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Picard, D., Zarhbouch, B., Troadec, B., Suarez, M., & Lebaz, S. (2013). Usage de la taille et des couleurs dans le dessin expressif de l’arbre produit par des enfants marocains et français. Recherches Cognitives, 2, 49-76. Usage de la taille et des couleurs dans le dessin expressif de l’arbre produit par des enfants marocains et français Delphine PICARD Aix Marseille Université, Centre de Recherche PsyCLE- EA 3273 & Institut Universitaire de France Benaissa ZARHBOUCH Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, Laboratoire LASCO, Fès, Maroc Bertrand TROADEC Myriam SUAREZ & Samuel LEBAZ

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Usage de la taille et des couleurs dans le dessin expressif de l’arbre produit

par des enfants marocains et français

Delphine PICARD

Aix Marseille Université, Centre de Recherche PsyCLE- EA 3273 & Institut Universitaire de France

Benaissa ZARHBOUCH

Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, Laboratoire LASCO, Fès, Maroc

Bertrand TROADEC

Myriam SUAREZ

& Samuel LEBAZ

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Abstract

The tree drawing is a favorite topic for the graphic expression of basic emotions, such as joy or sadness. Recent

research studies in psychology have shown that children produce large-size drawings with “positive” colors

(blue, yellow, red) to express joy; by contrast, they produce smaller-size drawings with “negative” colors (black,

grey) to express sadness. These studies being mostly European (France, England), one may ask whether the use

of size and color in expressive drawing results from general psychological (affective) processes, which are likely

transcultural, or from graphic conventions, which may be partly culture-dependent. Here we examined this

issue by comparing expressive drawings of the tree produced by children from two different cultures,

Moroccan children and French children, aged 7-11 years. Our results show that the Moroccan children do not

systematically vary the size of their drawing to express emotions with opposite valence (joy/sadness), whereas

the French children did it. With respect to color use, drawings made by the Moroccan and the French children

show both similarities and differences. These findings suggest that there may be both universals and

specificities in the expressive drawing of the tree across the two cultures, which are discussed with regard to

graphic conventions for drawing and coloring, partly shared across the cultures.

Résumé

Le dessin de l’arbre est un support privilégié pour l’expression graphique d’émotions basiques, telles que la joie

ou la tristesse. Des recherches récentes en psychologie montrent que les enfants augmentent la taille de l’objet

dessiné et utilisent des couleurs « positives » (bleu, jaune, rouge) pour marquer la joie ; à l’inverse, ils

diminuent la taille de l’objet dessiné et utilisent des couleurs « négatives » (noir, gris) pour marquer la tristesse.

Ces études étant principalement européennes (France, Angleterre), la question se pose de savoir si l’usage de

la taille et de la couleur dans le dessin expressif répond à des processus psychologiques (affectifs) généraux, et

probablement transculturels, ou à des conventions graphiques culturellement dépendantes. Nous abordons ici

cette question en comparant des dessins expressifs de l’arbre produits par des enfants de deux cultures

différentes, des enfants marocains et des enfants français, âgés de 7 à 11 ans. Nos résultats montrent que les

enfants marocains ne varient pas significativement la taille de l’objet dessiné pour marquer des émotions à

valences contrastées (joie/tristesse), contrairement aux enfants français. Dans l’usage des couleurs en

association avec les dessins joyeux et tristes de l’arbre, les enfants marocains et français montrent des

similitudes mais également certaines particularités. Ces résultats suggèrent l’existence de variants et

d’invariants culturels dans le dessin expressif de l’arbre, lesquels sont discutés en regard des conventions

graphiques de dessin et de la symbolique des couleurs, partiellement partagées entre les cultures.

