Voyage Spirite-Allan Kardec

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    ALLAN KARDEC

    VOYAGE

    SPIRITEEN 1862CONTENANT :

    1. Les Observations sur l'tat du Spiritisme.

    2. Les Instructions donnes dans les diffrents groupes.

    3. Les Instructions sur la formation des Groupes et Socits, etun modle de Rglement leur usage.

    HORS LA CHARITE, POINT DE SALUT

    HORS LA CHARITE, POINT DE VRAIS SPIRITES

    NOUVELLE EDITION

    UNION SPIRITE FRANAISE ET FRANCOPHONE

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    IMPRESSIONS GENERALES

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    Notre premire tourne spirite, qui eut lieu en 1860, se borna Lyonet quelques villes qui se trouvaient sur notre route. L'anne suivantenous ajoutmes Bordeaux notre itinraire, et cette anne-ci, outre cesdeux villes principales, durant un voyage de sept semaines et unparcours de six-cent-quatre-vingt-treize lieues, nous avons visit unevingtaine de localits et assist plus de cinquante runions. Notre butn'est point de faire un rcit anecdotique de notre excursion ; nous enavons recueilli tous les pisodes qui, un jour peut-tre, ne seront passans intrt, car ce sera de l'histoire ; mais aujourd'hui nous nous

    bornons rsumer les observations que nous avons faites sur l'tat de ladoctrine, et porter la connaissance de tous les instructions que nousavons donnes dans les diffrents centres. Nous savons que les vraisSpirites le dsirent, et nous tenons plus les satisfaire que ceux qui necherchent que la distraction ; d'ailleurs, dans ce rcit, notre amour-propre serait trop souvent intress, et c'est un motif prpondrant pournous de nous abstenir ; c'est aussi la raison qui nous empche de publierles nombreux discours qui nous ont t adresss, mais que nousconservons comme de prcieux souvenirs. Ce que nous ne pourrionsnous empcher de constater sans ingratitude, c'est l'accueil si

    bienveillant et si sympathique que nous avons reu, et qui et suffi pournous ddommager de nos fatigues. Nous devons particulirement desremerciements aux Spirites de Provins, Troyes, Sens, Lyon, Avignon,Montpellier, Cette, Toulouse, Marmande, Albi, Sainte-Gemme,Bordeaux, Royan, Meschers-sur-Garonne, Marennes, St-Pierre d'Olron,Rochefort, St-jean d'Angly, Angoulme, Tours et Orlans, et tousceux qui n'ont pas recul devant un voyage de dix et vingt lieues pourvenir nous rejoindre dans les villes o nous nous sommes arrt. Cetaccueil et vraiment t capable de nous donner de l'orgueil si nous

    n'avions considr que ces dmonstrations s'adressaient bien moins nous qu' la doctrine dont elles constatent le crdit, puisque sans ellenous ne serions rien et l'on ne penserait pas nous.

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    Le premier rsultat que nous avons constat, c'est l'immense progrsdes croyances Spirites ; un seul fait pourra en donner une ide. Lors denotre premier voyage Lyon, en 1860, on y comptait tout au plusquelques centaines d'adeptes ; l'anne suivante, ils taient dj cinq sixmille, et cette anne-ci, il est impossible de les compter ; mais on peut,

    sans exagration, les valuer de vingt-cinq trente mille. A Bordeaux,l'anne dernire, ils n'taient pas mille, et dans l'espace d'un an lenombre a dcupl. Ceci est un fait constant que personne ne saurait nier.Un autre fait que nous avons pu constater, et qui est de notorit, c'estque dans une foule de localits o le Spiritisme tait inconnu, il apntr, grce aux prdications contraires qui l'y ont fait connatre et ontinspir le dsir de savoir ce que c'est ; puis, comme on l'a trouvrationnel, il a conquis des partisans. Nous pourrions citer, entre autres,une petite ville du dpartement d'Indre-et-Loire o, il y a tout au plus sixmois, on n'en avait jamais entendu parler, lorsqu'il vint un prdicateur

    l'ide de fulminer en chaire contre ce qu'il appelait faussement etmaladroitement la religion du dix-neuvime sicle et le culte de Satan.La population, surprise, voulut savoir ce qu'il en tait : on fit venir deslivres, et aujourd'hui les adeptes y forment un centre ; tant il est vrai queles Esprits avaient raison de nous dire, il y a quelques annes, que nosadversaires serviraient eux-mmes notre cause, sans le vouloir. Il estconstant que partout la propagation a t en raison des attaques ; or,pour qu'une ide se propage de cette manire, il faut qu'elle plaise etqu'on la trouve plus rationnelle que ce qu'on lui oppose. Un des rsultats

    de notre voyage a donc t de constater par nos yeux ce que noussavions dj par notre correspondance.

    Il est vrai de dire toutefois que cette marche ascendante est loin d'treuniforme ; s'il est des contres o l'ide Spirite semble germer mesurequ'on la sme, il en est d'autres o elle pntre plus difficilement, pardes causes locales, tenant au caractre des habitants et surtout la naturede leurs occupations ; les Spirites y sont clairsems, isols ; mais l,comme ailleurs, ce sont des racines qui tt ou tard auront des rejetons,ainsi que cela s'est vu dans les centres aujourd'hui les plus nombreux.Partout l'ide Spirite commence dans la classe claire et moyenne ;nulle part elle n'a commenc par la classe infrieure et ignorante ; de laclasse moyenne elle s'tend vers le haut et le bas de l'chelle sociale,aujourd'hui, plusieurs villes ont des runions presque exclusivement

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    composes de membres du barreau, de la magistrature et defonctionnaires ; l'aristocratie fournit aussi son contingent d'adeptes,mais, jusqu' prsent, ils se contentent d'tre sympathiques et serunissent peu, en France du moins ; les runions de ce genre se voientplutt en Espagne, en Russie, en Autriche et en Pologne, o le

    Spiritisme a des reprsentants clairs dans les rangs les plus levs.Un fait plus important encore peut-tre que le nombre est ressorti de

    nos observations, c'est le point de vue srieux sous lequel on envisage ladoctrine ; partout on en recherche, nous pouvons dire avec avidit, lect philosophique, moral et instructif; nulle part nous n'avons vu enfaire un sujet d'amusement ni rechercher les expriences comme sujet dedistraction ; partout les questions futiles et de curiosit sont cartes.La plupart des groupes sont trs bien dirigs ; beaucoup mme le sontd'une manire remarquable et avec la connaissance des vrais principes

    de la science. Tous sont unis d'intention avec la socit de Paris et n'ontd'autre drapeau que les principes enseigns par le Livre des Esprits.Il y rgne gnralement un ordre et un recueillement parfaits ; nous enavons vu Lyon et Bordeaux, composs habituellement de cent deuxcents personnes dont la tenue ne serait pas plus difiante dans uneglise. C'est Lyon qu'a eu lieu la runion gnrale la plus importante,elle se composait de plus de six cents dlgus des diffrents groupes, ettout s'y est admirablement pass.

    Ajoutons que nulle part les runions n'ont prouv la moindreopposition, et nous devons des remerciements aux autorits civiles pourles marques de bienveillance dont nous avons t l'objet en plusieurscirconstances.

    Les mdiums se multiplient galement, et il y a peu de groupes quin'en possdent plusieurs, sans parler de la quantit bien plusconsidrable de ceux qui n'appartiennent aucune runion, et n'usent deleur facult que pour eux et leurs amis ; dans le nombre, il en est d'unegrande supriorit comme crivains propres aux diffrents genres ; ceuxqui dominent sont les mdiums moralistes, peu amusants pour lescurieux, qui feront bien d'aller chercher des distractions ailleurs que

    dans les runions spirites srieuses. Lyon a plusieurs mdiumsdessinateurs remarquables ; un mdium peintre l'huile qui n'a jamaisappris ni le dessin ni la peinture et plusieurs mdiums voyants dont nousavons pu constater la facult. A Marennes, il y a aussi une dame

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    mdium dessinateur, qui est en mme temps trs bon mdium crivainpour les dissertations et les vocations. A Saint-Jean d'Angly, nousavons vu un mdium mcanique qu'on peut regarder commeexceptionnel ; c'est une dame qui crit de longues et bellescommunications tout en lisant son journal ou en faisant la conversation

    et sans regarder sa main. Il lui arrive mme quelquefois de ne pass'apercevoir quand elle a fini. Les mdiums illettrs sont asseznombreux, et l'on en voit souvent qui crivent sans avoir jamais appris crire ; cela n'est pas plus tonnant que de voir un mdium dessiner sansavoir appris le dessin. Mais ce qui est caractristique, c'est ladiminution vidente des mdiums effets physiques, mesure quese multiplient les mdiums communications intelligentes ; c'est que,comme l'ont dit les Esprits, la priode de la curiosit est passe, et quenous sommes dans la seconde priode qui est celle de la philosophie. Latroisime, qui commencera avant peu, sera celle de l'application la

    rforme de l'humanit.

    Les Esprits, qui conduisent fort sagement les choses, ont voulud'abord appeler l'attention sur ce nouvel ordre de phnomnes et prouverla manifestation des tres du monde invisible ; en piquant la curiosit, ilsse sont adresss tout le monde, tandis qu'une philosophie abstraiteprsente au dbut n'et t comprise que d'un petit nombre, et l'on enet difficilement admis l'origine ; en procdant par gradation, ils ontmontr ce qu'ils pouvaient faire. Mais comme, en dfinitive, lesconsquences morales taient le but essentiel, ils ont pris le ton srieux

    quand ils ont jug suffisant le nombre des personnes dispos lescouter, s'inquitant peu des rcalcitrants. Maintenant, quand la scienceSpirite sera solidement constitue, quand elle aura t complte etdgage de toutes les ides systmatiques errones qui tombent chaque

    jour devant un examen srieux, ils s'occuperont de son tablissementuniversel par des moyens puissants ; en attendant, ils sment l'ide partout le monde, afin que, lorsque le moment sera venu, elle trouve partoutdes jalons, et ils sauront bien alors surmonter tous les obstacles, car quepeuvent contre eux et contre la volont de Dieu, les obstacles humains ?

    Cette marche rationnelle et prudente se montre en tout, mme dansl'enseignement de dtail, qu'ils graduent et proportionnent selon lestemps, les lieux et les habitudes des hommes ; une lumire clatante etsubite n'claire pas, elle blouit ; aussi les Esprits ne l'ont-ils prsente

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    que petit petit. Quiconque suit le progrs de la science Spiritereconnat qu'elle grandit en importance mesure qu'elle pntre de plusprofonds mystres ; elle aborde aujourd'hui des ides dont on ne sedoutait pas il y a quelques annes, et elle n'a pas dit son dernier mot, carelle nous rserve bien d'autres rvlations.

    Nous avons reconnu cette marche progressive de l'enseignementpar la nature des communications obtenues dans les diffrents groupesque nous avons visits, compares celles d'autrefois ; elles ne sedistinguent pas seulement par leur tendue, leur ampleur, la facilit del'obtention et la haute moralit, mais surtout par la nature des ides qui ysont traites, et le sont quelquefois d'une manire magistrale. Celadpend sans doute beaucoup du mdium, mais ce n'est pas tout ; il nesuffit pas d'avoir un bon instrument, il faut un bon musicien pour en tirerde beaux sons, et il faut ce musicien des auditeurs capables de le

    comprendre et de l'apprcier, autrement il ne se donnerait pas la peinede jouer devant des sourds.

