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Vers une politique de gestion intégrée des eaux pluviales : les éclairages apportés par la recherche ACTES DU SEMINAIRE organisé le Mercredi 9 septembre 2015 Auditorium du Ministère de l’Ecologie - Tour Séquoia, Paris La Défense Séminaire organisé par le CGEDD avec l’appui du Cerema dans le cadre de la mission d’expertise de la politique de gestion des eaux pluviales, en partenariat avec les observatoires de terrain en hydrologie urbaine

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Vers une politique de gestion intégrée des eaux pluviales :

les éclairages apportés par la recherche

ACTES DU SEMINAIRE organisé

le Mercredi 9 septembre 2015 Auditorium du Ministère de l’Ecologie - Tour Séquoia, Paris La Défense

Séminaire organisé par le CGEDD avec l’appui du Cerema

dans le cadre de la mission d’expertise de la politique de gestion des eaux

pluviales, en partenariat avec les observatoires de terrain en

hydrologie urbaine

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Sommaire OUVERTURE PAR PATRICE PARISÉ 5

TABLE RONDE N°1 : LA PLUIE, LES FLUX D’EAUX PLUVIALES, LEUR CONNAISSANCE ET LEUR MAITRISE 7

TABLE RONDE N°2 : LES POLLUTIONS TRANSFEREES ET LEURS IMPACTS 20

TABLE RONDE N°3 : LES DISPOSITIFS DE GESTION DES EAUX PLUVIALES 35

TABLE RONDE N°4 : ACTEURS, TERRITOIRES ET GOUVERNANCE 43

TEMOIGNAGE DE BERNARD CHOCAT 56

CONTRIBUTIONS COLLECTIVES 63

L’HYDROLOGIE QUANTITATIVE : UN ELEMENT STRUCTURANT DE LA VILLE DURABLE 65

LES POLLUTIONS TRANSFEREES ET LEURS IMPACTS : CARACTERISATION, SOURCES ET FLUX, IMPACT SUR LE MILIEU 77

LES DISPOSITIFS DE GESTION DES EAUX PLUVIALES 85

ACTEURS, TERRITOIRES, GOUVERNANCE ET GESTION 97

LISTE DES PARTICIPANTS 111

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Ouverture Patrice PARISÉ, Vice-président du CGEDD

Bonjour à toutes et à tous et bienvenue à ce séminaire consacré aux apports de la recherche aux politiques de gestion des eaux pluviales.

Je suis doublement heureux, d’une part de vous accueillir, mais aussi parce que ce sujet me ramène quarante années en arrière. C’est un sujet sur lequel j’ai beaucoup travaillé et qui m’a beaucoup intéressé. Une centaine de spécialistes de la recherche, des collectivités et des services de l’Etat débattront aujourd’hui au sein de quatre tables rondes, sur la base d’éléments préparés par nos équipes.

Cette initiative du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) s’inscrit dans le cadre d’une mission confiée au Conseil par la Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, consistant à dresser un état de la gestion des eaux pluviales en France, à rechercher des expériences étrangères instructives et à proposer un plan d’action.

L’une des missions du CGEDD consiste à procéder à des évaluations des politiques publiques et à éclairer les ministres sur les initiatives les plus pertinentes à mettre en œuvre. L’équipe chargée de répondre à la commande de la Ministre est composée de Pierre-Alain Roche, qui la coordonne, de Jean-Louis Hélary, de Rémi Velluet et d’Yvan Aujollet. Ils sont parmi nous aujourd’hui. Ils pourront répondre à vos questions et vous pourrez échanger avec eux si vous le souhaitez.

Cette équipe bénéfice de l’appui très précieux du Cerema, et notamment de sa Direction technique territoires et villes, que beaucoup connaissent sous son ancien nom de Certu. Je la remercie vivement. Nathalie Le Nouveau participe plus particulièrement aux réflexions de la mission. Son engagement lui apporte beaucoup.

Pour ma part, je tiens à relever deux aspects originaux de ce travail. Le premier est la méthode utilisée et le seconde tient à la nature du sujet.

Commençons par la méthode. Le CGEDD organise des colloques sur de grands sujets transversaux, mais cela se fait rarement à l’occasion d’une mission particulière et au cours de celle-ci. Il n’est pas fréquent que le CGEDD organise des séminaires à l’occasion d’une mission. Les missionnés ont plutôt l’habitude de travailler en rencontrant les parties prenantes ou les experts, avec de nombreux accords bilatéraux, en vue de rédiger un rapport en aval. Eventuellement, en fin de parcours, un colloque de restitution peut être planifié. Organiser un séminaire en début de mission reste en revanche assez peu fréquent, simplement pour des raisons matérielles. Nous avons en effet de nombreuses missions à réaliser chaque année – entre 300 et 400 qui donnent lieu à des rapports ou des avis. Nous ne pouvons bien évidemment pas nous permettre d’organiser un colloque pour chacune de ces missions. Dans le cas présent, nous avons eu l’opportunité de le faire, car la Ministre a eu la sagesse de nous accorder plus de temps. Certaines missions doivent être terminées la veille pour le lendemain. Ici, le délai est plus long. Cette démarche constitue en outre une belle preuve d’humilité de membres de la mission. La plupart d’entre eux sont d’éminents spécialistes du sujet. Ils auraient pu se contenter de rencontrer leurs relations dans le domaine et de produire un rapport. Leur rapport aurait alors été de qualité. Ils ont néanmoins fait ce choix, qui apparaît comme un bon moyen d’enrichir la réflexion et de bénéficier des points de vue les plus divers.

Cette démarche est donc quelque peu originale, et c’est pour cette raison que nous la suivrons attentivement, pour déterminer si elle s’avère fructueuse. Au fond, la mission compte sur vous.

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Seconde originalité : il est assez rare qu’un sujet spécifique interfère avec autant de domaines et de disciplines. Je noterai pour ma part cinq enjeux principaux et interdépendants.

Le premier vise à distinguer la maîtrise des eaux pluviales avec celle du ruissellement plus en amont, sur les bassins versants. Cette problématique n’est certes pas nouvelle, mais elle reste en tout cas d’actualité, notamment eu égard aux récents événements qui ont touché Montpellier. Il est évident que le périmètre du système à considérer ne se limite pas à celui de la ville. Il faut, quoi qu’il en soit, bien déterminer jusqu’où aller.

Le second enjeu renvoie à l’émergence depuis les années 70 des techniques alternatives (maîtrise des écoulements, stockage à la parcelle, infiltration, etc.). Depuis cette période, l’action de la puissance publique ne s’est plus limitée à la prise en charge des débits générés par l’imperméabilisation, pour les transporter, éventuellement les traiter et les rejeter au milieu. Les pouvoirs publics interviennent bien plus en amont, au niveau de l’acte de construire, ce qui pose diverses questions : quelles prescriptions ? A quel coût ? Avec quelle efficacité ? Comment intervenir sur le bâti existant et les aménagements existants, qui se renouvellent ou mutent à faible vitesse dans des périodes de contrainte économique ? Ici, la question la plus cruciale et la plus déterminante porte sur l’action sur le bâti existant, alors qu’il est beaucoup plus facile d’agir sur le neuf. Ces problématiques se posent aussi sur les questions d’assainissement pluvial.

Le troisième enjeu renvoie à la conciliation de la problématique de la préservation des milieux, notamment des nappes phréatiques : comment infiltrer sans danger des zones de ruissellement qui ont pu se charger en métaux lourds ou en hydrocarbures ? A partir de quel moment les eaux pluviales doivent-elles être traitées, comme l’ont été progressivement les eaux usées ? La directive-cadre européenne sur l’eau ne conduira-t-elle pas à proscrire progressivement les déversoirs d’orage, au moins dans certains secteurs sensibles ? Quel serait réellement le coût de ces mesures, dont on dit qu’elles pourraient atteindre plusieurs centaines de millions d’euros dans certaines grandes agglomérations ?

Quatrième enjeu : les aménagements de maîtrise des eaux pluviales en milieu urbain au sein des voiries, des espaces publics, des trottoirs ou des parcs et jardins entraînent une gestion de plus en plus complexe. Cela renvoie à la façon dont les habitants perçoivent ces aménagements, positivement ou négativement, ou à la fréquentation de l’eau en ville. Elle est perçue comme bénéfique par beaucoup, mais elle exige de prendre aussi en compte de nombreuses questions. Elle impose finalement aux collectivités de se donner les moyens d’assurer une cohérence d’ensemble de toutes les problématiques propres aux aménagements.

Enfin, le cinquième enjeu est celui des financements. Cette question a connu de nombreuses péripéties au cours des dernières années. Finalement, le secteur de l’assainissement pluvial restera l’un des seuls à être traité au niveau communal, de manière obligatoire, sans prescription particulière et sans ressources affectées. Il apparaît donc là des marges de progrès sensibles. L’intitulé d’un très ancien colloque, « L’eau sous la ville, la ville sous l’eau et la ville et les sous » reste d’actualité.

Merci de votre attention et merci à ceux qui se sont mobilisés pour l’organisation de ce séminaire.

Je vous souhaite une bonne journée.

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Table ronde n°1 : La pluie, les flux d’eaux pluviales, leur connaissance et leur maîtrise

Participent à cette table ronde :

Hervé ANDRIEU et Claude JOANNIS, Ifsttar-Nantes

Emmanuel BERTHIER, Cerema – Direction territoriale Ile de France

Isabelle BRAUD, Irstea – Centre de Lyon

Claude JOANNIS Je suis censé introduire le débat. Je travaille à l’Ifsttar. Je suis l’animateur actuel du

SOERE Urbis, qui est une fédération d’observatoires en hydrologie urbaine.

Je précise que nous avons changé le titre de notre présentation, qui ne porte plus sur la maîtrise des flux, mais sur la ville durable.

Nous assurerons une présentation à quatre voix. Je commencerai par une introduction très brève, car la plupart des propos que je pensais prononcer ont déjà été abordés.

L’hydrologie urbaine et la contribution de l’hydrologie à la ville durable doivent répondre à différents objectifs. Le premier objectif est un objectif historique, le risque inondation. Je ne le détaillerai pas. Le second, qui a été davantage développé autour de la ville et son assainissement renvoie à la réduction des flux rejetés à des niveaux de service 1 et 2. L’objectif suivant, la réduction des polluants à la source, est encore plus louable. Toutefois, la question des techniques alternatives et de la gestion durable des eaux pluviales va au-delà de ces deux objectifs ayant trait aux inondations et à la pollution. Il apparaît en effet une dimension idéologique – au sens noble du terme. Il s’agit de se rapprocher du cycle naturel de l’eau, en favorisant les infiltrations ou en luttant contre les effets néfastes de l’imperméabilisation.

Après des objectifs de limitation des nuisances, nous trouvons des objectifs établis au regard d’une contribution positive sur le climat urbain, la biodiversité (végétale, animale, aquatique, etc.). Ces thématiques renvoient alors à des problématiques de ressources en eau, afin de maintenir ces végétations et, au-delà, à des questions de paysage et d’aménités un peu moins quantifiables. Enfin, le dernier objectif porte sur la gestion de la ville souterraine (réseaux, fondations, caves, etc.), qui devient aussi un objectif de l’hydrologie urbaine.

I) Le cycle de l’eau en milieu urbain On s’est, par le passé, surtout intéressé au caractère partiellement imperméabilisé du

milieu urbain, de l’ordre de 50 %. Nous nous mobilisons maintenant sur ce qui se passe sous la surface, et pas uniquement dans les réseaux. Ainsi, cinq composantes des débits à l’exutoire mériteraient d’être détaillées : les réseaux, le sol ou les tranchées. On ne s’intéresse plus exclusivement au temps de pluie. Le temps sec et l’évapotranspiration font son entrée dans l’hydrologie urbaine comme en hydrologie générale.

Des données expérimentales ont été recueillies sur l’observatoire nantais de l’ONEVU. Nous avons produit un bilan sur un bassin séparatif, imperméabilisé à 40 %. La moitié des 700 millimètres de pluie qui sont tombés est repartie dans l’atmosphère et ne se retrouve pas aux exutoires. 20 % se sont infiltrés dans le sol et ne se retrouvent donc pas non plus aux exutoires. Il en reste donc 30 % disponible au ruissellement. Un coefficient d’imperméabilisation de 40 % n’apparaît pas particulièrement scandaleux.

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En analysant en détail ce qu’il advient dans les réseaux, on retrouve bien les 30 % de ruissellement : 20% se retrouvent dans le réseau d’eau pluviale et 10% dans le réseau d’eaux usées, ce qui n’était pas totalement prévu. En outre, en volume, le ruissellement ne contribue que pour la moitié du volume recueilli. 19 % rapportés à la pluie annuelle proviennent donc des infiltrations dans le réseau d’eaux usées et 7 % dans le réseau d’eau pluviale. De cette manière, le bilan n’est pas bouclé pour autant. Nous avons donc été conduits à postuler un apport extérieur de 10 % de fuites du réseau d’eau potable.

Sur des bassins versants séparatifs pluviaux, la production des pluies qui s’échelonne entre 2 et 40 millimètres varie grandement entre l’été et l’hiver, où la production est plus importante et très variable. Il existe déjà des modèles, comme l’hydrobox développé par nos collègues de l’INSA, qui prend en compte explicitement le rôle du sous-sol et des infiltrations. Ce système est mono-exutoire mais peut être étendu à plusieurs exutoires.

En sortie du modèle, sur un épisode de quelques jours, une comparaison entre le simulé et le mesuré révèle que le début de l’épisode est bien reproduit, puis la suite un peu moins bien. En étudiant le détail des contributions au débit total – car le modèle permet de séparer les différentes contributions, notamment celle du sol – la contribution du ruissellement est prépondérante au début de l’événement, mais beaucoup plus modeste pour la suite de l’événement. Au final, il a fallu, pour obtenir des résultats assez satisfaisants, prendre en compte une composante d’infiltration assez importante.

Tout cela nous montre que les systèmes hydrologiques des pluies courantes ont une mémoire. On ne peut pas se contenter de ce qui se passe au moment de la pluie ou juste après. Il faut tenir compte des antécédents. Les débits importants ont donc logiquement été du ruissellement différé ou de l’infiltration. Pour prendre en compte cette mémoire du système, qui se trouve dans le sol, nous sommes conduits à intégrer des historiques assez longs.

Nous avons ensuite comparé des données observées et des données simulées, sur la base d’une série chronologique de six ans provenant de données opérationnelles d’auto-surveillance. Le modèle conceptuel reproduit les débits à l’exutoire unitaire du système. Les débits instantanés n’apparaissent pas, mais on relève tout de même les composantes saisonnières. Ainsi, l’hiver se repère facilement. Les données interannuelles sont également identifiables. Il apparaît ainsi des années très sèches et des années très humides. Le modèle reproduit correctement ces composantes saisonnières et assez bien les pointes de débit. Pour sa part, la partie du haut du sol représente une contribution environ équivalente à la moitié de la partie rapide plus ou moins directement attribuée au ruissellement.

Les séries chronologiques ne sont pas les seuls moyens d’étudier les sorties du système ou d’évaluer la qualité. Sur ce même modèle, nous avons alors exploité les sorties différemment, en ne nous intéressant pas à la réponse précise à un événement donné, mais globalement à la statistique des réponses. Comme il se trouve un déversoir d’orage sur ce site, c’est la statistique des déversements qui est étudiée. On retrouve donc en absence les volumes déversés et en ordonnée le nombre de jours (la fréquence) sur six ans. On s’aperçoit que le modèle reproduit bien le nombre et l’importance des déversements, de façon globale. Il peut se tromper sur des événements ponctuels. L’essentiel reste l’absence d’effet systématique, en ne sous-estimant pas systématiquement l’été ou en ne surestimant pas systématiquement l’hiver. Tel n’est pas le cas ici.

Nous nous sommes par ailleurs préoccupés du changement climatique. Nous l’avons appelé « changements globaux », ce qui ne recouvre pas uniquement le changement climatique mais aussi l’évolution de l’urbanisation et des pratiques urbaines, que nous cherchons à appréhender dans le futur. Nous avons étudié un scénario de changement climatique qui, à lui seul, conduit à une diminution des rejets. Divers scénarios d’évolution urbaine devraient quant à eux produire des augmentations des rejets.

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Je conclurai ce premier point par quelques perspectives. Il reste à approfondir l’impact des techniques alternatives. Nous commençons à savoir les simuler à l’échelle de l’ouvrage. C’est plus délicat à l’échelle d’un bassin. Je pense qu’il sera question dans quelques instants de la végétation urbaine et de l’évapotranspiration réelle. Le couplage débits-pollution, que je n’ai pas évoqué, constitue un autre des sujets à l’ordre du jour. En outre, nous savons encore mal comment aborder l’hydrogéologie urbaine, c’est-à-dire tout ce qui se passe à l’extérieur des tuyaux, dans les tranchées ou le sol. Des modes de description et d’appréhension doivent être trouvés. J’ai par ailleurs donné un exemple de valorisation des données d’auto-surveillance, avec un gisement énorme qui mériterait d’être mis en valeur.

II) Hydrologie des espaces périurbains

Isabelle BRAUD Je suis chercheuse à IRSTEA. Un bassin périurbain, en comparaison avec les bassins

urbains dont il est habituellement question, est très hétérogène. Il mêle à la fois des zones rurales et des zones urbaines plus ou moins denses. L’exemple présenté se situe près de Lyon. Il inclut aussi des zones de forêts et des zones agricoles. Les temps de réponse apparaissent très contrastés entre le rural et l’urbain. Tous les aménagements modifient par ailleurs les chemins naturels de l’eau, qui ne sont plus seulement régis par la topographie. Les modes de gestion des eaux pluviales sont également assez divers (unitaire, séparatifs ou à la source). Enfin, ces milieux connaissent des évolutions rapides. Entre 1990 et 2008, les évolutions ont été très importantes, en particulier sur les zones intermédiaires.

Plusieurs questions se posent dans ce type de bassin, notamment celles évoquées par Claude. Comment quantifier l’ensemble des composantes du cycle hydrologique dans ces bassins (ruissellement, évapotranspiration, niveaux de nappe, stockage dans le sol) ? C’est d’autant plus important que la composante rurale est forte. Nous nous intéressons aussi à l’origine des ruissellements, rurale ou urbaine, car elle peut aussi affecter la qualité, des polluants y étant transportés. Des réseaux unitaires s’observent aussi fréquemment, avec un nombre important de déversoirs d’orage, ainsi que des cours d’eau périurbains, souvent intermittents. Il est alors intéressant d’étudier l’impact sur ces petits cours d’eau. En corollaire, nous étudions si les petits cours d’eau sont capables de gérer les afflux de pollution en autoépuration. Enfin, la question du changement climatique a été traitée de façon globale. Comme l’a indiqué Claude, les changements d’occupation et de pratique sur les sols sont très nombreux.

Nous étudions en outre les politiques qui se révèlent efficaces pour gérer les eaux pluviales dans ces milieux, ou la manière d’identifier les zones à risque de ruissellement pluvial intense à l’échelle d’un territoire. Ces questions restent d’actualité.

Je me concentrerai sur certains de ces points, en particulier les composantes des bilans, les différents scénarios et le ruissellement à l’échelle du territoire. Nous tâchons d’utiliser des outils de modèle, à différentes échelles d’espace et de temps, pour comprendre le fonctionnement de ces bassins. Sur les petits bassins, nous tâchons de comprendre les processus et leur importance. Sur les plus grands bassins, nous faisons en sorte de disposer d’outils permettant de tester différents scénarios de changement d’usage du sol, de changement des eaux pluviales ou de changement climatique. Nous mettons alors en place des modèles plus simples, avec des analyses de sensibilité sur les paramètres et la formulation des processus. Pour cela, nous mettons en place des modèles qui représentent l’hétérogénéité des surfaces et les connexions entre les objets. Nous avons plutôt travaillé sans calage, pour disposer d’hypothèses réalistes sur les paramètres et mieux comprendre ce qu’il advient en termes de réponse hydrologique quand les paramètres changent. Nous conduisons en outre des simulations continues et longues, car c’est l’ensemble du cycle hydrologique qui nous intéresse. Pour autant, nous travaillons aussi avec des pas de temps fins qui soient compatibles avec la dynamique, en

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particulier la dynamique des eaux urbaines. J’illustrerai ce point avec les résultats d’une thèse récente. Nous avons tenté de modéliser le bassin que je vous ai montré au début. Nous y représentons d’une part tous les sous-bassins urbains, grâce aux informations sur les réseaux d’assainissement, mais aussi un modèle numérique de terrain et des approches classiques d’hydrologie rurale. Nous composons ces éléments pour disposer de bassins purement ruraux et de bassins urbains, reliés à la fois aux cours d’eau naturels et aux réseaux.

Nous mettons en place des modèles qui représentent le sol, avec les différentes composantes du ruissellement (de surface ou de surface et souterrain), l’évapotranspiration et les différents réseaux (rivière naturelle, réseau d’assainissement et déversoirs d’orage). Nous intégrons en outre divers paramètres, dont le taux de connexion du ruissellement au réseau d’eau pluviale, qui s’est révélé important.

Nous avons réalisé des analyses de sensibilité de la reconstitution des débits à Taffignon. Ce modèle est bien évidemment loin d’être parfait et nous avons beaucoup travaillé pour comprendre les principaux processus. Ici, une constante de récession atteste de l’importance des eaux de subsurface.

Nous avons aussi utilisé ce modèle pour comparer des scénarios d’occupation des sols en 2030 et des scénarios de gestion des eaux pluviales. Un scénario d’usage du sol supposait une densification de l’urbanisation, tandis que trois autres scénarios portaient sur la gestion des eaux pluviales. Nous avons pris en scénario de référence un taux de connexion au réseau de 70. Nous avons ensuite spatialisé le taux de connexion en fonction du pourcentage d’imperméabilisation. Enfin, nous avons supposé dans notre dernier scénario que l’urbain récent était déconnecté du réseau. Après différentes simulations, il apparaît que l’évolution des modes de gestion d’eau pluviale affiche davantage d’impacts sur le résultat des simulations que l’évolution de l’usage du sol ou l’urbanisation. Ces résultats comprennent toutefois de fortes incertitudes et doivent encore être consolidés.

Nous nous sommes aussi intéressés à la manière de cartographier le risque de ruissellement pluvial à l’échelle d’un territoire. Nous avons proposé une méthode IRIP (Indicateur de Ruissellement Intense Pluvial). Elle permet à partir d’analyses de facteurs topographiques et d’occupation du sol de produire une cartographie autour d’un indice de susceptibilité à produire du ruissellement, le transférer ou l’accumuler. Ces approches peuvent servir à identifier les territoires potentiellement à risque dans une perspective d’aménagement.

Je conclurai par des perspectives. Nous avons commencé à développer des outils de modélisation sur ces bassins. Il nous reste à procéder à une consolidation et à une validation sur d’autres bassins versants. Claude a mentionné les données de surveillance. Ces données sont particulièrement intéressantes pour l’évaluation de ces modèles, qui sont spatialisés dans l’espace. Nous avons la chance pour notre part de pouvoir compter sur notre bassin sur des stations distribuées à différentes échelles. Tel n’est pas le cas partout. Il nous faut en outre consolider nos observations, notamment par des outils de géochimie ou de chimie, afin de pouvoir tracer les écoulements et consolider nos modèles. Par ailleurs, les données sur la connexion entre surfaces ruisselantes et réseaux demeurent difficiles à obtenir. L’utilisation de la télédétection à très haute résolution permet certes une cartographie très efficace des zones perméables et imperméables, mais elle ne nous renseigne pas sur leur connexion au réseau. Enfin, il reste un travail important à mener pour transférer les outils et les méthodes vers les opérationnels.

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III) Microclimat urbain et gestion de l’eau

Hervé ANDRIEU Je suis hydrologue à l’Ifsttar. En outre, je suis encore pour quelques mois Directeur

d’une fédération de recherche CNRS, qui s’appelle l’Institut de Recherche en Sciences et Techniques de la Ville. L’un de ses thèmes centraux est justement celui de l’évolution du climat urbain. J’évoquerai donc ces questions de climat.

J’ai tâché d’impliquer plusieurs équipes de recherche, au risque de fâcher celles que j’aurais pu oublier. Je vous prie de m’excuser pour tout oubli. Il se trouve plusieurs pôles au niveau national. Au sein de l’IRSTV se trouve un ensemble d’équipes qui travaillent sur le climat urbain avec différents points de vue et différentes échelles, notamment sur l’aspect hydrologique. L’aspect hydrologique est pris en charge chez nous par Katia Chancibault, qui est chercheur à l’Ifsttar. En outre, Météo France compte une équipe qui se montre très active. Enfin, le Cerema se penche aussi sur cette question.

Nous sommes confrontés en ville à ce qui s’appelle un îlot de chaleur urbain, les activités émettrices de chaleur étant concentrées et les matériaux étant propices au stockage, et donc à la réémission. En conséquence, l’îlot de chaleur urbain peut affecter la qualité de vie et présenter un risque sanitaire. Cet îlot dépend de la taille de la ville mais peut aussi s’aggraver avec la hausse attendue de la température.

Plusieurs voies sont envisageables pour y remédier, notamment cette des aménagements urbains. Il s’agit de réfléchir aux matériaux de surface, par exemple en imaginant des routes blanches, option qui semble difficilement envisageable. Parmi ces solutions figure aussi la végétalisation, car la végétalisation apporte de l’évapotranspiration. Pour cela, il faut placer de l’eau et auparavant disposer de cette eau. La question du microclimat urbain est donc aussi une question hydrologique, car elle pose aussi la question de la ressource en eau.

Nous comptons actuellement deux familles de modèles portant sur le microclimat urbain. Les climatologues emploient des modèles de bilans énergétiques. Ces modèles étudient tous les termes du bilan énergétique et leurs conséquences sur le réchauffement de la température. Parmi ces termes se trouve le flux de chaleur latente, qui contribue à rafraîchir l’atmosphère. Il s’agit d’une autre appellation de l’évapotranspiration. Dans leur modèle, cette évapotranspiration n’est pas du tout ou très peu connectée avec le bilan hydrologique. De l’autre côté se trouvent des modèles de bilan hydrologique où l’évapotranspiration est un terme, mais l’évapotranspiration ne constitue pas une condition à la limite. Elle est recherchée dans le sol et elle est fournie, si elle est disponible. Pour aborder les problèmes de microclimat urbain avec la composante hydrologique, il convient de disposer d’une représentation conjointe des processus hydrologiques et énergétiques. Ainsi, nous pourrons répondre à l’objectif de prise en compte de la consommation d’eau dans le bilan énergétique et de fourniture de cette consommation d’eau si elle est nécessaire.

Il convient, en termes de modélisation, de poursuivre le développement d’un modèle couplé de bilan énergétique et hydrologique. Ce travail est engagé aux différentes échelles au sein de l’IRSTV. Nous travaillons plus particulièrement au sein de l’Ifsttar à l’échelle de la ville, en collaboration avec Météo France. C’est alors la mission de Katia d’introduire la composante hydrologique dans le modèle énergétique de Météo France, qui s’appelle TEB. Les modèles doivent ensuite être validés, dans différents contextes climatiques et hydrologiques. Nous devons en outre tenir compte de composantes expérimentales. L’évaporation qui s’observe en zone urbaine n’équivaut en effet pas tout à fait à l’évaporation, telle qu’elle est mesurée classiquement en milieu naturel, où les surfaces naturelles sont censées être homogènes. En milieu urbain, l’hétérogénéité prédomine. Des systèmes de mesure directe existent, par des tours à flux. La scintillométrie HyperFréquence propose pour sa part une démarche plus prospective. Très en amont, nous pouvons aussi nous tourner vers la réfractivité radar. Elle permettrait d’utiliser les

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radars classiques de météorologie pour produire une évaluation des flux de chaleur latente.

Des dispositifs applicatifs peuvent ensuite être envisagés pour rafraîchir la température, ou du moins pour moins chauffer, à toutes les échelles (locale, ouvrage, quartier, etc.). Pour cela, des scénarios doivent être produits, en phase avec la ressource en eau et la capacité à fournir cette ressource en eau.

Je vous invite à vous tourner vers Katia pour entrer dans le détail des exemples de ma présentation. J’évoquerai simplement une grosse manipulation que nous avons réalisée à Nantes, dans le cadre d’un projet ANR appelé VegDUD, coordonné par Marjorie Musy. Ce projet commun associait des climatologues et des hydrologues. Il était particulièrement riche, car il intégrait des composantes expérimentales et des composantes de modélisations, et parce qu’il a jeté les bases d’une collaboration de long terme entre ces deux communautés.

J’aborderai ensuite la pluie. Des équipes de recherche appliquée sont impliquées sur ces questions, sans oublier les deux sociétés qui se montrent actives sur l’aspect radar (RHEA et NOVIMET). Les réseaux de pluviomètres mesurent parfaitement la pluie mais présentent des limites. Une évolution récente en termes d’hydrologie radar mérite alors d’être citée. Il s’agit du radar polarimétrique en bande X. Peu coûteux, il présente divers perfectionnements, car il apporte davantage d’informations et mesure mieux la pluie. Ce type d’outil serait adapté à une surveillance locale, dès lors que les coûts peuvent être limités, ce qui semble être le cas. Les collectivités pourraient en acquérir pour assurer la surveillance de leur territoire. Nos collègues de l’Ecole des Ponts viennent d’en acquérir un. Comme toute une nouvelle génération de radars est en train d’émerger, tout un travail de traitement des données ou de combinaison des radars pluviaux est nécessaire.

Je souhaite évoquer l’utilisation des réseaux de téléphonie mobile pour mesurer la pluie par hyperfréquence. Certaines de leurs antennes, qui ne sont pas celles qui diffusent aux usagers, présentent des gammes d’ondes atténuées en fonction de la pluie. Cette atténuation pourrait être utilisée pour obtenir une estimation d’intensité de pluie. Il s’agit d’une sorte de mesure intégrée, pas nécessairement très précise sur la distance du lien, qui est comprise entre quelques kilomètres et quelques centaines de kilomètres. Cette approche pourrait compléter les réseaux pluviométriques ou être utilisée pour calibrer des radars. Surtout, elle présente un autre intérêt, pas nécessairement dans notre pays, mais dans les pays où il n’existera jamais de réseau pluviométrique ou de radars mais où des réseaux de téléphonie mobile sont présents. Ces réseaux pourraient alors être utilisés pour produire de la reconstitution de champs pluvieux, que nous réalisons actuellement de manière purement numérique. Il est ensuite difficile de récupérer les données des opérateurs, qui ne sont pas nécessairement disposés à les communiquer.

Tout un travail de modélisation et de prévision de la pluie reste à effectuer, mais l’essentiel concernant l’utilisation du radar pour les données hydrologiques consiste à passer à la modélisation hydrologique. Cet instrument doit être utilisé comme un outil, car le système fonctionne à présent plutôt bien. En l’utilisant en modélisation, certaines incertitudes pourraient être résolues et d’autres introduites, ce qui pourrait présenter un intérêt pour la gestion des systèmes d’assainissement. Il serait intéressant de déterminer si la prévision immédiate de la pluie pourrait nous être utile. Ce sujet ne peut être conduit qu’en relation étroite avec les acteurs, les services d’assainissement, les responsables de l’hydrologie urbaine et le milieu de la recherche. Je vous remercie.

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IV) La pluie : mesure, prévision et modélisation

Emmanuel BERTHIER Je conclurai la séquence en prononçant quelques généralités sur la thématique des

transferts avec les opérationnels concernant l’hydrologie quantitative, avant de présenter un exemple sur lequel nous avons travaillé.

Nous nous trouvons à une étape clé pour le domaine de l’hydrologie urbaine, quantitative ou non, et de la gestion des eaux pluviales. Nous menons en effet des recherches qui, pour la plupart, sont des recherches appliquées. L’évolution et la diversité des enjeux que vous a illustrées Claude renforcent en outre les besoins de transferts. A ce jour, il existe des études opérationnelles sur l’utilisation des eaux pluviales ou sur l’adaptation aux variations climatiques comme les canicules. Nous disposons aussi d’études opérationnelles sur l’impact de la généralisation d’une politique d’infiltration sur un territoire, sur la nappe ou le cycle de l’eau.

Les lieux historiques privilégiés pour réaliser ces transferts sont les observatoires français en hydrologie urbaine. Ils ont été des lieux d’échange par les scientifiques sur leurs avancées, mais aussi des lieux de remontée des attentes et des besoins des opérationnels.

Avec la diversification des enjeux, le besoin de transfert augmente. De plus, des associations dédiées investissent le sujet, en parallèle de la mobilisation des chercheurs, en particulier le Graie en région lyonnaise, l’association Arceau-IDF en Ile de France, l’association ADOPTA à Douai, le réseau Idéal ou la démarche Méli-Mélo, en région lyonnaise aussi. Se consacrer à ces transferts fait d’ailleurs partie des missions du Cerema. Les compétences techniques et scientifiques sont solides sur ces thématiques, et l’ancrage territorial constitue un atout pour favoriser ces transferts.

J’illustrerai ce transfert en présentant un outil de modélisation urbain, à l’échelle d’un projet d’aménagement (une ZAC). Nous avons travaillé avec l’aménageur Paris-Saclay, qui a vocation à aménager un grand cluster au Sud de la région parisienne, sur le plateau de Saclay, en collaboration avec l’Ifsttar. L’aménageur s’est interrogé au départ sur l’une des ZAC, la ZAC du Moulon qui compte déjà quelques aménagements urbains, pour une imperméabilisation d’environ 15 %. L’aménageur voulait utiliser des techniques alternatives, même si le sol était peu perméable et qu’il se trouvait une nappe superficielle. A l’horizon 2020, la densification devrait être forte et l’imperméabilisation devrait dépasser les 30 %. Il se trouvera en outre des aménagements dans le sous-sol. En parallèle aux études opérationnelles, traditionnelles et réglementaires (études d’impact, dossier loi sur l’eau, etc.), l’aménageur a soumis diverses questions, en lien avec la gestion de l’eau pluviale. Il a souligné que les pluies exceptionnelles pouvaient être gérées grâce au débit de fuite autorisé, mais il s’interrogeait tout de même sur l’impact de ses aménagements sur le cycle de l’eau journalier, et en particulier sur les bilans rejetés dans des exutoires superficiels.

Une seconde question a ensuite été posée sur l’impact des aménagements sur la nappe superficielle, nappe qui affleure sur un versant, au Sud de la zone, où se trouvent des sources.

Sa troisième question a porté sur le pompage régulier de la nappe, pour des volumes d’exhaure assez importants, ces volumes d’eau d’exhaure devant être réinjectés dans des noues, susceptibles de réinfiltrer à leur tour. L’aménagement s’est interrogé sur les impacts de ces démarches sur le cycle de l’eau et la nappe superficielle, dans un scénario de drainage et d’exhaure généralisé sur la zone.

Une autre question a été posée en cours de collaboration. Elle peut sembler anecdotique. Ils sont censés reconstituer une zone humide. L’aménageur s’est demandé si cette zone allait rester humide dans l’état futur.

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Les méthodes opérationnelles se sont révélées quelque peu limitées pour répondre à ces questions. Or la communauté scientifique travaille justement depuis quelques décennies sur le développement de modèles intégrés, multiflux et multistocks, qui permettraient de représenter le cycle de l’eau. Nous en avons fait état à l’établissement public Paris Saclay, en travaillant avec le modèle URBS développé par l’Ifsttar. Ce travail a duré entre un an et un an et demi. Un bilan hydrologique complet, simulé et non observé, a été produit. Le niveau actuel a été plutôt bien reproduit par le modèle. Les niveaux moyens de la nappe superficielle obtenus pour la zone peuvent sembler étonnants. A l’avenir, les niveaux de nappe superficielle augmenteraient suite à ces aménagements. Ce résultat, pas nécessairement attendu, peut toutefois être retrouvé dans la littérature, dans des cas d’étude. Nous avons échangé à ce sujet avec l’aménageur. Nous avons bien souligné que ces résultats devaient être confortés, en particulier sur la question de discrétisation du modèle.

L’intérêt du transfert peut alors sembler assez limité, mais l’aménageur s’est plutôt montré satisfait du travail conduit, car il lui a permis de comprendre la complexité de ses questions et de mieux encadrer certaines études opérationnelles. Pour nous, scientifiques, cette démarche a aussi été très positive, car nous avons reçu des retours sur les conditions de mise en œuvre de notre outil ou sur les besoins de nouvelles fonctionnalités. Cette collaboration continue à travers une convention de recherche, toujours avec l’aménageur, pour poursuivre le travail.

Nous vous remercions pour votre attention.

V) Débat avec la salle

Pierre-Alain ROCHE Je vous propose d’ouvrir le débat sur l’aspect quantitatif de la question. Peut-être

souhaitez-vous obtenir des éclaircissements sur certains éléments, avant d’entrer dans un débat général. Nous ne nous trouvons pas dans un colloque scientifique qui repose sur une communication, mais peut-être souhaitez-vous poser des questions particulières sur les résultats qui ont été présentés.

J’ai été assez surpris de constater dans la dernière partie de votre présentation que l’effet de l’aménagement se limitait à une simple remontée générale des niveaux, sans effet dynamique. Cela m’a semblé assez surprenant.

Pa ailleurs, dans l’exposé de Mme Braud, j’ai mal compris comment vos indicateurs étaient utilisés dans la modélisation. Vous caractérisez des secteurs ayant des aptitudes au ruissellement extrême, mais comment cette description intervient-elle ensuite ?

Emmanuel BERTHIER Les résultats restent à conforter. Il convient donc de rester prudent. A priori, les

variations de cette nappe superficielle sont principalement dues sur ce site à des forçages atmosphériques, c’est-à-dire la pluie et les conditions d’évapotranspiration. Ces forçages restent les mêmes dans les conditions futures, ce qui cause des fluctuations similaires.

Isabelle BRAUD La dernière illustration que j’ai présentée n’est pas un modèle, mais une méthode

cartographique permettant d’identifier les zones d’un territoire plus susceptibles d’être soumises à un ruissellement pluvial intense. Il s’agit davantage d’un outil de diagnostic, par exemple au regard des aménagements prévus sur des bassins périurbains. Il vaut alors mieux éviter d’urbaniser sur les zones où l’eau doit s’accumuler. Des zones de production où il peut être fait en sorte de limiter le ruissellement peuvent aussi être détectées. Cet outil reste donc plutôt un outil de diagnostic. L’utilisation dans la modélisation constitue pour sa part l’une des perspectives de recherche.

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Pascal PETIT, Roannaise de l'Eau La gestion des villes souterraines (caves, sols, etc.) m’intéresse. Nous sommes

souvent confrontés à des oppositions : on nous dit que l’infiltration dans la ville pose des problèmes pour les sous-sols, pour l’état des voiries ou pour les caves. Quel est l’état de la recherche sur ce plan ?

Claude JOANNIS Nous sommes encore peu avancés, ne serait-ce que parce que nous rencontrons

encore des difficultés pour décrire de manière adéquate le réseau souterrain. Il ne s’y trouve en effet pas uniquement les réseaux d’assainissement, mais aussi les réseaux de tranchées, avec de grandes hétérogénéités verticales et différentes couches. Pour l’instant, j’avoue que ce sujet fait plutôt partie des perspectives. Nous avançons progressivement. Désolé de vous décevoir.

Pierre-Alain ROCHE Vous avez bien su illustrer dans votre présentation le texte plus conceptuel qui avait

été diffusé aux participants avant le séminaire. Au-delà des questions sur cette présentation, je vous propose à tous maintenant de réagir sur le texte ou d’évoquer les points d’actualité ou de prospective qui ont pu ne pas être suffisamment mis en avant dans la présentation.