فقد أوضحت دراسات . يعتبر رسم الشجرة دعامة مفضلة للتعبير بالرسم عن االنفعاالت األساسية، من مثل السعادة أو الحزن

( كاألزرق، واألصفر، واألحمر" )إيجابية"أن األطفال يزيدون من حجم الموضوع المرسوم ويستعملون ألوانا حديثة في السيكولوجيا

. لتعيين الحزن( كاألسود، والرمادي" )سلبية"لتعيين السعادة؛ عكس ذلك، ينقصون من حجم الموضوع المرسوم ويستعملون ألوانا

، فإن السؤال المطروح بصددها متعلق بمعرفة ما إذا (فرنسية وإنجليزية تحديدا )ة وعلى اعتبار أن الدراسات السالفة دراسات أوروبي

ثقافيين؛ أم -عامة، حيث يحتمل أن يكونا عبر( وجدانية)كان استعمال الحجم واللون، في الرسم التعبيري، يستجيبان آلليات سيكولوجية

ناقش هذه المسألة من خالل مقارنة رسوم تعبيرية أنجزها أطفال من وبناء عليه، سن. أنهما متعلقان بمواضعات محددة ثقافيا للرسم

.سنة 11سنوات و 70مغاربة وفرنسيون، تتراوح أعمارهم ما بين : ثقافتين مختلفتين

لقد أوضحت نتائج دراستنا أن األطفال المغاربة، خالفا لألطفال الفرنسيين، ال يغيرون بشكل دال حجم الموضوع المرسوم

فاألطفال المغاربة والفرنسيون يكشفون عن بعض أوجه الشبه بينهم في إنجازاتهم، (. حزن/سعادة)االت ذات أبعاد متباينة لتعيين انفع

تشير هذه النتائج إلى . ولكنهم يكشفون أيضا عن بعض الخصوصيات في استخدام األلوان، ارتباطا بالرسوم السعيدة والحزينة للشجرة

ي الرسم التعبيري للشجرة، والتي تمت مناقشتها بالنظر إلى مواضعات تشكيل الرسوم، ورمزية األلوان وجود متغيرات وثوابت ثقافية ف

.التي تتقاسمها الثقافات جزئيا

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1. Introduction

Depuis les années ’50, le dessin de l’arbre a fait l’objet de tests projectifs visant à comprendre l’état émotionnel

du sujet qui dessine (Buck, 1948 ; Fernandez, 2005 ; Koch, 1949 ; Stora, 1978). Dans cette perspective clinique,

le dessin de l’arbre est considéré comme le support de la projection des aspects profonds de la personnalité du

dessinateur et chaque détail (la mise en page, les formes, les oublis, les proportions, les couleurs, etc.) est

censé porter la marque de l’état émotionnel du dessinateur. Une enquête réalisée auprès de psychologues

américains et anglais montre que l’usage du dessin de l’arbre comme test projectif est relativement courant

aux Etats-Unis, mais plus rare en Angleterre, notamment parce que les psychologues britanniques accordent

une confiance très limitée à ce test (Bekhit, Thomas & Jolley, 2005). En effet, le principal défaut des tests

projectifs de l’arbre est qu’ils ne répondent pas ou peu aux critères de fiabilité, sensibilité, et fidélité, qui

caractérisent les tests psychométriques (i.e., permettant une interprétation des performances qui soit

contrôlée et partagée vs. intuitive ou idiosyncrasique).

Dès la fin des années ’80 et jusqu’à nos jours, des recherches expérimentales ont été conduites pour examiner

le dessin expressif de l’arbre produit sur demande explicite (« dessine un arbre joyeux », par exemple) par des

enfants sans pathologie connue et dans des contextes contrôlés. Dans cette perspective cognitive, le dessin de

l’arbre a fait l’objet d’analyses visant à comprendre les techniques expressives qui sont utilisées et maîtrisées

par les enfants au cours de leur développement (Hsu, 2000 ; Ives, 1984 ; Jolley, Fenn, & Jones, 2004 ; Morra,

Caloni, & d’Amico, 1994 ; Picard & Boulhais, 2011 ; Picard & Gauthier, 2012 ; Picard & Lebaz, 2010 ; Winston,

