Vers une stratégie urbaine durable Euro-Méditerranéenne ...

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1 Vers une stratégie urbaine durable Euro-Méditerranéenne (SUDEM) dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée. Un diagnostic de la situation des villes méditerranéennes Contribution au groupe de travail urbain du Secrétariat de lUnion pour la Méditerranée Janvier 2012

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Vers une stratégie urbaine durable Euro-Méditerranéenne (SUDEM) dans le cadre

de l’Union pour la Méditerranée.

Un diagnostic de la situation des villes méditerranéennes

Contribution au groupe de travail urbain du Secrétariat de l’Union pour la Méditerranée

Janvier 2012

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Sommaire

Contexte 3

Des défis démographiques et économiques 4

Tenir compte des nouvelles échelles des territoires sous influences urbaine 4

Construire des villes plus « décentes » pour les habitants et les usagers 4

Favoriser des modes de consommation durables 5

Des défis écologiques 7

Articuler les différentes échelles du cycle de l’eau 7

Anticiper la transition énergétique à venir 8

Développer des stratégies d’adaptation au changement climatique 9

Des défis démocratiques 10

Consolider les maîtrises d’ouvrage locales 10

Intégrer les filières informelles dans les politiques urbaines 11

Considérer les besoins des habitants et des usagers 11

Perspectives 12

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Contexte

Lors de la première conférence ministérielle de l’union pour la Méditerranée (UpM) sur le

développement urbain durable, qui s’est tenue à Strasbourg le 10 Novembre 2011, les Ministres en

charge du développement urbain ont adopté une déclaration qui a affirmé une prise de conscience

renouvelée des enjeux liés au secteur urbain comme lieu de convergence et d’intégration de

nombreuses politiques sectorielles, mais aussi comme lieu privilégié d’une gouvernance inclusive,

demande forte du récent « printemps arabe ».

Ainsi, les ministres de l’UpM concernés par le développement urbain ont pu réaffirmer la nécessité

de « mettre en œuvre un aménagement équilibré et durable des villes et des régions capable de

répondre aux enjeux démographiques ainsi qu’aux exigences de solidarité sociale et de

performance économique, respectueux des héritages culturels et soucieux de la préservation de

l’environnement et de la diversité culturelle ».

Parmi les engagements pris à cette occasion, les ministres se sont notamment déclarés, « prêts à

favoriser et à faciliter l’émergence d’une approche de développement durable dans la région euro-

méditerranéenne », et ont appelé à ce titre à « l’élaboration d’une stratégie urbaine durable Euro-

Méditerranéenne (SUDEM) qui respecte le rythme spécifique de chaque Etat, qui sera élaborée par

les hauts fonctionnaires sectoriels avec l’appui du Secrétariat de l’UpM ».

Ce présent document cherche à identifier les principaux défis auxquels sont confrontées les villes

méditerranéennes et auxquels la SUDEM devra proposer des réponses. Il se veut une première

contribution dans le processus nécessairement ouvert et participatif qu’a appelé de ses vœux le

Secrétariat de l’UpM.

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Des défis démographiques et économiques

Si plus de la moitié de la population mondiale est désormais urbaine, dans les pays du pourtour

méditerranéen deux habitants sur trois vivent déjà dans des espaces urbains. Vers 2050, dans les

pays de la rive européenne, la population urbaine pourra se stabiliser pour atteindre près de 170

millions d’habitants (140 millions en 2005), alors que dans les pays des rives Est et Sud celle-ci

devrait doubler pour atteindre plus de 300 millions d'habitants (151 millions en 2005). Le moteur

de cette croissance urbaine y est de plus en plus endogène, alimenté par des redistributions internes,

des migrations interurbaines et un exode rural dont les flux se tarissent (Égypte, Tunisie…) ou se

maintiennent (Turquie, Syrie, Maroc). Un gros tiers de cette croissance aura lieu dans les régions

côtières méditerranéennes et plus particulièrement dans les villes littorales.