Pascal BREIL, Irstea Lyon Je travaille dans le cadre de l’OTHU sur l’impact des rejets urbains de temps de pluie

sur les petits cours d’eau. Ce qui a été présenté comprend tous les éléments de l’équation de la gestion durable en milieu urbain, voire périurbain. Il demeure tout de même un point très en sourdine et très en retrait par rapport à ses potentialités : la capacité d’assimilation des milieux récepteurs. Je ne parle pas ici de gestion en amont, à la source, mais bien des milieux récepteurs. A ce jour, les impacts sur les petits cours d’eau sont en effet très importants sur une grande partie du territoire, mais certaines études qui ne relèvent pas du domaine de l’hydrologie urbaine permettent de prendre conscience de ces impacts. Je pense qu’il serait bénéfique de se pencher sur les potentialités du milieu récepteur au regard de la gestion des eaux pluviales, dès lors qu’il est question d’aménagement du territoire. Les scientifiques commencent à se pencher sur la question, pas uniquement en France, et cet angle mérite d’être étudié.

Pierre-Alain ROCHE Faites-vous allusion à la capacité des milieux récepteurs du point de vue qualitatif des

écosystèmes ? Nous pourrons y revenir dans une table ronde suivante.

Pascal BREIL, Irstea Lyon Je ne souhaitais pas déborder sur cette question, mais il convient en tout cas de

trouver un équilibre entre quantité et qualité. La quantité apporte des flux d’eau et de matière, tandis que les milieux aquatiques affichent une certaine capacité à biodégrader. Quoi qu’il en soit, il est important de ne pas rejeter n’importe où et de mener une analyse de son territoire en amont. Jusqu’à présent et depuis cinquante ans, nous avons plutôt eu tendance à placer des déversoirs là où ils apparaissaient le plus intéressants pour le réseau, et pas pour le milieu.

Claude JOANNIS Je rebondirai sur cette question, en restant dans le quantitatif. La capacité du milieu

n’est pas seulement sa capacité à assimiler des polluants, mais aussi à assimiler des stress physiques comme la vitesse de l’eau, l’érosion, mais aussi les bas débits ou la température. Tout un pan du problème concerne alors les cours d’eau urbains, qui font

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partie des masses d’eau fortement modifiées et qui ne sont ni des milieux naturels classiques ni des réseaux hydrographiques totalement artificialisés. C’est pour cette raison que la question des stress physiques et des petits réseaux urbains fait aussi partie des perspectives à développer.

Alexandre NEZEYS, Ville de Paris Vous avez évoqué des modélisations de bassins versants existants, périurbains ou

non, sur lesquels la gestion pluviale n’a pas forcément entraîné de réflexion à la parcelle ou locale. A-t-on intégré ces techniques alternatives dans les études d’hydrologie ? Dans quelle mesure ? Bien souvent, ces techniques s’avèrent bien plus efficaces que ce pour quoi elles ont été dimensionnées. Ainsi, cette fameuse noue de transport végétalisée qui devait transporter les eaux vers un bassin pour une régulation de débit de fuite a finalement absorbé toute l’eau. Aucune goutte n’est arrivée jusqu’au bassin. Quelques cas de ce genre se sont présentés en Ile-de-France. Ce genre de situation est-il déjà intégrable dans une modélisation, sachant que nous avons tendance à surdimensionner les techniques alternatives, en les rendant plus encombrantes que nécessaire ?

Emmanuel BERTHIER Ce point rejoint sans doute la problématique qui sera traitée cet après-midi autour des

ouvrages et des techniques. Je précise que dans l’exemple que j’ai cité, en lien avec l’Etablissement Paris-Saclay, le réseau de noue qui est prévu a bien été intégré dans le modèle (interactions avec les réinfiltrations, lien avec la nappe, éventuels rejets dans la nappe superficielle, etc.). Il est vrai que l’Etablissement public Paris-Saclay a dimensionné les noues sans prendre en compte l’infiltration, du fait de la présence d’une nappe superficielle assez peu profonde. Ils ont estimé que l’infiltration en hiver pouvait rester très limitée. Le système a donc été bâti sans prendre en compte l’infiltration, même si une infiltration interviendra certainement, notamment en été.

Pierre-Alain ROCHE Je souhaite revenir sur un point sur lequel une réponse assez engagée a été formulée.

L’un de vous a indiqué que l’effet des techniques alternatives sur le cycle de l’eau peut être modélisé et être représenté sans difficulté. Est-ce bien le cas ? Vos retours d’expérience apportent-ils des surprises ?

Claude JOANNIS Cela faisait partie des perspectives sur l’effet global des techniques alternatives à

l’échelle du bassin versant. Les résultats obtenus peuvent parfois nous étonner. Même si un modèle traduit bien évidemment la connaissance actuelle, l’anticipation des résultats concrets qui seront obtenus par l’utilisation systématique à l’échelle globale d’un bassin versant des techniques alternatives fait bien évidemment partie des pistes à creuser. Nous avons eu des surprises avec les techniques de réseau, car nous ne nous attendions pas à ce que la moitié de l’eau ressorte par les réseaux d’eaux usées. De la même manière, les techniques alternatives occasionneront aussi des surprises. Pour l’heure, nous manquons d’exemples d’utilisation systématique qui permettrait de disposer de retours d’expérience à cette échelle.

Isabelle BRAUD Je reviendrai sur la question posée. Les modèles que nous utilisons bénéficient de

développements, afin d’intégrer les techniques alternatives et proposer des simulations à l’échelle d’un bassin versant. Pour l’instant, ces développements se poursuivent.

Jacqueline LANDAS-MANEVAL, Grenoble-Alpes-Métropole Vous avez évoqué les drainages des tranchées, ce qui rejoint la question des eaux

claires parasites de temps de pluie dans les réseaux d’eaux usées. Pensez-vous explorer

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des pistes qui pourraient limiter les infiltrations dans les réseaux d’eaux usées en améliorant le drainage dans les tranchées ? Il s’agit en effet d’un problème important, avec des surverses dans ces réseaux en cas d’épisode pluvieux important, les réseaux ne pouvant pas toujours absorber les afflux importants d’eau pluviale.

Claude JOANNIS Une perspective que je n’ai pas osé vous présenter portait justement sur les rejets de

temps de pluie des réseaux séparatifs d’eaux usées. Cette réalité est très prégnante. Nous avons imaginé à une époque que le drainage des tranchées éviterait de forcer le passage vers les eaux usées. La mise en place de drains constitue néanmoins pour les chantiers un changement de pratique considérable. A l’échelle supérieure, ensuite, il faut trouver des exutoires aux drains. En effet, une fois l’eau collectée, elle doit ressortir, a priori dans un réseau d’eau pluviale. Une infiltration dans le sol est possible, mais la réflexion n’a guère avancé. La question de l’évacuation de l’eau des tranchées mériterait elle aussi d’être creusée, notamment pour les eaux usées, mais aussi pour l’eau potable, ce qui renvoie à l’hydrogéologie urbaine, qui est à peine effleurée aujourd’hui.

Yannis FERRO, Cerema – Direction territoriale Méditerranée La connaissance des pluies a bien avancé. Je ne connaissais pas la possibilité de

l’utilisation des relais téléphoniques, qui m’a beaucoup intéressée.

La connaissance du comportement des bassins versants urbains et périurbains a elle aussi beaucoup progressé. Néanmoins, pour tous les dossiers d’autorisation loi sur l’eau dans les Bouches-du-Rhône, l’aménageur se limite à utiliser l’instruction technique de 1977 pour fabriquer son bassin. Comment pourrons-nous intégrer toutes ces avancées et connaissances auprès des aménageurs et de nos collègues de la police de l’eau ? Il nous faut en effet affiner nos territoires et continuer à progresser, pour ne pas nous en tenir à une approche académique. Un réel transfert dans nos pratiques quotidiennes est indispensable.

Emmanuel BERTHIER J’apporterai d’abord un témoignage plus positif que le constat précédent. Nous

rencontrons au jour le jour de nombreux projets qui prennent en compte les pluies locales, par exemple via des coefficients de Montana. Ces pratiques sont recommandées dans le guide de l’assainissement et commencent à se diffuser dans les études opérationnelles.

Pierre-Alain ROCHE Un intervenant du groupe pluvial pourrait-il faire le point ?

Christian ROUX, Département des Hauts-de-Seine Direction de l'eau Je suis co-animateur avec Claude Joannis du groupe pluvial de l’ASTEE, hydrologie

urbaine. En participant au groupe de révision de l’ancienne instruction technique de 1977, il est clairement apparu un besoin d’utilisation des données de Météo France pour produire une sorte de monographie de l’ensemble des données pluviométriques disponibles, à des fins d’études en hydrologie urbaine. Il est recommandé d’utiliser les pluviomètres les plus proches, mais le recul est alors insuffisant par rapport à l’échelle régionale. En effet, disposer de trente ans ou quarante ans de mesures peut sembler faible dès lors que nous voulons nous positionner sur des périodes de retour élevées. Un recul régional est donc nécessaire sur l’analyse des mesures du voisinage, ce qui n’est possible qu’autour d’une étude générale de toutes les études disponibles. Il s’en conduit déjà à l’échelle journalière ou horaire, mais il conviendrait de descendre à des pas de temps plus faibles pour pouvoir offrir ces éléments aux aménageurs urbains.

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Pierre-Alain ROCHE L’instruction technique n’intégrait en effet pas, et pour cause, l’ensemble des

techniques aujourd’hui envisagées et le groupe y a beaucoup travaillé. Pour rester sur la question des pluies de référence, peut-on revenir sur la question de la non-stationnarité liée au changement climatique et de l’évolution de la fréquence des événements et de la typologie des pluies ? Quel forçage pluviométrique utiliser pour simuler le futur ? Quels constats utiliser ?

Jean-Luc BERTRAND-KRAJEWSKI, INSA de Lyon Comme il a été indiqué, le soleil a été remis dans l’hydrologie urbaine. La pluie de

dimensionnement et Montana sont désormais derrière nous. Ce dont nous avons besoin maintenant, ce sont des séries chronologiques, dans la durée. Sinon, notre compréhension ne s’inscrira pas dans la continuité de la situation des zones urbaines. Cette approche pourrait s’avérer suffisante en termes de pré-dimensionnement, pour donner des ordres de grandeur aux ouvrages, mais cette information ne nous permettra pas de simuler le comportement de nos systèmes.

J’ai échangé avec des collègues danois qui étudient des scénarios de changement climatique. Les tendances de leur modèle régionalisé autour du Danemark leur laissent penser que les pluies qu’ils devraient connaître en 2050-2080 pourraient être similaires à celles de Lyon, en termes de statistiques moyennées. Nous leur avons alors transmis les données lyonnaises sur un court pas de temps de quelques décennies, pour qu’ils puissent étudier les éventuelles incidences sur leurs ouvrages si les pluies de Copenhague commençaient à ressembler à celles de Lyon. Comme l’avenir n’est pas connu, il a été décidé d’appliquer des traitements de scénarios possibles aux données disponibles, en fonction d’évolution des périodes sèches ou des intensités. Il s’agit donc de transformer des données existantes, pour tenter de représenter des scénarios futurs.

Christine GANDOUIN, SAFEGE & ASTEE Je suis Présidente de la commission assainissement de l’ASTEE. Je souhaite apporter

un complément. Nous nous intéressons effectivement de plus en plus à des pluies réelles et observées, et je confirme que les coefficients de Montana ont été abrogés depuis longtemps dans un nombre de dossiers de projets. En revanche, nous aurons toujours besoin d’un événement dimensionnant, non pas en soulignant qu’il correspond à un événement que l’on souhaite voir survenir, mais pour reconnaître la possibilité d’un risque au-delà de cet événement et d’étudier comment se comporte l’aménagement au-delà de cet événement. Ces approches de dimensionnement ne sont donc pas statiques. Elles reposent sur des pluies réelles, des longues séries et même au-delà.

Pierre-Alain ROCHE Il est essentiel de disposer d’une image de la résilience du système urbain au moment

où les réseaux sont dépassés, et cette situation mérite une attention spéciale.

Bernard CHOCAT, INSA de Lyon Nous nous trouvons tout de même dans un fort contexte d’incertitude d’évolution de la

pluviométrie. De toute façon, les infrastructures construites aujourd’hui devront encore fonctionner dans cinquante ans, quand la pluviométrie aura changé, mais elles doivent aussi fonctionner aujourd’hui. Il convient donc de réfléchir à des solutions de gestion de l’eau qui soient adaptables et qui puissent évoluer en même temps que la pluviométrie, dans un sens qui peut être difficile à prévoir.

Jean-Luc BERTRAND-KRAJEWSKI Il a été question de l’accès aux données et du transfert vers les opérationnels. Dans le

cadre du GRAIE, nous sommes certes en contact avec un certain nombre d’intervenants,

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mais les séries chronologiques que vous nous présentez reposent sur des données auxquelles nous n’avons pas accès. Il s’agit là d’un problème très français. Dans les pays du Nord de l’Europe, les données pluviométriques du service météorologique national sont disponibles gratuitement sur Internet, sur trente ans. Peut-être nous faut-il avancer en ce sens, pour que les données produites par des services qui ne relèvent pas de l’hydrologie urbaine soient facilement accessibles et à un coût symbolique.

Elisabeth SIBEUD, Métropole de Lyon Je souhaite revenir sur les échelles macro ou micro. Un aménageur ne peut avoir une

vision globale. Cette vision large doit être développée par les collectivités. C’est pourtant rarement le cas, car les outils de modélisation demeurent difficiles à appréhender. Il faut pouvoir y consacrer du temps et y affecter des moyens humains. Les bureaux d’études peuvent certes apporter leur soutien, mais ils interviennent plutôt sur des phases courtes, ponctuellement. Il faut donc donner les moyens aux collectivités de développer de l’expertise en modélisation et de la connaissance fine des modèles, pour que le transfert au niveau opérationnel ait réellement lieu. Il n’est pas aisé de maîtriser le fonctionnement de toutes les techniques alternatives. La première étape doit donc être un recensement et une étude de leur construction. Pour sortir définitivement de l’instruction de 1977, il faut que de nouveaux systèmes se développent. Ce ne sera le cas qu’au niveau local. Pour cela, les collectivités doivent recevoir des moyens ou être incitées.

Christian ROUX, Département des Hauts-de-Seine Direction de l'eau L’analyse des données de Météo France que j’ai évoquée ne vise pas uniquement à

disposer des coefficients a et b, mais à dériver un certain nombre de paramètres qui permettent de produire des chroniques longues, faciles à simuler, pour pouvoir analyser le comportement d’un système urbain avec des techniques alternatives sur vingt ou trente ans. Il serait alors possible d’en dériver les différentes composantes évoquées par Claude (à la sortie, vers les milieux récepteurs, vers le sous-sol ou l’atmosphère, etc.) et d’étudier la réponse de ces systèmes urbains de plus en plus élaborés du point de vue la gestion des eaux pluviales, aux échelles saisonnières, interannuelles, etc. Ainsi, nous pourrons étudier les comportements d’une pluie courante, de pluies exceptionnelles ou de pluies qui causeront des débordements des réseaux, s’il en existe, en surface. Il apparaît là un net besoin d’analyse des données disponibles pour des applications d’hydrologie urbaine. Auparavant, des outils doivent être proposés en aval, similaires à ceux dont nous disposons pour les réseaux, pour mieux appréhender l’interaction des différentes techniques de gestion des eaux pluviales entre elles, à l’échelle d’une opération d’aménagement. Ce point fait également défaut pour les opérationnels.

Hervé ANDRIEU Météo France a conduit une analyse des données radar sur une dizaine d’années et ils

doivent en lancer d’autres, un peu fiables. Nous commençons de ce fait à disposer de chroniques de données spatialisées qui durent relativement longtemps. Nous pouvons parfaitement les utiliser pour des analyses de sensibilité, avec une part de variabilité spatiale. Peut-être pourrions-nous échanger avec leurs représentants sur ce point.

Pierre-Alain ROCHE Merci aux intervenants. Je vous propose de passer à la seconde table ronde.

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Table ronde n°2 : Les pollutions transférées et leurs impacts

Participent à cette table ronde :

Ghassan CHEBBO, Leesu – Ecole des Ponts Paris Tech Véronique RUBAN, Ifsttar-Nantes Jean-Luc BERTRAND-KRAJEWSKI, laboratoire DEEP - INSA de Lyon

Ghassan CHEBBO Bonjour à tous. Je suis chercheur au Leesu (Laboratoire Eau Environnement et

Systèmes Urbains), et coordonnateur de l’Observatoire des Polluants Urbains en Ile-de-France (OPUR).

I) Repères historiques Je démarrerai par quelques repères historiques. Les eaux de ruissellement sur les toits

et les voiries ont été reconnues comme très polluées dès 1888, au Congrès International d’Hygiène de Vienne, par Durand-Claye, le père de la loi de 1894 sur le tout-à-l’égout. Cette réalité fut mise entre parenthèses durant la période de développement du réseau et pendant toute la première moitié du XXème siècle. Elle a réémergé dans les milieux scientifiques et techniques à la fin des années 60, en particulier aux Etats-Unis.

Les premières campagnes de mesure sur la pollution des eaux de ruissellement ont eu lieu en France à partir des années 1970. Depuis, plusieurs études et recherches ont été menées pour améliorer les connaissances et construire des outils de gestion adaptés.

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A l’heure actuelle, la connaissance et la maîtrise de la pollution des eaux de ruissellement se situent au cœur des collectivités, du fait notamment des pressions réglementaires, mais aussi de la hausse des préoccupations environnementales.

L’évolution du cadre réglementaire apparaît clairement quand on regarde le nombre de directives européennes qui touchent à la question de la pollution des biorécepteurs et du milieu aquatique par les substances dangereuses. Cinq directives européennes ont ainsi été transposées en droit français, avec la publication des deux dernières lois sur l’eau.

Depuis l’importance de la question des eaux de ruissellement, de nombreuses recherches et études ont été menées à partir de la fin des années 70, pour mieux connaître les polluants et leurs impacts, mais aussi pour proposer des outils, pour une gestion durable de la pollution des zones urbaines.

Depuis 1994, trois observatoires d’hydrologie urbaine ont été créés : OPUR à Paris en 1994, OTHU à Lyon en 1998 et ONEVU à Nantes en 2006. Ces observatoires s’appuient sur trois piliers : une fédération de recherche, un partenariat entre des chercheurs et des opérationnels et des infrastructures d’observation lourdes et adaptées aux questions posées.

La mise en place de ces observatoires marque la structuration d’une expertise scientifique à l’échelle régionale, autour de l’hydrologie urbaine en général et des questions de la pollution des eaux de ruissellement, en particulier. A partir de l’année 2010, ces observatoires ont décidé de travailler ensemble et ont créé le réseau d’observatoires français en hydrologie urbaine, URBIS. Ce réseau a été labellisé en 2011 par AllEnvi en tant que SOERE en environnement urbain. Un SOERE est un système d’observation et d’expérimentation sur le long terme en environnement urbain. Ce label, donné par AllEnvi, regroupe le CNRS et divers grands organismes de recherche en France. A l’heure actuelle, le SOERE URBIS regroupe les trois observatoires français en hydrologie urbaine (OPUR, OTHU et ONEVU), et couvre tous les aspects liés à l’hydrologie urbaine. La thématique pollution des eaux urbaines est une thématique commune des trois observatoires. URBIS regroupe environ une trentaine d’équipes de recherche. Les recherches menées dans les observatoires et dans le réseau d’observatoires ont permis de disposer d’une base de données conséquente. Mes collègues vous présenteront quelques résultats obtenus dans les observatoires et le réseau d’observatoires.

II) La caractérisation des eaux pluviales

Véronique RUBAN Bonjour à tous. Je suis chercheuse à l’Ifsttar. Je coordonne jusqu’à la fin décembre

l’observatoire nantais ONEVU. En termes de caractérisation, on distingue les eaux issues de réseaux séparatifs, de la gestion amont et de réseaux unitaires.

1) Les réseaux séparatifs Une base de données très importante, unique au niveau national, a été créée dans le

cadre du projet ANR INOGEV qui s’est déroulé entre 2010 et 2013. Elle a permis, grâce à un important travail d’harmonisation, d’obtenir des données comparables sur trois bassins versants aux contextes différents en termes de trafic, d’occupation des sols ou de taille. 77 micropolluants ont été étudiés dans ce cadre. L’un des principaux apports de cette base de données a été ce travail très lourd, qui permet aujourd’hui de comparer les données. Il a été fait en sorte d’harmoniser les équipements au niveau de la collecte des échantillons et de leur traitement, mais aussi de l’analyse. Il a été décidé qu’un seul laboratoire se chargerait de l’analyse d’une famille de polluant pour l’ensemble des sites. C’est à ce prix que cette base de données a pu être obtenue.

Nous avons étudié cinq familles de micropolluants dans les eaux pluviales. La première a été celle des métaux, dans laquelle nous avons intégré le platine, le strontium,

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le cobalt ou le molybdène, qui ont rarement été étudiés jusqu’à présent. La seconde famille était celle des HAP, la troisième portait sur les pesticides et en incluait une trentaine. Deux autres familles quasiment jamais étudiées jusqu’à présent dans les eaux pluviales ont également été incluses : les polybromodiphényléthers (PBDE), ainsi que le Bisphénol A et les APnEO.

S’agissant des métaux, une variabilité importante a été constatée entre les différentes campagnes. Cette variabilité est parfois plus importante que les différences d’un site à l’autre. Par ailleurs, aucune différence n’est parfois apparue pour certains métaux entre les sites, en particulier pour le plomb. Les concentrations ont été à peu près les mêmes sur les trois sites. En revanche, des différences ont été relevées pour les métaux comme le zinc, le strontium ou le cuivre. Ces différences ont été attribuées au trafic routier. Des différences sont également apparues s’agissant du nickel et du chrome, du fait de la présence de sites industriels. Pour l’arsenic, les différences s’expliquent par le contexte géologique. Les concentrations les plus importantes ont concerné le zinc, le cuivre et le strontium, ce qui est en phase avec la littérature. Ces métaux se sont toutefois retrouvés dans des gammes de concentration en fourchette basse des données rapportées jusqu’à présent. Enfin, ces polluants étaient majoritairement présents sous forme particulaire, hormis pour le strontium, ce qui est important pour une perspective de traitement éventuel.

En ce qui concerne les HAP, la même variabilité inter-événementielle s’est observée, avec des différences importantes entre les sites, en particulier pour les HAP lourds. Elles s’expliquent par les différences de trafic, de même que pour les métaux. Là aussi, ces polluants sont majoritairement présents sous forme particulaire.

S’agissant des pesticides, les différences entre les sites s’expliquent par les pratiques d’entretien ou les matériaux utilisés. Ces derniers relarguent en effet un certain nombre de polluants. Il faut en tenir compte dans la conception des ouvrages. Les molécules les plus fréquemment détectées ont été le glyphosate, l’AMPA, le diuron (il apparaît dans certains produits mais reste interdit à l’état pur en tant que désherbant), ou le glufosinate. Nous avons également détecté de l’isoproturon, de la carbendazime et du mécoprop. A l’inverse des polluants présents, tous étaient plutôt présents sous forme dissoute.

Concernant les PBDE, il apparaît là aussi des variabilités entre les événements et des différences entre sites. Le déca-BDE représente 80 % de ces composés. Ces polluants se trouvent surtout sous forme particulaire.

Enfin il ne semble pas apparaître de différence entre les bassins pour le BPA et les APnEO. Contrairement à ce que nous avons observé pour les autres polluants, il n’apparaît pas de différence entre les bassins. Ils sont présents partout, avec toutefois des variabilités entre les événements. Nous manquons de recul vis-à-vis d’études antérieures, car les mesures sur ces substances ont été peu nombreuses. Leurs concentrations apparaissent néanmoins assez élevées, sous forme dissoute.

2) La gestion amont Il n’existe pas pour la gestion amont de base de données comparable à celles des

réseaux séparatifs. Toutefois, des études menées dans les observatoires permettent tout de même de constater que certains métaux affichent des concentrations plutôt inférieures ou en fourchette basse dans les eaux issues de ruissellement amont, par rapport à ce qui se retrouve dans des réseaux séparatifs. En outre, il n’apparaît guère de différence entre les deux techniques pour un certain nombre de métaux.

Les données recueillies concernent un écoquartier et ses installations (canaux, noues ou toitures végétalisées), un bassin versant étant adjacent à cet écoquartier. Les teneurs en strontium apparaissent plus importantes dans l’écoquartier, tout en restant peu élevées. Elles seraient dues à des relargages par les matériaux. La même distribution apparaît en outre entre phase dissoute et particulaire que dans les réseaux séparatifs.

Ces travaux, menés en région nantaise, sont confortés par les travaux menés quelques années auparavant sur l’observatoire parisien, avec des teneurs en cuivre et

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plomb inférieures, et des teneurs en zinc supérieures, là aussi du fait des matériaux utilisés.

S’agissant des pesticides, les différences ont été minimes entre les différentes situations étudiées. Dans le bassin traditionnel, la collectivité n’utilise plus de pesticides. Les particuliers les utilisent néanmoins encore. C’est donc la diminution de l’utilisation de la collectivité qui équilibre cet usage. En revanche, le mécoprop, qui n’était pas présent à l’exutoire du bassin versant apparaît dans l’écoquartier, du fait de relargages, car il est incorporé dans certaines toitures végétalisées dans des enduits de façades.

Les HAP, les PCB et les AP affichent de leur côté des concentrations plutôt inférieures dans les eaux issues de gestion amont.

3) Les réseaux unitaires Les eaux des réseaux unitaires comprennent à peu près toutes les substances

retrouvées dans les eaux usées et les eaux de ruissellement. C’est notamment le cas des composés spécifiques aux eaux usées, comme les composés pharmaceutiques. Les concentrations peuvent y être plus élevées que dans les eaux pluviales ou les eaux usées, spécialement pour les polluants hydrophobes ou les métaux particulaires. Cette situation s’explique par la remise en suspension au sein des réseaux. Pour certains polluants, en particulier les métaux et notamment le zinc, la concentration est plus forte dans les eaux pluviales, ce qui s’explique par un phénomène de dilution. Les polluants, là aussi, se trouvent majoritairement sous forme particulaire.

En résumant en quelques mots la caractérisation, il apparaît une grande diversité de polluants. Ils sont ubiquistes, à la fois présents dans les réseaux unitaires, dans les réseaux séparatifs et dans la gestion amont. Ces polluants se retrouvent par ailleurs en grande partie sous forme particulaire. Il est important de travailler sur cette discrimination dissous/particulaire, dès lors qu’un traitement doit être proposé. Enfin, le rôle des matériaux est important, car ils génèrent des polluants. Il faut en tenir compte dans les aménagements.

Johnny GASPERI, LEESU Bonjour à tous. Je suis chimiste. Je travaille au LEESU et je fais partie d’une

communauté de chercheurs qui prennent plaisir à analyser toutes sortes de choses, dans toutes les matrices urbaines.

Avant d’enchaîner sur les sources et flux, je souhaite confirmer les propos de Véronique. Les polluants étudiés sont ubiquistes, c’est-à-dire que nous les retrouvons dans les eaux usées et dans les eaux pluviales, mais aussi dans les eaux de pluie et dans le milieu récepteur. Ces polluants se retrouvent donc un peu partout, pour des signatures, c’est-à-dire des fréquences de détection, identiques. En revanche, les niveaux de concentration peuvent varier plus ou moins selon le compartiment. Il ne s’agit pas pour autant de variations d’un facteur 2 000 ou 3 000. Dans toutes les matrices urbaines, sur la cinquantaine de polluants que nous connaissons bien, la concentration variera de facteurs allant de 5, 20, 30 à 50 (au maximum). Cette idée-clé doit être retenue au regard de la gestion globale.

Je souhaite évoquer ensuite une seconde idée-clé, qui sort quelque peu du cadre qui m’avait été fixé. A l’heure actuelle, il est important de conserver à l’esprit que l’émergence de la thématique des micropolluants dans l’eau pluviale provient de la directive-cadre européenne sur l’eau, qui a défini une liste de substances. Les chimistes ont alors mis en place des méthodes permettant de répondre aux questions qui se posaient, autour du niveau de concentration des molécules dans l’eau pluviale. Nous en sommes à ce stade aujourd’hui.

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III) Les sources de micropolluants dans les eaux pluviales Revenons au cadre fixé et les sources de micropolluants. Trois sources importantes

peuvent être distinguées : les apports atmosphériques, les activités générées sur le bassin (activités industrielles ou trafic routier) et le lessivage dû aux matériaux. Sur ce dernier point, de nombreuses études ont montré la contribution des toitures, typiquement des toitures métalliques en zinc équipées de gouttières en plomb. Le bâti apporte lui aussi sa contribution, avec certains rampants et certains éléments constitutifs. Nos crépis sont ainsi imprégnés de certaines substances visant à éviter le développement de champignons ou de moisissures. Il se trouve ainsi du diuron dans certaines façades ou de l’isoproturon, des retardateurs de flammes, etc. Les véhicules sont également composés de matières plastiques, qui véhiculent divers polluants, tout comme le mobilier urbain (abris de bus en PVC, panneaux publicitaires, etc.), ou les surfaces comme le bitume, le béton, le génie civil, etc.

L’étude de la contribution des retombées atmosphériques par rapport à des concentrations retrouvées à l’exutoire nous montre que cette contribution est inférieure à 40 % pour une majorité de métaux, de HAP ou de PBDE. La production locale au niveau des surfaces urbaines est donc très importante. Il est donc nécessaire de cibler cette production et de la localiser.

S’agissant des HAP, le trafic routier constitue l’une des sources principales de contamination. Les HAP se déposent ensuite plus ou moins loin du trafic routier. Toutefois, dans la mesure où un polluant peut reposer sur un large panel d’utilisation, il se retrouve dans un ensemble d’utilisations, qu’elles soient industrielles ou domestiques. Ainsi, certains métaux sont traceurs du trafic routier tandis que d’autres sont le témoin du ruissellement de toiture.

L’origine du BPA et du PBDE est en revanche moins claire. On retrouve ces molécules dans différents matériaux. Nous disposons de quelques connaissances concernant l’origine du BPA, mais pas pour le PBDE. De plus, notre liste comprend 70 molécules, mais nous pourrions porter leur nombre à une centaine, voire à deux cents ou trois cents. En prenant une eau usée et en l’injectant dans une spectrométrie de masse haute résolution, deux-cents à trois cents pics pourraient apparaître. Ils correspondraient à deux cents à trois cents composés. La question de leur impact constitue ensuite une tout autre thématique à étudier en collaboration avec les écotoxicologues.

En ce qui concerne ensuite les RUTP, il est important de tenir compte de l’érosion des dépôts, qui contribue en termes de MES à hauteur de 20 % à 80 %. Comme une grande partie des polluants apparaissant dans les eaux pluviales apparaissent aussi dans les eaux usées, la contribution sera forte et la concentration élevée, du fait de cette remise en suspension.

Dans les eaux pluviales, la première démarche adoptée a consisté à relier les flux de micropolluants, par exemple des grammes par hectare actif, aux caractéristiques des événements pluvieux. Jusqu'à présent, ces tentatives sont restées plutôt infructueuses. Il a été relevé que les modèles qui décrivaient le mieux les flux de polluants étaient fondés sur les hauteurs de précipitation. Ce point est plutôt rassurant, car il signifie qu’il est possible de prédire des flux de polluants sur la hauteur de précipitation, sous réserve de certaines spécificités du bassin.

Je souhaite vous présenter ensuite quelques ordres de grandeur sur les flux de polluants. Ils varient de quelques poudres organiques pour certains métaux à quelques centaines de grammes par hectare actif. Un travail est justement en cours sur l’évaluation annuelle des flux de polluants dans les eaux pluviales. Ce travail montre que les différences de pluviométrie sont l’une des variables explicatives très importantes sur la variabilité des flux de polluants dans les eaux pluviales.

Passons aux Rejets urbains de temps de pluie (RUTP). Il convient bien évidemment de comparer des éléments comparables et donc de s’interroger sur les comparaisons à effectuer entre des flux pluviaux et des flux RUTP. Cette question dépendra de la densité

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des réseaux, de la spécificité du bassin, etc. Une généralisation est alors possible, pour des polluants présents à la fois dans les eaux usées et les eaux pluviales, autour de plusieurs cas de figure (polluants uniquement présents dans les eaux usées, uniquement dans les eaux pluviales, ou dans les deux). Tout un ensemble de molécules est présent dans les deux. Des polluants comme les PBDE sont ensuite plus concentrés dans les eaux usées et très bien abattus en station d’épuration. Il faudra en tenir compte. D’autres polluants affichent des concentrations inférieures dans les eaux usées par rapport aux eaux pluviales, comme le zinc notamment. Il s’agit de s’interroger sur l’échelle de comparaison à établir et se rappeler que les polluants dans un bassin affichent toujours des caractéristiques et une situation spécifiques.

IV) Impacts des eaux pluviales

Jean-Luc BERTRAND-KRAJEWSKI J’évoquerai les impacts des rejets d’eaux pluviales sur les milieux aquatiques.

L’enchaînement avec les exposés précédents porte sur la variabilité. Les événements pluvieux sur un site donné sont extrêmement variés, tout comme les concentrations ou les flux d’un événement à l’autre. Les impacts dont je vais vous parler sont des impacts types, c’est-à-dire les impacts que l’on peut s’attendre à trouver. Ils ne se présentent bien évidemment pas toujours lors de chaque événement pluvieux et sur chaque site, et les impacts ne sont pas toujours du même type sur chaque bassin versant.

4) Les impacts physiques Les impacts sont d’abord de nature physique, avec des rejets de réseaux séparatifs

pluviaux ou des sorties de déversoirs d’orage qui arrivent dans des milieux naturels de surface. Les débits et les vitesses d’écoulement vont alors augmenter localement, ce qui causera des phénomènes d’érosion ou d’incision. Les photographies diffusées ont été prises dans le cadre des travaux menés à l’OTHU, à Lyon, sur des bassins versants périurbains. L’augmentation de l’artificialisation des réseaux a pour effet de concentrer les eaux, qui arrivent ainsi plus vite, causant des effets d’incision et d’érosion de berges assez majeurs. Ces phénomènes se retrouvent surtout dans les zones périurbaines ou en construction, car les rivières des grands centres urbains ont généralement déjà été bétonnées sur leurs bords. Les phénomènes sont alors beaucoup moins marqués. Ce phénomène existe parfois de façon assez extrême, dans certains cours d’eau de la banlieue lyonnaise.

Les rejets de temps de pluie comprennent aussi des concentrations de matière en suspension parfois relativement importantes pour certains événements pluvieux. Ces matières sont ensuite entraînées dans les milieux aquatiques. Là, quelques dizaines ou centaines de mètres après les points de rejet, les conditions d’écoulement peuvent être plus faibles et les vitesses inférieures. Les matières en suspension peuvent alors sédimenter, ce qui entraîne des ensablements. Nous avons par ailleurs observé dans le cadre des travaux de l’OTHU ce que nos collègues de l’Irstea avaient appelé des « effets boue ». A l’aval de déversoirs d’orage, des rejets périodiques liés aux événements pluvieux ont conduit à accumuler des particules transportées dans les rejets sur les milieux hyporhéiques, les zones de fond, où elles présentent des effets assez perturbateurs pour les espèces vivantes présentes dans ces eaux. Pour leur part, les phénomènes d’érosion sont souvent localisés, tandis que les matériaux remis en suspension peuvent resédimenter plus tard.

5) Les impacts chimiques Dans un certain nombre de cas, des polluants majoritairement liés aux événements

pluvieux sont envoyés dans les milieux aquatiques. Ils peuvent être présents sous forme dissoute ou particulaire. Les rejets de matière organique sont parmi les plus documentés, car ils ont présenté des conséquences très visibles. Ils sont plutôt présents dans les

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réseaux unitaires au rejet des déversoirs d’orage, avec des chutes et des consommations d’oxygène dissous dans le milieu aquatique. Si cette baisse d’oxygène dissous est forte et prolongée, il peut en découler des mortalités piscicoles. Un tel phénomène survenu dans les années 80 à Paris a marqué les mémoires. Ce phénomène continue encore à s’observer lors de rejets particulièrement forts de déversoirs d’orage ou pour un volume important par rapport au cours d’eau, en fonction aussi des températures. Les effets sont notablement plus élevés en cas de températures élevées, notamment l’été.

Nous nous intéressons également aux cours d’eau de surface. Dans le cadre de l’OTHU, nous utilisons aussi de grands bassins d’infiltration qui infiltrent les eaux pluviales provenant de bassins versants de plusieurs centaines d’hectares. Nous avons étudié avec des dispositifs physiométriques si les eaux rejoignaient la nappe après infiltration et si elles présentaient un impact sur la nappe. Nous quittons alors les milieux superficiels pour nous intéresser au milieu souterrain. Des batteries de piézomètres situées en amont et en aval des points d’injection, sous les bassins d’infiltration, nous ont permis d’observer certains effets, même à de fortes profondeurs. Ainsi, les concentrations en oxygène dissous étaient inférieures dans la nappe à l’aval des zones d’infiltration par rapport à l’amont. Il se trouve dans la zone de Lyon des bassins d’eaux non saturées de treize mètres. Après treize mètres d’infiltration, dans des terrains fortement perméables, des effets mesurables et détectables des infiltrations d’eau pluviale sur la qualité d’eau de la nappe continuent à être mesurés, après décantation. Corrélativement, on voit augmenter la concentration en matières organiques et décroître la concentration en oxygène dissous. Nous observons en outre des transferts, même après infiltration, si les zones non saturées sont hydrauliquement favorables à l’infiltration. Des transferts de polluants dissous s’observent en outre, notamment les pesticides.

Restons dans les polluants classiques que sont l’azote et le phosphore. Là aussi, des apports par les eaux pluviales s’observent. En France, ces apports ont longtemps été négligés au profit des eaux usées, l’azote et le phosphore étant traités dans les stations d’épuration. Tel est effectivement le cas, mais dès lors qu’ils sont traités dans les stations d’épuration, les apports des eaux pluviales peuvent redevenir non négligeables par rapport à ce qui sort des stations. Dans d’autres pays, l’abattement d’azote et de phosphore dans les eaux pluviales constitue un sujet d’étude important. C’est notamment le cas dans les baies, où les rejets sont très localisés et sont ensuite très peu dispersés du fait de la courantologie. Des phénomènes d’eutrophisation liés à des rejets d’eaux pluviales peuvent alors s’observer dans ces milieux très lents ou très fermés.

La liste des substances concernées est longue. Je ne balayerai pas la liste des 77 substances dont il a été question tout à l’heure. En dehors des matières organiques, il faut considérer les métaux, les HAP, une grande série de micropolluants organiques, les pesticides, etc. Nous savons que les sources majeures de déclassement ou de non-atteinte du bon état chimique ou écologique sont dues aux rejets d’eau pluviale. L’enjeu est alors très facile à trouver dès lors qu’il s’agit d’atteindre les objectifs de la directive-cadre. Les impacts sont par ailleurs extrêmement diversifiés selon les cours d’eau, les apports d’eau pluviale, les quantités relatives d’eau pluviale apportée pendant les événements pluvieux, ainsi que les débits, les volumes transités dans les milieux et la variabilité forte des concentrations. Il est donc difficile de dresser un schéma type et de formuler des prévisions. Néanmoins, de manière générale, certains polluants sont connus pour être majoritairement attribuables aux rejets par temps de pluie dans les milieux aquatiques.

6) Les impacts sanitaires Des rejets de bactérie s’observent, notamment de germes témoins de contamination

fécale. Les zones de baignade sont particulièrement touchées, en bord de mer ou dans des zones de cours d’eau où sont pratiquées des activités aquatiques. Il peut arriver que ces zones soient fermées en cas d’évènements pluvieux importants dont les rejets contiennent des teneurs en bactéries qui excèdent la norme autorisant la baignade. A Arcachon, cette préoccupation de gestion des eaux pluviales reste importante, pour éviter les déclassements et les pavillons violets au bord des plages.