Kenyon, Stewardson, & Lepine, 1995). Aux Etats-Unis, Ives (1984) a été le premier à mettre en évidence

l’existence de trois principales techniques expressives dans le dessin de l’arbre, (a) littérale, (b) abstraite, et (c)

de contenu, les deux dernières techniques relevant d’une expression métaphorique des émotions. L’expression

littérale se traduit par la personnification de l’arbre par ajout de traits faciaux dans le dessin (ex : arbre qui

sourit vs. arbre qui pleure) ; l’expression abstraite se traduit par la modification des propriétés formelles du

dessin, telles que la taille, les lignes, et la couleur (ex : arbre de grande taille vs. petite taille) ; l’expression de

contenu se traduit par des modifications du contenu du dessin par ajout ou retrait d’éléments de contexte (ex :

arbre contenant des fruits, présence d’oiseaux et du soleil vs. arbre cassé ou sans feuilles). Ces techniques

expressives peuvent être utilisées seules ou en combinaison dans un dessin. D’un point de vue

développemental, l’expression littérale des émotions dans le dessin de l’arbre est maitrisée relativement tôt

chez l’enfant (5 ans). Avec l’âge, et principalement à l’entrée de l’adolescence (11 ans), l’enfant tend à utiliser

les techniques expressives métaphoriques en combinaison avec l’expression littérale puis sans support littéral.

Ainsi, le dessin expressif devient plus riche et plus complexe au cours du développement. Ces tendances

développementales ont été globalement retrouvées dans des travaux ultérieurs sur le dessin expressif de

l’arbre, travaux conduits aux Etats-Unis (Winston, Kenyon, Stewardson, & Lepine, 1995), en Italie (Morra,

Caloni, & d’Amico, 1994), au Japon (Hsu, 2000), en Angleterre (Jolley, Fenn, & Jones, 2004), et en France (Picard

& Boulhais, 2011 ; Picard & Gauthier, 2012).

Parmi les techniques expressives métaphoriques, l’usage des propriétés abstraites ou formelles du dessin,

telles que la taille et la couleur, a attiré l’attention de certains chercheurs et fait l’objet d’études spécifiques

(Burkitt, Barrett & Davis, 2004 ; Picard & Lebaz, 2010). En Angleterre, Burkitt et ses collègues (2004) ont

demandé à des enfants âgés de 4 à 11 ans de dessiner sur imagination un arbre normal, puis deux arbres, l’un

connoté positivement (gentil), l’autre négativement (méchant). Les enfants avaient à leur disposition 10

crayons de couleurs (rouge, orange, jaune, vert, bleu, violet, rose, blanc, marron, et noir) mais ils devaient

choisir une seule couleur pour colorier chaque dessin. Analysant les variations de taille ainsi que les couleurs

utilisées dans les dessins, ces auteurs ont montré que les enfants augmentaient la taille de l’objet dessiné et

utilisaient leurs couleurs préférées (bleu, jaune, rouge) pour connoter positivement l’arbre ; à l’inverse, ils

diminuaient la taille de l’objet dessiné et utilisaient les couleurs qu’ils aimaient le moins (noir, marron) pour

connoter négativement l’arbre. Pour ces auteurs, les enfants font un usage symbolique de la taille et de la

couleur dans le dessin expressif de l’arbre. Les modifications de la taille des arbres dessinés pourraient

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répondre à des conventions graphiques culturelles ou à un processus psychologique général de

défense/appétence (appetitive/defensive mechanism) par lequel l’augmentation de la taille d’un objet

marquerait l’affinité du sujet envers l’objet et la réduction de taille marquerait une distance psychologique

entre le dessinateur et l’objet. De même, le choix des couleurs en association avec la connotation affective de

l’objet dessiné pourrait dépendre de conventions graphiques culturelles, ou relever d’un processus affectif plus

général par lequel le sujet associerait ses couleurs préférées à un dessin connoté positivement et les couleurs

qu’il apprécie le moins à un dessin connoté négativement.

En France, Picard et Lebaz (2010) ont demandé à des enfants de 5 à 11 ans de dessiner un arbre normal, puis

joyeux et triste. Neuf crayons de couleur (bleu, vert, marron, noir, jaune, rouge, orange, violet et rose) et un

crayon à papier (gris) étaient à leur disposition pour les dessins. Contrairement à l’étude anglaise, les enfants

pouvaient librement utiliser les crayons de couleurs, ce qui rendait le contexte de production plus proche d’un

contexte de dessin libre en situation clinique. Analysant les variations de taille ainsi que les couleurs utilisées

dans les dessins, ces auteurs ont confirmé que, comparé au dessin de l’arbre normal, les enfants dessinaient

plus petits les arbres tristes et ils dessinaient plus grands les arbres joyeux. Ainsi, comme suggéré par Burkitt, la

