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BARREAU DE BRUXELLES COURS CAPA Droit des sociétés

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BARREAU DE BRUXELLES

COURS CAPA

Droit des sociétés

Maurice Krings

2016

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PLAN DES LEÇONS

- Première leçon : la constitution d'une société

- Deuxième leçon : l'assemblée générale et l'organe de gestion

- Troisième leçon : les responsabilités

- Quatrième leçon (première partie) : les comptes annuels de la société

- Quatrième leçon (deuxième partie) : regards critiques sur quelques exemples de comptes annuels

- Cinquième leçon : les conventions de cession de parts ou d'actions

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Introduction

Comme tous les cours capa, le cours capa de droit des sociétés a pour objectif de fournir aux avocats stagiaires une formation orientée vers la pratique.

On n'y trouvera donc :

- Ni un exposé des principes de droit des sociétés : ceux-ci sont censés avoir été assimilés à l'université ; deux ouvrages de synthèse sont à conseiller et devraient figurer dans la bibliothèque de tout praticien du droit des sociétés : Tilquin, T. et Simonart, V., Traité des sociétés, Bruxelles, Kluwer, T.I, 1996, T. II, 1997, T.III, 2005 et Malherbe, J., De Cordt, Y., Lambrecht, Ph. et Malherbe, Ph., et autres, Droit des sociétés, Bruxelles, Bruylant 2011 (4ème édition).

- Ni une analyse des controverses ou des plus récentes décisions de jurisprudence : il existe d'excellents ouvrages et des revues juridiques que le présent cours n'a pas pour objet de synthétiser.

Le but du cours est de familiariser l'avocat qui entame une carrière professionnelle avec la pratique. Au cours des leçons, on s'attachera à montrer quelles sont les questions que doit se poser l'avocat lorsqu'il est le conseil de sociétés, d'actionnaires ou des administrateurs de sociétés et quels sont les réflexes à acquérir dans la préparation des réponses les plus fréquemment posées à l'avocat.

L'accent sera délibérément mis sur l'avocat dans l'exercice de sa mission de conseil, plutôt que l'avocat qui défend un client dans le cadre d'une procédure contentieuse, à l'exception sans doute du cours consacré à la matière des responsabilités.

Pour suivre utilement les leçons, il est recommandé :

- De relire le code des sociétés et son arrêté d'exécution ;

- D'avoir relu le cours de comptabilité qu'en principe tout licencié en droit a dû suivre à l'université.

Un mot d'explication au sujet des deux recommandations qui précèdent.

Commençons par le Code des sociétés. On ne s'attend pas à ce que les stagiaires qui suivent le cours capa "sociétés" soient parfaitement familiarisés avec les quelques 1017 articles que comporte le Code (sans compter les 220 articles de son arrêté d'exécution). En revanche, le professeur capa s'attend à ce que les stagiaires aient une connaissance préalable (au début des cours) et approfondie de la structure de ce Code. La table des matières du Code doit être familière, ce qui implique que lorsque nous aborderons au cours tel ou tel point de droit précis, vous pourrez en retrouver rapidement la source dans le Code. Lorsque nous aborderons au cours de la quatrième leçon quelques notions relatives aux comptes annuels, je m'attends à ce que la structure du Live II de l'AR du C. Soc. (art. 22 à 183) ne vous soit pas totalement inconnue. Les articles 88 et 89 de l'AR d'exécution du C. Soc. (schéma du bilan et schéma du compte de résultat) doivent être bien assimilés avant cette quatrième leçon.

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Il est vivement recommandé de se munir du Code des sociétés et de son arrêté d'exécution pour suivre utilement les leçons.

Parlons ensuite de la comptabilité. Je suis convaincu qu' il est indispensable de savoir lire un bilan et comprendre ce qu'un bilan peut révéler (ou cacher) pour assumer pleinement le rôle de conseil d'entreprises. C'est le motif pour lequel le cours de "lecture de bilans" ajouté à partir de 2013 à la liste des cours capa à option, est, à ma demande, un prérequis pour suivre le cours capa droit des sociétés. Le cours capa de "lecture de bilans" a été coordonné avec le cours capa "droits des sociétés" de manière à ce que la quatrième leçon du cours capa droit des sociétés constitue un complément au cours de "lecture de bilans". J'ajoute que la comptabilité des sociétés est le socle sur lequel se fonde la fiscalité des sociétés et je suis donc également convaincu que l'avocat qui se propose de devenir le conseil de sociétés (en tout cas pour les aspects "corporate") se doit de maîtriser correctement les conséquences fiscales des décisions que prennent leurs dirigeants.

*

Une dernière remarque avant de clôturer cette introduction. Le droit des sociétés comprend un socle de règles applicables à toutes les sociétés et en outre un ensemble de règles applicables soit aux grandes sociétés, soit aux groupes de sociétés, soit aux sociétés ayant fait appel public à l'épargne (sociétés cotées en bourse). Compte tenu du nombre limité d'heures de cours (actuellement réduit à 10 heures) et pour donner une place réelle à l'interactivité entre le professeur et les avocats qui suivent le cours, on se limitera tout d'abord à l'examen des principales dispositions communes à toutes les personnes morales régies par le Code (Livre IV du Code des sociétés – art. 55bis à 200).

Ensuite, les mêmes contraintes de temps imposent des choix quant aux types de sociétés que nous allons examiner au cours des leçons. On se limitera à la SPRL (titre VI – articles 230 à 349), la S.C. (Titre VII - articles 350 à 436) et la S.A. (Titre VIII - articles 437 à 653).

Ce sont ces mêmes contraintes de temps qui m'ont conduit à ne plus exposer la matière des fusions et scission de sociétés, les apports de branches d'activités ou d'universalités, ainsi que les liquidations de sociétés.

*

Enfin, nous ne pourrons aborder au cours capa les règles spécifiques aux sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé (sociétés cotées).

Un droit spécifique à ces sociétés s'est élaboré au fil des années. Tout au plus le professeur pourra-t-il signaler au cours des leçons que telle ou telle matière fait l'objet d'une réglementation spécifique pour les sociétés cotées.

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La mise à jour du cours capa droit des sociétés est un travail permanent.

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La mise à jour 2016 constitue une tâche d'autant plus ingrate que l'actuel gouvernement réfléchit à un vaste projet de simplification du Code des sociétés et (sans doute) à son intégration dans le Code de droit économique.

De manière plus immédiate, le parlement a voté une loi le 18 décembre 2015 transposant en droit interne les dispositions de la directive 2013/34/UE du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises (Moniteur belge du 30 décembre 2015).

De manière plus générale, c'est tout le code des sociétés qui sera prochainement modifié. On pourra lire en annexe des notes de cours les notes prises lors d'un exposé du professeur Dieux sur les travaux de réforme du code des sociétés.

*

Vos réactions et commentaires sont non seulement bienvenus mais souhaités, pour que ce cours réponde autant que possible à vos attentes.

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Maurice KringsMars 2016

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Premier cours : la constitution d'une société

Situation : une personne vous consulte et vous expose qu'elle se propose de constituer une société commerciale. Cette personne vous demande de la conseiller et de l'assister dans les démarches qui seront nécessaires à cette fin1.

Par quoi allez-vous commencer ?

Nous examinerons successivement :

1.1 Les questions préalables1.2 Quelle forme de société choisir ?1.3 Le plan financier1.4 La préparation de l'acte constitutif1.5 En marge de la constitution de la société …1.6 La convention d'actionnaires

1.1. Questions préalables

1.1.1. S'agit-il de la première société constituée par cette personne ? Vous consulte-t-elle à titre personnel, comme futur actionnaire ou représente-t-elle le groupe d'actionnaires qui vous demandera ensuite d'être le conseil de la société ? Attention aux conflits d'intérêts ultérieurs éventuels !

1.1.2. S'agit-il de la filiale d'une société existante ou de la succursale belge d'une société étrangère existante ? Dans la suite de l'exposé ou examinera les questions liées à la constitution d'une nouvelle société. Lorsqu'il s'agit de la succursale belge d'une société étrangère les formalités à accomplir figurent aux articles 81 à 87 C. Soc. Les documents énumérés à l'article 81 C. Soc. doivent être traduits dans la langue ou l'une des langues officielles du tribunal dans le ressort duquel la succursale est établie (art. 85 C. Soc.). Ces documents doivent être revêtus de l'apostille dans le pays d'origine, mais ne doivent pas être légalisés en Belgique.

1.1.3. Quel sera l'objet social de cette société ? L'activité est-elle réglementée ? Y a-t-il des questions relatives à l'accès à la profession ? (voir §1.4.2. in fine et 1.5.4.).

1.1.4. Si le futur actionnaire qui vous consulte est une personne physique, quel est son régime matrimonial ? Les actions qu'il s'apprête à souscrire seront-elles un bien propre ou commun2 ?

1 Stéphane.Gilcart, La société en formation, Kluwer, 2004, 544 pages.2 Sur cette question, voy. Y.-H. Leleu et S. Louis, Société et régime matrimonial de communauté, Bruxelles Larcier, 2010, 152 p.

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1.2. Quelle forme de société choisir ? Considérations qui influencent le choix de la forme de société.

1.2.1. capital minimum

- S.P.R.L. : € 18.550 (art. 214 C. Soc.) intégralement souscrit (art. 216 C. Soc) libéré à concurrence de € 6.200 au moins (art. 223 C. Soc). Attention ! pour une SPRLU, le montant du capital minimum à libérer s'élève à € 12.400 au lieu de € 6.200 pour les SPRL à deux associés minimum, art. 223, al 3 C. Soc.).

- S.C. : € 18.550 (art. 390 C. Soc.) intégralement souscrit (art. 390 C. Soc) libéré à concurrence de € 6.200 au moins (art. 397 C. Soc).

- S.A. : € 61.500 (art. 439 C. Soc.) intégralement souscrit et libéré (art. 441 et 448 C. Soc.).

- Remarque : Le capital souscrit et libéré de la S.P.R.L. "Starter" peut être limité à € 1 (art. 214 § 2 et art. 223, dernier alinéa)3.

1.2.2. Nombres d'actionnaires-associés

- S.P.R.L. : possibilité de constituer une S.P.R.L. unipersonnelle (art. 211 C. Soc.). Notez toutefois qu'une personne physique associée unique de plus d'une SPRL est réputé caution solidaire des obligations de toute autre société unipersonnelle dont elle deviendrait actionnaire, sauf si c'est par voie de succession (art. 212 C. Soc.).

- Lorsqu'une personne morale est associée unique d'une SPRL : conséquences : voir art. 213, § 2 C. Soc.).

- S.C. : minimum trois associés (art. 351 C. Soc).

- S.A. : minimum deux associés (art. 1 C. Soc).

1.2.3. Fondateurs ou souscripteurs

- S.P.R.L. et S.C. : les comparants à l'acte sont considérés comme fondateurs, nonobstant toute stipulation contraire : art. 225 et 401 C. Soc.

- S.A. : possibilité pour les "petits actionnaires" de ne pas assumer les responsabilités des fondateurs si un ou plusieurs actionnaires détenant ensemble au moins un tiers du capital sont désignés comme fondateurs.

3 Benjamin Balda, "La SPRL Starter : c'est parti !", J.T., 2010, p. 418.

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Les autres comparants sont simples souscripteurs (art. 450, al. 2 C. Soc). Importance de cette distinction : voir §1.3 et § 3.2 ci-après.

1.2.4. Transfert des titres

- S.P.R.L. : cessibilité des titres soumise à des restrictions légales (art. 210 et 249 à 254 C. Soc).

- S.C. : cessibilité des titres soumise à des restrictions légales, mais faculté pour un associé démissionnaire, exclu ou qui souhaite se retirer de demander le remboursement de ses parts (art. 362 à 376 C. Soc).

- S.A. : restrictions à la négociabilité des titres n'existent que si les statuts ou des conventions entre actionnaires le prévoient. Clauses d'inaliénabilité limitées dans le temps et doivent être justifiées par l'intérêt social (art. 510 C. Soc.) (voir également § 1.6.2., premier tiret, ci-après).

1.2.5. Sortes de titres

- S.P.R.L. : uniquement des parts sociales et des obligations nominatives (art. 232 C. Soc.). Pas de possibilité de créer des obligations convertibles. Possibilité de créer des parts sans droit de vote (art. 240 C. Soc.).

- S.C. : uniquement des parts sociales et des obligations nominatives à l'exclusion de toute autre espèce de titres qui représentent des droits sociaux ou qui donnent droit à une part des bénéfices (art. 356, C. Soc.).

- S.A. : grande variété de catégories de titres qui peuvent être émis : (voir § 1.2.10 ci-après). En outre, des titres des S.A. peuvent être dématérialisés (si la société a opté pour ce régime), ce qui permet un relatif anonymat du capital (art. 468 à 475ter C. Soc.). Remarque : l'article 515bis C.Soc stipule que la personne physique ou morale qui au moment de l'entrée en vigueur de la loi possède ou contrôle directement ou indirectement plus de 25% des actions ou des titres donnant droit de vote, doit le notifier à la société concernée au plus tard dans un délai de six mois4.

1.2.6. Organe de gestion : les personnes

- S.P.R.L. : un ou plusieurs gérants (art. 255 C. Soc.). Le gérant d'une S.P.R.L. peut être nommé pour la durée de la société (pas de risque d'oublier de le réélire ou de le remplacer !).

Le gérant d'une S.P.R.L. peut être désigné dans les statuts ; il est protégé du risque de révocation puisque celle-ci implique une modification statutaire,

4 Eric Boigelot, "La loi du 18 janvier 2010 renforçant la loi anti blanchiment introduit un nouvel article 515bis dans le Code des sociétés", J.T., 2010, p. 413.

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qui suppose que soient réunies les conditions de forme, de quorum et majorité requise (voir §§2.4.1. à 2.4.4.).

- S.C. : un ou plusieurs administrateurs nommés par l'assemblée générale (art. 378 C. Soc.).

- S.A. : trois administrateurs au moins nommés par l'assemblée générale. Possibilité de réduire à deux administrateurs, si pas plus de deux actionnaires (art. 518 C. Soc).

Dans toutes les sociétés examinées dans le cadre du cours Capa (SPRL, SC et SA), les gérants ou administrateurs peuvent être des personnes physiques ou morales, associées ou non. Lorsqu'une personne morale est désignée pour exercer un mandat de gestion, celle-ci est tenue de désigner parmi ses associés, gérants, administrateurs, membres du comité de direction, ou travailleurs, un représentant permanent chargé de cette mission au nom et pour le compte de la personne morale. La société nommée mandataire ne peut révoquer son représentant qu'en désignant simultanément son successeur (art. 61, § 2, C. Soc.).

1.2.7. Organe de gestion : mode de fonctionnement

- S.P.R.L. : chaque gérant peut accomplir seul tous les actes nécessaires ou utiles à l'accomplissement de l'objet social. Les restrictions statutaires au pouvoir d'action individuel de chaque gérant sont valables entre parties mais non opposables aux tiers, même si elles sont publiées (art. 257 C. Soc).

- S.C. : l'administrateur, s'il est unique, peut accomplir seul tous les actes de gestion. S'il y a plusieurs administrateurs, ils agissent en collège (déduit par analogie de l'article 521 C. Soc.).

- S.A. : les administrateurs d'une S.A. forment un collège (art. 521 C. Soc.). Possibilité de créer une fonction d'administrateur-délégué à qui les statuts peuvent donner le pouvoir de représenter seul la société (art. 522, §2 C.Soc.). Attention, ne pas confondre l'administrateur-délégué avec l'administrateur-délégué à la gestion journalière dont les compétences sont limitées aux actes de gestion courante. La S.A. a également la particularité qu'un comité de direction peut être institué par ce conseil d'administration (art. 524bis C. Soc.), délégation de signatures par des clauses statutaires (clause de double signature, très fréquente dans la pratique : art. 522, § 2 C. Soc.).

1.2.8. Organes de gestion : responsabilités

Renvoi à la troisième leçon (§§ 3.3.19 et 3.3.27).1.2.9. Considérations fiscales

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La structuration de l'actionnariat d'une société ou le choix de la forme de société peut encore être influencé par des considérations fiscales, par exemple :

- taux d'imposition réduit par tranches de revenus imposables (Art. 215 al. 2. CIR/92), taux réduit exclu pour les sociétés dont les actions ou parts sont détenues à concurrence d'au moins la moitié par une ou plusieurs autres sociétés (art. 215 al. 3, 2° CIR/92). La société a la charge de la preuve qu'elle est en droit de bénéficier des taux de taxation réduits par tranches; ceci conduit parfois au choix d'une forme de société dont les actions ne peuvent être que nominatives (actionnaires aisément identifiés);

- en cas de liquidation d'une SNC, d'une SCS, d'une SPRL ou d'une société agricole, possibilité d'attribuer l'immeuble appartenant à la société à un ou plusieurs associés moyennant paiement du droit de partage (1%) plutôt que le droit établi pour les ventes (12,5 %; 10 % en région flamande, 6 % pour les petites propriétés rurales ou les habitations modestes), lorsqu'il est établi que l'associé qui devient propriétaire de ces immeubles faisait partie de la société au jour de l'acquisition par celle-ci (art. 129, al. 3, 2° C. Dr. Enr).

- Si la transparence fiscale des sociétés dotées de la personnalité juridique pour les sociétés ayant adopté la forme de société de personnes n'existe plus en droit fiscal belge, elle existe dans le droit fiscal d'autres pays. Sous réserve de l'application des dispositions fiscales belges en matière de précompte mobilier, les dividendes payés par une SPRL belge peuvent bénéficier des "Partnership Treatment" aux Etats-Unis, ce qui n'est pas possible si la société distributrice est une société de capitaux.

1.2.10. Spécificités de la S.A.

La S.A. est la forme de société à laquelle le Code consacre le plus de dispositions (217 articles, à comparer aux 87 articles pour la S.C.). Cela se traduit par un nombre important d'opportunités, telles que la possibilité d'émettre des

- Actions sans droit de vote (art. 480 à 482 C. Soc.) ; - Titres dématérialisés (art. 460, al. 2 C. Soc);- Obligations convertibles en actions (art. 484 C. Soc). Il est également

possible de créer des obligations remboursables en actions ;- Des droits de souscription (art. 496 C. Soc.).

Ou d'instituer un

- Comité de direction, moyennant autorisation des statuts (art. 524bis C. Soc.).

Ou encore

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- D'autoriser le conseil d'administration à augmenter le capital social dans le cadre du capital autorisé et aux conditions des articles 603 et s. C. Soc. ;

- Moyennant autorisation des statuts, le conseil d'administration peut distribuer un acompte sur dividendes (art. 618 C. Soc.).

x xx

L'énumération ci-dessus des différences entre les différentes formes de sociétés n'est pas exhaustive. Elle a pour objectif de montrer que le Code des sociétés peut être lu de manière transversale et les enseignements de cette lecture peuvent être de nature à influencer le choix des fondateurs.

Supposons que la forme de société est à présent choisie.

L'étape suivante sera la préparation du plan financier.

1.3. Le plan financier

1.3.1. La création d'une société requiert la préparation d'un plan financier (S.P.R.L. : art. 215 C. Soc. ; S.C. : art. 391 C. Soc. ; S.A. : art. 440 C. Soc.).

1.3.2. Aucune exigence particulière quant au contenu du plan financier, la forme en est totalement libre.

1.3.3. Pour la S.P.R.L. "Starter", le plan financier doit répondre aux critères essentiels fixés par l'AR du 27 mai 2010 (Moniteur belge, 31 mai 2010)5. En outre, le ou les fondateurs d'une S.P.R.L.S sont tenus de se faire assister par une institution ou un organisme agréé à cette fin, par un comptable agréé, un expert-comptable ou un réviseur d'entreprise.

1.3.4. Schéma usuel du contenu du plan financier.

- Les investissements et les dépenses de premier établissement que l'entreprise compte réaliser pendant les deux ans qui suivent sa constitution;

- Les moyens financiers dont la société bénéficiera pour y faire face. En bonne gestion financière, ces investissements et dépenses de premier établissement doivent être couverts par des fonds propres ou des financements à long terme ;

5 Le plan financier doit comporter au minimum quatre parties: (i) une description de la société à constituer, (ii) un bilan prospectif, (iii) un compte de résultats prospectif et (iv) un tableau prospectif des flux économiques. L'AR indique quelles informations chaque partie doit contenir.

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- Un projet de compte d'exploitation indiquant les recettes et les dépenses prévues pour la période des deux ans qui suivent la constitution ;

- En définitive, l'objectif d'un plan financier est de déterminer le besoin en fonds de roulement (BFR) de la future société pendant les deux premières années de son existence (en anglais Working Capital Requirement – WCR). Au cours oral, on expliquera ce que signifie ce concept de besoin en fonds de roulement

1.3.5. Examen d'un exemple de plan financier et d'un contre-exemple (imaginaire)

Renvoi aux annexes 1.3.5.A et 1.3.5.B

1.3.6. Responsabilité liée au plan financier

Les fondateurs sont responsables des engagements de la société, dans une proportion fixée par le juge, en cas de faillite prononcée dans les trois ans de la constitution, si le capital était, lors de la constitution manifestement insuffisant pour assurer l'exercice normal de l'activité projetée pendant une période de deux ans au moins (S.P.R.L. : art. 229, 5° C. Soc. ; S.C. : art. 405, 5° C. Soc. ; S.A. : art. 456,4° C. Soc.). Rappel : distinction entre fondateur et souscripteur pour la S.A. – voir § 1.2.3 ci-avant).

x xx

Le plan financier est trop souvent un document négligé par les fondateurs des petites et moyennes entreprises. Le rôle de l'avocat est d'attirer l'attention de ses clients sur l'importance de ce document et les responsabilités qui peuvent en découler, en cas de faillite survenant dans les trois ans de la constitution.

1.4. La préparation de l'acte constitutif

1.4.1. Acte authentique

- les SPRL, SC et SA sont à peine de nullité constituées par un acte authentique : art. 66, al. 2 C. Soc) ;

- acte notarié obligatoire ;- les notaires font usage de statuts type, dont la structure est quasi constante.

Examen des statuts-type d'une SPRL : annexe 1.4.1. ASA : annexe 1.4.1. B

1.4.2. Renseignements à fournir au notaire en vue de la préparation de l'acte authentique

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- lettre type au notaire chargé d'établir l'acte authentiqueAnnexe 1.4.2. A

- nom de la future société : demander au notaire de faire une recherche quant à la dénomination envisagée ;

- objet social : rédiger avec soin avec le client en veillant à englober toutes les formes technologiques et commerciales que peuvent revêtir l'activité envisagée. Il faut examiner les différentes classifications juridiques d'une activité :

o achat/vente, location, représentation ;o pour compte propre/pour compte de tiers ;o activités financières et immobilières qui sont propres à assurer la

réalisation de l'objet social ;o la société peut-elle s'intéresser dans la gestion d'autres sociétés

commerciales ?- choix de la langue de l'acte: la langue choisie pour les statuts influencera la

langue dans laquelle s'établiront les contacts avec les administrations publiques et délimitera le périmètre dans lequel le conseil d'administration pourra déplacer le siège social (dans la mesure où les statuts donnent ce pouvoir à l'organe de gestion, ce qui est généralement le cas). Il est possible d'établir les statuts dans deux ou trois langues nationales. Changement de langue: renvoi à la deuxième leçon (§ 2.4.6. et l'annexe 2.4.6.A);

- attestation bancaire de dépôt du capital souscrit et libéré

Annexe 1.4.2. B

- si l'objet social relève d'une activité protégée (accès à la profession) et si ni l'organe de gestion ni un futur dirigeant engagé à temps plein ne dispose des compétences professionnelles requises au jour de la constitution, les statuts mentionneront que la future société limitera son activité à la partie de son objet social qui n'est pas réglementée, jusqu'à ce que le problème de l'accès à la profession soit résolu.

- Administrateurs non-résidents d'un pays de l'EEE ou de la Suisse: disposent-ils de la carte professionnelle ou un permis de travail leur permettant d'exercer en Belgique une activité professionnelle à titre de travailleur indépendant ou salarié ?

- procurations : les fondateurs ou souscripteurs non présents lors de la constitution chez le notaire peuvent s'y faire représenter par un tiers porteur d'une procuration. La procuration peut être donnée par acte sous seing privé. La prudence commande de demander au notaire de préparer lui-même les procurations (voy. § 3.2.3. ci-après).

Annexe 1.4.2. C

1.4.3. Le jour de l'acte:

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- les fondateurs-souscripteurs doivent être présents ou représentés par procuration ;

- les personnes physiques doivent être munies de leur carte d'identité ou de leur passeport ;

- Les sociétés commerciales doivent être représentées par une ou plusieurs personnes qui doivent être à même de justifier leur qualité c'est-à-dire les statuts de la société qu'ils représentent, la publication au Moniteur belge de l'acte de nomination de la personne physique présente chez le notaire, ou un "extrait intégral des données d'une entreprise personne morale" (peut-être obtenu auprès de tout guichet d'entreprise; voir exemple en annexe 1.4.3.A) ; pour les sociétés établies à l'étranger qui comparaissent en Belgique, le notaire vérifiera si selon la loi du pays d'origine de la société, les documents qui lui sont produits justifient que la personne physique qui comparaît a qualité pour représenter la personne morale de droit étranger ou si le porteur de procuration a reçu son mandat d'une personne ayant qualité pour représenter la société de droit étranger. En cas de doute, la prudence enseigne qu'avant l'acte et pour éviter toute difficulté lors de la signature, on présente au notaire les documents qui lui seront produits le jour de l'acte ;

- Le plan financier doit être présenté au notaire et sera signé en sa présence par les personnes ayant la qualité de fondateur (ou par les porteurs de procuration des personnes qui ont la qualité de fondateur) ;

- Le notaire aura également reçu directement du réviseur d'entreprises ou de l'expert-comptable choisi par les fondateurs le rapport d'évaluation des biens apportés en nature par les fondateurs pour constituer tout ou partie du capital social (SPRL : art. 219 C. Soc.; Soc. Coop. : art. 399 C. Soc. ; SA : art. 444 C. Soc.)

Annexe 1.4.3.B

- Le notaire aura reçu au préalable directement de la banque l'attestation de dépôt des fonds correspondant au capital libéré (attestation bancaire non requise pour la constitution de la SPRL Starter) ;

- Les personnes qui seront désignées administrateurs ou gérants à l'issue de l'assemblée générale constitutive de la société devront être présentes à l'acte pour accepter le mandat ou elles devront avoir donné procuration à une personne présente pour accepter le mandat en leur nom:

Annexe 1.4.3. D ;

- Lorsque l'acte constitutif est signé, le notaire remet à la personne, ou aux personnes qui viennent d'être désignées comme organes de gestion de la nouvelle société, une attestation confirmant que la société a été constituée. Cette attestation permet à l'organe de gestion d'obtenir le déblocage des fonds qui ont été versés à la banque en vue de constituer le capital:

Annexe 1.4.3. C ;

- la réglementation du notariat en Belgique impose aux notaires d'être provisionnés le jour de l'acte de la totalité de leurs honoraires et frais. Ces

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frais seront avancés par les fondateurs qui en obtiendront remboursement de la société après la constitution.

1.4.4. Après la passation de l'acte authentique

- le notaire se charge du dépôt au greffe du Tribunal de commerce d'un extrait de l'acte pour publication au Moniteur belge ainsi que d'une expédition de l'acte pour dépôt au dossier de la nouvelle société au greffe du Tribunal de commerce. Légalement la société n'existe qu'à dater du dépôt des pièces par le notaire au greffe du Tribunal ;

- Le notaire se charge de faire enregistrer l'acte constitutif ;- Les responsables de la nouvelle société ont l'obligation de faire procéder à

l’immatriculation de la société à la Banque Carrefour des Entreprises (B.C.E.), via un guichet d'entreprise (liste des guichets d'entreprises agréés sur le site internet du SPF Economie, P.M.E. Classes moyennes et Energie). L'immatriculation à la B.C.E. doit mentionner les domaines d'activité de la société au moyen de codes, selon la classification NACEBEL. L'importance de cette obligation ne saurait être sous-estimée : En vertu de l'article III.26, § 2 du Code de droit économique, toute entreprise qui n'est pas inscrite à la Banque Carrefour des Entreprises ou qui n'est pas inscrite auprès de cette institution pour l'activité qu'elle exerce réellement, court le risque de voir son action en justice déclarée irrecevable, si ce moyen d'irrecevabilité est soulevé in limine litis par la partie adverse6. Cette obligation est souvent oubliée ou négligée en cas de modification de l'activité de la société au fil des années;

- Parmi les diverses obligations qui incombent aux administrateurs dès leur entrée en fonction figure l'immatriculation de la nouvelle société à la TVA, à l'ONSS, à une caisse d'assurance sociale (la société est tenue de payer une cotisation sociale loi du 30 décembre 1992), etc. ;

- Certaines activités requièrent des autorisations (dans le secteur alimentaire, par exemple mais il existe d'innombrables secteurs d'activités économiques soumis au régime des autorisations administratives préalables) : les autorisations doivent être obtenues préalablement au démarrage de l'activité. Ces autorisations étant souvent délivrées à des personnes physiques, seront donc sollicitées au nom du futur responsable de la gestion journalière de la société ;

1.5. En marge de la constitution de la société

1.5.1. Un grand nombre de démarches peuvent être accomplies au nom et pour compte d'une société en formation.

Ces engagements pourront être censés avoir été souscrits par la société si celle-ci est constituée dans les deux ans qui suivent la naissance de l'engagement et si celle-ci reprend l'engagement contracté pour elle, dans les deux mois qui suivent

6 Cass. 28 mai 2010, affaire C.09.0528.F, arrêt publié par extrait R.D.C., 2010, p. 898.

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sa constitution (art. 60 C. Soc.). Ne pas oublier de la signaler aux fondateurs d'une société et veiller à ce que la formalité prescrite par l'article 60 C.Soc. soit accomplie.

1.5.2. Il est ainsi fréquent de négocier un bail, l'acquisition d'un immeuble ou d'un fonds de commerce au nom d'une société en formation. Les sommes payées par les promoteurs de la société leurs seront remboursées par la société, après sa constitution si celle-ci reprend l'engagement contracté.

1.5.3. Divers contrats pourront être négociés voire conclus avant la constitution de la société (contrats de travail; contrat de concessions; licence de fabrication ou d'exploitation, etc.).

L'avocat consulté dans le cadre des démarchées préalables à la constitution de la société veillera à insérer dans tous les contrats négociés par les fondateurs pour compte de la société en formation une condition suspensive de la constitution de la société et de la reprise des engagements par cette société.

1.5.4. Un grand nombre d'activités industrielles ou commerciales sont "protégées" : elles ne peuvent être exercées que si un dirigeant de l'entreprise dispose – en plus des connaissances de gestion de base – de la compétence professionnelle requise pour l'exercice de l'activité projetée.

Outre les activités professionnelles pour lesquelles l'affiliation à un ordre professionnel ou un institut professionnel est requise (titres professionnels protégés : avocats, médecins, pharmaciens, architectes, réviseurs d'entreprises, experts comptables, etc.) de nombreuses activités professionnelles sont réglementées, certaines font l'objet de réglementations spécifiques d'accès à la profession (p. ex. courtiers d'assurance), d'autres professions ont été regroupées par secteurs d'activités et font l'objet de réglementation sectorielles (secteur automobile, secteur de la construction et de l'électrotechnique, secteur des soins corporels, secteur alimentaire, etc.).

La preuve des connaissances de gestion de base ainsi que la preuve des compétences professionnelles doivent être fournies au moment de l'inscription à la Banque-Carrefour des Entreprises.

1.5.5. En vertu des articles 85 et suivants de la loi programme du 23 décembre 2009 (Mon. Belge du 30 décembre 2009) entrée en vigueur le 1er avril 2010, les mandataires sociaux doivent s'affilier à une Caisse d'assurances sociales préalablement à la constitution de la société (auparavant, ils disposaient d'un délai de 90 jours à dater de la constitution de la société). Cela signifie :

- Pour les administrateurs résidents de la Belgique : obligation d'immatriculation auprès d'une caisse d'assurance sociale pour travailleurs indépendants, sauf s'ils cotisent déjà à un régime d'assurance sociale obligatoire en Belgique (à titre de travailleur indépendant ou salarié).

- Pour les administrateurs non-résidents de la Belgique : l'immatriculation à une caisse d'assurance sociale pour travailleurs indépendants est

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obligatoire. Ils seront exemptés du paiement de cotisations sociales belges s'ils peuvent établir qu'ils cotisent à un régime de sécurité sociale (comme salarié ou à titre de travailleur indépendant) dans un Etat membre de l'EEE ou en Suisse.

1.5.6. Les administrateurs actifs (rémunérés ou non) de la future société qui ne sont pas originaires d'un Etat membre de l'EEE ou de la Suisse, devront obtenir la carte professionnelle auprès du SPF Economie. Ces demandes sont introduites via un guichet d'entreprise.

1.6. La convention d'actionnaires (Protocole de Partenariat, Pacte d'actionnaires)

1.6.1. D'origine anglo-saxonne, la pratique s'est développée de joindre aux statuts - stipulations relativement standardisées - un pacte d'actionnaires qui en complète les dispositions.

La doctrine a dégagé les principes qui régissent ces conventions7.

1.6.2. Typologie d'une convention d'actionnaires

Les conventions d'actionnaires échappent à toute idée de standardisation. Il s'agit du type même de convention rédigée sur mesure.

On peut schématiquement regrouper les clauses habituelles en trois grandes catégories.