Tenir compte des nouvelles échelles des territoires sous influence urbaine

En Méditerranée, une trentaine de capitales politiques ou économiques et quelques métropoles de

plusieurs millions d’habitants concentrent les activités, les ressources financières et les populations

les plus aisées, tout en n’abritant qu’un tiers des populations urbaines des pays. Au-delà des deux

mégapoles de taille mondiale du Caire et d’Istanbul (respectivement près de 16 et 11 millions

d’habitants, 13ième et 28ième plus grosses villes du monde), environ 18% des citadins vivent dans

85 villes de taille intermédiaire (entre 300 000 et un million d’habitants), et la quasi moitié des

urbains vit dans plus de 3 000 villes de moins de 300 000 habitants.

Si des progrès ont été enregistrés depuis plus de vingt ans en matière d’offre de services, de forts

déséquilibres persistent entre grandes et petites villes, zones urbaines centrales et zones

périphériques, quartiers favorisés et quartiers démunis.

Les aires métropolitaines de la rive Nord, constituées par l’intégration de vastes aires sous

influences urbaines, de multiples réseaux de transport, de recherche, de connaissance ou de

financement, sont peu nombreuses à disposer d’une position dominante à l’échelle internationale. A

titre d’exemple, les ports de commerce de Barcelone, Gênes et Marseille peinent désormais à

rivaliser avec Rotterdam pour capter le trafic de container en provenance d’Asie et à destination des

pays Européens.

Pour les pays du Sud et de l’Est, les perspectives sont encore plus contrastées et restent marquées

par un fort degré d’incertitude quant à leur attractivité économique et culturelle, que ce soit à une

échelle nationale, régionale ou mondiale. Avec l’ouverture croissante de leur économies et

notamment avec la perspective de la constitution d’une libéralisation des échanges en méditerranée,

les disparités territoriales y compris à l’intérieurs des métropoles elles-mêmes, semblent encore un

peu plus accentuées.

Construire des villes plus « décentes » pour les habitants et usagers

Presque partout dans les pays méditerranéens, les villes, autrefois compactes, se déploient en tâche

d'huile, souvent le long des littoraux. Elles envahissent leurs périphéries, absorbent de petits

villages jusque-là indépendants, et consomment des terres agricoles périurbaines. Il en résulte à la

fois une artificialisation importante d'espaces naturels accentuant la pression sur les milieux

naturels, en particulier sur les espaces littoraux, une pollution des nappes phréatiques ainsi qu'une

pollution atmosphérique importante au niveau local et une forte croissance des émissions de gaz à

effet de serre. Cela entraine également des dynamiques de fragmentation et de spécialisation des

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espaces urbains, qui se traduisent par un éloignement toujours croissant des pôles d’emploi et de

services pour les classes les moins favorisées, assorti d'une concentration de la pauvreté et des

populations en difficultés, mettant en question la cohésion sociale au sein des villes.

Pour les agglomérations de la rive Nord, les évolutions récentes sont marquées par la dispersion de

la population et de l'emploi, et un double mouvement de périurbanisation et de métropolisation sur

des territoires toujours plus étendus, où l'accès au logement pour les populations les plus démunies

reste un défi à relever.

Au Sud et à l’Est de la Méditerranée, l’extension des villes a longtemps été nourrie par le

dynamisme de l’habitat dit « spontané ». Selon les pays et les agglomérations, entre 30 et 70 % des

citadins ne parviennent à construire leur logement qu'en recourant à des filières informelles de

manière légale ou illégales. Ceci se traduit par un développement de zones d’extension non

contrôlées en périphérie et des conditions difficiles d’accès à l'eau, à l’assainissement et autres

services urbains de base. La forte concentration des populations dans les villes engendre des

problèmes difficiles à gérer en termes d'emploi (chômage des jeunes supérieur à 30 % dans

plusieurs pays), d’accès aux équipements et aux services essentiels (eau, assainissent), de gestion

des déchets ménagers.

Aujourd’hui, il s’agit, au travers des politiques, plans et projets de développement urbain élaborés

et mis en œuvre dans les villes méditerranéennes, de privilégier l’amélioration de l’accès aux

services essentiels et dans certains cas à l’emploi, la gestion des ressources naturelles en offrant des

réponses à l’étalement urbain et la ségrégation socio spatiale.

Favoriser des modes de consommation plus durables

Maîtriser des dynamiques de motorisation de masse et réduire la dépendance croissante à

la voiture

Si la marche reste un mode de déplacement dominant dans les villes méditerranéennes du Sud et de

l’Est, l’usage croissant de la voiture individuelle, favorisé par le déclin de la qualité de service des

transports collectifs, alimente une extension urbaine incontrôlée et une dépendance croissante à la

voiture dans la plupart de villes.