taille s’avère un indicateur significatif de l’émotion décrite dans le dessin. Pour ce qui est des couleurs, une

analyse des correspondances a montré que les arbres normaux étaient principalement dessinés avec du vert et

du marron, ce qui correspondait à un coloriage conventionnel de cet objet. Pour l’arbre triste, les enfants

utilisaient souvent le gris (crayon normal) pour dessiner le contour de l’arbre, et le noir. Pour l’arbre joyeux, de

nouvelles couleurs apparaissaient telles que l’orange, le rouge, le violet, le rose, le jaune, et le bleu. Une

analyse plus détaillée des dessins a montré que les couleurs « positives » résultaient de l’ajout d’éléments de

contexte (ex. : fruits, soleil, ciel) dans les dessins joyeux. Pour ces auteurs français, les couleurs ont été

utilisées, non pas de manière symbolique comme le suggère Burkitt, mais de manière visuellement

conventionnelle : dans les dessins, le soleil est jaune ou orange, le ciel est bleu, les fruits sont rouges, etc. De

leur point de vue, seul le noir, associé aux dessins tristes, a pu être utilisé de manière symbolique, l’usage du

noir pour signifier la tristesse, ce qui est généralement typique dans les cultures européennes (Pastoureau,

1992).

Ces deux recherches examinant l’usage des propriétés formelles de taille et de couleur dans le dessin expressif

de l’arbre apportent des résultats convergents sur l’usage symbolique de la taille, mais en partie divergents

quant à l’usage symbolique des couleurs. La divergence des résultats et des interprétations relatives à la

couleur peut être en partie liée à des différences dans les méthodologies utilisées d’une étude à l’autre (usage

restrictif vs. libre des couleurs). D’autres recherches mériteraient d’être conduites sur ce sujet, notamment

pour vérifier l’usage supposé « visuellement conventionnel » (plutôt que « symbolique ») des couleurs dans le

dessin expressif de l’arbre, lorsque l’enfant n’est pas restreint quant à l’usage des couleurs. Par ailleurs, il

conviendrait de mener d’autres recherches pour déterminer la nature exacte des processus en jeu

(conventions graphiques culturelles ou processus psychologiques généraux) dans l’usage des propriétés

formelles de taille et de couleur dans le dessin expressif de l’arbre. Les études entreprises jusqu’à présent ont,

à notre connaissance, concerné des enfants de cultures européennes (France, Angleterre). Une manière

d’aborder la question de savoir si l’usage de la taille et de la couleur dans le dessin expressif de l’arbre répond à

des processus psychologiques (affectifs) généraux ou à des conventions graphiques culturellement

dépendantes est d’entreprendre une analyse comparative de dessins produits par des enfants de cultures

différentes.

C’est précisément le principe de l’étude ici présentée qui compare des dessins expressifs de l’arbre produits par

des enfants de deux cultures différentes : des enfants marocains (vivant au Maroc) et des enfants français

(vivant en France), âgés de 7 à 11 ans. Ces deux « cultures », que nous définirons comme des systèmes

particuliers d’activités et de significations partagées, routines culturelles, ou encore coutumes, pouvant être

envisagées comme les modalités d’une variable indépendante dans un paradigme quasi expérimental (Troadec,

2011), diffèrent notamment sur la symbolique attribuée à la couleur noire (Adams & Osgood, 1973). Si le noir

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est habituellement la couleur du deuil dans le monde occidental, il a une signification différente en Afrique du

Nord ou en Egypte où il tient davantage pour symbole de fertilité, rappelant les nuages gorgés de pluie. En

Afrique du Nord, comme en Asie également, c’est préférentiellement le blanc qui est porté à l’occasion d’un

deuil. Toutefois, la symbolique du noir et du blanc est complexe car plurielle. Ainsi, au Maroc, si le blanc est le

symbole d’un deuil, un symbole religieux spécifique à la femme pour montrer qu’elle a perdu son mari et

qu’elle ne peut pas recevoir de demande en mariage, le blanc signifie de manière générale la bonne mine, la

pureté, l’innocence. A l’inverse, au Maroc le noir a généralement une connotation négative (e.g., « le cœur de

cette personne est noir » signifiant que cette personne est méchante), renvoyant dans la religion musulmane à

l’obscurité de la tombe. Toutefois, quand le ciel est « noir », c’est également le signe d’un bienfait de la pluie

qui va arriver. Ainsi selon les contextes, la valence émotionnelle attribuée à une même couleur peut varier.