    Ce progrs, du reste, n'est pas gnral ; abstraction faite des mdiums,nous l'avons constamment vu en rapport avec le caractre des groupes ;il atteint son plus grand dveloppement dans ceux o rgnent, avec lafoi la plus vive, les sentiments les plus purs, le dsintressement moralle plus absolu, les Esprits sachant trs bien o ils peuvent placer leurconfiance pour les choses qui ne peuvent tre comprises de tout lemonde. Dans ceux qui se trouvent dans de moins bonnes conditions,l'enseignement est bon, toujours moral, mais se renferme plusgnralement dans les banalits.

    Par dsintressement moral, nous entendons l'abngation, l'humilit,l'absence de toute prtention orgueilleuse, de toute pense dedomination l'aide du Spiritisme. Il serait superflu de parler dudsintressement matriel, parce que cela va de source, et en outre parceque nous avons vu partout une rpulsion instinctive contre toute ide despculation, qui serait regarde comme un sacrilge. Les mdiumsintresss et de profession sont inconnus partout o nous sommes alls, l'exception d'une seule ville qui en compte quelques-uns. Celui qui,

    Bordeaux ou ailleurs, ferait mtier de sa facult, n'inspirerait aucuneconfiance ; bien plus, il serait repouss par tous les groupes. Nousconstatons le sentiment que nous avons remarqu.

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    Un autre trait caractristique de cette poque, c'est le nombreincalculable et sans cesse croissant des adeptes qui n'ont rien vu et quin'en sont pas moins fervents, parce qu'ils ont lu et compris. A Cette,par exemple, ils ne connaissent les mdiums que de nom et par leslivres, et pourtant il est difficile de rencontrer plus de foi et de ferveur.

    L'un d'eux nous demandait si cette facilit accepter la doctrine sur lasimple thorie tait un bien ou un mal, si elle tait le propre d'un espritsrieux ou superficiel. Nous lui rpondmes que la facilit accepterl'ide est un indice de la facilit la comprendre ; qu'elle peut tre innecomme toute autre ide, et qu'il suffit alors d'une tincelle pour la fairesortir de son tat latent. Cette facilit comprendre dnote undveloppement antrieur dans ce sens; il y aurait lgret l'accepter surparole et en aveugle ; mais il n'en est pas ainsi de ceux qui ne l'adoptentqu'aprs avoir tudi et compris : ils voient par les yeux de l'intelligencece que d'autres ne voient que par les yeux du corps. Cela prouve qu'ils

    attachent plus d'importance au fond qu' la forme ; pour eux, laphilosophie est le principal ; le fait mme des manifestations estaccessoire. Cette philosophie leur explique ce qu'aucune autre n'a puleur expliquer ; elle satisfait leur raison par sa logique, comble en eux levide du doute, et cela leur suffit ; c'est pourquoi ils la prfrent touteautre.

    Il est rare que ceux qui sont dans cette catgorie ne soient pas de bonset vrais Spirites, parce qu'il y a en eux le germe de la foi, touffmomentanment par les prjugs terrestres. Au reste, les motifs de

    conviction varient selon les individus. Aux uns, il faut des preuvesmatrielles ; d'autres, les preuves morales suffisent. Or, il en est qui nesont convaincus ni par les unes ni par les autres ; ces nuances sont undiagnostic de la nature de leur esprit. Dans tous les cas, il faut peucompter sur ceux qui disent : Je ne croirai que si l'on produit tellechose , et pas du tout sur ceux qui croient au-dessous d'eux de sedonner la peine d'tudier et d'observer. Quant ceux qui disent Quandmme je verrais, je ne croirais pas, parce que je sais que c'estimpossible , il est inutile d'en parler, et plus inutile encore de perdreson temps avec eux.

    C'est sans doute beaucoup de croire, mais la croyance seule estinsuffisante si elle n'amne pas de rsultats, et il y en amalheureusement beaucoup dans ce cas, c'est--dire pour qui le

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    Spiritisme n'est qu'un fait, une belle thorie, une lettre morte quin'amne en eux aucun changement ni dans leur caractre, ni dans leurshabitudes ; mais ct des Spirites simplement croyants ousympathiques l'ide, il y a les Spirites de coeur, et nous sommesheureux d'en avoir rencontr beaucoup. Nous avons vu des

    transformations qu'on peut dire miraculeuses ; nous avons recueillid'admirables exemples de zle, d'abngation et de dvouement, denombreux traits de charit vraiment vanglique, qu'on pourrait justetitre appeler : Beaux traits du Spiritisme. Aussi les runionsexclusivement composes de vrais et sincres Spirites, de ceux en quiparle le coeur, prsentent-elles un aspect tout spcial ; toutes lesphysionomies refltent la franchise et la cordialit ; on se sent l'aisedans ces milieux sympathiques, vrais temples de la fraternit. LesEsprits s'y plaisent autant que les hommes, et c'est l qu'ils sont le plusexpansifs, qu'ils donnent leurs instructions intimes. Dans celles, au

    contraire, o il y a divergence dans les sentiments, o les intentions nesont pas toutes pures, o l'on voit le sourire sardonique et ddaigneuxsur certaines lvres, o l'on sent le souffle du mauvais vouloir et del'orgueil, o l'on craint chaque instant de marcher sur le pied de lavanit blesse, il y a toujours gne, contrainte et dfiance. L, les Espritssont eux-mmes plus rservs, et les mdiums souvent paralyss parl'influence des mauvais fluides qui psent sur eux comme un manteau deglace. Nous avons eu le bonheur d'assister de nombreuses runions dela premire catgorie, et nous avons inscrit avec joie ces sances sur nos

    tablettes comme un des plus agrables souvenirs qui nous soient restsde notre voyage. Les runions de cette nature se multiplieront sansaucun doute mesure que le vritable but du Spiritisme sera mieuxcompris ; ce sont aussi celles qui font la plus solide et la plus fructueusepropagande, parce qu'elles s'adressent aux gens srieux, et qu'ellesprparent larforme morale de l'humanit en prchant d'exemple.

    Il est remarquable que les enfants levs dans ces ides ont une raisonprcoce qui les rend infiniment plus faciles gouverner ; nous en avonsvu beaucoup, de tout ge et des deux sexes, dans les diverses famillesspirites o nous avons t reu, et nous avons pu le constater par nous-mmes. Cela ne leur te ni la gaiet naturelle, ni l'enjouement ; mais iln'y a pas chez eux cette turbulence, cette opinitret ces caprices qui enrendent tant d'autres insupportables ; ils ont, au contraire, un fonds de

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    docilit, de douceur et de respect filial qui les porte obir sans effort,et les rend plus studieux ; c'est ce que nous avons remarqu, et cetteobservation nous a t gnralement confirme. Si nous pouvionsanalyser ici les sentiments que ces croyances tendent dvelopper eneux, on concevrait aisment le rsultat qu'ils doivent produire ; nous

    dirons seulement que la conviction qu'ils ont de la prsence de leursgrands-parents qui sont l, ct d'eux, et peuvent sans cesse les voir,les impressionne bien plus vivement que la peur du diable, auquel ilsfinissent bientt par ne plus y croire, tandis qu'ils ne peuvent douter dece dont ils sont tmoins tous les jours dans le sein de la famille. C'estdonc une gnration spirite qui s'lve, et qui va sans cesses'augmentant. Ces enfants, leur tour, levant leurs enfants dans cesprincipes, tandis que les vieux prjugs s'en vont avec les vieillesgnrations, il est vident que l'ide spirite sera un jour la croyanceuniverselle.

    Un fait non moins caractristique de l'tat actuel du Spiritisme, c'est ledveloppement du courage de l'opinion. S'il est encore des adeptesretenus par la crainte, le nombre en est vraiment bien peu considrableaujourd'hui ct de ceux qui avouent hautement leurs croyances et necraignent pas plus de se dire Spirites que de se dire catholiques, juifs ouprotestants. L'arme du ridicule a fini par s'mousser force de frappersans faire brche, et devant tant de personnes notables qui arborenthautement la nouvelle philosophie, elle a d s'abaisser. Une seule armereste encore suspendue : c'est l'ide du diable ; mais c'est le ridicule lui-

    mme qui en fait justice. Du reste, ce n'est pas seulement ce genre decourage que nous avons remarqu, c'est aussi celui de l'action, dudvouement et du sacrifice, c'est--dire de ceux qui se mettentrsolument la tte du mouvement des ides nouvelles dans certaineslocalits, en payant de leur personne et en bravant les menaces et lesperscutions. Ils savent que, si les hommes leur font du mal dans cettecourte vie, Dieu ne les oubliera pas.

    L'obsession est, comme on le sait, un des grands cueils duSpiritisme ; nous ne pouvions donc ngliger un point aussi capital. Nous

    avons recueilli ce sujet d'importantes observations qui feront l'objetd'un article spcial de laRevue, dans lequel nous parlerons des possdsde Morzine, que nous avons aussi t visiter dans la Haute Savoie. Nousdirons seulement ici que les cas d'obsession sont trs rares chez ceux qui

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    ont fait une tude pralable et attentive du Livre des Mdiums et sesont identifis avec les principes qu'il renferme, parce qu'ils se tiennentsur leurs gardes, piant les moindres signes qui pourraient trahir laprsence d'un Esprit suspect. Nous avons vu quelques groupes qui sontvidemment sous une influence abusive, parce qu'ils s'y complaisent et y

    donnent prise par une confiance trop aveugle et certaines dispositionsmorales ; d'autres, au contraire, ont une telle crainte d'tre abuss qu'ilspoussent la dfiance pour ainsi dire l'excs, scrutant avec un soinmticuleux toutes les paroles et toutes les penses, prfrant rejeter cequi est douteux que de s'exposer admettre ce qui serait mauvais ; aussiles Esprits trompeurs, voyant qu'ils n'ont rien faire l, finissent par s'enaller, et vont se ddommager auprs de ceux qu'ils savent moinsdifficiles, et o ils trouvent quelques faiblesses et quelques traversd'esprit exploiter. L'excs en tout est nuisible ; mais en pareil cas, ilvaut encore mieux pcher par trop de prudence que par trop de

    confiance.

    Un autre rsultat de notre voyage a t de nous permettre de jugerl'opinion concernant certaines publications qui s'cartent plus ou moinsde nos principes, et dont quelques-unes mme y sont franchementhostiles.

    Disons tout d'abord que nous avons rencontr une approbationunanime pour notre silence l'gard des attaques qui nous sontpersonnelles, et que nous recevons journellement des lettres deflicitation ce sujet. Dans plusieurs des discours qui ont t prononcs,on a hautement applaudi notre modration ; l'un d'eux, entre autres,contient le passage suivant : La malveillance de vos ennemis produitun effet tout contraire ce qu'ils en attendent, c'est de vous grandirencore aux yeux de vos nombreux disciples et de resserrer les liens quiles unissent vous ; par votre indiffrence vous montrez que vous avezle sentiment de votre force. En opposant la mansutude aux injures,vous donnez un exemple dont nous saurons profiter. L'histoire, chermatre, comme vos contemporains, et mieux encore qu'eux, vous tiendracompte de cette modration quand elle constatera, par vos crits, qu'aux

    provocations de l'envie et de la jalousie, vous n'avez oppos que ladignit du silence. Entre eux et vous, la postrit sera juge.