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Un effet sur les productions d’huîtres ou de moules peut aussi s’observer, pour les mêmes raisons.

Nous connaissons aussi des évolutions dans les programmes de recherche, dans le cadre de l’OTHU, dans le suivi d’autres bactéries pathogènes qui se retrouvent dans les eaux de ruissellement. Leur présence et l’évolution de leur caractère pathogène font alors l’objet d’une évaluation. Les risques potentiels sont principalement liés à l’exposition des personnels chargés de la maintenance ou de l’entretien des ouvrages des eaux pluviales, par la mise en contact avec cette source de risque.

7) Les impacts biologiques et écologiques Dans certains milieux aquatiques, les apports entropiques de polluants connaissent

une bioaccumulation. Un même type d’organisme verra au cours du temps la concentration en substances dans son organisme augmenter. J’ai placé dans ma présentation la photo d’un gammare. Il y a un certain nombre d’années, des collègues anglais avaient placé des cages contenant des gammares sous des déversoirs d’orage. Ils étaient soumis à des expositions répétées en zinc. Les gammares accumulaient du zinc et le déstockaient à une vitesse inférieure, ce qui entraînait une mortalité plus rapide et des durées de vie plus courtes. L’enchaînement sur la chaîne trophique était très clair, l’organisme se nourrissant habituellement des gammares étant lui aussi appelé à disparaître.

La bioamplification s’observe de son côté le long de la chaîne trophique. Les organismes prédateurs ont tendance à accumuler dans l’organisme le polluant des proies dont ils se nourrissent. Une concentration croissante s’observe ensuite dans la chaire des organismes, le long de la chaîne trophique, jusqu’à une amplification de la concentration d’un million de fois entre l’eau et le niveau supérieur de la chaîne trophique. Ce sujet a été très bien documenté depuis une cinquantaine d’années, notamment pour certains pesticides.

D’autres substances sont pour leur part suivies depuis moins longtemps et sont suspectées d’être à l’origine de perturbations endocriniennes, qui perturbent les populations dans le milieu aquatique considéré. Les polluants étant suivis depuis moins longtemps, leurs effets sont également moins documentés.

Analysons ensuite l’effet écologique, de façon intégrée avec des essais d’écotoxicologie. De l’écotoxicologie avérée par temps de pluie s’observe. Certains protocoles d’écotoxicologie sur les eaux filtrées ont également été riches en enseignement. Il a été indiqué plus tôt qu’un certain nombre de polluants des eaux pluviales étaient liés aux particules. En appliquant les mêmes techniques d’analyse écotoxicologique, sans soustraire les matières en suspension avant exposition des organismes, des niveaux de toxicité supérieurs sont communément relevés. Ce qui arrive dans le milieu est en effet l’ensemble des polluants dissous et particulaires. Des effets de cocktail assez marqués s’observent alors, mais l’analyse polluant par polluant ne permet pas toujours de bien comprendre ce qui se passe dans le milieu aquatique, car les synergies ou les effets sur l’organisme des polluants restent très compliqués. La complexité reste grande et il est difficile de déterminer si une molécule est responsable d’un effet majeur sur l’écosystème ou bien l’ensemble des molécules.

V) Les défis à relever

Ghassan CHEBBO Ces défis sont nombreux. J’en ai retenu quatre mais d’autres existent.

Le premier défi concerne le choix des substances. Pendant longtemps, les études ont porté sur les polluants globaux (MES, DCO / DBO, azote, phosphore, certains métaux et hydrocarbures). Depuis les années 2000, les micropolluants sont devenus une thématique de recherche à part entière. De cette approche naissent diverses questions,

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sachant qu’il existe plusieurs milliers de substances sur le marché, voire plusieurs dizaines de milliers. Dans un papier que j’ai lu hier, le chiffre de plusieurs centaines de milliers de substances était cité. J’ignore s’il est exact. En tout cas, les substances présentes sur le marché sont très nombreuses. Comment les choisir ? Quelles substances étudier ? Contre quelles substances lutter ? Je pense qu’il est important de bien développer les recherches et de définir des méthodes de hiérarchisation des substances. Des recherches sont également nécessaires pour améliorer les connaissances sur les substances émergentes : mieux connaître les caractéristiques, les sources et flux, les processus de transferts et les impacts.

Passons au second défi. Face à la multiplicité des substances et à la diversité des questions scientifiques, des méthodes précises doivent être développées. Nous savons que les méthodes traditionnelles de prélèvement et d’analyse ont leurs limites. Ces méthodes sont onéreuses et finalement peu adaptées à certaines questions. En outre, il existe des travaux prospectifs pour développer et/ou mettre en œuvre des méthodes innovantes, par exemple des technologies innovantes comme les mesures en continu, les échantillonneurs passifs, les screenings (quantitatif, qualitatif, non ciblé ou semi ciblé). Des méthodes nouvelles de caractérisation existent aussi, par exemple par les biotests. Ces travaux sont pour l’heure au stade de la recherche, tandis que les moyens mis en œuvre restent faibles. Il est très important maintenant de dresser un bilan des travaux en cours vis-à-vis de ces méthodes innovantes, afin d’identifier les méthodes prometteuses et de dégager des moyens nécessaires pour en proposer d’autres, afin de répondre aux défis de la multiplicité et de la spécificité de la pollution des eaux pluviales.

Le troisième défi concerne les modèles de calcul des flux polluants. Un modèle est un passage obligé pour quantifier des pressions, identifier des sources et orienter des actions. Le modèle peut aussi être un outil de dimensionnement, de conception, de gestion ou de planification. A l’heure actuelle, il existe un nombre important de modèles de calcul des flux polluants, mais leur pouvoir prédictif reste hélas faible. De ce fait, ils ne peuvent pas répondre à certains besoins opérationnels. Il est donc déterminant d’identifier les besoins opérationnels en termes de modèle de calcul des flux polluants, d’identifier les connaissances à acquérir pour améliorer le contenu des modèles et de mettre les moyens nécessaires pour développer une nouvelle génération de modèles répondant aux besoins et tenant compte de l’état des connaissances et des données disponibles pour la mise en œuvre de ce modèle.

Le dernier défi concerne les outils et méthodes de valorisation et de transfert. Comme indiqué lors de la première table ronde, les chercheurs en hydrologie urbaine travaillent depuis longtemps en étroite collaboration avec les acteurs opérationnels de la gestion de l’eau en ville. Ces chercheurs se sont interrogés très tôt sur le transfert de la connaissance entre la sphère de la recherche et la sphère de l’action. Cette situation explique les efforts importants déployés dans les grands programmes de recherche, en particulier dans les observatoires, pour valoriser les résultats de recherche. Cette situation explique aussi l’existence depuis les années 80 de structures dédiées à la valorisation (GRAIE, ASTEE ou ARCEAU-IdF). Les résultats du transfert sont au fond restés mitigés, dans la mesure où un certain nombre de messages des chercheurs sont peu repris par les acteurs opérationnels. Il convient donc d’évaluer a posteriori les outils et les méthodes de valorisation utilisés dans le passé et d’identifier les moyens, outils et médias qui permettraient d’améliorer le transfert entre la sphère de la recherche et la sphère de l’action.

Notre feuille de route doit reposer sur trois points :

• fédérer les moyens ; • renforcer les partenariats entre les chercheurs et les acteurs opérationnels ; • renforcer la collaboration entre les structures de recherche et les structures de

valorisation.

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VI) Débat avec la salle

De la salle L’évolution de la réglementation et la contrainte ne cesse de se resserrer au niveau de

la connaissance des petits cours d’eau, avec des objectifs de qualité. Des recherches ont-elles été lancées sur le rôle des milieux intermédiaires existant dans nos villes, comme les canaux, qui pourraient jouer le rôle d’intermédiaire entre la ville et le milieu naturel protégé ? Comment peuvent-ils être pris en compte dans le système de protection, eu égard à l’évolution des polluants dans ce type de milieu ? Des adaptations de ces milieux, des plantations ou des dispositifs divers pourraient-ils leur faire jouer un rôle dans l’assainissement, en particulier lors de forts événements pluvieux ? Cette piste est-elle explorée ? Nous serons en effet de plus en plus confrontés à des objectifs de qualité sur des cours d’eau de plus en plus petits.

Johnny GASPERI, LEESU OPUR étudie l’impact de certains évènements pluvieux sur les plans d’eau urbains,

avant restitution au milieu. Ces plans d’eau servent de tampon. Nous étudions la chimie ou la biodisponibilité de certains métaux et son éventuelle évolution. Des études de zones humides existent en outre certainement chez OPUR.

Pascal BREIL, Irstea Nous nous interrogeons sur la manière d’amplifier la capacité d’auto-épuration des

milieux récepteurs, sur le plan physique, chimique ou biologique. L’OTHU s’y consacre et vient d’achever un travail de quatre ans, dans le cadre d’une ANR. Ce projet a été rendu. J’ignore s’il est déjà consultable. Nous cherchions à conduire de l’épuration dans les systèmes en eau courante. Il peut s’agir de petits cours d’eau ou de cours d’eau de taille moyenne, plutôt sur des formes que sur toute la largeur du cours d’eau. Il convient alors de travailler les formes, car la capacité d’auto-épuration d’un système reste très liée à sa capacité d’interception du particulaire et du dissous, et au passage de ces éléments au travers des matrices biologiques qui se trouvent dans le système. Or en façonnant la géomorphologie et en comprenant l’hydraulique de ces systèmes et les autres déterminants de la croissance biologique, on peut augmenter ce potentiel, localement, pour éviter qu’une pollution qui parvient à un endroit puisse courir sur plusieurs kilomètres et affecter des activités d’autres systèmes écosystémiques qui se situent à l’aval. Cette logique prend forme actuellement et la recherche l’étudie.

Jean-Louis HELARY, CGEDD Les collaborations au travers d’associations diverses et variées existent depuis

longtemps entre la recherche et le monde opération, et vous vous limitez à constater des résultats limités. Pourriez-vous pousser plus loin votre diagnostic par rapport à la non-reprise sur le terrain ?

Ghassan CHEBBO Nous avons par exemple beaucoup travaillé sur les méthodes, de prélèvement ou

d’analyse. Nous avons publié de nombreux articles dans TSM, sur les recommandations à respecter en cas de prélèvement ou de stockage. Nous avons également publié des articles sur les méthodes analytiques, sur les sauts particulaires ou sur les questions de seuil de détection. J’ai le sentiment en définitive que nos recommandations ne sont pas toujours prises en compte et j’ignore pourquoi. Il s’agit là d’un point de méthode.

S’agissant des modèles, ensuite, nous savons qu’ils affichent un pouvoir prédictif. Ils sont parfois utilisés et parfois non, sans mettre en l’avant l’incertitude des résultats. Cette incertitude devrait être présentée en même temps que les résultats, mais les progrès à ce niveau restent limités.

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Les caractéristiques des polluants ont par ailleurs changé. Au moment de ma thèse, en 1992, on disait que la pollution est particulaire. On ne peut plus le dire aujourd’hui. On avance maintenant que la spéciation dépend du polluant. J’entends pourtant encore trop souvent que la pollution est particulaire. Ce n’est exact que pour certains polluants seulement. D’autres sont dissous. Si l’on s’intéresse aux polluants dissous, pourquoi utiliser des bassins de décantation pour traiter la pollution des eaux pluviales ? Un bassin de décantation sert en effet à traiter la pollution particulaire.

Dans les projets à l’amont des techniques alternatives, je continue à trouver des séparateurs à hydrocarbures. Or nous mettons en avant depuis 1980 que les hydrocarbures sont particulaires et que les séparateurs à hydrocarbures ne sont pas adaptés aux hydrocarbures de la pollution des eaux de ruissellement. Certains messages ne passent pas. C’est pour cette raison qu’un travail d’évaluation est proposé en perspectives et que d’autres méthodes doivent aussi être recherchées.

Elodie BRELOT, GRAIE Il faut aujourd’hui revoir notre façon d’envisager le transfert. Commençons par faire

confiance aux opérationnels pour poser des questions, et identifions ce qui relève de la recherche et ce qui trouve sa réponse dans l’offre de l’ingénierie.

La production d’un guide technique ne garantira par ailleurs pas l’appropriation des solutions. Cette appropriation nécessite que les opérationnels s’y consacrent et qu’ils prennent le temps de travailler en ce sens, ensemble. Il faut aussi qu’ils perçoivent l’utilité des recherches. L’utilisation pratique des modèles développés par les scientifiques n’est par exemple pas toujours évidente au quotidien. Démontrer cette utilité, notamment par l’exemple, est très important, en particulier quand quelques collectivités font l’effort de valoriser leurs applications vis-à-vis des autres collectivités. L’application de ces modèles est alors grandement favorisée.

Il reste que le bilan est mitigé. Le GRAIE existe depuis trente ans et nous continuons à chercher des solutions pour garantir le transfert : il ne s’effectuera pas des scientifiques vers les opérationnels mais se construira ensemble.

Jean-Luc BERTRAND-KRAJEWSKI Il y a quelques années, nous avions conduit une enquête entre des collègues de Lyon

et Paris sur les modèles, auprès des utilisateurs, les bureaux d’études dans les villes, pour chercher à comprendre pourquoi les modèles n’étaient pas utilisés. La principale raison portait sur l’absence de prescription réglementaire ou de cahier des charges.

Il a aussi été question de dimensionnement et de responsabilité. Ce n’est pas uniquement une question de transfert ou d’appropriation. Des freins ou des incitations peuvent aussi faire évoluer les pratiques.

Ronan QUILLIEN, Département de Seine-Saint-Denis / Direction de l'Eau et de l'Assainissement

A l’association Arceau-IDF, nous avons chargé notre ancienne Directrice, Mathilde Soyer, sociologue, de mener une enquête sur les moyens utilisés par la communauté scientifique ou les opérationnels pour valoriser leurs travaux respectifs, en étudiant la pertinence actuelle de ces outils et les freins à leur efficacité. Ce travail assez ambitieux d’étude tous les dispositifs de valorisation vise à identifier les blocages, culturels ou techniques. Il a aussi pour finalité de permettre une valorisation vers les collectivités qui n’ont pas les moyens d’accéder aux travaux de recherche. Cette orientation pourrait déboucher sur des recherches de nouveaux dispositifs de valorisation, en faisant davantage dialoguer les communautés, qui ne sont pas uniquement celles de l’hydrologie urbaine. Il s’agit d’un enjeu fort de faire dialoguer les communautés de l’aménagement, les opérationnels et la recherche.

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Aurélie GEROLIN, Cerema – Direction territoriale Est Il a été question du transfert dans la précédente séquence, et un collègue a questionné

l’utilisation de l’instruction technique de 1977. Il en a découlé une discussion sur les données pluviométriques utilisées. Un intervenant a alors indiqué que les coefficients de Montana étaient dépassés depuis bien longtemps. Or ce n’est pas le cas, même s’il serait préférable qu’ils le soient et que nous ne pouvons qu’encourager leur dépassement.

Dans le cadre de la présente mission (ou état des lieux) je tiens à rappeler que les niveaux de transfert observés dans les territoires restent très hétérogènes. Nous avons la chance grâce aux observatoires d’hydrologie urbaine de bénéficier d’une dynamique territoriale, mais elle n’existe pas partout. Il existe deux niveaux (voire plus) de transfert de la compétence. Il est important de ne pas l’oublier. Dans ces territoires peut-être moins dynamiques, il est trop peu question du rôle de transfert assuré par la police de l’eau et du milieu aquatique. En l’absence d’autres structures, les acteurs du territoire se tournent généralement vers eux. Il me semblait important de le rappeler.

De la salle Je souhaite poser une question sur la nature des polluants, sachant que les

connaissances ne cessent d’avancer. Dans les années à venir, la nature des polluants évoluera-t-elle, par exemple eu égard au développement de la voiture électrique ? J’imagine que certains polluants seront moins présents, le plomb par exemple, depuis son retrait de l’essence. Des polluants de haute technologie apparaîtront-ils à l’avenir dans les eaux de ruissellement ?

Johnny GASPERI, LEESU La chimie est en permanence en mouvement. Depuis l’abandon des

polybromodiphényléthers, d’autres produits sont en cours de mise sur le marché, dans une éternelle fuite en avant. Il est donc nécessaire de bien se documenter et de connaître ce qui ressort dans les eaux pluviales. Je rejoindrai à ce sujet les propos de Ghassan sur les méthodes innovantes. Elles sont un moyen de scanner une eau pluviale, dès lors qu’un pic apparaît dans une zone.

Nous avons des informations sur des niveaux de concentration pour une liste limitée à 50 ou 60 polluants au maximum, alors qu’il en existe des dizaines de milliers. C’est aussi pour cette raison que d’autres méthodes doivent être développées.

Jean-Luc BERTRAND-KRAJEWSKI J’apporterai un complément qui n’est pas propre à l’hydrologie urbaine. Ceux qui

suivent la directive Reach le savent bien. Il se produit davantage de molécules chaque année que ce que nous pouvons suivre dans les milieux. La course est sans fin.

Nous avons souligné en introduction de la journée qu’il existait des interactions entre l’hydrologie urbaine et le reste. En prenant la question sous un autre angle, on constate qu’on les trouve dans les eaux pluviales parce que les villes sont émissives. Il faudrait plutôt trouver des façons de rendre les villes moins émissives, en revoyant les matériaux urbains, les matériaux de construction ou le relargage de polluants. Il faut changer la manière de produire de la ville, de la construire et de la fabriquer, sinon les émissions continueront à être importantes et difficilement gérables dans les phases aval, après ruissellement.

Johnny GASPERI, LEESU Il ne faut pas négliger le rôle qualitatif du sol. Des polluants comme les actifénols ou

les PB2 sont produits depuis les années 60 à 70. Depuis, ils se sont accumulés et restent figés dans nos sols. Or la comparaison d’un stock de polluants compris dans dix centimètres de sol avec un flux de polluants déposé par l’atmosphère apporte des ratios de

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50 à 100, voire 200 pour les HAP. Le stock de polluants dans le sol a donc un rôle à jouer dans le transfert de polluants à l’échelle de la ville.

Il convient en outre de s’interroger sur d’autres sources, comme les végétaux, qui servent de capteur à polluants. Nous pourrions par exemple utiliser des feuilles de platane pour mesurer la qualité de l’air, car ces feuilles pompent l’air et restituent les polluants. Ce genre d’idées peut donner un sens à de futures recherches.

Anne-Gaëlle DELBOY, Pôle DREAM Eau&Milieux Nous sommes un pôle de compétitivité sur la thématique de durabilité de la ressource

en eau et des impacts sur les milieux aquatiques. Vous avez évalué les concentrations et le profil chimique des micropolluants. Ne faudrait-il pas faire de distinction entre concentration totale des micropolluants et concentration biodisponible des micropolluants ? Par ailleurs, comment évaluer l’effet cocktail des micropolluants sur le milieu aquatique ?

Véronique RUBAN Il est effectivement important d’étudier la biodisponibilité. Nous avons mené des études

sur les sédiments. Johnny a également évoqué les sols. Nous disposons donc d’outils pour cela. Le problème reste le coût et le temps que prennent ces analyses. Un travail important a été lancé pour travailler sur la phase dissoute et la phase particulaire pour mesurer le polluant total, mais nous pourrions encore aller plus loin et nous pencher sur la biodisponibilité. Le problème du transfert vers l’opérationnel se posera alors de façon encore plus délicate, car il apparaîtra sans doute des réticences, du fait de l’alourdissement probable des analyses.

Johnny GASPERI, LEESU En réalité, évaluer la biodisponibilité des polluants dans les eaux pluviales ne présente

guère de sens, car les eaux pluviales retourneront au milieu récepteur. La question à se poser est plutôt : « pourquoi mesurer la biodisponibilité ? » Et s’il s’agit d’évaluer l’impact sur le milieu, il ne faut pas la mesurer dans les eaux pluviales mais plutôt dans le milieu récepteur, pour étudier l’impact de ces eaux pluviales sur le milieu récepteur. A ce jour, c’est plutôt le type de matière organique qui se trouve dans les eaux pluviales qu’il faut étudier, car c’est sur ce sujet que repose la biodisponibilité. Il faut aussi se pencher sur l’avenir de cette matière organique dans le milieu récepteur. Or nous commençons à disposer d’éléments pour y répondre.

Emmanuelle LACAILLE, Communauté d'Agglomération Hénin-Carvin Notre communauté a construit une politique communautaire de gestion des eaux

pluviales depuis plus de dix ans. Je dois aujourd’hui rendre des comptes. Je vais donc vous poser une question quelque peu provocatrice. Du fait de l’avancée et des résultats de la recherche, doit-on remettre en cause la mise en place de techniques alternatives au vu des recherches en cours ? Sinon, quelles solutions envisager pour les collectivités ?

De la salle Nous y reviendrons dans l’atelier dédié à cette thématique, au cours de la troisième

table ronde.

De la salle Des chroniques de pluie de deux ans, trois ans, dix ans ou vingt ans devront être

modélisées pour que nous puissions nous lancer dans un lotissement. Je tenais à proposer une reformulation opérationnelle.

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Laure SEMBLAT, FNCCR Il nous est demandé de nous interroger sur les usages du sol et les entrants. Or un

fabricant de phytosanitaires est capable d’estimer l’impact polluant ou la résilience dans la caractérisation des produits qu’il met en vente. Dans quelle mesure pourriez-vous mettre à disposition votre potentiel de recherches et de connaissances à ces concepteurs de produits de surface, qui génèrent les polluants que nous nous attachons aujourd’hui à caractériser et demain, peut-être, à piéger ?

Véronique RUBAN Je ne me sens pas vraiment de taille à m’attaquer au lobby de l’industrie chimique et

des pesticides, avec des compagnies comme Monsanto. Il faudrait certes tendre vers cet objectif, mais nous ne pouvons que faire état et travailler auprès des collectivités pour les alerter sur les matériaux dangereux. Le travail doit ensuite être mené à un autre niveau pour que les substances soient interdites. Nous sommes peu armés à notre niveau pour peser sur ce plan.

Jean-Yves VIAU, Saint-Dizier environnement Je souhaite revenir sur la distinction de Véronique entre la fraction particulaire et

dissoute, qui est certes importante à déterminer, mais que vous déterminez sur un plan scientifique, par infiltration (type filtrat à matières en suspension), c’est-à-dire sur des particules très fines, inférieures au micron, alors que sur un plan opérationnel d’ouvrage de décantation, la fraction peut être particulaire sans être décantable. Je réalise régulièrement des vitesses de chute, à différentes échelles de bassins versants, aussi bien urbains, qu’industriels, et je sais que ce n’est pas toujours le cas. Il serait donc utile de donner des ordres de grandeur par rapport aux familles de polluants, même si c’est difficile du fait des grandes variabilités. Il reste que nous manquons clairement d’outils opérationnels. Il apparaît en tout cas une nette confusion entre les polluants dissous et les polluants particulaires.

Johnny GASPERI, LEESU Je souhaite revenir pour ma part sur la gestion amont, qui n’a peut-être pas beaucoup

transpiré de notre présentation. On retrouvera dans la gestion amont les mêmes polluants qu’à l’aval, mais à des concentrations beaucoup plus faibles. La gestion amont apparaît donc comme une solution relativement intéressante. Il faudra en tenir compte dans la discussion de cet après-midi.

De la salle L’évolution de la réglementation et la contrainte ne cesse de se resserrer au niveau de

la connaissance des petits cours d’eau, avec des objectifs de qualité. Des recherches ont-elles été lancées sur le rôle des milieux intermédiaires existant dans nos villes, comme les canaux, qui pourraient jouer le rôle d’intermédiaire entre la ville et le milieu naturel protégé ? Comment peuvent-ils être pris en compte dans le système de protection, eu égard à l’évolution des polluants dans ce type de milieu ? Des adaptations de ces milieux, des plantations ou des dispositifs divers pourraient-ils leur faire jouer un rôle dans l’assainissement, en particulier lors de forts événements pluvieux ? Cette piste est-elle explorée ? Nous serons en effet de plus en plus confrontés à des objectifs de qualité sur des cours d’eau de plus en plus petits.

Johnny GASPERI, LEESU OPUR étudie l’impact de certains évènements pluvieux sur les plans d’eau urbains,

avant restitution au milieu. Ces plans d’eau servent de tampon. Nous étudions la chimie ou la biodisponibilité de certains métaux et son éventuelle évolution. Des études de zones humides existent en outre certainement chez OPUR.

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Pascal BREIL, Irstea Nous nous interrogeons sur la manière d’amplifier la capacité d’auto-épuration des

milieux récepteurs, sur le plan physique, chimique ou biologique. L’OTHU s’y consacre et vient d’achever un travail de quatre ans, dans le cadre d’une ANR. Ce projet a été rendu. J’ignore s’il est déjà consultable. Nous cherchions à conduire de l’épuration dans les systèmes en eau courante. Il peut s’agir de petits cours d’eau ou de cours d’eau de taille moyenne, plutôt sur des formes que sur toute la largeur du cours d’eau. Il convient alors de travailler les formes, car la capacité d’auto-épuration d’un système reste très liée à sa capacité d’interception du particulaire et du dissous, et au passage de ces éléments au travers des matrices biologiques qui se trouvent dans le système. Or en façonnant la géomorphologie et en comprenant l’hydraulique de ces systèmes et les autres déterminants de la croissance biologique, on peut augmenter ce potentiel, localement, pour éviter qu’une pollution qui parvient à un endroit puisse courir sur plusieurs kilomètres et affecter des activités d’autres systèmes écosystémiques qui se situent à l’aval. Cette logique prend forme actuellement et la recherche l’étudie.

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Table ronde n°3 : Les dispositifs de gestion des eaux pluviales

Participent à cette table ronde :

Sylvie BARRAUD, laboratoire DEEP - INSA de Lyon

Marie-Christine GROMAIRE, Leesu - Ecole des Ponts Paris Tech

Fabrice RODRIGUEZ, Ifsttar-Nantes

I) Introduction

Pierre-Alain Roche et Sylvie Barraud Les systèmes séparatifs ont été installés en France depuis une quarantaine d’années et posent des problèmes de coût, de qualité et d’inondation. Les dispositifs de régulation centralisés (gros bassins placés au bout du tuyau) et décentralisés ont été développés pour pallier le problème d’inondation et lutter contre la concentration des eaux dans les réseaux. Les deux systèmes reposent sur du stockage, c’est-à-dire de la perte de l’eau par infiltration, autant que possible. L’objectif de cette table ronde est d’orienter les échanges vers les notions de qualité et de pollution des nappes liée à l’infiltration des contaminations en se concentrant uniquement sur certains critères des dispositifs de régulation : limitation des flux d’eau à une échelle locale et globale, les performances environnementales (gestion des flux polluants) et la plurifonctionnalité.

II) Limitation des flux d’eau

Sylvie Barraud Le stockage lamine les débits de pointe quand le débit d’entrée d’une pluie ruisselle sur un bassin versant. Du point de vue des flux d’eau, l’infiltration permet ensuite de diminuer les volumes à l’exutoire. C’est une manière de lutter contre les inondations liées aux débits de pointe. Ces structures sont théoriquement très efficaces et utilisées par un grand nombre de collectivités (limitation du débit en litres par seconde et par hectare ou dans quelques cas en volumes1). D’autres pays vont plus loin et limitent le débit ou le volume en fonction d’un état équilibré de pré-développement pour lequel le fonctionnement des systèmes, des nappes ou des rivières est satisfaisant.

Par ailleurs, le colmatage et la gestion des sédiments altèrent le bon fonctionnement hydraulique d’un ouvrage. Et les outils de pré-dimensionnement ou de simulation sont peu adaptés aux processus mis en œuvre dans ces techniques : pas de différenciation entre l’infiltration de subsurface qui alimente les végétaux et l’infiltration profonde qui alimente les nappes. Ces évènements qui s’ajoutent à d’autres problématiques2 ne sont pas actuellement pas modélisables. La connaissance de l’infiltration est mieux maîtrisée par les chercheurs quand les bassins sont configurés en fonction de la nature physico-biologique du colmatage (sédiments ou biofilms formés à l’air libre). Par exemple, les larges bords des bassins et la végétation réduisent le colmatage mais la vitesse de colmatage reste mal connue, notamment à travers le temps. Les apports en sédiments sont plus importants dans les systèmes centralisés (plusieurs centaines de tonnes par an sur de gros bassins). Les études actuelles ne permettent pas de prévoir les mécanismes d’accumulation et

1 Avec par exemple des objectifs d’interception d’une certaine quantité d’eau avant le rejet en réseau. 2 Comportement des systèmes aux changements globaux, effets de température en lien avec la végétation,

surinvestissement sur d’autres problèmes méconnus.

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d’évaluer l’efficacité des ouvrages au cours du temps. L’analyse des matières en suspension par des modèles reste, également, complexe au regard des fortes incertitudes liées au processus de remise en suspension. Enfin, il n’existe que très peu de filière ou de mécanisme de traitement des sédiments qui s’accumulent depuis 10 ans.

En ce qui concerne les outils de conception, certaines méthodes simplifiées n’utilisent pas les données locales des pluies, ni l’évolution des systèmes entre les pluies exceptionnelles (système végétalisé en eau, évapotranspiration, état hydrique du sol, etc.). Les outils de simulation sur des longues chroniques manquent pour produire des scénarios et des simulations et disposer d’une vision plus réaliste pour la conception des ouvrages. L’OTHU souhaite un assouplissement de certaines règles d’infiltration (risque de déstabilisation des sols en gypse en région Parisienne) et que des géotechniciens déterminent des seuils pour l’injection de tous petits dispositifs.

Il n’existe que très peu d’outils disponibles pour la gestion globale des ouvrages d’un bassin versant. Les techniques alternatives ne sont pas étendues au niveau des bassins et les outils de mesure manquent. Pourtant, une étude de l’Ifsttar sur des techniques alternatives placées dans un bassin versant a permis de mesurer par modélisation le bénéfice de certaines stratégies (toitures-terrasses régulées ou déconnectées, plantations, etc.). D’un point de vue des volumes et débits de pointe, une amélioration a été observée dès lors qu’une régulation est intervenue, ainsi qu’une augmentation de l’évapotranspiration. Toutefois, le risque d’introduction des eaux parasites dans les réseaux n’est pas nul, et les outils actuels ne permettent pas d’étudier précisément les différences entre les infiltrations profondes et de surface. La systémisation des techniques de l’échelle locale à l’échelle globale n’est pas le meilleur outil de régulation car elle provoque des débordements plus importants sur une période plus longue. Les volumes sont plus limités en cas d’infiltration. Des études globales au niveau des bassins versants en partenariat avec les collectivités sont nécessaires afin de mieux adapter la réglementation aux contraintes locales. Pour la gestion des flux d’eau, il y a donc besoin de simulations multicompartiments et d’outils de conception simplifiés à l’échelle globale, ce qui pose des difficultés métrologiques pour comprendre les effets sur les différents compartiments.

III) Limitation des flux de polluants (Marie-Christine Gromaire)

Marie-Christine Grommaire L’efficacité des ouvrages a été étudiée vis-à-vis des flux polluants au regard uniquement de l’abattement entre ce qui rentre dans l’ouvrage et ce qui rejoint le milieu naturel. Les ouvrages à ciel ouvert ou enterrés reposent plutôt sur la décantation statique ou dynamique. Les métaux et HAP se retrouvent essentiellement sous forme particulaire en aval des réseaux d’assainissement. Dans le cas des ouvrages centralisés reposant sur l’infiltration, la fonction épuratoire est assurée par la couche superficielle du sol avec une partie de décantation en amont en prétraitement. Les ouvrages basés sur la décantation semblent montrer de bons abattements des polluants particulaires à l’aval des réseaux. S’agissant de l’infiltration, les résultats obtenus à l’OTHU à Lyon montrent que les contaminants (polluants hydrophobes et particulaires) sont retenus dans les couches superficielles du sol et que les risques de transfert vers le sous-sol sont très limités. En revanche, le risque de transfert des molécules hydrophiles (pesticides) est important.

Actuellement, le traitement et la valorisation de la pollution des sédiments ou des couches superficielles du sol ne sont pas maîtrisés et restent très coûteux. Les experts s’orientent donc vers des solutions de gestion décentralisée des eaux pluviales, notamment des techniques de dépollution à l’échelle de la parcelle. La gestion centralisée a le défaut de mélanger des eaux de ruissellement de tous les types de surfaces urbaines (mauvais branchements ou connexion avec les réseaux d’eaux usées, etc.). En revanche, la gestion décentralisée permet de varier les modes de gestion selon le potentiel de contamination du ruissellement de chaque surface et facilite l’insertion de petits ouvrages diffus sur l’espace

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urbain. Par ailleurs, les eaux de ruissellement de toiture peuvent générer des niveaux de contamination élevés (cuivre, zinc ou plomb). Pour les surfaces de toitures en tuile ou les surfaces piétonnes, la contamination est proche de l’apport atmosphérique et ne nécessite pas a priori de dépollution des eaux. Néanmoins, il pourrait être envisagé de limiter les volumes qui arrivent au niveau des milieux aquatiques récepteurs dans l’objectif d’éviter une pollution diffuse. D’autres surfaces comme les toitures en zinc ou les voiries à fréquentation moyenne sont contaminés par des polluants peu décantables (particules à faible vitesse de sédimentation). Un traitement par infiltration et absorption sera alors privilégié. En revanche, pour les surfaces à très forte contamination, la décantation reste valable.

Dans le cadre de la limitation des émissions sur les bassins versants, les pratiques d’entretien (usage des pesticides) méritent, également, une révision. Pour les surfaces où les concentrations sont faibles, il est envisageable de développer les surfaces perméables : zones de stationnement, ruissellement sur des surfaces perméables végétalisées, infiltration partielle à la parcelle. La limitation des volumes doit être annuelle (limitation des volumes d’eau associée aux pluies courantes). Face aux risques de gestion diffuse des polluants, il existe des ouvrages de rétention végétalisés avec deux cas de figure :

- l’eau de ruissellement diffus s’écoule sur des surfaces végétalisées importantes (cela favorise l’infiltration, la rétention et la décantation) ;

- l’alimentation est localisée dans un caniveau ou un tuyau (cela limite les interactions avec les surfaces polluées).

Une thèse a montré que les effets sont limités en concentration et que les flux polluants sont réduits lorsque les volumes d’eau sont réduits (petits bassins versants). Des solutions sont proposées dans divers guides, mais il conviendrait d’être plus précis et proposer des solutions concrètes, à placer en face de l’objectif de maîtrise des flux polluants, et en indiquant le niveau d’abattement espéré par type d’ouvrage. Les outils manquent pour évaluer l’atteinte de niveaux de contamination significatifs des sols et les renouveler à horizon de 10, 20 ou 30 ans. Une autre thèse étudie la maîtrise des dépolluants et des matières en suspension en fonction du type de sol, de la hauteur de pluie prise en dimensionnement et de la taille de l’ouvrage (ratio de la surface de bassin versant et surface de l’ouvrage).

Au niveau international, plusieurs solutions reposent sur des couplages décantation-filtration-absorption : couches de sol ou substrats reconstitués de filtrage avant renvoi vers le milieu ou filtration (charbon actif, hydroxydes de fer ou zéolithes destinés à absorber des micropolluants dissous). Des ouvrages compacts industrialisés destinés à la dépollution à la source, notamment pour les espaces de voirie, existent par ailleurs. Ces solutions sont surtout développées en Allemagne. Les efficacités d’abattement sont prometteuses mais la gestion à long terme des micropolluants piégés dans les sols et les processus de dégradation sont mal connus, tout comme les procédures de gestion des couches superficielles dans les ouvrages de bio-rétention.

En France, l’entretien, la maintenance et la gestion des déchets (filières de retraitement et valorisation) des dispositifs décentralisés ne sont pas réglementés, ainsi que la durée de vie des ouvrages. La performance environnementale (étude d’impact de production, mise en place, entretien, gestion des sous-produits, déconstruction) n’est pas évaluée a contrario de l’analyse des flux polluants. Les outils de mesure de flux (notamment diffus) font défaut. La modélisation des différents processus chimiques, hydrologiques et hydrauliques, rétention/résorption, processus biologique de dégradation vis-à-vis des ouvrages de gestion à la source doit être développée. Il faudrait, également, disposer d’outils pratiques et opérationnels : grille de qualification des surfaces (pollution forte ou faible, actions dépollution, etc.), type de gestion adapté, aide au dimensionnement et conception d’ouvrages en fonction des flux polluants, gestion des flux d’eau, guides d’entretien et de maintenance des filières de traitement (produits et usages moins polluants en amont). Des projets financés dans le cadre de

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l’appel à projets DEB, Onema et agences de l’eau (2014) s’intéressent à l’efficacité des ouvrages de gestion des eaux pluviales, centralisés ou décentralisés, sur la limitation des flux polluants joignant les flux des milieux récepteurs.

IV) Plurifonctionnalité

Fabrice Rodriguez Les nouveaux ouvrages de gestion des eaux pluviales sont plurifonctionnels. Ils assurent non seulement une fonction hydrologique et hydraulique, mais aussi paysagère (bassins de rétention à sec ou noues végétalisées, voire les toitures végétalisées). Ces espaces publics permettent aux citoyens de surveiller et signaler un colmatage ou une accumulation de sédiments et peuvent être interdits d’accès en cas d’orage. La présence de végétation atténue l’îlot de chaleur urbain en favorisant le processus d’évapotranspiration et renouvelle la biodiversité (trame verte en ville). Un projet de recherche à Nantes s’intéresse à toute forme de végétation urbaine, dont les dispositifs de gestion des eaux pluviales (effet hydrique des débits de pointe et bilan3). Le confort thermique des habitants est également modifié dans les bâtiments (demande énergétique au regard du besoin de climatisation). La réduction du ruissellement et l’évapotranspiration ont été observés lors du remplacement du réseau enterré par un réseau de noues et avec différents taux de toitures végétalisées (50 ou 100%). Toutefois l’absence d’organisation pour la gestion à long terme et la maintenance constitue un frein à leur développement, en particulier sur l’aspect plurifonctionnel (mise en œuvre des drainages ou des systèmes de filtrage des polluants). Une enquête nationale (CETE Bordeaux) et une enquête locale (Iffsttar Nantes métropole) ont montré que la gestion de ces ouvrages restait mal connue, ainsi que l’organisation pour leur entretien, du fait de leur plurifonctionnalité. Il semble, donc, nécessaire de progresser au niveau de la connaissance à l’échelle des agglomérations des ouvrages décentralisés et sur la gestion patrimoniale des dispositifs centralisés, tout comme des outils de gestion patrimoniale ont été déployés pour les réseaux enterrés.

V) Débat avec la salle

Elisabeth SIBEUD, Métropole de Lyon L’exposé sur la pollution des eaux pluviales et la performance de dépollution m’a

quelque peu gênée. Je l’ai pris de façon assez négative, car les techniques à la source semblent appelées à s’arrêter pour privilégier l’envoi vers les stations d’épuration. Quand il est question de dépollution des eaux pluviales, je pense qu’il faut bien expliciter si nos stations d’épuration sont réellement capables de les traiter et si le traitement des pollutions dissoutes dans les stations d’épuration est réellement performant, au point de tout confier à ces stations.

Il a aussi été question de pollution des sols urbains. N’oublions pas que les villes que nous fabriquons sont de plus en plus vertes. Comme les espaces verts sont appelés à recevoir de la pollution atmosphérique, il faudrait être plus précis, en explicitant aussi la pollution des sols urbains par infiltration. De plus, le sol urbain qui ne reçoit pas l’eau de pluie sera-t-il lui aussi pollué ? Comment différencier ces différents points ?

Au fond, cette approche ne s’intéresse à la pollution que de façon absolue et intrinsèque. Avec un tel discours, toutes les eaux seront renvoyées à la station d’épuration pour éviter les infiltrations. Nous avons besoin de davantage de relativité dans les discours, pour éviter de nous enfermer dans des solutions dont nous ne saurions pas nous départir.

