?- Quoi ?- Ma félidée…

Je me sens attirée contre le torse de mon amour. Ouche ! Mieux. Son torse est parfait pour m’occulter de la maigre clarté qui règne dans notre chambre à coucher.

- Quelle heure est-il ?- Plus de midi.- Ouche ! Merde !

Je me redresse. Ouche ! Je repars dans les bras de mon bel amour.

- Le boulot…- Mikaïl t’a fait porter pâle et ta patronne – Gina, comme elle s’est nommée à notre cher et

tendre – lui a assuré « que dans ton état, il était normal que tu prennes ces deux jours qui reste de la semaine avant tes deux semaines de vacances. »

- Mon état ? QUEL état ?- Une gastro.- Oh, merde !

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- Précisément !

Ouche ! Et… double ouche !

- Et les invités ?

Je roule des yeux, essayant de me souvenir de quelque chose les concernant après les transformations et avant de… ouche ! Rien, nada, nothing, nooit ! Génial !

- Ils sont repartis.- Bon sang ! Ils ont dû penser que j’étais…- … une personne merveilleuse. D’ailleurs ils t’ont laissé des petits mots de gratitudes ainsi

qu’une invitation en bonne et due forme pour leur prochaine fête de rassemblement. C’est un grand honneur !

- Un honneur ? Pourquoi ?- Les Métamorphes sont un peu à part. Ils sont très circonspects, ce qui les rend assez

marginaux parmi les Outre-Vivant.- Un peu normal vu leur passé !- Tout à fait, yamanahe.- Malgré mes délires alcoolisés…- … dont ils n’ont rien su.

Je me fige. Les idées passent plus lentement. Normal. L’alcool conserve, donc arrête le temps et le transit… euh… et les pensées, idées… Wouh !

- C’est…- Oui. Tu as su mettre le paravent mental.- Paravent mental ?- Je l’appelle comme ça. Pourtant c’était très drôle…

Je fais la grimace. Sûr ! Un grand moment de grand n’importe quoi ! Je fronce les sourcils…- Oh ! Tu peux…- Oui. Mikaïl et John aussi, nous sommes liés. C’est pour cela que John t’a emmené dehors. Tu

t’en souviens.- Vaguement. Où est-il ?- Qui ? Mikaïl ?- Non. John.- Oh ! Il a raccompagné certains jusqu’à chez eux. Ils étaient assez… pompettes !- Très drôle. C’était quoi la boisson que j’ai bu ?- Un remède de Mikaïl. Tu ne veux pas savoir de quoi il est constitué.- Je ne veux pas savoir. C’est efficace. Où est Mi ?- Il te prépare un déjeuner reconstituant.- Merci.- A toi.

Je me laisse aller contre Glorios. Nous sommes toujours couchés, lui contre le dossier du lit, celui-ci contre le mur et moi contre Glorios.

- Les Métamorphes peuvent-ils être ivres ?- Pas avec de l’alcool.- Mais… ils ont pris autre chose ? J’ai rien vu.- Non. Ils sont comme la plupart des Outre-Vivant, ils ne sont pas sensibles aux substances

illicites ou autres produits chimiques que vous prenez. A l’alcool non plus.- Alors… Je ne comprends pas ?- Le challenge.

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- Quel challenge ?- Le concours de métamorphoses.- Quel rapport.- Cela les rend ivre, pour ainsi le dire.- Mais… comment ?- Une des règles du challenge est la vitesse avec laquelle ils doivent se transformer et l’autre

règle non moins importante est la difficulté des figures ? L’un dans l’autre cela les enivre. - Waouh ! C’est bizarre, non ?- Pas tellement. S’ils en sont si friands, c’est parce que leur nature est exceptionnelle et unique,

ce qui les a rendu marginaux, en quelque sorte et la proie des autres prédateurs affamés de créer de la destruction autour d’eux. En faisant ces challenges, ils se réaffirment dans leur nature. Une manière de ne pas se laisser détériorer par les autres.

Je ne suis pas certaine de comprendre, mais si cela les maux et leurs fait du bien, alors  : Musique, Maestro !

- Mais… la vitesse… j’imagine que c’est pour une autre raison au départ qu’ils ont fait…- Tout-à-fait, mayame. Après le «  Grand Massacre », comme ils ont appelé cet évènement

mortel, ils ont décidé de peaufiner leur vitesse dans leurs métamorphoses. Ce jour-là, beaucoup ont été pris par surprise et ils n’ont pas pu se transformer assez vite, ce qui les a tués. Ce qui a commencé pour eux par une mesure de prudence a bifurqué au fil du temps par les challenges. Comme les Métamorphes sont très joueurs, le jeu est devenu une de leur plus grande passion. Ceci dit… la première motivation reste toujours d’actualité pour eux, quoi que de façon moins drastiques et tragiques.

La porte s’ouvre et Mikaïl entre avec un grand plateau qui dégage des effluves succulents.

- Voilà pour te remettre, mon aimée.- Et vous ?- On s’est déjà remis, ma félidée.- Comment te sens-tu.- La tête dans les vapes.- J’imagine, mon aimée.

Un brouillon plus tard, nous sommes prêts à déjeuner. Ils grignotent et nous nous cajolons un peu, du bout des doigts, des lèvres. Je me surprends à pouffer de rire. Ils font tout pour faire de ce moment un espace de tendresse, de complicité, d’amour.

- As-tu fini, mon aimée ?- Oui.- Je vais te faire couler un bon bain, cela devra parachever ton état de bien-être.- Merci, mon amour.

Nos lèvres se soudent. Un brouillon plus tard, l’eau coule dans la vaste baignoire, une heure plus tard à faire trempette, une demi-heure à m’habiller selon les conseils éclairés de mes amours, entre cajoleries et petits rires idiots, je me sens à nouveau pleinement moi-même. Quoi, je renie les moments qui ne me plaisent pas ? Faux ! J’assume tout et son contraire de ce qui me concerne. Aut’ chose ? Bien ! Sortez de mon espace vital immédiatement ! Non mais, des fois une fois ! Mikaïl sort pour ramener le plateau à la cuisine. Je m’apprête à le suivre. Glorios me retient doucement.

- Pas encore. Tu n’as pas eu ta surprise, hier.- Oh ! J’l’avais oublié celle-là !- Je sais. - Je n’aime pas trop les surprises.- Celle-ci, tu l’aimeras.

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- Je veux bien te croire sur paroles, mais…- Fais-moi confiance. Nous avons deux heures pour arriver à la Gare du Midi et prendre notre

train.- On part ? Où ?- Oui. La surprise t’attend au bout des rails.- Je dois m’en réjouir ou m’en inquiéter ? - Te réjouir. Tu pars avec le plus fabuleux des hommes ! Comme début de surprise, c’est le nec

plus ultra !

J’éclate de rire en lui donnant une petite tape sur l’épaule. Il rit aussi tout en me serrant contre lui. Je me sens… waouh ! Une heure trois-quarts d’heure plus tard, nous sommes dans le train. Pour où ? Je ne sais pas. Il a su dériver mon attention tout le long des formalités. Je ne sais qu’une chose, c’est vers l’est. Pas chez Dracula, non ? Le train se déplace lentement sur ses rails. J’inspire profondément. Glorios me serre contre lui. Il m’a demandé de lui faire confiance ? Oui. Définitivement oui.

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