Ce modèle urbain étalé, alimenté par des politiques en faveur de l’équipement des ménages

(ouverture des marchés pour l’importation de voitures, développement du crédit à la consommation,

subventionnement des carburants, etc.), peine à fonctionner sans réel développement économique.

La perte de temps pour les populations liées à la congestion des axes de déplacement, mais aussi le

poids de la facture énergétique pour les ménages et pour l’état et son impact en matière de balance

commerciale des pays méditerranéens, pour la plupart importateurs de pétrole, en sont les

principales conséquences. Les coûts induits pour la collectivité sont vraisemblablement très élevés,

et ces dysfonctionnements impactent lourdement la compétitivité des villes méditerranéennes.

Maîtriser une demande croissante d’énergie dans le bâtiment et la construction

Sous l’effet conjugué de la pression démographique et de la croissance économique, la région est

soumise à une forte augmentation de la demande en énergie, en particulier en électricité, qui devrait

être multipliée par 1,5 d’ici 2030. Cette demande devrait croître 4 à 5 fois plus rapidement dans les

PSEM que dans les pays de la rive nord, jusqu’à représenter en 2030 plus de 42 % de la demande

d’énergie du Bassin méditerranéen, contre 30 % en 2007.

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En Méditerranée, le bâtiment (secteurs résidentiel et tertiaire) représente environ 38 % de l’énergie

finale consommée (ce pourcentage varie entre 27 et 65 % dans les PSEM). Le secteur « résidentiel »

(c’est-à-dire le logement produit par le secteur conventionnel) consomme entre 21 et 51 % des

productions nationales d’électricité. Dans une perspective tendancielle, la part croissante du

bâtiment dans les bilans énergétiques et électriques ne devrait pas s’infléchir dans les années à venir

étant donné la croissance de la population de la région et l’augmentation du niveau de vie global.

Le secteur « résidentiel », qui représente à lui seul 70 % des émissions de Gaz à Effet de Serre

(GES) du secteur du bâtiment, représente un enjeu majeur, car il peut permettre d’agir à la fois sur

la demande (mesures d’efficacité énergétique) et sur l’offre (intégration d’énergies renouvelables).

Responsable à lui seul de plus d’un tiers de la consommation d’énergie des pays méditerranéens, le

secteur pourrait permettre jusqu’à 60 % d’économies d’énergie à des coûts relativement compétitifs.

Anticiper sur l’évolution de la consommation des ménages pour maintenir la salubrité

dans les villes

L’évolution de la consommation dans les pays du Sud et des pressions qu’elle induira sur la

production et la composition des déchets représente un autre enjeu majeur. Pour les pays du Sud et

de l’Est de la Méditerranée, l’évolution des revenus des ménages se traduit par une évolution plus

importante de la consommation courante à fort potentiel de déchet (élasticité de la demande dans un

rapport de 1,5 à 2,2).

En Tunisie, l’évolution du volume de déchet est de 3 %/an. La consommation et production des

déchets devraient évoluer principalement en zone urbaine. Au Maroc, la part des déchets d’origine

urbaine est désormais de 5 MT sur les 6,5 MT produites, dont seulement 15 % sont déposés dans

des décharges contrôlés.

Des taux de croissance urbaine de 0,7 % /an en Espagne et Grèce, et de 3,6% au Maroc et en

Tunisie ont eu des répercussions différentes selon les villes en fonction de leur capacité des villes à

absorber cette augmentation des besoins en infrastructures de ces services essentiels.

Au « Nord », l’obligation de préserver les ressources et de maîtriser les impacts des filières de

recyclage et de traitement, dans une urbanisation moins dense, se traduit par un effort logistique

supplémentaire, tout en intégrant les contraintes environnementales des installations de traitement.

Toutefois, la crise des déchets de Naples rappelle aussi que rien n’est définitivement acquis en la

matière.

Au « Sud », les périphéries des villes sont la plupart du temps constituées par de l’habitat spontané

qui rend la mise à disposition de services de base difficile. L’enjeu principal dans les villes du Sud

reste donc l’accès et le maintien de la salubrité des villes et d’un cadre de vie digne.