3 Microclimatologie, évapotranspiration, modification des propriétés des surfaces.

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Sylvie BARRAUD L’objectif recherché n’était pas d’arrêter les dangereuses infiltrations. Je suis partie

d’un constat. Les intervenants dans les collectivités mettent très souvent en avant que nous risquons de polluer les sols de façon diffuse, ce qui sera problématique par la suite. Je pense qu’il s’agit d’un faux problème. Les polluants conservatifs se stockeront toujours quelque part, mais en agissant comme il se doit, ils seront stockés dans un endroit connu et dans une couche de faible épaisseur. Le délai de remplissage de cette couche sera alors long. Il suffira de bien la gérer.

Par ailleurs, l’accumulation reste souvent faible. En dix ans, elle n’est souvent même pas visible. Une accumulation s’observera certes pour les systèmes fonctionnant par absorption, destinés à des surfaces plus chargées, mais ce n’est sans doute guère problématique. L’important reste de bien maîtriser l’endroit où a lieu cette accumulation, tout comme nous devons gérer les boues issues des stations d’épuration.

Marie-Christine GROMAIRE J’ignore quel passage de notre exposé t’a conduit à cette conclusion. Nous pensons

exactement le contraire. Ces systèmes réduisent les volumes, permettent la décantation et la filtration. Or l’humus est un très bon absorbant. Il est vrai que certains polluants, comme les pesticides, rejoignent directement les nappes, mais autant en partant des pelouses que des réseaux. Pour arrêter les pesticides, il faut arrêter d’en répandre.

Sylvie BARRAUD Les chercheurs préfèrent s’avancer sur des éléments étayés, qu’ils peuvent prouver.

Or les travaux sont restés assez limités sur le devenir des contaminants d’un ouvrage à l’autre. Les résultats à avancer sont donc limités. Des travaux sont toutefois en cours. J’espère que nous pourrons vous montrer d’ici deux ans qu’il s’agit en réalité d’un faux problème.

De la salle J’ai partagé le sentiment d’Elisabeth à l’écoute de votre intervention. Votre discours a

mis en avant les ouvrages, dont la finalité est de gérer un problème. Or il faut savoir que la pollution existe avant d’envisager d’infiltrer à la source. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas omettre de parler des espaces. Il faut aujourd’hui changer les concepts et les discours, mais notre façon de parler génère malheureusement une interprétation trop technique, qui met trop souvent en avant que l’eau pluviale est polluée et que toute infiltration polluera le sol. Nous générons nous-mêmes une interprétation de nos propos.

Pierre-Alain ROCHE N’oublions pas que certaines pollutions accumulées dans les sols dans l’indifférence

générale ont causé ensuite de sérieuses difficultés. Il est logique de traiter cette question et il faut répondre à ceux qui s’inquiètent, par une réaction qui semble de bon sens. Comme la pollution ira toujours quelque part, il faut savoir relativiser, hiérarchiser et comparer. Il y a là le risque d’un frein réel qu’il ne faut pas sous-estimer.

Marie-Christine GROMAIRE Le risque de pollution des nappes ou des sols a bel et bien été étudié en termes de

recherche. Nous conduisons notamment des mesures sur des systèmes centralisés. Nous en avons déduit des connaissances, vis-à-vis notamment de certains polluants métalliques ou hydrocarbures qui ne percolent pas et qui sont immobilisés dans la couche de surface. Des recherches ont également été menées sur les migrations possibles des polluants en laboratoire. En réalité, ils migrent très peu. Si nous avançons une position contraire, ce n’est pas par intime conviction mais parce que la recherche l’étaye. Quant aux systèmes à la source, il est vrai que nous en savons moins.

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Sylvie BARRAUD Je reviendrai sur la remarque d’un problème surinvesti, comme si la question de la

contamination des eaux pluviales ne posait pas de problème pour les milieux récepteurs. Cela peut effectivement ne pas l’être si tout le monde est conscient et agit comme il se doit, mais cela pourrait le devenir. Ainsi, l’emploi de certains matériaux innovants, comme les crépis de façade contenant des agents biocides, s’accompagne de leur passage en quantités importantes dans les eaux de ruissellement. Des travaux menés en Suisse et en Allemagne l’ont montré. Par des dérives de ce genre, le problème pourrait s’aggraver et ne plus être un problème surinvesti. Il faut donc rester sensibilisé sur la question pour prendre les bonnes décisions.

De la salle Je souhaite apporter ma contribution sur la gestion patrimoniale des ouvrages

déconcentrés. Forcément, il est difficile de les entretenir et de les surveiller quand ils sont limités, notamment sur le milieu routier national. Comme ces ouvrages sont inconnus, ils sont peu entretenus ou surveillés. Au fond, la multiplication des petits ouvrages facilitera-t-elle réellement l’entretien et la surveillance ? Nos collègues des collectivités pourraient apporter des éléments de réponse.

Quant aux ouvrages qui ne relèvent pas du domaine public, par exemple les aménagements de lotissements qui peuvent compter plusieurs hectares, les syndics ou les propriétaires auront-ils les moyens de les entretenir ? Un risque d’inondation ou de crue ne pourrait-il pas se présenter si la connaissance se perdait, suite à une vente par exemple ?

Pierre-Alain ROCHE Nous y reviendrons sans doute en détail dans la quatrième table ronde.

Fabrice RODRIGUEZ En effet. Il reste que ces remarques sont pertinentes. Les ouvrages sont de plus en

plus nombreux. Il sera de plus en plus difficile de disposer d’une bonne connaissance de leur localisation, de leur fonctionnement et de leurs bénéfices. Il nous faut pourtant nous orienter dans cette voie, y compris pour les ouvrages dont la domanialité est plus dispersée. Si la connaissance du fonctionnement de ces ouvrages se perdait, nous connaîtrons également très mal leurs effets à une échelle plus grande. Même si nous disposons d’informations au niveau de l’ouvrage, nous en manquons parfois au niveau du quartier. Il nous faut maintenant progresser dans la qualification et le fonctionnement de ces ouvrages, pas systématiquement par la réglementation mais aussi par l’incitation à fournir des informations sur l’état de ces ouvrages.

Pascal PETIT, Roannaise de l'Eau Il est intéressant de savoir ce que l’on fait quand on infiltre localement, mais il faut

aussi relativiser. Il a bien été souligné que la pollution progressait dès lors que l’eau parcourt un trajet long, avec un coefficient 10 en termes de pollution pour un parcours de 100 mètres. La pollution à l’aval est donc colossale, dans les réseaux séparatifs comme dans les réseaux unitaires. Or la problématique à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui porte sur les déversements par temps de pluie des réseaux unitaires, solution qui reste bien meilleure que toute autre solution. Une revue spécialisée a pourtant fait état récemment du risque de pollution lié à la gestion des eaux pluviales à la parcelle, ce qui a totalement annihilé l’intérêt de l’infiltration évoquée dans l’article. Il est important de relativiser et de tenir compte des différents types de lecteurs, en indiquant qu’il s’agit de la meilleure des solutions pour notre problématique urbaine, mais que certains éléments sont sans commune mesure avec ce qui se fait aujourd’hui.

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Ronan QUILLIEN, Département de Seine-Saint-Denis / Direction de l'Eau et de l'Assainissement

Je doute que toutes les questions doivent être des mobiles pour ne pas agir. Nous savons que certains dispositifs ne marchent pas pour certains usages, par exemple les séparateurs d’hydrocarbures. Il faut avant tout chercher à améliorer les dispositifs. S’agissant de la gestion patrimoniale des techniques alternatives, elle ne doit pas être abandonnée sous prétexte que nous ne savons pas bien la gérer. Si elle est pertinente dans la lutte contre les inondations ou l’abattement des polluants en amont, il nous faut modifier les politiques publiques pour gérer ces ouvrages au mieux.

Pierre-Alain ROCHE Nous sommes extrêmement intéressés par toutes les idées que vous pourriez nous

adresser sur l’évolution des politiques publiques qui permettraient de résoudre les problèmes auxquels vous êtes confrontés. La mission qui nous a été confiée vise en effet à améliorer les politiques publiques, pas à produire un nouveau manuel technique sur la gestion des eaux pluviales. Il s’agit bien de rendre les pratiques plus opérationnelles. Le concours Lépine est ouvert.

Jacqueline LANDAS-MANEVAL, Grenoble-Alpes-Métropole Ne faudrait-il pas plutôt passer d’une gestion des eaux pluviales polluées à une gestion

de la pollution ? Vous n’avez d’ailleurs pas évoqué l’incidence des pratiques en termes de propreté urbaine sur les flux polluants. Selon le type de nettoyage mené, la pollution à l’exutoire variera beaucoup. Cette intervention rejoint vos remarques sur la nécessité de prévenir la pollution à la source.

Sylvie BARRAUD De quel type de nettoyage parlez-vous ? Du balayage de la voirie, par exemple ? Les

pratiques usuelles de balayage des caniveaux présentent un effet limité sur les flux qui apparaissent dans les eaux de ruissellement. Ce balayage n’enlèvera que les particules les plus grossières. Les polluants fixés de façon fine ne sont pas traités de cette façon.

Marie-Christine GROMAIRE Jouer là-dessus n’est pas forcément une bonne stratégie.

Sylvie BARRAUD Il faut aussi se rappeler qu’un lessivage interviendra en amont du nettoyage des murs

ou des sols.

Michel BENARD, INFRA Services Je suis un maître d’œuvre ayant une certaine expérience. Je souhaite revenir sur la

question des transferts. Peut-être la dimension économique de ces actions mériterait-elle d’être ajoutée, car l’argent pollue souvent les meilleures intentions. En outre, il arrive que des solutions extrêmement simples et satisfaisantes soient recherchées, par exemple par des solutions de gestion à la parcelle dans des quartiers d’habitation où il n’existe même plus de bassin ou de réseau, pas forcément par des ouvrages conçus ou visibles. Ainsi des gouttières équipées d’un coude se déversent simplement dans mon jardin et il en va ainsi depuis vingt ans. Celui qui viendrait contrôler mon dispositif de gestion des eaux pluviales y passerait finalement assez peu de temps.

Sylvie BARRAUD Il y passerait au contraire beaucoup de temps, car ce contrôle serait compliqué.

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Table ronde n°4 : Acteurs, territoires et gouvernance

Participent à cette table ronde :

José Frédéric DEROUBAIX, Leesu - Ecole des Ponts Paris Tech

Nathalie LE NOUVEAU, Cerema – Direction technique Territoires et ville, Lyon

Caty WEREY, Irstea – ENGEES UMR Geste, Strasbourg

I) Une politique de gestion des eaux pluviales ?

José Frédéric DEROUBAIX Il nous a fallu au départ adopter la posture du naïf, ou du faux naïf. Nous nous sommes

demandé s’il existait une politique de gestion des eaux pluviales. C’est assez évident pour tous ceux qui sont présents, mais c’est souvent la démarche des chercheurs en sciences humaines de se poser des questions simples. Cette question reste néanmoins assez complexe. En premier lieu, il existe des acteurs publics qui se préoccupent des effets générés par les eaux pluviales et leur ruissellement, notamment à l’échelle des collectivités. On pourrait en déduire qu’une politique publique existe. J’indique d’ailleurs à mes étudiants lors de mon cours d’analyse des politiques publiques qu’une politique publique existe à partir du moment où le secteur public annonce qu’une politique publique existe. Dans le même temps, ce sont les collectivités locales qui portent les programmes d’action.

Une expertise et un ensemble de disciplines scientifiques cohabitent en outre pour étudier ces phénomènes. Par la sociologie des sciences, il apparaît par ailleurs que l’hydrologie urbaine ne s’est pas créée sans frictions parfois violentes avec d’autres disciplines universitaires déjà établies dans le champ (hydrologie, géologie, etc.).

L’autonomisation des eaux pluviales comme domaine des eaux publiques reste pour sa part extrêmement récente. Les bases légales de la gestion des eaux pluviales remontent à la loi sur l’eau de 1992, qui reconnaît un principe de régulation et un partage des compétences entre l’Etat central et ses services territoriaux et les collectivités. Il a ensuite fallu attendre les années 2000 pour que la jurisprudence européenne et la mise en œuvre de la DCE débouchent sur des quasi-normes d’émissions ou du moins des concentrations souhaitables dans le milieu.

Sur ces bases, nous pourrions être tentés d’affirmer qu’il n’existe pas de réelle politique de gestion des eaux pluviales à part entière. D’ailleurs, en considérant cette politique par le risque d’inondation, on éprouve une grande perplexité à étudier le périmètre de la directive inondation, qui exclut les inondations pluviales.

Force est pourtant de constater que nous assistons depuis vingt ans à l’échelle territoriale au déploiement de programmes d’actions dans certaines collectivités, de schéma de planification ou de budgets plus ou moins spécifiques. La politique – l’élu et la chose politique – ayant horreur du vide, on a peu à peu constaté des mobilisations au niveau local, suite à des inondations ou des mortalités piscicoles. Des politiques publiques et des politiques de contrôle à la source se sont également développées puis dans nombre d’agglomérations de petite taille.

Les travaux à l’échelle européenne restent quant à eux assez peu nombreux. Certains sont en cours. Ceux déjà relativement anciens tendent à montrer qu’aucun type de décentralisation, ou mode de gestion public et privé (ou public ou privé), ne semble réellement déterminant pour expliquer le développement des politiques de gestion des

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eaux innovantes à l’échelle locale. Dans le cas français, on observe des spécificités territoriales très importantes. La thèse de Mathilde Soyer l’a bien montré, tout comme les travaux menés dans le cadre de l’observatoire des vingt collectivités sur le territoire métropolitain. Il existe des profils de politiques de gestion des eaux pluviales assez différents, parfois plutôt hydrauliques, parfois plutôt environnementaux et parfois plutôt urbanistiques.

Si nous nous sommes interrogés de façon assez provocatrice sur la question de l’existence d’une politique de gestion des eaux pluviales, c’est surtout à cause de l’actualité juridique. Le législateur a en effet tendance à faire deux pas en avant pour un pas en arrière. Entre 2006 et août 2012, le principe de service public a certes été conservé, mais il a été privé – au nom de la simplification administrative – de la possibilité d’un financement spécifique, ce qui présente des incidences sur ce qui a été engagé dans l’axe de l’imperméabilisation.

Si ce principe a été maintenu, il n’a pas pour autant été doté d’un contenu substantiel qui s’appliquerait à toute la filière de gestion des eaux pluviales. C’est au fond assez étonnant, car la justification environnementale de ce service public local de gestion des eaux pluviales est assez évidente. La justification environnementale de l’assainissement non collectif l’est beaucoup moins. C’est d’ailleurs un gros problème pour les élus locaux, qui doivent la mettre en place. Retenez qu’il n’existe pas de contenu explicite de ce service public local dans le cadre des eaux pluviales.

Je cède la parole à Nathalie, qui va évoquer les perspectives du point de vue institutionnel.

II) Avec quels services publics et quelle compétences dans la nouvelle organisation territoriale ?

Nathalie LE NOUVEAU Du point de vue institutionnel et de l’organisation des collectivités, on peut citer en

matière de recherche la thèse de Damien Granger en 2009 sur la gestion des eaux urbaines. Au-delà, les travaux restent plutôt limités. Pour sa part, la thèse de Mathilde Soyer a porté sur trois métropoles dotées d’observatoires. Elle a mis en évidence certaines dynamiques spécifiques. Il s’agit là de cas particuliers, innovants et originaux. Leur total reste au nombre de trois.

Dans l’observatoire des vingt collectivités, nous avons pu relever des collaborations qui se développaient dans certaines collectivités championnes avec les services de l’Etat ou des partenaires comme les agences de l’eau, autour de définition de compétences pluviales, même s’il n’en est pas encore fait état dans le code des collectivités. L’évolution des territoires et des institutions pose par ailleurs des questions nouvelles. L’exemple de Roanne ou celui d’Annemasse sont intéressants, avec des intercommunalités à caractère urbain qui s’étendent autour d’elles dans des milieux périurbains, voire ruraux, ce qui pose des questions nouvelles de définition de la gestion des eaux pluviales dans ces territoires.

Les travaux du GRAIE à ce sujet méritent d’être évoqués. L’évolution du partage des responsabilités et une gestion de plus en plus à la source, et donc de plus en plus multi-acteurs, renforce le besoin de clarifier les compétences. Ce chantier, lancé en 2013, a visé à étudier comment se posent les contours de la compétence eaux pluviales.

Il en découle de nouvelles interrogations, par exemple sur la végétalisation ou le cadre de vie. Le passage de surfaces grises à des surfaces vertes induit inévitablement des transferts de charge et d’organisation, entre les services voiries, les services hydrauliques (pour les réseaux enterrés), vers les services espaces verts des collectivités. Les effets de ces évolutions sont restés très peu étudiés.

La réforme territoriale en cours, engagée par la loi MAPAM de janvier 2014 a posé des questions sur la gouvernance de l’eau. Elle a imposé la compétence GEMAPI aux

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intercommunalités. Cette compétence GEMAPI (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) exclut explicitement dans la loi la maîtrise des eaux pluviales et du ruissellement, ce qui pose la question de la place de l’inondation pluviale.

La loi NOTRe, qui vient d’être promulguée le 7 août dernier, induira aussi un transfert obligatoire des collectivités vers les EPCI à fiscalité propre de l’eau et de l’assainissement, à l’horizon 2020. Là aussi se pose la question de la place des eaux pluviales. Elle a été complètement absente des débats parlementaires et les interprétations diffèrent. Les représentants du Ministère s’appuient sur des jurisprudences et considèrent que le transfert de l’assainissement appelle le transfert de la gestion des eaux pluviales. Cette approche mériterait d’être explicitée, si l’on souhaite que cette compétence soit affirmée. Les travaux menés sur le partage des responsabilités montrent l’intérêt de communautariser la gestion des eaux pluviales au sein des EPCI.

Après ces besoins de clarification, des besoins de travaux de recherche se font jour également, avec des collègues juristes. Ils sont encore très peu présents dans les travaux de recherche en hydrologie urbaine. Il existe notamment des compétences à Lyon, avec l’Institut du droit de l’environnement.

Par ailleurs, nous commençons à relever une nouvelle organisation territoriale, avec une structuration de directions du cycle de l’eau, directions de l’eau ou services de l’eau, au sein des collectivités. Ils pourraient regrouper à la fois la GEMAPI, l’eau potable, les eaux usées ou les eaux pluviales. Il serait intéressant d’étudier comment ce regroupement des compétences des services pourrait apporter dans une gestion plus intégrée de l’eau, jusqu’aux acteurs de l’aménagement.

III) Et quel outillage ?

Nathalie LE NOUVEAU Les questions suivantes que nous nous sommes posées ont déjà fait l’objet

d’échanges aujourd’hui. Pour la mise en œuvre de ces politiques à différents niveaux, et notamment au niveau territorial, nous avons vu se construire des politiques, portées majoritairement par des collectivités. Il conviendrait d’étudier les instruments qu’utilisent les acteurs, en particulier les collectivités et les services de l’Etat. En étudiant différents travaux, notamment l’état des lieux de 2008 du Service de l’observation statistique l’Observatoire, le travail de fin d’études d’Aurélie Gerolin, la thèse de Guido Petrucci ou l’observatoire des vingt collectivités, nous avons noté une unanimité pour la saisie d’un instrument réglementaire afin d’imposer une gestion à la source des eaux pluviales. Cet instrument peut être le règlement d’assainissement, dans la majorité des cas. Le zonage pluvial ou sa transcription dans les documents d’urbanisme peuvent également être utilisés. La fixation de règles de gestion à la source s’impose sans doute. Elle prend différentes formes. La première forme retrouvée, dans les collectivités de Bordeaux et Nancy a porté sur le respect du ruissellement naturel. Dans les années 80, on retrouvait dans les règles la servitude d’écoulement naturel du Code civil, que nous avons interprété comme le pouvoir pris par les collectivités, au travers de leur réglementation, de faire respecter un droit privé, le droit civil. Je le rapproche de ce que certains pays étrangers appellent le pré-développement. Ces premières règles étaient très difficiles à appliquer, car elles nécessitaient une évaluation à chaque demande de permis de construire. Dans certaines collectivités, il a été décidé face à la profusion d’avis à instruire de normaliser la règle et de passer à des valeurs uniformes de limitation de débit. Nous nous trouvons là dans une logique de rationalisation des coûts et d’équité, parfois. Il apparaît donc différents niveaux de rationalité dans la définition de ces normes. Des limitations de volumes ont également pu être édictées.

D’autres travaux, dont les travaux de Guido Petrucci, ceux de l’observatoire ou mes propres travaux, ont permis de mettre en évidence les différentes rationalités qui conduisent à la production de ces règles. Les processus décisionnels prennent parfois

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plusieurs années, car ils sont construits suite à des études préalables et peuvent donner lieu à une concertation interservices. Différentes politiques publiques sont effectivement prises en compte (l’eau, les risques ou l’urbanisme, via l’instruction), mais ces rationalités sont bien souvent uniquement juxtaposées. Ces règles perdent alors leur sens en elles-mêmes, pour aboutir à des règles qui juxtaposent la protection du milieu naturel et la prévention des risques.

Cette logique de règle se retrouve aussi au sein des services de l’Etat. Ils utilisent différents outils plus ou moins souples, comme le SDAGE, dans une logique de définition de règles visant à induire un mouvement de gestion à la source, partant du constat que les collectivités ne se saisissent pas beaucoup du zonage pluvial. La DDT du Rhône, de son côté, a recours au PPR NI par exemple.

Cette fixation de règles entraîne un changement radical dans la manière de construire. Elle crée chez les collectivités un besoin d’accompagner les acteurs de la construction et de l’aménagement. Nous avons noté, en particulier dans l’observatoire des vingt collectivités, que celle-ci sont conduites à produire leur propre référentiel. C’est le cas dans le Grand Lyon, à Lille, à Hénin-Carvin, etc. Ces guides locaux, produits par les collectivités ou avec leurs partenaires, mettent en évidence certaines fonctions territoriales ayant pour racine la collectivité.

La première est la fonction culturelle. Quand un changement radical est introduit dans l’acte de construire, ce changement doit être acculturé.

La fonction suivante est la fonction de représentation politique. Quand une nouvelle politique territoriale est définie par la collectivité, des guides incarneront et représenteront cette politique. Un élu ou un Vice-Président pourra alors signer un édito et marquer la manière dont il perçoit l’eau ou le changement dans la manière d’aménager la ville.

La troisième fonction est la fonction de porter à la connaissance réglementaire. Elle est relativement importante. Elle vise à favoriser la prise de conscience et la connaissance des obligations qui s’imposent à chacun.

Vient ensuite la fonction d’assistance-conseil, qui va jusqu’à produire des outils, des méthodes, etc. Une sorte d’instruction technique de 1977 se retrouve parfois dans certains guides.

La fonction management des connaissances se traduit pour sa part de différentes manières. Dans le SIBA (le syndicat d’Arcachon), les trente ans de solutions compensatoires mises en œuvre sur le territoire se traduisent par une capitalisation des connaissances dans le guide, où les enseignements sont partagés à partir des retours d’expérience, des réussites, des échecs, etc.

La fonction suivante a trait à la structuration de la gouvernance. Les politiques sont définies par la collectivité mais avec des pouvoirs partagés avec les services de l’Etat ou au sein des services. Des échanges s’ouvrent alors dans ce contexte sur la formalisation des principes de gestion, au travers du guide. Ces échanges sont l’occasion de débattre sur la répartition de la gestion, en cohérence avec la politique des services de l’Etat, notamment pour l’instruction des dossiers loi sur l’eau.

La dernière fonction est la fonction économique. Elle porte sur la rationalisation des coûts, dans la mesure où les approches sont partagées et simplifiées et où les éléments sont rendus accessibles, jusqu’aux données météorologiques évoquées ce matin.

Dans ce mouvement de développement des doctrines, les services de l’Etat ne sont pas en reste. Les services de police de l’eau, qui ont en charge depuis 1992 l’instruction des rejets au milieu naturel à partir de 1 ha (déclaration et autorisation), ont été eux-mêmes conduits développement ces guides locaux, départements ou régionaux, sans doute pour remplir à peu près les mêmes fonctions. De telles doctrines existent au niveau départemental, régional ou interrégional. Ces pratiques et le besoin qui a été ressenti sont assez généralisés. Cet état des lieux est en cours d’achèvement. Cette production de

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guide se rapproche de ce dont les collectivités s’acquittent déjà. Les mouvements ont été initiés à la même période, au début des années 2000.

Il s’agit, dans ce phénomène de développement des doctrines et des guides, tant de la part des collectivités que des services de l’Etat, de s’interroger sur leur contenu. Il pourrait être intéressant, à la lecture du rapport du Conseil d’Etat de 2013 sur le droit souple, de considérer que ces guides constituent du droit souple. Nous le consoliderons dans notre analyse, dans la mesure où ils seront reconnus par le juge et où ils sont structurés et formalisés, quasiment comme s’ils fixaient des contraintes.

L’analyse à travers la théorie du droit souple de ce type de doctrine permettrait à la fois de renforcer notre vision du service public, qui est déjà présent dans ces doctrines, et d’aider à définir des éléments de doctrine, de manière éclairée. Des questions se posent en effet. Dans certains cas, de nouvelles règles sont édictées, sans qu’elles aient été soumises à la consultation publique ou débattue. Elles se substituent donc en un sens à la règle de droit classique, sans avoir été produites dans les mêmes conditions.

Terminons en évoquant la taxe pour la gestion des eaux pluviales. Une cinquantaine de collectivités l’ont étudiée. Cinq collectivités ont délibéré et deux l’ont recouverte. Une satisfaction et une déception se sont exprimées dans cette suppression. Elle pose en effet la question du financement de la gestion des eaux pluviales mais aussi de futurs instruments. Sans doute des éléments du parangonnage en cours apporteront-ils des éléments de réponse. De même, la question de la fiscalité environnementale aurait aussi pu être une occasion de sensibilisation et d’intégration du citoyen, qui reste relativement absent des travaux de recherche dans la politique de gestion des eaux pluviales. Après deux pas en avant, il s’agit là d’un pas en arrière.

IV) Quels risques sont appréhendés ?

José Frédéric DEROUBAIX La troisième grande thématique que nous avons cherché à développer porte sur les

risques encourus par les collectivités et plus particulièrement par les services. Les chercheurs en sciences humaines et sociales sont des faux naïfs. Ils peuvent aussi parfois être un peu pervers. Ils s’intéressent en effet aux problèmes publics et à leur traitement par les autorités publiques, mais ils s’intéressent aussi aux problèmes qui pourraient devenir des problèmes publics mais qui ne donneront pas lieu à une prise en charge publique. Parmi ceux-là se trouve ce qu’Alain Roche a nommé ce matin la non-stationnarité des événements pluvieux, qui est l’hypothèse d’une multiplication des événements extrêmes et de leur fréquence, à l’échelle des territoires, en raison du changement climatique. Il apparaît là un risque physique pour les collectivités et un risque politique pour les services d’assainissement. Les contentieux portant sur les débordements de réseau représentent en effet un risque politique pour les services. Ces risques sont pourtant ignorés, de nombreux services faisant valoir l’incertitude associée à ces phénomènes à l’échelle territoriale. Ils raisonnent en outre strictement de façon hydraulique. Ils annoncent qu’ils continueraient à agir comme ils en ont l’habitude si un événement se produisait, c’est-à-dire qu’ils optimiseraient les réseaux et les infrastructures de stockage en limitant les débits de rejet à la parcelle. Cette question, déjà évoquée ce matin, méritait d’être soulevée. Il semble étrange de se refuser à effectuer l’exercice intellectuel qui consiste à considérer des conditions de fonctionnement extrêmes du système d’assainissement, pour prendre en considération la vulnérabilité des territoires soumis à un risque d’inondation par débordement de réseau. Ce n’est pas équivalent d’inonder un lotissement ou une infrastructure de transport.

Nous avons par ailleurs dressé le constat que les micropolluants sont peu présents dans les politiques de gestion des eaux pluviales des collectivités, ou qu’ils sont présents mais presque cachés. Le contrôle à la source – dont on a vu le développement au cours des dernières années – est aujourd’hui conduit par un grand nombre de collectivités, mais

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la question du contrôle préventif des sources de polluants et de micropolluants se pose peu. Le seul cas de contrôle préventif est celui des herbicides. Les enquêtes menées dans le cadre de l’ANR Inogev auprès des services montrent que les collectivités restent dans une posture de prudence, en l’absence de signal fort de l’Etat. Ils se refusent à revendiquer la gestion d’un problème public lié aux micropolluants. Au fond, il s’agit dans les termes de la sociologie politique d’une politique de gestion sans regret : il est possible d’agir, mais uniquement sans générer de nouveaux coûts politiques ou financiers. Il ne faut pas non plus trop que cela se sache. Une grande prudence est en effet de mise sur le contrôle à la source ou les techniques alternatives, pour éviter toute mésinterprétation.

Enfin, les collectivités encourent un troisième type de risque, lié à la connaissance des ouvrages décentralisés de contrôle et de traitement à la source des eaux pluviales, notamment sur les parcelles privées. Il en a longuement été question dans la séquence précédente. Pour certaines collectivités, le contrôle de la conformité et de la maintenance de ces dispositifs sur les parcelles privées représente une tâche colossale, pour laquelle le nouveau principe de service public local ne les équipe pas, sans préciser clairement les compétences et les prérogatives. Cet enjeu patrimonial renvoie à deux questions. La première est une question d’ordre technique : quel est le bon degré de centralisation ou de décentralisation de ces techniques alternatives ? Quelques parcelles de projets urbains ne pourraient-elles pas être centralisées dans l’espace publique, afin de conserver un contrôle dessus. Dans le même temps, cette approche générerait des coûts supplémentaires pour les collectivités. Il en découle une autre question technique sur le degré de rusticité ou de technicité de ces ouvrages, car les conséquences sur la maintenance et le contrôle de la maintenance peuvent fortement varier.

La seconde question est d’ordre institutionnel et organisationnel : quelles compétences veut-on voir assumer par les collectivités dans un service public local de gestion des eaux pluviales ?

Caty Werey va maintenant nous parler des questions systémiques.

V) Quels systèmes considérer ? pour quels services rendus ? et à quels coûts ?

Caty WEREY Je positionnerai mon exposé sur les sciences de gestion et les sciences économiques,

autour des questions suivantes : quels systèmes ? quels patrimoines et quels coûts prendre en compte pour ces services ?

La première question qui se pose est la suivante : à quelle échelle raisonner ? Le fait de sortir de la notion de tuyau et de réseau enterrés pour prendre en compte les techniques alternatives a fait émerger la notion de système de gestion intégrée et de système d’assainissement. Au-delà de cela se profile la notion de système de gestion intégrée des eaux urbaines.

La notion de système, de son côté, prend en compte le concept de structure mais aussi le service gestionnaire, ainsi que tous les acteurs présents pour la gestion. Il intègre aussi les usagers, abonnés au service ou victimes en cas de dysfonctionnement. Ce sont ces usagers qui bénéficient des aménagements existants. Enfin, la prise en compte du milieu naturel s’ajoute aussi à cette notion de système.

Le passage à cette notion de système nécessite de considérer les changements d’échelle à trois niveaux. Le premier est le niveau spatial, du fait du passage d’un réseau d’assainissement à vocation purement technique (hydraulique) à des techniques alternatives réparties de façon individualisée et exerçant aussi des fonctions diverses (récréatives ou paysagères).

Le second changement d’échelle est organisationnel. Le service d’assainissement se retrouve en effet au cœur de l’entretien des techniques, même s’il n’en a pas été le

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concepteur au préalable. Toute la question de la limite entre le domaine privé et le domaine public se pose alors. Enfin, le dernier changement d’échelle porte sur la participation d’un nombre bien plus élevé d’acteurs. Ce n’est donc plus une question strictement d’ordre technique qui se pose. Le service d’assainissement se trouve à présent à la croisée de plusieurs approches, les aménageurs et les usagers étant également partie prenante.

La notion de système de gestion des eaux urbaines a été au centre du projet Omega, piloté par Frédéric Cherqui de l’INSA de Lyon. Ces différents changements d’échelle ont été appréhendés et cette façon de faire a aussi favorisé l’interdisciplinarité. Dans ce projet, nous avons croisé les approches hydrauliques, les approches d’analyses hydrobiologiques, les questions de l’usage social des dispositifs techniques des techniques alternatives, l’évaluation économique ainsi que toute la question managériale.

En passant à cette notion de gestion intégrée s’est aussi posée la question de la gestion patrimoniale, qui reste embryonnaire. Les dispositifs restent en effet assez nouveaux et le recul manque, mais il faut aussi se positionner dans des pratiques différentes. Il sera en outre nécessaire de produire un inventaire, comme c’est demandé pour les réseaux d’eau potable et d’assainissement, mais pas avec un cadre aussi incitatif que celui du dispositif Grenelle et du décret du 27 janvier 2012 pour les réseaux d’assainissement et d’eau potable, où plane la menace du doublement de la redevance prélèvement. Nous nous inscrirons plutôt dans des pratiques volontaristes, tant pour les réseaux d’assainissement que pour les techniques alternatives. Elles sont nécessaires pour aborder la gestion patrimoniale, sachant que cette notion d’inventaire est déjà abordée par un certain nombre de collectivités, ce qui pose aussi la question de la variété des typologies entre les dispositifs.

Les impacts en termes de dysfonctionnements pourront ensuite reposer sur mêmes les approches et méthodes que celles utilisées sur les tuyaux. Seule la notion de pollution différera. L’approche de coûts directs pour le service sera en outre à comparer aux coûts indirects, en lien avec la notion d’externalité. Cette notion étudie tous les effets rendus par un service ou un système à l’extérieur. Ainsi, une pollution générera des coûts pour le service, mais aussi des impacts sur les activités récréatives ou sur les pêcheurs. Il s’agira alors d’une externalité considérée comme négative. Au fond, ce n’est pas tant le service qui subira un coût. Ce sont plutôt d’autres agents qui seront affectés.

Par rapport aux techniques alternatives, on passe d’une notion d’effet négatif (qui existera tout de même en cas de dysfonctionnement) à une notion d’effet positif et d’externalité positive, notamment autour de la nécessité de prendre en compte le bien-être. Au fond, le côté paysager et l’usage récréatif apportent aussi des éléments qui n’avaient pas été imaginés ou prévus au moment de la mise en place d’un ouvrage, qui reposait sur des considérations techniques. Cette notion d’externalité constitue un champ d’investigation de par sa nouveauté.

Des travaux ont également été amorcés sur le plan technique et de l’état des patrimoines eu égard à la gestion patrimoniale. Des travaux ont été amorcés sur l’état actuel, mais les travaux restent incertains s’agissant de la prédiction de l’évolution, notamment parce que le recul reste limité. Les modèles mis en place sur la gestion patrimoniale des réseaux d’assainissement pourront certainement servir de base, mais en prenant pour base le passage de systèmes fonctionnant non plus en réseau mais autonomes, et en tenant compte du fait que ces techniques présenteront une multifonctionnalité. Ils présenteront toutefois l’avantage d’être visibles, en comparaison avec les réseaux enterrés, où la connaissance de l’état est plus difficile à maîtriser.

Passons à la dimension réellement gestion de la gestion patrimoniale. La notion d’entretien et la notion de réhabilitation devront être prises en compte, sachant que l’entretien peut être multi-acteurs et que l’entretien peut ne pas être très bien défini au départ. Bien souvent, il échoit par défaut à l’assainissement. La question de la rétrocession d’ouvrages localisés dans les lotissements ou dans les écoquartiers n’est par ailleurs pas toujours claire. Enfin, la question du financement se pose également. Même si la notion de

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service d’eau pluviale est reconnue par les derniers textes, la question du financement propre demeure incertaine, si ce n’est qu’elle continue à relever du budget général car il s’agit d’un service administratif. Les pratiques actuelles de transfert vers le budget des services d’assainissement perdureront sans doute et devraient rester éparses d’une collectivité à l’autre, selon les politiques mises en place.

S’agissant de la gestion patrimoniale, la question de l’entretien se pose, mais aussi celle de la réhabilitation et du financement à trouver. Cette notion de coût nécessitera de se mettre au niveau de tous les acteurs, autour du coût global. En ce qui concerne la programmation du financement, la question de la durée d’amortissement devra aussi être clarifiée. Certaines collectivités commencent en effet à différencier les durées relatives aux canalisations et celles relatives aux techniques alternatives. Ces approches restent assez récentes. Elles ont notamment émergé dans le groupe de travail ASTEE sur la gestion patrimoniale des réseaux d’assainissement.

Dans le domaine de la gestion patrimoniale, nous pourrons nous inspirer des actions engagées sur les réseaux d’assainissement, mais il faudra tout de même trouver de nouvelles solutions.

S’agissant de la fonction services et écosystèmes, le fait d’être sorti du tuyau montre que nous sommes passés à autre chose. Certains auteurs parlent d’écocycles urbains durables. D’autres introduisent la notion de service écosystémique, en avançant que le système tisse un lien avec la notion mise en avant par le Millenium Ecosystem Assessment, autour du bien-être apporté par le milieu naturel. Dans ce cadre, il peut être intéressant de s’interroger sur la place qu’occupent les techniques alternatives. Certains auteurs ont défini la notion d’écosystème urbain, en considérant que le drainage des eaux de pluie faisait partie de cet écosystème. Toutefois, comme nous nous trouvons dans des systèmes anthropisés, la notion naturelle peut peut-être être remise en cause. Il convient en tout cas d’en tenir compte. Quant au côté multifonctionnel, il apporte aussi des contraintes qui iront à l’encontre de l’aspect purement naturel. Il faudra aussi l’intégrer.

Les notions de service écosystémique dressent rapidement un lien avec la DCE et l’utilisation d’approches d’évaluation du type de l’analyse coûts-bénéfices. Il faudra étudier quelles sont les méthodes d’évaluation les plus adaptées, autour des notions de coût direct et de coût indirect.

Le cadre du système imaginé au niveau du projet Omega à l’échelle du système d’assainissement peut aussi être utilisé par rapport à d’autres démarches. Il a notamment été appliqué à la démarche Eco Campus, sur le campus de la Doua, à Lyon. On peut aussi envisager de l’utiliser sur des projets écoquartiers, où la problématique eau est déjà présente mais où la question de sa position vis-à-vis des valeurs sociales et environnementales se posera.

Je terminerai par une illustration sur le projet Omega, autour du positionnement à l’échelle du système de gestion des eaux urbaines. Nous avons produit dans le projet une définition des fonctions du système d’assainissement, le système comprenant à la fois des dispositifs techniques et des dispositifs organisationnels, en tenant compte des considérations d’environnement naturel et humain. Ces différentes fonctions ont été étudiées et une étude de cas a été réalisée sur le lac de Bordeaux, où la préservation du milieu naturel, la préservation des usages du milieu aquatique, la valorisation de l’eau urbaine ou la maîtrise des coûts ont été étudiées. Plusieurs disciplines ont été croisées à cette occasion. Pour information, le lac de Bordeaux se trouve à l’aval d’une station de pompage, avec un risque de déversement important dans le lac en cas d’événements pluvieux importants. A ce moment-là, une zone de baignade située à proximité de ce rejet est fermée, ce qui a lieu deux à trois jours par an. Il en a été tenu compte. Outre les activités récréatives de canoë-kayak, de voile, de pêche ou de promenade sur ce lac, il existe aussi deux structures d’écoquartier : un écoquartier propre, celui du Ginko, et une ZAC, La Tasta. Une approche sociologique a été appliquée, pour déterminer comment le dispositif technique en place était utilisé par les usagers du quartier. La dimension hydraulique et la dimension hydrobiologique ont également été analysées par rapport à

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l’état du lac vis-à-vis du risque de pollution. Différents coûts ont également été évalués, en premier lieu les coûts directs, liés au bassin versant, ainsi que les coûts indirects, qui sont localisés sur le bassin versant mais aussi sur l’ensemble du territoire autour du lac, au niveau des activités récréatives.