- Organisation conventionnelle des transferts de parts ou d'actions Relèvent de cette catégorie; les clauses extrastatutaires :

o D'agrément du cessionnaireo De préemption ou de préférenceo De non-acquisition (ne pas modifier les équilibres au sein de

l'actionnariat - clause de stand-still)o De droit de suite (imposé aux actionnaires majoritaires – clause de

tag-along)

7 P. Van Ommeslaghe, "Les conventions d'actionnaires en droit belge", R.P.S., 1989, p. 290 ; V. Simonart, "La contractualisation des sociétés ou des aménagements des mécanismes sociétaires", R.P.S., 1995, p. 109 ; H. Laga, "Het reglement van inwendige orde in vennootschappen", T.P.R. 1993, p. 922 ; P.A. Foriers, "Les situations de blocage dans les sociétés anonymes" R.D.C. 1992, p. 483 ; C. Staudt et P. Kileste, "Le statut des administrateurs et les pactes d'actionnaires" in Les conflits au sein des sociétés commerciales ou à forme commerciale, [Jeune Barreau Bruxelles 2004], p. 14 ; P. Kileste et O. Ralet, "Droits et protections de l'actionnaire minoritaire", R.D.C. 1979, p. 847 ; P. De Wolf, "Exercice du pouvoir et fonctionnement de la S.A. : un régime de liberté (moins ) surveillé", J.T. , 2003, p. 592 ; P. De Wolf et B. Feron, "les conventions d'actionnaires, une évolution inachevée" D.A.O.R., 1991, p. 33 ; O. Caprasse et R. Aydogdu, "Contrôle et pactes d'associés" in Contrôle, stabilité et structure de l'actionnariat [Jeune Barreau Bruxelles 2009], p. 146 ; D. Willermain, "les pactes d'actionnaires : principes fondamentaux – Clauses relatives à l'exercice du pouvoir", D.A.O.R., 1991, p. 14.

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o D'obligation de sortie conjointe (imposée aux actionnaires minoritaires – clause de drag-along)

o De sortie proportionnelle et réciproqueo D'option d'achat ou de vente (call or put)o De sortie en cas de divergence entre associés (buy or sell; le cas

échéant aménagé sous forme de dispositions à enveloppes fermées, "clause texane")

o D'exclusion en cas de différend grave. Ces clauses, très utiles, permettent de modaliser conventionnellement les articles 636 et s. C. Soc. en matière de cession forcée des titres dans les sociétés anonymes (art. 334 et s. C. Soc. en cas de SPRL; pour rappel : l'exclusion d'un associé est organisée par la loi dans S.C. : art. 370 C. Soc.).

o De retrait. Même remarque qu'au tiret précédent. Pour ce qui concerne le retrait organisé par l'article 642 C. Soc. les motifs conventionnels du retrait peuvent être élargis à d'autres circonstances que celles prévues à l'article 642 C. Soc. dans les sociétés anonymes (art. 340 en cas de SPRL). Pour rappel, en cas de S.C., un associé a le droit de démissionner : art. 369 C. Soc.

- Organisation conventionnelle de la gestion de la société.Relèvent de cette catégorie les clauses extrastatutaires :

o Donnant droit à un actionnaire minoritaire à une représentation minimale au conseil d'administration

o Spécifiant que certains points (listés dans la convention) ne pourront être décidés hors de la présence des administrateurs désignés par l'actionnaire minoritaire - voire même exigeant l'accord de l'administrateur désigné par l'actionnaire minoritaire, ce qui revient à lui donner un droit de véto

o Organisant le processus de décision au sein du conseil d'administration pour certains points listés dans la convention.

L'organisation de la composition du conseil d'administration se heurte dans les S.A. à l'obstacle de la durée limitée du mandat des administrateurs (art. 518, § 3 C. Soc) et par voie de conséquence à l'obligation de limiter dans le temps les pactes de vote (art. 551, § 1er al. 2 C. Soc). Il existe des clauses contractuelles efficaces permettant d'assurer une certaine pérennité aux clauses contractuelles organisant la gestion de la société.

- Organisation conventionnelle de la répartition des bénéfices Relèvent de cette catégorie les clauses contractuelles :

o Définissant le mode de rémunération des administrateurs actifso Déterminant le niveau d'autonomie financière visé avant toute

distribution des bénéfices

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o Organisant indirectement le partage des bénéfices (réduction du capital, amortissement du capital (aménagement conventionnel des dispositions de l'article 615 C. Soc., le principe de l'amortissement du capital devant figurer dans les statuts)

o Organisant le rachat d'actions propres.

Signalons l'ouvrage de Me Arnaud Coibion, Les conventions d'actionnaires en pratique, qui allie à une analyse fouillée des contraintes juridiques, la proposition de quelques clauses qui peuvent inspirer les rédacteurs de convention d'actionnaires [Larcier, 2010].

1.6.3. Pour le surplus, que comporte un pacte d'actionnaires ?

- les actionnaires lient-ils leur participation dans le capital de la société à l'exercice d'une activité professionnelle au sein de la société ? Dans l'affirmative, quelles sont les conséquences de la fin de l'activité professionnelle de l'actionnaire au niveau de sa participation dans le capital ?

- les actionnaires s'engagent-ils à maintenir à l'avenir la parité de leur participation dans le capital, en cas d'augmentation de capital ? En cas de non exercice du droit de souscription préférentiel, comment se répartiront les droits de souscription non exercés ? (aménagement conventionnels des articles 309-310 et 592-593 C. Soc.);

- compléter les clauses statutaires relatives au droit d'agrément au droit de préemption ou droit de suite, par des dispositions particulières en cas de décès ou d'incapacité de travail définitive d'un actionnaire investi de fonctions de gestion journalière de la société;

- rémunération des organes de gestion de la société : seront-ils rémunérés ? dans l'affirmative, selon quel mode de calcul ? La rémunération des administrateurs ou gérants s'entend-elle pour un travail à temps plein ou partiel ? Comment définit-on le travail "à temps plein" d'un administrateur indépendant ? Que considère-t-on comme une heure de travail pour l'entreprise ? Quels sont les droits d'un administrateur ou gérant en cas d'incapacité de travail ? Quelle politique l'entreprise se fixe-t-elle au niveau des avantages extra-légaux (usage des cartes de crédit, véhicules de sociétés, téléphones, ordinateurs) etc. ?

- Les administrateurs se répartissent-ils les fonctions de gestion ? Dans l'affirmative selon quelles règles ?

- Les actionnaires autorisent-ils les administrateurs à avoir des activités professionnelles autres que la gestion de la société ? Engagement d'apporter toute sa force de travail au profit de la société ?

- Clause de non-concurrence ; maintien d'obligations de non-concurrence même en cas de sortie de l'actionnariat de la société ;

- Politique de gestion de la société : les actionnaires privilégient-ils une politique audacieuse et dynamique en vue de l'expansion (avec prise de risque) ou préfèrent-ils une politique de prudence (pas de prise de risque)?

- Quelle politique les actionnaires vont-ils adopter en matière de distribution de dividendes : vise-t-on la distribution de tout le bénéfice distribuable dès que la réserve légale est constituée (réserve légale : art. 319, 428, 616 C.

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Soc.) ? Ou bien va-t-on à l'inverse choisir une politique de mise en réserve des bénéfices ? Ou encore les actionnaires choisissent-ils un ratio d'indépendance financière, à partir duquel la distribution de dividendes est envisagée ?

- Liste des décisions pour lesquelles les actionnaires conviennent que les administrateurs délibèreront préalablement entre eux; dans une SPRL qui comporte plusieurs gérants, il s'agit d'un aménagement conventionnel au principe de la plénitude du pouvoir de gestion reconnu aux gérants agissant individuellement.

- Exemple d'actes d'administration qui pourraient requérir une codécision (dans les SPRL où il y a plusieurs gérants) ou une majorité qualifiée au sein du conseil d'administration :

o Toute opération immobilière et notamment achat ou vente d'immeuble, contrat de location immobilière, etc.

o Toute opération d'investissement ou de placements financiers telles qu'achat ou vente d'actions, d'obligations ou autres effets mobiliers;

o Toute décision concernant l'engagement ou le licenciement de personnel salarié ou la conclusion de contrat avec un collaborateur à titre indépendant (parfois au-delà d'un certain seuil);

o Toute opération d'achat, vente, leasing ou location à long terme de matériel d'exploitation, ou toute opération scindée de ce type dont le total représente une charge supérieure à [***€] sur une période de 12 mois consécutifs ;

o Tout achat ou tout achat scindé de biens et de services (autres que les achats de stock) dont le total représente une charge supérieure à [***€] sur une période de 12 mois consécutifs ;

o Toute réduction ou remise de prix par rapport au prix de vente usuel/catalogue/affiché;

o Toute transaction dans les litiges;o Toute opération commerciale ou financière entre d'une part la

société et, d'autre part, un associé, un gérant, son conjoint, compagnon ou compagne, ses ascendants, descendants, alliés ou parents et collatéraux jusqu'au *** degré, ainsi que leur conjoint, compagnon ou compagne ;

o Toute opération commerciale ou financière entre la société et une entreprise dans laquelle une personne visée au tiret précédent détient un intérêt significatif ou exerce une fonction dirigeante de droit ou de fait ;

o Toute cession d'un élément significatif de l'actif (c'est-à-dire représentant à la date de la cession au moins ** % du montant total des actifs de la société), ou toute cession d'une partie de l'activité de la société ;

o Toute décision de modifier les rémunérations du personnel ;o Lorsque les statuts prévoient que les mandats des administrateurs

sont rémunérés et que l'assemblée générale qui les nomme confie au conseil d'administration le soin de fixer la rémunération des administrateurs, toute décision relative à cette rémunération ;

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o Toute opération ne relevant pas de la gestion journalièreo Etc.

1.6.4. Dans les lignes qui précèdent nous avons brièvement examiné la convention d'actionnaires conclue au moment de la constitution de la société (ce qui constitue le thème de la première leçon). Débordons à présent du contexte de la constitution d'une société. Nous constatons qu'une convention d'actionnaires peut également être négociée en cours de vie de la société. Ce sera le cas par exemple en cas d'entrée de nouveaux actionnaires dans la société.

Des investisseurs professionnels (Venture Capitalists ou VC) n'ont pas pour objectif de maintenir leur participation à long terme. Un VC négociera son apport en capital par les clauses :

o d'exit : la période de lancement de la société ou d'un nouveau produit étant définie conventionnellement, le VC négociera dès son entrée dans le capital les conditions de sa sortie, avec souvent à la clé des modalités de répartition du prix de vente des actions lui assurant un rendement privilégié

o de ratchett investisseur : le VC a souscrit une augmentation de capital sur la base d'une valorisation de la société qui a permis de déterminer le prix d'émission des actions nouvelles souscrites par lui. Si, à l'occasion d'une augmentation de capital ultérieure ouverte à de nouveaux investisseurs, la valorisation de la société se fait sur une base moins élevée que lors de l'augmentation de capital précédente, le VC se protègera contre une dévalorisation de son investissement par une clause lui donnant droit de souscrire à un nombre d'actions nouvelles (ou de racheter des actions des actionnaires fondateurs) pour un prix calculé de manière à ce que la valeur de son investissement reste inchangée.

La mise au point de clauses de ce type recourt à des techniques de calcul qui peuvent nécessiter le concours d'économistes qui maîtrisent les outils de calculs nécessaires. L'avocat se fera en ce cas assister de spécialistes du chiffre pour la mise au point de pareilles clauses.

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LISTE DES ANNEXES AU PREMIER COURS

1.3.5. A Plan financier

1.3.5. B. Contre-exemple (à ne pas imiter !)

1.4.1. A. Statuts type S.P.R.L.

1.4.1. B. Statuts type S.A.

1.4.2. A. Lettre type au notaire chargé d'établir l'acte authentique de constitution d'une société

1.4.2. B. Exemple d'attestation bancaire de dépôt du capital souscrit et libéré

1.4.2. C. Exemple de procuration donnée pour comparaître à l'acte constitutif d'une société

1.4.3. A. Exemple d'extrait intégral des données d'une entreprise personne morale

1.4.3. B. Exemple de rapport de réviseur d'entreprises concernant des apports ne consistant pas en numéraire

1.4.3. C. Attestation du notaire certifiant que la société a été constituée

1.4.3. E. Exemple de procuration donnée pour accepter un mandat d'administrateur

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Deuxième cours : l'assemblée générale, l'organe de gestion et le contrôle des comptes annuels

L'avocat de sociétés est sollicité dans les domaines les plus divers. Son assistance est parfois requise notamment à l'occasion d'actes qui relèvent du fonctionnement des organes de la société : l'assemblée générale et l'organe de gestion.

Lors du premier cours, on s'est efforcé de renvoyer aux dispositions légales applicables aux trois types de société choisies dans le cadre des exposés Capa (SPRL, SC, SA). Les avocats qui suivent le cours sont à présent censés avoir assimilé cet exercice de recherche de la disposition légale applicable (en notant, le cas échéant, les différences de texte). Dans ce deuxième cours, on se bornera à des renvois aux seules dispositions applicables aux SA.

Nous examinerons successivement : 2.1. Considérations générales relatives à toutes les assemblées générales2.2. L'assemblée générale ordinaire2.3. L'assemblée générale particulière2.4. L'assemblée générale extraordinaire2.5. L'assemblée générale spéciale2.6. L'organe de gestion2.7. Les comités2.8. Les conflits d'intérêts2.9. Le contrôle des comptes annuels

Compte tenu de la réduction du nombre d'heures de cours, il n'est plus possible d'enseigner la matière des situations de blocage au sein des organes d'une société et les mesures pour y remédier. Il existe une abondante doctrine sur cette question, et nous ne pouvons qu'y renvoyer.

2.1. Considérations générales relatives à toutes les assemblées générales des associés ou actionnaires dans toutes les sociétés

2.1.1. Convocation

Le code prescrit l'envoi de convocations envoyées aux associés, ou actionnaires (art. 533 C. Soc.)8.

D'un point de vue pratique, on ne recourt d'ordinaire à la convocation par voie de presse que lorsque la société a émis des titres dématérialisés. Lorsque les titres

8 Pour un exemple des conséquences de l'irrégularité des convocations : Bruxelles, 5 mai 2010, R.D.C., 2012, p. 43 avec la note N. Cooreman et H. De Wulf "Nietigheid van beslissingen van een algemene vergadering: perikelen rond het bewijs van de aanvang van de oproepingstermijn voor de vergadering". Concernant l'intervention du juge des référés en cas d'irrégularité de la convocation de l'assemblée générale : N. Thirion, "La protection de l'égalité des associés par le juge des référés", J.T., 2011, p. 880, spécialement les numéros 2 à 5.

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sont nominatifs, les convocations sont d'ordinaire envoyées par lettre recommandée (art. 533, § 1er, alinéa 3).

La loi permet également la convocation "moyennant un autre moyen de communication" si les destinataires ont individuellement, expressément et par écrit accepté ce mode de communication. Il est donc possible – moyennant accord des destinataires - de convoquer par fax, par mail, etc. (art. 533 § 1er, al. 3 in fine C. Soc.).

L'envoi d'une convocation écrite n'est cependant pas prescrit à peine de nullité : si tous les associés ou actionnaires sont présents ou valablement représentés, une assemblée générale peut se tenir sans convocation écrite préalable (argument déduit de l'article 533 § 1er, al. 3 C. Soc.).

2.1.2. Délai

La même disposition du Code (art. 533) impose un délai de 15 jours entre la convocation et la tenue de l'assemblée générale. Ce délai n'est cependant pas prescrit à peine de nullité. Par conséquent, si tous les associés ou actionnaires sont présents ou valablement représentés, l'assemblée générale peut se tenir à bref délai, voire même sans délai.

N.B. Pour les sociétés cotées, le délai de convocation est porté à 30 jours et si une seconde assemblée est nécessaire, le délai de convocation de cette seconde assemblée est de 17 jours (art. 533 § 2, C. Soc.).

2.1.3. Ordre du jour

"Les convocations pour toute assemblée générale contiennent l'ordre du jour" (art. 533 C. Soc.). Pour les sociétés cotées, la convocation comporte aussi les propositions de décisions (art. 533, § 1er, al. 4 et art. 533bis , § 1er, 2° C. Soc.).

L'ordre du jour doit être établi avec le plus grand soin. Il faut veiller à correctement scinder les différents sujets à traiter. L'emploi à l'ordre du jour d'un point "divers" conçu comme fourre-tout ou rattrapage des oublis doit être condamné. Il ouvre la porte à de possibles abus, avec le risque d'annulation d'une décision irrégulière pour excès de pouvoir.

L'ordre du jour est fixé par l'organe de gestion. Lorsque l'organe de gestion forme un collège, l'ordre du jour est une décision collégiale et suppose donc une délibération préalable du conseil d'administration pour fixer l'ordre du jour. Le commissaire-réviseur – lorsque la société en a un – peut également convoquer une assemblée générale et en fixer l'ordre du jour.

Le droit de convocation et par conséquent de fixer un ordre du jour appartient également aux actionnaires représentant ensemble 20 % du capital social (art. 532 C. Soc.).9

9 Dans les sociétés cotées, les actionnaires détenant ensemble au moins 3% du capital social peuvent demander l'inscription d'un point à l'ordre du jour : art. 533ter, § 1er C. Soc.

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L'assemblée générale ne peut en principe délibérer que sur les points inscrits à son ordre du jour. Cependant, si tous les associés ou actionnaires sont présents ou valablement représentés et consentent à ce qu'il soit discuté d'un sujet qui n'est pas à l'ordre du jour, l'assemblée peut valablement délibérer sur ce point supplémentaire.

Annexe 2.1.3. : exemple de convocation à une assemblée générale ordinaire

2.1.4. Lieu

Il est fortement recommandé de tenir en Belgique les assemblées générales de sociétés dont le siège social est situé en Belgique.Si une société tient ses assemblées générales en dehors de la Belgique, il y a un risque que le siège social belge soit considéré comme fictif. Rappelons que la loi du 20 décembre 2010 qui a transposé en droit belge la directive 2007/36/CE du 11 juillet 2007 concernant l'exercice des actionnaires de sociétés cotées a introduit dans le Code des sociétés des articles 270bis et 538bis qui autorisent toutes les sociétés et donc pas seulement les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, à insérer dans leurs statuts la possibilité pour les actionnaires de participer à distance à l'assemblée générale grâce à un moyen de communication électronique mis à leur disposition par la société. La loi impose cependant que les statuts autorisent explicitement cette participation à distance et l'organisent10

2.1.5. Présidence

Le Code ne fixe d'autre règle au sujet du mode de fonctionnement des assemblées que par la disposition générale de l'article 63 : "A défaut de dispositions statutaires, les règles ordinaires des assemblées délibérantes s'appliquent aux collèges et assemblées prévus par le présent code, sauf si celui-ci en dispose autrement".

Les "règles ordinaires des assemblées délibérantes" renvoient aux règlements de la Chambre des représentants et du Sénat de Belgique.

Les dispositions statutaires précisant le mode de fonctionnement de l'assemblée générale sont fréquentes dans la pratique et très souhaitables. Il est d'usage de préciser dans les statuts que le président du conseil d'administration ou l'administrateur délégué préside l'assemblée générale des actionnaires.

On ne doit pas sous-estimer l'importance de la fonction de président de l'assemblée générale des actionnaires. Dans les situations de conflits, le rôle du président de l'assemblée peut s'avérer être stratégique : c'est lui qui donne la parole aux

10 Anne Tillieux, "Les nouveaux droits des actionnaires – vers une meilleure gouvernance d'entreprise", J.T., 2011, p. 872-873, n° 58 à 69; François De Bauw, "La loi du 20 décembre 2010 concernant l'exercice de certains droits des actionnaires de sociétés cotées, R.D.C., 2012, p. 7 et suiv.

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intervenants, il a la police de la séance, il décide de clore un débat et de passer au vote11, c'est sous son contrôle qu'est établi le procès-verbal, etc.

2.1.6. Bureau

Le Code n'impose pas la composition d'un bureau de l'assemblée générale. Le "bureau" est un usage dérivé des "règles ordinaires des assemblées délibérantes" (art. 63 C. Soc., voir § 2.1.5. ci-dessus).

Le bureau se compose usuellement d'un secrétaire et de un ou plusieurs scrutateurs. Le secrétaire est d'ordinaire choisi par le président de l'assemblée, parmi les actionnaires ou non. Le ou les scrutateur(s) sont désignés par l'assemblée. Celle-ci désigne soit un ou plusieurs actionnaires soit une personne tierce. La fonction du secrétaire est d'établir le procès-verbal de l'assemblée. Le ou les scrutateurs ont pour mission de vérifier si les personnes présentes sont actionnaires et si elles ont accompli les formalités requises pour assister à l'assemblée (lorsque de telles formalités sont prescrites par les statuts).

Dans les sociétés où il existe un très petit nombre d'actionnaires, la désignation d'un scrutateur est plus exceptionnelle : les actionnaires se connaissent et sont à même de vérifier eux-mêmes la qualité des personnes présentes.

2.1.7. Participation à l'assemblée générale

Les actionnaires participent à l'assemblée générale et, en principe, seulement eux. Les statuts peuvent déterminer les formalités à accomplir pour être admis à l'assemblée générale (art. 536 C. Soc.). Dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché, les formalités d'admission sont fixées par l'article 536, § 2 C. Soc.

Les administrateurs, même s'ils ne sont pas actionnaires, ont le droit de participer aux assemblées générales.

Les commissaires-réviseurs assistent aux assemblées générales lorsqu'elles sont appelées à délibérer sur la base d'un rapport établi par eux (art. 538 C. Soc.).

L'administrateur ou le commissaire peut cependant renoncer à être convoqué, ceci dispense la société de les convoquer par courrier recommandé.

Annexes 2.1.7. A et B. Exemples de renonciation du commissaire et d'un gérant de SPRL à être convoqués à l'assemblée générale ordinaire

La question a été controversée en doctrine sur le point de savoir si un actionnaire peut se faire assister à l'assemblée générale par un avocat ou un expert-comptable,

11 Sous réserve du respect du droit d'interpellation des actionnaires. Le droit du président de l'assemblée de clore un débat et de passer au vote ne peut méconnaître le droit d'interpellation. La méconnaissance de ce droit conduit à la nullité des décisions de l'assemblée générale. Si le président propose à l'assemblée de clore un débat et de passer au vote, il est prudent d'acter au procès-verbal de manière circonstanciée les faits qui ont conduit le président à passer au vote.

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voire un huissier de justice12. Compte tenu de la complexité de certaines questions à débattre et eu égard au droit intangible de tout actionnaire d'interpeller le conseil d'administration à l'assemblée, la jurisprudence est actuellement fixée en ce sens que l'actionnaire peut se faire assister par un conseil à l'assemblée13. La question de savoir si le conseil (avocat, expert-comptable) peut intervenir au cours de débats au nom de l'actionnaire est beaucoup plus controversée.

Un actionnaire qui ne peut assister à une assemblée générale peut s'y faire représenter par un mandataire porteur d'une procuration. Sauf disposition contraire des statuts, le mandataire ne doit pas être associé ou actionnaire. Aucune disposition légale n'interdit la désignation d'un gérant ou administrateur en qualité de mandataire pour représenter un actionnaire à l'assemblée générale. La forme des procurations est libre. Il est recommandé de reproduire dans la procuration l'ordre du jour. La procuration peut indiquer le sens dans lequel le mandataire devra voter à l'assemblée sur chacun des points à l'ordre du jour.

Annexe 2.1.7.C : exemple de procuration pour une assemblée générale ordinaire

La participation à une assemblée générale ne requiert pas nécessairement la présence physique des associés ou actionnaires. Ainsi dans les SPRL la loi permet, sauf disposition contraire des statuts, d'émettre le vote par correspondance (art. 280 C. Soc). Dans les S.A. et les S.C. le vote par écrit est possible moyennant accord unanime des associés quant aux décisions à prendre (art. 536, § 1er, al. 3 et 382, al. 3 C. Soc.). Rappelons également que dans toutes les formes de sociétés le vote électronique est possible s'il est organisé en vertu des statuts (art. 270bis, 382bis et 538bis C.Soc.).

2.1.8. Liste de présence

Une liste de présence doit être tenue à chaque assemblée générale (art. 539 C. Soc.).

La liste de présence peut figurer dans le texte du procès-verbal (ce sera le cas lorsque le nombre d'actionnaires ou d'associés est très réduit). Si la liste de présence est tenue dans un document séparé du procès-verbal, elle sera contresignée par le bureau de l'assemblée et jointe au procès-verbal.

Cette liste de présence est une source de renseignements pour l'administration fiscale : à la déclaration annuelle à l'impôt des sociétés (I. Soc.) doivent être joints divers documents, parmi lesquels une copie du procès-verbal de l'assemblée générale ayant approuvé les comptes annuels sur lesquels se fonde la déclaration I.

12 Ne pas confondre avec le droit pour tout actionnaire de se faire assister par un expert-comptable afin d'exercer son droit d'investigation et de contrôle, dans les sociétés où il n'existe pas de commissaire réviseur (art. 166 C. Soc.).13 Sur les règles à observer par l'avocat en pareille circonstance, voyez la conférence donnée aux midis de la formation le 16 janvier 2012 : "Rôle de l'avocat dans les assemblées générales et conseils d'administration ou de gérance des sociétés commerciales". Le texte de cette conférence est l'annexe 2.1.7.D aux notes de cours.

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Soc. Indirectement le fisc belge a donc une information sur l'identité des actionnaires des sociétés de droit belge14.

2.1.9. Procès-verbal

Il est dressé un procès-verbal des assemblées générales (art. 546 c. Soc.). La prudence commande d'établir le procès-verbal séance tenante.

Un procès-verbal n'est pas un compte rendu analytique. Un actionnaire ne peut donc en règle exiger l'enregistrement littéral dans le PV de ses déclarations, questions ou interpellations. En pratique, cependant, dans des situations très conflictuelles, il n'est parfois pas possible d'échapper à la contrainte d'un enregistrement quasi littéral des questions et réponses. Cela peut être la source de situations extrêmement difficiles à maitriser. En revanche, il est licite – et pas du tout inhabituel – qu'un actionnaire demande à ce que soit annexée au PV une déclaration écrite de sa part. Le PV acte le dépôt de la déclaration écrite, ainsi que la réponse qu'y apportent les membres du conseil d'administration (ou la réserve exprimée par le conseil d'administration d'y répondre ultérieurement, si la déclaration d'un actionnaire requiert une réponse plus élaborée).

La bonne pratique consiste à établir un PV complet des délibérations de l'assemblée, c'est-à-dire :

- Le jour, l'heure et le lieu où l'assemblée est ouverte ; - Lorsque le nombre d'actionnaires présent est limité : l'identité des

actionnaires présents avec l'indication du nombre d'actions qu'ils déclarent détenir (si le nombre d'actionnaires présents est trop important, renvoi à une liste de présence annexée au PV) ;

- L'identité de la personne qui préside l'assemblée et la qualité qui justifie cette fonction de président ;

- La composition du bureau, lorsque l'assemblée décide d'en composer un ; - L'ordre du jour de l'assemblée ; - La vérification que l'assemblée est valablement constituée et apte à

délibérer sur son ordre du jour ; - Ensuite les délibérations de l'assemblée, de préférence suivant l'ordre de

l'agenda. Il est recommandé de prendre autant de délibérations que de points à l'ordre du jour ;

- Pour chaque délibération on notera le résultat des votes ; - Le PV se clôturera par la constatation que l'ordre du jour étant épuisé et

plus personne ne demandant la parole, l'assemblée est clôturée.

Le P.V. est signé par les membres du bureau. Le Code ajoute : "et par les actionnaires qui le demandent" (art. 546 C. Soc.). Dans la mesure du possible, il est prudent de demander aux actionnaires présents de signer le PV. Ils n'ont pas l'obligation de donner une suite favorable à cette demande, mais leur signature sur le PV sera de nature à couper court à d'éventuelles contestations ultérieures.

14 Et ainsi pas seulement les participations importantes dans les sociétés anonymes (art. 515bis C. Soc.). Notons toutefois que dans la pratique on observe que beaucoup de sociétés ne respectent ni l'article 515bis ni l'article 539 C. Soc.).

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Annexe 2.1.9. : exemple de P.V. d'assemblée générale ordinaire

2.1.10. Vote

- Chaque action donne en principe droit à une voix (art. 541 C. Soc.). Dans les sociétés coopératives, les clauses statutaires peuvent inclure le principe coopératif d'origine d'une voix par coopérateur (quelle que soit la participation des coopérateurs dans le capital de la S.C.: art. 382 C. Soc.).

- Parts bénéficiaires : limitation au droit de vote : selon les dispositions statutaires et avec les maximums fixés par l'article 542 al. 2 C. Soc.

- Suspension du droit de vote : actions non entièrement libérées dont l'actionnaire est en défaut de libérer le montant appelé par le conseil d'administration (art. 541, al. 3, C. Soc.) ; participations croisées au-delà du maximum autorisé (art. 631, § 1er C. Soc.) ; acquisition par une société de ses propres actions (art. 622, § 2 C. Soc.) ; suspension du droit de vote par décision de justice (séquestre ; procédure d'exclusion d'un actionnaire pour de justes motifs : art. 638, al. 2 C. Soc.).

- Limitation de la puissance votale des grands actionnaires, si les statuts prévoient pareille limitation (art. 544 C. Soc.).

- Pacte de votation : licite s'il est conforme aux conditions de l'article 551 C. Soc. (voir pour le surplus § 1.6., ci-avant).

2.1.11. Blocage au sein de l'assemblée15

- Principe : les Cours et Tribunaux n'ont pas pour fonction de se substituer aux organes légaux des sociétés commerciales ; par conséquent, le recours préventif au juge est le plus souvent voué à l'échec16. Le juge n'interviendra en règle générale que lorsqu'on a tenté de faire fonctionner les organes statutaires et qu'un blocage rend l'intervention inéluctable ;

- Désignation d'un administrateur provisoire (qui tentera une mission de conciliation) ;

- Procédure d'exclusion ou de retrait pour de justes motifs (art. 636 à 643, C. Soc.) ; l'évaluation des actions ou parts de l'associé qui se retire ou est exclu se fait dans une perspective de continuité, sans que puisse être pise en compte l'incidence du comportement des parties sur la situation qui a mené à l'introduction de l'action et sur le redressement de la société intervenu après celle-ci17 ;

- Procédure de dissolution judiciaire, si le désaccord est insoluble (art. 645 C. Soc.).

15 Voyez : Olivier Caprasse et Roman Aydogdu, Les conflits entre actionnaires, Bruxelles, Larcier, 2010.16 Comm. Liège (réf.), 10 mai 1999, R.P.S., 2000, p. 393, obs. W. Derijcke.17 Cass. 9 décembre 2010, J.T., 2011, p. 886.

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2.1.12. Nullité des délibérations de l'assemblée18

- Excès de pouvoir (irrégularité d'une décision d'assemblée quant à son objet) ou détournement de pouvoir (irrégularité d'une décision d'assemblée quant à son but : art. 64,3 ° C. Soc.) ;

- Violation d'une règle de forme, violation des règles de fonctionnement de l'assemblée, décision prise en dehors de l'ordre du jour, exercice du droit de vote par des actionnaires dont le droit de vote est suspendu (art. 64, 1°, 2°, 4° C. Soc.) ;

- Décision frappée de nullité par une disposition particulière du Code des sociétés (art. 64, 5° C. Soc.). Ainsi par exemple, la décision de l'assemblée générale qui est appelée à statuer sur la poursuite des activités de la société en cas de perte importante du capital social, est frappée de nullité si le conseil d'administration n'a pas justifié dans un rapport spécial ses propositions à l'assemblée générale (art. 633, al. 3, C. Soc.).

- Dans le cas de décision manifestement contraire à l'intérêt propre de la société : sanction de l'abus de la majorité ou de la minorité (mais attention, encore une fois : les juges n'ont pas pour fonction de trancher des débats de pure opportunité entre groupes d'actionnaires ou pour contrôler la pertinence économique des décisions des organes sociétaires).

2.1.13. Rappel : assemblée générale par écrit

- Dans les S.A. et les S.C., l'unanimité des actionnaires est requise pour recourir au vote par écrit (art. 536, § 1er, al. 3 et 382, al.3 C. Soc.).

- Toutes les décisions peuvent être prises selon cette procédure, sauf celles qui doivent être constatées par acte authentique.

- Dans les SPRL le vote par correspondance est de droit, sauf disposition contraire des statuts (art. 280 C. Soc.).

2.2. L'assemblée générale ordinaire

2.2.1. Définition

L'assemblée générale ordinaire (ou "annuelle") est celle dont la loi prescrit la tenue au moins une fois chaque année (art. 282 et 552 C. Soc.).

2.2.2. Date, heure et lieu

La date et l'heure de l'assemblée générale sont fixées par les statuts.

Le lieu de la tenue de l'assemblée générale est "dans la commune" indiquée par les statuts. Ce lieu est en principe celui du siège social. Toutefois, si les statuts

18 D. Willermain, "L'annulation et la suspension des décisions des organes des sociétés", in Actualités en droit des sociétés, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 90 – 94.

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l'autorisent, la convocation peut convier les actionnaires à se réunir dans un autre endroit que le siège social.

2.2.3. Ordre du jour (points obligatoires)

L'ordre du jour de l'assemblée générale ordinaire comporte obligatoirement (art. 284, 411 et 554 C. Soc.) :

- L'approbation des comptes annuels - L'approbation des comptes annuels implique l'affectation du résultat.

