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VALORAM: une collaboration internationale Nord/Sud pour améliorer la production de pomme de terre en région andine. Stéphane Declerck, Valentine Potten, Ismahen Lalaymia (1) La cordillère des Andes est la région d’origine de la pomme de terre (Solanum spp.) et l’un des principaux centres de diversité génétique. Plus de 5.000 variétés y sont cultivées (Figure 1) sui- vant des itinéraires techniques variés allant de la culture extensive, essentiellement biologique, à une agriculture plus intensive basée sur l’utilisation d’intrants chimiques. La culture demeure cependant essentiellement traditionnelle, pratiquée par des familles paysannes sur de petites parcelles. Elle sert à la consommation familiale, comme source de revenu et d’épargne. Face à une population qui ne cesse de croître, les besoins dépassent aujourd’hui la ca- pacité de production. Pour répondre à cette pression démographique et à une demande industrielle croissante, les agriculteurs locaux se sont tournés vers l’utilisation de terres marginales et prati- quent la monoculture. Cela a pour conséquence l’appauvrissement du sol et l’augmentation de la pression parasitaire. De nouvelles techniques doivent, dès lors, être envisagées pour permettre un accroissement de l’efficacité d’utilisation des nutriments, le contrôle des stress biotiques et une gestion raisonnée de l’eau. Au cours des dernières années, une attention particulière à été portée aux microorganismes de la rhizosphère. Ceux-ci jouent un rôle central dans les cycles biogéochimiques, la croissance et la santé des plantes. Parmi ces microorganismes, les champignons mycorhi- ziens à arbuscules (voir Encart 1) occupent une place prépondérante à l’interface entre la plante et le sol. Ils jouent un rôle important dans l’acquisition et le recyclage des miné- raux nécessaires à la croissance des plantes, la protection de celles-ci vis-à-vis des stress biotiques et abiotiques et la structuration du sol. Encart 1: Que sont les mycorhizes à arbuscules? Les mycorhizes à arbuscules sont le résultat de l’association symbiotique entre des champignons microscopiques du sol (de la division des Gloméromycètes) et des racines de plantes. Cette asso- ciation, rencontrée chez près de 80% des espèces végétales et chez la grande majorité des plantes d’intérêt agronomique, est bénéfique pour les deux organismes: transfert d’éléments minéraux du sol à la plante via le champignon mycorhizien à arbuscules (CMA) et transfert de composés car- bonés issus de la photosynthèse de la plante vers le CMA. On estime que la majorité des plantes ligneuses et herbacées réalise ce type d’association. Les mycorhizes présentent un intérêt particulier pour le secteur agricole, en raison de leurs effets bénéfiques sur la plante et sur le sol: Amélioration de la nutrition minérale et hydrique de la plante Amélioration de l’enracinement et de la ramification radiculaire de la plante Accroissement de la résistance aux stress biotique (ex. pathogènes racinaires) et abiotique (ex. métaux lourds) Augmentation de la biodiversité microbienne du sol Amélioration de la structure du sol Diminution de l’érosion

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VALORAM: une collaboration internationale Nord/Sud pour améliorer la production de pomme de terre en région andine.

Stéphane Declerck, Valentine Potten, Ismahen Lalaymia (1)

La cordillère des Andes est la région d’origine de la pomme de terre (Solanum spp.) et l’un des

principaux centres de diversité génétique. Plus de 5.000 variétés y sont cultivées (Figure 1) sui-

vant des itinéraires techniques variés allant de la culture extensive, essentiellement biologique, à

une agriculture plus intensive basée sur l’utilisation d’intrants chimiques.

La culture demeure cependant essentiellement traditionnelle, pratiquée par des familles paysannes

sur de petites parcelles. Elle sert à la consommation familiale, comme source de revenu et

d’épargne. Face à une population qui ne cesse de croître, les besoins dépassent aujourd’hui la ca-

pacité de production. Pour répondre à cette pression démographique et à une demande industrielle

croissante, les agriculteurs locaux se sont tournés vers l’utilisation de terres marginales et prati-

quent la monoculture. Cela a pour conséquence l’appauvrissement du sol et l’augmentation de la

pression parasitaire. De nouvelles techniques doivent, dès lors, être envisagées pour permettre un

accroissement de l’efficacité d’utilisation des nutriments, le contrôle des stress biotiques et une

gestion raisonnée de l’eau.