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Des défis écologiques

Les perspectives de croissance des villes méditerranéennes ne font que préfigurer une aggravation

de problèmes actuels déjà inquiétants : une consommation foncière excessive (artificialisation des

sols, perte irréversible de terres arables) ; une accélération de la dégradation du patrimoine culturel

bâti ; une pollution des nappes phréatiques; une gestion des déchets inefficace; et des effets

cumulatifs de tous ces facteurs sur les milieux et la santé des populations.

Articuler les différentes échelles du cycle de l’eau

Limiter la dépendance vis-à-vis de ressources en eau éloignées

Dans certains pays méditerranéens, une partie des approvisionnements en eau des régions côtières,

en particulier pour l’eau potable des grandes villes mais aussi pour l’irrigation, procède aujourd’hui

de sources non durables : surexploitation de nappes souterraines littorales alors exposées au risque

d’intrusion d’eau salée (Espagne, Gaza, Tunisie, etc.), ou transfert d’eau provenant de l’exploitation

minière de ressources non renouvelables, hors du bassin méditerranéen (Libye).

Les ressources en eau locales, notamment souterraines, des régions côtières tendent à diminuer et à

voir leur qualité baisser du fait des impacts de l’urbanisation (réduction d’apports, effets de

drainage du fait des aménagements urbains souterrains, pollutions diverses, etc.) et, à plus long

terme, des incidences du changement climatique. L’élévation du niveau de la mer pourrait entraîner

des problèmes accrus de salinisation dans les estuaires et d’apparition de biseaux salés.

Dans les régions côtières, les prélèvements en eau sont dès à présent supérieurs aux ressources

locales naturelles renouvelables (et a fortiori aux ressources exploitables) dans la plupart des pays

du Sud et de l’Est. Dans ces pays, les demandes en eau sont en partie satisfaites via des adductions

d’eau depuis les arrière-pays, comme c’est le cas pour l’approvisionnement en eau d’Athènes,

Marseille, Tel-Aviv ou encore Tripoli, ou par le recours aux ressources en eau non conventionnelles,

comme c’est le cas en Algérie, Espagne, Israël, Chypre, Tunisie.

Réduire les pollutions à la source et privilégier des approches territorialisées

L’hypothèse souvent retenue d’une économie d’échelle permise par un réseau urbain unique de

distribution et d’évacuation ne se vérifie pas nécessairement du fait, en particulier, des coûts

énergétiques associés aux fonctions de circulation de l’eau au sein du réseau, même dans les

situations où la topographie peut permettre un fonctionnement gravitaire.

Le mélange des flux de qualité différente tend aussi à rendre plus complexe et donc plus coûteuse

leur gestion conjointe (eaux usées domestiques et eaux d'orage, traitement conjoint des eaux grises

et des eaux noires, etc.). Le financement de ces investissements et les coûts de fonctionnement qui

leur sont associés, ainsi que la répercussion sur les factures d’eau, présentent des enjeux sociaux

forts en matière de politiques et dépenses publiques.

Des sommes de plus en plus considérables sont investies pour traiter la pollution après qu’elle ait

rejoint les milieux aquatiques (solutions dites du type « end of pipe technologies »). Ces solutions

relevant davantage du génie de l’environnement que d’approches territoriales permettant de réduire

les pollutions à la source ont une efficacité de plus en plus limitée. Il conviendrait plutôt de

privilégier le traitement des eaux usées, avec des techniques et des échelles de gestion variables,

selon la densité de population, la pression foncière, etc.

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Anticiper la transition énergétique à venir

L'énergie est un des facteurs qui détermine l'augmentation de l'empreinte écologique urbaine, de la

pollution de l'air et, plus généralement, de la dégradation de l'environnement. Les villes sont, par

définition, des points clefs de la consommation d'énergie. Particulièrement dans les PSEM, la

dépendance «fossile» des pays et donc des villes atteint désormais les 90%. La croissance de la

consommation des produits pétroliers reste fortement corrélée au développement du secteur des

transports. Le développement de la production d’électricité à partir de ressources fossiles

(notamment gaz), en réponse à une demande électrique en croissance résultant notamment d’un

recours important aux équipements électriques, constitue aussi une tendance lourde des PSEM pour

les années à venir.