Après cette illustration de la démarche à l’échelle du système, il est net que nous sortons du bassin versant et des systèmes de technique alternative des écoquartiers, et que la présence d’un espace en aval doit être prise en compte pour étudier l’ensemble du système. Cette approche a également permis de croiser différentes disciplines (hydrobiologie, sociologie, valorisation).

Une autre utilisation de cette approche sous forme de marguerites a été produite sur l’éco-campus de la Doua, en accrochant d’autres fonctions, comme les fonctions de l’enseignement, de la recherche ou du lieu de vie. Cette approche, qui a impliqué des acteurs différents, a toujours reposé sur la question de l’eau, en fonction des dispositifs existants et des futurs dispositifs prévus dans le projet qui est en cours.

Ce genre d’approche sera également utilisé à une échelle d’écoquartier, pour déterminer comment prendre en compte les différentes fonctions et mesurer l’interaction entre elles.

VI) Débat avec la salle

Pierre-Alain ROCHE J’ai bien noté l’interpellation d’origine sur la politique des eaux pluviales et sur le rôle

de l’Etat, alors que les collectivités mènent et mettent en œuvre cette politique. Cette introduction a été tout à fait stimulante pour nous. Elle rejoint un certain nombre de nos interrogations.

Gislain LIPEME KOUYI, INSA Lyon et Directeur de l’OTHU Je souhaite revenir sur la question de l’échelle et connaître votre position. Diverses

échelles ont été citées, mais peut-être n’est-il plus possible de considérer l’unité fonctionnelle qu’est le bassin versant, des dispositifs alternatifs pouvant être disposés un peu partout, aux interfaces des quartiers ou des bassins versants. Quel est votre positionnement sur la bonne échelle à retenir ?

Caty WEREY Trois changements d’échelle ont été évoqués. Sur le plan spatial, certains éléments

sont linéaires tandis que d’autres sont surfaciques.

Un changement d’échelle intervient aussi au niveau du service. Ce n’est plus seulement le service d’assainissement qui est aux commandes. Il devra notamment interagir avec le service de l’urbanisme. Tous les acteurs doivent au fond être considérés, dont les usagers. Dès lors, cette position milite pour une gestion intégrée, pour se poser la question à l’échelle du système de gestion des eaux urbaines et du système d’assainissement, cette notion de système prenant en compte tous les dispositifs techniques ainsi que la dimension organisationnelle du service et des acteurs institutionnels, tout en tenant compte de l’usager et du milieu naturel. Dans l’exemple de Bordeaux que j’ai cité, l’échelle est différente entre ce qui peut être étudié de façon fermée dans un écoquartier ou au niveau du réseau sur le bassin versant. Une vision globale permet alors de prendre en compte l’éparpillement sur le territoire.

Laure SEMBLAT, FNCCR Le sociologue se focalise sur la collectivité et sur son manque d’engagement, mais

sans évoquer la responsabilisation et la sensibilisation de tous, particuliers et autres acteurs, ou le rôle qu’ils pourraient jouer dans la gestion des eaux pluviales.

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Par ailleurs, quelle est la recevabilité pour le public de votre analyse multicritères ? Quelle présentation pour le public retenir pour ce type d’analyse, pour prioriser et choisir les opérations à conduire ? Par ailleurs, quelle est la compatibilité entre cette analyse multicritères – qui a tout son intérêt et que je rejoins entièrement – au regard des objectifs réglementaires DRU et DCE ?

Nathalie LE NOUVEAU Je ne crois pas que nous ayons ciblé un manque de politique des collectivités, si je

reformule correctement ta remarque. Au contraire, nous avons fait le constat que des collectivités se sont saisi des problèmes et ont élaboré ce que nous avons appelé des politiques territoriales de gestion des eaux pluviales urbaines. Ensuite, les spécificités sont toujours nombreuses à chaque fois, à cause des faits initiaux ou des facteurs à l’origine de cette politique, par exemple la création d’une intercommunalité.

Je te rejoins par ailleurs quant à la question de la responsabilisation et de la sensibilisation. Nous ne disposons pas de travaux de recherche à ce sujet, ou très peu. Nous avons évoqué les travaux menés avec Mathilde sur les effets des efforts menés pour le transfert et la valorisation auprès des aménageurs. Le citoyen est inexistant dans nos travaux de recherche. C’est aussi le cas à l’étranger, mais des efforts ont été faits. Les guides qui ont été produits ont eu des effets, mais ils sont difficiles à estimer, d’autant qu’ils sont destinés aux aménageurs, à l’ingénierie et aux bureaux d’études. Les efforts de communication à l’encontre des citoyens demeurent limités.

José Frédéric DEROUBAIX Les collectivités ont pris à bras le corps depuis vingt ou trente ans la question de la

gestion des eaux pluviales, chacune à leur manière, dans différents contextes géographiques. Peut-être votre sentiment de déficience dans les politiques que j’ai pointées provient-il du fait que toute politique engendre des risques, risques que nous nous devons aussi de pointer. Je pense qu’un chercheur doit aussi mettre le doigt sur certains effets collatéraux de choix de politiques publiques.

S’agissant ensuite de l’usager, les politiques qui leur sont destinées restent effectivement des politiques d’information. Des expériences d’association d’usagers à certaines politiques de récupération ou d’utilisation d’eaux de pluie ont été menées, mais elles demeurent assez particulières, anecdotiques et pas très générales. Ces politiques sont coûteuses et pas forcément très productives en termes hydrauliques. Toutefois, elles présentent aussi d’autres externalités positives, qu’il faut prendre en compte et qu’il faut évaluer. La politique d’association des usagers à la conception de dispositifs est en tout cas loin de s’être généralisée.

Caty WEREY Je reviendrai sur l’évaluation économique et la gestion des différents modèles. La

gestion patrimoniale repose largement sur des modèles multicritères, tandis que le fait de passer à des notions de service écosystémique et de prendre en compte la notion d’externalité positive permettra peut-être le passage des questionnements en recherche à des analyses coûts-bénéfices. De mon côté, mon approche part d’abord du service d’assainissement, les coûts pouvant être étudiés de façon individuelle, en les croisant avec la performance, par exemple pour déterminer si une amélioration de l’entretien ou des fauchages plus réguliers des noues peut présenter un intérêt. Il faut pouvoir déterminer si une baisse de coûts d’un côté entraînera une diminution des impacts. L’approche globale est alors sans doute plus difficile à comprendre que des actions précises, où les coûts de l’entretien à la hausse peuvent plus facilement être appréciés pour le service, la commune ou le secteur privé. C’est par ce biais que nous pourrons réduire certains impacts qui ont été identifiés. C’est davantage dans ce sens que des évolutions pourraient être imaginées.

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Emmanuel BERTHIER Ma question est liée aux travaux de Nathalie Le Nouveau et sur le levier réglementaire

pour mener une politique de gestion des eaux pluviales. Or j’ai l’impression qu’au niveau national le seul objectif retenu est celui d’un débit de fuite pour une occurrence assez exceptionnelle, afin de pouvoir gérer le risque d’inondation. Vous faites ensuite le constat que nombre de collectivités locales sont allées plus loin. Vous les qualifiez même de championnes, avec des objectifs de zéro rejet, en termes d’abattement ou de mise en avant de la gestion en amont. Comme je pense que nous sommes tous convaincus de l’intérêt de tels objectifs, qu’est-ce qui manque à la prise en compte de l’importance de ces objectifs au niveau national ? Pourraient-ils être généralisés au niveau national ? Si oui, comment faire ?

Nathalie LE NOUVEAU Prenons pour référence les travaux législatifs : le zonage pluvial introduit en 1992 vise

à limiter l’imperméabilisation, à maîtriser les conditions d’écoulement et à garantir l’efficacité du système d’assainissement. L’approche nationale porte donc aussi sur les pluies courantes vis-à-vis des problématiques de gestion du système d’assainissement.

Ce qui pourrait manquer au niveau national par rapport à ce qui existe localement ou au niveau des districts hydrographiques est la notion d’infiltration, qui n’est pas portée par les textes. De toute façon, cette notion d’infiltration de gestion à la source est celle qui semble se diffuser le plus en ce moment, au sens de l’absence de rejet au réseau d’assainissement et gestion locale. L’un des leviers pourrait alors être de l’inscrire dans les textes, au même titre que la notion de maîtrise des débits d’écoulement. C’est le cas pour la loi suisse, par exemple.

Nous avons par ailleurs besoin de diffuser et de faire comprendre les logiques des différents acteurs sur les règles qu’ils produisent. Nous avons pris bonne note des critiques des scientifiques et des hydrologues, mais il est important de conserver à l’esprit que ceux qui produisent les règles sont des services de collectivités qui s’inscrivent dans différentes logiques (équité, instruction, réglementation, portage politique, etc.). Il faut réussir à conjuguer ces logiques pour poursuivre l’évolution de la forme des règles, de leur accompagnement et du discours d’accompagnement, autour de la notion de pré-développement qu’utilisent communément les étrangers.

Ronan QUILLIEN, Département de Seine-Saint-Denis / Direction de l'Eau et de l'Assainissement

J’ai l’impression que l’un des freins du développement d’une politique ambitieuse sur le développement des eaux pluviales repose sur deux impensés au niveau des collectivités locales. En premier lieu, on passe d’une politique d’action à une politique de régulation, et il apparaît un certain malaise à ce niveau. Ainsi, s’agissant de la gestion patrimoniale, on parle encore de moyens financiers pour entretenir, contrôler et gérer les ouvrages, alors même qu’ils se trouvent sur des parcelles privées. Quelle est la légitimité de cette pratique ? Comment proposer de la régulation plutôt que prendre en charge cet entretien ou cette gestion patrimoniale ?

J’ai l’impression ensuite que le second impensé porte sur la réflexion, qui se mène toujours en silos et par thématiques. Pourquoi ne pas développer davantage des directions d’exploitation ? Des espaces publics seraient entretenus dans leur complexité, aussi bien en tant que voirie qu’en tant qu’espaces verts ou systèmes d’assainissement. Pour l’heure, il demeure une direction d’exploitation à la voirie, une direction d’exploitation au service assainissement – qui peut parfois gérer des techniques alternatives – et une direction d’exploitation dans la direction des espaces publics. On semble ne pas oser se permettre ce genre de réflexion.

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De la salle Je rejoins cette intervention. J’ajouterai que nous attendons beaucoup des collectivités,

dans une insécurité de plus en plus grande, notamment s’agissant des contentieux, en particulier au niveau de la garantie du maintien des écoulements à l’état naturel ou très ancien. Je fais notamment allusion aux inondations qui résultent de l’interception des écoulements par les voiries. De plus en plus, des riverains refusent que l’eau transite chez eux, et nous finissons par nous retrouver dans une impasse, car nous ne savons plus gérer à force de toujours rejeter plus loin. Cette pratique va totalement à l’encontre d’une gestion intégrée.

J’ai par ailleurs moi aussi l’impression qu’il existe une contradiction entre encourager une gestion intégrée et attribuer une compétence ou un service eau pluviale structuré. Pour moi, c’est l’affaire de tous, au même titre que la pollution.

Frédéric CHERQUI, INSA Lyon / Université Lyon 1 Il est important de disposer d’indicateurs permettant de communiquer vis-à-vis des

acteurs. Nous avons œuvré sur ce point dans Omega et il me semble nécessaire d’aller plus loin, en communiquant sur les décisions prises mais aussi en utilisant en amont les acteurs et les usagers comme des sources d’information sur des dysfonctionnements des systèmes. Ce sera encore plus le cas avec les techniques alternatives et les systèmes décentralisés, qui peuvent se trouver chez des particuliers. L’échange avec l’usager ne doit pas être qu’une transmission d’informations. Il faut aussi aller chercher de l’information auprès de l’usager.

De la salle La loi n’indique presque rien sur l’infiltration. Une disposition réglementaire est toutefois

dissuasive à l’infiltration, dans un décret d’application de la loi sur l’eau qui est incorrectement rédigé. Actuellement, seule la surface totale est prise en compte une infiltration, même pour une autorisation vis-à-vis d’une infiltration de 1 hectare sur un total de 25 hectares. Il s’agit là d’une petite difficulté vis-à-vis de l’application de la loi. Ce décret est mal écrit et reste dissuasif pour les maîtres d’ouvrage. Pour éviter d’avoir à obtenir une autorisation au titre de la loi sur l’eau, accompagnée d’une enquête publique de plusieurs mois, il peut avoir tendance à éviter d’infiltrer.

Nathalie LE NOUVEAU Les réglementations des collectivités vont dans le sens de la limitation des débits et

parfois même jusqu’à interdire l’eau dans les réseaux.

Eric MOUSSET, DGPR Un acteur semble relativement oublié dans le débat, à savoir le monde industriel.

L’industrie est visée par une réglementation spécifique, applicable sur le plan national. Cette réglementation sur les installations classées prévoit des dispositions très spécifiques et très bien établies sur la gestion des eaux pluviales dans le cadre d’une politique intégrée de l’environnement. Il en va de même pour la sécheresse, l’inondation ou les thématiques risque sanitaire ou accidentel. Cette politique est relativement vieillissante et n’intègre pas les techniques alternatives. Mon interrogation concerne plutôt le CGEDD. Est-il prévu dans le cadre de cette mission de se tourner vers la gestion des eaux pluviales vue du monde industriel ?

Nathalie LE NOUVEAU Aurélie Gerolin du Cerema rédige justement en ce moment une note de problématique

sur le sujet, pour initier des travaux.

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Caty WEREY Le côté organisationnel, au niveau des services, reste à interroger. Le service

d’assainissement se retrouve en effet dans une posture différente de celle qui existait quand il ne s’occupait que de réseaux. Il est notamment obligé de se tourner vers d’autres acteurs, dans la mesure où de plus en plus de collectivités rédigent leurs spécifications propres et tâchent de s’approprier les dispositifs et les façons de faire. Le regroupement de certains services pour une approche transversale serait sans doute intéressant. Certaines collectivités regroupent d’ailleurs les services d’eau et d’assainissement, en ajoutant parfois le système hydroécologique. Ce genre de pratiques milite pour des approches plus croisées. Le service urbanisme restera néanmoins toujours en dehors de la sphère eau potable, comme le service de la voirie. Il reste qu’il faut bel et bien définir d’autres façons de faire.

José Frédéric DEROUBAIX Pour la régulation et notamment des dispositifs dans les parcelles privées, il reste un

important travail de partage à conduire entre le public et le privé.

S’agissant ensuite de l’action sectorielle, des confits et du manque de transversalité entre les services, il existe un certain nombre de collectivités où – pour certains grands projets urbains – il est possible de mettre en place des maîtrises d’ouvrage transversales. De telles pratiques innovantes s’observent parfois.

Nous sommes entrés dans un monde foncièrement insécure au niveau de la gestion des eaux pluviales. Cette insécurité a d’ailleurs été actée par « la ville et son assainissement ». Chaque collectivité doit désormais s’organiser seule.

Pascal PETIT, Roannaise de l'Eau Il faut s’inspirer concernant la gestion en domaine privé de ce qui se passe en ANC.

Une installation privée sous maîtrise d’ouvrage privé passe par une instruction et un contrôle. Je ne vois pas ce qui peut être engagé en plus.

Pierre-Alain ROCHE Je remercie tous les intervenants et participants. Nous voici au terme de notre journée.

On a vu ici la complexité des systèmes sur lesquels on s’attache à intervenir, qu’on l’aborde sous des angles physique, écologique, sociale, politique ou économique et qu’on le traite en tant que tel, ou dans ses innombrables interrelations avec de multiples enjeux urbains : reconnaître cette complexité, ce n’est pas s’étourdir de considérations académiques, c’est constater la nature profonde de ce système. C’est indispensable pour qui prétend agir.

Il est maintenant temps de passer la parole à notre grand témoin, l’un de nos grands maîtres, le très sage et très savant Bernard Chocat.

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Témoignage Bernard CHOCAT, Professeur émérite, INSA de Lyon

Ce texte ne prétend en aucun cas être une synthèse des exposés et débats de la journée. Il ne s’agit que d’une réflexion personnelle sur ce que j’en ai compris.

L’objectif affiché pour la journée et pour la mission du CGEDD par Patrice Parisé est de contribuer à définir une politique intégrée de gestion des eaux pluviales capable de répondre à une multitude d’enjeux.

La question de ce que peut être une politique publique dans ce domaine sera débattue plus tard, mais je voudrais dans un premier temps m’attarder sur la multitude d’enjeux et sur la notion d’intégration dans une politique de l’eau.

Diversité des objectifs et contraintes pour leur intégration

Sans aller jusqu’à reprendre la marguerite des fonctions auxquelles doit répondre un système de gestion des eaux urbaines, telle que l’a présentée Caty Werey, j’ai noté dans les présentations et/ou dans les textes préparatoires une bonne quinzaine d’objectifs différents :

• Mettre en œuvre des solutions sans tuyau (approche typiquement Techniques alternatives) ;

• Limiter les risques d’inondation urbaine ; • Limiter les rejets polluants de temps de pluie aux milieux naturels (avec une

référence explicite au contrôle des rejets par les déversoirs d’orage qui est un sujet d’actualité) ;

• Améliorer la qualité des milieux aquatiques ; on est plus dans la logique DCE et il devient nécessaire de réfléchir à d’autres approches consistant à limiter les flux à la source (fabriquer une ville moins émissive pour reprendre la formule de Jean-Luc Bertrand-Krajewski) ;

• Protéger la ressource en eau avec surtout une crainte exprimée vis-à-vis des risques liés à l’infiltration des eaux pluviales ;

• Diversifier les ressources en eau : l’infiltration est cette fois « positivée » car susceptible de contribuer à remplir les nappes ;

• Récupérer les eaux pluviales, même si cet objectif est plutôt vu par le citoyen comme un moyen de faire des économies que comme un outil pour le bien commun ;

• Limiter l’imperméabilisation des sols (formulation qui a été peu débattue alors qu’elle apparaît en toute lettre dans la lettre de mission du CGEDD) et/ou (ce n’est pas exactement la même chose) désimperméabiliser la ville comme le souhaite l’AERMC ;

• Végétaliser la ville et préserver/développer la biodiversité ; • Embellir la ville, la rendre plus sociable, plus aimable, créer des aménités ; • Lutter contre les ilots de chaleur urbains et les crises caniculaires, ce qui est très lié

à l’hydrologie et à la végétation comme l’a expliqué Hervé Andrieu ; • Gérer la ville souterraine, objectif plus original cité par Claude Joannis, mais avec

des enjeux très importants en termes de risques pour les infrastructures mais aussi

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les superstructures (en particulier dégâts aux immeubles dus à l’assèchement des sols urbains) ;

• Diminuer les coûts ; etc. Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive malgré sa longueur et sa diversité… et fait

apparaître une autre complexité : celle des acteurs impliqués.

De plus, comme l’a expliqué Marie-Christine Gromaire les moyens techniques à mettre en œuvre pour assurer ces objectifs doivent compléter des systèmes centralisés existants par des systèmes décentralisés conçus à toutes les échelles spatiales.

L’intégration est donc difficile et pourtant, je pense que les scientifiques sont assez d’accord sur un point : Cette intégration ne pourra se faire que si 7 (chiffre magique) conditions sont remplies.

1. Il faudra gérer de façon intégrée l’ensemble des flux d’eau urbains : eau pluviale, mais aussi eau usée, eau naturelle, eau potable, eau du sol, etc…

2. Cette gestion devra être faite à la bonne échelle territoriale, je reviendrai sur ce point fondamental plus tard.

3. Elle devra prendre en compte la gestion patrimoniale de l’ensemble des infrastructures existantes (anciennes et collectives, mais aussi nouvelles et parfois sur le domaine privé).

4. La vision devra être continue sur le temps, en gérant les périodes de pluie mais également les périodes sans pluie.

5. Les solutions devront obligatoirement être diversifiées et adaptées aux propriétés des surfaces produisant les flux.

6. La réflexion devra être faite dans un cadre durable, car le système doit pouvoir fonctionner sur des durées longues ; ceci implique de prendre en compte les incertitudes, en particulier climatique (évolution de la pluviométrie et des températures), mais pas uniquement, car la demande sociale peut aussi évoluer, de même que les technologies ou les organisations.

7. En évaluant l’ensemble des performances ; ceci implique des approches multicritères, mais également un effort pour définir des critères qui soient compréhensibles par tous (élus, citoyens,…).

Da façon un peu schématique, un point d’entrée pourrait consister à imaginer des solutions ayant un minimum d’impacts sur le cycle naturel de l’eau en préservant l’équilibre entre les différents termes du bilan hydrique (ruissellement, infiltration, évapotranspiration). Faire, comme le proposent nos collègues australiens, des villes « transparentes » pour l’eau. Ceci suppose, mais c’est un débat philosophique que le meilleur état soit l’état « naturel » (c’est-à-dire que l’on ne puisse pas faire mieux que la nature !). Ceci suppose aussi que l’on connaisse cet état « naturel », ce qui n’est pas si simple…

On voit bien avec cette diversité des objectifs qu’il y a aussi diversité des parties prenantes ; d’où la question suivante : qui peut être en charge ?

Qui peut mettre en œuvre une politique publique de la gestion de l’eau intégrant cette multitude d’enjeux ?

Il est bien évident que selon les acteurs, la hiérarchie des enjeux va être différente.

Les acteurs classiques de l’assainissement et de la gestion urbaine de l’eau sont bien sûr en première ligne, mais sont aussi concernés les acteurs :

• de la gestion du risque ; • de la gestion des milieux naturels ; • de l’urbanisme et de l’aménagement ; • de la gestion des espaces verts ;

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• de la santé publique ; • etc… Benoit Walckener indiquait en ouverture qu’une gestion intégrée nécessitait de trouver

des interfaces. Il est bien évident que tous ces acteurs doivent apprendre à mieux travailler ensemble si on veut réussir. Mais travailler ensemble n’est pas suffisant. Il faut un pilote, qui initie la démarche, qui assume la responsabilité de sa mise en œuvre, qui porte le financement, …

Une petite parenthèse concernant le financement, qui constitue bien évidemment le nerf de la guerre. Il ne suffit pas de s’interroger sur qui le porte, il faut aussi se demander comment sont partagées les dépenses entre les différents acteurs, et ceci nécessite encore plus à l’amont de s’interroger sur qui bénéficie des services rendus… Il s’agit là encore d’une question très difficile et à laquelle je n’essaierai pas de répondre.

Je reviens donc à la question de qui doit être le pilote d’un système intégrée de gestion des eaux urbaines. La question peut être formulée de la façon suivante : Les services actuellement en charge de l’assainissement sont-ils les meilleurs candidats potentiels ? Sont-ils les plus légitimes ? Cette question n’est pas si dénuée de sens du fait de la diversité des objectifs auxquels devra répondre une future gestion intégrée.

Peut-être par fidélité avec les gens avec qui j’ai travaillé depuis 40 ans, je répondrai cependant oui à cette question, et ceci pour une raison simple. L’eau est au cœur du problème à traiter, la gestion de l’eau est difficile et demande obligatoirement des compétences scientifiques et techniques fortes. Même si parfois on juge les compétences des personnes en charge de l’eau et de l’assainissement insuffisantes (ou du moins ne prenant pas assez en compte les résultats les plus récents de la recherche, je reviendrai sur ce point plus tard), c’est quand même elles qui sont les plus compétentes parmi l’ensemble des acteurs possibles.

Je voudrais d’ailleurs faire une proposition qui peut, au premier abord, paraître totalement saugrenue. Michel Desbordes disait souvent que l’assainissement avait connu trois âges :

• Un premier âge, depuis la fin du XIXème siècle jusqu’aux années 1960, caractérisé par une approche hygiéniste des problèmes, la santé des citadins étant la préoccupation principale ;

• Un deuxième âge entre les années 1960 et les années 1990, caractérisé par une approche hydraulique, l’essentiel des enjeux étant la maîtrise des inondations ;

• Un troisième âge depuis les années 1990, caractérisé par une approche environnementaliste visant à protéger la qualité des milieux récepteurs.

Pour ma part, je rajouterai bien un quatrième âge qui se développe depuis le début du XXIème siècle et qui se caractérise par une prise en compte de la dimension urbaine de la gestion de l’eau, mais ce n’est pas mon propos principal.

Ma proposition, un peu chinoise, consiste à dire que le cycle est la base du mouvement. Il est donc temps de revenir au début du cycle et de promouvoir à nouveau une approche hygiéniste de la gestion des eaux urbaines.

De façon plus claire, je propose d’appuyer cette gestion sur un service élargi de l’assainissement urbain, en donnant au mot assainissement un sens littéral : rendre la ville saine et sûre.

Cette proposition qui peut paraître étrange est en fait appuyée sur deux arguments.

Le premier argument est que la plupart des objectifs d’un service intégré de gestion urbaine de l’eau ont un lien direct avec la santé publique :

• gérer les eaux sales ; • maîtriser les risques d’inondation ; • contrôler la qualité des ressources en eau ; • diminuer les ilots de chaleur urbains et lutter contre les crises caniculaires ;

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• améliorer la qualité de la végétation qui a un rôle important de piégeage des polluants atmosphériques ;

• etc. Le second argument m’a été soufflé il y a longtemps par Wolfgang Schilling, un

collègue hydrologue urbain allemand qui passe actuellement sa retraite sur un bateau dans le Pacifique sud, ce qui rend sa parole précieuse… Son idée est que seuls deux types de problèmes « environnementaux » sont susceptibles de faire évoluer les politiques publiques : ceux touchant à l’énergie et ceux touchant à la santé publique. La gestion des eaux urbaines a peu de relation directe avec l’énergie. En revanche nous pouvons nous appuyer sur ses liens avec la santé publique pour sensibiliser les citoyens et les pouvoirs publics.

A quelle échelle territoriale faut-il aborder le problème ?

En fait cette question peut se diviser en deux.

• A quelle échelle territoriale faut-il définir la politique publique de gestion urbaine de l’eau ?

• A quelle échelle territoriale faut-il l’appliquer ? Concernant la première question, le fait que la question ait été posée au CGEDD,

indique clairement une volonté de remettre l’Etat dans le jeu et de le faire participer à la définition de cette politique publique. Frédéric Deroubaix a pourtant expliqué que depuis plus de 30 ans, l’Etat s’était désintéressé de ces problèmes et que, en conséquence, comme la nature a horreur du vide, ce sont les Collectivités territoriales qui se le sont approprié. Les acteurs les plus importants ont sans doute été les communes ou leurs groupements, mais Nathalie Le Nouveau a complété ce panorama en montrant également des structurations au niveau des Départements ou des Régions. Je ne me sens pas spécialement compétent sur ce sujet et je n’en dirai pas davantage, mais je pense qu’il y a là matière à réflexion.

Je m’étendrai un peu plus sur la seconde question, qui d’ailleurs peut impacter la première. Quelle est le bon territoire sur lequel on peut appliquer intelligemment une politique intégrée de gestion de l’eau (urbaine et non urbaine).

Généralement on répond toujours à cette question en indiquant le bassin versant. Il s’agit en effet de l’échelle logique pour gérer l’eau :

• Isabelle Braud a montré l’importance des zones péri-urbaines qui constituent de fait l’essentiel en surface des territoires « urbains ». Distinguer l’eau des villes et l’eau des champs est donc très peu pertinent.

• Les inondations urbaines ont des causes endogènes (la ville s’inonde elle-même par les flux qu’elle produit) mais aussi exogènes (la ville subit des flux qui viennent de l’amont et de l’extérieur de son territoire). Il n’est d’ailleurs pas toujours très simple de faire la distinction entre les deux causes. De plus, la ville produit des flux qui peuvent également inonder des territoires situés à l’aval.

• Une solution peut être bénéfique à une certaine échelle spatiale et négative à une autre. Sylvie Barraud a par exemple montré que « l’empilement » des hydrogrammes associés à une gestion exclusive des flux par des ouvrages à débit de fuite régulé pouvait augmenter le risque de crue à l’aval.

On pourrait multiplier les exemples. Le bassin versant semble donc une échelle plus logique que le territoire de la ville pour gérer l’eau. Mais est-ce pour autant la bonne solution ? Les compétences, les enjeux et les moyens financiers sont eux à l’échelle de la ville. Et ce sont bien les villes qui depuis 30 ans se sont largement approprié le problème.

Si les acteurs territoriaux sont libres de définir leur politique de gestion des eaux pluviales et donc plus généralement de gestion des eaux urbaines comment alors aboutir à

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une gestion cohérente à l’échelle du bassin versant ? Cette question est d’autant plus difficile à traiter que GEMAPI exclut explicitement la gestion des eaux pluviales…

Il y aurait donc des territoires « chanceux » où le territoire de la collectivité correspond sensiblement à celui du bassin versant et les autres sur lesquels une gestion intégrée des eaux urbaines serait presque impossible. Pourtant des outils existent, comme les SAGEs, dont personne n’a parlé pendant la journée…

La loi NOTRE devrait améliorer les choses mais la place des eaux pluviales reste à clarifier, ce qui laisse une porte entrouverte. En tout cas il s’agit certainement d’un champ de réflexion à privilégier.

Le transfert des connaissances vers les opérationnels

La question du transfert entre les chercheurs et les opérationnels a été débattue plusieurs fois dans la journée. Il y a une volonté affichée de la part des scientifiques mais le passage à l’acte paraît difficile. Jean Louis Helary a souhaité que nous approfondissions le diagnostic, je vais donc essayer d’apporter ma pierre.

Tout d’abord la question me paraît plus large que celle du transfert des résultats de recherche. Il s’agit en fait plutôt de la question de la difficulté de l’innovation et du changement de paradigme. La vraie question est en réalité la suivante : les connaissances scientifiques accumulées depuis 40 ans justifient-elles que l’on passe du tout tuyau à des solutions « alternatives » reposant en particulier sur l’infiltration, ou au contraire les eaux pluviales sont-elles si polluées que ces solutions sont totalement à proscrire ? Cette question peut prêter à sourire lorsque l’on connait bien le domaine, mais elle constitue l’un des freins les plus souvent cités à la diffusion des solutions alternatives. Elle a d’ailleurs été directement posée en fin de matinée…

La difficulté de la communication entre scientifiques et opérationnels constitue l’une des raisons principales à cet état de fait. Dans l’un des textes de synthèse on trouve cette phrase intéressante : les résultats de recherche sont « parfois peu repris et parfois hâtivement généralisés ». Le deuxième terme de la proposition a sans doute plus de conséquences fâcheuses que le premier, du moins en ce qui concerne la pollution des eaux pluviales.

Alors pourquoi cette difficulté de communication ? Pour qu’il y ait transfert de connaissance il faut un émetteur, un récepteur et un canal de transmission.

La responsabilité des chercheurs La responsabilité de l’émetteur, c’est-à-dire du chercheur, est évidente. L’exposé sur

les solutions alternatives de l’après-midi était de ce point de vue caricatural en ne mettant l’accent que sur les doutes, l’insuffisance des connaissances pour pouvoir conclure, les difficultés résiduelles non encore surmontées, etc. Un discours inquiétant qui a d’ailleurs suscité un débat sur la question. Ceci dit, il est normal que les chercheurs expriment des doutes et des incertitudes, ceci pour au moins deux raisons, une bonne et une mauvaise.

• La bonne raison c’est qu’il est dans la fonction même d’un chercheur de douter. On peut démontrer qu’une hypothèse est fausse en mettant en évidence un fait scientifique qui la contredit. On ne peut jamais démontrer qu’une hypothèse est juste ; tout au plus peut-on dire que jusqu’à présent aucune observation ne permet de l’invalider… Alors à partir de quel moment peut-on dire aux opérationnels « Allez-y, il n’y a rien à craindre ? ». Les physiciens de la matière n’annoncent la découverte d’une nouvelle particule que s’ils ont moins d’une chance sur un million de se tromper. Les experts du GIEC considèrent qu’un fait est « pratiquement certain » s’il a moins d’une chance sur cent d’être faux. En hydrologie urbaine, les chercheurs n’ont ni les moyens humains, ni les ressources financières pour arriver

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à chiffrer de telles probabilités, ils doivent donc se contenter de formulations vagues…

• La mauvaise raison, c’est que pour faire de la recherche il faut de l’argent et qu’il est très difficile de demander de l’argent sans expliquer que la question est compliquée, loin d’être résolue et qu’elle présente de gros enjeux pour la santé publique et pour l’environnement… Le chercheur met donc toujours en avant ses doutes et ses craintes plutôt que ses certitudes et ses espoirs…

Les chercheurs doivent donc se remettre en cause et clarifier leur discours. Ils doivent apprendre à communiquer de façon positive en mettant en avant les éléments « presque certains » sur lesquels les opérationnels peuvent s’appuyer et de façon comparative en explicitant les avantages et inconvénients respectifs d’une solution classique par tuyau et d’une solution alternative.

La responsabilité des opérationnels La responsabilité des opérationnels est aussi importante.

• Il y a d’abord ceux qui ont intérêt à ne pas comprendre, c’est-à-dire tous ceux pour qui le statu quo est économiquement ou stratégiquement plus intéressant qu’un changement dans lequel leurs intérêts sont incertains. Et il y en a beaucoup… Qui non seulement font semblant de ne pas comprendre mais aident aussi à brouiller le message.

• Il y a ceux qui voudraient bien mais qui n’osent pas, surtout si le discours des chercheurs est ambigu.

• Il y a ceux qui n’ont pas le temps, entre deux réunions, de passer une journée à écouter ou une heure à lire.

• Il y a ceux qui n’ont pas les compétences parce que l’hydrologie n’est pas leur domaine, même s’ils travaillent sur la gestion urbaine de l’eau.

• Et il y a ceux qui voudraient bien mais qui ont des difficultés à le faire pratiquement :

o Parce qu’ils n’ont pas les outils opérationnels qui vont bien (logiciels de simulation) ;

o Parce qu’ils n’ont pas les données nécessaires (pluviométrie par exemple) ; o Et qu’il faut qu’ils arrivent à convaincre tous les autres cités

précédemment… Les opérationnels doivent donc aussi se remettre en cause, et ce n’est pas impossible

car beaucoup de villes (des petites comme des grandes) ont déjà franchi le pas, mais ceci demande indubitablement de faire des efforts.

L’amélioration des canaux de transmission Il existe des associations de transfert efficaces et anciennes (le GRAIE ou ADOPTA

par exemple) qui travaillent depuis des années à la promotion des idées nouvelles. De toute évidence ce n’est pas suffisant. Elodie Brelot nous a donc engagés à revoir notre façon d’envisager le transfert. Beaucoup de pistes ont été citées qui mériteraient d’être mieux analysées :

• Organiser la communication en partant des questions des opérationnels et non des résultats des chercheurs ;

• S’appuyer sur les bureaux d’études ; • Mobiliser les services de l’Etat en charge de la police de l’eau, ce qui suppose que

ces derniers défendent bien la doctrine de l’Etat, telle qu’elle a été clairement définie en particulier depuis la rédaction du guide « la ville et son assainissement » ; ce qui est malheureusement très loin d’être le cas…

• Traduire les avancées scientifiques ou conceptuelles dans la réglementation. • Proposer des outils opérationnels et un accès simplifié aux données. • Etc.

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Même si la communication entre chercheurs et opérationnels s’améliore, le problème ne sera pas totalement résolu pour autant. Il restera encore d’autres acteurs à former et informer :

• Les élus qui au bout du compte sont les décideurs et les donneurs d’ordre et qui doivent aussi être convaincus.

• Les usagers/citoyens qui deviennent de plus en plus des acteurs importants de la gestion des eaux urbaines et qui le deviendront encore plus avec le développement des solutions à la source.

• Les aménageurs, qui « font » la ville et doivent être correctement accompagnés dans leur réflexion.

Je voudrais conclure sur une remarque de Pierre-Alain Roche. Il a dit que la gestion des eaux urbaines était un système complexe et que les systèmes complexes étaient les plus intéressants à gérer. Le connaissant je comprends bien que complexe n’est pas ici synonyme de compliqué mais fait référence à la théorie des systèmes. Un système complexe est un système constitué d’un grand nombre d’éléments en interaction et les relations entre les éléments sont plus importantes que les éléments constitutifs eux-mêmes.

Je voudrais donc sur ce sujet apporter deux pistes de réflexion susceptibles d’orienter l’action.

• La première repose sur le principe qu’un système complexe ne se pilote pas, ou du moins pas de façon traditionnelle. Il doit lui-même s’auto-organiser. Les règles à lui imposer ne doivent donc pas être des règles rigides mais se contenter de donner un sens au mouvement avec des carottes pour faire avancer dans la bonne direction, un fouet et des rails réglementaires pour empêcher les dérives.

• La seconde est que l’auto-organisation se construit sur des rétroactions. Je citais souvent à mes étudiants l’exemple de la ville provençale dont la merveilleuse adaptation au climat ne s’est pas faite en suivant l’idée de génie d’un urbaniste en avance sur son temps, mais plus simplement par des essais et des erreurs. Comme on ne maîtrise pas la vitesse d’évolution de la ville moderne, probablement beaucoup plus rapide que celle de la ville de la renaissance, la seule solution consiste à accélérer les rétroactions, c’est-à-dire les retours d’expérience sur ce qui marche et ce qui ne marche pas.

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Contributions collectives

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L’hydrologie quantitative : un élément structurant de la Ville Durable

Hervé Andrieu1, Emmanuel Berthier2, Isabelle Braud3, Claude Joannis1

1 – IFSTTAR, Département GERS, Laboratoire Eau et Environnement

2- Cerema – Direction territoriale Ile de France 3 – IRSTEA, Centre de Lyon, Unité Hydrologie Hydraulique

Principales priorités de recherche et besoins opérationnels identifiés L’urbanisation est une évolution générale qui touche tous les pays. Les villes sont :

consommatrices d’espace et d’énergie, génératrices de pollutions et nuisances, vulnérables aux aléas, naturels ou anthropiques (crues, tempêtes, vagues de chaleur,…). La promotion d’un développement urbain répondant à des enjeux globaux (climat, énergie, biodiversité, écologie) et locaux (foncier, qualité de vie, mobilité, mixité sociale, pollution et nuisances) est essentielle. L’hydrologie urbaine a pour finalité de contribuer à ce développement urbain durable et la gestion de l’eau est un élément structurant de la ville durable. L’hydrologie urbaine s’est développée à partir d’un partenariat étroit entre recherche et pratiques opérationnelles dont les priorités ont évolué en fonction des besoins : évacuation des eaux usées mélangées aux eaux pluviales, protection contre les inondations urbaines, plus récemment protection des milieux aquatiques, et maintenant contribution à la qualité de vie en ville. Ces priorités orientent la recherche et le besoin de nouveaux outils et savoir-faire opérationnels. Cette note s’organise donc autour des priorités de recherche suivantes :

Cycle de l’eau en milieu urbain Les préoccupations environnementales et les aspects multiples de la gestion de l’eau

en ville rendent nécessaire la connaissance non seulement du ruissellement, mais aussi de toutes les composantes du bilan hydrologique : évapotranspiration, humidité des sols, origine et part des écoulements (surface, sub-surface, souterrain) et des flux et échanges entre ces différents réservoir, afin de bien mesurer l’impact des différentes pratiques de gestion sur l’ensemble du cycle de l’eau. Des dispositifs de mesures et des outils adaptés, permettant de documenter ces différentes composantes, sont à développer/consolider.

Hydrologie des espaces périurbains Les agglomérations urbaines s’étendent des centres villes vers des zones plus rurales,

et l’urbanisation se développe par fois rapidement dans des bassins, initialement plutôt ruraux. Dans ces zones de transition périurbaines, fortement hétérogènes, les pratiques de l’hydrologie urbaine ne sont plus suffisantes pour quantifier le bilan hydrologique, dimensionner les ouvrages. L’effort de recherche de recherche, qui débute, et de valorisation doit être tourné vers le développement de modèles et outils intégrés, empruntant aux pratiques de l’hydrologie urbaine et rurale.