    Les attaques personnelles ne nous ont jamais mu ; il aurait pu en treautrement de celles qui sont diriges contre la doctrine. Nous avons

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    quelquefois rpondu directement certains critiques quand cela nous aparu ncessaire, et afin de prouver qu'au besoin nous pouvions releverun gant. Nous l'eussions fait plus souvent, si nous avions vu que cesattaques portaient un prjudice rel au Spiritisme, mais quand il a tprouv par les faits que, loin de lui nuire, elles servaient sa cause, nous

    avons admir la sagesse des Esprits employant ses ennemis mme pourle propager, et faire, la faveur du blme, pntrer l'ide dans desmilieux o elle ne futjamais entre par l'loge. C'est un fait que notrevoyage a constat pour nous d'une manire premptoire, car, dans cesmmes milieux, il a recrut plus d'un partisan. Quand les choses vonttoutes seules, pourquoi donc s'escrimer combattre des attaques sansporte ? Quand une arme voit que les balles de l'ennemi ne l'atteignentpas, elle le laisse tirer tout son aise et user ses munitions, bien certained'en avoir meilleur march aprs. En pareil cas, le silence est souventune feinte ; l'adversaire auquel on ne rpond pas croit n'avoir pas frapp

    assez fort ou n'avoir pas trouv le point vulnrable ; alors, confiant dansun succs qu'il croit facile, il se dcouvre et se coule lui-mme ; uneriposte immdiate l'et mis sur ses gardes. Le meilleur gnral n'est pascelui qui se jette corps perdu dans la mle, mais celui qui sait attendreet voir venir. C'est ce qui est arriv quelques-uns de nos antagonistes ;en voyant la voie o ils s'engageaient, il tait certain qu'ils s'yenfonceraient de plus en plus ; nous n'avons eu qu' les laisser faire ; ilsont bien plus et plus tt discrdit leurs systmes par leurs propresexagrations, que nous n'eussions pu le faire par nos arguments.

    Pourtant, disent de soi-disant critiques de bonne foi, nous nedemanderions pas mieux que de nous clairer, et si nous attaquons, cen'est point par hostilit de parti pris, ni mauvais vouloir, mais pour quede la discussion jaillisse la lumire. Parmi ces critiques, il en estassurment de sincres ; mais il est remarquer que ceux qui n'ont envue que les questions de principes discutent avec calme et ne s'cartent

    jamais des convenances ; or, combien y en a-t-il ? Que contiennent laplupart des articles que la presse, petite ou grande, a dirigs contre leSpiritisme ? Des diatribes, des facties gnralement fort peuspirituelles, de sottes et plates plaisanteries, souvent des injures qui fontassaut de grossiret et de trivialit. Sont-ce l des critiques srieuses,dignes d'une rponse ? Il y en a qui montrent un bout d'oreille si grandqu'il devient inutile de le faire remarquer, puisque tout le monde le voit.

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    Ce serait vraiment leur donner trop d'importance, mieux vaut donc leslaisser se frotter les mains dans leur petit cercle, que de les mettre envidence par des rfutations sans objet, puisqu'elles ne lesconvaincraient pas. Si la modration n'tait pas dans nos principes, parcequ'elle est la consquence mme de ceux de la doctrine Spirite, qui

    prescrit l'oubli et le pardon des offenses, nous y serions encourag envoyant l'effet produit par ces attaques, ayant pu constater que l'opinionnous venge mieux que ne pourraient le faire nos paroles.

    Quant aux critiques srieux, de bonne foi, qui prouvent leur savoir-vivre par urbanit des formes, ils mettent la science au-dessus desquestions de personne ; ceux-l nous avons maintes fois rpondu,sinon toujours directement, du moins en saisissant les occasions detraiter dans nos crits les questions controverses, si bien qu'il n'y a pasune objection qui n'y trouve sa rponse pour quiconque veut se donner

    la peine de les lire. Pour rpondre chacun individuellement, il nousfaudrait sans cesse rpter la mme chose, et cela ne servirait que pourun ; le temps, d'ailleurs, ne nous le permettrait pas, tandis qu'en profitantd'un sujet qui se prsente pour y glisser une rfutation ou donner uneexplication, c'est, le plus souvent, mettre l'exemple ct du prcepte, etcela sert pour tout le monde.

    Nous avions annonc un petit volume de Rfutations ; nous nel'avons point encore publi, parce qu'il nous a sembl que rien nepressait, et nous avons eu raison. Avant de rpondre certainesbrochures qui devaient, au dire de leurs auteurs, saper les fondements duSpiritisme, nous avons voulu juger l'effet qu'elles produiraient. Eh bien !notre voyage nous a convaincu d'une chose, c'est qu'elles n'ont rien sapdu tout, que le Spiritisme est plus vivace que jamais, et qu'aujourd'huion parle peine de ces brochures. Nous savons que dans la classe despersonnes auxquelles elles s'adressaient, et auxquelles nous ne nousadressons pas, on ne manque pas de les trouver sans rplique, et de direque notre silence est une preuve de notre impuissance rpondre ; d'oelles concluent que nous sommes bien et dment battus, foudroys etpourfendus. Qu'est-ce que cela nous fait, puisque nous ne nous en

    portons pas plus mal ? Ces crits ont-ils fait diminuer le nombre desSpirites ? Non. Notre rponse et-elle converti ces personnes ? Non. Iln'y avait donc aucune urgence les rfuter ; il y avait avantage aucontraire, les laisser jeter leur premier feu.

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    Quand Sophocle fut accus par ses enfants, qui demandaient soninterdiction pour cause de clmence, il fit Oedipe, et sa cause futgagne. Nous ne sommes pas capables de faire un Oedipe, mais d'autresse chargent de rpondre pour nous : notre diteur d'abord, en mettantsous presse la neuvime dition duLivre des Esprits (la premire est de

    1857) et la quatrime duLivre des Mdiumsen moins de deux ans ; lesabonns de laRevue Spiriteen doublant de nombre et en nous mettantdans la ncessit de faire une nouvelle rimpression des annesantrieures, deux fois puises ; la Socit Spirite de Paris, en voyantcrotre son crdit ; les Spirites, en se dcuplant d'anne en anne et enfondant de toutes parts, en France et l'tranger, des runions sous lepatronage et d'aprs les principes de la Socit de Paris ; le Spiritismeenfin, en courant le monde, consolant les affligs, soutenant lescourages abattus, semant l'esprance la place du dsespoir, laconfiance en l'avenir la place de la crainte. Ces rponses en valent bien

    d'autres, puisque ce sont les faits qui parlent. Mais, comme un coursierrapide, le Spiritisme soulve sous ses pieds la poussire de l'orgueil, del'gosme, de l'envie et de la jalousie, renversant sur son passagel'incrdulit, le fanatisme, les prjugs, et appelant tous les hommes laloi du Christ, c'est--dire la charit, la fraternit. Vous qui trouvezqu'il va trop vite, que ne l'arrtez-vous, ou mieux, que n'allez-vous plusvite que lui ? Le moyen de lui barrer le passage est bien simple : faitesmieux que lui ; donnez plus qu'il ne donne ; rendez les hommesmeilleurs, plus heureux, plus croyants qu'il ne le fait, et on le quittera

    pour vous suivre ; mais tant que vous ne l'attaquerez que par des mots etnon par des rsultats plus moraux, qu' la charit qu'il enseigne vous nesubstituerez pas une charit plus grande, il faudra vous rsigner lelaisser passer. C'est que le Spiritisme n'est pas seulement une questionde faits plus ou moins intressants ou authentiques, pour amuser lescurieux ; c'est par-dessus tout une question de principes ; il est fortsurtout par ses consquences morales ;il se fait accepter, moins enfrappant les yeux qu'en touchant le coeur ; touchez le coeur plus quelui, et vous vous ferez accepter ; or, rien ne touche moins le coeur et laraison que l'acrimonie et les injures.

    Si tous nos partisans taient groups autour de nous, on pourrait y voirune coterie, mais il n'en saurait tre ainsi des milliers d'adhsions quinous arrivent de tous les points du globe, de la part de gens que nous

    Comment: Page: 14dmence ????

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    n'avons jamais vus et qui ne nous connaissent que par nos crits. Ce sontl des faits positifs, qui ont la brutalit des chiffres, et qu'on ne peutattribuer ni aux effets de la rclame ni la camaraderie du journalisme ;donc si les ides que nous professons, et dont nous ne sommes que letrs humble diteur responsable, rencontrent de si nombreuses

    sympathies, c'est qu'on ne les trouve pas trop dpourvues de senscommun.

    Bien que l'utilit de la rfutation que nous avons annonce ne noussoit plus aujourd'hui clairement dmontre, les attaques se rfutantd'elles-mmes par l'insignifiance de leurs rsultats, tandis que lesadeptes ne se comptent plus, nous le ferons nanmoins ; mais lesobservations que nous avons faites en voyage ont modifi notre plan, caril y a bien des choses qui deviennent inutiles, tandis que de nouvellesides nous ont t suggres. Nous tcherons que ce travail retarde le

    moins possible les travaux bien autrement importants qui nous restent faire pour accomplir l'oeuvre que nous avons entreprise.

    En rsum, notre voyage avait un double but : donner des instructionso cela pouvait tre ncessaire, et nous instruire nous-mme en mmetemps. Nous tenions voir les choses par nos propres yeux, pour jugerl'tat rel de la doctrine et la manire dont elle est comprise ; tudierles causes locales favorables ou dfavorables ses progrs, sonder lesopinions, apprcier les effets de l'opposition et de la critique, etconnatre le jugement que l'on porte sur certains ouvrages. Nous tionsdsireux surtout d'aller serrer la main de nos frres Spirites, et de leurexprimer personnellement notre bien sincre et bien vive sympathie enretour de celle dont ils nous donnent de si touchantes preuves par leurslettres ; de donner, au nom de la Socit de Paris et au ntre enparticulier, un tmoignage spcial de gratitude et d'admiration cespionniers de l'oeuvre qui, par leur initiative, leur zle dsintress et leurdvouement en sont les premiers et les fermes soutiens, marchanttoujours en avant sans s'inquiter des pierres qu'on leur jette, et mettantl'intrt de la cause avant leur intrt personnel. Leur mrite est d'autantplus grand qu'ils travaillent dans un sol plus ingrat, vivent dans un

    milieu plus rfractaire, et n'en attendent en ce monde ni fortune, nigloire, ni honneur ; mais aussi leur joie est grande quand parmi lesronces ils voient s'panouir quelques fleurs. Un jour viendra o nousserons heureux d'lever un panthon aux dvouements Spirites, en

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    attendant que les matriaux en soient rassembls, nous voulons leurlaisser le mrite de la modestie : ils se font connatre et apprcier parleurs oeuvres.