Notre étude comparative est dédiée à l’analyse des variations de taille des dessins et des couleurs utilisées

pour dessiner des arbres normaux, joyeux et tristes chez les enfants marocains et chez les enfants français.

Selon nous (hypothèse 1), l’usage de la taille de l’objet dessiné comme indice expressif des émotions

(joyeux/triste) relève d’un processus psychologique général, et par conséquence probablement transculturel. Si

cette première hypothèse est valide, il est attendu que les enfants augmentent la taille des dessins d’arbres

joyeux et diminuent celle des dessins d’arbres tristes par rapport à la taille du dessin de l’arbre normal, au

Maroc comme en France. Par contre (hypothèse 2), nous pensons que l’usage des couleurs pour marquer des

émotions à valences contrastées peut dépendre de la culture d’appartenance de l’enfant qui dessine si cet

usage répond, en partie du moins, à une symbolique des couleurs, laquelle est susceptible de varier d’une

culture à une autre (Adams & Osgood, 1973 ; Madden, Hewett & Roth, 2000). Selon cette seconde hypothèse,

il est attendu que les enfants utilisent différemment les couleurs pour spécifier les émotions, en particulier la

tristesse, dans leurs dessins au Maroc et en France.

2. Méthode

2.1. Participants

Un total de 128 enfants normalement scolarisés dans les écoles primaires des deux pays, dont 64 enfants

marocains et 64 enfants français, ont été retenus pour l’étude. Les enfants étaient âgés de 7 à 11 ans et

répartis en 4 groupes d’âge (7-8 ans, 8-9 ans, 9-10 ans, 10-11 ans) comprenant chacun 16 enfants (cf. Tableau

1). Les groupes d’enfants français et marocains ainsi constitués étaient comparables sur l’âge chronologique

moyen et le niveau scolaire habituellement atteint dans le pays pour les âges considérés (niveau scolaire

normal pour la France, +/- 1 niveau pour le Maroc).

Tableau 1. Caractéristiques des enfants participant à l’étude comparative Maroc/France

Groupe d’âge

Pays 7-8 ans 8-9 ans 9-10 ans 10-11 ans Total

Maroc

Effectif (dont filles) Age moyen Ecart-type Niveau scolaire

16 (7) 7;4 4 mois 3

16 (8) 8;7 3 mois 3-4

16 (8) 9;7 2 mois 4-5

16 (8) 10;7 3 mois 5-6

64

France

Effectif (dont filles) Age moyen Ecart-type Niveau scolaire

16 (8) 7;7 2 mois CE1

16 (8) 8;7 3 mois CE2

16 (8) 9;4 3 mois CM1

16 (8) 10;7 4 mois CM2

64

Note : Les niveaux scolaires 3-6 correspondent pour la France aux niveaux CE1-CM2

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2.2. Matériel

Le matériel était constitué de 10 crayons, un crayon à papier gris (normal HB) et 9 crayons de couleurs (noir,

marron, bleu, vert, violet, rouge, rose, jaune, orange), ainsi que de feuilles individuelles dans lesquelles 3

espaces graphiques étaient délimités pour faire les dessins. La taille des espaces graphiques était de 140 mm

(hauteur) x 80 mm (largeur).

2.3. Procédure

Les enfants étaient observés au sein de leur école, par petits groupes de 4 ou 5. L’expérimentateur leur

distribuait chacun une feuille pour dessiner et 10 crayons. Les enfants devaient dessiner dans les espaces

délimités de la feuille un arbre normal, puis un arbre joyeux et un arbre triste. L’arbre normal était toujours

dessiné en premier (servant de dessin de référence), tandis que l’ordre de production des dessins joyeux et

tristes était contrebalancé au sein des sujets de chaque groupe d’âge. Ainsi, la moitié des enfants de chaque

groupe d’âge dessinait l’arbre joyeux puis l’arbre triste, tandis que l’autre moitié des enfants dessinait l’arbre