Hydrologie urbaine et micro-climat urbain Le climat urbain participe à la qualité de vie. Les villes subissent un effet d’îlot de

chaleur, néfaste à la qualité de vie et à la santé, qui risque de s’intensifier avec le réchauffement climatique. Certaines mesures d’adaptation et d’atténuation, végétalisation, évaporation font appel à l’eau. Elles soulèvent plusieurs questions : i) la disponibilité de cette eau, et la gestion de cette ressource, ii) l’estimation et la modélisation de l’évapotranspiration dans le milieu très hétérogène. A ces questions scientifiques, s’ajoute la demande d’outils et méthodes permettant d’évaluer l’effet de ces dispositifs.

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Pluie et hydrologie urbaine Des progrès considérables ont été réalisés dans la mesure et la connaissance des

précipitations aux échelles urbaines et notamment en hydrologie radar. La qualité des données, la longueur des chroniques disponibles incite maintenant à mettre l’accent, sur les applications hydrologiques des images radar : modélisation pluie-débit, prévision des débits, gestion des systèmes d’assainissement.

Dans la synthèse qui suit, nous avons pris le parti délibéré de privilégier, dans la bibliographie, les travaux réalisés par les équipes françaises actives dans les domaines évoqués, afin de donner un panorama des compétences et de l’avancement des réflexions dans la communauté française sur ces sujets.

Le cycle de l’eau en milieu urbain Ne seront développés dans cette section que les écoulements de surface et de

subsurface. Les flux atmosphériques permettant de fermer le cycle sont présentés plus en détail dans les sections relatives au micro-climat urbain (évapotranspiration) et à la pluie.

Le cycle urbain de l’eau présente un certain nombre de particularités du fait de l’imperméabilisation du sol, mais aussi de la présence d’aménagements et notamment de réseaux dans le proche sous-sol. Les bassins versants urbains présentent ainsi plusieurs exutoires : réseau d’eaux usées et d’eaux pluviales dans le cas d’un système séparatif, voire réseaux de tranchées (assainissement, eau potable, gaz, réseaux divers). Pour clore le bilan il faut y ajouter le sol (nappes) et l’atmosphère (Evapotranspiration)

Figure 1 : Différents flux d’eau impliqués dans le fonctionnement d’un bassin versant séparatif classique

Le comportement des surfaces imperméabilisées, et plus généralement des surfaces revêtues, ne se limite pas pour les événements pluvieux courants à un simple transfert hydraulique. Ramier et al. (2011) trouvent une valeur de 0,75 pour le coefficient de ruissellement annuel d’un tronçon de voirie en région Nantaise. Les pertes par évaporation (Mestayer et al., 2011) mais aussi par infiltration (Nichols et al., 2014) expliquent cette valeur, l’importance de chaque processus restant mal connue. Par ailleurs, estimer les débits de ruissellement lors des événements fréquents nécessite de meilleures caractérisations géographiques et physiques des surfaces revêtues urbaines (géométrie,

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topographie, granulométrie et porosité du revêtement, …), et aussi une meilleure connaissance de leur conditions de connexion au réseau d’eaux pluviales (Jacqueminet et al., 2013).

L’influence de l’urbanisation sur les écoulements de sub-surface dépend à la fois des caractéristiques des sols et versants naturels (géologie, topographie, végétation …), et des aménagements (imperméabilisation, réseaux de drainage urbains). Le rôle des réseaux urbains a été mis en évidence par Breil et al. (1994) puis Belhaj et al. (1995) qui ont étudié les eaux parasites d’infiltration d’origine pluviale dans les réseaux d’eaux usées et identifié une réaction rapide à la pluie, même en l’absence de raccordements directs d’eaux de ruissellement (réseaux séparatifs d’eaux usées exempts de mauvais branchements). Les bassins versants urbains drainés par un système séparatif présentent ainsi plusieurs exutoires constitués par les réseaux : réseau d’eaux usées et d’eaux pluviales. Ils ont montré que cette réaction dépend du niveau de saturation du sol dans lequel se situe le réseau. Ces travaux ont ensuite été poursuivis, afin de développer une modélisation hydrologique de l’infiltration d’eaux parasites dans les réseaux d’usées (Dupasquier, 1999 ; Raynaud et al., 2008) avec une application à l’analyse des surverses de réseaux d’eaux usées. Le rôle du sol urbain dans la réponse à la pluie d’un bassin versant urbain a été étudié à partir d’une modélisation détaillée d’un « versant urbain » schématisé par la section en travers d’une parcelle cadastrale urbaine, bordée par une rue et un collecteur d’eaux pluviales (Berthier et al., 2004). La comparaison entre observations sur le bassin expérimental de Rezé et modélisation indique que l’état hydrique du sol explique une part significative des variations du coefficient d’écoulement par événement. et que le débit de base d’un bassin versant urbain dépend du niveau de saturation du sol de ce bassin versant (Ruban et al., 2015). Toutefois, la modélisation des interactions entre la nappe et les réseaux d’assainissement réalisée avec le modèle MODFLOW ne parvient pas à reproduire correctement la dynamique observée du débit de base à l’exutoire du bassin versant étudié (Le Delliou et al., 2015). Des résultats tout récents de Li et al. (2014) indiquent que les fluctuations des nappes superficielles urbaines seraient plus expliquées par le forçage atmosphérique et l’existence d’aménagements dans le proche sous-sol que par des transferts horizontaux en milieu saturé comme traditionnellement dans des nappes plus profondes. Les résultats obtenus indiquent clairement que l’on ne décrit pas encore correctement les mécanismes de formation des débits de sub-surface et de base dans les réseaux d’assainissement et dans les bassins versants urbanisés. La thèse en cours de F. Séveno consacrée à l'identification par traçage isotopique et géochimique des différentes contributions à l'écoulement généré à l'exutoire d'un bassin versant (Seveno et al., 2014) vise à remédier à ce constat, partagé par Hamel et al. (2013) qui mettent en exergue le besoin de modèles décrivant les écoulements de sub-surface en milieu urbain.

Les Observations et modélisations du cycle hydrologique urbain sont menées à des échelles spatiales diverses, pour la compréhension des phénomènes mais aussi en fonction des enjeux opérationnels. L’échelle du quartier fait l’objet d’observations de long terme (cf. les sites expérimentaux de URBIS) et du développement de modèles dédiés à la description des différents écoulements : des efforts importants ont été faits en direction d’une vision intégrée des écoulements, en observant le plus grand nombre de processus physiques (Rodriguez et al, 2013) et en simulant divers compartiments comme la surface et les réseaux d’eau, mais aussi le sol, l’interface sol-atmosphère (Li et al., 2014 ; El Tabach et al., 2009).

Enfin l’échelle de la ville ou de l’agglomération, pose des problèmes spécifiques d’échantillonnage spatial et de représentativité des observations. Le réseau d’assainissement constitue un outil d’agrégation spatiale intéressant pour certains écoulements et il fait l’objet d’une surveillance dont les résultats peuvent être valorisés par des synthèses et des interprétations dépassant le cadre opérationnel. Des mesures d’auto-surveillance des débits rejetés dans la Seine ont été exploitées pour faire un bilan des pollutions à l’échelle de l’agglomération parisienne, et des travaux portent sur une représentation intégrée de l’ensemble des réseaux à cette échelle (Allard et al., 2013)

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Figure 2 : Trois étapes d’un discrétisation spatiale à grande échelle d’un secteur urbain pour la modélisation hydrologique : a) chevelu non connecté b) reconstruction du réseau c) intégration dans une description maillée des surfaces drainées (thèse A. Allard)

Concernant l’échelle temporelle, l’accent est mis sur l’observation et la simulation en continu sur des durées pluriannuelles afin de bien caractériser les variabilités temporelles des écoulements. En effet pour les épisodes pluvieux courants, la « mémoire » du système joue un rôle important et intègre les antécédents pluvieux, les périodes sèches jusqu’à des échelles saisonnière et pluriannuelles et induit une grande variabilité des réponses à une sollicitation (Berthier et al., 2004).

Hydrologie des espaces périurbains L’urbanisation conduit à une évolution rapide des espaces en périphérie des villes

(Braud et al., 2013b). Ces espaces sont très hétérogènes, avec une juxtaposition/imbrication de zones urbanisées et naturelles (Andrieu et Chocat, 2004). La création de réseaux (eaux potables, assainissement, voiries, etc.) modifie les chemins naturels de l’eau, rendant délicate la délimitation de ces bassins et le calcul de leur bilan hydrologique du fait des transferts dans et hors du bassin topographique (Jankowfsky et al., 2013; Vrebos et al., 2014). La réponse hydrologique est conditionnée par des temps de réponse différents entre zones urbaines et rurales (Furusho et al., 2014, Braud et al., 2013a). L’étude des milieux périurbains pose des défis pour l’observation et la modélisation (Braud et al., 2013b) qui restent à relever.

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Figure 3 : Schéma du principe du modèle J2000P développe pour les bassins versants péri-urbains (thèse M. Labbas)

C’est aussi dans ces espaces que se pose de manière accrue la question des pratiques de gestion des eaux pluviales, l’extension des réseaux d’assainissement ayant un coût souvent jugé trop élevé. Les pratiques actuelles privilégient la rétention à la source. Le groupe de travail sur les eaux pluviales (Brelot et al., 2009) avait identifié un manque méthodologique pour la cartographie des zones sensibles au ruissellement, ce qui a conduit au développement de la méthode IRIP (Dehotin et Breil, 2011) qui identifie les zones les plus sensibles à la production, au transfert et à l’accumulation du ruissellement à l’échelle d’un territoire. La méthode est prometteuse, mais encore en cours d’évaluation. Par ailleurs, les problématiques environnementales imposent de s’intéresser aux crues, mais aussi à toutes les composantes du cycle: débits, humidité des sols, évapotranspiration, et composantes du débit (débit de base, débit de subsurface, ruissellement de surface) dont la répartition conditionne la qualité de l’eau. Pour les cours d’eau périurbains intermittents, cette connaissance est d’autant plus importante que, à certaines périodes de l’année, les seuls écoulements sont ceux issus des zones urbanisées.

Pour comprendre le fonctionnement de ces bassins, des suivis de long terme sont nécessaires. En France, on peut citer le bassin de l’Yzeron (Braud et al., 2013a), site pilote de l’OTHU4 ou le bassin de la Chézine (ONEVU5). Ces observatoires documentent la pluviométrie, les débits sur des sous-bassins aux occupations des sols différentes, mais devraient aussi intégrer des mesures piézométriques, de teneur en eau des sols et d’évapotranspiration pour les calculs de bilans. Caractériser l’hétérogénéité de ces surfaces et leur évolution dans le temps est aussi primordial. Les banques de données urbaines apportent des informations intéressantes (Rodriguez et al., 2003). La télédétection haute résolution permet de distinguer les zones perméables ou imperméables et de caractériser ces évolutions avec finesse. Néanmoins, ces méthodes

4 Observatoire de Terrain en Hydrologie Urbaine, http://www.graie.org/othu/index.htm 5 Observatoire Nantais des Environnements Urbains, http://www.irstv.fr/fr/observatoire-nantais-des-environnements-

urbains

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restent sensibles à la résolution employée, et peinent à caractériser les zones connectées ou pas aux réseaux (Jacqueminet et al., 2013).

En termes de modélisation, des approches intégrées, empruntant à la fois aux pratiques de l’hydrologie urbaine et de l’hydrologie rurale sont nécessaires. Il est possible d’intégrer des composantes urbaines à un modèle rural ou réciproquement. On peut citer le travail de Furusho et al. (2013) où le modèle « rural » ISBA-Topmodel a été adapté en distinguant les mailles naturelles et urbaines et en ajoutant les interactions avec le réseau d’assainissement. Mais adapter un code existant présente des limites. Des cadres de modélisation souples et adaptatifs sont à privilégier (Salvatore et al. 2015). Le modèle PUMMA (Jankowfsky et al., 2014), construit dans la plateforme LIQUID (Branger et al., 2010) permet de représenter le cycle hydrologique et les interactions surface/subsurface pour des petits bassins de quelques km2. Labbas et al. (2015) proposent le modèle J200P, construit dans la plateforme JAMS6, pour des bassins de taille intermédiaire, et intégrant la gestion des eaux pluviales.

Ces outils sont nécessaires pour aborder la question de l’impact cumulé, à l’échelle du bassin versant, des nouvelles pratiques de gestion des eaux pluviales où de nombreux progrès restent à faire (Walsch et al., 2005 ; Fletcher et al., 2013). La disponibilité de plus en plus grande de données à haute fréquence, les données d’auto-surveillance des réseaux, viennent enrichir les jeux de données qui pourront être exploités à cet effet. Petrucci et Bonhomme (2014) montrent l’apport des données haute fréquence, et des informations SIG haute résolution pour la spécification des paramètres, le calage et l’évaluation de modèles de complexité intermédiaire. L’effort de recherche initié sue ce sujet voici quelques années mérite d’être poursuivi et amplifié.

Hydrologie urbaine et micro-climat urbain L’évapotranspiration est une composante importante du bilan hydrologique, mais aussi

du bilan énergétique (flux de chaleur latente) en milieu urbain. L’évapotranspiration urbaine a surtout été étudiée par les climatologues urbains (cf. l’intercomparaison de schémas de surface incluant les flux de chaleur latente, Grimmond et al., 2010). Au niveau national, deux modèles de bilan énergétique urbains incluant la description des flux de chaleurs latente ont été proposés. Le modèle SM2U (Dupont et al., 2006) a adapté au milieu urbain le modèle IBSA dédié au milieu rural (Noilhan et Planton, 1989). Le modèle TEB (Masson, 2000) a été spécialement développé afin de calculer les échanges d’énergie et d’eau entre le milieu urbain et l’atmosphère. Des collaborations ont été initiées entre hydrologues et climatologues, afin d’améliorer la composante hydrique de TEB (Lemonsu et al., 2007) et de SM2U (Dupont et al., 2006), et de comparer les flux d’évapotranspiration estimés par un modèle hydrologique et un modèle climatologique (Berthier et al., 2006). Ces collaborations se poursuivent sur l’intégration des écoulements d’eau dans le sol urbain et de la présence des réseaux dans TEB (Chancibault et al., 2015). Une campagne expérimentale associant hydrologues et climatologues, FLUXSAP (Mestayer et al.,2011) s’est déroulée dans le cadre du projet ANR VegDUD.

6 http://jams.uni-jena.de/

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Figure 4 : Variabilité de l’indice de confort thermique (UTCI) selon le taux de végétation (TV) à Nantes, entre l’Erdre et la Loire : simulation sur un maillage de 200m x200m pour la journée la plus chaude d’Août 2012(projet ANR VegDUD)

Il se confirme donc que les flux d’eau dans le proche sous-sol urbain, que l’on peut qualifier d’écoulements de sub-surface en milieu urbain, et les flux d’eau à l’interface sol-atmosphère jouent un rôle déterminant dans le bilan hydrologique mais aussi dans le bilan énergétique en milieu urbain. L’expression « zone critique » est maintenant employée pour le compartiment incluant le proche sous-sol, la surface du sol et la proche atmosphère, au sein duquel s’effectuent tous les échanges : eau, énergie, polluants, gaz (gaz à effet de serre notamment). Compte tenu des enjeux qui s’y rattachent en termes d’aménagement urbain, de limitation de l’îlot de chaleur urbain et de gestion des eaux pluviales urbaines, il est donc prioritaire de renforcer l’effort de recherche sur ce compartiment. Les collaborations déjà engagées entre climatologues et hydrologues incitent à s’orienter vers une modélisation couplée des flux de sub-surface et les flux à l’interface sol-atmosphère qui contribuent tous les deux à l’évolution de l’eau présente dans le proche sous-sol urbain et du bilan hydrique du bilan énergétique. Un tel projet représente une véritable ambition scientifique commune dédiée au développement d’un modèle commun représentant la zone critique en milieu urbain.

TV =40% TV=20%

UT

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La pluie : mesure, prévision et modélisation Des progrès considérables ont été effectués dans l’usage du radar météorologique qui

est devenu un outil incontournable, tant pour la recherche que pour la surveillance hydrologique opérationnelle. La fiabilisation de la mesure radar résulte de : i) la densification du réseau national de radars météorologiques, ii) l’évolution du traitement des images radar (Tabary et al., 2007), iii) les logiciels éprouvés d’interprétation hydrologique à l’usage des utilisateurs développés par Météo-France et RHEA. L’étude des précipitations aux échelles d’espace et de temps de l’hydrologie urbaine demeure toutefois un domaine d’investigation privilégié dans trois directions : la mesure, la prévision et la modélisation de la pluie.

La mesure de la pluie. La polarimétrie offre un renouveau aux radars en bande X, adaptés à la couverture d’agglomérations urbaines. Il permet de mieux détecter et corriger certaines sources d’erreur : échos de sol, bande brillante, atténuation et d’en éviter certaines en se limitant à une couverture locale. On peut en attendre une amélioration de la mesure de pluie par radar (Tabary et al., 2011). La France est bien placée avec plusieurs initiatives comme : le radar expérimental de l’ENPC, et la présence de la société Novimet, pionnière en polarimétrie radar à partir des travaux du LATMOS (Testud et al., 2000). La validation de ces nouvelles données radar pour l’hydrologie urbaine mérite des études spécifiques intégrant la combinaison de données radar et celles de pluviomètres. La méthode proposée par Delrieu et al. (2014) mérite d’être testée dans un contexte urbain.

La mesure des précipitations à partir de la mesure d’atténuation des signaux Hyper Fréquence (HF) sur les liaisons de téléphonie mobile connaît également un vif engouement (Gosset et al., 2015), et une étude de faisabilité d’une reconstitution des champs pluvieux en milieu urbain par tomographie à partir de ces liaisons HF est en cours (Zohidov et al., 2014).

La prévision de pluie par radar météorologique. Ce sujet connaît un regain d’intérêt après des travaux ayant montré les limites de la prévision de pluie par advection d’images radar pour la gestion des systèmes d’assainissement en cas d’orages locaux (Faure et al., 1999). De nouvelles méthodes de l’advection des zones pluvieuses, flux optique notamment, sont utilisées (Wang et al., 2015). Elles sont complétées par l’élaboration d’ensembles afin d’intégrer les incertitudes. Cela impose d’élaborer des scénarios réalistes d’évolution de ces images, et donc de modélisation des champs pluvieux. La méthode de prévision STEPS (Bowler et al., 2006) combinant advection d’images radar et désagrégation de sorties de modèles illustre cette évolution et mérite d’être adaptée à un contexte urbain.

Analyse et modélisation des champs et épisodes pluvieux. Le radar météorologique constitue un outil incomparable d’étude de la morphologie et de la structure des champs pluvieux à différentes échelles (Emmanuel et al., 2012). Il existe plusieurs approches de simulation de chroniques temporelles de champs pluvieux : modèles stochastiques de processus ponctuels de type Neyman-Scott (Onof et al., 2000), cascades multiplicatives aléatoires, associées à des structures fractales (Lovejoy et Schertzer, 2010), géostatistique, avec le très récent modèle SAMPO (Leblois et Creutin, 2014). Ce modèle ouvre de vastes perspectives de recherches pour la simulation de scénarios réalistes, la prévision de la pluie et ses incertitudes (ensembles), la modélisation et la prévision hydrologique.

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Figure 5 : Typologie de la variabilité des champs pluvieux à partir d’images radar (Emmanuel et al., 2012) - G1 : pluie fine ; G2 : orages organisés (bandes) ; G3 : orages peu organisés ; G4: averses

Ces acquis permettent de s’orienter vers les application hydrologiques du radar et notamment la modélisation pluie-débit (Gires et al., 2014, Emmanuel et al., 2015) et la prévision hydrologique en vue de la gestion des systèmes d’assainissement (Schoorens et al., 2014).

Conclusion Vis-à-vis de l’hydrologie quantitative en milieu urbain, la demande opérationnelle

exprimée jusqu’à présent concernait essentiellement la simulation des débits et des volumes. L'objectif est de vérifier l'impact d'aménagements sur les risques d'inondation d'une part, sur les rejets de flux polluants dans les eaux de surfaces voire souterraines d'autre part. Cette demande est en partie satisfaite par des outils tels que Canoë, qui continuent à évoluer pour prendre en compte les nouveaux modes de gestion des eaux pluviales.

L’évolution des enjeux vers des problématiques plus globales de la planification et de l’aménagement urbain fait émerger de nouveaux besoins d’expertise, de méthodes et d’outils. Les équipes de recherche sont mobilisées pour y répondre, en portant un effort particulier d’observation sur le long terme pour permettre le développement et la validation de modèles cognitifs et d’outils de simulation ou de prévision de grandeurs variées à différentes échelles: débits à différents exutoires pour différents régimes (pluie courantes, crues, étiages), niveaux de nappes, flux évaporatifs et températures de l’air, température de l’eau, pluie spatialement distribuée…

La valorisation des résultats de la recherche apporte des éléments de réponse à ces nouveaux besoins opérationnels. Elle facilite l’expression précise de ces besoins et offre une capacité d'expertise dans le cadre d'échanges plus ou moins formalisés, par exemple au sein des observatoires ou d’associations tels qu’ARCEAU ou le GRAIE. Le

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développement d’outils de conception en en cours à l’échelle de l’ouvrage, de la parcelle ou du bâtiment, et constitue un objectif fédérateur à l’échelle de l’opération d’urbanisme et de la planification urbaine.

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Les pollutions transférées et leurs impacts : caractérisation, sources et flux, impact sur le milieu

Ghassan Chebbo1, Véronique Ruban2, Johnny Gaspéri3, Jean-Luc Bertrand-

Krajewski4

1 - Leesu / Ecole des Ponts ParisTech 2 - Ifsttar - Laboratoire Eau Environnement

3 - Leesu - UPEC 4 - INSA de Lyon - Laboratoire DEEP

Introduction La contamination des eaux pluviales a fait l’objet de nombreux travaux de recherche à

l’échelle internationale, européenne et nationale. Elle a notamment constitué, depuis 20 ans, l’une des priorités de recherche des observatoires français en hydrologie urbaine : OPUR (Paris), OTHU (Lyon) et ONEVU (Nantes). La mise en place du réseau d’observatoires français en hydrologie urbaine URBIS a permis la structuration à l’échelle nationale d’une expertise scientifique sur les polluants urbains, appuyée par le développement de coopérations étroites entre les chercheurs et les opérationnels. L’existence d’associations comme le GRAIE (Lyon) et ARCEAU (Paris) favorisent la valorisation des recherches effectuées et l’évolution (parfois trop lente) des pratiques.

Pendant longtemps les recherches ont porté sur les polluants globaux traditionnels (MES, DCO/DBO, azote, phosphore) et quelques micropolluants (certains métaux et hydrocarbures). Depuis les années 2000, les micropolluants sont devenus une thématique de recherche à part entière, et le nombre de polluants étudiés dans les eaux de ruissellement (eaux pluviales ou RUTP) a augmenté considérablement. Cependant, de cette approche naît un certain nombre de questions. Le nombre des micropolluants est aujourd’hui de plusieurs milliers, voire de plusieurs dizaine de milliers. Leur toxicité et leur écotoxicité sont, pour la majorité d’entre eux, au mieux suspectées, au pire méconnues. Il en est de même pour leurs produits de dégradation dont on connaît mal, par ailleurs, les modes de production et d’évolution de l’amont à l’aval des hydrosystèmes urbains. Enfin, l’approche réglementaire est pour le moins tout aussi incertaine.

L’analyse des recherches effectuées montre une évolution permanente et rapide des molécules suivies, des méthodes utilisées et des résultats obtenus. L’efficacité de la valorisation des recherches effectuées est une question importante. A l’heure actuelle, des efforts importants sont réalisés mais les résultats obtenus restent limités dans la mesure où un certain nombre de messages émis par les chercheurs concernant la pollution des eaux pluviales a été soit peu repris, soit parfois hâtivement généralisé par les opérationnels sur le terrain.

Caractérisation Les recherches menées ces dernières années soulignent la diversité et l’ubiquité des

polluants présents dans les eaux pluviales, quel que soit leur mode de gestion ; une brève synthèse est présentée ici.

Réseaux séparatifs Une base de données très importante portant sur 77 micropolluants (Gaspéri et al.,

2014) a été constituée par URBIS dans le cadre du projet ANR INOGEV sur trois bassins versants. Des profils de contaminations similaires entre sites mais avec des spécificités locales ont été observés. Sont détectés dans ces eaux des métaux, des HAP, des

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alkylphénols, des PBDE et des pesticides. De manière générale, une forte variabilité inter-évènementielle des concentrations est notée pour de nombreux polluants et comme le montre la Figure 6, des différences inter-sites liées à la différence de trafic automobile ou à la proximité d’activités industrielles ont été observées pour les métaux (Cu, Zn, Sr, Cr, Ni), les HAP ou les PBDE. Pour d’autres éléments métalliques, le bisphénol A (BPA) et les alkylphénols incluant les nonylphénols et octylphénols ethoxylés (NPnEO et OPnEO), aucune différence significative de concentration n’a été mise en évidence. Parmi les métaux, le Zn (126-212 µg.L-1), le Cu (14-38 µg.L-1) et le Sr (29-113 µg.L-1) sont les plus abondants.

Réseaux séparatifs - Métaux

Différence significative entre sites

Conc (µg/l)

• Variabilité inter-événementielle importante• Différences entre sites: trafic routier (Cu, Zn, Sr), sites industriels (Cr, Ni)• Zn (126-240 µg.L-1) > Cu (14-38 µg.L-1) > Sr (29-113 µg.L-1)• Majoritairement sous forme particulaire (sauf Sr)

Figure 6 : Gamme de concentrations en métaux dans les eaux pluviales (réseaux séparatifs)

Sur la vingtaine de pesticides recherchés, le glyphosate (95-198 ng.L-1), l’AMPA (16-

469 ng.L-1), le diuron (25-795 ng.L-1) et le glufosinate (6-389 ng.L-1) sont prédominants. L’isoproturon (3-53 ng.L-1), la carbendazime (7-195 ng.L-1) et le mécoprop sont quantifiés à de plus faibles niveaux. Pour les PBDE, les eaux pluviales sont caractérisées par des profils moléculaires typiques de ceux mentionnés dans la littérature c’est-à-dire avec une part minime des tri-, tetra- et hexa-BDE mais avec une prédominance du deca-BDE (BDE-209, 23-251 ng.L-1). Enfin, les concentrations moyennes en BPA et NP sont respectivement estimées à 552 et 359 ng.L-1. Les NPnEO sont prédominants par rapport aux OPnEO. Si la plupart des métaux, HAP et PBDE sont majoritairement sous forme particulaire, le BPA, les alkylphénols et la plupart des pesticides sont préférentiellement présents sous forme dissoute. Au-delà de ces molécules, d’autres études pointent la présence d’organo étains, de PCB ou de phtalates dans les eaux usées (Zgheib, 2009).

Ruissellements amont Plusieurs études ont été menées sur la qualité des eaux pluviales à l’échelle de la

parcelle ou du quartier (Bressy, 2010, Delamain, 2014). Pour certains polluants (HAP, PCB, Cu, Pb, alkylphénols), une contamination des eaux pluviales plus faible que celle à l’aval de grands bassins versants drainés par des réseaux séparatifs est observée (Bressy, 2010). Ces études soulignent également une forte variabilité de la charge en micropolluants. Des travaux récents (Delamain, 2014) en démontrant que les concentrations en métaux et pesticides mesurées dans un écoquartier équipé de différentes techniques alternatives (noue, canal, toitures végétalisées) sont du même ordre de grandeur que celles mesurées aux exutoires des réseaux séparatifs (Figure 7) amènent toutefois à s’interroger sur le rôle des matériaux utilisés au sein des ouvrages de gestion amont. Malgré ces études, les données sur la charge en micropolluants des ruissellements amont demeurent insuffisantes. A ce jour, il apparaît nécessaire de mieux caractériser le ruissellement amont pour orienter les solutions de gestion à la source.

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Figure 7 : Gamme de concentrations en pesticides observées dans les eaux de ruissellement (gestion

amont)

Réseaux unitaires Pour les réseaux unitaires et les RUTP, de nombreuses substances ont été détectées,

la plupart étant aussi détectée dans les eaux usées ou les eaux de ruissellement. Certains polluants exclusivement véhiculés par les eaux usées comme les résidus pharmaceutiques, les COV, etc. sont également détectés dans les RUTP. Quelques différences apparaissent au regard des profils moléculaires et/ou des concentrations comparativement aux eaux pluviales. Pour la plupart des polluants organiques hydrophobes et des métaux particulaires communs aux deux matrices, les concentrations des RUTP excèdent les concentrations observées pour les eaux usées et les eaux de ruissellement, en raison de la remise en suspension des dépôts formés au sein du réseau. Pour des polluants plus fortement concentrés dans les eaux pluviales (cas de quelques métaux), des diminutions de concentrations sont produites par dilution. Pour les RUTP, une proportion plus importante de polluants est liée aux particules.

Sources des micropolluants dans les eaux pluviales Les travaux sur les flux de micropolluants dans les eaux pluviales attestent d’une

production locale importante, et ce pour la majorité des polluants étudiés. Cette production est liée soit au lessivage des surface urbaines (toitures, bâtis), des véhicules ou encore du mobilier urbain soit des activités qui s’y déroulent (Figure 8). A titre d’exemple, des émissions importantes en Cu et Zn ont été reportées pour certaines toitures métalliques. Certains pesticides peuvent être également émis depuis les façades. Pour les HAP, les émissions liées au trafic automobile constituent la principale source. Pour certains polluants comme les PBDE, les alkylphénols, le bisphénol A et les phtalates, les sources de contamination sont moins bien cernées. Le lessivage des véhicules, du mobilier urbain et de certains types de bâtis pourrait être une source de ces contaminants puisque certains de ces composés sont utilisés dans différents éléments automobiles ou dans les plastiques polycarbonates massivement utilisés en ville. Certains polluants (pesticides par exemple) peuvent également être transférés par la circulation atmosphérique depuis des bassins versants voisins ou parfois éloignés, ce qui explique que les activités et le bâti d’un bassin versant particulier ne sont pas toujours les seules sources de micropolluants observés sur ce bassin versant. Quel que soit le type de réseau, les apports atmosphériques contribuent peu à la contamination par temps de pluie. Pour les réseaux unitaires, l’érosion des dépôts formés par temps sec est une contribution importante aux flux de polluants hydrophobes.

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Sources de micropolluants dans les eaux pluviales

RAT Activités Matériaux

MobiliersVéhiculesBâtiToituresTrafic routierIndustries Surfaces

HAP / ++++ / / + / +/-+/-

Pesticides / / / +/- / +/- +/-+/-

Métaux + ++++ + / + +/- +++/-

BPA / / / +/- +/- +/- +/-+/-

++ + ++++ / +/- +/- +++/-

PBDE / / / ++ (?) (?) (?) (?)+/-

1) Eaux pluviales

Figure 8 : Sources de micropolluants dans les eaux pluviales

Flux de micropolluants dans les eaux pluviales Pour les réseaux séparatifs, plusieurs tentatives, infructueuses à ce jour, ont tenté de

relier les caractéristiques des évènements pluvieux aux flux de micropolluants des eaux pluviales. Les modèles décrivant le mieux les flux de polluants sont fondés sur la hauteur des précipitations. Des travaux récents confirment que les variabilités de flux entre sites et au sein des mêmes sites sont majoritairement dues à des différences de précipitations. Pour les réseaux séparatifs, les ordres de grandeurs des flux de polluants varient de quelques g/ha actif à plusieurs centaines de g/ha actif.

Certains travaux ont montré que les techniques alternatives, en diminuant les volumes d'eau rejetés vers l'aval, réduisent les masses de contaminants émises. Bressy (2010) indique des réductions de 20 à 80 % pour certains polluants (MES, DCO, PCB, HAP, alkylphénols, métaux traces). L'amplitude de ces effets varie suivant l'importance de la pluie, mais surtout en fonction du type d'ouvrage mis en place. Les connaissances pour d’autres polluants sont extrêmement limitées.

Pour les réseaux unitaires, et pour les polluants à la fois présents dans les eaux pluviales et les eaux usées strictes, plusieurs cas de figure sont à différencier. Lorsque les concentrations des eaux usées sont supérieures à celles des eaux pluviales (cas des alkylphénols, phtalates et PBDE), des flux supérieurs par hectare actif sont attendus. Pour les polluants avec des concentrations dans les eaux pluviales bien supérieures à celles des eaux usées (cas des HAP et de certains métaux), des flux du même ordre de grandeur ou inférieurs à ceux des réseaux séparatifs sont observés.

Impact des rejets d’eaux pluviales sur les milieux aquatiques Les impacts des rejets d’eaux pluviales sont de nature physique, chimique, biologique

et écologique, et sanitaire.

Les rejets, à des débits et des volumes parfois très élevés en fonction de l’intensité et de la hauteur des précipitations qui les ont générés, peuvent accroître de manière significative les débits et les vitesses d’écoulement des milieux aquatiques dans lesquels ils se produisent. Au droit des rejets, on observe des érosions localisées (affouillements) ou étendues, et parfois des phénomènes marqués d’incision et de creusement des lits des cours d’eau pouvant conduire à des modifications géomorphologiques significatives (Figure 9).

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• débits, vitesses écoulement : érosion, incision

Impacts physiques

© photos L. Schmitt

La Goutte des Verrières,Charbonnières (69)

Yzeron (69)

Figure 9 : Impacts physiques des rejets d’eaux pluviales

Les impacts chimiques des polluants traditionnels (MES, DCO/DBO, N et P) ont été étudiés depuis de nombreuses années et sont directement liés à la présence des polluants transportés par les rejets. Lorsque les débits et volumes d’eaux pluviales déversés sont significatifs par rapport à ceux transitant dans les cours d’eau, on observe généralement une augmentation des concentrations des polluants concernés dans les milieux aquatiques. Les rejets de MES peuvent entraîner des colmatages du lit et modifier, temporairement ou durablement, la composition des zones hyporhéiques. Les MES sont également le vecteur des polluants présents en phase particulaire. Les rejets de matière organique oxydable (DBO) entraînent une baisse de la concentration en oxygène dissous des milieux aquatiques. Si cette baisse est suffisamment longue et prononcée, elle peut conduire à des mortalités piscicoles. Les rejets d’azote et de phosphore, dans les milieux aquatiques avec des écoulements très lents ou relativement fermés (certaines baies, de même que les lacs et ruisseaux urbains par exemple), contribuent au phénomène d’eutrophisation (Figure 10).

Impacts chimiques

• concentrations & flux polluantsdissous et particulaires

• Azote, phosphore : eutrophisation

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Figure 10 : Impact chimique des rejets : eutrophisation liée à des rejets d’azote/phosphore

Les concentrations en métaux, HAP et micropolluants organiques des milieux

aquatiques sont également augmentées significativement par les rejets d’eaux pluviales. A l’échelle événementielle, les rejets de certains polluants (métaux, pesticides, HAP par exemple) dans les eaux pluviales peuvent représenter une contribution significative et parfois majeure des rejets urbains par rapport aux rejets des stations d’épuration. A l’échelle annuelle, la contribution des eaux pluviales aux flux polluants totaux rejetés dans un milieu aquatique est variable selon les sites et les polluants : de ratios de 20 à 60 % ont été observés sur certains sites parisiens.

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Les impacts biologique et écologique affectent la biocénose des milieux aquatiques. Pour un certain nombre de substances (pesticides, PCB, certains métaux), les rejets d’eaux pluviales entraînent des phénomènes de bioaccumulation et de bioamplification le long des chaînes trophiques, pouvant conduire à terme à la disparition de certains espèces (maladies, longévité plus faible, reproduction perturbée) et donc à la perturbation de l’écosystème et des populations présentes (Figure 11).

Impacts biologiques & écologiques• concentrations / flux polluants :

bioaccumulation / bioamplification,perturbation endocrinienne

Figure 11 : Impact des rejets sur les biocénoses aquatiques

Les très nombreux micropolluants organiques suivis plus récemment dans les eaux

pluviales ont des conséquences sur les milieux aquatiques encore très mal documentées. Certaines substances semblent être bioaccumulables, écotoxiques et sont suspectées, pour certaines d’entre elles, d’être des perturbateurs endocriniens susceptibles d’affecter les populations des milieux aquatiques. Des études de long terme sur les effets des expositions chroniques à des faibles concentrations pour la biocénose sont nécessaires.

Pour toutes ces raisons, l’atteinte du bon état chimique et écologique de certains milieux aquatiques nécessite une réduction significative des rejets d’eaux pluviales.

Enfin, les rejets d’eaux pluviales ont des impacts sanitaires notables. Les concentrations élevées en germes tests de contamination fécale, bactéries et virus, peuvent conduire à la fermeture temporaire de zones de baignades ou d’activités nautiques en contact avec l’eau (surf par exemple). Les rejets peuvent également avoir des conséquences préjudiciables en rendant impropres à la consommation les productions conchylicoles.

Conclusions et perspectives Les travaux récents menés sur les eaux pluviales mettent en évidence :

- une grande diversité des polluants et la présence de la plupart quel que soit le mode de gestion, une production majoritairement locale (trafic, matériaux, sites industriels) de ces polluants, la contribution des apports atmosphériques proches ou lointains restant faible ;

- des concentrations en micropolluants organiques fluctuant typiquement entre quelques dizaines de ng.L-1 à quelques centaines de ng.L-1 ;

- des différences de concentrations entre sites liées en particulier au trafic (Zn, Cu, HAP), à la proximité de sites industriels (Cr, Ni), aux pratiques d’entretien (pesticides) et aux matériaux (tous les polluants) ;

- une présence majoritairement sous forme particulaire de la plupart des métaux, des HAP et des PBDE), les pesticides, le BPA et les APnEO étant préférentiellement sous forme dissoute ;

- une variabilité importante des flux de micropolluants issus des réseaux séparatifs. Ces flux peuvent être plus ou moins réduits selon le type de gestion

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amont mis en œuvre. Les flux des réseaux unitaires s’avèrent supérieurs aux flux séparatifs pour les APnEO, les phtalates et les PBDE, et du même ordre de grandeur pour les HAP et certains métaux;

- un impact des rejets sur les milieux aquatiques à la fois physique (érosion localisée), chimique (diminution de la concentration en oxygène, eutrophisation), biologique et écologique (bioaccumulation de micropolluants avec répercussion sur la biocénose aquatique).

L’ensemble des travaux de recherche menés jusqu’à présent a permis de générer des connaissances sur les pollutions véhiculées et leurs sources dans les eaux pluviales. Ces connaissances s’avèrent indispensables à l’atteinte du bon état chimique et écologique des milieux aquatiques, à l’orientation et à l’implantation des solutions de gestions. Devant le nombre important de substances, des méthodes de hiérarchisation de suivi, des outils d’aide au choix des substances, et d’autres moyens de caractérisation de la pollution (par exemple screening non ciblé, semi-ciblé, bio-indication) constituent certains des futurs besoins de recherche.

Enfin, il est nécessaire de renforcer la collaboration entre les structures de recherche et les structures de valorisation pour relever le grand défi que représentent l’étude de la contamination des eaux pluviales et la qualité écologique des milieux aquatiques.

Références bibliographiques Bressy A. (2010). Flux de micropolluants dans les eaux de ruissellement urbaines : effets de différents modes de

gestion à l'amont. Thèse ENPC, 331 p. Delamain M. (2014). Comparaison des pratiques d’entretien des surfaces urbaines entre le bassin versant du Pin Sec

(Nantes) et un écoquartier adjacent. Cas des pesticides et des métaux traces. Rapport ONEMA, Novembre 2013, 56 p.