    A ces divers points de vue, notre voyage a t trs satisfaisant etsurtout trs instructif par les observations que nous avons recueillies. S'il

    pouvait rester quelques doutes sur l'irrsistibilit de la marche de ladoctrine et l'impuissance des attaques, sur son influence moralisatrice,sur son avenir, ce que nous avons vu suffirait pour les dissiper. Il y acertainement encore beaucoup faire, et dans beaucoup d'endroits ellene pousse que des rejetons pars, mais ces rejetons sont vigoureux etdonnent dj des fruits. Sans doute la rapidit avec laquelle se propagentles ides spirites est prodigieuse et sans exemple dans les fastes desphilosophies, mais nous ne sommes qu'au commencement de la route, etil reste encore faire la plus grande partie du chemin. Que la certitude

    d'atteindre le but soit donc pour tous les Spirites un encouragement persvrer dans la voie qui leur est trace.

    Nous publions ci-aprs le discours principal que nous avons prononcdans les grandes runions de Lyon, de Bordeaux, et de quelques autresvilles. Nous le faisons suivre des instructions particulires donnes,selon les circonstances, dans les groupes particuliers, en rponse quelques-unes des questions qui nous ont t adresses.

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    DISCOURS

    prononc dans les

    REUNIONS GENERALES DES SPIRITESDE LYON ET DE BORDEAUX

    I

    Messieurs et chers frres Spirites,

    Vous n'tes plus des coliers en Spiritisme ; je laisserai donc

    aujourd'hui de ct les dtails pratiques, sur lesquels j'ai t mme dereconnatre que vous tes suffisamment clairs, pour envisager laquestion sous un aspect plus large et surtout dans ses consquences. Cect de la question est grave, le plus grave, sans contredit, puisqu'ilmontrele but o tend la doctrine et les moyens de l'atteindre. Je serai unpeu long peut-tre, car le sujet est bien vaste, et pourtant il resteraitencore beaucoup dire pour le complter ; aussi rclamerai-je votreindulgence en considration de ce que, ne pouvant rester que peu detemps avec vous, je suis forc de dire en une seule fois ce qu'autrement

    j'aurais pu rpartir en plusieurs.

    Avant d'aborder le ct principal du sujet, je crois devoir l'examiner un point de vue qui m'est en quelque sorte personnel. Si pourtant ce nedevait tre qu'une question individuelle, assurment je n'en ferais rien ;mais il s'y rattache plusieurs questions gnrales d'o peut ressortir uneinstruction pour tout le monde ; c'est le motif qui m'a dtermin,saisissant ainsi l'occasion d'expliquer la cause de certains antagonismesqu'on s'tonne de rencontrer sur ma route.

    Dans l'tat actuel des choses ici-bas, quel est l'homme qui n'a pasd'ennemis ? Pour n'en pas avoir, il faudrait n'tre pas sur la terre, car

    c'est la consquence de l'infriorit relative de notre globe et de sadestination comme monde d'expiation. Suffit-il pour cela de faire lebien ? Hlas ! non ; le Christ n'est-il pas l pour le prouver ? Si donc leChrist, la bont par excellence, a t en butte tout ce que la

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    mchancet peut imaginer, faut-il s'tonner qu'il en soit de mme l'gard de ceux qui valent cent fois moins ?

    L'homme qui fait le bien - ceci dit en thse gnrale - doit doncs'attendre trouver de l'ingratitude, avoir contre lui ceux qui, ne lefaisant pas, sont jaloux de l'estime accorde ceux qui le font ; les

    premiers, ne se sentant pas la force de s'lever, cherchent rabaisser lesautres leur niveau, tenir, par la mdisance ou la calomnie, ce qui lesoffusque. On entend souvent dire dans le monde que l'ingratitude donton est pay endurcit le coeur et rend goste ; parler ainsi, c'est prouverqu'on a le coeur facile endurcir, car cette crainte ne saurait arrterl'homme vraiment bon. La reconnaissance est dj une rmunration dubien que l'on fait ; ne le faire qu'en vue de cette rmunration, c'est lefaire par intrt. Et puis, qui sait si celui qu'on oblige et dont onn'attendait rien ne sera pas ramen de meilleurs sentiments par de bons

    procds ? C'est peut-tre un moyen de le faire rflchir, d'adoucir sonme, de le sauver ! Cet espoir est une noble ambition ; si l'on est du,on n'en aura pas moins fait ce qu'on doit.

    Il ne faut pas croire, pourtant, qu'un bienfait demeur strile sur laterre soit toujours improductif ; c'est souvent une graine seme qui negerme que dans la vie future de l'oblig. Nous avons souvent observdes Esprits, ingrats comme hommes, tre touchs, comme Esprits, dubien qu'on leur avait fait, et ce souvenir, en rveillant en eux de bonnespenses, leur a facilit la voie du bien et du repentir, et contribu abrger leurs souffrances. Le Spiritisme seul pouvait nous rvler cersultat de la bienfaisance ; lui seul il tait donn, par lescommunications d'outre-tombe, de montrer le ct charitable de cettemaxime : Un bienfait n'est jamais perdu, au lieu du sens goste qu'onlui attribue. Mais revenons ce qui me concerne.

    Toute autre question personnelle part, j'ai d'abord des adversairesnaturels dans les ennemis du Spiritisme. Ne croyez pas que je m'enchagrine : loin de l ; plus leur animosit est grande, plus elle prouvel'importance que prend la doctrine leurs yeux ; si c'tait une chose sansconsquence, une de ces utopies qui ne sont pas nes viables, ils n'y

    feraient pas attention, ni moi non plus. Ne voyez-vous pas des crits,bien autrement hostiles que les miens aux ides reues, o lesexpressions ne sont pas plus mnages que la hardiesse des penses, etdont cependant ils ne disent pas un mot ? Il en serait de mme des

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    doctrines que j'ai cherch rpandre si elles fussent restes dans lesfeuillets d'un livre. Mais ce qui peut sembler plus tonnant, c'est que

    j'aie des adversaires, mme parmi les partisans du Spiritisme ; or, c'estici qu'une explication est ncessaire.

    Parmi ceux qui adoptent les ides spirites, il y a, comme vous le

    savez, trois catgories bien distinctes :1. Ceux qui croient purement et simplement aux phnomnes des

    manifestations, mais n'en dduisent aucune consquence morale ;

    2. Ceux qui voient le ct moral, mais l'appliquent aux autres et non eux ;

    3. Ceux qui acceptent pour eux-mmes toutes les consquences de ladoctrine, qui en pratiquent ou s'efforcent d'en pratiquer la morale. Ceux-l, vous le savez aussi, sont les VRAIS SPIRITES, les SPIRITES

    CHRETIENS. Cette distinction est importante, parce qu'elle expliquebien des anomalies apparentes ; sans cela, il serait difficile de se rendrecompte de la conduite de certaines personnes. Or, que dit cette morale ?Aimez-vous les uns les autres ; pardonnez vos ennemis ; rendez lebien pour le mal ; n'ayez ni haine, ni rancune, ni animosit, ni envie, ni

    jalousie ; soyez svres pour vous-mmes et indulgents pour les autres.Tels doivent tre les sentiments d'un Vrai Spirite, de celui qui voit lefond avant la forme, qui met l'Esprit au-dessus de la matire ; il peutavoir des ennemis, mais il n'est l'ennemi de personne, parce qu'il n'enveut personne ; plus forte raison ne cherche-t-il faire de mal

    personne. Ceci, comme vous le voyez, messieurs, est un principegnral dont tout le monde peut faire son profit. Si donc j'ai desennemis, ce ne peut tre parmi les Spirites de cette catgorie, car enadmettant qu'ils eussent des sujets lgitimes de plainte contre moi, ceque je m'efforce d'viter, ce ne serait pas un motif de m'en vouloir, moins forte raison si je ne leur ai point fait de mal. Le Spiritisme a pourdevise : Hors la charit point de salut ; il est tout aussi vrai de dire :Hors la charit point de vrais spirites. J e vous engage inscriredsormais cette double maxime sur votre drapeau, parce qu'ellersume la fois le but du Spiritisme et le devoir qu'il impose.

    Etant donc admis qu'on ne peut tre bon Spirite avec un sentiment dehaine dans le coeur, je me flatte de n'avoir que des amis parmi cesderniers, parce que si j'ai des torts ils sauront les excuser. Nous verrons

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    tout l'heure quelles immenses et fertiles consquences conduit ceprincipe.

    Voyons donc les causes qui ont pu exciter certaines animosits.

    Ds que parurent les premires manifestations des Esprits, beaucoupde personnes y virent un moyen de spculation, une nouvelle mine exploiter. Si cette ide et suivi son cours, vous auriez vu pullulerpartout des mdiums, ou soi-disant tels, donnant des consultations tantla sance ; les journaux eussent t couverts de leurs annonces et deleurs rclames ; les mdiums se fussent transforms en diseurs de bonneaventure, et le Spiritisme et t mis sur la mme ligne que ladivination, la cartomancie, la ncromancie, etc.. Dans ce conflit,comment le public aurait-il pu discerner la vrit du mensonge ? Lerelever de l n'et pas t chose facile. I l fallait empcher qu'il ne prtcette voie funeste ; il fallait couper dans sa racine un mal qui l'et

    retard de plus d'un sicle. C'est ce que je me suis efforc de faire enmontrant, ds le principe, le ct grave et sublime de cette sciencenouvelle ; en la faisant sortir de la voie purement exprimentalepour la faire entrer dans celle de la philosophie etde la morale; enmontrant enfin ce qu'il y a de profanation exploiter les mes des morts,alors qu'on entoure leurs cendres de respect. Par l, et en signalant lesinvitables abus qui rsulteraient d'un pareil tat de choses, j'aicontribu, et je m'en glorifie, discrditer l'exploitation du Spiritisme, etpar cela mme amen le public le considrer comme une chosesrieuse et sainte.

    Je crois avoir rendu quelques services la cause ; mais n'euss-je faitque cela que je m'en fliciterais. Grce Dieu, mes efforts ont tcouronns de succs, non seulement en France, mais l'tranger ; et jepuis dire que les mdiums de profession sont aujourd'hui de raresexceptions en Europe ; partout o mes ouvrages ont pntr etservent de guide, le Spiritisme est envisag sous son vritable pointde vue, c'est--dire sous le point de vue exclusivement moral ;partout les mdiums, dvous et dsintresss, comprenant la saintet deleur mission, sont entours de la considration qui leur est due, quelle

    que soit leur position sociale, et cette considration s'accrot en raisonmme de l'infriorit de la position rehausse par le dsintressement.

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    Je ne prtends nullement dire que parmi les mdiums intresss il nepuisse s'en trouver de trs honntes et de trs estimables ; maisl'exprience a prouv, moi et bien d'autres, que l'intrt est unpuissant stimulant pour la fraude, parce qu'on veut gagner son argent, etque si les Esprits ne donnent pas, ce qui arrive souvent, puisqu'ils ne

    sont pas notre caprice, la ruse, fconde en expdients, trouve aismentmoyen d'y suppler. Pour un qui agira loyalement, il y en aura cent quiabuseraient et qui nuiraient la considration du Spiritisme ; aussi lesadversaires n'ont-ils pas manqu d'exploiter au profit de leur critique lesfraudes dont ils ont pu tre tmoins, en en concluant que tout devait trefaux, et qu'il y avait lieu de s'opposer ce charlatanisme d'un nouveaugenre. En vain objecte-t-on que la sainte doctrine n'est pas responsabledes abus ; vous connaissez le proverbe : Quand on veut tuer son chien,on dit qu'il est enrag .