L'affectation du résultat est soit un transfert du bénéfice ou de la perte de l'exercice aux réserves (sur les différents types de réserves voir l'article 616 C. Soc. et le quatrième cours, § 4.5.1., soit une distribution du bénéfice sous forme de dividende; sur la notion de bénéfice distribuable : voir l'article 617 C. Soc.). Dans les S.C., l'affectation des bénéfices et des pertes est décidée par l'assemblée générale, "sauf disposition contraire des statuts" (art. 384 C. Soc.). Le Code stipule également qu'après l'approbation des comptes annuels, l'assemblée générale statue par vote spécial sur la décharge de gérants ou administrateurs. Est-ce à dire que l'assemblée générale ordinaire qui ne statuerait pas sur la décharge des organes de gestion ne serait pas valable ? Non. Il n'est pas exceptionnel que – pour des raisons diverses – la décharge ne soit pas soumise aux votes de l'assemblée générale.

Le Code stipule également que l'assemblée générale entend le rapport de gestion et le rapport du commissaire. En réalité, le rapport de gestion n'est obligatoire que pour les sociétés qui ne sont pas des petites sociétés au sens de l'article 15 C. Soc. (art. 94, 1° C. Soc.). Lorsqu'un rapport de gestion est obligatoire en vertu de l'article 94 C. Soc., son contenu doit répondre aux prescrits de l'article 96 C. Soc. (exposé fidèle sur l'évolution des affaires de la société, événements importants survenus après la clôture de l'exercice, circonstances susceptibles d'avoir une influence notable, activités de R & D, succursales, etc.).

Concernant le rapport du commissaire réviseur, celui-ci n'est obligatoire que lorsque la société dépasse deux des seuils fixés à l'article 15 C. Soc. en vertu de l'article 141, 2° C. Soc.

Si certaines sociétés sont tenues de rédiger un rapport de gestion ou sont tenues de nommer un commissaire réviseur, une petite société au sens de l'article 15 C. Soc. peut rédiger un rapport de gestion (dont le contenu ne doit en ce cas pas nécessairement suivre les prescrits de l'article 96 C. Soc.) et peut désigner un commissaire-réviseur qui rédigera un rapport (ce rapport du commissaire réviseur observera quant à lui les normes de révision de l'I.R.E.).

2.2.4. Ordre du jour (points facultatifs)

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L'ordre du jour de l'assemblée générale ordinaire peut en outre comporter d'autres points tels que par exemple :

- Décharge à l'organe de gestion pour sa gestion au cours de l'exercice écoulé (voir commentaire au point 2.2.3. ci-dessus).

- Décharge au commissaire (lorsqu'il y en a un) ;- Nomination d'un commissaire, renouvellement de mandat d'un

commissaire et fixation du montant de ses émoluments (art. 130 et 134 C. Soc.) ;

- Démission et nomination de gérants ou d'administrateurs et détermination du caractère rémunéré ou non de leur mandat (art. 518 § 2 C. Soc.) fixation du mode de rémunération et du montant de celle-ci ;

- Décision relative à la poursuite des activités de la société dans le cadre de l'article 633 C. Soc., si l'organe de gestion a préparé le rapport spécial prévu et si le délai de deux mois prévu à l'article 633 est compatible avec la date de l'assemblée générale ordinaire ;

- Toute autre décision qui ne requiert pas un acte authentique (par exemple : la décision d'exercer l'action sociale contre les administrateurs ou commissaires : art. 561 C. Soc. ; la révocation d'un commissaire pour de justes motifs : art. 135 C. Soc.).

2.2.5. Formalités préalables

L'assemblée générale ordinaire requiert des formalités préalables :

- Envoi aux actionnaires nominatifs, en même temps que la convocation, du rapport annuel de l'organe de gestion (lorsque l'organe de gestion de la société est tenu de rédiger un rapport de gestion : art. 94 C. Soc.), du rapport de révision (lorsque la société a un commissaire réviseur) et du projet de comptes annuels (art. 535 C. Soc.) ;

- Mise à disposition, au siège de la société, quinze jours au moins avant la tenue de l'assemblée générale, des documents prescrits par l'article 553 C. Soc. (cette disposition concerne en réalité les sociétés dont les titres sont dématérialisés : la société ne connaît pas ses actionnaires et ne peut leur envoyer par la poste les comptes annuels, les comptes consolidés et les rapports de gestion et de révision).

2.2.6. Prorogation de l'assemblée générale

- Pouvoir du conseil d'administration (art. 555 C. Soc.)- S'applique si les comptes annuels ne sont pas approuvés parce que

l'assemblée se propose d'adopter des comptes différents de ceux présentés par le Conseil d'administration ;

- S'applique également lorsqu'une majorité de rechange risque de se former à l'assemblée en raison de l'absence d'un ou plusieurs actionnaires.

2.3. L'assemblée générale particulière

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2.3.1. Définition

L'assemblée générale particulière est celle qui se tient dans les formes d'une assemblée générale ordinaire, entre deux assemblées générales ordinaires.

2.3.2. Date et heure; lieu de l'assemblée générale

La date et l'heure des assemblées générales particulières sont fixées librement par le conseil d'administration, par le commissaire ou les actionnaires qui font usage de leur droit de convoquer une telle assemblée.

Le lieu de l'assemblée générale particulière est fixé librement par le conseil d'administration sous réserve de ce qui a été dit à la section précédente concernant les assemblées générales qui se tiendraient en dehors de la Belgique (siège social fictif; nationalité belge de la société fictive).

2.3.3. Ordre du jour

L'ordre du jour des assemblées générales particulières est fixé librement par le conseil d'administration, par le commissaire ou les actionnaires qui font usage de leur droit de convoquer une telle assemblée.

Exemple d'ordre du jour :

- Fin de mandat d'un administrateur – décharge de l'administrateur dont le mandat prend fin

- Révocation d'un administrateur ; - Révocation du commissaire-réviseur pour de justes motifs ; - Distribution d'un dividende par prélèvement sur les réserves disponibles ; - Décision de poursuivre les activités dans le cadre de l'article 633 C. Soc. ; - Autorisation donnée au conseil d'administration d'acquérir un bien dans des

conditions constitutives d'un quasi apport (art. 447, al. 3 C. Soc.) ; - Acquisition d'actions propres (art. 620, § 1er, 1° C. Soc.)- Décision de réaliser un apport d'universalité (art. 761 §1 C. Soc.).- Etc.

2.3.4. Formalités préalables

Dans le cas de l'application de l'article 633 C. Soc. (délibération de l'assemblée générale sur la poursuite des activités en cas de perte importante du capital social), un rapport spécial doit préalablement être préparé par l'organe de gestion et soumis à l'assemblée générale à peine de nullité des délibérations de l'AG (ce qui signifie que l'AG est censée ne pas avoir eu lieu, ce qui peut entraîner de graves conséquences à charge des administrateurs : "lorsque l'assemblée générale n'a pas été convoquée conformément au présent article, le dommage subi par les tiers est, sauf preuve contraire, présumé résulter de cette absence de convocation".

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2.4. L'assemblée générale extraordinaire

2.4.1. Définition

L'assemblée générale extraordinaire est celle qui a pour objet de modifier les statuts (art. 558 al. 1er C. Soc.).

2.4.2. Condition de forme

L'assemblée générale extraordinaire prend la forme d'un acte authentique (art. 66, al 3, C. Soc.), sauf dans la société coopérative à responsabilité illimitée (art. 435, al. 3 C. Soc.).

2.4.3. Quorum

Aucune décision de modification des statuts ne peut être prise si la moitié au moins des actionnaires n'est pas présente ou représentée à l'assemblée générale extraordinaire (art. 558, al. 2, C. Soc.).

Si le quorum de 50 % n'est pas atteint, une deuxième assemblée doit être convoquée qui délibérera valablement quel que soit la portion du capital représentée par les actionnaires (art. 558, al. 3, C. Soc.).

2.4.4. Majorité requise

Une modification des statuts requiert trois quarts des voix présentes à l'assemblée (art. 558, al. 4, C. Soc.).

Lorsque la modification porte sur l'objet social, la majorité requise est des quatre cinquièmes des voix présentes à l'assemblée (art. 559, al. 6, C. Soc.).

Pour transformer une S.C.R.L. en S.C.R.I (responsabilité illimitée), l'unanimité des associés est requise (art 435, al. 1er, C. Soc.).

2.4.5. Formalités préalables

Plusieurs modifications des statuts requièrent l'accomplissement de formalités préalables :

- Modification de l'objet social : rapport spécial du conseil d'administration justifiant la modification proposée. A ce rapport doit être joint un état résumant la situation active et passive de la société ne remontant pas à plus de trois mois. Le commissaire réviseur fait rapport sur cette situation active et passive (art. 559, al. 1, C. Soc.).

- Transformation de la société : mêmes formalités requises. Si la société n'a pas de commissaire réviseur, l'organe de gestion doit désigner un réviseur

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ou un expert-comptable externe pour faire rapport sur la situation active et passive (art. 776 à 778, C. Soc.) ;

- Mise en liquidation volontaire de la société : mêmes formalités préalables requises (art. 181 § 1, C. Soc.) ;

- Procédure de fusion, scission, ou apport d'universalité ou de branche d'activités : les formalités préalables sont nombreuses et décrites aux articles suivants du Code :

o Fusion par absorption : art. 693 à 697 ; o Fusion par constitution d'une nouvelle société : art. 706 à 710 ;o Opérations assimilées (fusion interne ou fusion "à l'anglaise") : art.

719 et 720 ;o Scission par absorption : art. 728 à 732 ; o Scission par constitution de nouvelles sociétés : art. 743 à 748 ; o Apport d'universalité ou de branche d'activité : art. 760 et 761.

2.4.6. Ordre du jour

L'ordre du jour doit spécialement indiquer les modifications proposées à l'assemblée générale (art. 558, al. 2, C. Soc.).

Si plusieurs modifications sont simultanément proposées, elles feront l'objet de mentions distinctes dans la convocation. L'ordre du jour de la convocation mentionnera donc avec précision ce qu'impliquera chaque modification proposée. Si la modification proposée porte sur l'objet social, la convocation indiquera quel est l'objet social modifié.

Des modifications multiples et simultanées sont possibles :

- Transformation de la société - modification de l'objet social- changement de la langue des statuts - augmentation du capital- adaptation des statuts - etc.

Annexes 2.4.6. A. à 2.4.6. F. : exemples d'actes modificatifs des statuts

2.4.7. Cas particulier de la réduction des primes d'émission

- La formalité de l'acte authentique peut être prescrite par d'autres textes que le Code des sociétés ;

- Ainsi les primes d'émission ne peuvent être réduites qu'en exécution d'une décision régulière de l'assemblée générale prise conformément aux dispositions du Code des sociétés applicables aux modifications des statuts (art. 184 al. 2 C.I.R. 92). A défaut de respecter cette formalité, le remboursement aux actionnaires des primes d'émission sera considéré fiscalement comme l'attribution d'un dividende (art. 18, 2° bis, C.I.R.92) ;

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- Le remboursement des primes d'émission n'est pas une modification des statuts, l'acte authentique n'est donc pas prescrit par le C. Soc., mais résulte d'une contrainte fiscale.

Annexe : 2.4.7. Exemple d'acte authentique portant réduction des primes d'émission

2.5. L'assemblée générale spéciale

Lorsqu'une société dont les actions sont cotées en bourse fait l'objet d'une offre publique d'acquisition, dès réception de l'avis d'OPA, seule l'assemblée générale spéciale peut prendre des décisions ou procéder à des opérations qui auraient pour effet de modifier de manière significative la composition de l'actif ou du passif de la société ou assumer des engagements sans contrepartie effective (art. 557 C. Soc.).

2.6. L'organe de gestion

2.6.1. Définition

Le Code parle d'organe de gestion lorsqu'il vise indistinctement le ou les administrateur(s) ou le ou les gérant(s) (v. par exemple articles 118, 151, 152, 154, 156, 181, 407, 693, 706, 719, 727, 728, etc.). Le Code utilise pareillement les mots "les administrateurs et les gérants", "les gérants ou les administrateurs", "les administrateurs ou gérants" (articles 90, 92, 95, 98, 100, 119, 126, 128, etc.).

Lorsque le Code fixe les règles de fonctionnement spécifiques des diverses formes de sociétés, il utilise le terme de :

- Gérant pour les sociétés en commandite simple et les sociétés en nom collectif (art. 208, C. Soc.) pour les SPRL (art. 256, C. Soc.) pour les sociétés en commandite par actions (C. Soc. 658) et pour les sociétés agricoles (art. 808, C. Soc.);

- Administrateur pour les SC (art. 408, C. Soc.), pour les S.A. (art. 518 C. Soc.).

2.6.2. Mode de fonctionnement

- gérant unique : exerce seul la plénitude des pouvoirs de gestion- pluralité des gérants : chaque gérant dispose de la plénitude des pouvoirs

de gestion- administrateurs : dans les SC (lorsqu'il y a deux administrateurs) et dans les

SA, les administrateurs forment un collège.

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2.6.3. Statut des gérants ou administrateurs

- l'administrateur est élu par l'assemblée générale (art. 518 § 2 C. Soc.). Si une place devient vacante, les administrateurs restants peuvent pourvoir provisoirement au remplacement (élection par cooptation) et la plus prochaine assemblée générale pourvoit au remplacement à titre définitif (art. 519 C. Soc.).

- l'administrateur ne doit pas être actionnaire de la société, mais les statuts peuvent comporter des stipulations expresses en ce sens. Inversement, le Code (art. 562bis) ou les statuts peuvent comporter des dispositions prescrivant la présence au sein du conseil d'administrateurs indépendants (par rapport aux actionnaires et à la direction de la société).

- Aucune compétence particulière n'est requise pour exercer un mandat d'administrateur, mais :

- Pour certaines activités réglementées, un administrateur exécutif doit avoir les qualifications professionnelles requises (à défaut un membre de la direction doit être engagé sous les liens d'un contrat de travail à durée indéterminée);

- Il existe des incompatibilités légales (notaires, réviseur, huissiers de justice, magistrats, etc.)

- Il existe des incompatibilités déontologiques (avocats : voir le règlement de l'OBFG du 14 janvier 2013 relatif à l'acceptation et à l'exercice par les avocats de mandats non judiciaires d'administration, de gestion, de surveillance ou de liquidation d'une personne morale de droit privé, devenues les articles 234 à 237 du Code de déontologie de l'avocat.

- Il existe des interdictions professionnelles: les faillis et les dirigeants de sociétés faillies qui ont commis une faute grave et caractérisée (v. art. 530 C.soc.) (voir §§ 3.3.18 à 3.3.26 ci-après) peuvent se voir interdire d'exercice de fonctions d'organes de sociétés commerciales pendant une période de trois à dix ans (A.R. n° 22 du 24 octobre 1934, modifié par les lois du 2 juin 1998, et du 28 avril 2009 relatif à l'interdiction judiciaire faite à certains condamnés et faillis d'exercer certaines fonctions, professions ou activités).

- L'administrateur est en principe un travailleur indépendant, mais le statut d'employé n'est pas incompatible avec celui d'administrateur s'il existe un lien de subordination c'est-à-dire si l'administrateur est placé sous le contrôle effectif d'un conseil d'administration ou d'un comité de direction qui est en mesure d'exercer sur lui le pouvoir hiérarchique caractéristique du lien de subordination. Le statut d'employé ne sera en principe pas compatible avec celui de l'administrateur, lorsque l'intéressé dispose d'une participation de contrôle à l'assemblée générale de la société.

- L'administrateur est révocable ad nutum (à tout moment). Aucune convention contraire n'est permise : la règle est d'ordre public. Il en résulte que toute clause prévoyant le paiement d'une indemnité en cas de révocation de l'administrateur est frappée de nullité. Cependant il n'est pas

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interdit de convenir avec un actionnaire qu'une indemnité sera payée par ce dernier en cas de révocation de l'administrateur.

- Dans la pratique, la règle de la révocabilité ad nutum de l'administrateur est parfois contournée :

- Par un contrat de travail conclu sous la condition suspensive de la révocation du mandat d'administrateur

- Par une convention conclue entre la société administrée et une société de management créée par l'administrateur.

- Le mandat de l'administrateur est en principe gratuit (art. 1986 C. Civ.),

sauf si les statuts prévoient une rémunération (art. 517 C. Soc.). Lorsque les statuts prévoient que les mandats sont rémunérés, le pouvoir de fixer le mode de rémunération et le montant appartient en principe exclusivement à l'assemblée générale. Dans la pratique cependant, il n'est pas exceptionnel de constater que la règle est soit méconnue, soit mal appliquée (l'assemblée générale ratifiant a postériori les émoluments que les gérants ou administrateurs se sont alloués), soit fait l'objet d'une délégation de l'assemblée au conseil (cas fréquent dans les sociétés à actionnariat restreint) ou à un comité de rémunération (cas des grandes sociétés qui appliquent un Code de gouvernance).

- Le mode de rémunération des administrateurs est déterminé par l'assemblée générale:

- Montant fixe- Pourcentage du bénéfice- Jeton de présence- Tantième à prélever sur les bénéfices distribuables (définition du

bénéfice distribuable : art. 617 C. Soc.).

2.6.4. Pouvoirs de l'organe de gestion

- le conseil d'administration a le pouvoir d'accomplir tous les actes nécessaires ou utiles à la réalisation de l'objet social (à l'exception de ceux que la loi réserve à l'assemblée générale);

- les pouvoirs réservés par la loi à l'assemblée générale ont été définis ci-dessus : voir § 2.2.3., 2.2.4., 2.3.3., 2.4.1., 2.4.6. et 2.5. ci-dessus.

2.6.5. Répartition des tâches – gestion journalière

- fréquentes dans la pratique, les clauses de répartition des tâches ne sont pas opposables aux tiers (art. 522 § 1er, al. 2 C. Soc.).

- délégation à la question journalière: la gestion journalière est opposable aux tiers dans les limites de la gestion journalière qui comprend :

- l'expédition des affaires courantes (notamment: achat et vente de biens et de services, dans les limites de l'objet social ; les tâches administratives courantes; l'introduction d'un recours fiscal, mais pas l'introduction d'un recours devant le Conseil d'Etat) ;

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- l'engagement et le licenciement du personnel d'exécution ;- l'exécution des décisions prises par l'assemblée générale ou le

conseil d'administration.

2.6.6. Représentation de la société

- en principe la société est représentée par son conseil d'administration (art. 522 §2, C. Soc.).

- clause de double signature très fréquente pour des raisons pratiques.- représentation de la société par l'administrateur délégué - représentation de la société part le délégué à la gestion journalière pour tout

ce qui concerne les actes qui relèvent de cette gestion (notion très limitative, selon l'interprétation de la Cour de cassation).

- Représentation par des non-administrateurs. Ces personnes sont investies de pouvoirs soit permanents (délégation de signature donnée à un directeur, par exemple) soit limités à l'accomplissement d'un acte (représenter la société à l'occasion de la signature d'un acte déterminé).

2.6.7. Publicité des désignations – des cessations de fonctions des mandataires sociaux

- les mandats des administrateurs (nomination, cessation des fonctions) sont publiés au Moniteur (art. 74, 1°, a C. Soc.).

- les délégations de signatures permanentes données à des mandataires non administrateurs doivent également être publiées.

Annexes 2.6.7. A et B : exemples de publication de la délégation de signature à un non-administrateur ou à plusieurs non-administrateurs

- les délégations de signatures occasionnelles ne font pas l'objet d'une publication.

2.7. Comités

2.7.1. Comité de direction

- spécificité de la S.A. Un comité de direction ne peut être constitué que si une disposition statutaire en prévoit l'instauration (art. 524bis C. Soc.).

- compétence : gestion de la société, sans que cette délégation de compétence ne puisse porter sur la politique générale de la société ou sur l'ensemble des compétences du conseil d'administration.

- Composition : aucune prescription légale. Dans la pratique, le comité de direction comprend un ou plusieurs membres des conseils d'administration (ceux chargés de fonctions exécutives) et un ou plusieurs membres de la direction de la société.

- Durée, mode de fonctionnement, rémunération : aucune prescription légale. Les statuts ou le conseil d'administration fixent ces modalités. Dans la

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pratique, le comité de direction est une création du conseil d'administration qui fixe les modalités d'exercice des compétences qu'il décide de déléguer à ce comité.

2.7.2. Conseil de direction et conseil de surveillance

- dans la société européenne, si des statuts ont adopté le système de gestion de type dualiste (système allemand et néerlandais), il existe un "conseil de direction" chargé de la gestion de la société et dont les membres sont nommés par le "conseil de surveillance" (art. 905 C. Soc.) et un "conseil de surveillance" dont les membres sont nommés par l'assemblée générale.

- les règles applicables aux administrateurs sont applicables mutatis mutandis aux membres du "conseil de direction" de la SE (article 914 à 921 C. Soc.).

- différence entre la SE et la SA : les membres du "conseil de direction" ne peuvent être membres du "conseil de surveillance", à l'inverse de la SA où un administrateur peut siéger au conseil d'administration et au comité de direction.

2.7.3. Autres comités

Le Code institue parfois à côté des organes de gestion des "comités" aux compétences particulières. (voyez par exemple en matière de conflits d'intérêts dans les sociétés cotées : art. 524 §2 C. Soc.)

Dans le cadre des Codes belges de la gouvernance d'entreprise (Code Buysse 2 pour les sociétés non cotées ; cote Daems 2009 pour les sociétés cotées), les grandes entreprises se dotent de comités, dépourvus de pouvoirs de gestion et de représentation, mais qui sont appelés à exercer une certaine surveillance du conseil d'administration, surtout lorsque l'actionnariat est très dispersé :

- comité de nomination - comité d'évaluation- comité de rémunération- comité d'audit

Dans les entreprises employant en moyenne au moins 10019 travailleurs, la loi impose la constitution d'un conseil d'entreprise composé du chef d'entreprise, de représentants de la direction et de représentants du personnel (loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l'économie). A côté de compétences en matière sociale, le conseil d'entreprise se voit investit de compétences en matière économique et financière. Le conseil d'entreprise intervient dans la procédure de désignation du commissaire réviseur (art. 156 C. Soc.). Il est informé des motifs de la démission du commissaire en cours de mandat (art. 159 C. Soc.). De même le projet de nomination d'administrateurs indépendants doit être soumis au conseil d'entreprise (art. 524 C. Soc.).

19 La loi parle de 50 travailleurs, mais en vertu de dispositions transitoires toujours en vigueur, le seuil est actuellement de 100 travailleurs (Loi du 8 novembre 2007).

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Dans les augmentations de capital destinées au personnel, une concertation préalable avec le conseil d'entreprise est requise (art. 609, al. 2, C. Soc.). Dans le cadre des opérations de fusion ou de scission, le conseil d'entreprise a une compétence d'avis (art. 728/8, al. 3, C. Soc.).

2.8. Les conflits d'intérêts dans les sociétés anonymes

2.8.1. Notion

Lorsqu'un gérant ou un administrateur ou un membre du comité de direction a un intérêt directement ou indirectement opposé, de nature patrimoniale dans une décision du conseil d'administration (art.259, 523 § 1er et 524ter C. Soc) :

- l'intérêt est direct lorsque l'administrateur est personnellement concerné par l'opération envisagée ;

- l'intérêt est indirect lorsque l'opération envisagée est à conclure par la société avec une tierce partie à laquelle l'administrateur est lié ;

- l'opposition d'intérêt doit être de nature patrimoniale, c'est-à-dire susceptible de faire l'objet d'une évaluation économique précise et objective.

Dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, la procédure à suivre en cas de conflit d'intérêt (au sens de l'article 524, § 1 C. Soc (relations avec les sociétés liées) est plus rigoureuse et définie à l'article 524, §2 à 7 C. Soc.

2.8.2. procédure : l'administrateur en situation de conflit d'intérêts doit communiquer l'information à ses collègues avant la délibération du conseil. Sa déclaration sera actée au PV de la séance du conseil. Lorsque la société a un commissaire réviseur, celui-ci doit être informé de la déclaration de l'administrateur.

Le rapport de gestion du conseil d'administration et le rapport du commissaire réviseur comporte la justification de l'opération. Dans les petites sociétés où le conseil d'administration est dispensé de rédiger un rapport de gestion (art. 94 C. Soc.), la justification de l'opération sera présentée dans un document déposé en même temps que les comptes annuels (art. 523 § 1, al. 2 C. Soc).

Dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, la notion de conflit d'intérêt s'étend en outre aux relations de la société avec les sociétés liées, à l'exception de ses filiales ou aux sociétés liées aux filiales, à l'exception des filiales de filiales (art. 524, § 1er C. Soc.; pour la définition de filiale ou de société liée : voir art. 6, 2° et 11 C. Soc.)

2.8.3. opérations non visées par l'article 523 C. Soc.

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- opération intragroupes c'est-à-dire entre deux sociétés dont l'une détient 95 % au moins du capital de l'autre ;

- Notons que pour les autres formes de sociétés les règles en matière de conflit d'intérêt sont soit différentes soit inexistantes :

- SPRL dans laquelle il n'existe qu'un gérant unique : l'organe de gestion en réfère aux associés qui désigneront un mandataire ad hoc pour représenter la société (art. 260 C. soc.) ;

- SPRLU : lorsque le gérant est l'associé unique, il prend seul la décision, mais en rend compte dans un document qui est déposé en même temps que les comptes annuels (art. 261 C. Soc.) ;

- SC : il n'existe pas de procédure de conflit d'intérêt pour les sociétés coopératives ;

- Pour les sociétés cotées, les règles de prévention des conflits d'intérêts sont renforcées : art. 523, § 1er, al. 4 et article 524 C. Soc.

2.8.4. Sanction

La société peut agir en nullité des décisions prises en violation des articles 523, 524 et 524 ter (voy. 523, § 2; 524 § 6 et 524 ter § 3 C. Soc.).

.2.9. Le contrôle des comptes annuels

2.9.1. Siège de la matière : articles 130 à 171 C. Soc.

2.9.2. Statut du commissaire réviseur - le commissaire réviseur doit être membre de l'Institut des Réviseurs

d'entreprises (I.R.E.). Si une société de réviseurs est nommée, elle désignera un représentant permanent personne physique pour l'exécution de la mission.

- le commissaire réviseur est nommé par l'assemblée générale (art. 130 C. Soc.).

- la durée du mandat de réviseur est de 3 ans minimum (art. 135 C. Soc). Le mandat est renouvelable. En cas de révocation du commissaire par l'assemblée générale (sans justes motifs) le commissaire réviseur droit à une indemnité et des dommages et intérêts.

- Le commissaire doit être indépendant de la société dont il révise les comptes (art. 133 C. Soc.).

- La rémunération du commissaire est une somme fixe, décidée de commun accord avec la société et votée par l'assemblée générale.

2.9.3. Compétences

- Le commissaire réviseur a un pouvoir absolu d'investigation pour l'accomplissement de sa mission de contrôle (art. 137 C. Soc.).

- Le commissaire réviseur qui constate des infractions aux Codes des sociétés ou aux arrêtés pris en exécution de celui-ci ou aux statuts en informe l'AG

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- Le commissaire se fait remettre semestriellement au moins un état comptable de la société (art. 137, § 2, al. 3 C. Soc.)

- Le commissaire qui constate au cours de ses investigations des faits graves et concordants susceptibles de compromettre la continuité de la société en informe l'organe de gestion par écrit et de manière circonstanciée (art. 138 C. Soc.).

2.9.4. Rapport

- Le commissaire réviseur rédige un rapport au sujet des comptes annuels qui seront soumis à l'assemblée générale.

- Le rapport du commissaire adopte un schéma imposé au réviseur, par les normes de révision édictées par l'I.R.E.

- Le rapport du commissaire ("attestation") peut prendre la forme : o d'une attestation sans réserveo d'une attestation sans réserve avec paragraphe explicatif : le

commissaire réviseur estime qu'il a une ou plusieurs observations à faire mais qui n'altèrent pas son opinion relative à la sincérité des comptes. Les paragraphes explicatifs ("opinion") sont à lire soigneusement, parce qu'ils peuvent constituer dans certains cas un signal d'alerte

o une attestation avec réserve : le commissaire estime devoir exprimer un désaccord substantiel au sujet des comptes annuels soumis à l'assemblée générale

o un refus d'attestation : le commissaire estime que les informations comptables sont à ce point déficientes qu'il ne peut rien attester

o une déclaration d'abstention : le commissaire n'a pas pu effectuer sa mission soit pour des motifs qui lui sont personnels, soit parce que l'entreprise ne lui a pas donné accès aux informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

2.9.5. Quelle société doit désigner un commissaire réviseur ?

- Les sociétés qui ne sont pas des petites sociétés au sens de l'article 1520 (art. 141 C. Soc.).

2.9.6. Petites sociétés

- Dans les petites sociétés où un commissaire réviseur ne doit pas être nommé, le pouvoir de contrôle appartient individuellement à chaque actionnaire (art. 165 C. Soc.)

- L'actionnaire peut se faire assister d'un expert de son choix pour l'exercice de ce contrôle.

2.9.7. Experts vérificateurs

20 Attention : seuils modifiés par la loi du 18 décembre 2015, entrée en vigueur le 9 janvier 2016.

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- S'il existe des indices d'atteinte grave aux intérêts de la société, le tribunal peut désigner à la requête d'actionnaires propriétaires d'au moins 1% du capital, un expert-vérificateur (art. 168 C.Soc).

- Les frais de l'expert-vérificateur peuvent être mis à charge de la société (art. 169 C. Soc.).

2.9.8. Situations particulières

- Comptes consolidés : règles particulières de contrôles des comptes : art. 145-150 C. Soc.

- Société dans laquelle il existe un conseil d'entreprise : le commissaire réviseur a une mission supplémentaire spécifique et doit rédiger un rapport spécial destiné au conseil d'entreprise (art. 151 à 164 C. Soc.)

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LISTE DES ANNEXES AU DEUXIEME COURS

2.1.3. Exemple de convocation pour une assemblée générale ordinaire

2.1.7. A. Exemple de renonciation du commissaire à être convoqué à une assemblée générale ordinaire

2.1.7. B. Exemple de renonciation d'un gérant/administrateur à être convoqué à une assemblée générale ordinaire

2.1.7. C Exemple de procuration pour une assemblée générale ordinaire

2.1.9. Exemple de P.V. d'une assemblée générale ordinaire

2.4.6. A. Exemple de modifications diverses des statuts d'une société : une société aux statuts en langue néerlandaise, change la langue de ses statuts, se transforme, augmente son capital, déplace son siège social, etc.

2.4.6. B. Exemple d'une modification des statuts portant sur la réduction du capital

2.4.6. C. Exemple d'une modification des statuts portant sur l'augmentation du capital

2.4.6. D. Exemple d'une modification des statuts portant sur la fusion par absorption (art. 676 et 723 C. Soc) – Société absorbante

2.4.6. E. Exemple d'une modification des statuts portant sur la fusion par absorption (art. 676 et 723 C. Soc) – Société absorbée

2.4.6. F. Exemple d'acte portant mise en liquidation d'une société

2.4.7. Exemple d'acte portant réduction des primes d'émission

2.6.7. A. Exemple de la publication de délégation de signatures multiples avec organisation du mode de représentation

2.6.7. B. Exemple de la publication d'une délégation de signature à un non-administrateur

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Troisième cours : les responsabilités

Les causes de responsabilité encourues par les mandataires sociaux sont innombrables21. Les conséquences pécuniaires de leur responsabilité sont très lourdes. On opposera les diverses responsabilités encourues par les organes sociaux à l'exonération très large de responsabilité dont bénéficient les salariés (art. 18 de la loi du 9 juillet 1975 sur le contrat de travail). On enseigne non sans raison que les administrateurs sont rémunérés non seulement en fonction de leur travail, mais également à raison des responsabilités qu'ils encourent.

Les responsabilités sont civiles voire même pénales.

Les responsabilités concernent: la société, les actionnaires, les administrateurs ou gérants et les réviseurs.

Nous examinerons successivement :

3.1 Les responsabilités de la société elle-même3.2 Les responsabilités de l'actionnaire3.3 Les responsabilités de l'organe de gestion3.4 Les responsabilités du réviseur ou de l'expert-comptable externe.

3.1. Responsabilités de la société elle-même

3.1.1. Responsabilité civile

- principe : les actes de l'organe engagent la société elle-même;- conséquence sur le plan quasi-délictuel : la faute de l'organe engage la

responsabilité civile de la société (article 1382 C. Civ.);- par ailleurs, la faute du préposé engage également la responsabilité de la

société (art. 1384 C. Civ.).

3.1.2. Responsabilité pénale

- le principe de la personnalité des peines conduit à ne punir que l'auteur de l'infraction

- dans certains cas la personne morale peut être amenée à assumer les conséquences pénales de son activité. C'est ce qu'exprime l'article 5 al. 1er

du Code pénal : "toute personne morale est pénalement responsable des infractions qui sont intrinsèquement liées à la réalisation de son objet ou à

21 Pour une vue d'ensemble de cette matière on consultera utilement l'ouvrage de J.F. Goffin, Responsabilités des dirigeants de sociétés, Bruxelles, Larcier, 2004, 505; dans l'ouvrage plus général de B. Dubuisson, V. Callewaert, B. De Coninck et G. Gathem, La responsabilité civile – chronique de jurisprudence 1996 – 2007, T. I : Le fait générateur et le lien causal, Bruxelles, Larcier, 2009, les pages 885 à 909 et la bibliographie en pages 885 et 886.

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la défense de ses intérêts, ou de celles dont les faits concrets démontrent qu'elles ont été commises pour son compte". La responsabilité pénale d'une société ne sera donc retenue que lorsqu'une infraction a été commise, sans que la faute ne puisse être imputée à une personne physique déterminée.Exemple de cas de responsabilité pénale d'une entreprise : une pollution d'un cours d'eau par suite du déversement accidentel d'un produit toxique.