Gasperi J. Sebastian C., Ruban V., Delamain M, Percot S., Wiest L., Mirande C., Caupos E., Demare D., Diallo Kessoo M., Saad M., Schwartz JJ., Dubois P., Fratta C, Wolff H., Moilleron R., Chebbo G, Cren C, Millet M., Barraud S., Gromaire MC. (2014). Micropollutant contamination of urban stormwater: new insight (land use influence, partitioning, atmospheric contribution) based on an extended French data set. Env. Sc. Poll. Res., 21(8), 5267-5281.

Zgheib S. (2009). Flux et sources des polluants prioritaires dans les eaux urbaines en lien avec l’usage du territoire. Thèse ENPC, 349 p.

Notations AMPA Acide amino méthyl phosphonique ANR Agence nationale de la recherche APnEO Alkylphénols ARCEAU BPA bisphénol A COV Composés organiques volatiles DBO Demande biochimique en oxygène DCO Demande chimique en oxygène GRAIE Groupe de recherche Rhône-Alpes sur les infrastructures et l’eau HAP Hydrocarbures aromatiques polycycliques MES Matières en suspension N Azote NPnEO Nonylphénol OPnEO Octylphénol ONEVU Observatoire nantais des environnements urbains OPUR Observatoire des polluants urbains OTHU Observatoire de terrain en hydrologie urbaine P Phosphore PBDE Polybromodiphényléthers PCB Polychlorobiphényles RUTP Rejets urbains de temps de pluie

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SOERE Système d’observation et d’expérimentation au long terme pour la recherche en environnement

URBIS SOERE Environnement urbain

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Les dispositifs de gestion des eaux pluviales

S. Barraud1, M.-C. Gromaire2, F. Rodriguez3

1 – INSA de Lyon – Laboratoire DEEP 2 – Leesu – Ecole des Ponts ParisTech

3 – IFSTTAR, Laboratoire Eau et Environnement

Introduction L'histoire récente de la gestion des eaux pluviales est marquée par le passage

d'ouvrages de génie civil et centralisés alimentés par des réseaux de conduites (bassins de rétention enterrés ou à ciel ouvert) à des ouvrages de plus en plus décentralisés (chaussées réservoirs, espaces urbains temporairement inondables) et avec des approches plus paysagères, en lien avec la végétation en ville (noues, toitures végétalisées, jardins de pluie). Cette évolution des approches de gestion s’est accompagnée d’une évolution des services attendus des ouvrages : gestion hydrologique tout d’abord, puis abattement des flux polluants, intégration urbaine, fonction paysagère, et plus récemment ressource alternative à l’eau potable, biodiversité, lutte contre l’îlot de chaleur urbain.

La note aborde sommairement l’état des connaissances en lien avec les performances et objectifs principaux des dispositifs actuels de gestion des eaux pluviales, les nouveaux enjeux et les besoins tant de recherche qu’opérationnels. Elle n’aborde pas les dispositifs traditionnels par réseaux. Les références bibliographiques citées sont principalement celles obtenues en contexte français, mais les connaissances évoquées tiennent largement compte des données internationales.

Limitation des flux d'eau

A l'échelle locale La plupart des ouvrages de gestion des eaux pluviales répondent en premier lieu à un

objectif de limitation des débits afin de maîtriser les surcharges des réseaux d'assainissement et les risques d'inondation associés lors d'événements météorologiques exceptionnels. Ils permettent de limiter les débits de pointe (grâce au stockage / régulation et/ou à l'infiltration), et de limiter les volumes de ruissellement (grâce à l'infiltration) à l'exutoire des zones contributives de ces ouvrages, et à une échelle locale. Les préconisations de conception des ouvrages stipulent en général des critères de débit de fuite, et plus rarement, des critères d'abattement des volumes (Petrucci, 2012). La maîtrise des volumes associés aux « pluies courantes » est un objectif secondaire qui a émergé plus récemment, en lien notamment avec la maîtrise des flux polluants (Sage et al, 2015). D'autres objectifs sont moins souvent cités en France, mais le sont beaucoup plus à l'étranger (Fletcher et al, 2014) : le retour à un bilan hydrologique équivalent avant le développement de la zone urbaine (« pré-développement »), ou la réalimentation des nappes.

Historiquement, ce sont d'abord des ouvrages centralisés de délestage de réseau aux capacités importantes qui ont été mis en œuvre. L'approche privilégiée actuellement, pour répondre à l'essor urbain, repose sur une gestion au plus proche de la source, dans des ouvrages décentralisés intégrés à l’aménagement.

Les freins au développement de ces dispositifs du point de vue de la limitation des flux d’eau sont aujourd’hui souvent liés aux risques de dysfonctionnements sur le moyen ou le long terme ou plus exactement à la difficulté de les prévoir et de les gérer. Deux problèmes sont évoqués quant au bon fonctionnement hydraulique : le piégeage des sédiments dont la gestion et le traitement posent problème aux maîtres d'ouvrage et le colmatage qui conduit à une réduction de la performance hydraulique initiale pour les ouvrages

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d’infiltration. Ces phénomènes affectent particulièrement les ouvrages centralisés ou semi-centralisés, pour lesquels le rapport surface de bassin versant sur surface d’ouvrage est grand.

Néanmoins, des connaissances et recommandations existent aujourd’hui permettant de relativiser ces risques notamment sur le colmatage. Moins d’éléments sont présents pour l’évaluation quantitative des sédiments piégés pour lesquels des programmes sont en cours (e.g. ANR CABRRES, Lipeme Kouyi et al, 2014). L'évolution du colmatage et son emplacement pour différents systèmes en service a fait l’objet de nombreuses études. Sa localisation est bien connue maintenant : à l'interface de différentes couches (sol / matériaux granulaires par exemple) comme pour les biofiltres, tranchées, puits et en fond de dispositif (bassins d'infiltration non comblés, noues en terre (Siriwardini et al 2007, Proton 2008, Le Coustumer 2008, Gonzalez-Merchan, 2012). On sait aussi que les parois des dispositifs sont quasiment épargnées par le colmatage, qu’ils soient centralisés ou décentralisés. Les cinétiques de colmatage sont très dépendantes du type de dispositifs et du type d'apport. Des recommandations existent (Barraud et al., 2009) mais aucun modèle de prévision du colmatage n’est disponible et applicable à des dispositifs quelconques. L'expérience montre cependant que le colmatage de ces ouvrages est visible (lames d'eau, débordements locaux) et qu'il est par conséquent facile d'intervenir. On sait également par ailleurs que la végétation est un facteur plutôt positif quand elle est bien choisie ou adaptée (Gonzalez-Merchan 2012, Hatt et al., 2007, Le Coustumer, 2008).

Un autre type de freins concerne les critères d’implantation locale des systèmes décentralisés qui sont souvent calqués sur des recommandations relatives à des systèmes centralisés de grande taille et pouvant présenter une forte pression sur l’environnement. Par exemple des risques géotechniques ou géologiques sont mis en avant vis-à-vis des pratiques d’infiltration. Y a-t-il des risques à infiltrer en milieu urbain au plus près des bâtiments pour la bonne tenue de leurs fondations ? Y a-t-il des risques à infiltrer sur des sols gypseux de petites quantités d’eau alors même que l’on n’interdit pas l’infiltration dans les espaces verts qui fonctionnent de manière similaire ? Il y a là peu d’études qui permettent d’objectiver les réponses.

En termes de conception hydraulique (échelle de l’ouvrage), et en contexte français, les méthodes existantes et utilisées par les opérationnels sont principalement de deux ordres :

- des méthodes de pré-dimensionnement utilisées en dimensionnement (méthode des pluies ou méthode des volumes). Leurs bases reposent sur des hypothèses très simplifiées (e.g. coefficient d'apport constant, pas d'effet d'amortissement des flux d'eau sur le bassin versant alimentant l'ouvrage, débit de fuite constant). Elles reposent également sur des données statistiques de pluies qui sont le plus souvent prises égales à des valeurs de la littérature dont l’adaptation au contexte n’est pas acquise. Elles fournissent le volume à stocker, un temps de vidange approximatif. Ces méthodes dimensionnent les ouvrages pour des évènements rares (e.g. période de retour de 10 ans à 100 ans) mais ne se soucient ni des problèmes de gestion de la pollution ni des évènements courants (situations les plus souvent rencontrées).

- des méthodes de simulation basées dans le meilleur des cas sur des pluies historiques dites de référence ou plus souvent sur des pluies de projet qui ont été construites pour modéliser la transformation pluie/débit sur des bassins versants urbains drainés par des réseaux et dont l’adaptation à la simulation des BV munis de systèmes de stockage et ou d’infiltration n’est pas étayée. Les méthodes les plus opérationnelles sont toutes plus ou moins basées sur la "méthode des débits" qui s'appuie sur un modèle de réservoir. La simulation par des séries de pluies est rarissime en France ; les chroniques de pluies n’étant pas accessibles facilement. Les collectivités qui disposent de réseau pluviométrique ne les utilisent pas plus pour les dimensionnements, soit parce qu'elles sous-traitent les études, soit parce qu'elles ne disposent pas de logiciel

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performant permettant de les exploiter facilement en des temps acceptables. Des simulations sur de longues chroniques permettraient pourtant, non seulement de dimensionner les ouvrages pour des évènements exceptionnels mais également de disposer d’éléments pour mieux appréhender le fonctionnement courant (statistiques sur les périodes de temps pendant lesquels les ouvrages sont à sec par exemple et qui pourraient constituer un handicap pour la survie des végétaux, temps moyen de vidange prenant en compte la succession des évènements pluvieux, …).

Pour les systèmes décentralisés, la représentation de leur comportement local, pour ce qui est des flux d'eau, nécessiterait en outre d'adapter des modèles qui font intervenir des processus peu pris en compte traditionnellement pour les systèmes centralisés en milieu urbain comme par exemple l’infiltration profonde et l’infiltration de sub-surface, l’évapotranspiration, les écoulements en milieu poreux ou dans le sol urbain très artificialisé et extrêmement hétérogène. Si des modèles de recherche existent partiellement, peu de logiciels adaptés permettent de les simuler à l'aide d’outils dédiés. Certains logiciels existent (MUSIC® en Australie, Storm® en Allemagne, SWMM ®), mais de façon très simplifiée, très locale ou peu pratique à utiliser pour des stratégies décentralisées. Une étude préliminaire des modèles à l’international est en cours sur ce point (Sun 2015).

A l'échelle globale Si l'impact des ouvrages à l'échelle locale est avéré, leur effet à une échelle plus large

(agglomération urbaine, rivière urbaine, nappe) a peu été abordé. La réduction des flux d'eau à l'échelle locale est a priori bénéfique à une échelle plus large, mais la part des dispositifs est souvent faible sur un bassin versant urbain donné, ce qui rend leur impact peu détectable à l'échelle globale. La diffusion de dispositifs alternatifs de gestion des eaux pluviales à l'échelle urbaine doit être assez systématique pour que cet impact soit significatif (Versini et al, 2015).

Deux composantes du cycle de l'eau en milieu urbain peuvent être en particulier modifiées par cette diffusion. D'une part, l'infiltration généralisée des eaux pluviales en milieu urbain se traduit par un changement de l'état hydrique du sol et des nappes : la recharge des nappes peut être favorisée par ces pratiques, ce qui est un moyen de maintenir la ressource en eau souterraine dans les zones urbaines, sur lesquelles les ouvrages souterrains et les pompages ont traditionnellement plutôt tendance à abaisser les niveaux de la zone saturée. Néanmoins peu d’études montrent l’impact réel qu’aurait la généralisation de techniques à la source en termes de quantité des ressources souterraines (Li, 2015). D'autre part, ces pratiques d'infiltration sont un bon moyen de maintenir les débits de base en zone urbaine, et donc l'écoulement des rivières urbaines, trames bleues de nos cités, lors des périodes d'étiage (Hamel et al, 2013) ; ceci peut être un point sensible pour ces rivières souvent soumises à la pollution urbaine, plus visible lors des périodes sèches. Ces points sont encore plus saillants sur les zones urbaines pour lesquelles les scénarios de changement climatique indiquent une sécheresse plus importante dans le futur.

Cependant la systématisation aveugle des techniques à la source faisant intervenir notamment stockage et régulation peut s’avérer contreproductive (cf. Figure 12). Un bassin versant muni de techniques de régulation est un système qui conduit à écrêter les hydrogrammes de pluie et à les prolonger dans le temps si bien que la contribution des différentes parties de ce bassin versant peut induire une superposition des flux d’eau qui durent plus longtemps. Cela peut donc mener à des inondations plus longues et plus critiques, ou encore conduire à une augmentation de la fréquence et du volume des surverses unitaires (Faulkner, 1999, Petrucci 2012). G. Petrucci (2012) a bien montré dans un contexte français les biais possibles des politiques de limitation réglementaire des débits imposées par les collectivités sans études hydrologiques préalables. L’effet d’une systématisation de l’infiltration n’a pas été étudié de manière suffisamment satisfaisante pour en tirer des conclusions similaires.

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Figure 12 : Effet des rétentions à débit limités sur les hydrogrammes

Besoin de connaissances et d’outils (à l'échelle locale et à l'échelle globale) Du point de vue de la recherche, les besoins concernent le développement et la mise à

disposition des modèles génériques à une échelle locale capables de représenter ces dispositifs et la variété des configurations possibles (rétention et ou infiltration dans différents types de matériaux poreux...) intégrant les échanges entre les compartiments air/ ouvrages / réseaux / nappe, afin de pouvoir étudier de façon fiable et sur de longues chroniques les performances de ces ouvrages et les interactions entre les différents processus physiques et géochimiques.

A une échelle globale, il est nécessaire de disposer d’outils simplifiés permettant la simulation de l’effet sur ces différents compartiments: (i) des changements globaux (changement climatique, évolution de l’urbanisation ou des modes de gestion des eaux pluviales) (ii) de scénarios d’évolution temporelle des dispositifs, permettant l’intégration de modifications structurelles comme celle induite par le colmatage.

Ces travaux de modélisation devront également s'appuyer sur des observations de moyen et long terme du fonctionnement hydrologique des dispositifs, de l'échelle locale à l'échelle du bassin versant, en regroupant si possible les moyens d'instrumentation des différents compartiments évoqués plus haut, sur des sites instrumentés selon des procédures communes. La métrologie de ces dispositifs n’est en effet pas triviale.

Certaines connaissances sont encore à construire par exemple sur les aspects stabilité et géotechnique peu investis et qui nécessiteraient l’implication de chercheurs compétents dans d’autres domaines.

Du point de vue des besoins plus opérationnels, nous l’avons évoqué, il est nécessaire aujourd'hui de pouvoir disposer d'outils de conception adaptés au dimensionnement de dispositifs de gestion favorisant l'abattement des volumes par évapotranspiration et l’écrêtement des débit par écoulement au travers d'une couche de substrat, tels que les toitures végétalisées, bandes enherbées, parkings végétalisés, ouvrages de bio-rétention ainsi que des outils permettant de simuler l’incidence d’une systématisation de leur usage à des échelles d’espace plus grandes (quartier, ville, …) et sous différents scénarios crédibles de changements globaux ou régionaux Encore faudra-il réfléchir aux scénarios à prendre en compte.

Performance environnementale / flux de polluants Les ouvrages centralisés (cf. Figure 13) reposent pour la plupart sur la décantation

en conditions statiques ou dynamiques. Lorsqu'ils sont bien conçus (i.e. volume d'interception ou débit traversier nominal bien dimensionnés, circulation de l'eau conçue pour éviter les volumes morts, conditions de vidange et de gestion des boues évitant les

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remises en suspension) ils permettent un abattement efficace (Chebbo, 1992) de la pollution particulaire, les particules étant le principal vecteur de contamination des eaux pluviales à cette échelle. La décantabilité des eaux pluviales semble cependant plus faible que ce qui avait initialement été mesuré (Chebbo et al, 2003 ; Torres, 2008), et les vitesses de chute souvent retenues pour le dimensionnement des ouvrages de décantation est à revoir (Arambourou et al, 2013) et des méthodes de simulation hydrodynamiques simplifiées à produire. De plus, certains polluants d'intérêt plus récent pour les eaux pluviales urbaines (alkylphénols, biocides, pesticides) présentent une nature plus hydrophile et ne sont pas abattus efficacement dans les ouvrages de décantation (Sébastian, 2013).

Figure 13 : Exemple d'ouvrages centralisés

Ces performances en termes de piégeage induisent cependant l’accumulation de sédiments pollués à gérer. De nombreuses études ont été menées pour les caractériser physiquement et chimiquement (El Mufleh et al 2014 pour les expériences françaises). Cependant peu de données existent sur leur traitabilité / recyclabilité et sur les façons optimales de les gérer. Certains traitements physiques et biologiques ont été testés pour abattre leur charge polluante avant réutilisation (Petavy, 2007) mais ce domaine mériterait d'être exploré plus précisément car il constitue une vraie préoccupation pour les collectivités.

Le recours à des ouvrages centralisés extensifs de filtration (filtres plantés) commence également à se développer en France pour le traitement des eaux pluviales. Les retours d'expérience sur leur efficacité pour ces eaux pluviales strictes restent limités, en particulier pour les micropolluants organiques (Molle et al, 2013 et projet Adepte en cours).

Pour les ouvrages d’infiltration centralisés des études permettent aujourd’hui d’être optimiste sur le rôle du sol pour le piégeage des principaux polluants véhiculés par les eaux pluviales (e.g. métaux lourds, hydrocarbures) présents sous forme plutôt particulaire. Ces polluants ne migrent pas de manière détectable dans les eaux souterraines dès lors que la conductivité hydraulique et l’épaisseur de zone non saturée sont adaptées (Gautier, 1998 ; Datry, 2003 ; Foulquier, 2009). Ils s’accumulent dans les premiers centimètres du sol (Dechesne, 2002 ; Le Coustumer, 2008 ; Larmet, 2007). Se posent cependant la question des polluants présents sous forme dissoute comme les pesticides par exemple qui sont détectés en aval de systèmes d’infiltration centralisés (Marmonier et al, 2013). Des essais très encourageants sont en cours d’étude pour le développement de bio-indicateurs (organismes sentinelles et biofilms indicateurs) permettant de détecter des dysfonctionnements de bassins d’infiltration (Marmonier et al, 2013).

Les ouvrages de gestion à la source contribuent par différentes voies à la maîtrise des flux polluants (Bressy 2010). En limitant les transferts dans des réseaux d'assainissement, on s’affranchit des contaminations croisées dues aux connexions entre des réseaux séparatifs souvent imparfaits. D’autre part, la réduction du flux de polluants est favorisée par le fait que les effets de lessivage et d'entraînement des particules sont plus faibles sur les surfaces amont (débit plus faible), par la réduction des volumes de ruissellement pouvant être engendrée et par des processus propices au piégeage des

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polluants particulaires comme certains métaux et hydrocarbures (stockage, ralentissement et filtration) ou dissous (adsorption sur les sols et substrats).

La gestion à la source permet par ailleurs une gestion différenciée des ruissellements en fonction de leur potentiel de contamination (AESN, 2013). Pour les ruissellements présentant des concentrations en polluants modérées (toitures, espaces piétons, voirie à faible circulation), un abattement des volumes de ruissellement dans des ouvrages perméables et végétalisés peut permettre une maîtrise suffisante des flux polluants. En effet, cette réduction des flux d'eau ruisselés s’accompagne d'une diminution des flux de polluants associés. Dans le cas des surfaces à fort potentiel polluant (surfaces métalliques, voirie à forte circulation, parking à forte sollicitation) la mise en œuvre de solutions permettant une filtration et une adsorption des polluants sur un substrat naturel ou artificiel doit être envisagée pour se prémunir d’éventuels transferts vers les eaux souterraines. Il peut s’agir d’ouvrages relativement rustiques s’appuyant sur les services écosystémiques des sols vivants. Une offre croissante de dispositifs préfabriqués de décantation / filtration / adsorption destinés au traitement décentralisé des eaux de ruissellement se développe par ailleurs. Les retours d’expérience sur l’efficacité et la durabilité de ces ouvrages restent à ce jour insuffisants.

Les polluants persistants restent présents, soit dans les matériaux poreux favorisant l'infiltration, soit dans les sédiments décantés pour les ouvrages de rétention. La question de la gestion de ces sols / sédiments sur le long terme reste également posée même si l’accumulation est bien moins rapide que dans le cas des systèmes centralisés. Pour les polluants organiques, la rétention en surface ou dans le sol des ouvrages de gestion peut permettre des processus de dégradation biotiques ou abiotiques (Leroy et al, 2015). Il est à noter que les eaux de ruissellement amont sont caractérisées par une granulométrie plus fine. Elles sont donc moins décantables, et par une importance de la pollution véhiculée sous forme dissoute, ce qui est moins favorable à la performance d'abattement par décantation et nécessite le recours à des processus de filtration et d’adsorption (en favorisant l’écoulement au travers d’une couche de substrat ou de sol d’épaisseur suffisante).

Que ce soit pour les ouvrages centralisés ou décentralisés, la végétation est aujourd’hui très présente dans les systèmes. Elle est globalement favorable quand les espèces sont bien choisies pour contribuer à la tranquillisation des flux d’eau et donc favoriser décantation et les processus d’adsorption. Cependant la plante elle-même n’est pas très efficace pour extraire la pollution. Ainsi la part extraite par les racines ou les parties aériennes ne représente-elle que quelques pourcents des masses piégées selon Saulais (2011) pour ce qui concerne les métaux lourds. La phytoextraction est donc quasi inexistante, en revanche les micro-organismes présents dans la rhizosphère permettent des processus de stabilisation et/ou de dégradation.

Jusqu'à présent la performance environnementale des ouvrages de gestion a surtout été évaluée sous l'angle de la réduction des flux d'eau et de polluants rejoignant le milieu aquatique superficiel via les eaux pluviales. Une évaluation complète de l'efficacité environnementale nécessite de prendre en compte l'ensemble des flux rejoignant l'environnement, ce qui peut être complexe dans des systèmes pour lesquels plusieurs compartiments physiques sont concernés, comme évoqué plus haut (évaporation / air – infiltration / sub-surface & sous-sol & nappe – rejet / milieux récepteurs de surface rivières-lacs) :

- flux infiltré vers le sol et le sous sol pendant les périodes pluvieuses

- flux liés aux sous-produits issus du traitement (boues, sédiments, eaux de lavage, végétaux...)

- mais aussi flux induits par la construction du dispositif, sa maintenance et sa fin de vie.

Une analyse globale de cycle de vie serait nécessaire pour permettre une évaluation fiable des différents systèmes de gestion envisageables.

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Besoin de connaissances et besoins opérationnels La performance environnementale de ces dispositifs reste insuffisamment documentée

aujourd'hui, en particulier pour les ouvrages de gestion à la source. Evaluer cette performance, dans le cadre « intégré » décrit plus haut, nécessite de mettre en place là encore des campagnes d'observation associant un suivi fin des processus physico-chimiques à l'échelle événementielle (in situ ou en conditions contrôlées sur pilote) et un suivi de chroniques longues permettant de vérifier la pérennité de l'abattement de la pollution vis à vis de l'évolution de l'ouvrage. Cette observation doit s'appuyer sur la mise en œuvre de moyens expérimentaux classiques (mesure d'échantillons d'eau et de sols par prélèvements ponctuels, par temps sec et par temps de pluie), et par des moyens nouveaux à développer, comme la mise en place d'accumulateurs passifs, bioindicateurs ou biocapteurs, tests écotoxicologiques qui permettront de mieux suivre, à la fois dans l'eau mais aussi dans les massifs filtrants, la qualité du milieu considéré. La compréhension de la capacité de ces dispositifs à retenir ou filtrer la pollution passe par une meilleure représentation des systèmes qui les composent, par une meilleure compréhension des processus physiques chimiques et biologiques en jeu et par une modélisation adaptée. En particulier, les processus de transferts des polluants dans les sols urbains doivent être modélisés afin d'étudier le rôle des écoulements préférentiels et le risque de transfert rapide de polluants dans les ouvrages d'infiltration, ainsi que les processus de rétention et de dégradation de certains micropolluants organiques. Une attention particulière doit également être portée aux liens entre les conditions hydrodynamiques dans le massif filtrant et leur fonction épuratoire.

Enfin, les dispositifs basés sur un stockage de l'eau pluviale (bassins de rétention, cuves de récupération/réutilisation des eaux pluviales) peuvent favoriser un développement de micro organismes pathogènes (Sebastian et al, 2014 ; Nguyen Deroche et al, 2013). Le risque sanitaire potentiel devrait être mieux évalué notamment si les systèmes sont couplés à de la réutilisation des eaux ou ouverts au public.

Les ouvrages de gestion à la source doivent être adaptés à la nature des eaux de ruissellement à traiter, or celle-ci est fortement variable en fonction de la surface d’apport. Le besoin d’une grille d’analyse simple et faisant référence pour classer le potentiel polluant des surfaces d’apport et orienter les aménageurs vers les solutions de gestion appropriées se fait sentir.

Des documents d’orientations récents (DRIEE, 2012 ; AESN, 2013) soulignent la nécessité d’abattre le volume de ruissellement des pluies courantes par infiltration partielle et évapotranspiration. Cependant, aucun outil n’est actuellement proposé pour permettre à l’aménageur de quantifier cet objectif en termes de volume d’interception et d’évaluer l’efficacité de cette approche en termes d’abattement des flux polluants (Cf. Limitation des flux d’eau). Des travaux de recherche sont ont cours (thèse J. Sage) mais demandent à être déclinés sous forme d’outil opérationnel. Si quelques modèles intégrant la qualité existent à l’étranger, leur utilisation n’est, là encore, pas entrée dans la pratique à ce jour en France.

Parmi les questions qui restent en suspens figure le sujet de la maintenance des systèmes par un entretien adapté et régulier. Cette maintenance est essentielle pour assurer la fonction de dépollution de façon pérenne. Le problème d’extraction des sédiments pour les systèmes de rétention, ou du renouvellement des matériaux filtrants pour les systèmes d'infiltration et les dispositifs industrialisés de filtration/adsorption pour lesquels les filières de traitement et de valorisation des déchets sont peu satisfaisantes reste entier.

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Autres fonctions des dispositifs de gestion des eaux pluviales. Ces dispositifs assurent en général d'autres fonctions que la fonction de rétention ou

d'infiltration des eaux pluviales. Par leur conception, ils ont en général une fonction paysagère, ou fonction d'espace public, qui leur confère des impacts bénéfiques sur d'autres points de vue, comme sur le plan de la biodiversité, de l’îlot de chaleur urbain, ou du cadre de vie (cf. Figure 14).

Figure 14 : Des ouvrages pluri-fonctionnels

La pluri-fonctionnalité de ces ouvrages est visible en particulier sur les bassins de rétention à sec souvent insérés dans des parcs publics ou des espaces sportifs, mais aussi sur les trames vertes et bleues qui sont présentes dans les outils de planification urbaine, ou encore plus localement sur les noues végétalisées (Azzout et al, 1992). Cette pluri-fonctionnalité permet d'optimiser les espaces et les usages, dans un milieu urbain ou la contrainte foncière est importante et de garantir leur maintenance. Elle présente l'intérêt de mieux connecter les riverains à la question de la gestion de l'eau pluviale : le citoyen constitue alors un « opérateur d'alerte » direct en cas de dysfonctionnement (présence d'eau, odeurs…).

Les techniques de gestion à la source vertes (ouvrages perméables et végétalisés) ou bleues (bassins en eau) peuvent contribuer à limiter l’îlot de chaleur urbain, car elles permettent un stockage de l'eau dans les couches superficielles (e.g. toitures végétalisées, noues, jardins de pluie, parkings perméables) et son évaporation ou évapotranspiration ultérieure. Augmenter ce flux d'évapotranspiration permet de modifier le bilan hydrique et le bilan d'énergie local, et d'augmenter le flux de chaleur latente au détriment du flux de chaleur sensible. Cela peut avoir un effet sur la température de l'air lors de périodes chaudes. L'efficacité de ces dispositifs a été étudiée dans des projets de recherche récents (ANR VEGDUD, ANR VURCA) mais reste à confirmer, en particulier aux différentes échelles d'intérêt (locale pour le citoyen, globale pour l'urbaniste). Par ailleurs, l'impact bénéfique de la végétation nécessite un maintien des conditions hydriques favorables au développement de la plante, ce qui peut nécessiter de mettre en place une irrigation, si possible en stockant de l'eau ruisselée (Norton et al, 2015).

Enfin, la diffusion des zones végétalisées associées à ces dispositifs, au sein de la ville, favorise a priori un retour de la biodiversité en ville, mais la présence de zones humides peut également générer des nuisances liées à la présence de moustiques non désirés, voire de crapauds trop bruyants…

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Besoin de connaissances et besoins opérationnels Ce volet montre que la compréhension, la représentation et la perception de ces

nouveaux espaces urbains passe par une prise en compte plus globale de ces dispositifs dans les recherches futures, associant les processus physiques liés à l'hydrologie, la thermique, la climatologie, la biodiversité et mais aussi les sciences sociales (sociologie humaine et sociologie des organisations, sciences politiques, économie) de manière à étudier les conditions selon lesquelles ces dispositifs peuvent se développer et assurer le rôle qu’on cherche à leur faire jouer. Des études ont été menées mais restent partielles, datées ou très locales (e.g. Meuret et al 1995 ; Berdier et Toussaint 2007 ; Chauveau et Monier 2013 ; Sibeud et Mazereel 2007).

En effet, si cette plurifonctionnalité présente de nombreux avantages, elle peut constituer un frein au développement de l’approche. Parmi les freins les plus souvent évoqués on compte : la peur de mauvaise appropriation par les usagers ou des dévoiements d’usages, un sur-investissement technique pour des dispositifs rustiques (qui les rendent chers ou compliqués à gérer) la plupart du temps lié à la méconnaissance du fonctionnement des systèmes, une gestion complexe car en inadéquation avec la répartition des tâches des services, les freins habituels à l’innovation de la part des techniciens ou des décideurs. Il est nécessaire de développer une recherche permettant de faire la part entre les effets ressentis et ceux qui sont avérés.

Il parait enfin nécessaire aujourd'hui de disposer d'outils de gestion patrimoniale des systèmes décentralisés qui permettraient également à une échelle plus large de suivre les fonctionnements, les biais d’utilisation, de gestion et de coûts qui viendraient compléter les observations scientifiques. Cependant comme pour les réseaux de conduites, des méthodologies sont à développer et doivent faire l’objet de recherche.

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Acteurs, territoires, gouvernance et gestion

José-Frédéric Deroubaix1, Nathalie Le Nouveau2, Caty Werey3

1 - Leesu / Ecole des Ponts ParisTech 2 - Cerema – Direction territoriale Territoires et ville

3 - Irstea – ENGEES UMR GESTE.

Une politique de gestion des eaux pluviales, pour quels enjeux, avec quel service public et quelle compétence ?

Politiques publiques : une affirmation partielle de différents enjeux Plusieurs travaux récents de R&D ont souligné que les eaux pluviales ont obtenu une

reconnaissance comme objet de politique publique à part entière, en réponse à l'évolution et à la diversification des enjeux d'ordres environnementaux, sociaux et économiques. Au niveau national, le lancement par le MEDDE d’une mission d’expertise de la politique de la gestion des eaux pluviales le confirme. Néanmoins les problèmes saisis et leur trajectoire varient selon les niveaux de gouvernement, du niveau européen au niveau local. Quelques points saillants peuvent être soulignés.

En France, à l'échelle de la législation sur l'eau (première loi de 1898), cette reconnaissance est très récente. Elle est sans doute liée à plusieurs facteurs tels que la forte progression des problématiques urbaines, le développement des connaissances en hydrologie urbaine et une certaine autonomisation des réponses avec la généralisation du « contrôle à la source », même si la dépendance au sentier technologique du « tout réseau » se fait encore sentir. On peut considérer que cette reconnaissance a été véritablement amorcée en 1992 par le législateur : il décide alors de réguler les "eaux pluviales et de ruissellement", tant sur les questions de quantité que de qualité et tant des systèmes unitaires que des systèmes séparatifs. Et il pose le principe d'un partage des responsabilités : aux communes et leur regroupement celles d’identifier et spatialiser les problématiques et les mesures à prendre pour y remédier, y compris d’urbanisme, et aux services déconcentrés de l'Etat les missions de police de l’eau pour les rejets au milieu naturel. Avec l’arrêté du 21 juillet 2015 et sa note d’accompagnement, le pouvoir réglementaire a confirmé l’objectif de réduction des déversements non traités par temps de pluie et la préférence pour la gestion à la source, désormais bien documentée.

A la même période, avec la directive Eaux résiduaires urbaines de mai 1991, le Conseil Européen se limite aux problèmes de déversements de pollution de temps de pluie, des seuls systèmes unitaires. Il a laissé aux Etats membres ce qui a pu être considéré comme une nécessaire marge d’appréciation au vu de la variété des contextes, en particulier climatiques. La condamnation du Royaume- Uni en 2012 par la Cour de Justice Européenne est venue poser des limites à des déversements considérés comme excessifs de temps de pluie, tandis que la Directive cadre sur l’eau de 2000 avait déjà marqué une transition d’une logique de normes d’émission basée sur les « best available technologies », qui reste donc d’actualité, à une logique de norme d’immission basée sur une concentration « souhaitable » (d’un spectre bien plus large de) polluants dans un milieu (Barraqué, 2001). Quant aux problématiques d’inondations pluviales, phénomènes complexes, leur appréhension semble plus floue. La directive inondation donne la possibilité d’ « exclure les inondations dues aux réseaux d’égouts », et l’Etat français a ainsi exclu lors de sa transposition les « inondations dues aux réseaux de collecte des eaux usées, y compris les réseaux unitaires », restant silencieux sur d’autres types de réseaux et systèmes d’écoulement (et il a exclu la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement de la compétence GEMAPI). On peut constater néanmoins que plusieurs territoires à risque d’inondation (TRI) ruissellement ont été définis, que ce type

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d’inondations est mentionné dans la SNGRI et qu’une promotion de la prise en compte de ce type d’inondation est effectuée au travers de référentiels portés par le ministère de l’écologie7. Enfin, c’est l’enjeu de protection des sols qui a suscité la publication récente de lignes directrices pour limiter contre l’imperméabilisation par la commission européenne, à défaut de directive.

Dans le cadre du projet européen Daywater, une analyse des politiques de gestion des eaux pluviales conduites dans plusieurs Etats-membres avait été conduite (Chouli E., 2006). Elle a mis en évidence une diversité des formes de décentralisation des compétences assainissement et gestion des eaux pluviales ainsi qu’une diversité de combinaison d’instruments pour la mise en œuvre des politiques de gestion des eaux pluviales8. Sans que l’on puisse dire alors qu’une combinaison de formes institutionnelles ou organisationnelles soit supérieure à une autre pour une plus importante et plus innovante gestion des ruissellements urbains et des impacts de ces ruissellements sur les milieux récepteurs. Les travaux engagés en 2015 par la Commission Européenne pour dresser un état des lieux de la prise en compte par les Etats-membres des enjeux environnementaux associés aux eaux pluviales pourraient apporter un nouvel éclairage.

Au niveau local en France, on a pu reconstituer la trajectoire de la construction, dans le temps long, des politiques territoriales de gestion des eaux pluviales d’une vingtaine de collectivités9. Concernant l’inscription des eaux pluviales sur les agendas politiques, les deux grands types de faits – déclencheurs, des inondations et des dysfonctionnements de systèmes d’assainissement, masquent une grande variété de spécificités territoriales dans la perception de l’acuité du problème pluvial, qui conduit alors à la formalisation d’un engagement politique (Le Nouveau, Deroubaix et al., 2013a). Des profils de politiques ont également été dégagées selon les composantes les plus mobilisées : hydraulique, environnementale, d’aménagement (Soyer, 2014). Elles ont vocation à s’inscrire dans un nouveau cadre administratif…

Un service public de gestion des eaux pluviales, à l’état embryonnaire C'est l'explicitation nouvelle à partir de 2006 d'un service public de gestion des eaux

pluviales qui a consacré véritablement la reconnaissance du besoin de structurer les réponses apportées, en donnant un cadre. Cependant après dix années de parcours législatif et réglementaire, ce service reste à l’état embryonnaire. D’abord les conditions de sa « sauvegarde » par le MEDDE dans le cadre de la loi de finances 2015 n’ont pu conduire qu’à des missions minimales, désormais définies par l’art. R. 2226-1 du code général des collectivités territoriales10. Ses finalités, en particulier environnementales, ne sont pas véritablement et spécifiquement explicitées, ses usagers non identifiés comme le caractère administratif du service a été conservé. Pour l’instant, on ne peut qu’aller chercher une partie des finalités, et une définition des eaux pluviales, dans la description des performances du système de collecte et de traitement des eaux usées, par temps de pluie11. Mais elles sont alors limitées aux réseaux unitaires. Et enfin, alors même que le

7 Certu, MEDDE (2003). La Ville et son assainissement ; DPPR (2004). PPR Inondation – note Ruissellement péri-

urbain ; DPPR (2006). Les collectivités locales et le ruissellement, etc. 8 Outils réglementaires, outils d’incitation fiscale, outils d’information et de participation. 9 Opération de R&D du RST « Gérer durablement les eaux pluviales en zones urbaines » (2010-2014). 10 « Art. R. 2226-1. - La commune ou l'établissement public compétent chargé du service public de gestion des eaux

pluviales urbaines, mentionné à l'article L. 2226-1 : 1° Définit les éléments constitutifs du système de gestion des eaux pluviales urbaines en distinguant les parties

formant un réseau unitaire avec le système de collecte des eaux usées et les parties constituées en réseau séparatif. Ces éléments comprennent les installations et ouvrages, y compris les espaces de rétention des eaux, destinés à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales ;

2° Assure la création, l'exploitation, l'entretien, le renouvellement et l'extension de ces installations et ouvrages ainsi que le contrôle des dispositifs évitant ou limitant le déversement des eaux pluviales dans ces ouvrages publics.

Lorsqu'un élément du système est également affecté à un autre usage, le gestionnaire du service public de gestion des eaux pluviales urbaines recueille l'accord du propriétaire de cet ouvrage avant toute intervention ».

11 Arrêté du 21 juillet 2015 relatif aux systèmes d’assainissement collectif et aux installations d’assainissement non collectif, à l’exception des installations d’assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg / jour de DBO5.

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service avait été initialement introduit en 2006 pour résoudre les problèmes de financement des eaux pluviales (Le Nouveau, Deroubaix et al., 2013b), il est aujourd’hui privé de ressources financières spécifiques.

Dans ces conditions, ce service parait donc inabouti et faiblement injonctif, d’autant plus si on le compare aux trois autres services publics du petit cycle de l'eau, au caractère industriel et commercial : assainissement collectif, assainissement non collectif et eau potable. Cette première comparaison, étayé de retours d’expérience de collectivités, souligne qu’il serait déjà nécessaire a minima de fixer une échéance pour établir le descriptif patrimonial12, de permettre voire imposer la consultation du service lors d’une demande de permis de construire sur la base d’une étude préalable, de donner le droit d’accès aux propriétés privées pour contrôler l’imperméabilisation et les dispositifs, etc. Par ailleurs, la mesure prise des problématiques de temps de pluie en système unitaire, exprimée par le nouvel arrêté du 21 juillet 2015, va inviter à une plus forte coopération des services assainissement collectif et gestion des eaux pluviales urbaines (et probablement d’autres services encore comme les voiries, etc.). On ne peut qu’en proposer une première lecture au lendemain de la publication des textes :

- partage de l’inventaire patrimonial des composantes unitaires, - diagnostic du système d’assainissement de temps de pluie quantifiant « la

fréquence, la durée annuelle des déversements et les flux polluants déversés au milieu naturel »,

- partage du recensement des « ouvrages de gestion des eaux pluviales permettant de limiter les volumes d’eaux pluviales dans le système de collecte »,

- le cas échéant, élaboration conjointe et évaluation d’un « (…) programme de gestion des eaux pluviales le plus en amont possible, en vue de limiter leur introduction dans le réseau de collecte »13…

Mais pour l’instant, faute d’une maturité du service public de gestion des eaux pluviales urbaines, on risque de continuer à observer encore un temps l’innovation dans les politiques et dispositifs locaux, comme le font déjà un certain nombre d’acteurs comme le GRAIE14, l’agence de l’eau Loire-Bretagne15, le Cerema et le Leesu. C’est pourquoi il parait nécessaire de questionner et créer les conditions de véritables services publics de gestion des eaux pluviales urbaines et d’accompagner leur structuration et développement. La place des eaux de ruissellement, intégrée initialement par le projet de loi sur l’eau adopté en 2006, reste posée, de même que la place des zones non urbaines16. Si ce service est confié aux communes et à leur groupement, son avenir dans la réforme territoriale mérite d’être discutée.