    Quelle rponse plus premptoire peut-on faire l'accusation decharlatanisme que de pouvoir dire : Qui vous a pri de venir ?Combien avez-vous pay pour entrer ? Celui qui paye veut treservi ; il veut en avoir pour son argent ; si on ne lui donne pas ce qu'ilattend, il a droit de se plaindre ; or, pour viter cela, on veut le servir tout prix. Voil l'abus, mais cet abus menaant de devenir la rgle aulieu d'tre l'exception, il a fallu l'arrter ; maintenant que l'opinion estfaite cet gard, le danger n'est craindre que pour les gensinexpriments. A ceux donc qui se plaindraient d'avoir t dups, ou den'avoir pas obtenu les rponses qu'ils dsiraient, on peut dire : Si vous

    aviez tudi le Spiritisme, vous auriez su dans quelles conditions il peuttre observ avec fruit ; quels sont les lgitimes motifs de confiance etde dfiance, ce qu'on peut en attendre, et vous ne lui auriez pas demandce qu'il ne peut donner ; vous n'auriez pas t consulter un mdiumcomme un tireur de cartes, pour demander aux Esprits des rvlations,des renseignements sur des hritages, des dcouvertes de trsors, et centautres choses pareilles qui ne sont pas du ressort du Spiritisme ; si vousavez t induits en erreur, vous ne devez vous en prendre qu' vous-mmes.

    Il est bien vident qu'on ne peut considrer comme exploitation lacotisation que paye une socit pour subvenir aux frais de la runion. Laplus vulgaire quit dit qu'on ne peut imposer ces frais celui qui reoit,s'il n'est ni assez riche, ni assez libre de son temps pour le faire. La

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    spculation consiste se faire une industrie de la chose, convoquer lepremier venu, curieux ou indiffrent, pour avoir son argent. Une socitqui agirait ainsi serait tout aussi rprhensible, plus rprhensible mmequ'un individu, et ne mriterait pas plus de confiance. Qu'une socitpourvoie tous ses besoins ; qu'elle subvienne toutes ses dpenses et

    ne les laisse pas supporter par un seul, c'est de toute justice, et ce n'est lni une exploitation ni une spculation ; mais il n'en serait plus de mmesi le premier venu pouvait acheter le droit d'y entrer en payant, car ceserait dnaturer le but essentiellement moral et instructif des runions dece genre, pour en faire une sorte de spectacle de curiosits. Quant auxmdiums, ils se multiplient tellement que les mdiums de professionseraient aujourd'hui compltement superflus.

    Telles sont, Messieurs, les ides que je me suis efforc de faireprvaloir, et je suis heureux d'avoir russi plus facilement que je ne

    l'aurais cru ; mais vous comprenez que ceux dont j'ai djou lesesprances ne sont pas de mes amis. Voil donc dj une catgorie quine peut me voir d'un bon oeil, ce dont je m'inquite fort peu. Si jamaisl'exploitation du Spiritisme tentait de s'introduire dans votre ville, jevous invite renier cette nouvelle industrie, afin de n'en point accepterla solidarit, et que les plaintes auxquelles elle pourrait donner lieu nepuissent retomber sur la doctrine pure.

    A ct de la spculation matrielle, il y a ce qu'on pourrait appeler laspculation morale, c'est--dire la satisfaction de l'orgueil, de l'amour-propre ; ceux qui, sans intrt pcuniaire, avaient cru pouvoir se faire duSpiritisme un marchepied honorifique pour se mettre en vidence. Je neles ai pas mieux favoriss, et mes crits, aussi bien que mes conseils, ontcontrecarr plus d'une prmditation, en montrant que les qualits duvrai Spirite sont l'abngation et l'humilit selon cette maxime du Christ : Quiconque s'lve sera abaiss . Seconde catgorie qui ne me veutpas plus de bien et qu'on pourrait appeler celle des ambitions dues etdes amours-propres froisss.

    Viennent ensuite les gens qui ne me pardonnent pas d'avoir russi ;pour qui le succs de mes ouvrages est un crve-coeur ; que les

    tmoignages de sympathie qu'on veut bien m'accorder empchent dedormir. C'est la coterie des jaloux, qui n'est pas plus bienveillante, tants'en faut, et qui est renforce de celle des gens qui, par temprament, ne

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    peuvent voir un homme lever un peu la tte sans tre prt lui tirerdessus.

    Une coterie des plus irascibles, le croiriez-vous, se trouve parmi lesmdiums, non pas les mdiums intresss, mais ceux qui sont trsdsintresss, matriellement parlant ; je veux parler des mdiums

    obsds, ou mieux, fascins. Quelques observations ce sujet ne serontpas sans utilit.

    Par orgueil, ils sont tellement persuads que ce qu'ils obtiennent estsublime, et ne peut venir que d'Esprits Suprieurs, qu'ils s'irritent de lamoindre observation critique, au point de se brouiller avec leurs amislorsque ceux-ci ont la maladresse de ne pas admirer ce qui est absurde.L est la preuve de la mauvaise influence qui les domine car, ensupposant que, par un dfaut de jugement ou d'instruction, ils ne vissentpas clair, ce ne serait pas un motif pour prendre en grippe ceux qui ne

    sont pas de leur avis ; mais cela ne ferait pas l'affaire des Espritsobsesseurs qui, pour mieux tenir le mdium sous leur dpendance, luiinspirent de l'loignement, de l'aversion mme pour quiconque pourraitlui ouvrir les yeux.

    Il y a ensuite ceux dont la susceptibilit est pousse l'excs ; qui sefroissent de la moindre chose, de la place qu'on leur donne dans unerunion et ne les met pas assez en vidence, de l'ordre assign lalecture de leurs communications, ou de ce qu'on refuse la lecture decelles dont le sujet ne parat pas opportun dans une assemble ; de ce

    qu'on ne les sollicite pas avec assez d'instances pour donner leurconcours ; d'autres trouvent mauvais qu'on n'intervertisse pas l'ordre destravaux pour se plier leurs convenances ; d'autres voudraient se poseren mdiums en titre d'un groupe ou d'une socit, y faire la pluie et lebeau temps, et que leurs Esprits directeurs fussent pris pour arbitresabsolus de toutes les questions, etc.. Ces motifs sont si purils et simesquins qu'on n'ose pas les avouer ; mais ils n'en sont pas moins lasource d'une sourde animosit qui se trahit tt ou tard ou par le mauvaisvouloir ou par la retraite. N'ayant pas de bonnes raisons donner, il enest qui ne se font pas scrupule d'allguer des prtextes ou des

    imaginaires. N'tant nullement dispos me plier devant toutes cesprtentions, c'est un tort, que dis-je ! un crime impardonnable aux yeuxde certaines personnes que naturellement je me suis mises dos, ce dont

    j'ai encore le plus grand tort de me soucier comme du reste.

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    Impardonnable ! Concevez-vous ce mot de la part de gens qui se disentSpirites ? Ce mot devrait tre ray du vocabulaire du Spiritisme.

    Ce dsagrment, la plupart des chefs de groupe ou de socit l'ontprouv comme moi, et je les engage faire comme moi, c'est--dire ne pas tenir des mdiums qui sont plutt une entrave qu'un secours ;

    avec eux on est toujours mal l'aise, dans la crainte de les froisser parl'action souvent la plus indiffrente.

    Cet inconvnient tait plus frquent autrefois que maintenant ; alorsque les mdiums taient plus rares, il fallait bien se contenter de ceuxqu'on avait ; mais aujourd'hui qu'ils se multiplient vue d'oeil,l'inconvnient diminue en raison mme du choix et mesure que l'on sepntre mieux des vrais principes de la doctrine.

    Le degr de la facult part, les qualits essentielles d'un bon mdiumsont la modestie, la simplicit et le dvouement ; il doit donner son

    concours en vue de se rendre utile et non pour satisfaire sa vanit ; il nedoit jamais prendre fait et cause pour les communications qu'il reoit,autrement il ferait croire qu'il y met du sien, et qu'il a un intrt lesdfendre ; il doit accepter la critique, la solliciter mme, et se soumettre l'avis de la majorit sans arrire-pense ; si ce qu'il crit est faux,mauvais, dtestable, on doit pouvoir le lui dire sans crainte de le blesser,parce qu'il n'y est pour rien. Voil les mdiums vraiment utiles dans unerunion et avec lesquels on n'aura jamais de dsagrment, parce qu'ilscomprennent la doctrine ; les autres ne la comprennent pas ou ne veulent

    pas la comprendre. Ce sont ceux aussi qui finissent par obtenir lesmeilleures communications, parce qu'ils ne se laissent point dominer pardes Esprits orgueilleux ; les Esprits trompeurs les redoutent, parce qu'ilssavent ne pouvoir les abuser.

    Et puis vient la catgorie des gens qui ne sont jamais contents ; les unstrouvent que je vais trop vite, d'autres trop lentement ; c'est vraiment lafable duMeunier, son fils et l'ne. Les premiers me reprochent d'avoirformul des principes prmaturs, de me poser en chef d'colephilosophique. Est-ce que, toute ide spirite part, je n'ai pas le droit decrer, comme tant d'autres, une philosophie ma guise, ft-elleabsurde ? Si mes principes sont faux, que n'en mettent-ils d'autres laplace et ne les font-ils prvaloir ? Il parat qu'en gnral on ne les trouvepas trop draisonnables, puisqu'ils rencontrent un si grand nombre

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    d'adhrents ; mais ne serait-ce pas cela mme qui excite la mauvaisehumeur de certaines gens ? Si ces principes ne trouvaient point departisans, fussent-ils ridicules au premier chef, on n'en parlerait pas.

    Les seconds, qui prtendent que je ne vais pas assez vite, voudraientme pousser, par bonne intention, je veux bien le croire, car il vaut mieux

    croire le bien que le mal, dans une voie o je ne veux pas m'engager.Sans donc me laisser influencer par les ides des uns et des autres, jepoursuis ma route ; j'ai un but, je le vois, je sais quand et comment jel'atteindrai, et ne m'inquite pas des clameurs des passants.

    Vous le voyez, Messieurs, les pierres ne manquent pas sur monchemin ; j'en passe et des plus grosses. Si l'on connaissait la vritablecause de certaines antipathies et de certains loignements, on serait fortsurpris de bien des choses ; il faudrait y ajouter les gens qui se sont mis mon gard dans des positions fausses, ridicules ou compromettantes,

    et qui cherchent se justifier, en dessous main, par de petitescalomnies ; ceux qui avaient espr m'attirer eux par la flatterie,croyant m'amener servir leurs desseins et qui ont reconnu l'inutilit deleurs manoeuvres pour me faire entrer dans leurs vues ; ceux que je n'aini flatt ni encenss et qui auraient voulu l'tre ; ceux enfin qui ne mepardonnent pas de les avoir devins, et qui sont comme le serpent surlequel on met le pied. Si tous ces gens-l voulaient se mettre seulementun instant au point de vue extra-terrestre, et voir les choses d'un peuhaut, ils comprendraient combien ce qui les proccupe tant est puril, etne s'tonneraient pas du peu d'importance qu'y attache tout vrai Spirite.C'est que le Spiritisme ouvre des horizons si vastes, que la viecorporelle, si courte et si phmre, s'efface avec toutes ses vanits etses petites intrigues devant l'infini de la vie spirituelle.