- le principe de la personnalité des peines reste cependant d'application en cas de délinquance de personnes physiques agissant dans leur intérêt et pour leur compte et se servant de la personne morale pour perpétrer des infractions. C'est ce qu'exprime l'article 5 al. 2 du Code pénal qui stipule que "lorsque la responsabilité de la personne morale est engagée exclusivement en raison de l'intervention d'une personne physique identifiée, seule la personne qui a commis la faute la plus grave peut être condamnée. Si la personne physique a commis la faute sciemment et volontairement, elle peut être condamnée en même temps que la personne morale responsable"22.

3.2. Responsabilités de l'actionnaire

3.2.1. Principe

L'actionnaire n'engage en principe que le montant de sa mise, c'est-à-dire le capital qu'il a investi dans la société (S.P.R.L. : art. 210 ; S.C. : art. 352, al. 2 in fine ; S.A : art. 437 C. Soc.)

3.2.2. Responsabilité civile

Le principe de la responsabilité de l'actionnaire limitée à son investissement dans le capital de la société connaît des exceptions lorsque l'actionnaire ou l'associé a une autre qualité : celle de fondateur ou de dirigeant de fait. Nous examinerons les responsabilités des dirigeants au § 3.3. La responsabilité des fondateurs se rencontre dans diverses situations que l'on peut regrouper en trois grandes catégories :

- les fondateurs peuvent être tenus des engagements de la société, dans une proportion fixée par le juge, en cas de faillite prononcée dans les trois ans de la constitution, si le capital était lors de la constitution manifestement insuffisant pour assurer l'exercice normal de l'activité projetée pendant une durée de deux ans au moins (SPRL : art. 229, 5°; SCRL : art. 405, 5°; 456, 4° C. Soc.)23.

22 Sur l'ensemble de cette question de la responsabilité pénale des personnes morales, on consultera utilement l'ouvrage collectif : J. Overath, M. Geron, Ch. Gheur et Th. Matray, La responsabilité pénale des personnes morales, Bruxelles, Larcier 2007, 114 p. ; O. Creplet, 'Propos sur la nature de la responsabilité pénale de la personne morale" J.T., 2011, p. 477 à 486 ; ainsi que les examen de jurisprudence en droit pénal des affaires de E. Roger-France, R.D.C., 2012, p. 751 et suiv. ainsi que 2015, p. 260 et suiv., où la question de la responsabilité pénale des personnes morales fait l'objet de recensions de décisions récentes.23 Pour un cas d'application : voy. : Bruxelles, 20 avril 2010, R.D.C., 2012, p. 38.

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- les fondateurs sont tenus de diverses irrégularités qui affectent la constitution de la société :

- réparation du préjudice qui est la suite immédiate de la nullité de la société (SPRL : art. 229,4°) ou de la suite "immédiate et directe" de la nullité de société (SCRL : art. 405,3°; SA. Art. 456, 3° C. Soc.) ;

- les fondateurs sont tenus de la partie du capital qui n'est pas valablement souscrite, ainsi que de la différence éventuelle entre le capital minimum et le montant des souscriptions (SPRL : art. 229, 1° ; SCRL art. 405, 1° ; SA : art. 456, 1°) ;

- les fondateurs sont tenus de la libération effective du capital minimum (soit 6.200 € pour les SPRL et les SCRL et 61.500 € pour les SA) (SPRL : art. 229, 2°; SCRL : art. 405, 2° ; S.A.: art. 456, 2°). En outre, pour les S.A., les fondateurs sont tenus :

1. pour chaque action correspondant à un apport en numéraire et pour chaque action correspondant en tout ou en partie à un apport en nature : de la libération à concurrence d'un quart;

2. pour les actions correspondant en tout ou en partie à des apports en nature : de la libération intégrale dans un délai de cinq ans à dater de la constitution (voir l'article 456, 2° qui renvoie à l'article 448, al. 2).

- les fondateurs sont également tenus de la réparation du préjudice qui est la suite immédiate (ou suite immédiate et directe) de la surévaluation manifeste des apports en nature (SPRL : art. 229, 4° ; SCRL : art. 405, 3°; S.A. : art. 456, 3° C. Soc.).

3.2.3. Responsabilité pénale

Le Code des sociétés n'incrimine pénalement les actionnaires que de manière exceptionnelle:

- encourent une amende ceux qui n'ont pas fait dans les procurations et souscriptions les énonciations minimales requises par l'article 69 C. Soc. (art. 91, 2° et 647, 3° C. Soc.). Ceci vise notamment les fondateurs d'une société qui recueillent des procurations ou souscriptions. (voyez la recommandation faite au § 1.4.2. in fine, ci-dessus).

- Encourent également une amende ceux qui, en se présentant sciemment comme propriétaire de titres qui ne leur appartiennent pas, auront pris part au vote dans une assemblée générale (SPRL : art. 349,1° C. Soc.).

- Encourent également une amende ceux qui sciemment prennent part au vote dans une assemblée générale d'actionnaires, alors que les droits de vote qu'ils prétendent exercer sont suspendus en vertu du Code (S.A. art. 651, 3° C. Soc.).

Mentionnons également l'incrimination pénale de ceux qui :

- ouvrent une souscription publique à des parts de SPRL ou à la mise en vente des obligations d'une SPRL (art. 346 C. Soc.)

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- provoquent soit des souscriptions ou des versements soit des achats de parts ou d'actions, d'obligations ou d'autres titres, par simulation de souscription ou de versements à une société ou par la publication de souscription ou de versements qu'ils savent ne pas exister ou de tous autres faits qu'ils savent être faux (art. 348, 388, 649 C. Soc.).

3.3. Responsabilités de l'organe de gestion

C'est sans doute un lieu commun que de souligner le développement de la matière de la responsabilité des professionnels, mais il est nécessaire d'attirer l'attention des avocats au seuil de leur vie professionnelle sur cette évolution caractéristique du droit au cours de ces dernières années.

Il y a quelques dizaines d'années, l'aura entourant le statut de dirigeant de société conférait une relative impunité aux titulaires de ces fonctions. Souvent il fallait des fautes graves voire connotées pénalement (escroquerie, détournement, faux et usage de faux, abus de confiance, etc.) pour voir un administrateur sanctionné civilement.

Les dirigeants de sociétés se voient aujourd'hui fréquemment interpelés dans leur gestion par l'effet d'une double évolution : celle des mentalités d'une part (avec l'exigence d'une plus grande transparence dans l'appréciation des critères de bonne conduite) et celle du législateur d'autre part qui a multiplié les cas de responsabilité présumée et l'incrimination pénale des manquements à la loi.

Les développements pris par cette matière au cours des dernières décennies justifient la place prise par cette matière dans le cadre du présent cours.

Voici le plan de ce chapitre 3.3 (pages 50 à 72):

Première partie : la responsabilité civile (pages 50 à 65)

A. Faute de gestion (§§ 3.3.1 à 3.3.10) (pages 50 à 54)B. Violation de la loi ou des statuts (§§ 3.3.11 à 3.3.17) (pages 54 à 59)C. Faute grave et caractérisée (§§ 3.3.18 à 3.3.26) (pages 59 à 61)D. Situation particulière de l'ONSS (§§ 3.3.27 à 3.3.29) (pages 62 à 63)E. Responsabilité civile de droit commun (§ 3.3.30) (pages 63 à 64)F. Responsabilités prévues par d'autres législations (§§ 3.3.31 à 3.3.32) (pages 64 à 65)

Deuxième partie : la responsabilité pénale (pages 65 à 68)

A. Infractions (§§ 3.3.33 à 3.3.35) (pages 65 à 67)B. Réflexions relatives à de (possibles) atténuations de la responsabilité pénale des

dirigeants (§§ 3.3.36 et 3.3.37) (pages 67 à 68)

Troisième partie : la prescription (pages 69 à 72)

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A. La prescription civile (§§ 3.3.38 à 3.3.40) (pages 69 à 70)B. La prescription pénale (3.3.41 à 3.3.43) (pages 70 à 72)C. Influence de la prescription pénale sur le délai de la prescription civile (§§ 3.3.44)

(page 72)

PREMIÈRE PARTIE : RESPONSABILITÉ CIVILE DES GÉRANTS ET ADMINISTRATEURS

A. Faute de gestion du gérant ou de l'administrateur

3.3.1 Principes

Deux principes de base :

- les administrateurs et gérants de sociétés ne contractant aucune responsabilité personnelle relative aux engagements de la société dont ils sont les organes (art. 61 C. Soc.) ;

- les administrateurs et gérants sont responsables conformément au droit commun de l'exécution de leur mandat et des fautes commises dans leur gestion (SPRL : art. 262; SCRI : art. 380; SCRL: art. 408, al. 1; S.A.: art. 527 C. Soc.).

3.3.2. Portée des principes

- exigence d'une faute, c'est-à-dire l'acte de gestion ou l'omission de gestion que n'aurait pas commis tout administrateur normalement prudent et diligent placé dans des circonstances comparables ;

- critère d'appréciation : l'intérêt de la société qui ne se limite pas seulement à l'intérêt des actionnaires, mais également à la place que la société (l'entreprise) occupe dans le tissu économique ;

- La faute de gestion s'appréciera donc également par rapport aux travailleurs par rapport aux fournisseurs, bailleurs de fonds, co-contractants.

3.3.3. Exemples d'actes de gestion fautifs

- conclure des contrats à des conditions économiques désastreuses (ventes à perte; prestations de services facturées en dessous du prix de revient par exemple en raison de mauvaises estimations du prix de revient) ;

- réaliser des investissements importants sans une étude sérieuse de rentabilité et de marché ;

- engager des dépenses publicitaires exagérées ou ne présentant pas d'intérêt pour la société ;

- poursuivre une activité déficitaire, alors qu'il n'existait pas de perspectives sérieuses de redressement (faire le lien avec l'article 633, al. 2, C. Soc. : si le conseil d'administration a formellement respecté la loi, mais s'il s'avère par ailleurs que le rapport spécial est superficiel, inconsistant ou irréaliste, la présomption de responsabilité instituée par l'article 633 al. 5 ne

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s'exercera pas, mais la responsabilité instituée par l'article 527 pourrait trouver à s'appliquer) ;

- payer une facture qu'il y avait lieu de contester ;- payer une dette non échue ;- consentir des délais de paiement à un client en situation financière

critique ;- congédier un membre du personnel sans motif sérieux ou pour un motif

soi-disant grave, mais qui s'avère avoir été formulé à la légère, avec la conséquence que la société est débitrice d'importantes indemnités compensatoires de préavis ;

- pour les membres d'un conseil administration, déléguer la gestion journalière à l'un d'eux qui est une personne incompétente.

3.3.4. Exemples d'omissions fautives

- se désintéresser des activités dans la société ;- ne pas assister aux séances du conseil d'administration ;- ne pas exercer sur l'activité du personnel le contrôle qu'il y a lieu de faire ;- ne pas surveiller la gestion du ou des délégués à la gestion journalière ;- ne pas assurer l'entreprise contre des risques courants (incendie,

responsabilité civile) ;- ne pas prendre à temps les mesures requises pour limiter les conséquences

de l'inexécution fautive d'un contrat (songeons par exemple à toutes les courtes prescriptions ou le bref délai dans lequel doit être exercée l'action pour vices rédhibitoires – art. 1648 C. civ.) ;

- négliger de solliciter un subside ou une aide publique à laquelle l'entreprise à droit (ou avoir réalisé un programme d'investissements en ne respectant pas les procédures permettant d'y avoir droit) ;

- ne pas protester une facture à bref délai ;- ne pas faire diligence pour récupérer les créances impayées de clients ;

3.3.5. Eléments d'appréciation de la faute

- Les exemples ci-dessus ont pour objectif de montrer que la source des responsabilités des gérants et administrateurs est infinie. Les pièges qui jalonnent la route des responsables de la gestion des sociétés sont innombrables.

- Il est cependant deux réalités qu'il faut souligner et qui tempèrent quelque peu les remarques qui précèdent:

- le juge appelé à statuer sur la responsabilité d'un administrateur ne peut substituer son appréciation à celle de l'administrateur en cause; c'est dans cette mesure que l'on dit que le juge a un "pouvoir d'appréciation marginal". Le juge ne sanctionnera pas le comportement d'un administrateur qui a fait ou n'a pas ce que le juge n'aurait pas fait ou aurait fait, mais il sanctionnera le comportement que n'aurait pas eu tout administrateur placé dans des circonstances comparables. Placé devant des choix de gestion,

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l'administrateur peut parfois prendre des décisions en sens divers. Il peut parfois se tromper. L'erreur n'est pas nécessairement une faute.

- Lorsqu'il statue, le juge connaît parfois des éléments de fait que ne connaissait pas l'administrateur et dont on ne peut lui faire grief de ne pas les avoirs connus au moment où l'acte litigieux (ou l'omission litigieuse) a eu lieu. Le juge doit faire l'analyse de la situation sur la base des éléments connus ou dont l'administrateur devait avoir connaissance au moment des faits, en faisant abstraction des éléments de faits connus à postériori.

3.3.6. Le dommage réparable

- la responsabilité des gérants et administrateurs est régie par le droit commun de la responsabilité contractuelle (art. 1150 C. Civ.).

- Il en résulte que l'étendue de l'obligation de réparation est indépendante de la gravité de la faute.

- Le fondement de la responsabilité des gérants ou administrateurs sur la base des articles 262, 408 et 527 C. Soc. est cependant de nature contractuelle, ce qui devrait logiquement avoir pour conséquence que seul le dommage prévisible doit être réparé.

- Il n'y a cependant pas unanimité en doctrine pour limiter l'étendue de l'obligation de réparation de la faute de gestion.

3.3.7. Le lien causal

- Application du principe de droit commun : celui qui invoque la responsabilité d'un gérant ou d'un administrateur a la charge de la preuve que sans la faute alléguée le dommage tel qu'il s'est produit ne se serait pas réalisé.

- Rappelons que selon les règles de droit commun le lien causal doit être formellement établi. Un doute quant à l'existence du lien causal conduit au rejet de l'action.

- La théorie de l'équivalence des conditions peut selon les cas conduire à la condamnation de plusieurs personnes à la réparation du dommage, si des fautes concurrentes ont contribué à la réalisation du dommage, voire à un partage de responsabilité si la victime a par sa propre faute également contribué à la réalisation de son dommage.

3.3.8. Responsabilité solidaire ?

- En principe, la responsabilité fondée sur les articles 262, 408 et 527 C. Soc. est une responsabilité personnelle de l'administrateur en faute.

- Cependant si les administrateurs ont commis des fautes communes ou concurrentes, leur responsabilité in solidum pourra être retenue sur la base des règles de droit commun. Si les fautes concurrentes ou communes ont été commises sciemment la responsabilité pourra être solidaire.

3.3.9. Titulaire de l'action

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- La responsabilité fondée sur les articles 262, 408 al. 1er et 527 C. Soc. se fonde sur une faute dans l'exécution du mandat conféré au gérant ou à l'administrateur.

- Seule la société est en droit d'agir contre le gérant ou l'administrateur fautif. Les tiers ne peuvent pas invoquer ce fondement de la responsabilité.

- L'action de la société dirigée contre le gérant ou les administrateurs est décidée par l'assemblée générale (art. 269, 415 et 561 C. Soc.).

- Le gérant ou les administrateurs étant nommés par une majorité d'associés ou d'actionnaires (les uns se confondant souvent avec les autres, dans les sociétés dont l'actionnariat est restreint), les droits de la minorité sont sauvegardés par la possibilité d'intenter l'action minoritaire.

L'action minoritaire :

- Doit être décidée par des associés ayant au jour de l'assemblée générale qui s'est prononcée sur la décharge au moins 10 % des voix attachés à l'ensemble des titres (SPRL : art. 290 § 1er, C. Soc.)

- Idem pour les S.C. : 10 % du capital ou une fraction du capital égale à 1.250.000 € au moins (art. 416, al. 2, C. Soc.)24

- L'action minoritaire peut être intentée dans les SA à l'initiative d'actionnaires qui détiennent au jour de l'assemblée générale qui s'est prononcée sur la décharge au moins 1 % des actions ou une fraction du capital égale à 1.250.000 € au moins (art. 562, al. 2, C. Soc.).

- Dans le cas d'une S.A. l'action sociale et l'action minoritaire peuvent être intentées simultanément. En ce cas, les deux causes sont jointes pour connexité (art. 564, C. Soc.) ;

- En cas de faillite, le curateur agit notamment au nom de la société. Il a donc qualité pour intenter l'actio mandati contre les gérants et administrateurs. Il n'a pas besoin d'une délibération préalable de l'assemblée générale des actionnaires pour ce faire. Dans la pratique, l'action du curateur fondée sur une faute de gestion se heurtera cependant à un obstacle technique : la décharge votée par l'assemblée générale.

3.3.10. Décharge

- la décharge est une décision de l'assemblée générale qui donne au gérant ou aux administrateurs quitus de l'exécution de leur mandat (art. 284, 411 et 554 C. Soc.) ;

- la décharge fait obstacle à l'exercice de l'action sociale (mais pas à l'exercice de l'action minoritaire) ;

- la décharge n'est valable que si elle est donnée en connaissance de cause, c'est-à-dire si les comptes annuels présentés par les gérants ou

24 En ne créant pas d'action minoritaire pour les actionnaires d'une S.C.R.I. le Code des sociétés crée une discrimination injustifiée et contraire aux article 10 et 11 de la Constitution. C. Const. 16 septembre 2010, J.T., 2011, p. 884.

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administrateurs sont sincères et complets et si leur rapport de gestion (sociétés où un tel rapport est légalement prescrit : voy. art. 94, C. Soc.) ne contient d'omission ou d'inexactitude.

- Nonobstant les termes des articles du Code relatifs à la décharge (art. 284, 411 et 554 C. Soc.) la jurisprudence semble actuellement fixée en ce sens que la décharge pourrait valablement être accordée en cours d'exercice, sans examen préalable des comptes.

- La question de la décharge en cours d'exercice se pose dans la pratique en cas de démission d'un gérant ou d'un administrateur en cours d'année : le démissionnaire (qui peut être par hypothèse un actionnaire cessionnaire d'une participation de contrôle) exige qu'une assemblée générale particulière (voir sur cette notion § 2.3., ci-dessus) suive immédiatement sa démission et lui accorde la décharge;

- Dans la pratique, en cas de cession d'une participation de contrôle accompagnée d'un changement d'organe de gestion, soit le cessionnaire des actions ou de parts se porte fort que la plus prochaine assemblée générale ordinaire octroiera la décharge aux gérants ou administrateurs démissionnaires, soit l'acquéreur de la participation de contrôle prend l'engagement personnel de voter en faveur de cette décharge et d'imposer une telle obligation à tout cessionnaire éventuel de tout ou partie de la participation de contrôle, en cas de cession avant la plus prochaine assemblée générale ordinaire.

B. Violation du Code des sociétés ou des statuts

3.3.11. Notions (articles 263, 264, 408 al. 2 et 528 et 529 C. Soc.)

- Violation des statuts : les statuts déterminent l'objet de la société et ses règles de fonctionnement. Il se conçoit aisément que la transgression des clauses statutaires engage la responsabilité des gérants et administrateurs.

Exemples de violation des statuts :

o Engager la société dans une opération qui excède l'objet social de la société

o Prêter de l'argent à un gérant ou à un administrateur, ce qui prive la société des liquidités nécessaires pour fonctionner de manière régulière

o Se faire payer une rémunération non autorisée par l'assemblée généraleo Ne pas respecter les clauses statutaires relatives à la cession des parts

ou actions o Ne pas respecter les clauses statutaires relatives aux pouvoirs de

l'organe de gestion ou des délégués à la gestion journalière (ces clauses sont inopposables aux tiers. La société sera donc liée à l'égard des tiers, mais la responsabilité des gérants ou administrateurs sera engagée).

- Violation du Code

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o Lorsque les articles 263, 408 et 528 C. Soc. incriminent la violation du "présent Code", il s'agit de la loi du 7 mai 1999 contenant le Code des sociétés ainsi que des dispositions légales prises en exécution du Code.

Outre la loi, sont ainsi visés :

- L'arrêté royal du 31 janvier 2001 portant exécution du Code des sociétés (l'essentiel des dispositions de cet AR concerne les comptes annuels, les comptes consolidés et les formalités de publicité : articles 22 à 183 de l'AR)

- Les dispositions légales qui déterminent le contenu de certaines annexes des comptes annuels, comme le bilan social (AR du 4 août 1996 pris en exécution de la loi du 22 décembre 1995 portant des mesures visant à exécuter un plan pluriannuel pour l'emploi).

o Exemples de violation du Code des sociétés

- Violations aux obligations comptables des sociétés (la pratique montre que c'est le type d'infraction le plus fréquent) ;

- Ne pas déposer ou ne pas déposer dans les délais les comptes annuels (art. 98 C. Soc.) ;

- Prendre une décision en violation des dispositions légales relatives aux conflits d'intérêt, si l'acte a procuré à un gérant ou à un administrateur un avantage financier abusif au détriment de la société (art. 264, 529 C. Soc.) ;

- Ne pas convoquer une assemblée générale pour délibérer à bref délai sur la continuité des activités de la société lorsqu'elle a subi des pertes importantes (art. 332, 431 et 633 C. Soc.) ;

- Dans des sociétés coopératives à responsabilité illimitée, avoir donné des indications fausses au sujet de la liste des associés responsables de manière illimitées (art. 373, al. 3 C. Soc.) ;

- Les gérants et administrateurs sont personnellement responsables en cas de souscription irrégulière de parts ou d'actions, en cas de non libération effective dans le délai légal de cinq ans, en cas de surévaluation manifeste d'un apport en nature ou quasi-apport (art. 230, 314 1° à 5°, 406, 424 1° à 3°, 458, 610 C. Soc.) ;

- En cas de transformation d'une SCRI en SCRL, les administrateurs sont responsables de la différence entre l'actif net et le montant de la part fixe du capital ; dans la même hypothèse d'une transformation de SCRI, ils sont responsables en cas de surévaluation manifeste de l'actif net et en cas de nullité de la décision de l'assemblée générale transformant la SCRI en SCRL (art. 436 c. Soc.) ;

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- Ne pas respecter les règles de publicité pour les actes dont la publication est prescrite par le Code (art. 74 C. Soc.) ;

- Ne pas justifier du maintien des règles comptables de continuité, si le compte de résultat fait apparaître une perte pendant deux exercices successifs (sur les règles comptables de discontinuité, voir le quatrième cours) ;

- Ne pas avoir rédigé un rapport lorsque la loi en prescrit un. - Ne pas avoir convoqué une assemblée générale, ou l'avoir

convoquée de manière irrégulière ou ne pas avoir tenu à disposition des associés ou actionnaires les documents légalement prescrits ;

- Ne pas laisser un associé ou actionnaire exercer son droit d'interpellation à l'assemblée générale ou ne pas répondre à des questions légitimes (art. 274, 412 et 540 C. Soc.) ;

- Proposer à l'assemblée générale des décisions relatives aux fonds propres de la société, dans des conditions irrégulières : distribution de dividendes illégitimes (art. 320, 429 et 617 C. Soc.) ou réduction de capital qui ne respecte pas la procédure légale (art. 317, 426 et 613 C. Soc.).

3.3.12. Eléments d'appréciation de la faute

- La jurisprudence considère que diverses obligations imposées aux gérants et administrateurs par le Code ou son arrêté d'exécution sont des obligations de résultat. Il en résulte que les gérants et administrateurs sont en faute par le seul fait d'avoir manqué à une obligation légale.

Il en est certainement ainsi pour ce qui concerne :

o La tenue de comptabilité régulière ;o Le dépôt des comptes annuels à la banque nationale ;o La tenue des assemblées générales légalement prescrites (l'assemblée

générale ordinaire et les assemblées particulières lorsque la loi en prescrit la convocation) ;

o La rédaction des rapports prescrits par le code : le rapport de gestion pour les sociétés qui y sont légalement tenues, les rapports spéciaux en cas de quasi apports, autorisation ou renouvellement d'une autorisation relative au capital autorisé, limitation ou suppression du droit de souscription préférentielle, fusion, scission, apport d'universalité ou de branche d'activité, continuation des activités en cas de pertes importantes, etc.

- Un courant doctrinal existe, soutenant que le gérant ou l'administrateur de société n'est pas nécessairement responsable d'une violation de la loi ou des statuts lorsque le texte de la loi ou des statuts – ou son application au cas d'espèce – prête à discussion. Exemple : dépassement de l'objet social ou dépassement de fonction de l'administrateur délégué ; il existe des situations limites dans lesquelles la frontière est malaisée à tracer.

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- Pour ce qui concerne la tenue d'une comptabilité régulière, il faut certes partir du principe que la très grande majorité des règles comptables ne se prêtent pas à des interprétations multiples. Mais ce n'est pas toujours le cas. En voici trois exemples : o Les stocks sont évalués à leur valeur d'acquisition (art. 69 AR C. Soc.).

Lorsque les produits sont transformés dans l'entreprise, les stocks sont évalués au prix de revient qui s'obtient en ajoutant au prix d'acquisition les coûts de production énumérés à l'article 37 AR C. Soc.). L'application de ces normes légales peut donner lieu à des discussions.

o Les créances figurent à l'actif du bilan à leur valeur nominale (art. 67 § 1er AR C. Soc.). Mais les créances doivent faire l'objet de réduction de valeur si leur remboursement à l'échéance est en tout ou partie incertain (art. 68 AR C. Soc.). A partir de quel degré d'incertitude une créance doit-elle être provisionnée ? Le critère est celui de la prudence, la sincérité et la bonne foi. Une marge d'appréciation existe donc.

o Une société doit provisionner à son passif les risques et charges qui sont nettement circonscrits quant à leur nature, mais qui, à la date de clôture de l'exercice, sont probables ou certaines, mais indéterminées quant à leur montant (art. 50 AR C. Soc.). Une société est assignée devant le Tribunal, ou reçoit un avis de rectification de sa déclaration suivi d'un enrôlement d'un supplément d'impôt. Elle conteste ces prétentions dirigées contre elle. A partir de quel seuil de probabilité ou de certitude faut-il provisionner le risque ? Il existe une marge d'appréciation.

o Les trois exemples mentionnés ci-dessus sont loin d'être exhaustifs.

3.3.13. Le dommage réparable

- Ce qui a été dit au sujet de la faute de gestion s'applique également à la violation du Code et des statuts (renvoi au § 3.3.6 ci-dessus).

- En cas d'infraction aux articles 332, 431 et 633 C. Soc. (ne pas convoquer une assemblée générale pour délibérer à bref délai sur la continuité des activités en cas de pertes sociales importantes), le dommage des créanciers coïncide avec l'aggravation du passif entre le moment où l'assemblée générale aurait dû être convoquée et le moment où l'action en responsabilité est intentée ;

- Le dommage réparable est le préjudice subi par la société ou par les tiers lorsqu'une décision a été prise par le conseil d'administration conformément à l'article 523 (donc lorsque la procédure prévue en matière de conflit d'intérêts a été respectée) si la décision ou l'opération a procuré aux administrateurs ou à l'un d'eux un avantage financier abusif au détriment de la société.

Le dommage réparable est le préjudice subi par la société ou par les tiers lorsqu'une décision a été prise par le conseil d'administration conformément à l'article 524 (donc lorsque la procédure prévue en matière de conflit d'intérêts dans une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé a été respectée) si la décision ou les

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opérations ont causé à la société un préjudice financier abusif au bénéfice d'une société de groupe.

3.3.14. Le lien causal

- En cas d'infraction aux articles 332, 431 et 633 C. Soc. Le dommage subi par les tiers est, sauf preuve contraire, présumé résulter de l'absence de convocation de l'assemblée générale.

- En cas d'infraction aux articles 92 (ne pas soumettre les comptes annuels à l'assemblée ordinaire dans les six mois de la clôture de l'exercice) et 98 C. Soc. (non dépôt des comptes annuels dans le délai de sept mois qui suit la date de la clôture de l'exercice), le dommage subi par les tiers est, sauf preuve contraire, présumé résulter de cette omission.

- Dans les autres cas de responsabilité fondée sur les articles 263, 408 al. 2 et 528 C. Soc., le lien causal doit être établi entre la faute et le dommage (renvoi au § 3.3.7 ci-dessus).

3.3.15. Responsabilité solidaire

- Les articles 263, 408 al. 2 et 528 C. Soc. instituent une responsabilité solidaire des gérants et administrateurs.

- Les gérants et administrateurs ne sont déchargés de cette responsabilité quant aux infractions auxquelles ils n'ont pas pris part, que si aucune faute ne leur est imputable et s'ils ont dénoncé ces infractions à l'assemblée générale la plus proche après qu'ils en ont eu connaissance.

3.3.16. Titulaires de l'action

- La société peut intenter l'action en responsabilité fondée sur les articles 263, 408 al. 2 et 528. Ce qui a été dit au § 3.3.9 ci-dessus est d'application.

- Les tiers (il s'agit le plus souvent de créanciers de la société) peuvent également agir contre les administrateurs.

- L'actionnaire peut agir à titre individuel contre le gérant ou l'administrateur qui a violé la loi ou les statuts. Il lui appartient de démontrer l'existence d'un intérêt propre, c'est-à-cire le dommage qu'il subit dans son patrimoine propre (par opposition au dommage indirect que subit l'actionnaire en cas d'atteinte au patrimoine de la société elle-même).

- Le curateur a qualité pour agir tant au nom de la société qu'au nom des créanciers et a donc qualité pour intenter l'action en responsabilité contre les gérants ou administrateurs.

3.3.17. La décharge

- Les actes qui sortent de l'objet social ou des limites apportées par les statuts aux pouvoirs des gérant ou administrateurs, ainsi que les actes qui ont été faits en contravention au Code des sociétés ne sont couverts par la décharge que s'ils ont été spécialement indiqués dans la convocation (art. 284, 411 et 556 C. Soc.).

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- Cependant la décharge est inopérante lorsque l'action de responsabilité est exercée par : o Un tiers (créancier) o Le curateur agissant en sa qualité de représentant des intérêts de la

masse.

C. La faute grave et caractérisée

3.3.18. Notion (articles 265, 409 et 530 C. Soc.)

En cas de faillite de la société et d'insuffisance de l'actif et s'il est établi qu'une faute grave et caractérisée dans leur chef a contribué à la faillite, tout gérant ou administrateur ou ancien gérant ou administrateur, ainsi que toute personne qui a effectivement détenu le pouvoir d'administrer la société, peuvent être déclarés personnellement obligés, avec ou sans solidarité, de tout ou partie des dettes sociales, à concurrence de l'insuffisance d'actif.

3.3.19. Champ d'application

- Les administrateurs, anciens administrateurs et gestionnaires de fait des S.A., quelle que soit la taille de la société peuvent être mis en cause en cas de faute grave et caractérisée ;

- Pour les SPRL et les SC, les gérants ou administrateurs, anciens gérants ou administrateurs ou gestionnaires de fait ne sont visés par cette disposition que si la société atteint les seuils suivants (art. 265, al. 2 et 409, al. 2 C. Soc). o Chiffre d'affaire annuel moyen hors TVA de 620.000 € au cours des

trois exercices qui précèdent la faillite ; o Total du bilan au terme du dernier exercice de 370.000 €.

Les deux critères sont cumulatifs. Seules les "très petites" SPRL et "très petites" SC ne sont donc pas visées (voy. cependant l'exception indiquée au § 3.3.27 ci-après).

3.3.20. Débiteurs de la réparation en cas de faute grave et caractérisée

Par rapport à la responsabilité pour faute de gestion ou pour violation de la loi ou des statuts, on notera deux différences majeures. Peuvent être rendus responsables:

- D'anciens gérants ou d'anciens administrateurs. Ceci permet d'atteindre des individus qui démissionnent et placent des hommes de paille à la tête d'une société avant que la société ne soit déclarée en faillite.

- "toute personne qui a effectivement détenu le pouvoir d'administrer la société". Ceci permet d'atteindre les gestionnaires de fait, c'est-à-dire ceux qui, sans disposer officiellement des pouvoirs d'administrer la société, l'administrent en fait. Dans les SA où il existe un comité de direction institué conformément à l'article 524bis C. Soc., les membres non

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administrateurs du comité peuvent donc éventuellement être rendus débiteurs de réparation en cas de faute grave et caractérisée qui leur serait imputable.

3.3.21. Exemples de fautes graves et caractérisées

La faute grave et caractérisée est celle qui heurte l'éthique et la morale des affaires. Il s'agit du comportement que n'aurait pas eu tout entrepreneur parce que l'acte en question aurait été perçu par tout entrepreneur comme mettant en péril la continuité de la société. La faute grave et caractérisée ne requiert pas le dol, mais à tout le moins une perception déraisonnable.

On cite comme exemple de fautes graves et caractérisées :

- L'absence de comptabilité- Une comptabilité gravement irrégulière- Caisse noire, chiffre d'affaires non déclaré- La poursuite d'une activité déficitaire, alors qu'il n'existe ni plan de

redressement ni perspectives d'amélioration des affaires- Effectuer des paiements qui ne respectent pas les privilèges légaux, à un

moment où l'organe de gestion sait pertinemment (ou aurait dû savoir) que la faillite était inéluctable

- Les mécanismes de captation du fonds de commerce (ou du goodwill) ou d'éléments de celui-ci en période suspecte.

Il est important de faire le lien entre ces fautes "graves et caractérisées" et les infractions pénales qui peuvent y être liées (voir infra §§ 3.3.33 et 3.3.34).

3.3.22. Eléments d'appréciation de la faute

- La loi ne définit pas ce qu'il faut entendre par faute grave et caractérisée. L'appréciation de ces deux critères est laissée à l'appréciation souveraine du juge.