Cette dynamique devra cependant nécessairement s’inscrire dans la perspective d’une raréfaction

des ressources fossiles à moyen terme, ainsi que d’une nouvelle répartition de ces ressources. Dans

ce contexte, le recours aux énergies renouvelables et à des politiques de maîtrise de la demande

constituent des voies pour anticiper dès à présent la transition énergétique à venir, par un

renforcement de la valorisation des ressources locales en lien avec les besoins des territoires. La

mise en œuvre de ce mouvement par des politiques de planification et d’aménagement devra

s’appuyer sur des maitrises d’ouvrage locales à compétences renforcées.

Une prépondérance des villes dans la consommation totale d'énergie

Les PSEM connaissent une urbanisation accélérée qui s’accompagne d’une demande massive de

logements. A l’horizon 2030, les experts prévoient un besoin de près de 42 millions de logements

supplémentaires principalement situés dans les villes. Sous l’effet conjugué de la pression

démographique et de la croissance économique, la Méditerranée devrait être soumise à une forte

augmentation de la demande en énergie qui devraient être multipliée par 1,5 d’ici 2030, avec près

de 60 à 70% de la consommation d’énergie finale issues des secteurs résidentiels et tertiaires du

bâtiment.

Cette demande dans les PSEM devrait croître 4 à 5 fois plus rapidement que celle des pays de la

rive nord jusqu’à représenter en 2030 plus de 42% de la demande d’énergie du Bassin

Méditerranéen contre 30% en 2007. D’autre part, la dépendance énergétique des PSEM s’accentue

progressivement au fil du temps, laissant présager d’inévitables tensions dans le futur. Dans ce

contexte, répondre à cette demande croissante va représenter un véritable défi pour les PSEM dans

les années à venir et impliquer de lourds investissements. Ces investissements concerneront en

partie le développement des réseaux de distribution d’électricité et du gaz naturel ainsi que des

installations de production de sources d’énergies renouvelables, mais aussi des infrastructures de

réseaux engendrés par les projets urbains. Ils devraient aussi permettre de développer des

expérimentations locales où la question de l’énergie est fortement intégrée à l’échelle des projets

urbains, tant au niveau de l’offre que de la demande.

Le développement de ces actions à des échelles urbaines importantes nécessitera une offre

industrielle en matériaux et équipements, une capacité d’ingénierie technique adaptée et des

services énergétiques associés. Ceci est susceptible de structurer et de renforcer à des échelles

locales des pans importants de la filière bâtiment, ce qui nécessite une anticipation en formation et

main d’œuvre associées. La mise en chantier d’une production importante de logements représente

aussi l’opportunité d’envisager, à des échelles urbaines cohérentes avec les enjeux énergétiques

associés, la fabrique de bâtiments tendant vers un équilibre fort entre besoins et ressources locales.

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Construire des stratégies d’adaptation au changement climatique

La région méditerranéenne est soumise à de nombreux et puissants aléas. Elle est particulièrement

sensible aux accidents météorologiques et aux séismes, dont les villes, par leur concentration

démultiplient les conséquences. Ainsi les zones d’habitat spontané, très densément peuplées, sont

particulièrement vulnérables aux risques naturels séismes, inondations, glissements de terrain, feux

de forêt. Par ailleurs les inondations catastrophiques, liées aux précipitations parfois violentes du

climat méditerranéen, mais aggravées par le déboisement, l’artificialisation des sol et les

constructions sur les pentes, constituent un risque majeur pour bon nombre de villes

méditerranéennes en Algérie, Espagne, France, Grèce Italie ou en Turquie.

La vulnérabilité historique des villes méditerranéennes est désormais renforcée par les

conséquences du changement climatique. La Méditerranée est l’une des régions du monde dans

lesquelles le réchauffement climatique devrait marquer le plus l’environnement et les activités

humaines. Une diminution générale des précipitations moyennes sur l’ensemble du bassin

méditerranéen est attendue, ainsi qu'une plus grande occurrence d’événements extrêmes (vagues de

chaleur et sécheresses continentales en nette augmentation) d’ici 2100.

Parmi les zones méditerranéennes les plus vulnérables se trouvent les zones côtières, qu’elles soient

au nord ou au sud du bassin, ainsi que les zones à forte croissance démographique (rives Sud et Est)

où se trouvent les villes denses et les banlieues.