    Je ne dois cependant pas omettre un reproche qui m'a t adress :c'est de ne rien faire pour ramener moi les gens qui s'en loignent.Cela est vrai, et si c'est un reproche fond, je le mrite, car je n'ai jamaisfait un pas pour cela, et voici les motifs de mon indiffrence.

    Ceux qui viennent moi, c'est que cela leur convient ; c'est moinspour ma personne que par sympathie pour les principes que je professe.Ceux qui s'loignent, c'est que je ne leur conviens pas, ou que notremanire de voir ne concorde pas ; pourquoi donc irais-je les contrarier,et m'imposer eux ? Il me semble plus convenable de les laisser

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    tranquilles. Je n'en aurais d'ailleurs vraiment pas le temps, car on saitmes occupations qui ne me laissent pas un instant de repos, et pour unqui s'en va, il y en a mille qui viennent ; je me dois donc ceux-ci avanttout, et c'est ce que je fais. Est-ce la fiert ? Est-ce mpris des gens ?Oh ! assurment non ; je ne mprise personne ; je plains ceux qui

    agissent mal, je prie Dieu et les Bons Esprits de les ramener demeilleurs sentiments, et voil tout ; s'ils reviennent, ils sont toujours lesbienvenus, mais pour courir aprs eux, jamais je ne le fais, en raison dutemps que rclament les gens de bonne volont ; en second lieu, parceque je n'attache pas certaines personnes l'importance qu'elles attachent elles-mmes. Pour moi, un homme est un homme, et rien de plus ; jemesure sa valeur ses actes, ses sentiments, et non son rang ; ft-ilhaut plac, s'il agit mal, s'il est goste et vain de sa dignit, il est mesyeux au-dessous d'un simple ouvrier qui agit bien, et je serre pluscordialement la main d'un petit dont le coeur parle, que celle d'un grand

    dont le coeur ne dit rien ; la premire me rchauffe, la seconde me glace.

    Les personnages du plus haut rang m'honorent de leur visite, et jamaispour eux un proltaire n'a fait antichambre. Souvent dans mon salon leprince se trouve cte--cte avec l'artisan ; s'il s'en trouvait humili, jedirais qu'il n'est pas digne d'tre Spirite ; mais, je suis heureux de le dire,

    je les ai vus souvent se serrer fraternellement la main, et je me suis dit : Spiritisme, voil un de tes miracles ; c'est l'avant-coureur de biend'autres prodiges ! .

    Il ne tenait qu' moi de m'ouvrir les portes du grand monde ; je n'aijamais t y frapper ; cela me prendrait un temps que je crois pouvoiremployer plus utilement. Je place en premire ligne les consolations donner ceux qui souffrent ; relever les courages abattus ; arracher unhomme ses passions au dsespoir, au suicide, l'avoir arrt sur la pentedu crime peut-tre, cela ne vaut-il pas mieux que la vue des lambrisdors ? J 'ai des milliers de lettres qui valent mieux pour moi que tous leshonneurs de la terre, et que je regarde comme mes vrais titres denoblesse. Ne vous tonnez pas si je laisse aller ceux qui ne merecherchent pas.

    J 'ai des adversaires, je le sais ; mais le nombre n'en est pas aussi grandqu'on pourrait le croire d'aprs l'numration que j'ai faite ; ils setrouvent dans les catgories que j'ai cites, mais ce ne sont toujours quedes individualits, et le nombre est peu de chose compar ceux qui

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    veulent bien me tmoigner de la sympathie. D'ailleurs, jamais ils n'ontrussi troubler mon repos ; jamais leurs machinations ni leurs diatribesne m'ont mu ; et je dois ajouter que cette profonde indiffrence de mapart, le silence que j'ai oppos leurs attaques n'est pas ce qui lesexaspre le moins. Quoi qu'ils fassent, jamais ils ne parviendront me

    faire sortir de la modration qui est la rgle de ma conduite ; jamais onne pourra dire que j'ai rpondu l'injure par l'injure. Les personnes quime voient dans l'intimit savent si jamais je m'occupe d'eux ; si jamais la Socit il a t dit un seul mot, ou fait une seule allusion lesconcernant. Dans la Revue, jamais je n'ai rpondu leurs agressions,quand elles se sont adresses ma personne, et Dieu sait si ce sont lesoccasions qui ont manqu !

    Que peut d'ailleurs leur mauvais vouloir ? Rien, ni contre la doctrine,ni contre moi-mme. La doctrine prouve par sa marche progressive

    qu'elle ne craint rien ; quant moi, je n'occupe aucune position, donc onne peut rien m'enlever ; je ne demande rien, je ne sollicite rien, donc onne peut rien me refuser ; je ne dois rien personne, donc, on ne peut rienme rclamer ; je ne dis de mal de personne, pas mme de ceux qui endisent de moi ; en quoi pourraient-ils donc me nuire ? Il est vrai qu'onpeut me faire dire ce que je n'ai pas dit, et c'est ce qu'on a fait plus d'unefois ; mais ceux qui me connaissent savent ce que je suis capable de direet de ne pas dire, et je remercie ceux qui, en pareil cas, ont bien voulurpondre de moi. Ce que je dis, je suis toujours prt le rpter, enprsence de qui que ce soit, et quand j'affirme n'avoir pas dit ou fait une

    chose, je me crois le droit d'tre cru.D'ailleurs, que sont toutes ces choses en prsence du but que nous,

    Spirites sincres et dvous, poursuivons tous ! de cet immense avenirqui se droule nos yeux ? Croyez-moi, Messieurs, il faudrait regardercomme un vol fait la grande oeuvre les instants que l'on y droberaitpour se proccuper de ces misres. Pour ma part, je remercie Dieu, pourprix de quelques tribulations passagres, de m'avoir donn dj ici-bastant de compensations morales, et la joie d'assister au triomphe de ladoctrine.

    Je vous demande pardon, Messieurs, de vous avoir si longtempsentretenu de moi, mais j'ai cru qu'il tait utile d'tablir nettement laposition, afin que vous sussiez quoi vous en tenir selon lescirconstances, et que vous soyez bien convaincus que ma ligne de

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    conduite est trace, et que rien ne m'en fera dvier. Du reste, je crois quede ces observations mmes, et en faisant abstraction de la personne il apu en ressortir quelques enseignements utiles.

    Passons maintenant un autre point, et voyons o en est le Spiritisme.

    I ILe Spiritisme prsente un phnomne inou dans l'histoire des

    philosophies, c'est la rapidit de sa marche ; nulle autre doctrine n'aoffert un exemple pareil. Quand on songe aux progrs qu'il fait d'anneen anne, on peut, sans trop de prsomption, prvoir l'poque o il serala croyance universelle.

    La plupart des pays trangers participent ce mouvement :L'Autriche, la Pologne, la Russie, l'Italie, l'Espagne, Contantinople, etc.comptent de nombreux adeptes et plusieurs socits parfaitementorganises. J 'ai plus de cent villes inscrites o il existe des runions.Dans le nombre, Lyon et Bordeaux occupent le premier rang. Honneurdonc ces deux cits, imposantes par leur population et leurs lumires,qui ont plant haut et ferme le drapeau du Spiritisme. Plusieurs autresambitionnent de marcher sur leurs traces.

    Je suis mme de voir beaucoup de voyageurs ; tous s'accordent dire que chaque anne, ils trouvent un progrs dans l'opinion ; les rieursdiminuent vue d'oeil. Mais la raillerie succde la colre ; nagure onriait, aujourd'hui on se fche ; c'est de bon augure, selon un vieux

    proverbe, et cela fait dire aux incrdules qu'il pourrait bien y avoirquelque chose.

    Un fait non moins caractristique, c'est que tout ce que les adversairesdu Spiritisme ont fait pour en entraver la marche, loin de l'arrter, en aactiv le progrs, et l'on peut dire que partout le progrs est en raison dela violence des attaques. La presse l'a-t-elle prn ? Chacun sait que loinde lui donner un coup d'paule, elle lui a donn des coups de pied tantqu'elle a pu ; eh bien ! ces coups de pied n'ont abouti qu' le faireavancer. Il en est de mme des attaques de toute nature dont il a t

    l'objet.Il y a donc une chose constante, c'est que, sans le secours d'aucun des

    moyens employs vulgairement pour faire ce qu'on appelle un succs,

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    malgr les entraves qu'on lui a suscites, il n'a cess de grandir, et qu'ilgrandit tous les jours comme pour donner un dmenti ceux qui luiprdisaient sa fin prochaine. Est-ce une prsomption, une forfanterie ?Non, c'est un fait qu'il est impossible de nier. Il a donc puis sa force enlui-mme, ce qui prouve la puissance de cette ide. Il faut bien que ceux

    que cela contrarie en prennent leur parti, et se rsignent laisser passerce qu'ils ne peuvent arrter. C'est que le Spiritisme est une ide, et quelorsqu'une ide marche, elle franchit toutes les barrires ; on ne l'arrtepas la frontire comme un ballot de marchandises ; on brle les livres,mais on ne brle pas une ide, et leurs cendres mmes, portes par levent, vont fconder la terre o elle doit fructifier.

    Mais il ne suffit pas de lancer une ide de par le monde pour qu'elleprenne racine ; non certes. On ne cre volont ni des opinions, ni deshabitudes ; il en est de mme des inventions et des dcouvertes : la plus

    utile choue si elle vient avant son temps, si le besoin qu'elle estdestine satisfaire n'existe pas encore. Ainsi en est-il des doctrinesphilosophiques, politiques, religieuses ou sociales ; il faut que l'espritsoit mr pour les accepter ; venues trop tt, elles restent l'tat latent, et,comme des fruits plants hors de saison, elles ne prosprent pas.

    Si donc le Spiritisme trouve de si nombreuses sympathies, c'est queson temps est venu, c'est que les esprits taient mrs pour le recevoir ;c'est qu'il rpond un besoin, une aspiration. Vous en avez la preuvedans le nombre, considrable aujourd'hui, des personnes qui l'accueillentsans surprise, comme une chose toute naturelle, lorsqu'on leur en parlepour la premire fois, et qui disent qu'il leur semblait que les chosesdevaient tre ainsi, mais sans pouvoir les dfinir. On sent le vide moralque l'incrdulit, le matrialisme font autour de l'homme ; on comprendque ces doctrines creusent un abme pour la socit ; qu'elles dtruisentles liens les plus solides, ceux de la fraternit. Et puis instinctivement,l'homme a horreur du nant, comme la nature a horreur du vide, c'estpourquoi il accueille avec joie la preuve que le nant n'existe pas.

    Mais, dira-t-on, ne lui enseigne-t-on pas chaque jour que le nantn'existe pas ? Sans doute on le lui enseigne ; mais alors comment se fait-

    il que l'incrdulit et l'indiffrence aillent sans cesse croissant depuis unsicle ? C'est que les preuves qu'on lui donne ne lui suffisent plusaujourd'hui ; qu'elles ne sont plus en rapport avec les besoins de sonintelligence. Le dveloppement scientifique et industriel a rendu

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    l'homme positif ; il veut se rendre compte de tout ; il veut savoir lepourquoi et le comment de chaque chose ; comprendre pour croire estdevenu un besoin imprieux, c'est pourquoi la foi aveugle n'a plusd'empire sur lui. Selon les uns c'est un mal, selon les autres c'est unbien ; sans discuter le principe, nous dirons que telle est la marche de la

    nature ; l'humanit collective, comme les individus, a son enfance et songe mr ; quand elle est l'ge mr, elle secoue ses langes et veut faireusage de ses propres forces, c'est--dire de son intelligence ; la fairertrograder est aussi impossible que de faire remonter un fleuve vers sasource.