3.3.23. Le dommage réparable

- Le gérant ou l'administrateur coupable d'une faute grave et caractérisée peut être condamné à supporter "tout ou partie des dettes sociales"

- Dans la pratique, les tribunaux disposent d'un très large pouvoir d'appréciation. La condamnation pourra, selon les circonstances, consister à : o Payer à la masse une quotité du passif (de l'insuffisance d'actif)o Lorsque l'action est exercée par un créancier à titre individuel, payer la

partie irrécouvrable de la créance de ce créanciero Lorsque des opérations commerciales ou financières ont été effectuées

dans des conditions gravement fautives : indemniser le préjudice qui en est résulté

o Lorsque l'action est intentée par un créancier agissant à titre individuel, le montant alloué à celui-ci par le juge est limité au préjudice du

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créancier agissant et ce montant lui revient exclusivement indépendamment de l'action éventuelle du curateur dans l'intérêt de la masse

o La loi fixe un maximum : l'insuffisance d'actif, c'est-à-dire le montant du passif à l'égard des tiers qui est irrécouvrable après réalisation des actifs et paiement des dettes de la masse

o Notons enfin que conjointement aux condamnations de sommes, le tribunal peut prononcer des interdictions professionnelles à l'encontre de dirigeants qui ont commis une faute grave et caractérisée ayant contribué à la faillite.

3.3.24. Le lien causal

- Différence importante avec les fautes de gestion et infractions à la loi ou aux statuts : en cas de faute grave et caractérisée, la loi n'exige pas que la faute ait causé la faillite, il suffit qu'elle y ait contribué.

- Si la faillite est inéluctable, une faute grave et caractérisée commise peu avant la faillite n'a pas "contribué" à la survenance de la faillite (un paiement effectué au moment où la faillite est inéluctable, par exemple).Théoriquement cette faute grave et caractérisée ne devrait pas engager la responsabilité de l'administrateur en cause.

- En revanche, si la faillite est la conséquence de plusieurs facteurs qui ont concouru à l'issue fatale, il suffit qu'une faute grave et caractérisée d'un gérant ou administrateur constitue l'un des facteurs pour la responsabilité fondée sur les articles 265, 409 et 530 C. Soc. puisse être retenue.

3.3.25. Responsabilité solidaire ?

- Ici encore le tribunal dispose d'un très large pouvoir d'appréciation. Compte tenu de la répartition des tâches entre les administrateurs, il pourra condamner un ou plusieurs gérants ou administrateurs et exempter les autres

- Lorsque plusieurs gérants ou administrateurs sont condamnés, le tribunal peut les condamner "avec ou sans solidarité".

3.3.26. Titulaires de l'action

- L'action est ouverte au curateur et aux créanciers à titre individuel- Lorsqu'un créancier exerce l'action en responsabilité à titre individuel, il en

informe le curateur (qui pourra se joindre à l'action du créancier, s'il estime les griefs sérieux).

D. Situation particulière de l'ONSS

3.3.27. La faute grave

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- La loi-programme du 20 juillet 2006 (art. 57) a inséré dans les articles 262, 409 et 530 C. Soc. un § 2 qui alourdit davantage encore la responsabilité des gérants, administrateurs et gestionnaires de fait, lorsque la société faillie laisse impayés des cotisations, majorations ou intérêts vis-à-vis de l'ONSS.

- Seule une faute grave est requise (comparez avec "faute grave et caractérisée").

- La faute grave doit être "à la base de la faillite" (comparez avec ce qui est écrit au § 3.3.24 ci-dessus – faute qui a "contribué à la faillite").

- La responsabilité s'applique même aux " très petites" SPRL ou "très petites" SCRL (comparez avec ce qui est écrit au § 3.3.19 ci-dessus).

3.3.28. Fautes graves

- La loi répute "faute grave" toute fraude fiscale grave et organisée au sens de l'article 3 § 2 de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention du système financier aux fins de blanchiment de capitaux (art. 265 al. 4 ; 409 al. 4 et 530 al. 3 C. Soc.)

- La loi répute également de "faute grave" (imputable à qui ?) le fait que la société est dirigée par un gérant, administrateur ou responsable qui a été "impliqué" (?) dans au moins deux faillites, liquidations ou opérations similaires "entraînant" des dettes à l'égard d'un organisme percepteur de cotisations sociales25.

- La loi donne enfin pouvoir au Roi, "après avis du Comité de gestion de l'ONSS" (!) de déterminer les faits, données ou circonstances pouvant être considérés comme faute grave. Il n'existe pas à ce jour d'AR pris en exécution de cette disposition de la loi.

- Ce texte au libellé approximatif est potentiellement très dangereux pour les dirigeants de société.

3.3.29. Responsabilité sans faute

- La responsabilité personnelle et solidaire des dirigeants d'une société faillie du chef des dettes de cette dernière vis-à-vis de l'ONSS pourra être retenue "si au cours de la période de cinq ans qui précède le prononcé de la faillite, les gérants, [administrateurs], anciens gérants [anciens administrateurs] et responsables se sont trouvés dans la situation décrite à l'article 38, § 3octies, 8° de la loi du 29 juin 1981 établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés" (art. 262 § 2, 409 § 2 et 530 § 2 C. Soc.).

- Ce texte vise en réalité le gérant, administrateur ou dirigeant qui, par deux fois dans les cinq années précédant la faillite, fut membre d'un organe de gestion d'une autre société laissant un passif à l'égard de l'ONSS.

- Est ainsi incriminé le simple fait d'avoir été associé à la gestion d'une société faillie, même si la faillite résulte de contingences économique et non pas d'une faute quelconque.

25 Pour apprécier si ces conditions sont remplies, il ne peut être tenu compte des faillites prononcées avant le 1er septembre 2006, date de l'entrée en vigueur de l'article 530 § 2, C. Soc. (Ypres 12 avril 2010, R.D.C.B., 2010, p. 1024.

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- Sont "victimes" de cette incrimination, les gérants ou administrateurs impliqués dans deux faillites antérieures, alors même qu'aucune faute ne leur est reprochée dans le cadre de leur gestion de la société faillie.

- La loi instaure une responsabilité personnelle et solidaire basée sur une présomption irréfragable qui débouche en réalité sur une véritable interdiction professionnelle déguisée frappant les gérants ou administrateurs impliqués dans des faillites26.

E. La responsabilité civile de droit commun

3.3.30. Principes

- Les responsabilités spécifiquement instituées par le Code des sociétés (faute de gestion, violation de la loi ou des statuts, faute grave et caractérisée ayant contribué à la faillite, faute grave à la base de la faillite) coexistent avec la responsabilité de droit commun (art. 1382 et 1383 C. civ.).

- La société pourrait donc agir contre un administrateur coupable de faute de gestion, si le manquement allégué constitue un manquement à une obligation générale, c'est-à-dire s'imposant à tous. Il faut donc que la faute reprochée soit distincte du manquement à l'exécution de l'obligation contractuelle. Il faut également que la faute alléguée ait causé un dommage distinct de celui qui résulte de l'inexécution de l'obligation contractuelle (en l'occurrence l'exécution du mandat).

- Les tiers créanciers non contractuels peuvent également mettre en cause la responsabilité personnelle des gérants administrateurs dans les mêmes conditions que la société : il faut une faute constitutive d'un manquement à l'obligation générale de prudence et de vigilance qui s'impose à chacun.

- Les tiers créanciers contractuels de la société ne peuvent en principe mettre en cause la responsabilité civile de droit commun de l'organe de gestion que dans les conditions strictes du cumul des responsabilités aquilienne et contractuelle, c'est-à-dire :

o Faute distincte de la mauvaise exécution du contrato Dommage distinct de celui résultant de l'inexécution du contrat.

Ceci conduit dans la pratique à une quasi immunité de fait des organes de gestion vis-à-vis des cocontractants de la société.

- La question du cumul des responsabilités contractuelle et aquilienne appliquée aux dirigeants de société est cependant une matière où la jurisprudence reste indécise compte tenu d'arrêts de la Cour de cassation dont il est difficile de dégager une jurisprudence univoque27.

26 Comparez avec la présomption réfragable de responsabilité instituée par les articles 442quater CIR/92 et 93undecies C CTVA. Sur cette question : voy. C. Const. 29 mars 2012 qui juge que l'article 265 C. Soc. ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.27 Il s'agit principalement des arrêts des 7 novembre 1997, R.C.J.B. 1999, p. 730 ; 16 février 2001, R.D.C. 2002, p. 703 et la note C. Geys ; 20 juin 2005, R.D.C. 2005, p. 890 et la note H. De Wolf. La portée de ces arrêts est incertaine, ce qu'ont mis en évidence plusieurs commentateurs : X. Dieux, "la responsabilité civile des administrateurs ou gérants d'une personne morale à l'égard des tiers : une révolution de velours" Mélanges John

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- Si la faute reprochée au gérant ou à l'administrateur constitue par ailleurs une infraction pénale, le cumul des responsabilités n'est pas contestable.

F. Responsabilités particulières prévues par d'autres législations

3.3.31. Responsabilité en matière fiscale

- En vertu des articles 442quater dans le Code des impôts sur les revenus (art. 14 de la loi-programme) et 93undecies C dans le code TVA, aux termes desquels les dirigeants chargés de la gestion journalière des sociétés28 sont déclarés solidairement responsables du précompte professionnel ou de la TVA, si le non-paiement de ces impôts par la société est imputable à une faute au sens de l'article 1382 du Code civil commise dans le cadre de leur gestion29.

- Les travaux préparatoires de la loi-programme donnent comme exemple de manquements constitutifs de "faute au sens de l'article 1382 du Code civil commise dans le cadre de leur gestion" : o Un assujetti soumis au régime de dépôt de déclarations trimestrielles à

la TVA ou un redevable trimestriel du précompte : non-paiement de deux dettes exigibles au cours d'un an ;

o Un assujetti soumis au régime de déclarations mensuelles à la TVA ou un redevable mensuel du précompte : non-paiement de trois dettes exigibles au cours d'un an.

Kirkpatrick p. 225-230; P. Van Ommeslaghe, "La théorie de l'organe – évolutions récentes", Liber amicorum Michel Coipel, p. 765 et s. ; V. Simonart, "La théorie de l'organe", Liber amicorum Michel Coipel p. 713 et s. (ces deux contributions sont antérieures à l'arrêt du 20 juin 2005) ; Y. De Cordt, note sous cassation 20 juin 2005, R.P.S. 2005, p. 194 et s. ; P. A. Foriers et L. Simont "Observations sur un revirement de jurisprudence : représentation et responsabilité aquilienne des organes et mandataires de sociétés", Liber amicorum Jacques Malherbe, p. 419 et s. ; A.P. André-Dumont, C. Bruls et H. Culot, "Responsabilités des organes des sociétés : la restauration", Liber amicorum Jacques Malherbe p. 21 et s.; P. De Wolf, "Variations sur la responsabilité des administrateurs", D.A.O.R. 2005, p. 95 et s. ; X. Dieux, "Responsabilité civile des dirigeants de la société anonyme : question de principe ! ", Actualités en droit des sociétés (collection UB3 2006), p. 103 et s.; S. Bihain, "Responsabilité des dirigeants des sociétés à l'égard des tiers – Pas d'immunité de principe en faveur des organes des sociétés", J.T. 2006, p. 421 et s. ; V. Simonart, "La quasi immunité des organes de droit privé", R.C.J.B., 1999, p. 752 et suiv. ; D. Philippe et G. Gathem, "A quelles conditions le dirigeant peut-il engager sa responsabilité aquilienne personnelle à l'égard des tiers ? Les pièges de l'article 1382 du Code civil" La responsabilité des dirigeants des personnes morales, Bruxelles, La Charte, 2007, p. 87 et suiv.28 Et des personnes morales. Ceci vise notamment les dirigeants des grandes ASBL29 C. Constitutionnelle 29.3.2012- 442quater CIR92 (non-paiement du précompte professionnel au cours d'une période de un an ne viole pas 10 et

11 Constitution.- pas mesure disproportionnée

C. Cass. 01.06.2012 non-paiement du Précompte Professionnel (Rôle général F.10.0038.F) C. Cass. 19.09.2014 non-paiement de la TVA (rôle général F.12.0206.N)

C. Cass. 21.09.2012 non-paiement du Pr. Pr. (rôle général F.11.0085.N)- fondement de la faute 1382 CC Critère du manquement à l'obligation générale de prudence

C. appel Liège 08.06.2011, R.G. 2009/RG/158 Non responsabilité du gérant en cas de non-paiement de la TVA – pas de négligence démontrée – pas faute

– action du fisc contre le gérant non fondée

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Il n'y a pas de présomption de faute lorsque le non-paiement résulte de difficultés financières qui ont donné lieu à l'ouverture d'une procédure de concordat, faillite ou dissolution judiciaire. La loi pourrait avoir comme conséquence paradoxale que des dirigeants de sociétés fassent l'aveu de faillite pour échapper à la présomption de responsabilité.

3.3.32. Responsabilité en matière de délit d'initié

Il a été indiqué dans l'introduction que le cours n'abordera pas les questions spécifiques aux sociétés cotées en bourse. On se bornera donc ici à signaler que l'article 25 §1 de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers sanctionne le délit d'initié, qui peut atteindre les administrateurs s'ils recommandent à un tiers d'acquérir ou de céder des instruments financiers.

3.3.33. Responsabilité de la cotisation sociale à charge des sociétés instituée par la loi du 30 décembre 1992 portant des dispositions sociales et diverses : les associés actifs, admin. ou gérants sont tenus solidairement avec la société au paiement de la cotisation, des majorations et des frais dont cette dernière est redevable.

DEUXIEME PARTIE : RESPONSABILITÉ PÉNALE DES GÉRANTS ET ADMINISTRATEURS

A. Les infractions

3.3.34. Infractions spécifiques du Code des sociétés

- Le non-respect de plusieurs obligations mises à charge des gérants et administrateurs par le Code des sociétés est sanctionné pénalement.

L'énumération de toutes les incriminations pénales serait longue. Essayons de les regrouper par catégories :

o Manquements aux obligations de publicité des actes de la société : art. 90, 91, 196 2°.

o Manquements aux obligations en matière comptable ou de publicité des comptes annuels : art. 126, 2° ; 126, 3° (comptes consolidés) ; 127 (faux dans les écritures comptables avec intention de nuire).

o Manquements à l'obligation de soumettre les comptes annuels à l'assemblée générale ordinaire : art. 126, 1°.

o Manquements aux règles de fonctionnement de la révision des comptes annuels lorsque ceux-ci doivent faire l'objet d'un contrôle externe confié à un commissaire-réviseur : art. 170 et 171 C. Soc.

o Manquements aux règles organisant la liquidation des sociétés commerciales : art. 196 C. Soc.

o Manquements aux règles applicables en matière d'apports en nature ou de quasi apports : art. 345, 2° ; 345, 4° ; 433 ; 647, 2° ; 647, 4°.

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o Manquements aux règles applicables en matière d'appel public à l'épargne : art. 346 ; 647, 4° C. Soc.

o Manquements aux dispositions relatives au maintien du capital : art. 648, 1° à 3° et 648, 5° à 7°.

o Manquements à l'obligation de convoquer une assemblée générale particulière dans les trois semaines de la réquisition faite aux gérants ou administrateurs (art. 345, 1° ; 647, 1° C. Soc.).

o Manquements aux obligations concernant les rapports qui doivent être établis par les gérants ou administrateurs avant toute opération de fusion, de scission ou d'opération assimilée : (art. 773 et 778 C. Soc.).

- En vertu de l'article 17 du C. Soc. le livre Ier du Code pénal, sans exception du Chapitre VII et de l'article 85 est d'application aux infractions prévues par le C. Soc.

3.3.35. Infractions pénales résultant du Code pénal

- Plusieurs dispositions du Code pénal sont soit d'application spécifique aux mandataires sociaux, soit peuvent s'appliquer à des faits commis par des mandataires dans l'exercice de leurs fonctions.

- Les infractions les plus fréquemment rencontrées dans la pratique sont :

o Les infractions liées à l'état de faillite : article 489 à 489sexies du Code pénal :

Contracter au profit de tiers, sans contrepartie suffisante, des engagements trop considérables eu égard à la situation financière de l'entreprise ;

Faire des achats pour revendre au-dessous du cours ou se livrer à des emprunts, circulation d'effets et autres moyens ruineux de se procurer des fonds, dans l'intention de retarder la faillite ;

Payer ou favoriser un créancier au préjudice de la masse ; Organiser frauduleusement son insolvabilité ; Détourner ou dissimuler une partie de l'actif.

o L'abus de bien sociaux au sens de l'article 492bis du Code pénal, , c'est-à-dire l'utilisation des biens ou du crédit de la société, avec une intention frauduleuse et à des fins personnelles sachant que c'était significativement préjudiciable aux intérêts patrimoniaux de la société et à ceux de ses créanciers et associés.

o La corruption privée au sens de l'article 504bis du Code pénal. Sont réprimées la corruption active et la corruption passive. La corruption passive consiste à solliciter ou accepter directement ou par interposition de personnes, une offre, une promesse ou un avantage de toute nature, pour soi-même ou pour un tiers, pour faire ou s'abstenir de faire un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction, à l'insu et sans autorisation, selon le cas, du conseil d'administration, de l'assemblée générale, du mandant ou de l'employeur. La loi définit inversement et sanctionne pareillement la corruption active.

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o Le faux et l'usage de faux au sens des articles 196 et 197 du Code pénal.

o L'escroquerie : art. 496 C. pénal.o L'abus de confiance : art. 491 C. pénal.

3.3.36. Infractions pénales résultant d'autres lois

L'énumération de toutes les sanctions pénales que peuvent encourir les mandataires sociaux est infinie. Il n'existe pratiquement plus de loi dont la transgression n'est pas sanctionnée pénalement. Cette incrimination pénale systématique a pour conséquence que l'environnement légal dans lequel se meuvent les dirigeants d'entreprises est de plus en plus dangereux. Non seulement la sanction pénale n'est pas théorique, mais surtout l'incrimination pénale facilite la démonstration de la preuve de la faute et peut considérablement allonger la durée de la prescription.

En outre, le législateur tend à établir un grand nombre d'infraction pour lesquelles l'agent fautif est désigné par la loi : ce sera l'organe de gestion.

B. Réflexions relatives à de (possibles) atténuations de la responsabilité pénale des dirigeants

3.3.37. Infractions "purement matérielles" ?

- La question posée est de savoir dans quelle mesure les infractions particulières prévues par le Code des sociétés sont des infractions "purement matérielles" ou si un élément moral est requis.

- L'élément moral est requis non seulement dans le cadre des infractions pénales, mais également dans le cadre des lois particulières. "Toute infraction requiert, outre un élément matériel, un élément moral, même lorsque celui-ci n'est pas expressément énoncé dans l'incrimination. La culpabilité du chef d'une incrimination requiert la connaissance de ce qu'elle est commise"30 .

- Toute infraction implique dans le chef de l'agent un état d'esprit reprochable31.

- Toute infraction pénale constitue une faute dont il doit être admis que le prévenu doit pouvoir se justifier, de sorte qu'il n'existe pas d'infractions purement matérielles qui constitueraient une catégorie propre32.

3.3.38. délégation de fonction et responsabilité pénale

30 Cass. E octobre 2006, RG n° P.06.0545.F, www.cass.be ; dans le même sens : Anvers, 22 juin 2000, A.J.T. 2000-2001, p. 327. Sur ces notions, voy. : F. Roggen, L'élément moral dans les infractions; une controverse obsolète, in Actualités en droit pénal, UB³ 2010.31 C. Vandermeersch, Eléments de droit pénal et de procédure pénale [2006], p. 123 ; Bruxelles, 4 décembre 1996, R.D.P.C. 1997, p. 677.32 Fr. Tulkens et M. Van de Kerchove, Introduction au droit pénal [2005], p. 390

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- la délégation de fonction est "l'acte par lequel une société ou son dirigeant, tenu de l'obligation de veiller au respect de la législation, transfère à une personne physique ou morale déterminée, dotée de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires, ses pouvoirs et devoirs pour veiller en ses lieu et place au respect de la loi"33.

- le principe de la délégation pénale est actuellement accepté en doctrine34, mais trouve encore peu d'écho en jurisprudence, sans doute soit parce que trop peu de plaideurs songent à l'invoquer soit parce que les conditions de son application ne sont pas réunies.

- la délégation de compétence doit en effet être prouvée et par ailleurs l'administrateur désigné comme responsable par la loi n'échappera à son responsabilité déduite de l'imputation pénale légale (la loi désigne le responsable) que s'il prouve que le tiers à qui une compétence avait été déléguée disposait de :

l'autorité (Cass.fr.,ch. crim. 17 février 2004) la compétence et les moyens requis pour respecter la loi ;

- en France, où cette théorie est une création jurisprudentielle assez développée, les contours dans lesquels la délégation de pouvoir est admissible ont été définis comme suit:

La délégation de pouvoirs peut conduire à une exonération de la responsabilité du dirigeant de l'entreprise lorsqu'elle est justifiée par la taille de l'entreprise (cela ne pourra donc pas être invoqué par le patron d'une PME);

La délégation de pouvoirs doit être clairement stipulée ("vous êtes institué responsable de l'exécution de telle tâche …") (voy Cass. fr., ch. crim. 25 janvier 2000, arrêt n° 99-82123);

La délégation de pouvoirs semble devoir être limitée dans le temps (pas de jurisprudence française sur ce point, mais les auteurs l'affirment);

La délégation de compétence intra-groupe de sociétés est possible (Cass. fr., ch crim. 26 mai 1994, arrêt 93-83213). Une filiale peut donc faire "remonter" des compétences au niveau de sa société mère;

La tendance "lourde" de la jurisprudence en France sur cette question : lent déplacement des responsabilités vers les personnes morales, mais on constate que la "mise au pilori" des personnes physiques reste une tendance également.

33 J. Spreutels, Fr. Roggen et E. Roger-France, Droit pénal des affaires [2005], p. 50; E. Roger-France, la délégation de pouvoirs en droit pénal, J.T. 2000, p. 260 et spéc. p. 262 et s. ; A. De Nauw, "La délinquance des personnes morales et l'attribution de l'infraction à une personne physique par le juge", R.C.J.B. 1992, p. 570.34 Outre l'article de E. Roger-France cité à la note ci-dessus, voy. P. Waterinckx, "La responsabilité pénale, un risque maîtrisable pour l'entreprise ? La délégation en droit pénal" R.D.P.C. 2003, p. 443 et s.

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TROISIÈME PARTIE : LA PRESCRIPTION

A. La prescription civile

3.3.39. Principe

- Toutes actions contre les gérants, administrateurs, membres du comité de direction et liquidateurs sont prescrites par cinq ans (art. 198, §1er C. Soc.).

- A l'égard des gérants, administrateurs et membres du comité de direction, le délai de prescription court à partir des faits.

- Si les faits ont été celés par dol, le délai de prescription commence à courir à partir de la découverte de ces faits.

- A l'égard des liquidateurs de sociétés, le délai de cinq ans prend cours à compter de la publication au Moniteur belge de l'extrait du procès-verbal de clôture de la liquidation.

3.3.40. Problèmes de détermination de la date du fait fautif

- Pour certaines fautes reprochables à un gérant ou à un administrateur, la détermination du fait fautif coïncidera avec le point de départ de la prescription quinquennale.

- Certaines fautes présentent un caractère continu (cfr la notion de délit continu en droit pénal). Par exemple une écriture comptable inexacte (ou l'absence d'écriture comptable de ce qui devrait figurer dans les comptes) est une faute qui est commise le jour où l'inscription aurait dû figurer dans les comptes, mais elle se poursuit et se répète aussi longtemps qu'elle n'est pas corrigée, puisque l'ouverture de l'exercice comptable suivant se basera sur la clôture de l'exercice comptable précédent.

- La jurisprudence est partagée sur la question de savoir quand commence à courir le délai de prescription lorsqu'un acte aurait dû être posé dans un délai déterminé. La Cour d'appel de Bruxelles a décidé que le délai de prescription commence à courir lorsque l'acte aurait dû être posé35. Le tribunal de première instance de Liège a décidé à l'inverse que le délai ne commence à courir qu'à la fin du mandat du gérant ou de l'administrateur36

37.- Lorsqu'un gérant ou un conseil d'administration doit convoquer une

assemblée générale appelée à délibérer sur la poursuite des activités en cas de pertes importantes (art. 332, 431 et 633 C. Soc), le délai de convocation (deux mois, sauf dispositions plus rigoureuses des statuts) prend cours à la date "où la perte a été constatée ou aurait dû être constatée en vertu des dispositions légales ou statutaires".

Quand les pertes doivent-elles être constatées ?

35 Bruxelles 28 mai 2009, inédit R.G.2009/AR/792.36 Civ. Liège, 12 juin 2003, J.L.M.B. 2005, p. 248.37 Fin du mandat qui peut elle-même être reportée dans le temps puisque plusieurs décisions ont décidé que l'administrateur dont le mandat a pris fin doit continuer l'exercice de celui-ci jusqu'à son remplacement et ont retenu la responsabilité de celui-ci pour s'être désintéressé de la vie de la société après l'expiration de son mandat. En ce sens : Comm. Bruxelles 22 octobre 2002, J.D.S., 2004, p. 173.

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Pour les sociétés tenues au dépôt des comptes annuels selon le schéma complet (Art. 82 § 1 de l'AR d'exécution du C. Soc), le Code prescrit l'établissement d'une situation semestrielle (art. 137 §2, al. 3 C. Soc). L'assemblée générale délibérant sur la poursuite des activités peut donc devoir être tenue au moins deux fois l'an en cas de pertes récurrentes : la première fois en cours d'exercice dans les deux mois qui suivent l'établissement de la situation semestrielle et une deuxième fois dans les deux mois qui suivent l'établissement des comptes annuels.

Pour les petites sociétés au sens de l'article 15 C. Soc., qui peuvent déposer des comptes annuels selon le schéma abrégé et qui donc ne sont pas soumises au contrôle révisoral de leurs comptes, la connaissance de la perte coïncide au plus tard avec la date à laquelle les comptes annuels auraient dû être présentés à l'assemblée générale ordinaire38

3.3.41. Fautes indivisibles

- Si la faute résulte de plusieurs faits indivisibles, la prescription ne prend cours qu'à dater du dernier fait par lequel la faute est consommée39.

- Si plusieurs fautes, négligences ou infractions sont simultanément reprochées aux gérants ou administrateurs, cette accumulation de griefs ne suffit pas à rendre ces fautes indivisibles. Il n'y a pas de corrélation entre faits indivisibles au sens civil et infraction collective au plan pénal40.

B. La prescription pénale

3.3.42. Principe

- L'action publique est prescrite après dix ans, trois ans ou six mois, à compter du jour où l'infraction a été commise, selon que l'infraction constitue un crime, un délit ou une contravention (art. 21 de la loi du 17 avril 1878 contenant le Titre préliminaire du Code d'instruction criminelle, ci-après Titre prél. C.I.C.).

- La prescription commence à courir le jour où l'infraction a été commise. On considère que l'infraction est consommée lorsque l'ensemble des éléments constitutifs sont réunis. Dès lors :

Constitue un délit instantané le non dépôt dans les délais des comptes annuels.

En revanche, l'usage de faux (faux bilan) est un délit continu puisque, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, l'usage de faux se perpétue même sans fait nouveau de l'auteur du faux et sans intervention itérative de sa part, tant que le but qu'il visait n'est pas entièrement atteint et tant que

38 Comm. Ypres, 21 octobre 2002, T.R.V., 2004, p. 730.39 Bruxelles, 21 novembre 2002, J.L.M.B. 2003, p. 127140 Comm. Marche en Famenne, 31 mars 2010, inédit, R.G.A/08/00097

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l'acte initial continue d'engendrer à son profit, sans qu'il s'y oppose l'effet utile qu'il en attendait41.

- Il y a infraction collective lorsque plusieurs infractions constituent l'exécution d'une même résolution délictueuse ne forment qu'une seule infraction. En ce cas, la prescription de l'action publique ne commence à courir, à l'égard de l'ensemble des faits, qu'à partir du dernier de ceux-ci.

3.3.43. Interruption de la prescription

- La prescription de l'action publique est interrompue par des actes d'instruction ou de poursuite faits dans le délai prévu par l'article 21 du Titre prél. C.I.C.

- L'interruption de la prescription a un caractère réel. Elle vaut vis-à-vis de tous les auteurs ou complices même non visés par l'acte interruptif (art. 22, al. 2 Titre prél. C.I.C.). En cas de faillite, l'information répressive ouverte par le parquet et les actes d'instruction à l'égard d'un administrateur de la société faillie interrompront dès lors la prescription de l'action pénale à l'égard de tous les autres administrateurs concernés par le même délit.

- Le caractère réel de l'interruption de la prescription de l'action pénale s'applique également lorsque plusieurs infractions constituent l'exécution d'une même résolution délictueuse et ne forment qu'un seul délit42. En revanche, lorsqu'il s'agit de faits entièrement distincts, le caractère réel de l'acte interruptif est limité aux auteurs de l'infraction pour laquelle l'acte interruptif a été posé, pas pour les auteurs d'autres faits non liés par une résolution délictueuse unique43.

- Sont des actes interruptifs de la prescription : Les actes accomplis par le juge d'instruction personnellement ; Les instructions données par le juge d'instruction d'accomplir un

devoir d'enquête ; Certaines apostilles du Ministère public44 ; La plainte d'une partie civile, la citation directe d'une partie

civile, le réquisitoire du Ministère public.

3.3.44. Conditions et effet de l'interruption de l'action pénale

- L'acte d'instruction ou de poursuite doit être fait dans le délai primaire de prescription soit, cinq ans, trois ans ou six mois.

41 Cette jurisprudence s'applique également lorsque la personne poursuivie pour usage de faux est en même temps l'auteur du faux, voy. Cass., 1er février 1984, Pas. 1984, I, 617 : "Lorsque l'auteur d'un faux en écritures a aussi fait usage de la pièce fausse avec la même intention frauduleuse ou le même dessein de nuire, la prescription de l'action publique ne prend cours, tant à l'égard de la perpétration de faux qu'en ce qui concerne l'usage de la pièce fausse, qu'à partir du dernier fait d'usage".42 Cass., 25 octobre 1971, Pas., 1972, I, 185 43 Bruxelles, 23 juin 1972, Pas. 1973, II, 8.44 Pour la liste des actes du Ministère public qui interrompent la prescription : M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale, p. 92 à 94 ;

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- L'acte interruptif de la prescription de l'action pénale anéantit le temps couru et fait courir un nouveau délai égal à celui qui prenait cours au jour de l'infraction (art. 22, al. 2, Titre prél. C.I.C.). Après l'écoulement du délai primaire, il n'y a plus d'interruption possible de sorte que le maximum du temps de prescription est dix ans, six ans ou un an selon la peine prononcée45.

C. Influence de la prescription de l'action pénale sur le délai de prescription civile

3.3.45. Principes

- L'action civile résultant d'une infraction se prescrit selon les règles du Code civil ou des lois particulières qui sont applicables à l'action en dommages et intérêts. Toutefois, celle-ci ne peut se prescrire avant l'action publique (article 26, Titre prél. C.I.C.).

- Concrètement le délai de cinq ans institué par l'article 198 C. Soc. peut être allongé par l'effet d'une action publique.

- Des infractions comptables présentant un caractère de délit continu peuvent donc faire l'objet de sanctions pénales et civiles plusieurs années après leur commission.

3.4. Responsabilités du réviseur ou de l'expert-comptable externe

3.4.1. Principes

Plusieurs dispositions du Code des sociétés imposent l'intervention :

- Soit d'un réviseur qui porte le titre de commissaire-réviseur lorsqu'il est chargé du contrôle des comptes annuels en vertu de l'article 142 C. Soc. Sont visées par les règles de contrôle des comptes annuels les grandes sociétés qui se définissent par opposition aux petites sociétés dont les critères sont définis à l'article 15 C. Soc. Est une petite société une société qui pour le dernier et l'avant dernier exercice clôturé ne dépasse pas plus d'une des limites suivantes : o Nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle : 50 travailleurso Chiffre d'affaires annuel hors TVA : 9.000.000 €o Total du bilan : 4.500.000 €46.

45 Pour rappel, le délai de prescription pénale n'est pas déterminé par la nature de l'infraction, mais la nature de la peine prononcée par le juge. Pour un crime correctionnalisé – ce qui sera souvent le cas en matière de faux et d'usage de faux ou d'autres infractions financières punies de peines criminelles – le délai de prescription sera donc au maximum de six ans et non de dix ans.46 Seuils applicables à partir du 1er janvier 2016.

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L'article 15 § 5 C. Soc. définit chacun de ces trois critères.

- Soit d'un réviseur à l'occasion de diverses opérations telles que apports en nature soit à la constitution soit lors d'une augmentation de capital (art. 219, 395, 444, 313, 423 et 602 C. Soc), quasi-apports (art. 220, 396 et 445 C. Soc.), conversion d'obligations convertibles en actions avec augmentation du capital (art. 591 C. Soc.).

- Soit d'un réviseur ou d'un expert-comptable externe, à l'occasion d'opérations telles que proposition de mise en liquidation de la société (art. 181 § 1er, al. 3 C. Soc.), émission d'actions sans mention de valeur nominale en dessous du pair comptable des actions anciennes de la même catégorie (art. 582, al. 2 C. Soc.), augmentation de capital ou émission d'obligations convertibles ou de droits de souscription avec limitation ou suppression du droit de préférence institué par l'article 592 (art. 596, al. 2 et 609 § 2, 4° C. Soc.), opérations de fusion, scission ou apports d'universalité ou de branches d'activité (art. 695, 708, 731, 746 C. Soc), transformation d'une société (article 776 C. Soc.).

