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Aliana Serge Bernard Emmanuel Universit de Yaound I
conomie culturelle globalise et anthropologie de lexil : une analyse critique des enjeux de la mondialisation partir de la lecture de Aprs le colonialisme. Les consquences culturelles de la globalisation dArjun Appadurai
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NE PAS CITERNE PAS CITERNE PAS CITERNE PAS CITER
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Introduction
La transnationalit caractrise la mondialisation actuelle. Elle reconfigure les rfrents
subjectifs et culturels induisant lmergence dun mode de socialisation et
dindividualisation indit en rupture avec celui institu depuis lpoque de la Renaissance et
des Lumires. Ltat-nation qui constituait un rfrent stable, confrant aux membres de la
socit leur ancrage privilgi, irrmdiablement, satrophie et priclite. Cela amne Michael
Hardt et Antonio Negri faire observer que :
Avec les progrs du processus de la mondialisation, la souverainet des tat-
nations, tout en restant largement effective, a progressivement dclin. Les facteurs
primaires de la production et des changes argent, technologie, personnel et
marchandises traversent les frontires avec une facilit croissante ; il sensuit que
ltat-nation a de moins en moins de pouvoir de rguler ces flux et imposer son
autorit sur lconomie. (Hardt et Negri 2000 : 15-16)
Dans cette profonde mutation historique, les identits et les identifications subissent
une vritable effraction. Elles slaborent dsormais dans un rseau de relations nomadiques,
apatrides, exiliques. Le local est continuellement (re)invent. Les groupes aux
identits hybrides, crolises , acentriques , flexibles ou mobiles produisent leur propre
local dans un monde dterritorialis. Il sobserve que les modes dactions, devenues plus
labiles, imposent un patriotisme mobile, pluriel, contextuel : nous vivons lre
postmoderne/postcoloniale avec comme matrice thorique le concept deleuzo-guattarien de
dterritorialisation (Deleuze et Guattari 1991 : 90 ).
Lenvergure massive1 prise par ce phnomne na pas laiss indiffrent bon nombre
de thoriciens contemporains. Aussi, le socio-anthropologue amricain dorigine indienne
Arjun Appadurai apparat comme une figure essentielle dans la comprhension du
phnomne. Dans sa publication Aprs le colonialisme. Les consquences culturelles de la
globalisation, Appadurai postule que la catgorie conceptuelle qui donne la mondialisation
son caractre postcolonial ou transnational est celle de culture . Il soutient ds lors quau
centre de la mondialisation se trouve le concept de culture . Mais ce concept na de densit
1 Dans un ouvrage collectif quils codirigent et intitulent Voyage du dveloppement. migration, commerce, exil, Fariba Adelkrah et Jean-Franois Bayart font du fait migratoire un phnomne social majeur de la globalisation. Il lest par les mouvements de population quil implique, lchelle internationale, mme si ceux-ci doivent tre relativiss. Ainsi, font-ils observer que de 1900 2000, le stock des migrants internationaux est pass de 154 175 millions, soit une hausse de 14% quil faut mettre en regard avec laugmentation de 15% de la population mondiale dans la mme priode. Le fait migratoire est galement devenu crucial sur le plan des reprsentations et des discours, dans la mesure o il occupe une place centrale dans les dbats publics des pays concerns, et singulirement dans les dbats lectoraux, ou encore dans certaines crises internationales les plus aigus (F. Adelkrah et J-F. Bayart 2007 : 5)
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smantique et de valeur opratoire que dans sa mise en relation avec un autre concept : celui
de circulation , trait caractristique de lconomie globale (Appadurai 2001 : 8). Cest le
concept de circulation qui permet dapprhender la notion de culture, non plus dans une
typologie substantiviste 2, mais dans lhistoricit propre des groupes dterritorialiss
(p. 12). Dans une logique de migrations conceptuelles (Fedi 2002 : 6), le concept de
circulation offre un cadre danalyse permettant de mettre en vidence la manire dont les
diffrences culturelles aboutissent produire des identits et des citoyennets non pas figes
mais en constante (r)invention. En centrant son analyse sur la notion dethnicit dans ses
rapports avec la circulation et leur production des communauts imagines (p. 10),
Appadurai affirme quil sinscrit dans le bloc thorique dit de la postmodernit culturelle .
Ce bloc thorique est lui-mme adoss au poststructuralisme avec comme lieu de
prfiguration philosophique : la French theory3. Appadurai fait ici explicitement rfrence,
dans ses analyses, Michel Foucault, Jacques Derrida, Gilles Deleuze, Flix Guattari, et bien
dautres noms partageant le mme centre dintrt que ce courant philosophique.