    Attaquer le mrite de la foi aveugle, dira-t-on, c'est une impit, parceque Dieu veut qu'on accepte sa parole sans examen. La foi aveuglepouvait avoir sa raison d'tre, je dirai mme sa ncessit, une certainepriode de l'humanit ; si, aujourd'hui, elle ne suffit plus pour affermir la

    croyance, c'est qu'il est dans la nature de l'humanit qu'il en soit ainsi ;or, qui a fait les lois de la nature ? Dieu, ou Satan ? Si c'est Dieu, il nesaurait y avoir impit suivre ses lois. Si, aujourd'hui, comprendrepour croire est devenu un besoin pour l'intelligence, comme boire etmanger en est un pour l'estomac, c'est que Dieu veut que l'homme fasseusage de son intelligence, autrement il ne la lui aurait pas donne. Il estdes gens qui n'prouvent pas ce besoin ; qui se contentent de croire sansexamen ; nous ne les blmons nullement, et loin de nous la pense de lestroubler dans leur quitude ; le Spiritisme ne s'adresse point eux ; dumoment qu'ils ont ce qu'il leur faut, il n'a rien leur donner ; il ne donne

    point manger de force ceux qui dclarent n'avoir pas faim. Il nes'adresse donc qu' ceux qui la nourriture intellectuelle qu'on leurdonne ne suffit plus, et le nombre en est assez grand pour qu'il n'ait pas s'occuper des autres ; de quoi donc ceux-ci ont-ils se plaindre,puisqu'il ne va pas les chercher ? Il ne va chercher personne ; il nes'impose personne ; il se borne dire : Me voil, voil ce que je suis ;voil ce que j'apporte ; que ceux qui croient avoir besoin de moiviennent ; que les autres restent chez eux ; je ne vais pas les troublerdans leur conscience ; je ne leur dis point d'injures ; je ne leur demandeque la rciprocit.

    Pourquoi donc le matrialisme tend-il supplanter la foi ? C'est quejusqu' prsent la foi ne raisonne pas ; elle se borne dire : Croyez,tandis que le matrialisme raisonne. Ce sont des sophismes, j'en

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    conviens, mais bonnes ou mauvaises, ce sont des raisons qui, dans lapense de beaucoup, l'emportent sur ceux qui n'en donnent pas du tout.Ajoutez que l'ide matrialiste satisfait ceux qui se complaisent dans lavie matrielle ; qui veulent s'tourdir sur les consquences de l'avenir ;qui esprent, par l, chapper la responsabilit de leurs actes ; en

    somme elle est minemment favorable la satisfaction de tous lesapptits brutaux. Dans l'incertitude de l'avenir, l'homme se dit :Jouissons toujours du prsent ; que me font mes semblables ? Pourquoime sacrifier pour eux ? Ce sont mes frres, dit-on ; mais que me font desfrres queje ne reverrai plus ! qui peut-tre demain seront morts et moiaussi ? que serons-nous alors les uns pour les autres ? Rien, si une foismorts il ne reste rien de nous. Que me servirait de m'imposer desprivations ? quelle compensation en retirerais-je, si tout finit avec moi ?

    Fondez donc une socit sur les bases de la fraternit avec des ides

    semblables ! L'gosme, telle en est la consquence toute naturelle ; avecl'gosme, chacun tire soi et c'est le plus fort qui l'emporte. Le faibledit son tour : Soyons goste, puisque les autres le sont ; ne pensonsqu' nous, puisque les autres ne pensent qu' eux.

    Tel est, il faut en convenir, le mal qui tend envahir la socitmoderne, et ce mal, comme un ver rongeur, peut la ruiner dans sesfondements ! Oh ! qu'ils sont coupables ceux qui la poussent dans cettevoie ; qui s'efforcent de tuer les croyances ; qui prconisent le prsentaux dpens de l'avenir ! Ils auront un terrible compte rendre de l'usagequ'ils auront fait de leur intelligence !

    Pourtant, l'incrdulit laisse aprs elle une vague d'inquitude ;l'homme a beau chercher se faire illusion, il ne peut se dfendre depenser quelquefois ce qu'il en adviendra de lui ; l'ide du nant leglace malgr lui ; il voudrait une certitude, et il n'en trouve pas, alors ilflotte, il hsite, il doute, et le doute le tue ; il se sent malheureux aumilieu mme des jouissances matrielles qui ne peuvent combler legouffre du nant qui s'ouvre devant lui, et o il croit qu'il va treprcipit.

    C'est ce moment que vient le Spiritisme, comme une ancre de salut,comme un flambeau dans les tnbres de son me ; Il vient tirerl'homme du doute ; il vient combler l'horreur du vide, non par une vagueesprance, mais par des preuves irrcusables : celles de l'observation des

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    faits ; il vient ranimer sa foi, non en lui disant simplement : Croyezparce que je vous le dis, mais : Voyez, touchez, comprenez et croyez. Ilne pouvait donc venir dans un moment plus opportun, soit pour arrterle mal avant qu'il ne ft incurable, soit pour satisfaire aux besoins del'homme qui ne croit plus sur parole, qui veut raisonner ce qu'il croit. Le

    matrialisme l'avait sduit par ses faux raisonnements ; ses sophismesil fallait opposer des raisonnements solides appuys sur des preuvesmatrielles ; dans cette lutte, la foi aveugle n'tait plus assez puissante ;voil pourquoi je dis que le Spiritisme est venu en son temps.

    Ce qui manque l'homme, c'est donc la foi en l'avenir, et l'ide qu'onlui en donne ne peut satisfaire son got du positif ; elle est trop vague,trop abstraite ; les liens qui le rattachent au prsent ne sont pas assezdfinis. Le Spiritisme, au contraire, nous prsente l'me comme un trecirconscrit, semblable nous, moins l'enveloppe matrielle dont elle

    s'est dpouille, mais revtue d'une enveloppe fluidique, ce qui dj estplus comprhensible, et en fait mieux concevoir l'individualit. De plus,il prouve, par l'exprience, les rapports incessants du monde visible etdu monde invisible, qui deviennent ainsi solidaires l'un de l'autre ; lesrelations de l'me avec la terre ne cessent point avec la vie ; l'me, l'tat d'Esprit, constitue un des rouages, une des forces vives de lanature ; ce n'est plus un tre inutile, qui ne pense plus et n'agit plus quepour lui pendant l'ternit, c'est toujours et partout un agent actif de lavolont de Dieu pour l'excution de ses oeuvres. Ainsi, d'aprs ladoctrine Spirite, tout se lie, tout s'enchane dans l'univers ; et dans ce

    grand mouvement admirablement harmonieux, les affections sesurvivent ; loin de s'teindre, elles se fortifient en s'purant.

    Si ce n'tait l qu'un systme, il n'aurait sur l'autre que l'avantaged'tre plus sduisant, sans offrir plus de certitude ; mais c'est le mondeinvisible lui-mme qui vient se rvler nous ; nous prouver qu'il est,non dans les rgions de l'espace inaccessibles mme la pense, mais l, nos cts ; qu'il nous entoure et que nous vivons au milieu de lui,comme un peuple d'aveugles au milieu de voyants. Cela peut drangercertaines ides, j'en conviens ; mais devant un fait, bon gr, mal gr, il

    faut s'incliner. On aura beau dire que cela n'est pas ; il faudrait prouverque cela nepeut pas tre ; des preuves palpables, il faudrait opposerdes preuves plus palpables encore ; or, qu'oppose-t-on ? La ngation.

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    Le Spiritisme s'appuie donc sur des faits ; les faits d'accord avec leraisonnement et une rigoureuse logique, donnent la doctrine Spirite lecaractre de positivisme qui convient notre poque. Le matrialismeest venu saper toute croyance, enlever toute base, toute raison d'tre lamorale, et miner les fondements mmes de la socit en proclamant le

    rgne de l'gosme ; les hommes srieux se sont alors demand o un teltat de choses pouvait nous conduire ; ils ont vu un abme, et voil quele Spiritisme vient le combler ; il vient dire au matrialisme : Tu n'iraspas plus loin, car voici des faits qui prouvent la fausset de tesraisonnements. Le matrialisme menaait de faire sombrer la socit endisant aux hommes : Le prsent est tout, car l'avenir n'existe pas ; leSpiritisme vient la relever en leur disant : Le prsent n'est rien, l'avenirest tout, et il le prouve.

    Un adversaire a dit quelque part dans un journal que cette doctrine est

    pleine de sductions ; il ne pouvait, sans le vouloir, en faire un plusgrand loge et se condamner d'une manire plus premptoire. Direqu'une chose est sduisante, c'est dire qu'elle plat ; or, c'est l le grandsecret de la propagation du Spiritisme. Que ne lui oppose-t-on quelquechose de plus sduisant pour la supplanter ! Si on ne le fait pas, c'estqu'on n'a rien de mieux donner. Pourquoi plat-elle ? C'est ce qu'il estfacile de dire.

    Elle plat :

    1) parce qu'elle satisfait l'aspiration instinctive de l'homme vers

    l'avenir ;2) parce qu'elle prsente l'avenir sous un aspect que la raison peut

    admettre ;

    3) parce que la certitude de la vie future fait prendre en patience lesmisres de la vie prsente ;

    4) parce qu'avec la pluralit des existences, ces misres ont uneraison d'tre, on se les explique, et au lieu d'en accuser la Providence, onles trouve justes et on les accepte sans murmure ;

    5) parce qu'on est heureux de savoir que les tres qui nous sont chersne sont pas perdus sans retour, qu'on les reverra, et qu'ils sont souventauprs de nous ;

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    6) parce que toutes les maximes donnes par les Esprits tendent rendre les hommes meilleurs les uns pour les autres ;

    et bien d'autres motifs que les Spirites peuvent seuls comprendre. Enchange, quels moyens de sduction offre le matrialisme ? Le nant.C'est l toute la consolation qu'il donne pour les misres de la vie.

    Avec de tels lments, l'avenir du Spiritisme ne saurait tre douteux,et cependant, si l'on doit s'tonner d'une chose, c'est qu'il se soit fray unchemin si rapide travers les prjugs. Comment, et par quels moyensarrivera-t-il la transformation de l'humanit, c'est ce qu'il nous reste examiner.

    I I I

    Quand on considre l'tat actuel de la socit, on est tent de regardersa transformation comme un miracle. Eh bien ! c'est un miracle que leSpiritisme peut et doit accomplir, parce qu'il est dans les desseins deDieu, et l'aide de son mot d'ordre : Hors la charit point de salut.Que la socit prenne cette maxime pour devise et y conforme saconduite, au lieu de celle-ci qui est l'ordre du jour : La charit bienordonne commence par soi, et tout change. Le tout est de la faireaccepter.