Les villes méditerranéennes, moins émettrices de GES mais néanmoins plus impactées que d’autres

régions du monde, sont donc particulièrement concernées par l’élaboration de stratégies

d’adaptation au changement climatique.

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Des défis démocratiques

La gouvernance des villes du Sud et de l’Est de la Méditerranée est caractérisée par le rôle

prépondérant des Etats, une centralisation administrative encore importante et une faible autonomie

des échelons intermédiaires. La qualité du processus de démocratie locale (gouvernance urbaine) est

un facteur clé de l’orientation effective du développement urbain vers des modèles plus durables.

Consolider les maîtrises d’ouvrage locales

Dans la plupart des pays, les Etats jouent un rôle prépondérant dans la planification et la gestion

urbaine. Lorsque ces compétences sont décentralisées auprès des autorités locales, la répartition des

responsabilités peut encore sembler incertaine. Les modalités de coordination des politiques

publiques territoriales et sectorielles restent à inventer entre l’ensemble des acteurs locaux.

Aider à une meilleure gouvernance de vastes territoires urbains interdépendants

Au Sud, à l’Est comme au Nord, l’étalement urbain déborde des frontières administratives et tend à

déconnecter l’organisation administrative du territoire de son fonctionnement réel.

La confusion dans la répartition des compétences, ainsi que les rivalités institutionnelles, peuvent

engendrer des effets de concurrence entre institutions sur les territoires et réduisent la cohérence de

l’action publique. Dans la plupart des cas, la création d’agences autonomes chargées de la mise en

œuvre d’un projet territorial ne conforte pas les structures administratives conventionnelles.

Nombre d’instances de coordination ne sont pas dotées des pouvoirs de tutelle suffisants pour

exercer leur fonction d’arbitrage.

Aider à l’encadrement d’une offre privée alimentant la fragmentation urbaine

Au Sud et à l’Est, la faible attractivité de la fonction publique et la dispersion de l’ingénierie

urbaine dans de multiples institutions publiques ou privées, engendrent un affaiblissement des

capacités techniques au sein des villes avec pour conséquences une prédominance des logiques

opérationnelles et une faible régulation du secteur privé. Les exercices de planification urbaine,

lorsqu’ils existent, sont souvent inopérants et peu respectés. Devant l'incapacité des pouvoirs

publics à répondre à la demande en logements, sans cesse renouvelée par la croissance urbaine, les

investisseurs et les développeurs se sont imposés dans la plupart des villes méditerranéennes par

une offre de quartiers résidentiels, éloignés du centre, où la qualité de vie dans des espaces fermés

et sécurisés est valorisée.

Relevant la plupart du temps d'opportunités foncières (déclassement de terre agricole, vente de

terrains publics) plus que d’un exercice de planification stratégique, l’échelle généralement

conséquente de ces projets, leur confère parfois le statut de projet national qui s'impose à la maîtrise

urbaine locale, si elle existe, et leur assure un fort soutien des autorités centrales.

Les projets réalisés, coexistent sans réel lien avec leur environnement initial, voire en sont

volontairement coupés (« gated communities » et autre condominiums surveillés). Ils alimentent la

fragmentation urbaine et n'envisagent pas les impacts de leur développement, en termes

environnementaux et sociaux.

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Intégrer les filières informelles dans les politiques urbaines

Face à une création insuffisante d’emplois, les activités informelles permettent la survie de millions

de gens (environ 30 % des actifs urbains en Turquie, 45 % en Égypte et en Tunisie, 40 % en Algérie

ou au Maroc). Au-delà de la sur-densification des habitats anciens, observée dans de nombreuses

villes méditerranéennes (Egypte, Maroc par exemple) dont elle provoque la dégradation,

l'inadéquation entre la croissance des populations urbaines, l’offre de logements et les disponibilités

foncières a imposé à de nombreux arrivants ou citadins le recours à la filière informelle. Cela a ainsi

favorisé l'extension des villes de manière non contrôlée, non équipée, non structurée et non décente.

L'émergence de secteurs entiers sous-équipés a engendré une ségrégation socio-spatiale par la

création de poches de pauvretés (bidonvilles).

