VIN Rincerlesraisins pourunfruité plusnet · 2020. 8. 24. · lesb lancs et en conversion pour...

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AP3M et Amos Industrie proposent deux lignes de lavage à l’eau claire des raisins récoltés à la main. L’intérêt : éliminer des résidus de produits phytosanitaires et des poussières. P hilippe Nunes, œnolo- gue-consultant chez Œno-Lab et directeur technique du Château La Fleur de Bouärd, en est con- vaincu : rincer les raisins avant de les vinifier a de l’avenir. « Cela va devenir quasi incontour- nable dans les grands crus », ex- plique-t-il. Depuis trois ans, il mène des essais avec la société AP3M qui a développé l’Œno- clean. Cette machine se com- pose d’une table vibrante sur- montée d’une rampe de lavage à basse pression, puis d’une tur- bine placée au bout qui pulse un rideau d’air à 5 °C pour sécher les raisins. Elle est destinée à ceux qui font de la vendange manuelle (entière ou éraflée) et des cuvées haut de gamme. « L’avantage de notre machine est qu’elle recycle l’eau. Pour cela, nous avons intégré un système de retraitement très poussé qui éli- mine les pesticides et les micro-or- ganismes », détaille Christophe Pereira, le gérant d’AP3M. L’en- treprise va la proposer pour la première fois cette année en lo- cation. Comptez 600 € par jour. Pour l’instant, elle n’est pas commercialisée. Mais son coût devrait avoisiner les 40 000 € pour le modèle traitant 5 t/h. Amos Industrie aborde le sujet plus simplement : avec un kit de lavage et de séchage qui s’adapte à sa table vibrante TVT 1810 ou toute autre que le viticulteur utilise. Ce kit se compose d’un premier châssis équipé de deux rampes de lavage et d’un second supportant un bec de séchage. Une deuxième soufflerie en bout de table élimine les dé- chets. Cette machine traite 7 à 10 t de vendange par heure. Comptez 20 000 € pour la table pourvue du kit et un peu moins de 10 000 € pour le kit seul. Selon ces fabricants, rincer les rai- sins présente plusieurs avanta- ges. « On élimine les produits phyto présents sur les baies, no- tamment le cuivre », assure Chri- stophe Pereira. Les analyses ef- fectuées par Philippe Nunes avant et après le lavage le confir- ment : « Selon les molécules, on réduit les teneurs en résidus de 20 à 50 %. Pour les produits de con- tact, on les réduit de 30 à 50 % », indique l’œnologue. Rémy Ghi- dossi, de l’ISVV de Bordeaux, a obtenu des résultats similaires lors des tests qu’il a faits avec Amos industrie : « En nettoyant les raisins à l’eau claire, on élimine de 50 à 60 % des résidus de pro- duits phytosanitaires. » Le lavage retire aussi de la pous- sière. « On réduit de 10 à 15 % la quantité de bourbes dans les blancs et les rosés. Potentielle- ment, on enlève également des faux goûts. Au final, on gagne en pureté », assure Philippe Nunes. « On obtient un raisin avec un fruité plus net, plus pur. Et on faci- lite les départs en fermentation », ajoute Alexandre Faupin, direc- teur d’Amos Industrie. Mais quid du risque de dilu- tion ? Il est nul affirment nos in- CLAUDE GEOFFRAY, PROPRIÉTAIRE DU CHÂTEAU THIVIN, DANS LE BEAUJOLAIS, 27 HA EN CÔTE DE BROUILLY (RHÔNE) « Pas d’impact sur les levures indigènes » «M on idée est d’avoir un raisin plus net. Alors pourquoi ne pas le rincer comme on le fait pour les tomates ou les raisins de table avant de les consommer ? Avec les étés de plus en plus secs, les raisins sont poussiéreux, et même si on travaille en bio, il subsiste un peu de résidus de traitement sur les baies. On a également des insectes dans la vendange qu’on ne veut pas retrouver dans les cuves. » Partant de là, Claude Geoffray a créé son propre système de rinçage des grappes en installant deux rangées de buses écartées de 20 cm au-dessus de sa table de tri équipée de deux grilles vibrantes et d’un gros ventilateur à flux laminaire. L’an passé, il s’en est servi sur un tiers de sa récolte, uniquement des rouges. « Je suis certifié bio pour les blancs et en conversion pour les rouges. Je récolte tout à la main et vinifie les rouges en grappes entières. Je travaille avec des levures indigènes pour certaines cuvées. Je n’ai pas vu de différence au niveau des fermentations avec la vendange qui a été rincée », assure-t-il. Un bémol toutefois : la consommation d’eau – 500 l/h – qu’il regrette. Cette année, il va améliorer le rinçage et le séchage pour le rendre encore plus performant et le tester sur un volume de récolte plus important, notamment sur les blancs, afin d’obtenir moins de bourbes et de lies. » « La pratique va devenir incontournable dans les grands crus. » Philippe Nunes, œnologue-conseil chez Œno-Lab. VIN Rincer les raisins pour un fruité plus net L’ŒNOCLEAN se compose d’une table vibrante surmontée d’une rampe de lavage à basse pression, puis d’une turbine placée au bout qui pulse un rideau d’air à 5 °C pour sécher les raisins. © AP3M 56 LA VIGNE - N° 332 - JUILLET-AOÛT 2020