Fonde sur le constat de la crise des rcits et des mtadiscours qui ont
structur fondamentalement lensemble de la pense moderne la raison, la vrit, lhistoire,
le progrs, ltat, la libert, le sujet , la postmodernit culturelle marque le dbut dune re
et dune socit nouvelles prenant fortement pied dans les secteurs accompagnant
linnovation scientifique, le dveloppement prodigieux des mdias et de nouvelles
technologies, la circulation croissante de linformation, le renforcement de la publicit et du
marketing et leuphorie lie au dveloppement lectronique. Les transformations induites
par la postmodernit marquent de manire saillante et dcisive lensemble de la vie
contemporaine au point o Jean-Franois Lyotard soutient que la postmodernit caractrise
ltat global de la culture contemporaine (Sciences humaines 1997, No 73 : 23).
2Appadurai, penseur hracliten, rcuse le substantivisme du concept de culture. Il sen prend au primordialisme , cette tendance indexer les reprsentations sur ce qui constituerait un fondement primitif et intangible : les liens du sang, lancrage au territoire, la langue. Selon Appadurai, le danger de cette vision culturaliste des socits et leur rapport entre elles est de lgitimer dans certains contextes la stigmatisation de populations considres comme voues la violence, au terrorisme ethnique, car culturellement incapables daccder la modernit. Il dit explicitement que lemploi du substantif culture me met souvent mal laise, tandis que sa forme adjectivale culturel me convient mieux (Appadurai 2001 : 40). 3Une dizaine de philosophes franais qui avaient pour seul dnominateur commun dappartenir la gnration poststructuraliste, se trouvent soudain runis dans une mme cole de pense et ports au pinacle : Gilles Deleuze et Flix Guattari, Michel Foucault, Jacques Derrida, Jean-Franois Lyotard, Jean Baudrillard, Jacques Lacan, Julia Kristeva, etc. La French Theory est dabord un mode (on sait que la dconstruction derridienne, sans nul doute le concept le plus pris, va jusqu souffler un titre de film Woody Allen, Deconstructing Harry). Mais par-del maintes drives et fantaisies, elle constitue une pratique tonnamment fconde. Elle donne dcouvrir les auteurs que les franais boudent volontiers en leur pays. Et, jouant le dcalage et la recomposition, au risque souvent de trahir la pense de leurs auteurs, elle met au jour des paradigmes et des concepts nouveaux. Cultural studies, thories postcoloniales, gender studies, tudes multiculturelles, new historism : autant de chantiers intellectuels qui nauraient pu souvrir sans la prsence tutlaire des penseurs de la French Theory.
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Dans le domaine conomique, particulirement, nous assistons la formation et
lmergence de nouveaux types dorganisations conomiques sous la forme de
multinationales et de transnationales. Cette nouvelle phase du capitalisme lui donne une
puissance ingale et le distingue radicalement de ses formes antrieures, notamment de la
priode colonialiste et imprialiste. Associ des facteurs comme la haute technologie, la
communication, la consommation de masse, la libralisation totale des transactions
commerciales lchelle du monde et de la nouvelle division internationale du travail, la
constitution et la domination des multinationales ouvrent et inaugurent lre du capitalisme
postindustriel.
La caractristique principale de ce no-capitalisme est quil exerce son hgmonie
hors des monopoles tatiques. Drgul, diffus, dsorganis, asymtrique et protiforme, il a
sa priphrie partout et son centre nulle part. Le dcentrement du capital et du travail, la
dcomposition des classes sociales, le dcouplage des conflits sociaux, la
dcentralisation de lautorit tatique, la drgulation des institutions, la
dsaffiliation du sujet, la ddiffrenciation entre culture savante et culture populaire
(Appadurai 2001 : 10), donne au capitalisme postmoderne une toute autre porte. Ce
changement de perspective affecte considrablement toutes les sphres de lexistence et
transforme radicalement la subjectivit humaine4 (p. 28). Comme la prdit Gilles Deleuze, la
ralit humaine, dans la trajectoire historique du capitalisme, ne se saisit plus quen termes
de mouvement, dagencement, de flux (Aliana 2010 : 35). Perptuellement, tout floue, tout
scoule, tout circule : aucun code ne peut plus fixer ou territorialiser ltre. Cette ontologie
du nomadisme (p. 24) qui informe la phase actuelle du capitalisme dterritorialis, laisse
voir que le mouvement des populations ne se rduit plus uniquement la seule migration de
travail : Il revt dautre