La Tunisie est sans doute la première à avoir reconnu le problème. Dès le début des années 1980,

elle s'est engagée dans plusieurs actions afin de transformer l'ensemble de ses « gourbivilles », pour

qu’ils puissent être démantelés ou équipés et intégrés à la ville régulière. Le Maroc a lancé le plan

« Villes sans Bidonvilles », auquel l'INDH (Initiative Nationale pour le Développement Humain) a

donné un cadre opérationnel. Pour autant, les actions publiques dédiées à la résorption des quartiers

sous-intégrés ne s'adressent qu'aux citadins (irréguliers), n'anticipant que peu la croissance en cours.

En matière de transports urbains, face aux insuffisances de l’offre collective conventionnelle, le

développement d’une offre privée de transport spécialisé (scolaire, universitaire, administratif) se

renforce. Réponse immédiate aux besoins de mobilité quotidienne, ces dispositifs entrent en

concurrence directe avec les transports publics. Les transports artisanaux, taxis collectifs et minibus,

comptent aussi parmi les principaux acteurs des transports urbains. Leur développement

accompagne les dynamiques d’urbanisation extensives où l’offre institutionnelle ne peut suivre

l’évolution de la demande. Adossé à des investissements privés et fortement créateur d’emplois, il

constitue un secteur socio-économique de toute première importance. Ces situations complexifient

la coordination des opérateurs et nuisent à la constitution d’une offre de transport globale et intégrée

à l’échelle des villes.

Enfin, en matière de collecte et de traitement des déchets, la réactivité du secteur informel permet

d’offrir des services essentiels sur les secteurs les plus rémunérateurs. Seul moyen de subsistance

pour de nombreuses populations, elle offre un service limité en volume. L’extension de ces services

au tout venant et dans certains quartiers pauvres reste difficile.

Considérer les besoins des habitants et des usagers

Même si cela dépend évidemment pour beaucoup du contexte politique et culturel de chaque pays,

la participation des citoyens et plus largement de la société civile (entreprises, associations, etc.) à la

définition des besoins, au cœur des principes du développement durable, n'est pas une pratique

encore très développée dans les villes méditerranéennes. L'inadéquation de la réponse aux besoins

(non)exprimés des habitants non consultés est souvent relevée dans de nombreuses opérations.

Les premiers échecs des cités d'habitat social à Tripoli (Liban) comme ailleurs et le rythme soutenu

de la mobilité résidentielle rappellent par ailleurs la nécessité de l'appropriation des lieux par les

habitants, pour la pérennité des projets. Toutefois, les réalisations de maisons plurifamiliales,

d'Idmaj Sakan à Casablanca, d’autres réalisations novatrices dédiées également à l'habitat social en

Egypte, montrent une prise de conscience récente des opérateurs pour considérer, par-delà les

morphologies bâties, le rôle déterminant des espaces publics et des équipements ainsi que

l’importance d’une gestion partagée pour l’exploitation des installations.

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Perspectives

Plusieurs projets affichés comme "éco-quartiers" ou "quartiers durables" ont vu le jour depuis ces

quatre dernières années dans les pays de la rive Sud de la Méditerranée, et plus largement du monde

arabe. De nombreux projets de développement urbain plus durable sont en cours de réalisation au

Maroc (Anfa, Zenata, Bouregreg, etc.) ou en Egypte (Parc El Aznar, etc.). Apparu en 2006, Masdar

à Abu Dabi est sans doute le premier signal de ce nouveau type d'espace. Cette tentative de ville

"zéro carbone" correspond d'une certaine façon à l’importation des nouveaux standards de

l’urbanisme international, empreints de nouvelles préoccupations environnementales.

En matière de transports urbains, le métro d’Alger, l’extension de celui du Caire, les lignes à haut

niveau de service d’Istanbul, les projets de tramway au Maroc et en Tunisie sont les fruits de

politiques publiques en faveur du développement de transports collectifs. Ces exemples illustrent

une prise de conscience des pouvoirs publics des enjeux associés aux questions de mobilité urbaine.

Mais les démarches intégrées transport/urbanisme restent rares. Le plus souvent, les pratiques des

acteurs publics et privés restent régies par des logiques opérationnelles, liées aux contraintes de

mise en œuvre des opérateurs, plutôt que par des préoccupations territoriales. Cela se traduit par

l’importation de produits urbains génériques, encore clairement dépendants de l’automobile.