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  • AP3MetAmos Industrie proposentdeux lignes de lavage à l’eau clairedes raisins récoltés à lamain. L’intérêt :éliminer des résidus de produitsphytosanitaires et des poussières.

    PhilippeNunes,œnolo-gue-consultant chezŒno-Lab et directeurtechnique du ChâteauLa Fleur de Bouärd, en est con-vaincu : rincer les raisins avantde les vinifier a de l’avenir.«Celavadevenir quasi incontour-nable dans les grands crus », ex-plique-t-il. Depuis trois ans, ilmène des essais avec la sociétéAP3M qui a développé l’Œno-clean. Cette machine se com-pose d’une table vibrante sur-montéed’une rampede lavageàbasse pression, puis d’une tur-bineplacéeauboutquipulseunrideau d’air à 5 °C pour sécher

    les raisins. Elle est destinée àceux qui font de la vendangemanuelle (entière ou éraflée) etdescuvéeshautdegamme.«L’avantage denotremachine estqu’elle recycle l’eau. Pour cela,nous avons intégré un système deretraitement très poussé qui éli-mine les pesticides et lesmicro-or-ganismes », détaille ChristophePereira, le gérant d’AP3M. L’en-treprise va la proposer pour lapremière fois cette année en lo-cation. Comptez 600 € par jour.Pour l’instant, elle n’est pascommercialisée. Mais son coûtdevrait avoisiner les 40 000 €pour lemodèle traitant5 t/h.Amos Industrie aborde le sujetplussimplement : avecunkitdelavageetdeséchagequis’adapteà sa table vibrante TVT 1810 outoute autre que le viticulteurutilise. Ce kit se compose d’unpremier châssis équipé de deux

    rampesde lavageetd’unsecondsupportant un bec de séchage.Une deuxième soufflerie enbout de table élimine les dé-chets. Cette machine traite 7 à10 t de vendange par heure.Comptez 20 000 € pour la tablepourvue du kit et un peumoinsde10 000€pour lekit seul.

    Selon ces fabricants, rincer les rai-sins présente plusieurs avanta-ges. « On élimine les produitsphyto présents sur les baies, no-tamment le cuivre », assure Chri-stophe Pereira. Les analyses ef-fectuées par Philippe Nunesavantetaprès le lavage leconfir-ment : « Selon les molécules, onréduit les teneurs en résidus de 20à 50 %. Pour les produits de con-tact, on les réduit de 30 à 50 % »,

    indique l’œnologue. Rémy Ghi-dossi, de l’ISVV de Bordeaux, aobtenu des résultats similaireslors des tests qu’il a faits avecAmos industrie : « En nettoyantles raisinsà l’eauclaire,onéliminede 50 à 60 % des résidus de pro-duitsphytosanitaires. »Le lavage retire aussi de la pous-sière. « On réduit de 10 à 15 % laquantité de bourbes dans lesblancs et les rosés. Potentielle-ment, on enlève également desfaux goûts. Au final, on gagne enpureté », assure PhilippeNunes.« On obtient un raisin avec unfruitéplusnet,pluspur.Eton faci-lite les départs en fermentation »,ajoute Alexandre Faupin, direc-teurd’Amos Industrie.Mais quid du risque de dilu-tion ? Il estnulaffirmentnos in-

    CLAUDE GEOFFRAY, PROPRIÉTAIRE DU CHÂTEAU THIVIN, DANS LE BEAUJOLAIS, 27 HA EN CÔTE DE BROUILLY (RHÔNE)

    « Pas d’impact sur les levures indigènes »