- Rappelons que pour la création d'une SPRL Starter la loi prescrit l'intervention d'un réviseur ou d'un expert-comptable ou d'un comptable agréé pour l'établissement du plan financier établi préalablement à la constitution de la société (renvoi au premier cours, § 1.1.3).

3.4.2. Missions du commissaire-réviseur

- La principale mission du commissaire-réviseur consiste à exercer un contrôle externe sur les comptes de l'entreprise. Cette mission s'exerce au fil de l'année par des contrôles sur place (cfr art. 137 §1er al. 1) par l'examen des pièces comptables, livres comptables, la correspondance, les contrats conclus, etc.Le commissaire réviseur peut poser des questions aux organes de gestion, aux préposés de la société, aux agents et mandataires. Il dispose d'un pouvoir d'investigation sans limite.

- L'ensemble des opérations de contrôle du commissaire réviseur se traduit par un rapport annuel dont les mentions minimales sont prescrites par l'article 144 C. Soc.

Les conclusions du rapport de révision sont :

o Soit une attestation sans réserve. Dans la pratique, l'attestation sans réserve du commissaire est souvent accompagnée de formules telles que "les comptes annuels ne comportent pas d'inexactitudes significatives compte tenu des dispositions légales et réglementaires applicables aux comptes annuels en Belgique" ou "sans préjudice d'aspects formels d'importance mineure, la comptabilité est tenue et les comptes annuels sont établis conformément aux dispositions légales et réglementaires applicables en Belgique".

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o Soit une attestation avec réserve. L'attestation avec réserve indique que le réviseur émet des réserves quant à la fiabilité de l'organisation comptable de l'entreprise, ou lorsqu'il estime que certaines recommandations ou remarques qu'il a émises n'ont pas été suivies par l'organe de gestion lors de la préparation du projet de bilan, ou lorsqu'il estime que le rapport de gestion comporte des inexactitude ou lacunes. En ce cas, les réserves figurent dans le rapport.

o Soit une attestation négative. Dans les cas les plus graves, le commissaire refusera de certifier les comptes annuels. Le commissaire expliquera dans son rapport les motifs de son refus.

Annexes : lors du cinquième cours "regards critiques sur les comptes annuels de certaines sociétés" nous examinerons des exemples de rapports de réviseurs.

- Une deuxième et tout aussi importante mission du commissaire réviseur consiste à veiller à ce que la société respecte les dispositions du Code et ses statuts.

Le commissaire a en effet l'obligation, sous peine d'engager sa propre responsabilité, d'attirer l'attention des gérants ou administrateurs des infractions qu'il aurait constatées et s'il n'a pas été remédié aux infractions ainsi relevées, le commissaire réviseur doit dénoncer les faits à la plus prochaine assemblée générale de la société (art. 140, al. 2, C. Soc).

- Enfin, le commissaire réviseur a l'obligation d'être attentif à la situation économique de la société. S'il constate au cours de ses contrôles que la continuité de la société est menacée, il doit en informer l'organe de gestion. Concrètement, cela signifie que si le commissaire réviseur estime qu'il y a un risque de faillite, il doit interpeller les gérants ou administrateurs.

Le commissaire réviseur doit s'assurer que l'organe de gestion prend des mesures pour assurer la continuité des activités et si ce dernier reste inactif ou si le commissaire estime que les mesures de redressement décidées par l'organe de gestion sont insuffisantes, le commissaire en informera le président du Tribunal de commerce (art. 138 C. Soc.).

3.4.3. Missions du réviseur ou de l'expert-comptable externe

Lorsqu'ils accomplissent des missions prescrites par le Code des sociétés, les réviseurs ou experts-comptables externes, même s'ils sont chargés de cette mission par l'organe de gestion, accomplissent un mandat. Leur rapport n'est en effet pas rédigé dans l'intérêt de la société, mais :

- Dans l'intérêt des actionnaires, - Dans l'intérêt des tiers,- Dans l'intérêt des créanciers47.

47 Sur ces questions, voy. P.-A. Foriers et M. von Kuegelgen, "La responsabilité civile des réviseurs et experts comptables", Rev. Dr. ULB, 1992, n° 6, p. 18

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3.4.4. Responsabilités

- Le commissaire réviseur est responsable envers la société des fautes commises par lui dans l'accomplissement de ses fonctions (art. 140, al. 1er, C. Soc.).

- Le réviseur et l'expert-comptable externe sont responsables de l'accomplissement de leur mission professionnelle conformément au droit commun. Il leur est interdit de se soustraire à cette responsabilité, même partiellement, par contrat particulier (art. 9bis de la loi du 22 juillet 1953 créant un Institut des réviseurs d'entreprises et art. 33 de la loi du 22 avril 1999 relative aux professions comptables et fiscales). Ils peuvent cependant conventionnellement plafonner leur responsabilité. La loi fixe les plafonds en dessous desquels les réviseurs ne peuvent descendre. Les plafonds sont différents selon qu'il s'agit d'une société cotée ou non cotée.

3.4.5. Critères d'appréciation de la faute

- La plupart des obligations des professionnels du chiffre qui dérivent du Code des sociétés sont des obligations de moyen.

- Ce qui précède est cependant tempéré par le fait que l'Institut des réviseurs d'entreprises (IRE) a édicté des normes de révision qui prescrivent avec précision les devoirs que le commissaire doit accomplir lorsqu'il est chargé d'exercer le contrôle en vue de certifier les comptes annuels. La preuve de la faute du commissaire réviseur résultera de ce que les normes de révision n'ont pas été respectées48.

- En marge de leurs missions légales dérivant des dispositions du Code des sociétés, les réviseurs ou experts-comptables sont parfois consultés par exemple pour assister à la constitution d'une société. Ils engagent leur responsabilité si le plan financier est manifestement insuffisant49.

3.4.6. Extinction de la responsabilité du professionnel du chiffre

- Le commissaire réviseur est déchargé de la responsabilité par la décharge qui lui est accordée par l'assemblée générale (art. 284, al. 2 ; 411 al. 2 et 554 al. 2, C. Soc.). Il est renvoyé à ce qui a été écrit au sujet des gérants et administrateurs pour ce qui concerne les conditions de validité et des effets de la décharges (cfr ci-dessus, §§ 3.3.10 et 3.317).

- Lorsqu'ils ne sont pas couverts par la décharge, les faits reprochables au commissaire réviseur sont prescrits cinq ans après ces faits (art. 198, C. Soc.).

- Lorsqu'ils interviennent dans le cadre d'une mission prévue par le Code des sociétés, la prescription de l'action contre le réviseur ou l'expert-comptable

48 Pour un cas l'application de la responsabilité du commissaire réviseur : Comm. Charleroi, 12 octobre 1976, R.P.S. 1977, p. 143 et s.49 Pour un cas où le reproche de ne pas avoir attiré l'attention des fondateurs sur les lacunes du plan financier s'adressait au notaire qui avait dressé l'acte authentique de constitution : Mons, 23 octobre 2001, J.T. 2002, p. 344. Le raisonnement s'applique à fortiori au professionnel du chiffre qui aurait été consulté pour assister les fondateurs dans l'élaboration de ce document.

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externe est de cinq ans à compter de la date du dépôt de leur rapport (art. 2276ter C. civ.).

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Quatrième cours : les comptes annuels de la société

Nous examinerons successivement :

4.1 L'importance de la matière4.2 Les sources de la matière4.3 Le champ d'application du droit comptable4.4 Les deux concepts de base de la comptabilité : les journaux et les comptes4.5 Les comptes annuels : les fonctions différentes des deux parties4.6 La comptabilité en partie double – les interactions entre les deux parties des comptes

annuels4.7 Les situations de discontinuité4.8 Examen des schémas complet et abrégé des comptes annuels et examen de quelques

notions de gestion des entreprises dégagées à partir des comptes annuels.

4.1. Importance de la matière

4.1.1. La comptabilité est :

- Un outil informatif pour les dirigeants de la société et pour les tiers. Elle permet de déterminer l'inventaire des avoirs de l'entreprise et ses engagements vis-à-vis des tiers. Elle permet également de dire si la société est rentable ou non et de mesurer cette rentabilité ou le niveau de ses pertes.

- Un outil de gestion. La comptabilité n'est pas une contrainte administrative, mais au contraire un outil d'une très grande souplesse. Lorsqu'elle est intelligemment organisée, la comptabilité doit fournir aux responsables de l'entreprise toutes informations qui lui permettront de déterminer le prix de revient des biens produits et services prestés par l'entreprise. Elles leur donneront les informations permettant de déterminer le seuil de rentabilité d'une activité. Le cas échéant, elle conduira les responsables à abandonner une activité non rentable. Une comptabilité bien analysée permet d'anticiper des crises ou des difficultés et le cas échéant de prendre à temps les mesures de redressement nécessaires.

- La comptabilité est également l'information qui déterminera le montant de l'impôt dû. Sous réserve des règles propres aux sociétés, les revenus soumis à l'impôt des sociétés sont, quant à leur nature, les mêmes que ceux qui sont envisagés en matière d'impôt des personnes physiques ; leur montant est déterminé d'après les règles applicables en bénéfices (art. 183 C.I.R. 92). Le résultat comptable sera donc l'un des éléments déterminants du montant de la dette d'impôt éventuelle. Une comptabilité irrégulière pourra être rejetée par l'administration. La taxation prend en effet pour base des bénéfices déclarés, "sauf si l'administration les reconnaît inexacts" (art. 339 C.I.R. 92).

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4.1.2. La tenue d'une comptabilité régulière est une obligation légale dont le non-respect peut conduire à des sanctions civiles et pénales aux conséquences extrêmement lourdes.

Il est renvoyé à cet égard au § 3.3.11 ci-avant.

La comptabilité est en effet une source d'informations destinées aux tiers. Ceux-ci peuvent être amenés à déterminer leur comportement sur la foi accordée aux comptes annuels et leurs annexes publiés. Des inexactitudes importantes dans la tenue des comptes peuvent donc induire les tiers en erreur. Les administrateurs peuvent être tenus pour responsables si un dommage en est résulté pour les tiers.

4.2. Sources de la matière

4.2.1. Les articles III.82 à III.94 du Code de droit économique (CDE) établissent les principes fondamentaux de la comptabilité des entreprises. Voici quelques-uns de ces principes de base :

- Toute entreprise doit tenir une comptabilité appropriée à la nature et à l'étendue de ses activités (art. III.82 CDE).

- La comptabilité doit couvrir l'intégralité des opérations de l'entreprise, en ce compris les "engagements de toute nature" (art. III.83 CDE).

- La comptabilité s'articule sur un système de livres (ou de journaux) et de comptes tenus en partie double (art. III.84 CDE).

- Toute écriture s'appuie sur une pièce justificative et porte un indice de référence par rapport à celle-ci (art. III.86 CDE).

- L'enregistrement des opérations doit se faire de manière continue et de manière à garantir l'irréversibilité des écritures 50(art. III.87 CDE).

- L'entreprise établit une fois l'an un inventaire et met sa comptabilité en concordance avec les données de celui-ci (art. III.89 CDE).

4.2.2. L'arrêté royal du 30 janvier 2001 portant exécution du Code des sociétés

- Le livre Ier de l'arrêté royal détermine les formalités qui sont applicables pour l'exécution des dispositions du Code des sociétés prescrivant le dépôt de documents au greffe du Tribunal de Commerce en vue, le cas échéant, de leur publication aux annexes du Moniteur belge.

- Le Livre II de l'AR du 30 janvier 2001 se divise en trois titres : 50 Lorsque la comptabilité est tenue sur un support informatique (cas le plus fréquent), l'irréversibilité implique que dès qu'une opération comptable a été enregistrée ("sauvée"), elle ne peut plus être effacée. Si l'écriture est erronée, elle devra être corrigée par une écriture subséquente. L'écriture de correction s'inscrit d'ordinaire dans un "journal" (sur le sens de ce mot voy. ci-après § 4.4.1) "d'opérations diverses" (sur le sens de cette expression, voy. ci-après) qui regroupe notamment, ces écritures correctrices. Le fisc a donc accès à ces écritures correctrices et peut exercer son contrôle sur la légitimité de ces "repentirs". Lorsque la comptabilité est tenue manuellement, en cas de correction, l'écriture primitive doit rester visible (art. III.88 CDE).

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o Les comptes annuels (art. 22 à 105 AR/C. Soc) ;o Les comptes consolidés (art. 106 à 169 AR/C. Soc) ; o Les règles de publicité des comptes annuels et des comptes consolidés

(art. 170 à 183 AR/C. Soc).

- L'arrêté royal du 30 janvier 2001 définit les règles d'évaluation :o L'annexe du bilan doit indiquer les règles d'évaluation fixées par

l'organe de gestion et ces règles ne peuvent être modifiées d'un exercice à l'autre sauf modification importantes des activités (art. 30 AR/C. Soc). Les règles d'évaluation doivent être appliquées de la même manière à tous les biens de même nature, sauf cas exceptionnel où l'application de la règle ne donnerait pas une image fidèle de la réalité, ce dont l'organe de gestion justifiera dans l'annexe (art. 29 AR/C. Soc).

o Le principe d'évaluation est celui de la valeur d'acquisition. L'AR définit ce que comprend la valeur d'acquisition (art. 35 à 44 AR/C. Soc).

o Certains avoirs doivent faire l'objet d'amortissements ou de réductions de valeur (art. 45 à 49 AR/C. Soc). Dans certaines situations, il y a lieu d'acter au passif des provisions pour risques et charges (art. 50 à 55 AR/C. Soc). La loi n'autorise d'acter au bilan des plus-values de réévaluation que dans des circonstances strictes, à justifier dans l'annexe des comptes annuels dans lesquels la réévaluation est actée pour la première fois (art. 56 et 57 AR/C. Soc).

o La manière de comptabiliser les immobilisations incorporelles, corporelles, financières, les créances à plus d'un an et à un an au plus, les stocks, les commandes en cours d'exécution, les placements de trésorerie, les impôts différés, etc. fait l'objet de règles particulières fixées aux articles 58 à 81 de l'AR/C. Soc.

- Toutes les données comptables doivent être présentées selon une structure déterminée par l'arrêté royal du 30 janvier 2001 : o Soit selon le "schéma complet" pour les grandes sociétéso Soit selon le "schéma abrégé" pour les petites sociétés" (l'article 15 C.

Soc. définit ce qu'il faut entendre par petite société).Schéma complet : art. 88 à 91 AR/C. Soc.Schéma abrégé : art. 92 à 94 AR/C. Soc.Le contenu des rubriques du bilan est défini aux articles 95 à 105 AR/C. Soc.

Annexes : 4.1 (Schéma complet) et 4.2. (Schéma abrégé)

Les principes sommairement résumés ci-avant seront développés lors du cours oral.

- Des règles spécifiques sont applicables aux sociétés tenues de consolider dans leurs comptes les résultats de leurs filiales. La société consolidante (société mère) est tenue de consolider dans ses comptes les filiales qu'elle contrôle en droit ou en fait, c'est-à-dire les sociétés dans lesquelles elle

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dispose d'un contrôle de droit ou de fait (notion de contrôle d'une société : art. 5 C. Soc.).

Les règles spécifiques aux comptes consolidés ne sont pas enseignées dans le cadre de ce cours (art. 106 à 169 AR/C. Soc.).

4.2.3. L'arrêté royal du 12 septembre 1983 déterminant la teneur et la présentation d'un plan comptable minimum normalisé (P.C.M.N.).

Voir l'annexe 4.3.

4.2.4. L'arrêté royal du 18 décembre 2015 (Moniteur belge du 30 décembre 2015) définit les règles comptables applicables aux microsociétés.

4.2.5. Règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l'application des normes comptables internationales, complété par le Règlement (CE) n° 1126/2008 de la Commission du 3 novembre 2008 portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil 51.

Les dispositions comptables belges sont donc actuellement en grande partie déterminées par des directives européennes52. En 2014, une importante évolution a été opérée par les sociétés dont les comptes annuels sont soumis au contrôle d'un commissaire réviseur en vertu de l'article 14 C. Soc. Ces sociétés sont tenues d'appliquer les normes comptables internationales (IAS, International Accounting Standards) et les normes internationales d'informations financières (IFRS, International Financial Reporting Standards)53.

Ces normes comptables ont été élaborées par une institution internationale issue d'organismes professionnels (IASB, International Accounting standards Board). Elles doivent être soumises à une procédure d'approbation avant d'être mise en vigueur dans l'Union européenne.

Les normes comptables IAS s'appliquent aux "grandes sociétés" à partir des comptes annuels clôturés au 31 décembre 2014. Les normes de révision des comptes annuels par les commissaires réviseurs seront profondément modifiées.

4.2.6. Les avis de la Commission des Normes Comptables (C.N.C.).51 A compléter par la Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil 52 Avec comme conséquence que c'est la C.J.U.E. qui détermine l'interprétation uniforme de ces règles, le cas échéant sur question préjudicielle posée par une juridiction nationale. Pour un cas d'application de cette interprétation uniforme : C.J.U.E. 3 octobre 2013, GIMLE, C-322/12, qui portait sur une question d'interprétation de la quatrième directive comptes annuels 78/660/CEE du 25 juillet 1978. L'arrêt précité de la C.J.U.E. contredisait l'avis 126/17 de la C.N.C. de novembre 2001 ("détermination de la valeur d'acquisition d'actifs obtenus à titre gratuit ou quasi-gratuit"), avis retiré par la C.N.C. depuis lors. La C.J.U.E. a confirmé sa jurisprudence de l'arrêt GIMLE du 3 octobre 2013 dans une ordonnance du 6 mars 2014 (Bloomsbury, C-510/12).53 Pour un exemple d'introduction des normes IFRS dans notre droit comptable : article 114 AR/C. Soc.

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La C.N.C. est compétente pour donner des avis sur l'interprétation du droit comptable. Ses avis n'ont pas force de loi, mais leur autorité est incontestable, ce qui ne prive pas la doctrine de la possibilité de les critiquer54.

4.2.7. Influence du droit fiscal sur l'application du droit comptable.

La loi fiscale comporte des règles qui interfèrent parfois avec le droit comptable.

Citons deux exemples :

- Les amortissements sont fiscalement déductibles au titre de charges "dans la mesure où ils correspondent à une dépréciation réellement survenue pendant la période imposable" (art. 61, al. 1er CIR/92). Sur la base de cette disposition légale, l'administration s'autorise à contester des plans d'amortissement (sur cette notion, voy. infra) fixés par l'organe de gestion, lorsqu'elle estime que le rythme d'amortissement excède la dépréciation économique réelle.

- La loi comptable impose d'acter dans les comptes une réduction de valeur sur les créances (sur la notion de réduction de valeur, voy. infra) si leur remboursement est en tout ou partie compromis (art. 66 § 2, al. 2 et 68 AR/C. Soc.). La loi fiscale n'admet les réductions de valeur au titre de frais professionnel au même titre que les amortissements que si la perte est définitive. En cas de faillite du débiteur, la perte ne sera admise au titre de réduction de valeur qu'à la clôture de la faillite, ou au mieux à l'époque où le curateur pourra délivrer une attestation d'irrécouvrabilité. La société confrontée à la faillite d'un client pourra tenter de faire admettre une provision exonérée sur la base de l'article 48 C.I.R./92. L'administration n'acceptera l'exonération de la réserve que si la réduction de valeur est justifiée par "des circonstances particulières survenues au cours de la période imposable et subsistant à l'expiration de celle-ci (art. 22, § 1er, 2° de l'AR/CIR).

54 Pour un exemple de critique : Ch. Cheruy et M. Dhaene, "Fiscale implicaties van de adviezen 126/17 en 126/18 van de Commissie voor Boekhoudkundige Normen", T.F.R. 2002, p. 169 et s.. Notons qu'il existe un comité d'interprétation des normes internationales d'information financière (IFRIC, International Financing Reporting Interpretation Committee).

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4.3. Champ d'application du droit comptable

4.3.1. Les personnes physiques, les SNC et SCS dont le chiffre d'affaire annuel hors TVA n'excède pas 500.000 € ne doivent pas tenir de comptabilité conforme aux dispositions de l'AR/C. Soc. (très petites entreprises, art. 1 de l'AR du 12 septembre 1983 déterminant la teneur et la présentation d'un plan comptable minimum normalisé).

4.3.2. Des règles comptables particulières existant pour (art. 93 § 3 C. Soc.) :- Les compagnies d'assurance et de réassurance ;- Les établissements de crédit visés par la loi du 25 avril 2014 (citée

comme : loi bancaire) ;- Les sociétés à portefeuille; - Les entreprises d'investissement (visées dans la loi du 6 avril 1995 relative

au statut et au contrôle des entreprises d'investissement).

4.4. Les deux concepts de base de la comptabilité (article III.84, al 1er du Code de Droit Economique)

4.4.1. Les journaux

- Historiquement la comptabilité était tenue manuellement dans les "livres" préalablement cotés et visés par l'administration fiscale. Dans chaque "livre" étaient consignées dans une succession chronologique toutes les opérations de même nature : o Les achats ; o Les ventes ; o Les opérations de banque et de caisse ; o Les opérations diverses.

- A l'heure actuelle, quasi toutes les comptabilités des sociétés sont tenues sur un support informatique. Un logiciel comptable est donc conçu pour enregistrer les opérations réparties dans différents "journaux" selon une succession chronologique de toutes les opérations de même nature.

- Toute comptabilité informatique comporte au minimum les journaux suivants : o Journal des achats ; o Journal des notes de crédits sur achats ; o Journal des ventes ; o Journal des notes de crédit sur vente ; o Journal des opérations financières ;

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o Journal des opérations diverses ; o Journal de centralisation.

- Une société peut ouvrir autant de journaux qu'elle l'estime utile pour les besoins de ses affaires.Ainsi elle pourra (ou devra) : o Créer plusieurs journaux des ventes et plusieurs journaux d'achats, ce

qui permettra le cas échéant de créer une comptabilité analytique par unité d'exploitation ou par département de l'entreprise.

o Créer plusieurs journaux financiers, si la société est titulaire de plusieurs comptes en banque.

o Créer plusieurs journaux d'opérations diverses selon la nature des opérations qui y sont enregistrées ("journal des OD pour l'enregistrement des charges salariales", "journal des OD pour les amortissements", "journal des OD pour les corrections d'erreurs ou reclassements", etc.).

o L'essentiel est qu'il y ait un journal centralisateur qui assure le caractère complet de la comptabilité conformément à l'article III.84, al. 4 CDE).

4.4.2. Les comptes

- Les opérations consignées chronologiquement dans les journaux renvoient à des comptes qui permettent un classement logique de ces opérations selon une structure nommée "schéma comptable".

- Le schéma comptable est fixé par la loi (AR/C. Soc : art. 88 et 89 pour les grandes sociétés et art. 92 et 93 pour les petites sociétés).

- Le schéma comptable (qui ne définit que les rubriques qui figureront au bilan) est mis en œuvre par l'AR du 12 septembre 1983, déterminant le plan comptable minimum normalisé (PCMN).

- Le PCMN suit la structure logique du schéma comptable de l'AR/C. Soc. en donnant un numéro aux différentes rubriques du schéma comptable.

- Le PCMN développe le schéma de l'AR/C. Soc en subdivisant les rubriques du schéma comptable par des sous-rubriques. Ces sous-rubriques se voient attribuer des numéros qui constitueront la matrice des comptes utilisés par chaque société.

Annexe 4.3. : Plan comptable minimum normalisé

- Il est impératif de mémoriser au minimum la signification du premier chiffre de chaque n° de compte, puisque ce chiffre indique à quoi se rapporte l'opération :

1 = Fonds propres, provisions pour risques et charges et dettes à plus d'un an

2 = Frais d'établissement, actifs immobilisés et créances à plus d'un an

3 = Stocks et commandes en cours d'exécution 4 = Créances et dettes à un an au plus5 = Placements de trésorerie et valeurs disponibles

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6 = Charges7 = Produits.

Les engagements hors bilan, qui figureront aux annexes du bilan sont regroupés sous des n° de comptes qui commencent par 0.

- Le PCMN détermine la matrice des n° des comptes comptables, c'est-à-dire 4 ou 5 chiffres. Au départ de cette matrice qui a valeur légale, les entreprises disposent d'une totale liberté pour adopter des numéros de comptes qui répondent à leurs besoins de gestion.

Ainsi par exemple, la matrice 7002 concerne l'enregistrement des "ventes à l'exportation" hors pays membres de la CEE.

Une entreprise créera par exemple les sous-comptes : o 700210 = Ventes Amérique du Nordo 700220 = Ventes Amérique centrale et du Sudo 700230 = Ventes Asieo 700240 = Vente Afriqueo Etc.Ce qui lui permettra très rapidement d'identifier les zones géographiques de son activité.

Une autre entreprise adoptera pour les mêmes exportations hors CEE une autre classification, par exemple : o 700210 = Ventes directes à l'exportationo 700220 = Ventes à l'exportation par agents locauxo 700230 = ventes à l'exportation en association avec entreprises tierces. Ici la subdivision comptable ne cherche pas à identifier les zones géographiques de commercialisation, mais le mode de commercialisation.

On voit ainsi comment la comptabilité peut être un outil de gestion.

- Il n'y a aucune limite quant au nombre de subdivision et donc le nombre de chiffres que peut comporter un compte. Il existe des comptabilités avec des comptes à douze chiffres. La limite est évidemment imposée par la capacité du service comptable de maîtriser un grand nombre de comptes. Une multiplication des comptes augmente les risques d'erreurs d'imputation comptables, qui peuvent conduire à des erreurs de gestion.

- Les comptes des classes 1 à 5 sont des comptes de bilan. Les soldes de ces comptes à la clôture de l'exercice comptable sont reportés à l'ouverture de la période comptable suivante. C'est ce qu'on appelle l'opération de "réouverture".

- Les comptes des classes 6 et 7 sont des comptes de résultat. Ils déterminent le résultat de l'activité : bénéfice ou perte. Les soldes de ces comptes ne sont pas reportés d'une année à l'autre. La loi impose en effet de présenter un bilan après affectation du résultat, c'est-à-dire le transfert

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au bilan du bénéfice (compte 140) ou de la perte (compte 141- (art. 26 AR/C. Soc.).

4.5. Les comptes annuels

Les comptes annuels se composent de trois éléments distincts : le bilan, le compte de résultat et l'annexe. Les trois parties forment un tout.

4.5.1. Le bilan

- Le bilan doit être compris comme une "photographie" de la situation de la société à une date déterminée. Il est établi un bilan à la date de clôture de l'exercice. Cependant, rien n'interdit d'établir des situations intermédiaires, qui se présentent exactement comme un bilan. Une société qui enregistre ses opérations correctement et au jour le jour pourrait donc être à même de tirer son bilan chaque jour.

- Le bilan comprend deux parties : l'actif et le passif.

- Le passif du bilan donne une image de l'origine des fonds dont dispose l'entreprise : o La mise des actionnaires (le capital) et les bénéfices laissés à la

disposition de la société, des réserves (légale, indisponibles et disponibles);

o Les crédits bancaires (à long terme ou à court terme) ;o Les crédits consentis à la société par les fournisseurs (les "comptes

fournisseurs") ; o Les dettes dues aux organismes publics que sont l'ONSS et les

receveurs des impôts et de la TVA ; o Les dettes dues au personnel ; o Les avances consenties à la société pour des motifs divers, comme les

avances consenties par les actionnaires.Il tombe sous le sens que certains tiers, créanciers de la société et qui participent à ce titre au financement de la société, sont parfois créanciers à leur corps défendant. C'est le cas lorsque la société paie ses fournisseurs en retard, lorsqu'elle ne paie pas dans les délais légaux les cotisations ONSS, la TVA due, le précompte professionnel retenu sur les rémunérations de son personnel, etc.

- L'actif du bilan indique à quoi la société a affecté les moyens financiers mis à sa disposition : o L'acquisition de brevets, de licences ; o Des immeubles, des machines, du matériel de bureau, des véhicules ; o Des participations dans des entreprises liées ; o Des stocks de marchandises ; o Des crédits consentis à ses clients ; o Des avoirs en banque ;

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o Des avances consenties à des tiers.

- Toutes les valeurs portée à l'actif et au passif sont additionnées et constituent le "total du bilan" (voir art. 15 C. Soc.).Le total de l'actif est toujours égal au total du passif.

4.5.2. Le compte de résultat

- Le compte de résultat doit être compris comme le "film" de ce que la société a réalisé pendant l'exercice écoulé.

- Le compte de résultat indique tout d'abord les produits comptabilisés par la société pendant l'année écoulée : o Les produits de son exploitation (vente de biens ou prestations de

services ; o Les autres produits d'exploitation ; o Les revenus financiers ; o Les produits exceptionnels.

- Le compte de résultat indique ensuite les charges qui ont grevé cette activité : o Les achats de marchandises ; o Les biens et services divers livrés à la société pour permettre son

activité ; o Les frais de personnel ; o Les amortissements et réductions de valeur ; o Les autres charges d'exploitation ; o Les charges financières ; o Les charges exceptionnelles ; o Les impôts sur le résultat.

- La somme des produits diminuée de la somme des charges déterminera le résultat : bénéfice ou perte.

- Quel que soit le résultat, le transfert au bilan s'inscrit toujours au passif du bilan : o Un bénéfice vient augmenter le montant des fonds propres (c'est-à-dire

les moyens mis à la disposition de la société par les actionnaires) ; o Une perte viendra diminuer le montant des fonds propres.

- Toutes les marchandises achetées en cours d'année ne sont pas nécessairement vendues à la fin de l'exercice. Or d'une part, tous les achats de l'exercice sont considérés comme une charge de cet exercice et d'autre part, les marchandises achetées et non revendues figurent à la fin de l'exercice à l'actif du bilan sous la rubrique des stocks ou des encours de fabrication.

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Pour corriger la charge de l'exercice et la mettre en relation exacte avec les ventes du même exercice, l'inventaire du stock en fin d'exercice donnera lieu à une écriture de correction du compte de résultat par la prise en compte de la variation des stocks (compte 609 du PCMN).

o Si la société a acheté plus qu'elle n'a vendu, son stock a augmenté, l'augmentation des stocks (variation positive des stocks) se traduit par une diminution des charges de l'exercice ;

o Si la société a acheté moins de marchandises qu'elle n'en a vendues, elle a puisé dans ses stocks des exercices précédents, il y a donc diminution des stocks. Cette variation des stocks (variation négative des stocks) se traduit par une augmentation des charges imputables à l'exercice.

- Si le compte de résultat devait prendre en charge immédiate, l'année de l'acquisition, le coût intégral de biens durables destinés à servir à l'exploitation de l'entreprise pendant plusieurs exercices, le résultat d'exploitation de l'année de l'acquisition serait injustement pénalisé, tandis que le résultat d'exploitation des années subséquentes serait indument amélioré.

L'acquisition d'un bien d'investissement n'est donc pas enregistrée dans un compte de charges (classe 6) mais bien dans un compte d'actifs immobilisés (classe 2).

La loi comptable impose dès lors de répartir la charge de cet investissement sur un nombre d'années qui correspond à la durée présumée d'utilisation économique de cet investissement.

L'ensemble des biens d'investissement amortissables sont ainsi repris année d'acquisition par année d'acquisition et selon les rubriques du bilan dans un "tableau d'amortissement" qui permet de suivre le coût de l'investissement, les amortissements actés au cours de l'exercice, les amortissements cumulés des exercices antérieurs, le montant total des amortissements et enfin, la valeur résiduelle. Seule la valeur résiduelle, rubrique par rubrique, apparaît au bilan (comptes 22 à 27).

Les données sont reprises sous une forme synthétique aux annexes du bilan (annexes C.5.1., C.5.2.1., C.5.2.2., C. 5.2.3., C. 5.2.4., C. 5.3.1., C. 5.3.2., C. 5.3.3., C.5.3.4., C.5.3.5., C. 5.3.6., pour le schéma complet). L'information est encore plus limitée pour les petites sociétés qui peuvent tenir une comptabilité selon le schéma abrégé.

4.5.3. L'annexe

L'annexe est un ensemble de feuillets numérotés qui reprennent diverses rubriques du bilan et du compte de résultats, afin de les ventiler en détail et d'en expliciter le contenu.

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En outre, la loi impose une annexe complémentaire pour toutes les sociétés qui emploient du personnel : le bilan social.

Toutes les rubriques du bilan et des comptes annuels ne sont pas commentées dans l'annexe. L'organe de gestion de la société apprécie, sous sa responsabilité, la nécessité de compléter les informations financières minimales que constituent le bilan et le compte de résultats par des explications plus détaillées dans l'annexe. On observe ainsi une disparité parfois singulière dans la qualité de l'information fournie par les sociétés : certaines se bornent à une information minimale, d'autres entreprises s'efforcent à plus de transparence.

Voici un bref commentaire des pages de l'annexe les plus usuelles (l'exemple analysé est celui de la société Houyoux, annexe 5.1.2. des notes de cours) :

- En première page des comptes annuels, l'entreprise mentionne les pages de l'annexe qu'elle ne dépose pas parce que "sans objet" ;

- Les pages de l'annexe numérotées 5.1 à 5.3 renseignent les actifs immobilisés en donnant les valeurs d'acquisition des biens immobilisés, les amortissements actés, les acquisitions et cessions et en fin de feuillet, la valeur comptable nette au terme de l'exercice ;

- Les pages de l'annexe numérotées 5.4 à 5.6 donnent des informations sur les participations détenues dans des entreprises liées, entreprises avec lesquelles il existe un lien de participations ainsi que les placements de trésorerie de l'entreprise ;

- La page 5.7 donne des informations sur la structure du capital. Au bas de la page une société anonyme est censée informer les tiers sur la composition de son actionnariat, lorsqu'un actionnaire détient au moins 25 % du capital (art. 515bis C. Soc) ;

- Les pages 5.8 et 5.9 donnent les indications qui peuvent être précieuses sur le passif, notamment la nature des provisions pour risques et charges, une ventilation des dettes échéant à plus d'un an ;

- Les pages 5.10 donnent des indications sur les comptes de résultats : produits et charges ;

- Les pages 5.11 à 5.17 donnent des renseignements sur les sûretés constituées au profit de tiers sur des actifs de la société, des engagements hors bilan, des engagements en faveur de sociétés liées ;

- L'annexe 6 est le bilan social qui permet notamment de mesurer si la société a ou non franchi le seuil de l'article 15 C. Soc qui détermine les petites sociétés.