Enfin, des pratiques innovantes émergentes se développent aujourd’hui, pour une préservation et

une meilleure gestion de la ressource en eau dans les villes méditerranéennes. Il s’agit par exemple

de la réutilisation des eaux usées (qui contribue à redonner une « valeur » à l’eau usée), de

techniques alternatives d'assainissement pluvial par infiltration locale plutôt que par évacuation hors

de la ville, de techniques d'assainissement décentralisé, en particulier dans les zones à faible densité

de population. La gestion de la « demande en eau urbaine », déjà engagée dans certaines villes, avec

par exemple une réduction de l’utilisation par habitant à Tel-Aviv et Tunis, contribue à limiter les

tensions sur l’eau ou à accroître le nombre d’usagers desservis sans redimensionnement des

réseaux.

Ces initiatives de nature et d’échelle diverses illustrent une prise de conscience progressive des

enjeux du développement urbain durable parmi les décideurs méditerranéens. C’est cette évolution

significative que devra accompagner et soutenir la Stratégie urbaine durable Euro-Méditerranéenne

en s’appuyant notamment sur des démarches stratégiques déjà engagées dans chacun des pays

concernés.

Dans les pays de l’union européenne un cadre stratégique existe pour les politiques publiques en

matière de développement urbain durable. On rappellera pour mémoire :

- La charte des villes européennes pour la durabilité (Aalborg 1994 et Aalborg+10 2004),

- L’agenda territorial de l’UE et la constitution d’un cadre de référence des villes durables,

- La Charte de Leipzig (2007).

En Méditerranée, des stratégies sectorielles nationales existent dans les pays. Certains ont pu

adopter des plans ou des stratégies nationales en matière de développement urbain (Plan ville

Durable en France, Stratégie Nationale de Développement Urbain SNDU au Maroc). Au plan

régional, la Stratégie Méditerranéenne de Développement Durable (2005) comporte un volet qui

traite des espaces urbains. Dans son prolongement, l’élaboration d’une Stratégie urbaine durable

Euro-Méditerranéenne (SUDEM) établie sous l’égide de l’UpM, dont le cadre de référence

européen existant (et encore en développement) pourrait être source d’inspiration, devrait être en

mesure de répondre à ce triple défi, démographique, écologique et démocratique, auquel sont

confrontées les villes Méditerranéennes.

Page 13: Vers une stratégie urbaine durable Euro-Méditerranéenne ...

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Sources :

Séminaire régional de Skirat, DGCL Maroc, World Bank, AFD, MEEDDAT, Ville de Marseille, CODATU,

Plan bleu (2008) Les déplacements en Méditerranée, Guide de recommandations.

Plan d'action pour la Méditerranée (2005) Stratégie méditerranéenne pour le Développement durable

Plan Bleu (2005). Méditerranée, les perspectives du Plan Bleu sur l’environnement et le développement,

dirigé par G. Benoit et A. Comeau. Éditions de l’Aube. Chapitre « Les espaces urbains », pp. 193-243.

Chaline C. (2001) L’urbanisation et la gestion des villes dans les pays méditerranéens. Évaluation et

perspectives d’un développement urbain durable. Rapport pour le Plan Bleu.

UN Habitat. State of the Harmonious Cities 2008/2009 World’s report.

Mobilité urbaine et développement durable en Méditerranée, Diagnostic Prospectif Régional, S Houpin,

Plan Bleu, Avril 2010.

Les Cahiers du Plan Bleu N°6 (Mars 2010), ‘’Infrastructures et Développement énergétique durable en

Méditerranée : Perspectives 2025’’

Plan Bleu, en cours 2010, ‘’Energie, changement climatique et bâtiment en Méditerranée : perspectives

régionales’’, avec le support de la BEI.

Plan Bleu (2010): rapport de stage Master II, Amandine GNONLONFIN- Déchets et flux de matières en

Méditerranée

Plan Bleu (2010) : Etude nationale sur la gestion des déchets en Egypte

Plan Bleu (2011) : rapport à la demande de la BEI : Identification de critères de mise à l’examen de projets

urbains durables dans le cadre de l’Union pour la méditerranée. Sylvain Houpin, Janvier 2001