Quelle place pour les eaux pluviales dans les évolutions de l’organisation territoriale ? Jusqu’à ce jour, la question des eaux pluviales dans l’organisation territoriale semble

avoir fait l’objet de peu de recherches dédiées. Les responsabilités des acteurs sont généralement analysées par les travaux sur l’assainissement pluvial, relevant des sciences et techniques de l’environnement (par exemple, Chamoux, 2003 ; Granger, 2009). Dans le cadre de l’ANR INOGEV, des travaux en sociologie ont souligné le rôle des collaborations entre collectivités et chercheurs, au sein des observatoires de terrain en hydrologie urbaine (Soyer, 2014). L’observation de 20 collectivités par le RST a permis de reconstituer les

12 Une telle échéance a été fixée pour le service eau potable, potentiellement pénalisée s’il le la respecte pas. Ainsi l’instruction du 16

juin 2015 précise les modalités de l’application du doublement de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau pour l’usage « alimentation en eau potable », en l’absence d’établissement du descriptif détaillé du réseau de distribution ou en situation de rendement insuffisant des réseaux. Ce doublement a été introduit par le décret du 27 janvier 2012 qui demande la réalisation d’un descriptif détaillé et d’un plan d’action pour la réduction des pertes en eau en cas de rendement inférieur à la valeur prescrite (85% ou valeur fonction des m3 prélevés en ZRE (Zone de répartition des eaux) : « Le doublement du taux est applicable dès l’année de facturation 2017 au titre de l’année 2016 pour des rendements calculés sur l’année 2014 ».

13 Article 12 de l’arrêté du 21 juillet 2015, op. cit. 14 http://www.graie.org/graie/BaseDonneesTA/BaseDonneeTA.html 15 http://www.eau-loire-bretagne.fr/collectivites/guides_et_etudes/eaux_pluviales 16 En cohérence avec les termes de la loi sur l’eau de 1992, la dénomination initiale du service intégrait « les eaux

pluviales et de ruissellement ».

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étapes et spécificités de la construction de leur politique territoriale de gestion des eaux pluviales, et les coopérations développées (Le Nouveau, Deroubaix et al., 2014a et 2014b). Le Graie et le Certu ont conduit en Rhône-Alpes plus spécifiquement des réflexions pour répondre aux besoins exprimés de clarification de la « compétence eaux pluviales », face au partage des responsabilités (Graie, Certu, 2013). Dans ce cadre, l’analyse de l’expérience de la communauté de communes du Pays de Gex a mis plus particulièrement en évidence le besoin et les capacités à structurer une gouvernance adaptée lorsque les compétences eaux usées et eaux pluviales sont aux mains de différents structures (communauté de communes et communes). S'il y a encore peu de temps, dans certains territoires, personne ne s'occupait des eaux pluviales comme le constatait un chargé de mission de SAGE, aujourd'hui au contraire, on pourrait parfois faire le constat inverse, celui d'un foisonnement des acteurs s’en emparant, relevant des territoires de projet et des territoires de l’eau : communes, EPCI, syndicats, CLE, district hydrographique, syndicat de SCOT. Le juriste P. Billet invitait récemment à inventer les territoires du ruissellement, aux côtés des agglomérations d’assainissement (Billet, 2013)...

La réforme de l’organisation territoriale, initiée en 2014 avec la loi MAPTAM du 27 janvier 2014, va modifier en profondeur dans les prochaines années la gouvernance de l'eau dans un mouvement de rationalisation. Le service public de gestion des eaux pluviales a été explicité et relève des communes (art. L. 2226-1 du CGCT). Cependant, seules les communautés d'agglomération avaient vu, de manière éphémère, les eaux pluviales explicitées aux côtés des eaux usées dans leurs compétences facultatives par le CGCT dans le cadre de la loi Grenelle 2. Une telle explicitation était apparue cohérente, d'une certaine manière, avec celle du service public dédié. La loi NOTRE du 7 août 2015 introduit deux évolutions : i) elle revient à un seul terme générique, "assainissement" (la question des eaux pluviales, débattue lors de la loi de finances, a été ici absente des débats parlementaires), ii) elle rend cette compétence obligatoire à l'horizon 2020 pour les communautés d'agglomération et de communes (déjà obligatoire pour les CU et les métropoles). Selon des représentants du ministère en charge de l’écologie, en matière de compétence, l'assainissement du CGCT emporte aussi la gestion des eaux pluviales urbaines, sur la base de jurisprudences du Conseil d'Etat visant les communautés urbaines (CE, 4 décembre 2013, n°349614). Cependant, les conditions varient : contrairement aux communautés urbaines, les communautés d'agglomération et de communes ne bénéficient pas d'un transfert obligatoire de la compétence voiries qui représentent une part notable des surfaces imperméabilisées, les responsabilités reconnues par le conseil d'Etat étaient aussi liées à certaines circonstances (réseaux existants, etc.). D'où probablement des besoins de clarification des conditions d'exercice et de transfert de compétences et pourquoi pas d'explicitation d’une compétence gestion des eaux pluviales pour mieux l'affirmer. Une relecture des jurisprudences intervenues en matière d'eaux pluviales pourrait également mieux éclairer et circonstancier les partages des responsabilités et leurs fondements. Enfin, on voit déjà des collectivités structurer des services ou directions du cycle de l'eau, au sein desquels la GEMAPI a parfois déjà trouvé une place. Cela augure des synergies possibles, souhaitables, nécessaires entre les différentes compétences du cycle de l’eau, et de besoins de compréhension des processus à l’œuvre, d’accompagnement et d’évaluation.

Quels instruments de politique de maîtrise des eaux pluviales ?

Une préférence d’abord marquée pour l’instrument réglementaire Pour des politiques territoriales de gestion des eaux pluviales, parmi les différents

instruments mobilisables, la préférence semble nettement aller à l’instrument réglementaire pour intégrer le plus en amont possible les eaux pluviales dans l’aménagement. C’est ce qu’ont montré différentes observations en France (SOeS, 2008 ; Guillon, Lovera et al. 2008 ; Petrucci, Rioust et al. 2013 ; Le Nouveau, Deroubaix et al., 2014a, 2014b), à l’instar par exemple des Etats-Unis (US EPA, 2010). Les outils réglementaires sont mobilisés pour

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imposer une gestion à la source des eaux pluviales17 lors de nouvelles constructions. On peut citer : le règlement du service public d’assainissement (des eaux usées) qui permet de prescrire les conditions de raccordement au(x) réseau(x) généralement pour les parcelles privées (cas le plus fréquent), le règlement d’urbanisme qui permet de prescrire les conditions de desserte par les réseaux pour les autorisations de construire, et le zonage pluvial intégré ou non dans le document d’urbanisme. La règle elle-même revêt différentes formes : débit limite de rejet, zéro rejet dans le réseau, infiltration et plus récemment abattement d’une lame d’eau ou d’un volume. La justification hydrologique des limitations uniformes de débits a été questionnée par les scientifiques au regard du fonctionnement des bassins versants (Ferguson, 1995 ; Petrucci, 2012 ; Chocat, 2013).

L’Etat se saisit également de différents instruments de planification, plus ou moins souples, pour soutenir ce mouvement de diffusion de la maîtrise à la source, à différentes échelles territoriales. Au niveau des districts hydrographiques, l’incitation par des SDAGE à privilégier l’infiltration comme en Suisse18 est peu discutée. En revanche, la mention de valeurs limites de débit de rejets d’eaux pluviales à partir de 2009 a été plus questionnée, avec un risque de « dispense » des acteurs de réflexion sur les enjeux locaux. Au niveau des départements, outre les missions de police de l’eau, quelques DDT mobilisent également les PPR pour accompagner la maîtrise du ruissellement à l’échelle de bassin versant (exemple du département du Rhône depuis les années 1990).

La saisie d’instruments réglementaires par les collectivités et l’Etat conduit à un foisonnement des injonctions à la gestion à la source, comme l’illustre la région Ile-de-France (cf. Figure 15).

Figure 15 : Exemple de réglementations de rejet en région parisienne, dans le cadre d’une gouvernance

multi-niveaux (Petrucci G., 2012, p. 26).

L’analyse plus fine des processus décisionnels en jeu a permis de comprendre les motivations des différents acteurs impliqués, progressivement élargis. Elle a aussi mis en évidence l’hybridation progressive des rationalités dans la construction de ces règles : prévention des inondations, protection des milieux naturels, solidarité amont aval, équité territoriale, etc. Si cette hybridation traduit la prise en compte de plusieurs politiques, il s’agit bien souvent plus d’une juxtaposition, incrémentale, de ces rationalités que d’une véritable intégration. Il peut en résulter, dans certaines configurations, une sévérisation des normes de maîtrise des eaux pluviales susceptible de grever alors le droit de propriété bien au-delà de la servitude d’écoulement naturel, sans évaluation technico-économique (Le Nouveau, Deroubaix et al., 2014a).

17 Notion récemment consacrée l’arrêté du 21 juillet 2015 relatif aux systèmes d'assainissement collectif et aux

installations d'assainissement non collectif, à l'exception des installations d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5, sans néanmoins avoir été définie.

18 ou de l’ANC en France, où l’épandage souterrain est d’abord privilégié.

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Les résultats de recherches sur les réglementations locales, leurs conditions d’élaboration et leurs implications potentielles mériteraient une plus large diffusion. Des méthodes et des outils sont nécessaires pour promouvoir l’évaluation environnementale et économique de différents scenarios (décentralisé / semi-décentralisé…). Des acteurs ont déjà été conduits à faire évoluer leur règle renonçant à l’imposition systématique d’une gestion à la parcelle pour privilégier le projet urbain dans un contexte de densification, ou à les adapter aux projets de rénovation (abattement au moins des faibles pluies par exemple). Pour promouvoir également l’amélioration de l’existant, l’innovation apportée par le projet de SDAGE Rhône-Méditerranée, incitant à un déraccordement voire une désimperméabilisation à l’échelle des projets de territoires (SCOT, PLU), initialement portée par le plan de bassin d’adaptation au changement climatique, sera intéressante à observer. Des travaux, encore peu nombreux sur l’apport des SAGE à la gestion territoriale des eaux pluviales pourraient également être consolidés.

Des acteurs de l’aménagement accompagnés par les collectivités et les services de l’Etat

Les prescriptions établies localement par les collectivités entrainent un nécessaire changement dans la fabrique urbaine, ceci pour tout ou partie des aménageurs. Elles sont conduites à adapter leur organisation pour s’assurer du respect de leurs prescriptions. Dans ce sens, certaines d’entre elles développent un accompagnement des pétitionnaires et plus largement des différents acteurs de l’acte de construire, dans un apprentissage collectif. Ce « service rendu » semble passer par la production de guides, plus ou moins territorialisés et aux multiples dénominations du guide de bonnes pratiques au règlement pluvial (cf. Figure 16). Ils constituent des supports d’intégration de l’eau dans l’aménagement, aux côtés de l’exemplarité donnée.

Figure 16 : Une diversité d’outils d’accompagnement des politiques de gestion des eaux pluviales

Une première série de fonctions territoriales remplies par ces référentiels a été mise en évidence dans le cadre des travaux d’observation des politiques de gestion des eaux pluviales de 20 collectivités conduits par le Cerema et le Leesu (cf. Figure 17) : accompagnement du changement culturel, représentation politique, porter à connaissance réglementaire, assistance-conseil, capitalisation et management des connaissances, appui à la structuration de la gouvernance et enfin rationalisation des couts de transaction (Le Nouveau, Deroubaix et al., 2014b) .

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Figure 17 : Fonctions territoriales conférées aux référentiels locaux de gestion des eaux pluviales

Depuis le début des années 2000, ce phénomène de développement des doctrines marque également l’action des services de police de l’eau, en charge de l’instruction des demandes de rejets d’eaux pluviales au milieu naturel (à partir de 1 ha), de leur régularisation et de leur contrôle (cf. Figure 18). La rubrique 2150 de la nomenclature eau représente à l’échelle nationale le nombre le plus important de dossiers instruits, avec 2 700 en 2010, 4 000 en 2013. Mais ce rôle de régulation des services déconcentrés de l’Etat est encore étudié spécifiquement. Un travail de caractérisation du développement des doctrines des services de l’Etat et de leurs pratiques est actuellement conduit par le Cerema (Le Nouveau, Queune et al., 2016).

Figure 18 : Exemples de doctrines émanant des services territoriaux de l’Etat

Ce phénomène de développement des doctrines et guides locaux pourrait donner lieu à une analyse sous l’angle de la théorie du droit souple (Conseil d’Etat, 2013). Elle aiderait à mieux l’appréhender, en cerner les intérêts et limites, notamment en matière de légitimité et de sécurité juridique. Elle étayerait également des propositions pour, d’une part

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conforter le service public de gestion des eaux pluviales et préciser son articulation avec les missions de l’Etat19 et d’autre part proposer des éléments de doctrines pour recourir à ce type de référentiel, tant par l’Etat que par les collectivités. Enfin, des recherches pourraient être également approfondies pour mieux comprendre et accompagner la traduction des règles en pratiques d’aménagement, de construction et d’ingénierie, ainsi que l’influence de la forme des règles sur les décisions et les dispositifs techniques résultants (Berdier, Toussaint, 2007 ; Patouillard, 2014). Un débit limite de rejet inciterait à un bassin technique de rétention, un zéro rejet à un aménagement valorisant l’eau pluviale…20

Des recherches sur la place du citoyen dans les politiques de gestion eaux pluviales, à développer

Alors qu’ils sont de plus en plus responsabilisés, les citadins semblent pour l’instant peu voire pas investigués en France, en comparaison de l’intérêt que leur portent certaines équipes de recherche à l’étranger. Il faut plutôt consulter des travaux sur la vulnérabilité aux inondations et la résilience territoriale. Des premiers travaux en sociologie ont observé l’appropriation des aménagements par les usagers des espaces publics et des dispositifs techniques de gestion des eaux pluviales dans le cadre de l’ANR OMEGA (Baati, Vareilles et al., 2014). D’autres s’intéressent aux incitations financières à l’utilisation des eaux de pluie, aux succès variés (Deroubaix, de Gouvello et al., 2015). On peut mentionner le projet Lumieau qui questionnera la représentation du « tout à l’égout » par les habitants et artisans strasbourgeois21. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette situation : des actions publiques à destination des particuliers limitées à l’information et aux participations procédurales (enquête publique…), le caractère diffus et peu organisé des citadins qui rend difficile et coûteux leur accès ou encore l’implication assez récente de sociologues dans les recherches en hydrologie urbaine. Les responsabilités des propriétaires, leurs expositions aux inondations pluviales, les financements publics engagés ou requis, la place donnée aux citoyens localement et dans la transition écologique, l’importance des changements de comportements… tout cela milite pour une plus grande attention à l’accompagnement d’une gestion « citoyenne » des eaux pluviales. Ces observations sur les citoyens pourraient probablement être étendues à certains acteurs économiques. La gestion des eaux pluviales par les ICPE par exemple, qui disposent d’une réglementation eau « intégrée », mériterait ainsi d’être analysée.

Les usagers ont cependant été pris en compte dans les approches liées soit à la gestion intégrée (SGEU – système de gestion des eaux urbaines) soit à la gestion patrimoniale des réseaux d’assainissement, au travers de la prise en compte des couts sociaux, traduisant les externalités négatives essentiellement et faisant le lien avec la vulnérabilité du milieu naturel (Werey et al. 2015 - projet INDIGAU, 2003 Projet OMEGA). Les méthodes économiques basées sur des enquêtes (analyse contingente, analyse conjointe, méthode du cout des transports…) permettent un premier éclairage sur la perception des usagers en lien avec la problématique étudiée (ex impacts de rejets sur les activités récréatives d’un lac) mais également de faire le lien entre le consentement à payer de l’usager pour améliorer une situation.

La taxe pour la gestion des eaux pluviales, un rendez-vous manqué ? En matière de financement, c’est une question légitime, au lendemain de la

suppression de la taxe par la loi de finances 2015. Elle aurait pu répondre aux besoins de sensibilisation des citoyens et d’amélioration de l’existant. Un certain nombre de pays dispose déjà d’un tel outil. Quelques dizaines de collectivités s’y intéressaient et avaient lancé des études d’opportunité, seules cinq avaient effectivement délibéré pour l’instaurer (Le Nouveau, Deroubaix et al., 2013). Les expériences du Douaisis et de la commune de

19 Un arrêté de prescriptions générales pour la rubrique 2150 est en préparation par la DEB. 20 Selon notamment l’expérience du département de la Seine-Saint Denis. 21 http://www.onema.fr/AAP-Micropolluants-reseau-assainissements.

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Sauzé-Vaussais semblaient démontrer la capacité de la fiscalité écologique à générer un double dividende : générer des ressources (au moins pour un temps) tout en incitant à des comportements vertueux. La taxe, fondée sur le principe imperméabilisateur – payeur, n’aura donc pas eu le temps de faire ses preuves, face à la conjonction de plusieurs éléments : l’image première de complexité qui lui était attachée, la rationalisation de la fiscalité avec la suppression des taxes dites à faible rendement ou l’agenda politique peu propice à sa saisie immédiate après son instauration en 2011.

Le financement par le budget général reste, à nouveau, le principe général. A ce jour en France, les expérimentations de programmes d’incitations financières de collectivités auprès des propriétaires connaissent des succès variés et visent majoritairement l’utilisation des eaux de pluie (de Gouvello, Moreau de Bellaing, 2009 ; Mucig, Gerolin et al., 2013). Des collectivités pionnières comme l’Eurométrople de Strasbourg offrent des subventions pour la déconnexion des eaux pluviales22. Leur succès reste tributaire de nombreux facteurs à évaluer. Les travaux de parangonnage en cours apporteront un nouvel éclairage sur les modèles de financement et d’incitation, les finalités visées et les modalités d’accompagnement.

Quels risques sont appréhendés aujourd'hui et quelle gestion des incertitudes ?

Les changements climatiques, des risques multiples, encore peu considérés Il existe peu de recherches sur la résilience des services d’assainissement face au

changement climatique. Celle conduite dans le projet Garp 3 C (Gestion de l’Assainissement en Région Parisienne dans le Contexte du Changement Climatique) s’intéressait aux modes de traitement par les services d’assainissement des questions d’inondations par débordement de réseaux (Rioust, 2012). Cette recherche avait permis de mettre en évidence les risques politiques et juridiques encourus par les services d’assainissement des collectivités qui se refusent à considérer la possibilité d’une multiplication d’événements pluvieux extrêmes, évoquant l’incertitude qui caractérise les prévisions dans le domaine. Les collectivités d’ores et déjà engagées dans des stratégies d’optimisation de la gestion de leur patrimoine et dans le développement des mesures compensatoires à l’imperméabilisation estiment être en mesure de faire face à une telle éventualité. La prépondérance de cette logique hydraulique qui ignore la nature des enjeux urbains liés aux inondations par ruissellement et débordements de réseaux fait courir aux services un risque politique (de mobilisation) et juridique (de contentieux). Par ailleurs, la capacité des services à faire entendre les logiques hydrauliques dans la conduite des projets urbains est loin d’être évidente.

Des micro-polluants encore peu présents dans les politiques locales La question des micro-polluants est encore peu présente dans les politiques conduites

locales, comme l’ont souligné les travaux conduits dans le cadre de l’ANR Inogev. Le spectre des polluants est très large, les connaissances semblent encore jeunes, à consolider et à diffuser dans toute la chaine de la construction (cf. séquences 2 et 3). Ce sont à ce stade les pouvoirs publics et les chercheurs qui s’en sont saisis, avec quelques collectivités, notamment dans le cadre de l’appel à projet national « Innovations et changements de pratiques – Lutte contre les micropolluants chimiques des eaux urbaines » (Onema, Agences de l’eau, MEDDE). Trois projets sont portés par les observatoires de terrains en hydrologie urbaine : MATRIOCHKAS (Onevu - Nantes), ROULEPUR (Opur - Ile de France) et MICROMEGAS (Othu - Lyon).

22 https://www.strasbourg.eu/environnement-qualite-de-vie/eau-assainissement/eaux-usees/recuperer-eau-pluie.

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Potentialités des dispositifs distribués Les recherches commencent à émerger concernant l’évaluation du potentiel des

techniques alternatives aux réseaux : potentiel de faisabilité et potentiel d’effets sur le cycle de l’eau urbain, en terme de bénéfices et de risques (Petrucci, 2012 ; Belmeziti, Coutard et al., 2013 ; Versini, Ramier et al., 2015). Toutes les formes urbaines ne se prêtent pas également à la récupération et à l’utilisation de l’eau de pluie ou à l’installation de toitures végétalisées. Toutes ces techniques n’ont bien sûr pas les mêmes effets en termes de rétention des volumes et des flux d’eau et de polluants. Des besoins opérationnels portent sur l’aide à la décision et à l’évaluation (séquence 3).

Une méconnaissance patrimoniale, particulièrement des dispositifs privés Enfin un autre risque important porte sur le patrimoine privé qui tendrait à se diffuser

largement, sous l’effet des politiques de gestion à la source des eaux pluviales, sans néanmoins que cette diffusion n’ait été encore réellement documentée. Les enquêtes auprès des services d’assainissement montrent une méconnaissance du patrimoine d’infrastructures lié à la gestion à la source. Même les collectivités en pointe sur le sujet ont une connaissance très relative du patrimoine, de sa conformité et de la maintenance des dispositifs, dès lors que ces dispositifs sont localisés sur des parcelles privées. Pour des collectivités engagées de longue date dans la gestion à la source, comme Bordeaux Métropole avec plus de 10 000 solutions compensatoires, c’est un travail pharaonique (Bourgogne, 2010). Certaines de ces collectivités ont cependant, lorsqu’elles ont envisagé la possibilité d’instaurer une taxe pour la gestion des eaux pluviales, cherché à compléter leur connaissance de ce patrimoine (Le Nouveau, Deroubaix et al., 2013). Des premiers constats d’état des lieux patrimonial de dispositifs privés dressent un tableau alarmant (Pierlot, 2014). Le confortement précité du service public de gestion des eaux pluviales aura vocation à mieux cerner et maîtriser les risques associés, qu’ils soient politiques, juridiques, sociaux, environnementaux...

Quels systèmes, quels patrimoines, à quels coûts pour quels services ?

Raisonner à l’échelle du système de gestion des eaux urbaines Le passage de la solution « tout tuyau » à celle des techniques alternatives a nécessité

un changement de paradigme introduisant la notion de gestion intégrée du système d’assainissement et au-delà du système de gestion des eaux urbaines (SGEU). Il comprend les différentes infrastructures (linéaires et surfaciques), le(s) bassin(s) versant(s) naturel(s) ou urbain(s), l’organisation c.a.d le(s) service(s) gestionnaire(s) mais également l’environnement naturel et humain. Le SGEU implique de considérer une échelle de gestion plus large et donc un changement d’échelle à trois niveaux :

- spatial : passage du réseau d’assainissement à un système enterré ou à ciel ouvert avec des vocations techniques mais également ludiques ou esthétiques en interaction avec l’aménagement urbain,

- organisationnel : le service se retrouve dans un processus interservices au sein de la collectivité ou avec des acteurs extérieurs,

- au niveau des acteurs : niveau multi acteurs concepteurs et gestionnaires où le citoyen est à considérer aussi bien comme abonné au service que comme usager, bénéficiaire ou victime, propriétaire…

La notion de SGEU a été au cœur du projet ANR OMEGA (Cherqui et al., 2013) et ses différents changements d’échelles techniques, environnementaux et humains sont des champs de questionnement à investiguer. L’échelle élargie favorise également l’interdisciplinarité, partant de l’approche hydraulique du dispositif technique, de l’analyse hydrobiologique, vers la description de son usage social et son évaluation économique et managériale au travers des couts directs et des coûts sociaux.

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Une gestion patrimoniale encore embryonnaire La gestion patrimoniale reste embryonnaire, elle passe(ra) par une phase d’inventaire

et de caractérisation des dispositifs nombreux et peut-être presque tous différents, exercice dans lequel un certain nombre de collectivités se sont déjà lancées (Bordeaux, Nantes, Lyon…) et qui repose la question de l’accès aux données et à la définition d’une typologie commune. Cet inventaire patrimonial, en inter-services (eau, voirie…) est fondateur dans la définition et la structuration du service, comme l’a montré par l’expérience de Roannaise de l’eau (Petit, 2013). Des travaux vont être renforcés par le RST pour développer des méthodes d’inventaire patrimonial, adaptées à différents besoins, avec le soutien de l’Onema et du ministère de l’écologie.

La caractérisation de systèmes végétalisés à caractère naturaliste, porteurs de biodiversité est différente de celle existante ou encore en cours de mise en place pour les services d’eau potable et d’assainissement via l’incitation du dispositif Grenelle et notamment du décret du 27 janvier 2012 ou dans le guide ASTEE sur la gestion patrimoniale des réseaux d’assainissement (2015).

La multifonctionnalité des ouvrages, le jeu multi-acteurs nécessitent des approches différentes que l’approche purement tronçons utilisée pour les réseaux linéaires, pourtant dès que l’on s’intéresse à la prise en compte des impacts en cas de dysfonctionnement, externalités négatives, on peut recroiser les approches tuyau et TA avec cependant des critères adaptés notamment pour les risques de pollution. Notons qu’il se rajoute un nouveau champ d’investigation qui est celui des externalités positives liées à l’aspect esthétique, paysagé, récréatif… La notion économique d’externalités est définie comme des effets secondaires non compensés (positifs ou négatifs) d’une action économique (Baumol and Oates, 1975).

Concernant l’évaluation de l’état actuel des dispositifs, les travaux sont amorcés. Cependant pour la prédiction de l’évolution des infrastructures dans le temps, le recul est encore insuffisant et nécessitera de nouvelles approches de modélisation qui pourront s’inspirer des approches développées pour les réseaux d’assainissement issus de la Méthodologie RERAU et du Projet INDIGAU (Le Gauffre et al. 2005) mais devront aussi prendre en compte le caractère autonome des systèmes et leur multifonctionnalité.

La gestion patrimoniale s’appuie, d’une part, sur l’entretien : la maintenance de l’équipement durant son cycle de vie, d’autre part, sur la réhabilitation de l’ouvrage, voire son renouvellement. La réalisation de ces opérations nécessitera de s’interroger sur la source de financement (budget général, budget annexe de l’assainissement, propriétaire privé ….) et sur qui est responsable de l’entretien et/ou de la réhabilitation (Maysonnave, 2012).

L’évaluation des coûts nécessitera de se placer dans une approche de cout global (MEDDAT, 2009) à regarder dans un jeu multi-acteurs, la recherche d’une approche générique pourrait s’avérer intéressante. De travaux dans ce sens seront poursuivis, avec le soutien de l’Onema.

La question de la programmation du financement de la réhabilitation pose également la question de la durée d’amortissement au regard de durée de vie réelles encore peu connues, quelques services commencent à dissocier les durées d’amortissement des différents patrimoines (tuyaux et techniques alternatives) (ASTEE, Onema, 2015). Elle nécessitera également d’inventer d’autres modèles de stratégies financières à croiser avec ceux imaginés pour les réseaux d’assainissement (Marlangeon et al.. 2012).

Fonctions ou services ? écosystémiques naturels ou urbains ? L’eau cachée est passée au stade d’eau source d’agréments comme l’illustrent bien

les différents articles de l’ouvrage « Peurs et plaisirs de l’eau » (Barraqué, Roche, 2010). L’eau retrouve sa place dans les aménagements urbains et péri-urbains : miroir d’eau, aménagements de berges, remise à ciel ouvert de ruisseaux canalisés… Dans l’ouvrage cité précédemment, F. Scherrer pose la question de « l’écocycle urbain », nouveau

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paradigme technique ? Selon nous, cela va au-delà de la dimension technique avec des incidences sur l’organisation des services urbains ou hors des services urbains. Pour O. Coutard et J. Rutherford (2009) « l’écocycle urbain durable » permet de définir des principes d’organisation territoriale différents aux marges de l’organisation en réseaux collectifs, ils parlent de systèmes composites : alternatifs, décentralisés (récupération des eaux pluviales, production de chauffage ou de froid en pied d’immeuble, assainissement non collectif…).

D’autres auteurs font référence à la notion de service écosystémiques tels que définis par l’approche Millenium Ecosystem Assessment (MEA, 2005), partant de l’écosystème naturel source de nombreux bénéfices pour les hommes, en les étendant à la notion d’écosystèmes urbains, à présent étudiée notamment dans le cadre du projet EFESE porté par le MEDDE23. Ainsi Bolund et Hunhammar (1999) définissent 6 services rendus dont le « drainage des eaux de pluie » pour 7 types d’écosystèmes : les arbres d’alignement, les pelouses des parcs, les parcelles forestières urbaines, les terres cultivées urbaines, les zones humides urbaines, les cours d’eau, les lacs et l’océan. Le positionnement des techniques alternatives, systèmes anthropisés, d’abord étudiés pour un fonctionnement hydraulique, dans la notion de service écosystémique est encore à approfondir tout comme son aspect multifonctionnel, son appropriation par les pratiques indifférenciées, entre espaces de jeux et dispositifs de gestion urbaine (Ah Leung et al., 2013). L’étude d’une centaine de plans d’eau urbains et péri-urbains en Ile-de-France dans le cadre de l’ANR PULSE (Peri-Urbain Lakes, Society and Environment ANR CEPS, 2011–2014) a permis de montrer les multiples usages dont ils sont le support. Elle a aussi mis en évidence les diverses fonctions remplies par ces milieux dont un grand nombre servent d’exutoires des eaux pluviales urbaines tout en étant des réserves de biodiversité. Ce type de milieu impliquent le développement de systèmes d’indicateurs spécifiques : des indicateurs territorialisés permettant de prendre en compte les qualités physico-chimiques et biologiques ainsi qu’écologiques de l’eau et des espaces attenants et se rapportant à des usages existants ou désirés.

L’aspect récréatif et paysager pose la question de la prise en compte des externalités positives quand on regarde à l’échelle du système d’assainissement et ceci à côté des externalités négatives plus regardées dans les approches gestion patrimoniale et ouvrant la porte à l’exploration d’analyses coûts bénéfices ACB pour étudier une situation de fait et son évolution dans le temps et pour comparer différents projets d’aménagement, approches préconisées par la DCE pour étudier le risque de coûts disproportionnés pour l’atteinte de la bonne qualité des masses d’eau. La diversité des coûts à prendre en compte pose la question des méthodes d’évaluations les plus adaptées et de leur possibilité de mise en œuvre ainsi que l’interaction entre couts directs pour le service (Nafi et al. 2013) et de coûts sociaux (Cherqui et al. 2013 cas lac de Bordeaux, Werey et al., 2010 et 2003).

Des premières analyses de l’intégration de l’eau au sein de projets écoquartiers en France ont souligné qu’ils étaient le cadre d’une intensification de la gestion urbaine de l’eau dans ses différentes composantes, à explorer et évaluer (Le Nouveau et al., 2011). L’étude approfondie d’écoquartiers ou d’écocampus (Belzemiti et al. 2013) va au-delà de l’étude des fonctions du SGEU (Cherqui et al. 2013) en introduisant la prise en compte des valeurs sociales (Faburel et Roché, 2012) et environnementales (Yepez Salmon, 2011) et la difficulté d’identifier la valeur apportée par les techniques alternatives de gestion des eaux pluviales au sein d’autres fonctions du système retenu.

23 Evaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques : http://www.territoires-ville.cerema.fr/IMG/pdf/EFESE_GT_SEU_20130906_Reccueil1_cle622b51.pdf

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Liste des participants

Nom et prénom Organisme Fonction AFRIT Bilel DRIEE Chargé de mission

AIRES Nadine Agence de l'Eau Seine-Normandie Chargée d'études spécialisée Gestion du temps de pluie en zones urbaines

ANCELLE Maëlle ADOPTA Chargée de mission ANDRIEU Hervé Ifsttar & IRSTV Directeur de recherche AUJOLLET Yvan CGEDD Auditeur BACOT Laëtitia GRAIE - OTHU Secrétaire générale OTHU BARRAUD Sylvie INSA de Lyon Professeur BENARD Michel INFRA Services PDG

BERTHIER Emmanuel Cerema - Ile de France Chef de l'unité Hydrologie et gestion des eaux pluviales BERTRAND-KRAJEWSKI Jean-Luc INSA de Lyon Professeur

BOISSON Jolanda IRH Chargée d’affaires

BOMPARD Philippe Conseil départemental Val de Marne

BONNEAU Philippe Agence de l'eau Artois-Picardie Chargé d'études BRAUD Isabelle Irstea Unité HHLY Chercheure - Hydrologie des bassins versants BREIL Pascal Irstea Chargé de recherche BRELOT Elodie GRAIE Directrice BRUYAT Guillaume DREAL Franche-Comté/SBEP/DE Chargé de mission pollution "Pollution des eaux" CARRÉ Jean-Loïc Pôle EAU de compétitivité Directeur CHANCIBAULT Katia IFSTTAR/IRSTV Chargé de recherche CHEBBO Ghassan ENPC Leesu Directeur OPUR CHERQUI Frédéric INSA Lyon / Université Lyon 1 Enseignant-Chercheur CHOCAT Bernard INSA de Lyon Professeur Emérite COMMOY Fabien CRASTES de PAULET François BRGM Hydrogéologue

DABROWSKI Yan Eurométropole de Strasbourg Service Assainissement - Resp maitrise d'ouvrage et prospective

DE ROUCK Anne-Claire Cerema Chargée d'études

DELBOY Anne-Gaëlle Pôle DREAM Eau & Milieux Chargée de Mission Projets - Traitements alternatifs de l'eau/Gestion Intégrée des EP

DEROUBAIX José-Frédéric ENPC Leesu Chercheur

DUVERNOY Jérôme MEDDE/DGEC/ONERC Chargé de mission Adaptation au Changement Climatique

EMMANUEL Isabelle Ifsttar Chargé de recherche

FERRO Yannis Cerema -Méditerranée Chargé d'études

FINCK Jean-Sébastien Cerema - Dir. territoriale Est Ingénieur Hydraulique - Assainissement

GANDOUIN Christine SAFEGE ASTEE Directrice Activité Eau Urbaine Présidente de la commission assainissement

GARDAIS Éric MEDDE / DGITM / DIT / ARN5 Adjoint du chef de la politique de l'environnement GASPERI Johnny LEESU Maitre de conférences

GEROLIN Aurélie Cerema - Dir. territoriale Est Ingénieur d'études - Responsable de l'activité "Aménagement et gestion des eaux pluviales"

GRANGER Damien SUEZ Chef de projet GROMAIRE Marie-Christine ENPC Leesu Directrice adjointe OPUR, chercheure

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Nom et prénom Organisme Fonction GUILLON Anne Département des Hauts de Seine Directrice de l'eau HEBRARD LABIT Céline Cerema - Nord-Picardie Responsable du groupe Eaux et Sols HELARY Jean-Louis CGEDD HEURTEBISE Chantale DDT de la Sarthe Chargée de mission Police de l'eau HIM Cynthia REHAU Chef Produit Gestion des Eaux Pluviales JOANNIS Claude Ifsttar Nantes Directeur du LEE

KERLOC'H Bruno Cerema - Nord Picardie Chef de projet Hydraulique, Hydrologie et Assainissement

LACAILLE Emmanuelle Com. Agglomération Hénin-Carvin Chargé de mission LANDAS-MANEVAL Jacqueline Grenoble-Alpes-Métropole Ingénieure chargée du SD eau pluviale modélisation

LANGLAMET Aurélie MEDDE / DEB / GR3 Chargée de mission LAPLACE Dominique SERAMM Directeur Scientifique et innovation

LE NOUVEAU Nathalie Cerema - Dir. Technique Territoires et ville Directrice de projet Eau

LEDUC Alexandre Cerema - Direction technique ITM Chargé d'études Assainissement Routier LIPEME KOUYI Gislain INSA LYON - DEEP Maître de Conférences/Directeur OTHU LOUBIERE Bernard Suez Directeur technique LYARD Stéphane RHEA SAS Ingénieur Hydraulicien MASSELOT David DREAL Nord-PdC/SMILIEUX/DDB Chargé de mission substances MONTANDON Isabelle DDT du Rhône Responsable de l'unité Assainissement MOREL Mathieu MEDDE / DGPR / SRNH / BRM Chargé de mission inondations

MOUSSET Éric MEDDE / DGPR / BNEIPE Adjoint au chef de bureau, en charge de la thématique Eau

NALIN Vincent Agence de l'eau Loire Bretagne Chargé de mission NEZEYS Alexandre Ville de Paris Ingénieur OSWALD Anne MEDDE / DGALN / DEB / AT5 Animatrice de la police de l'eau et de la nature PARISE Patrice CGEDD Vice-Président PARMENTIER Marc BRGM Hydrogéochimiste PERRIER Hubert Cerema - Siège Directeur de projet Valorisation et partenariats PETIT Pascal Roannaise de l’eau Directeur technique PEYNEAU Pierre-Emmanuel Ifsttar Chercheur

PIERLOT Daniel SEPIA Conseils Directeur technique POJER Katy Agence de l'eau RMC Expert PRYGIEL Emilie Cerema - Nord-Picardie Chargée d'études

QUILLIEN Ronan Département de Seine-Saint-Denis Responsable du Bureau de Liaison avec l'Aménagement et l'Urbanisme – Direction E&A

REUILLON Alice ONEMA Chargée de mission eau et aménagements urbains ROCHE Pierre-Alain CGEDD RODRIGUEZ Fabrice Ifsttar Nantes Chercheur ROUX Christian Département des Hauts-de-Seine Chef de l'unité Etudes – Direction de l’eau ROY Germaine Cerema Chef de la mission eau RUBAN Véronique Isfttar Nantes Directrice adjointe du LEE SEMBLAT Laure FNCCR Chargée de mission SERVIER Alexandre Cerema - Nord-Picardie Chargé d'études assainissement SIBEUD Elisabeth Métropole de LYON EAU Responsable Service études SOULIAC Laure MEDDE / DEB / GR3 Chef de bureau Lutte contre les pollutions STANISLAVE Lionel DDT du Nord Responsable Service de police de l'eau

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Nom et prénom Organisme Fonction TARDIVO Bénédicte MEDDE / DGEC Chargée de mission qualité de l'air VALENTIN Sophie-Charlotte Cerema - Est Directrice LRPC Nancy VAZQUEZ José ENGEES - Icube Professeur VELLUET Rémi CGEDD Auditeur VENANDET Nicolas Agence de l'eau Rhin-Meuse Ingénieur d'études Assainissement et Pluvial VENTURINI Christophe MEDDE / DEB / GR3 Adjoint chef de bureau VIAU Jean Yves Saint Dizier Environnement Directeur Opérationnel WALCKENAER Benoit Cerema - Territoires et ville Directeur adjoint WEREY Caty Irstea - ENGEES UMR Geste Enseignant-Chercheur