Lorsque l'entreprise remplit loyalement son obligation d'information en complétant toutes les annexes pertinentes, les tiers peuvent y trouver une foule d'informations utiles.

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4.6. La comptabilité en partie double

4.6.1. Notion

- La loi impose de tenir la comptabilité "en partie double" (art. III.84, al. 1er

CDE).

- Pour présenter les choses simplement, commençons par exposer que l'enregistrement de toute opération comptable implique que deux comptes soient mouvementés simultanément du même montant : un compte sera débité, un autre compte sera crédité55.

- Pourquoi toute opération comptable implique-t-elle nécessairement deux mouvements ? Parce que : o Lorsqu'une entreprise émet une facture client, elle crée un produit dans

son compte de résultat (crédit) et elle enregistre dans son bilan une créance à charge d'un client (débit) ;

o Inversement, lorsqu'elle enregistre la facture d'un fournisseur, elle enregistre une charge dans son compte de résultat (débit) et elle enregistre dans son bilan une dette au profit d'un fournisseur (crédit).

- On voit ainsi la corrélation qui s'établit entre les comptes du compte de résultat d'une part et les comptes de bilan d'autre part. Mais toute opération comptable n'implique pas nécessairement un compte de bilan et un compte du compte de pertes et profit.

Ainsi l'enregistrement d'un paiement ne concernera que deux comptes de bilan. Pour ce qui concerne un paiement reçu d'un client : compte classe 5 (débit) et compte clients 400 (crédit). Pour ce qui concerne un paiement effectué au profit d'un fournisseur : compte classe 5 (crédit) et compte fournisseurs 440 (débit)56.

- On déduit de ce qui précède que lorsque l'enregistrement d'une opération comptable implique un compte du compte de résultat, cela a une influence sur le bénéfice ou la perte de l'entreprise.

En revanche, une opération comptable qui n'implique que deux comptes de bilan est neutre du point de vue du résultat.

55 En réalité, l'enregistrement d'une opération comptable peut impliquer plusieurs comptes. Ainsi, par exemple, l'enregistrement d'une facture client implique au minimum un compte de produits (crédit du compte 700), un compte clients (débit du compte 400) et un compte de TVA à payer (débit du compte 451).56 Exemple volontairement simplifié, notamment parce qu'on ne tient pas compte de l'enregistrement de la TVA.

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4.6.2. Débit ou crédit ?

Pont-aux-ânes des non-praticiens de la comptabilité, cette question n'est pas aussi compliquée qu'il y paraît.

- Commençons par une notion simple et facile à retenir : o L'enregistrement d'une charge (compte de la classe 6) est toujours un

débit (charge = classe 6 = débit)o L'enregistrement d'un produit (compte de la classe 7) est toujours un

crédit. (produit = classe 7 = crédit).

- Sachant que toute opération comptable implique un mouvement symétrique d'un autre compte, il convient d'identifier cet autre compte lorsqu'on enregistre une charge ou un produit57.

Sans entrer dans les détails, il suffit à ce stade de retenir les deux principes suivants : o L'enregistrement d'une charge (classe 6) a en principe58 comme

contrepartie une dette à l'égard d'un fournisseur. Si l'enregistrement de la charge est un débit, logiquement l'enregistrement de la dette à l'égard du fournisseur sera un crédit. Comme une société peut avoir des milliers de fournisseurs différents, pour ne pas alourdir la gestion comptable de ces comptes, tous les comptes des fournisseurs sont centralisés dans un compte qui apparaît au bilan sous le compte de centralisation "fournisseurs" 59 . A titre d'exemple, l'enregistrement d'une facture du fournisseur Electrabel se traduira par l'écriture suivante:

Débit : compte 61202"Electricité"60

Crédit : Fournisseur Electrabel (que le logiciel centralisera avec le crédit du compte 440 "Fournisseurs")

- L'enregistrement d'un produit (classe 7) a en principe61 comme contrepartie

une créance à l'égard d'un client. Si l'enregistrement du produit est un crédit, logiquement l'enregistrement de la créance vis-à-vis du client sera un débit.

57 Par hypothèse – pour simplifier l'exposé – nous supposons que l'entreprise est un assujetti TVA avec droit à la déduction intégrale de la TVA. La TVA à recevoir des clients n'est pas un produit puisqu'elle est à reverser au Trésor. La TVA à payer aux fournisseurs n'est pas une charge puisqu'elle est déductible de ce qui est à payer.58 En principe seulement. Nous verrons plus loin quelques exemples, parmi les multiples cas, où une charge n'a pas comme contrepartie une facture reçue d'un fournisseur.59 En réalité, des subdivisions du compte fournisseurs sont possibles. Voyez à l'annexe 4.3. les sous-rubriques du compte 44 "dettes commerciales".60 Pour rappel, nous laissons dans le cadre de cet exposé l'aspect TVA en dehors de l'exposé.61 En principe seulement. Nous verrons plus loin quelques exemples, parmi les multiples cas, où un produit n'a pas comme contrepartie une facture adressée à un client.

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Comme une société peut avoir des milliers de clients, pour le même motif exposé ci-dessus en ce qui concerne les fournisseurs, tous les comptes des clients sont centralisés dans un compte qui apparaîtra au bilan sous le compte de centralisation "clients" 62 .

- Si l'on a assimilé que :o La contrepartie d'une charge qui résulte de la facture d'un fournisseur =

crédit d'un compte fournisseur ; o La contrepartie d'un produit qui résulte de la facture adressée à un

client = débit d'un compte client,

on pourra assez logiquement retrouver les écritures comptables liées au paiement d'une facture fournisseur ou l'encaissement d'une facture client:o Lorsqu'on a enregistré la facture du fournisseur Electrabel on a crédité

le compte de ce fournisseur. Lorsqu'on paie Electrabel on débite son compte. La contrepartie est un crédit du compte bancaire, soit l'écriture

Débit : fournisseurs Electrabel (que le logiciel centralisera

avec un débit du compte 440 "Fournisseurs")

Crédit : compte 550 100 Banque ING

o Lorsqu'on a enregistré la facture envoyée au client Tartempion, on a débité le compte de ce client. Lorsqu'on encaisse le paiement de Tartempion, on crédite son compte. La contrepartie est un débit du compte bancaire, soit l'écriture

Débit : compte 550100Banque ING

Crédit : client Tartempion(que le logiciel centralisera avec un

débit du compte 400 "Clients")

- Règle simple à mémoriser (même si elle paraît moins évidente à première vue que celle exposée au début de ce paragraphe) : un débit d'un compte bancaire représente un encaissement (le solde du compte augmente). Inversement, un crédit d'un compte bancaire représente un décaissement (le solde du compte diminue).

- Toute charge ne résulte pas nécessairement de l'enregistrement d'une facture d'un fournisseur. Parmi les très nombreux cas, citons trois exemples :

o L'écriture d'enregistrement des salaires du personnel sera: 62 Comme pour les fournisseurs, le PCMN indique que des subdivisions sont possibles. Voyez à l'annexe 4.3. les sous-rubriques du compte 40 "créances commerciales".

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Débit :- compte 6202

Employés- compte 6211

cotisations patronales ONSS

Crédit :- compte 4552 appointements

nets à payer- compte 4530 précompte

professionnel retenu sur rémunérations

- compte 454 ONSS à payer63

o L'écriture d'amortissement d'une machine sera:

Débit :- compte 6302 dotation

aux amortissements sur immobilisations corporelles

Crédit :- compte 2391 Amortissements

actés sur machines

o L'écriture d'une réduction de valeur sur une créance commerciale suite à une contestation du client sera:

Débit :- compte 6340 dotation

aux réductions de valeur sur créances commerciales à un an au plus

Crédit :- compte 409 réductions de

valeur actées sur créances commerciales

- Tout produit ne résulte pas nécessairement de l'enregistrement d'une facture adressée à un client. Parmi les très nombreux cas, citons trois exemples :

o L'encaissement d'intérêts bancaires suite à un placement de trésorerie donnera lieu à l'écriture suivante :

Débit :- compte 550100

Banque ING

Crédit :- compte 751: Produits des

actifs circulants

63 On présente une écriture volontairement simplifiée.

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o l'encaissement d'un loyer s'écrira comme suit :

Débit :- compte 550100

Banque ING

Crédit :- compte 748

locations diverses à caractère professionnel

o La société a été assignée en responsabilité et a provisionné au cours d'un exercice comptable précédent le risque qu'elle estimait encourir. Le procès est terminé et gagné par la société. La provision constituée antérieurement ne peut être maintenue et doit être annulée. L'écriture sera:

Débit :- compte 1690 :

provision pour litiges en cours

Crédit :- compte 762 :

reprises de provisions pour risques et charges exceptionnels

- Toute facture à un client n'implique pas nécessairement un produit. Ce sera le cas lorsque la société vend un actif immobilisé (une machine par exemple). Si la vente se réalise à la valeur d'inventaire de la machine (c'est-à-dire la valeur d'acquisition diminuée des amortissements actés), l'opération ne dégagera ni bénéfice ni perte64.

4.6.3. La balance des comptes généraux

Les comptes annuels (schéma complet ou schéma abrégé) ne fournissent qu'une synthèse très abrégée de ce que représentent les avoirs et les dettes de la société à la date de clôture et de ce que furent ses produits et charges pendant l'exercice écoulé.

L'information complète et beaucoup plus éclairante résultera de la balance des comptes généraux. Elle donne, pour chaque compte du plan comptable de l'entreprise (c'est-à-dire beaucoup plus de comptes que le schéma comptable des comptes publiés), le solde du compte à la date de clôture des comptes annuels.

La balance des comptes généraux peut donc, pour une entreprise qui a adopté un plan comptable avec un grand nombre de subdivisions comptables, comporter des

64 Sous réserve toutefois du risque de révision de la TVA, si l'actif immobilisé a été acquis sous le régime TVA et que la TVA a été déduite. La TVA déduite sur les biens d'investissement est sujette à révision pendant une durée de cinq ans. Ce délai est porté à quinze ans pour les immeubles (art. 48 § 2 C. TVA). La vente d'un bien d'investissement à valeur d'inventaire peut donc dégager une charge pour l'entreprise, si l'opération se réalise pendant le délai de révision.

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dizaines de pages (à comparer aux cinq pages du schéma des comptes annuels, sans les annexes).

Ce document n'est pas public. Il constitue en réalité une information confidentielle de chaque entreprise.

La balance des comptes généraux doit être communiquée au fisc lors du dépôt de la déclaration fiscale à l'impôt des sociétés, accompagnée de divers autres documents.

Nous verrons au cours du sixième cours que la balance des comptes généraux de la société-cible fait partie des renseignements demandés par le candidat acquéreur de la société. Nous verrons à quel stade des négociations ce document est communiqué au candidat acquéreur.

4.6.4 L'édition du grand livre et des journaux

A la clôture de son exercice, toute société est tenue d'éditer le "grand livre". Ce document contient, pour chaque compte, la succession chronologique de toutes les opérations enregistrées.

Il constitue la relation complète de toutes les écritures comptables de l'année écoulé, selon la succession de tous les comptes depuis la classe 1 jusqu'à la classe 7.

La société doit également éditer les journaux qui constituent la relation complète des écritures comptables, non plus selon une classification des comptes, mais par "journal".

L'édition du grand livre et des journaux peut donc représenter plusieurs milliers de pages.

Ces documents qui – comme tous les documents de la société – doivent être conservés par la société pendant un délai de dix ans, constituent, avec les facturiers d'entrées et de sorties et les justifications des OD, l'outil de base de tout contrôle fiscal de la société.

4.7 Discontinuité comptable

La loi comptable envisage les conséquences des situations de discontinuité.

Il y a une situation de discontinuité lorsque survient un changement dans le cours de l'exploitation de l'entreprise.

La liquidation de la société, la faillite sont (parmi d'autres) des situations de discontinuité qui auront d'importantes conséquences comptables.

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La liquidation ou la faillite impliquera l'arrêt des activités. Par conséquent, des indemnités seront dues aux co-contractants dont les contrats seront rompus. Ces indemnités devront être provisionnées au passif du bilan. Inversement des éléments d'actifs seront dévalorisés par l'arrêt des activités et leur mise en vente (machines et outillage, stocks, etc.). Ces moins-values d'actifs devront faire l'objet de réductions de valeur à l'actif du bilan.

Lorsque le bilan fait apparaître une perte reportée ou le compte de résultats fait apparaître pendant deux exercices successifs une perte de l'exercice, l'organe de gestion doit justifier dans un rapport (quand l'organe de gestion est tenu d'établir un rapport) ou dans l'annexe aux comptes annuels (pour les petites sociétés) de l'application des règles comptables de continuité (articles 94, al. 2 et 96, 6° C. Soc.)

4.8 Examen du schéma comptable complet et du schéma comptable abrégé

Nous développerons l'articulation des concepts qui précèdent en examinant les

Annexes 4.1. et 4.2.

Au cours de l'exposé oral nous montrerons ce que signifie les notions de :

- Fonds propres- Ratio de solvabilité - Ratio de liquidité - Marge brute/marge semi-brute- Cash flow.

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LISTE DES ANNEXES AU QUATRIEME COURS

4.1 Comptes annuels schéma complet

4.2 Comptes annuels schéma abrégé

4.3 Plan comptable minimum normalisé

4.4 Notes sur la microsociété (loi du 18 décembre 2015, Moniteur belge du 30 décembre 2015)

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LISTE DES ANNEXES AU QUATRIEME COURS (deuxième partie)

Il n'existe pas de notes pour cette partie cours : il s'agit de commentaires des comptes annuels qui seront analysés lors de l'exposé.

Voici les comptes annuels :5.1.1 Comptes annuels 2008 des Entreprises Danheux & Maroye

5.1.2. Comptes annuels 2008 des Entreprises Houyoux

5.1.3. Comptes annuels 2008 des Entreprises Raposo

5.2.1.A Comptes annuels 2008 de la FNAC Belgique

5.2.1.B Comptes annuels 2008 de la FNAC Belgique – dépôt rectificatif

5.2.2. Comptes annuels 2008 de la librairie Filigranes

5.2.3. Comptes annuels 2008 de la librairie Tropismes

5.3. Comptes annuels 2008 de la Sofina

5.4. Comptes annuels 2008 de la S.A. "Immo Progres"

Il est recommandé d'imprimer au moins les annexes 5.1.1. (Danheux & Maroye), 5.1.2. (Houyoux), 5.2.2. (Filigranes) et 5.2.3. (Tropismes). Vous pourrez transcrire sur les pages imprimées les commentaires donnés oralement.

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Cinquième cours : les conventions de cession de parts ou d'actions65

6.1. Introduction

6.1.1. Nous nous limiterons dans le cadre de ce cours à la situation où le vendeur et l'acquéreur potentiels sont en présence et souhaitent s'engager dans la voie d'une négociation de convention.

Cette procédure où le vendeur et l'acquéreur potentiels sont en présence s'oppose à la situation où le vendeur potentiel charge un tiers de rechercher et de sélectionner plusieurs acquéreurs potentiels. Il y a également la situation où l'acquéreur potentiel charge un intermédiaire de rechercher une ou plusieurs sociétés-cibles en vue de tenter d'en faire l'acquisition. Ces deux situations mettent en œuvre des procédés de négociation spécifiques qui ne seront pas exposés dans le cadre du cours capa.

6.1.2. Dans le schéma classique d'une cession d'actions ou de parts, les acteurs se connaissent, les premiers contacts se sont noués entre l'acquéreur potentiel et le vendeur. Dans notre hypothèse de travail, l'intervention de l'avocat est sollicitée au moment où le candidat acquéreur souhaite accéder à des informations confidentielles de la société-cible.

Les préoccupations des parties sont à ce stade de deux ordres :

- Le vendeur et l'acquéreur vont consacrer du temps – mettre parfois des moyens importants en œuvre – pour collecter les informations et les synthétiser dans des documents (tâche du vendeur) et pour les analyser (tâche de l'acheteur). Les parties veulent éviter de perdre du temps. Il arrive que l'une d'elles demande à l'autre de signer une "lettre d'intention" ou un "memorandum of understanding".

- Par ailleurs, le candidat acquéreur souhaitera avoir accès à des informations non publiques. Il faudra donc définir le processus d'accès à ces informations confidentielles et surtout ce qu'elles deviendront si, au terme de la procédure de négociation, les parties ne concluent pas de contrat de

65 Comme on le verra dans la suite du texte, les enseignements de ce sixième cours sont transposables mutatis mutandis aux situations dans lesquelles un candidat investisseur souhaite participer à une augmentation de capital d'une société-cible ou lorsque les actionnaires de deux sociétés existantes souhaitent engager des pourparlers de fusion, etc.et, dans l'ouvrage plus général de B. Dubuisson, V. Callewaert, B. De Coninck et G. Gathem, La responsabilité civile – chronique de jurisprudence 1996-2007, T. I. le fait générateur et le lien causal, Bruxelles, Larcier 2009, les pages 885 à 909, avec la bibliographie en pages 885 et 886.

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cession des actions ou parts. Ceci conduit à la rédaction d'un engagement de confidentialité (confidentiality agreement).

6.2. La lettre d'intention

- La lettre d'intention ne doit pas être perçue comme un préalable nécessaire à toute négociation de prise de contrôle d'une société.

- Il existe deux écoles en matière de lettre d'intention : celle qui préconise un engagement juridiquement contraignant et celle qui voit dans la lettre d'intention un simple engagement à négocier de bonne foi.

- Dans des négociations particulièrement complexes (l'analyse des risques latents d'une société peut requérir des investigations parfois coûteuses), on ne pourra éviter une lettre d'intention contenant des engagements contraignants, par exemple quant à la prise en charge des coûts exposés, en cas de rupture des négociations par l'une des parties (break-up fees).

- L'expérience enseigne que les lettres d'intention contenant des engagements contraignants donnent elles-mêmes lieu à des négociations qui peuvent être des sources de difficultés. Si la situation des parties et les enjeux le permettent, ces difficultés peuvent être évitées et une lettre d'intention non contraignante pourra se borner à contenir :

Un engagement d'exclusivité (on ne négocie pas avec un autre candidat acquéreur ou inversement un autre candidat vendeur) ;

Un engagement de bonne foi : les parties se déclarent animées d'une réelle volonté d'aboutir et ne se livrent pas à un jeu de recherche d'informations ;

Un engagement de non débauchage du personnel de la société-cible ; Un calendrier prévisionnel ; La déclaration que les négociations n'engagent pas à conclure un contrat ; Les clauses générales habituelles ("boiler plates") concernant les modes de

notifications entre parties, le droit applicable et la désignation de la juridiction ou de l'organisme d'arbitrage devant qui serait porté un éventuel litige.

6.3. L'engagement de confidentialité

6.3.1. Pour se forger une opinion au sujet de la valeur de la société-cible, le candidat acheteur devra peut-être entrer en possession d'informations non accessibles aux tiers. Il conviendra de déterminer comment ces informations seront

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communiquées: soit au candidat acquéreur lui-même, soit à des auditeurs tiers qui en feront l'analyse et ne communiqueront dans un premier temps au candidat acquéreur que la synthèse de leurs constatations et conclusions.

Toutes les informations confidentielles n'ont en effet pas le même degré de sensibilité.

6.3.2. Les informations les plus sensibles seront constituées par :

- Les listes de clients ; - Le prix de revient par produit, ou par service, ou par client;- Les conditions contractuelles consenties aux clients en matière de prix, de

garanties, etc. ; - Les conditions contractuelles en matière de durée, c'est-à-cire celles qui

fidélisent la clientèle (les contrats comportent-ils des clauses de durée ? S'agit-il de contrats à courte durée renouvelables tacitement ? Les clients sont-ils fidélisés par des clauses de longue durée ?);

- Mêmes questions concernant les fournisseurs : prix, durée des contrats d'approvisionnement.

- Les aspects techniques : brevets, savoir-faire

Ces informations soit ne sont pas données au stade de l'audit précontractuel (elles seront fournies au stade du "pre closing") soit elles sont données au stade de l'audit précontractuel, mais en ce cas le vendeur peut vouloir donner une forme anonyme à certaines communications, l'acquéreur n'ayant que des informations sous une forme virtuelle.

6.3.3. Des reprises de sociétés s'accompagnent parfois de mesures de rationalisation de l'activité de la société-cible. L'acquéreur envisage des économies d'échelle et prévoit peut-être de fermer un site d'exploitation ou de se séparer d'une partie du personnel.

Les informations confidentielles qui seront demandées dans ce contexte concerneront par exemple la situation immobilière : conditions du bail conclu (coût d'une résiliation anticipée éventuelle) ou les conditions salariales et d'ancienneté du personnel (coût d'une éventuelle restructuration du personnel).

Ici encore les renseignements seront donnés soit sous une forme directe (par exemple copie du bail), soit rendue anonyme (des grilles d'informations relatives au personnel : âge, ancienneté, rémunération, avantages extra-légaux, mais sans identification possible des personnes).

6.3.4. La convention de cession d'action sera donc parfois (pas toujours) précédée d'une convention relative aux modalités d'accès à l'information.

L'acheteur établira la liste des renseignements préalables dont il a besoin (data room) et le vendeur définira la forme dans laquelle il y sera répondu (production directe de pièces ou production de renseignements soit sous une forme anonyme soit sous une forme de synthèse de données rendues anonymes de manière à ne pas

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dévoiler certaines informations confidentielles jusqu'à la signature de la convention).

6.3.5. L'engagement de confidentialité définira les conditions dans lesquelles ces premiers renseignements seront livrés aux candidats acquéreurs.

L'engagement de confidentialité définit :

- Ce qui est confidentiel ; - Qui y a accès ; - Avec qui et à quelles conditions le candidat acquéreur peut partager ces

premiers informations confidentielles ; - Ce que deviennent les informations confidentielles en cas d'échec des

négociations (restitutions de dossiers) ; - Interdiction de conserver des copies des informations confidentielles ; - Destruction des copies électroniques ; - Sanctions en cas de non respect;- Les "boiler plates" habituelles.

On le voit, un engagement de confidentialité est déjà en soi une convention qui peut requérir un réel effort de créativité de la part des parties.

Il faut être conscient que l'efficacité de ces clauses de confidentialité est limitée: la preuve de la transgression d'un engagement de confidentialité est extrêmement difficile à rapporter.

6.4. Les "management representation letters"

L'actionnaire vendeur n'a pas toujours accès lui-même à toutes les informations demandées par le candidat acheteur.

L'actionnaire vendeur devra en ce cas faire appel aux renseignements que lui procure la direction de la société-cible. Or l'exactitude des renseignements que lui procure la direction de l'entreprise-cible sera cruciale, lorsque ces renseignements seront ultérieurement confrontés à la réalité de l'entreprise par l'acquéreur au cours du délai de garantie. En effet, toute inexactitude d'une déclaration ou d'une garantie du vendeur peut avoir des conséquences financières graves.

L'actionnaire vendeur exigera de la direction de l'entreprise qu'elle lui garantisse l'exactitude des renseignements fournis. Les garanties figureront dans des engagements de garantie du caractère exact et complet des renseignements fournis à l'actionnaire. Ces engagements sont juridiquement contraignants et peuvent être assortis de sanctions pécuniaires ou d'appel à garantie, si l'actionnaire vendeur est ultérieurement inquiété par l'acquéreur en raison du caractère inexact ou incomplet de certains renseignements fournis au stade précontractuel.

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6.5. La "due diligence"66

6.5.1. Notion

- L'expression "due diligence" recouvre l'ensemble des opérations d'investigation ("audit") que l'acheteur effectuera au stade de la phase précontractuelle, pour se forger une opinion sur la valeur de la société-cible.

- Il n'existe bien évidemment aucune norme définissant le contenu de la due diligence. Ce sont en effet les parties qui définiront le type et degré de caractère détaillé des informations:o que l'acheteur exige avant de s'engager dans un achat aux conséquences

contraignantes ; o que le vendeur veut bien donner avant d'avoir en main une convention

de vente en bonne et due forme.

- L'objectif de la due diligence est de concilier ces tensions antagonistes pour permettre aux parties de trouver le juste équilibre leur permettant de conclure.

6.5.2. Typologie de la "due diligence"

- L'audit d'acquisition peut être effectué par le candidat acquéreur lui-même s'il dispose des compétences requises pour l'effectuer lui-même, mais dans la plupart des cas le candidat acquéreur se fera aider de conseillers qui l'assisteront dans tout ou partie de ses investigations.

- L'audit comportera un examen comptable approfondi de la société-cible.

Etant donné que l'auditeur comptable aura accès à bon nombre d'informations sensibles, cette tâche d'audit sera en principe confiée à un cabinet d'audit comptable indépendant par rapport à l'acheteur. L'acheteur voudra vraisemblablement porter son choix sur le cabinet d'audit avec lequel il travaille lui-même habituellement. Le vendeur lui préfèrera un cabinet tout-à-fait indépendant, de manière à préserver la confidentialité des informations jusqu'à la clôture des négociations. Le choix de l'auditeur peut donc se révéler un sujet de négociation en lui-même.

La question de savoir ce que devient le rapport de l'auditeur comptable lorsqu'il est terminé est également un élément de négociation:

o Le rapport de l'auditeur sera-t-il communiqué au vendeur ou non ?

66 La plupart des ouvrages relatifs à la Due Diligence sont en langue anglaise et exposent les usages internationaux en cette matière. En droit belge, signalons l'ouvrage en néerlandais de Y. Verleisdonck, E. Janssens et M. Wilkenhuysen, Due Diligence, Bruxelles, Larcier, 2011, 180 p.

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o Le rapport de l'auditeur donnera-t-il lieu à des commentaires contradictoires ou non ?

- L'audit comptable s'accompagnera usuellement d'un audit fiscal et social : o La société a-t-elle correctement rempli ses obligations fiscales

et sociales ?o De quand date le dernier contrôle fiscal (impôts directs,

TVA) ? Quels furent les résultats de ces contrôles ?

- Si la société est propriétaire de bâtiments industriels, un audit environnemental sera probablement conduit par des experts en la matière de manière à déterminer les risques de sol éventuels (dépollution des sols).

- L'audit juridique implique si nécessaire des équipes d'avocats chargés d'examiner l'état des litiges, s'il y en a.

- L'audit juridique implique également l'analyse des contrats en cours de manière à en mesurer les risques ou charges éventuels :

o Quel est l'environnement légal dans lequel s'exerce l'activité de la société-cible (ce type d'investigation est effectué lorsque le candidat acquéreur ne connaît pas cet environnement, parce qu'il est originaire d'un pays tiers. On est parfois surpris de constater à quel point les responsables de l'entreprise-cible ignorent eux-mêmes cet environnement légal, avec les risques latents que cela implique);

o Les contrats avec les fournisseurs peuvent-ils aisément être rompus ?

Par les fournisseurs : risque de rupture dans les approvisionnements ou les conditions d'approvision-nements et donc risque dans la continuité de la profitabilité de l'entreprise;

Par l'entreprise : quels seraient les coûts en cas de rupture des contrats avec certains fournisseurs ?

o Les contrats avec les clients peuvent-ils aisément être rompus ?

Par les clients : risque de perdre du chiffre d'affaire Par l'entreprise : est-il possible de se dégager aisément

de certains contrats peu rentables ?o Quelles sont les garanties données en vertu des contrats; quelle

est la récurrence des appels à la garantie de la part des clients, ces risques sont-ils assurés ?

o Un changement dans le management de la société ou dans son actionnariat est-il susceptible de causer la rupture de certains contrats (cfr. clauses contractuelles qui permettent parfois au contractant de rompre le contrat en cas de changement dans le management ou l'actionnariat de la société cible).

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L'audit juridique concernera également un contrôle "corporate" de la société cible :

o Examen des statuts, des modifications successives des statuts, des statuts coordonnés.

o Examen des PV du conseil d'administration. o Examen des PV des assemblées générales.

L'audit juridique portera le cas échéant sur la validité de la protection des droits intellectuels détenus par la société-cible :

o Protection de l'enseigne, du logo (s'il y en a un). o Protection de la marque (si la société en possède).o Protection des procédés de fabrication (brevets éventuels).

- Enfin, l'audit commercial – le plus délicat dans la pratique – consistera à déterminer comment la société–cible se positionne dans son environnement économique et concurrentiel :

o Les relations avec les clients et les fournisseurs sont-elles sereines ou orageuses ?

o Comment l'entreprise calcule-t-elle son prix de revient, son prix de vente, sa marge, quelle est sa politique de remise ?

o L'entreprise fait-elle preuve de créativité dans ses produits, dans ses services, dans sa recherche de nouveaux marchés, dans sa recherche de sources d'approvisionnement les plus concurrentielles ?

o Si l'activité de la société-cible requiert des investissements importants, quel est l'état de ces investissements (obsolescence éventuelles), faut-il prévoir des investissements de renouvellement à court ou moyen terme ?

6.5.3. La "request list"

Les renseignements ci-dessus seront fournis aux différents auditeurs ou au candidat acquéreur lui-même sur la base d'une ou plusieurs "request list", détaillant les renseignements à produire.

6.5.4. La "Seller's Due Diligence"

La pratique s'est également développée d'un audit réalisé à l'initiative du vendeur lui-même. En effet, le candidat acquéreur finit parfois par avoir de la société cible une meilleure perception de ses forces et faiblesses que le vendeur lui-même. Ce dernier s'en trouvera déforcé lorsque s'établira la négociation proprement dite.

6.6. Considérations critiques sur ce qui précède

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6.6.1. Toutes les négociations d'achat/vente d'action ne comportent pas obligatoirement une lettre d'intention, un engagement de confidentialité ou des "management representation letters".

Ce schéma décrit dans les paragraphes 6.2., 6.3. et 6.4. représente donc une démarche classique, mais pas nécessaire dans tous les cas.

6.6.2. En revanche toute opération d'achat de société implique à des degrés divers un examen préalable de la situation par le candidat acquéreur.

Le formalisme qui entoure la due diligence variera selon les circonstances. Il est cependant une vérité d'expérience: le laxisme dont s'accommodent certains entrepreneurs lors de la reprise d'une société donne peut-être l'illusion de la rapidité et de l'efficacité, mais ce peut-être une source de nombreuses difficultés et de litiges après la reprise de la société. Le rôle de l'avocat est certainement d'avertir son client des risques qu'il encourt si des vérifications n'ont pas été faites.

Ceci dit, certaines sociétés ne nécessitent pas un audit très élaboré. Ces seules garanties dans la convention de cession suffiront. Ce sera le cas lors de la reprise:

- d'une société purement financière;- d'une société devenue dormante (société de trésorerie par exemple);- d'une société titulaire d'un bail commercial, qui constitue le principal actif

convoité, l'acquéreur n'ayant pas égard à l'activité antérieure de la société.

6.6.3. Ce qui a été exposé dans les paragraphes 6.2. à 6.5. est parfaitement transposable à la situation dans laquelle un nouvel actionnaire souhaite souscrire à une augmentation de capital de la société-cible. C'est également transposable à la situation dans laquelle deux sociétés se préparent à fusionner.

Il ne s'agira pas d'un audit de reprise, mais soit de prise de participation aux côtés d'actionnaires existants, soit de fusion.

6.6.4. La situation est bien entendu tout-à-fait inverse, lorsqu'il s'agit d'une cession de parts ou action entre actionnaires d'une société, surtout si l'acquéreur est administrateur de la société-cible et a fortiori administrateur mêlé à la gestion de la société.

6.7. La convention de cession d'actions ("Share Purchase Agreement" - SPA)

Par hypothèse, le candidat-acquéreur a reçu au cours de l'audit d'acquisition des informations satisfaisantes et est disposé à signer un SPA.

6.7.1. Question préalable : closing différé ou contemporain de la signature du SPA ?

- On appelle "closing" le jour où l'acquéreur ayant reçu toutes les informations et autorisations requises, le transfert des actions s'opère effectivement avec paiement total ou partiel du prix.

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Il ne va pas de soi que la date de transfert de la propriété des actions coïncide avec la date de signature du SPA.

- Le closing est inéluctablement différé lorsque le rachat de la société-cible réalise une concentration qui nécessite une notification préalable aux autorités de concurrence nationales ou internationales.

- Si une approbation d'autorités publiques ou de tiers est requise pour que la vente puisse se réaliser le closing sera nécessairement différé de la signature du SPA.

- Le closing sera vraisemblablement différé lorsque l'information donnée au candidat acquéreur (data room) au stade de la due diligence a comporté un certain nombre d'informations fournies sous une forme anonyme ou sous une forme virtuelle.

Dans ce cas l'acquéreur voudra se donner le temps de vérifier l'information de manière directe en ayant accès aux données elles-mêmes.

- Un closing différé rend la rédaction de la convention plus complexe parce qu'il conviendra d'aménager la gestion de la société pendant la période de "pre closing". En effet l'acquéreur est engagé par la signature du SPA, mais le conseil d'administration reste en place jusqu'au closing.