    Le mot charit, vous le savez, Messieurs, a une acception trstendue. Il y a la charit en penses, en paroles et en actions ; elle n'estpas seulement dans l'aumne. Celui-l est charitable en penses qui est

    indulgent pour les fautes de son prochain ; charitable en paroles, qui nedit rien qui puisse nuire son prochain ; charitable en actions, quiassiste son prochain dans la mesure de ses forces. Le pauvre qui partageson morceau de pain avec un plus pauvre que lui est plus charitable et aplus de mrite aux yeux de Dieu que celui qui donne de son superflusans se priver de rien. Quiconque nourrit contre son prochain dessentiments de haine, d'animosit, de jalousie, de rancune, manque decharit. La charit est la contre-partie de l'gosme ; l'une estl'abngation de la personnalit, l'autre l'exaltation de la personnalit ;

    l'une dit : Pour vous d'abord et pour moi ensuite ; l'autre : Pour moid'abord, et pour vous s'il en reste. La premire est toute dans cette paroledu Christ : Faites pour les autres ce que vous voudriez qu'on ft pourvous ; en un mot, elle s'applique, sans exception, tous les rapports

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    sociaux. Convenez que si tous les membres d'une socit agissaientselon ce principe, il y aurait moins de dceptions dans la vie. Ds quedeux hommes sont ensemble, ils contractent, par cela mme, des devoirsrciproques ; s'ils veulent vivre en paix, ils sont obligs de se faire desconcessions mutuelles. Ces devoirs augmentent avec le nombre des

    individus ; les agglomrations forment des touts collectifs qui ont aussileurs obligations respectives ; vous avez donc outre les rapportsd'individu individu, ceux de ville ville, de province province, decontre contre. Ces rapports peuvent avoir deux mobiles qui sont langation l'un de l'autre : l'gosme et la charit, car il y a aussi l'gosmenational. Avec l'gosme, l'intrt personnel passe avant tout, chacun tire soi, chacun ne voit dans son semblable qu'un antagoniste, un rival quipeut marcher sur nos brises, qui peut nous exploiter ou que nouspouvons exploiter ; c'est qui coupera l'herbe sous le pied de sonvoisin : la victoire est au plus adroit, et la socit, chose triste dire,

    consacre souvent cette victoire, ce qui fait qu'elle se partage en deuxclasses principales : les exploiteurs et les exploits. Il en rsulte unantagonisme perptuel qui fait de la vie un tourment, un vritable enfer.Remplacez l'gosme par la charit, et tout change ; nul ne cherchera faire de tort son voisin ; les haines et les jalousies s'teindront fauted'aliment, et les hommes vivront en paix, s'entraidant au lieu de sedchirer. La charit remplaant l'gosme, toutes les institutions socialesseront fondes sur le principe de la solidarit et de la rciprocit ; le fortprotgera le faible au lieu de l'exploiter.

    C'est un beau rve, dira-t-on ; malheureusement, ce n'est qu'un rve ;l'homme est goste par nature, par besoin, et le sera toujours. S'il entait ainsi, ce serait triste, et il faudrait alors se demander dans quel butle Christ est venu prcher la charit aux hommes ; autant aurait valu laprcher aux animaux. Examinons cependant.

    Y a-t-il progrs du sauvage l'homme civilis ? Ne cherche-t-on pastous les jours, adoucir les moeurs des sauvages ? Dans quel but, sil'homme est incorrigible ? Etrange bizarrerie ! vous esprez corriger dessauvages, et vous pensez que l'homme civilis ne peut s'amliorer ! Si

    l'homme civilis avait la prtention d'avoir atteint la dernire limite duprogrs accessible l'espce humaine, il suffirait de comparer lesmoeurs, le caractre, la lgislation, les institutions sociales d'aujourd'huiavec celles d'autrefois ; et cependant les hommes d'autrefois croyaient,

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    eux aussi, avoir atteint le dernier chelon. Qu'et rpondu un grandseigneur du temps de Louis XIV si on lui et dit qu'il pouvait y avoir unordre de choses meilleur, plus quitable, plus humain que celui d'alors ?que ce rgime plus quitable serait l'abolition des privilges de castes, etl'galit du grand et du petit devant la loi ? L'audacieux qui aurait dit

    cela et peut-tre pay cher sa tmrit.Concluons de l que l'homme est minemment perfectible, et que les

    plus avancs d'aujourd'hui pourront sembler aussi arrirs dans quelquessicles que ceux du moyen-ge le sont par rapport nous. Nier le faitserait nier le progrs qui est une loi de la nature.

    Quoique l'homme ait gagn au point de vue moral, il faut convenircependant que le progrs s'est plus accompli dans le sens intellectuel ;pourquoi cela ? C'est encore l un de ces problmes qu'il tait donn auSpiritisme de nous expliquer ; en nous montrant que le moral et

    l'intelligence sont deux voies qui marchent rarement de front ; tandisque l'homme fait quelques pas dans l'une, il reste en arrire dans l'autre ;mais plus tard il regagne le terrain qu'il avait perdu, et les deux forcesfinissent par s'quilibrer dans les incarnations successives. L'homme estarriv une priode o les sciences, les arts et l'industrie ont atteint unelimite inconnue jusqu' ce jour ; si les jouissances qu'il en tire satisfontla vie matrielle, elles laissent un vide dans l'me ; l'homme aspire quelque chose de mieux : il rve de meilleures institutions ; il veut lavie, le bonheur, l'galit, la justice pour tous ; mais comment y atteindreavec les vices de la socit, avec l'gosme surtout ? L'homme voit doncla ncessit du bien pour tre heureux ; il comprend que le rgne du bienpeut seul lui donner le bonheur auquel il aspire ; ce rgne, il le pressent,car instinctivement, il a foi en la justice de Dieu, et une voix secrte luidit qu'une re nouvelle va s'ouvrir.

    Comment cela arrivera-t-il ? Puisque le rgne du bien estincompatible avec l'gosme, il faut la destruction de l'gosme ; or, quipeut le dtruire ? La prdominance du sentiment d'amour, qui porte leshommes se traiter en frres et non en ennemis. La charit, c'est labase, la pierre angulaire de tout difice social ; sans elle, l'homme ne

    btira que sur du sable. Que les efforts et surtout les exemples de tousles hommes de bien tendent donc la propager ; qu'ils ne se dcouragents'ils voient une recrudescence dans les mauvaises passions ; elles sontles ennemies du bien, et en le voyant avancer, elles doivent se ruer

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    contre lui ; mais Dieu a permis que, par leurs propres excs mmes,elles se tuent ; le paroxysme d'un mal est toujours le signe qu'il touche sa fin.

    Je viens de dire que sans la charit l'homme ne btit que sur le sable ;un exemple le fera mieux comprendre.

    Quelques hommes bien intentionns, touchs des souffrances d'unepartie de leurs semblables, ont cru trouver le remde au mal danscertains systmes de rforme sociale. A quelques diffrences prs, leprincipe est peu prs le mme dans tous, quel que soit le nom qu'onleur donne. Vie commune pour tre moins onreuse ; communaut debiens pour que chacun ait quelque chose ; participation de tous l'oeuvre commune ; point de grandes richesses, mais aussi point demisre. Cela tait fort sduisant pour celui qui, n'ayant rien, voyait djla bourse du riche entrer dans le fond social, sans calculer que la totalit

    des richesses mises en commun crerait une misre gnrale au lieud'une misre partielle ; que l'galit tablie aujourd'hui serait rompuedemain par la mobilit de la population et la diffrence entre lesaptitudes ; que l'galit permanente des biens suppose l'galit descapacits et du travail. Mais l n'est pas la question ; il n'entre pas dansmon cadre d'examiner le fort et le faible de ces systmes ; je faisabstraction des impossibilits dont je viens de parler, et me propose deles envisager un autre point de vue dont je ne sache pas qu'on se soitencore proccup, et qui se rattache notre sujet.

    Les auteurs, fondateurs ou promoteurs de tous ces systmes, sansexception, ne se sont propos que l'organisation de la vie matrielled'une manire profitable pour tous. Le but est louable sans contredit ;reste savoir si, cet difice, il ne manque pas la base qui seule pourraitle consolider, en admettant qu'il ft praticable.

    La communaut est l'abngation la plus complte de la personnalit ;chacun devant payer de sa personne, elle requiert le dvouement le plusabsolu. Or, le mobile de l'abngation et du dvouement, c'est la charit,c'est--dire l'amour du prochain. Mais nous avons reconnu que lefondement de la charit, c'est la croyance ; que le dfaut de croyanceconduit au matrialisme, et le matrialisme l'gosme. Dans unsystme qui, de sa nature, requiert pour sa stabilit les vertus morales ausuprme degr, il fallait prendre le point de dpart dans l'lment

    Comment: Page: 37Extraordinaire prvision en ce quiconcerne le systme communiste.

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    spirituel ; eh bien ! non-seulement il n'en est tenu aucun compte, le ctmatriel tant le but unique, mais plusieurs sont fonds sur une doctrinematrialiste hautement avoue, ou sur un panthisme, sorte dematrialisme dguis ; c'est--dire dcors du beau nom de fraternit;mais la fraternit, pas plus que la charit, ne s'impose ni ne se dcrte ; il

    faut qu'elle soit dans le coeur ; ce n'est pas le systme qui l'y fera natresi elle n'y est dj, tandis que le dfaut contraire ruinera le systme et lefera tomber dans l'anarchie, parce que chacun voudra tirer soi.L'exprience est l pour prouver qu'il n'touffe ni les ambitions ni lacupidit. Avant de faire la chose pour les hommes, il fallait former leshommes pour la chose, comme on forme des ouvriers avant de leurconfier un travail ; avant de btir, il faut s'assurer de la solidit desmatriaux. Ici les matriaux solides sont les hommes de coeur, dedvouement et d'abngation. Avec l'gosme, l'amour et la fraternit sontde vains mots, ainsi que nous l'avons dit ; comment donc, sous l'empire

    de l'gosme, fonder un systme qui requiert l'abngation un degrd'autant plus grand, qu'il a pour principe essentiel la solidarit de touspour chacun et de chacun pour tous ? Quelques-uns ont quitt le solnatal pour aller fonder au loin des colonies sous le rgime de lafraternit ; ils ont voulu fuir l'gosme qui les crasait, mais l'gosmeles a suivis, et l encore il s'est trouv des exploiteurs et des exploits,parce que la charit a fait dfaut. Ils ont cru qu'il leur suffisaitd'emmener le plus de bras possible, sans songer qu'ils emmenaient enmme temps les vers rongeurs de leur institution, ruine d'autant plus

    vite qu'ils n'avaient en eux ni une force morale ni une force matriellesuffisantes.

    Ce qu'il leur fallait, c'tait moins des bras nombreux que des coeurssolides ; malheureusement beaucoup ne les ont suivis que parce que,n'ayant rien su faire ailleurs, ils ont cru s'affranchir de certainesobligations personnelles ; ils n'ont vu qu'un but sduisant, sans voir laroute pineuse pour l'atteindre. Dus dans leurs esprances, enreconnaissant qu'avant de jouir il fallait beaucoup travailler, beaucoupsacrifier, beaucoup souffrir, ils ont eu pour perspective ledcouragement et le dsespoir ; vous savez ce qu'il est advenu de laplupart. Leur tort est d'avoir voulu btir un difice en commenant par lefate, avant d'avoir assis des fondements solides. Etudiez l'histoire et la

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