    «M on idée est d’avoir un raisinplus net. Alors pourquoi nepas le rincer comme on le fait pourles tomates ou les raisins de tableavant de les consommer ? Avec lesétés de plus en plus secs, les raisinssont poussiéreux, et même si ontravaille en bio, il subsiste un peu derésidus de traitement sur les baies.On a également des insectes dansla vendange qu’on ne veut pasretrouver dans les cuves. » Partantde là, Claude Geoffray a créé

    son propre système de rinçagedes grappes en installant deuxrangées de buses écartées de 20 cmau-dessus de sa table de tri équipéede deux grilles vibrantes et d’un grosventilateur à flux laminaire. L’anpassé, il s’en est servi sur un tiersde sa récolte, uniquement desrouges. « Je suis certifié bio pourles blancs et en conversion pourles rouges. Je récolte tout à la mainet vinifie les rouges en grappesentières. Je travaille avec des levures

    indigènes pour certaines cuvées.Je n’ai pas vu de différence au niveaudes fermentations avec la vendangequi a été rincée », assure-t-il. Unbémol toutefois : la consommationd’eau – 500 l/h – qu’il regrette.Cette année, il va améliorer lerinçage et le séchage pour le rendreencore plus performant et le testersur un volume de récolte plusimportant, notamment surles blancs, afin d’obtenir moinsde bourbes et de lies. »

    «Lapratiquevadevenirincontournabledans lesgrandscrus.»Philippe Nunes, œnologue-conseilchez Œno-Lab.

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    Rincer lesraisinspourunfruitéplusnet

    L’ŒNOCLEAN se compose d’une tablevibrante surmontée d’une rampe delavage à basse pression, puis d’une turbineplacée au bout qui pulse un rideau d’airà 5 °C pour sécher les raisins. © AP3M

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  • terlocuteurs. « Le séchage estvraiment performant », insistePhilippe Nunes. Attention tou-tefois avec les raisins éraflés.« Si les baies sont abîmées, l’eau ypénètre plus facilement. L’égout-tage est alors plus compliqué. Ilfaut apporter moins de vendangesur la table et augmenter sontemps de passage pour que le sé-chage soit optimal », nuanceChristophe Pereira. PhilippeNunes n’a pas vu de différenceselon que les grappes sont ounon éraflées. « Avec les érafloirsde dernière génération, on obtientdesbillesparfaites. »

    Alexandre Faupin recommandeson kit de lavage uniquementpour la vendange entière.«Àpar-tir du moment où le raisin estégrappé, il y a du jus. Il devientalors compliqué de faire du rin-çage car on ne sait pas séparer lejus de l’eau », indique-t-il. Luiaussi confirme qu’il n’y a pas derisque de dilution si les viticul-teurs disposent d’une table detriqui faciliteunbonégouttage :c’est-à-dire une table vibrante

    équipée de barreaux divergentsoudebarreaux à fissures. « Sansce type d’équipement, il peut yavoirde1à4%d’eau résiduelle. »Autre sujet : la consommationd’eau. Œnoclean emploie 400 ld’eau par heuremais elle est re-cyclée. Amos travaille pour lemoment en eau perdue. « Il fautcompter 1 l/min par buse à 3bars », précise Alexandre Fau-pin.Mais l’an prochain, le fabri-cant proposera une option pourrecycler l’eau : un bac de 250 léquipé d’une petite pompe,d’un dégrilleur, d’un filtre àcharbonetd’un filtreàUV.

    En rinçant les raisins, on retireaussi une partie de la flore natu-relle présente sur les baies.« Cela peut être problématiquequandonvinifieen levures indigè-nes », avance un œnologue.« C’est un point que nous n’avonspas étudié », reconnaît PhilippeNunes, qui levure systémati-quement. Pour Alexandre Fau-pin, il vaut mieux vinifier avecdes levures « apportées que l’onpeutmaîtriser». CHRISTELLE STEF

    Aussi pour refroidir la vendange« On peut raccorder l’Œnoclean à un refroidisseur pour rinceravec de l’eau très froide. Cela permet de prérefroidir les raisins en vuede macérations préfermentaires par exemple », indique ChristophePereira. « En utilisant de l’eau froide, on peut faire baisser la températurede 4 à 5 °C », confirme Alexandre Faupin, chez Amos. Autre utilisation :le séchage des raisins humides. « On peut récolter des raisins frais lematin sans attendre qu’il n’y ait plus de rosée. De même, si une petite pluiesurvient, on peut continuer à ramasser », détaille Christophe Pereira.

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