- Un SPA avec closing différé comportera donc des clauses spécifiques relatives à :

o L'information requise du vendeur pendant la phase de pre-closing

o La restriction de la liberté de manœuvre du conseil d'administration et du management pendant la phase de pre-closing. Ces restrictions consisteront en une liste d'opérations que le conseil d'administration ou le management de la société-cible s'interdisent de faire sans l'accord préalable de l'acquéreur.

o Le cas échéant, le SPA indiquera les opérations que le management s'engage à réaliser pendant la phase de pre-closing, telles que (par exemple) :

Apurement de comptes courants Réalisation de certains actifs Obtention d'accords ou de garanties de tiers Etc.

o L'acheteur voudra se prémunir du risque d'arbitraire et exigera un "Price Adjustment Agreement" dans le SPA, qui précise exactement quelles seraient les conséquences de découverte d'éléments neufs susceptibles de modifier son appréciation de la situation ("material adverse change").

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- La rédaction des clauses relatives au closing différé est à ce point spécifique à chaque cas d'espèce que le présent cours se limitera à l'exposé de la typologie d'un SPA dans lequel la signature du SPA et le closing se réalisent le même jour.

6.7.2. Comprendre la typologie d'un SPA

- la vente d'une société se fonde sur deux données : l'une objective, l'autre subjective.

- la donnée objective sur laquelle se fonde l'achat d'une société est constituée par ses comptes annuels. L'acquéreur se fonde sur le présupposé que les comptes annuels qui lui sont présentés par le vendeur sont fiables et donnent une représentation exacte de ce que la société possède (son actif) et de ce qu'elle doit (son passif) ainsi que ses affaires (son compte de résultat).

Ce présupposé ne porte bien évidemment pas uniquement sur les derniers comptes annuels qui précèdent la cession, mais également ceux des années précédentes. Au paragraphe 6.8.4 on montrera que dans la plupart des négociations d'achat d'entreprise, les parties calculent leur prix en prenant en compte les flux financiers futurs, ce qui suppose non seulement l'examen des derniers comptes annuels, mais également ceux d'un "cycle" commercial qui s'étend sur plusieurs années.

Le premier élément clé qu'il faut avoir présent à l'esprit pour comprendre la typologie d'un SPA est la manière dont les parties vont exprimer la garantie que le vendeur donne au sujet de ces comptes annuels.

Ce type de garantie est communément appelé "garantie de bilan".

- La donnée subjective sur laquelle se fonde l'achat d'une société est constituée par l'ensemble des opinions et convictions que l'acquéreur s'est forgées au cours de la due diligence au sujet de la société-cible.

L'acquéreur a demandé au vendeur des renseignements (parmi lesquels les comptes annuels ne sont qu'un élément) et il s'est forgé sur la base des réponses reçues, un ensemble d'opinions au sujet desquelles il souhaite avoir du vendeur la confirmation que les faits sur lesquels elles se fondent sont exacts.

Par conséquent, outre la "garantie de bilan", l'acquéreur va demander au vendeur de lui faire un certain nombre de déclarations qui constitueront autant de confirmations pour le vendeur que l'opinion qu'il s'est forgée au sujet de la société-cible se fonde sur des faits exacts.

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Cette manière de lister les déclarations qui seront exigées du vendeur est d'origine anglo-saxonne. Ces déclarations sont formulées sous forme de "représentations and warranties".

Il va sans dire que la liste des déclarations que l'acquéreur exigera du vendeur varie au cas par cas et qu'il est illusoire d'en dresser un inventaire, comme il serait vain de présenter à cet égard des clauses "types".

- La sanction de la garantie de bilan et des "representations and warranties" est l'indemnisation que le vendeur devra payer à l’acquéreur en cas d'inexactitude du bilan ou en cas d'inexactitude d'une ou plusieurs des "representations and warranties" du vendeur.

Le libellé des clauses relatives à cette sanction de ces inexactitudes est – outre bien entendu la négociation sur le prix – le cœur de la négociation. Nous examinerons ci-après comment peuvent se concevoir les garanties données en cette matière.

- Enfin la SPA comprend des clauses aux effets essentiels tels que notamment celle relative à l'unicité de la convention et pour terminer les "boiler plates" habituelles (notifications, droit applicable, élection de for ou clause d'arbitrage, etc.).

6.7.3. Déclarations et garanties (principes)

Nous abordons à présent l'examen d'un document de référence concernant une convention de vente des actions (SPA) d'une S.A. de droit belge (voir Annexe 6.2). Ce document est fourni à titre de matériel didactique et ne constitue donc pas le "modèle" de convention à reproduire dans chaque vente d'actions. Lors du cours oral, je m'attacherai à commenter ce document de manière critique pour mettre en évidence ses éléments favorables à telle ou telle partie et je montrerai que telle ou telle clause aurait pu être écrite de manière différente. Tout est en effet une question de négociation au cas par cas.

Le lecteur est invité à lire les paragraphes 6.7.3 à 6.7.14 en les mettant en parallèle avec l'Annexe 6.2.

- L'annexe 6.2. comprend en son article 4 un ensemble de garanties classiques demandées à un vendeur

voir Annexe 6.2. pages 3 à 11

- Les articles 4.1.1. et 4.1.2. du SPA fourni à titre d'exemple indiquent que le vendeur ne donne pas d'autres garanties que celles qu'il mentionne dans le SPA. En outre le vendeur déclare que lorsqu'il fait une "déclaration" dans la convention ou dans une annexe, la portée de la garantie est limitée par cette déclaration.

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Le vendeur a donc intérêt à multiplier les "déclarations" et à les rendre aussi complètes que possible, puisque toute déclaration faite dans la convention fera obstacle à toute réclamation ultérieure de l'acheteur qui serait fondée sur un fait dont il a eu connaissance par une déclaration du vendeur. L'objectif de cette technique de rédaction est d'inciter le vendeur à révéler le maximum d'information à l'acheteur.

La technique de rédaction est donc la suivante : le vendeur déclare, pour telle garantie qu'il n'a rien à se reprocher, "Exception faite de …", suivra ensuite soit la déclaration de tel ou tel fait qui restreint la portée de la déclaration, soit un renvoi à une annexe lorsque la déclaration est circonstanciée. Si le vendeur ne fait aucune "déclaration", au sujet de telle garantie, cette garantie s'appliquera sans restriction.

- L'article 4.1. du SPA fourni à titre d'exemple aurait pu comporter un article 4.1.3. qui eût été à l'avantage du vendeur.

Cet article 4.1.3. aurait été libellé comme suit : "les déclarations et garanties faites au présent article 4 sont consenties à l'acheteur exclusivement, dans les limites prévues à l'article 5 ci-après, à l'exclusion de toutes autres garanties de quelque nature que ce soit en ce compris toutes garanties de droit commun, l'acheteur renonçant irrévocablement par l'effet de la présente convention à toutes garanties autres que celles expressément visées ci-après.

Cette clause – très favorable pour le vendeur – n'avait pas été acceptée dans le cas d'espèce dont on a extrait le SPA fourni à titre d'exemple.

6.7.4. Déclarations et garanties (capacités du vendeur)

- Il est d'usage de demander au vendeur personne morale qu'il certifie que la décision de vendre a été prise par les organes légaux.

- Lorsque l'acheteur est une société étrangère, il n'est pas exceptionnel qu'il demande à un avocat belge une "Opinion Letter" (ou "Legal Opinion") dans laquelle l'avocat certifiera qu'au vu des éléments d'information en sa possession (qu'il énumérera dans sa lettre) la société venderesse existe valablement, que les personnes qui se proposent de signer la convention ont qualité pour la représenter, etc.

- Lorsque le vendeur est une personne physique, la capacité du vendeur s'appréciera par rapport à son régime matrimonial. En ce cas également, l'acheteur établi à l'étranger pourrait demander à un avocat belge une opinion letter confirmant la capacité du vendeur et éventuellement la légitimité de sa possession des actions, si celles-ci ont été acquises entre vifs ou à cause de mort.

6.7.5. Déclarations et garanties (structure et organisation générale de la Société)

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- l'objectif de cette garantie est de s'assurer que la Société acquise dispose de toutes les autorisations légalement requises pour exercer son activité.L'acheteur peut bien entendu se contenter de la déclaration faite par le vendeur.

Il se peut que l'acheteur souhaite vérifier la déclaration du vendeur ou la faire vérifier par ses propres conseillers, l'audit d'acquisition aura notamment porté sur la vérification de ces points. Cependant, ce n'est pas parce que l'exactitude de cette déclaration a déjà été vérifiée par les propres conseillers de l'acheteur que ce dernier dispensera le vendeur de le lui garantir.

- La déclaration demandée au vendeur concernant l'identification des titres émis par la Société, vise à protéger l'acheteur du risque d'acquisition d'une partie seulement des titres émis alors que son objectif visait l'acquisition de la totalité de ceux-ci.

La vérification de ce fait aura été faite par l'acheteur au stade de l'audit d'acquisition en analysant les statuts, les modifications et les statuts coordonnés. Ici encore une fois la garantie demandée au vendeur de l'exactitude d'un fait qui a déjà été vérifié par l'acheteur tend à faire peser sur le vendeur le risque d'une éventuelle erreur d'analyse de l'acheteur.

6.7.6. Déclarations et garanties (comptes annuels)

- Les comptes annuels constituent l'un des éléments essentiels de négociation du prix de la société.

- Il est renvoyé au paragraphe 6.8. pour ce qui concerne l'explication des paramètres d'évaluation.

- Aux articles 4.5.1. et 4.5.2. du SPA fourni à titre d'exemple, le vendeur donne des garanties très ordinaires de sincérité du bilan. On relèvera que si l'article 4.5.1. traite de la sincérité du bilan et l'article 4.5.2. du passif, un article entier est consacré aux déclarations du vendeur en matière d'actif (art. 4.6. de l'exemple). La situation aurait pu être différente si le vendeur avait souhaité faire des déclarations spécifiques concernant des éléments du passif du bilan. L'absence de clauses spécifiques à ce sujet s'explique par la circonstance que dans le cas d'espèce, le vendeur a estimé ne pas devoir s'exonérer de risques éventuels au niveau du passif.

Ainsi par exemple l'article 4.5.1 (c) relatif aux provisions constituées au passif pour couvrir les risques et les charges éventuels aurait pu être libellé comme suit :

"les provisions et réserves apparaissant dans les comptes de la Société ont été constituées selon les règles de prudence, de sincérité et de bonne foi. Le vendeur déclare qu'elles sont d'un montant suffisant pour couvrir les risques et charges connus à la date de la

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signature de la présente convention. Pour ce qui concerne les provisions en relation avec les litiges mentionnés à l'article 4.5.3. et à l'Annexe 3, celles-ci sont acceptées par l'acheteur à titre forfaitaire, toute différence en plus ou en moins à la clôture des litiges faisant profit ou perte pour l'Acquéreur sans recours entre le vendeur en cas d'insuffisance des provisions".

6.7.7. Déclaration et garanties (éléments d'actif du bilan)

Par souci de simplification, seule une des déclarations faites par le vendeur a été reprise dans le SPA fourni à titre d'exemple.

Dans la réalité, tout ce que le vendeur a dit à l'acheteur au stade de l'audit d'acquisition, les réserves qu'il a pu faire quant à la bonne fin de tel ou tel marché, est noté, ce qui implique que :

o L'acheteur peut considérer comme un élément contractuel ce que le vendeur lui a déclaré;

o Ou inversement le vendeur dégage sa responsabilité dans la mesure où il déclare ne pas donner de garantie quant à tel ou tel élément des affaires de la société.

6.7.8. Déclaration et garanties (environnement)

Cette disposition du SPA est fournie à titre d'exemple dans la mesure où la société en cause dans l'exemple choisi n'était pas propriétaire d'un bien immobilier et que son activité n'était pas susceptible de porter atteinte à l'environnement.

Dans les situations inverses, cet article des "Déclarations et garanties" est évidemment beaucoup plus développé. Au besoin un audit environnemental est conduit préalablement à la conclusion du SPA.

6.7.9. Déclaration et garanties (relation entre la Société et le vendeur)

Disposition très importante dans tout SPA, l'article 4.12 (dans le document fourni à titre d'exemple) est destiné à informer l'acheteur au sujet des obligations éventuelles de la Société vis-à-vis du vendeur.

6.7.10. Déclaration et garanties (caractère exact et complet)

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L'article 4.14 du SPA fourni à titre d'exemple est la clause classique qui clôture la liste des déclarations et garanties.

6.7.11. Déclaration et garanties (durée)

Dans le document fourni à titre d'exemple:- la durée de un an est une donnée qui résulte de la négociation. Rarement

plus courte, cette durée peut être parfois nettement plus longue (exigence de l'acheteur).

- La garantie du vendeur qui est donnée pour la durée du délai de garantie en matière contractuelle (dix ans) est en revanche très longue (c'est en l'occurrence le résultat des négociations; on aurait pu négocier un délai plus court67). Les deux mois supplémentaires ajoutés au délai de dix ans doivent procurer à l'acheteur le laps de temps nécessaire pour agir contre le vendeur dans l'hypothèse où la société est assignée par un tiers à l'extrême limite du délai de prescription.

- Le délai de prescription en matière fiscale est actuellement porté à sept ans. Le délai de prescription en matière environnementale est quasiment sans limite dans le temps !

6.7.12. Appel à la garantie (détermination du dommage)

Dans le SPA fourni à titre d'exemple, la définition du dommage a été négociée de manière peu favorable pour le vendeur. Un libellé plus favorable pour le vendeur eût été le suivant :

"Toute surévaluation de l'actif ou toute sous-évaluation du passif par rapport aux Comptes Annuels, dont la cause est antérieure à la Date de Cession constituera un dommage ("le Dommage")".

Un libellé formulé sous forme de garantie de bilan a en effet une portée moins large que celle adoptée dans le SPA fourni en annexe 6.2. Pourquoi avoir accepté dans le cas fourni à titre d'exemple un libellé de la garantie aux effets potentiellement plus larges ? Ce libellé est ici encore la conséquence indirecte de la méthode de calcul du prix par les parties. Dans l'exemple cette méthode était basée essentiellement sur la technique de l'actualisation des flux financiers. Dans cette technique d'évaluation, la valeur de l'actif net n'est pas le principal élément de détermination du prix. Logiquement le libellé de la garantie reflète l'objectif de l'acheteur pour qui l'exactitude du bilan n'est qu'un élément d'appréciation.

67 Pourquoi le vendeur avait-il accepté dans le SPA fourni à titre d'exemple une durée de garantie très longue ? Il faut comprendre comment l'acheteur calcule le prix qu'il accepte de payer. Si l'acheteur calcule ce prix selon la méthode de l'actualisation des flux financiers futurs (cas fréquent), il est important pour le vendeur de connaître l'incidence de la durée de la garantie donnée sur le calcul du prix par l'acheteur. Si l'acheteur diminue son offre de prix en raison de la brièveté du délai de certaines garanties données, alors que le vendeur sait que la probabilité de la réalisation du risque d'appel à la garantie sur une durée plus longue est faible, il aurait intérêt à accepter une durée de garantie plus longue pour obtenir un prix plus élevé. Sur ces notions, renvoi au paragraphe 6.8.4 et les commentaires au cours oral.

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Beaucoup d'autres éléments d'information donnés à l'acheteur et reflétés dans les "representations and warranties" ont influencé son anticipation des flux financiers futurs et donc son prix (sur ces notions, voy. ci-après les §§ 6.8.2 et 6.8.3 à mettre en parallèle avec le § 6.8.4). La garantie demandée au vendeur va donc bien au-delà de la simple garantie de bilan.

6.7.13. Appel à la garantie (indemnité)

Fixer l'indemnité au montant du dommage, tel que celui-ci est défini à l'article 5.2. du SPA fourni à titre d'exemple, est également un élément peu favorable pour le vendeur.

Le vendeur a intérêt à spécifier que l'indemnité sera due exclusivement à l'acheteur (et pas à la société-cible) et qu'elle sera égale au dommage, sous déduction de l'économie fiscale qui en résulterait pour la société. En effet une "perte" ou une "dépense" constitue en principe une charge pour la société. Si cette charge est fiscalement déductible dans le chef de la société-cible, on peut prévoir que l'acheteur ne réclamera une indemnité au vendeur qu'à concurrence de cette charge ou dépense, diminuée de l'économie d'impôt qui en résultera pour la société-cible. Le résultat financier pour l'acheteur est identique, mais le coût de l'indemnité pour le vendeur est moindre.

6.7.14. Appel à la garantie (limites)

Le vendeur avait négocié dans le SPA fourni à titre d'exemple deux limites très favorables :

- une franchise;- un plafond.

Tous les SPA ne contiennent pas une clause de ce type. L'acheteur peut en effet refuser la franchise ou n'accepter de franchise que pour un montant très réduit. De même il n'est pas rare de voir un acheteur refuser l'idée d'un plafonnement du montant de l'indemnité. Dans de nombreux SPA, le plafond équivaut au prix de vente des actions.

6.8. Le prix

6.8.1. Les paramètres de calcul des prix

- Dans le SPA fourni à titre d'exemple, le prix se compose de trois éléments : o Une partie fixe dont une part importante est payée au

vendeur le jour de la signature de la convention et le solde

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est versé sur un compte de garantie (escrow account) pendant une partie du délai de garantie.

o Une partie variable qui dépend de l'inventaire et la valorisation du stock (qui était un élément sensible dans le cas ayant donné lieu au SPA fourni à titre d'exemple).

o Une partie aléatoire qui dépendait du succès espéré d'offres en cours au moment de la vente des actions.

- Toutes les négociations ne comportent pas nécessairement des paramètres de ce type. Une convention de vente peut se négocier :

o moyennant un prix forfaitaire, non susceptible de révisiono avec ou sans rétention d'une partie du prix à titre de

couverture de la garantieo moyennant diverses clauses de révision de prix (Price

Adjustments Agreement)o etc.

- Quel que soit le mode de détermination du prix dans la convention, les paramètres de calcul prennent toujours en compte les facteurs suivants :

o le bilan (valeur intrinsèque apparente de la société) (§ 6.8.2)o le bilan ajusté (valeur intrinsèque réelle de la société) (§

6.8.3)o une anticipation des profits futurs. L'acheteur peut

n'accorder qu'une attention secondaire à la valeur intrinsèque de la société et fixer son prix en fonction des flux financiers nets que lui procurera son investissement (§ 6.8.4)

o les risques liés aux "déclarations" faites par le vendeur (déclarations accompagnées d'exclusions de garantie pour tout ce qui a été déclaré) (§ 6.8.5)

o des éléments purement subjectifs, propres à la situation des parties (§ 6.8.6).

6.8.2. le bilan

- une première approche, tout à fait simpliste, consiste à déterminer la valeur d'une société sur la base de son bilan.Nous avons vu au cours des 4ème et 5ème leçons que le passif du bilan comporte une rubrique "Actif net68" ou "Capitaux propres69" qui résulte de l'addition et de la soustraction des éléments suivants :

Capital+ réserves (légale, indisponibles, immunisées, disponibles)+ bénéfices reportés+ subsides en capital

68 Le Code des sociétés utilise l'expression "Actif net" (par exemple : articles 617, 633). 69 Le schéma comptable utilise l'expression "Capitaux propres" (articles 88 et 92 de l'AR/C. Soc). Les deux expressions sont synonymes. On utilise également l'expression Fonds propres, qui est également synonyme des deux précédentes.

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- pertes reportées-------------------------= Actif net ou Capitaux propres

- Les capitaux propres résultent en d'autres termes de la différence entre le total de l'actif d'une part et l'ensemble des dettes à l'égard des tiers d'autre part (banquiers, fournisseurs, créanciers publics, autres créditeurs divers, etc.)

Une approche simpliste des choses conduirait donc à la conclusion que la société vaut ce qui lui reste comme actifs lorsqu'elle a payé toutes ses dettes.

- Au cours de la cinquième leçon on a vu qu'une telle approche est un leurre. La société Danheux & Maroye ne valait de toute évidence pas au 31 décembre 2008 le montant de 2.734.485 € mentionné comme capitaux propres à cette date et la société Houyoux valait sans doute nettement plus que les 15.075.224 € affichés par son bilan à la même date.

(Annexes 5.1.1. et 5.1.2.)

Aux paragraphes suivants on tentera de montrer pourquoi ces chiffres doivent être ajustés.

- Même dans l'hypothèse où le bilan ne justifie aucun ajustement des éléments de son bilan, le prix pourrait être différent du montant de ses capitaux propres.

Prenons la situation d'une société de trésorerie. C'est une société qui a progressivement mis fin à ses activités et liquidés tous ses actifs. Au terme de ce processus de désinvestissement et de mise en veilleuse de la société, tous les impôts et toutes les charges étant payées, le bilan se présente comme suit :

Actif PassifBanque 1.000.000 Capital 100.000

Réserve légale 10.000Bénéfices reportés 890.000

Total: 1.000.000 Total: 1.000.000

- la liquidation d'une société de trésorerie dans la situation décrite ci-dessus occasionnerait, outre les frais de la liquidation proprement dite, le paiement d'un précompte sur le boni de liquidation (si l'actionnaire est une personne

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physique). En effet, la distribution de la réserve légale et des bénéfices reportés est considérée par la loi fiscale comme le paiement d'un dividende (art. 209, al 1er CIR/92). En l'occurrence, les actionnaires (personnes physiques) ne percevront en définitive qu'un montant moindre qu'un million.

- Les actionnaires seront sans doute tentés de trouver un repreneur qui leur

rachètera des actions et leur paiera le montant d'un million en banque.

Il est douteux qu'il se trouve un acquéreur disposé à débourser un million d'euros (d'argent net de tout impôt dans son chef) pour acquérir une société dont il ne pourrait retirer ultérieurement le montant de son investissement initial de un million que moyennant le paiement d'impôts et de frais.

Par conséquent l'acquéreur d'une société de trésorerie négociera le prix d'achat en tenant compte de la charge fiscale future grevant sur la récupération ultérieure de sa mise de un million. Le prix de la société de trésorerie sera donc moins qu'un million (dans l'exemple, ci-dessus).

- Pour la suite de l'exposé, gardons à l'esprit cette idée que lorsque la société-cible a beaucoup de réserves ou de bénéfices reportés, la valorisation de cette société prendra en compte la charge fiscale latente qu'impliquerait la distribution de ces dividendes, si l'acquéreur voulait récupérer sa mise.

6.8.3. le bilan ajusté

- L'analyse des bilans de sociétés pendant le cinquième cours a montré qu'un bilan peut receler de bonnes surprises… ou de mauvaises surprises.

- Les bonnes surprises résulteront de ce que : o A l'actif du bilan figurent des constructions qui ont été

totalement amorties (elles figurent donc pour zéro au bilan) alors que ces immeubles ont été correctement entretenus et ont donc une valeur sensiblement plus importante que la seule valeur historique du terrain qui subsiste au bilan.

o Des participations figurent au bilan à la valeur de l'investissement initial alors que ces filiales ont – par hypothèse - prospéré et que la valeur intrinsèque de ces filiales est nettement plus élevée que ce qui figure au bilan (par exemple à l'annexe 5.1.2. comparez à la page 4/41 la rubrique "participation" [1.544.243] avec la page 17/41 : calculez la valeur intrinsèque).

o Des stocks ont fait l'objet de réductions de valeur pour cause d'obsolescence, mais s'avèreront en réalité commercialisables.

o Des créances ont fait l'objet de réductions de valeur en raison des risques de solvabilité du débiteur, mais ces créances seront intégralement payées.

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o Un procès est en cours (la société-cible est demanderesse de dommages-intérêts) et l'issue sera favorable, ce qui constituera un bénéfice exceptionnel lorsque l'indemnité sera obtenue.

o Au passif du bilan, la société-cible a provisionné un montant pour le risque d'un litige en cours. Le litige sera gagné, rien ne sera dû, la provision constituée sera soldée par une écriture qui actera un produit exceptionnel ("reprise sur provisions pour risques et charges").

o L'examen du bilan de la FNAC a montré qu'il existe des latentes fiscales positives, à savoir l'existence de pertes antérieures, fiscalement déductibles, mais qui n'apparaissent plus au bilan parce que la société a antérieurement diminué son capital pour absorber des pertes antérieures. Ces latences fiscales positives sont un élément favorable, non pas pour un repreneur éventuel de cette société (en effet s'il y a changement de contrôle et si ce changement ne répond pas à des besoins légitimes de caractère financier, le caractère déductible des pertes est perdu en vertu de l'article 209 CIR/92), mais pour un investisseur sans changement de contrôle. Les pertes fiscales récupérables impliquent que la société peut réaliser d'importants bénéfices en exemption d'impôts (voy. l'annexe 5.2.1. A, page 34/48, bilan FNAC Belgium).

- inversement les mauvaises surprises résulteront de ce que :

o à l'actif des biens ont été abusivement : réévalués (voyez bilans Danheux & Maroye, annexe

5.1.1. et Immo Progres, annexe 5.4.) maintenus à leur valeur d'acquisition, alors que la

valeur marchande n'est plus celle portée à l'actif

o à l'actif des stocks sont mentionnés, alors que le comptage physique des stocks réellement présents dans l'entreprise montre qu'il y a d'importants écarts entre l'état comptable des stocks et l'inventaire physique. Cette situation, parfois rencontrée dans la pratique, résulte de ce que la société n'a pas fait avec la rigueur requise (ou n'a pas du tout fait) l'inventaire annuel prescrit par la loi (article III.89 CDE).

o A l'actif des créances commerciales sont maintenues pour leur valeur nominale, alors qu'il existe des risques sérieux quant à leur encaissement futur.

o Au passif des dettes n'ont pas été correctement évaluées (des impôts n'ont pas été provisionnés, des majorations dues à l'ONSS pour paiements tardifs n'ont pas été comptabilisées, des factures de fournisseurs ont été oubliées).

o Etc.

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- En résumé les ajustements résulteront :o D'une surévaluation d'éléments de l'actifo D'une sous-évaluation d'éléments du passifo D'une sous-évaluation d'éléments de l'actifo D'une surévaluation d'éléments du passif

Il va sans dire que tous ces ajustements en sens divers peuvent s'appliquer à des éléments distincts du bilan, s'additionner ou se compenser.

Le total des ajustements donnera un bilan ajusté, avec un montant des capitaux propres qui peut être sensiblement différent.

- Enfin l'audit comptable pourrait faire apparaître des divergences de méthode d'application des règles comptables entre l'auditeur du candidat acquéreur et le commissaire de la société cible.

- En effet, il a été dit que quelque rigoureuses et précises que soient les règles comptables fixées à l'arrêté royal du 30 janvier 2001, il subsiste des marges d'appréciation.

Par conséquent l'audit d'acquisition pourra conduire à des discussions difficiles sur la fixation du prix, si les auditeurs des deux parties n'ont pas une approche identique de l'application de certaines règles comptables.

- Le résultat de ces ajustements extracomptables et des discussions auxquels ils peuvent donner lieu sera un bilan ajusté, avec un montant de fonds propres sur lequel les parties s'accordent.

6.8.4. L'anticipation des profits futurs.

- L'élément objectif que constitue l'actif net corrigé (résultant des ajustements dont il a été question au § 6.8.3.) n'a souvent qu'une portée secondaire (voire même parfois très secondaire) dans le calcul que fait un investisseur au sujet de l'opportunité de l'achat d'une société. Son calcul se base en effet sur les flux monétaires futurs qui seront engendrés par cet investissement.

Pour comprendre cette logique de raisonnement, partons d'une idée simple. Si je dispose d'une somme de un million d'euros, je puis en obtenir un revenu de x% (avec un degré de certitude variable quant au taux sur une longue durée, ce qui est en soi un paramètre du calcul financier que fait l'acheteur). Si j'achète une société, c'est en principe en vue d'en obtenir un rendement supérieur à celui que me procurerait le placement de cette somme en banque ou en bourse.

La méthode de l'anticipation des flux futurs consiste à mesurer de manière aussi précise le rendement du capital investi sur une durée plus ou moins longue.

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L'anticipation du flux monétaire, ou la rentabilité future, est aussi appelée méthode du "Discounted Cash-Flow" (DCF).

- Sans entrer dans tous les détails de calculs, la valorisation de la société sur la base du cash-flow se fonde principalement70 sur le cash flow d'exploitation qui est :

o Le bénéfice d'exploitation (code 9901 dans le compte d'exploitation selon le schéma comptable)

o Auquel on ajoute les amortissements et les dotations aux provisions (puisqu'ils ne correspondent pas à des sorties de trésorerie)

o Et dont on déduit : D'une part les investissements (ils correspondent à

des besoins de trésorerie, mais ne font pas partie des charges, sauf à concurrence des amortissements),

D'autre part l'augmentation des besoins en fonds de roulement (le fonds de roulement est la trésorerie nécessaire pour assurer la liaison entre les délais de paiement aux fournisseurs et les délais de paiement des clients – en général une société dont le chiffre d'affaire est en croissance voit son besoin en fonds de roulement augmenter, tandis qu'une société dont le chiffre d'affaires est en décroissance voit son besoin en fonds de roulement diminuer),

Et enfin les impôts.

- Le cash-flow étant ainsi calculé, il conviendra de déterminer la durée pendant laquelle le cash-flow sera pris en considération pour apprécier la valeur de l'entreprise. Cette durée (qu'on appelle "l'Horizon") dépend essentiellement de la nature de l'activité de la société :

o une société industrielle aura un Horizon plus longo une société purement commerciale aura un Horizon plus

courto une société dont l'activité est cyclique (métaux, produits

pharmaceutiques, papier, par exemple) aura un Horizon calculé au minimum en fonction de la durée d'un cycle.

- L'addition de tous les cash-flows jusqu'à l'Horizon donnerait une valeur excessive à la société. Il convient donc de leur appliquer un facteur d'actualisation. Ce facteur d'actualisation est fonction des degrés d'incertitude qui peuvent être liés à :

o l'entreprise elle-même : y a-t-il un risque d'obsolescence de ses produits ou

de son activité ? l'activité nécessitera-t-elle avant l'Horizon

d'importants investissements ?70 On peut également mesurer le cash-flow financier (produits financiers moins les charges financières). Pour la valorisation d'une holding dont le résultat est essentiellement constitué par des produits et charges exceptionnels (voy l'annexe 5.3.) on prend également en compte les éléments exceptionnels de son compte de résultats.

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o des facteurs externes à l'entreprise : si l'activité de l'entreprise est dépendante de contrats

avec des tiers (bail commercial, contrat d'agence ou de concession) quel est le risque du non renouvellement de ces contrats à leur échéance ?

si la société occupe une position stratégique sur son marché, quel est le degré de risque de voir apparaître un concurrent qui accapare des parts de marché ?

- Le facteur d'actualisation est une notion qui relève du calcul actuariel.

Plus le risque est élevé, plus le taux d'actualisation sera élevé, ce qui diminuera la valorisation des revenus escomptés à terme (proches de l'Horizon).

- Au-delà de "l'Horizon" défini, on considère que soit les cash-flows se tariront (obsolescence du produit), soit la poursuite des activités nécessitera des investissements considérables et la société n'aura plus qu'une valeur résiduelle égale à la valeur de réalisation de ses actifs diminuée des dettes.

On le voit, cette "valeur résiduelle" correspond à la valeur ajustée des fonds propres au moment de la vente de la société-cible, après amortissement intégral de ses avoirs immobilisés. Il s'en déduit que la valorisation d'une société selon la méthode de l'actualisation des cash-flows pénalise la société lourdement investie en avoirs immobilisés et favorise la valorisation d'une société qui au contraire investit un minimum en avoirs immobilisés.

- Dans la pratique, l'approche purement financière de l'actualisation des cash-flows n'est pas l'unique méthode utilisée pour la fixation du prix de vente d'une société.

La méthode de l'actualisation des cash-flows est utilisée de manière plus sommaire, voire plus frustre, pour évaluer la valeur de ce qui n'est pas valorisé dans les comptes d'une société, mais peut présenter une valeur réelle, à savoir son "goodwill", c'est-à-dire :

o Le nom et la réputation de la société,o La qualité de son organisation,o La compétence, le savoir-faire de son personnelo L'emplacement stratégique de sa localisationo Etc.

- tous ces facteurs seront pris en compte, selon une méthode de calcul plus ou moins rationnelle selon les cas, pour déterminer le prix.

6.8.5. Les "déclarations" du vendeur dans le SPA

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Si le vendeur a lui-même émis des réserves ou des exclusions - limitations de garantie au sujet des déclarations qui sont exigées de lui dans le SPA, il introduit dans la convention des facteurs de risques pour l'acheteur qui en tiendra compte dans le calcul de son prix.

Dans certains cas, il n'y a pas de facteur objectif de calcul de l'incidence de ces réserves sur le prix. Dans d'autres cas l'acheteur tentera de calculer l'incidence de ses réserves ou exclusions de garantie dans les calculs actuariels d'actualisation des flux financiers futurs.

6.8.6. Les facteurs non rationnels

Ce serait une erreur de croire que tous les prix de vente de sociétés se négocient sur des bases 100% rationnelles.

Parmi les éléments non rationnels rencontrés dans la pratique citons :

- le besoin de vendre du vendeur - l'emplacement géographique occupé par la société (importance du bail

commercial pour une société commerciale)- la crainte de voir la société-cible passer sous le contrôle d'un concurrent- l'attrait que présente la société-cible pour un investisseur désireux de

s'implanter sur un nouveau marché- le souhait de l'investisseur d'accéder à une technologie que maîtrise la

société-cible et que l'investisseur ne maîtrise pas.- Etc.

Tous ces facteurs s'interpénètrent pour former le prix que les parties tentent de justifier par des considérations objectives, mais qui comportent souvent beaucoup de facteurs subjectifs