Au cours des dernières années, une attention

particulière à été portée aux microorganismes

de la rhizosphère. Ceux-ci jouent un rôle

central dans les cycles biogéochimiques, la

croissance et la santé des plantes. Parmi ces

microorganismes, les champignons mycorhi-

ziens à arbuscules (voir Encart 1) occupent

une place prépondérante à l’interface entre la

plante et le sol. Ils jouent un rôle important

dans l’acquisition et le recyclage des miné-

raux nécessaires à la croissance des plantes,

la protection de celles-ci vis-à-vis des stress

biotiques et abiotiques et la structuration du

sol.

Encart 1: Que sont les mycorhizes à arbuscules?

Les mycorhizes à arbuscules sont le résultat de l’association symbiotique entre des champignons

microscopiques du sol (de la division des Gloméromycètes) et des racines de plantes. Cette asso-

ciation, rencontrée chez près de 80% des espèces végétales et chez la grande majorité des plantes

d’intérêt agronomique, est bénéfique pour les deux organismes: transfert d’éléments minéraux du

sol à la plante via le champignon mycorhizien à arbuscules (CMA) et transfert de composés car-

bonés issus de la photosynthèse de la plante vers le CMA.

On estime que la majorité des plantes ligneuses et herbacées réalise ce type d’association.

Les mycorhizes présentent un intérêt particulier pour le secteur agricole, en raison de leurs effets

bénéfiques sur la plante et sur le sol:

• Amélioration de la nutrition minérale et hydrique de la plante

• Amélioration de l’enracinement et de la ramification radiculaire de la plante

• Accroissement de la résistance aux stress biotique (ex. pathogènes racinaires) et abiotique

(ex. métaux lourds)

• Augmentation de la biodiversité microbienne du sol

• Amélioration de la structure du sol

• Diminution de l’érosion

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Figure 1: Collection de plusieurs centaines de variétés de pomme de terre à Huancayo (3800 m

d’altitude, Pérou).

La région andine, de par sa configuration

géographique contrastée, représente une

source importante de diversité (micro)-

biologique. La valorisation de cette micro-

flore bénéfique constitue une voie alternative

ou combinée à l’utilisation des fertilisants et

pesticides dans les systèmes de production de

pomme de terre dans cette région.

Le projet VALORAM (Valorizing Andean

microbial diversity through sustainable inten-

sification of potato-based farming systems –

contract N° 227522) s’inscrit dans ce cadre.

Ce projet, coordonné par le laboratoire de

mycologie de l’UCL, est financé par la

Commission Européenne. Il regroupe 3 par-

tenaires de la région andine et 5 équipes eu-

ropéennes: el Centro Internacional de la Papa

(Pérou), la Promoción e Investigación de

Productos Andinos (Bolivie), la Universidad

Técnica Particular de Loja (Equateur),

l’Université catholique de Louvain-la-Neuve

(Belgique), l’Université de Gand (Belgique),

the Austrian Research Centers GmbH (Autri-

che), the University College Cork (Ireland) et

the Ludwig-Maximilians-Universität Mün-

chen (Allemagne). Ces partenaires visent à

explorer la diversité des microorganismes de

la rhizosphère des cultures de pomme de

terre dans la région andine.

L’objectif est de développer un savoir-faire

local et de promouvoir des alternatives tech-

niques éco-efficientes dans les systèmes de

production de pomme de terre au profit des

communautés locales, en utilisant des micro-

organismes indigènes comme « bio-

fertilisants et « bio-pesticides» (voir Encart 2). L’approche du projet VALORAM a pour

but de relever le défi d’une agriculture dura-

ble tout en minimisant les impacts négatifs

sur l’environnement. Les connaissances ac-

quises pourront également servir aux produc-

teurs européens actifs dans la production de

pomme de terre, filière très gourmande en

produits issus de l’agrochimie.

(1) Université catholique de Louvain (UCL),

Earth and Life Institute, Mycology, Place

croix du Sud 3, 1348 Louvain-la-Neuve, Bel-

gique

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Encart 2: les champignons mycorhiziens à arbuscules: de l’isolement du sol à l’application en

culture de pomme de terre

Les CMA, après isolement du champ, suivent une filière qui va du piégeage et de l’identification, à une production de masse et une inoculation en champ.

1. Prélèvement de sol dans les champs de pomme de terre 2. Établissement de cultures en pot sur plante piège avec les sols prélevés 3. Établissement d’une collection d’isolats monospores des CMA 4. Identification des isolats 5. Conservation des isolats par cryopréservation 6. Évaluation du bénéfice apporté par les isolats aux pommes de terre 7. Production de masse des isolats sélectionnés 8. Inoculation en champ des isolats sélectionnés