triste puis l’arbre joyeux. Les enfants étaient libres d’utiliser les 10 crayons à leur disposition comme ils le

souhaitaient. La consigne était strictement identique pour tous les enfants, et donnée oralement par

l’expérimentateur dans la langue orale utilisée dans la vie quotidienne de l’enfant (i.e., en dialecte marocain ou

en français): « Je vais te demander de faire 3 dessins d’un arbre. Le premier dessin est celui d’un arbre comme

tu as l’habitude de faire, un arbre normal. Le second dessin est celui d’un arbre joyeux. Il faut qu’on voie sur ton

dessin que l’arbre a l’air joyeux. Le troisième dessin est celui d’un arbre triste. Il faut qu’on voie sur ton dessin

que l’arbre a l’air triste. Voici des crayons, tu peux utiliser les crayons que tu veux pour faire tes dessins. Tu

m’expliqueras ensuite comment tu as fait pour que l’arbre ait l’air joyeux ou triste ». Le temps de dessin n’était

pas limité et l’expérimentateur notait les explications données par chaque enfant une fois l’ensemble des

dessins réalisés. Les enfants marocains dessinaient les 3 arbres en progressant de la droite vers la gauche,

tandis que les enfants français dessinaient en progressant de la gauche vers la droite, conformément à la

directionalité de la langue écrite de chaque culture (voir Figure 1).

3. Résultats

Nos analyses ont porté sur la taille des dessins de l’arbre ainsi que sur les couleurs utilisées (nombre et type).

Nous avons mesuré : a) la taille des dessins d’arbres par la hauteur maximale des arbres dessinés en mm

(racines comprises lorsqu’elles étaient présentes) ; b) le nombre total de couleurs utilisées pour chaque dessin,

en considérant qu’une couleur était utilisée dès lors qu’elle était présente dans l’espace graphique du dessin

(sur l’arbre ou en dehors, pour tracer le contour d’un élément ou colorier une surface) ; et c) la fréquence

d’utilisation des couleurs dont disposaient les enfants pour chaque dessin. En termes d’analyses statistiques,

nous avons réalisé : a) un analyse de covariance (ANCOVA) sur la taille des arbres dessinés avec l’Age en mois

comme variable continue, et le Pays (2 : Maroc, France), le Sexe (2 : masculin, féminin), et le Type de dessin (3 :

normal, joyeux, triste) comme prédicteurs catégoriels1 ; b) une ANCOVA sur le nombre total de couleurs

utilisées avec l’Age en mois comme variable continue, et le Pays (2), le Sexe (2), et le Type de dessin (3) comme

prédicteurs catégoriels2 ; c) des tests du Chi

2 sur les distributions des fréquences d’utilisation des couleurs au

Maroc et en France (ces analyses ont été conduites séparément pour chaque type de dessin). Enfin, nous avons

conduit des analyses des correspondances pour apprécier les associations faites entre les couleurs et les types

de dessin pour chaque pays pris séparément. Un seuil alpha de .05 a été utilisé pour toutes les analyses

statistiques.

1 Une analyse préliminaire incluant l’ordre de production des dessins expressifs (joyeux puis triste ; triste puis joyeux) comme facteur inter-participants n’a pas révélé d’effets significatifs impliquant ce facteur sur la taille des dessins (tous ps > .28). Le facteur Ordre a donc été retiré des analyses suivantes. 2 Une analyse préliminaire incluant l’ordre de production des dessins expressifs (joyeux puis triste ; triste puis joyeux) comme facteur inter-

participants n’a pas révélé d’effets significatifs impliquant ce facteur sur le nombre de couleurs utilisées dans les dessins (tous ps > .12). Le facteur Ordre a donc été retiré des analyses suivantes.

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Figure 1. Exemple de dessins d’arbres produits au Maroc et en France

3.1. Taille des dessins d’arbres

Notre hypothèse indiquait que les enfants marocains comme les enfants français dessineraient plus grands les

arbres joyeux et plus petits les arbres tristes par rapport aux arbres normaux. Les résultats présentés dans le

Tableau 2 montrent que par rapport aux dessins des arbres normaux dont la taille moyenne est de 114.96 mm

(Ecart-type = 24.72), les dessins des arbres joyeux sont légèrement plus grands (M = 118.62 mm, Ecart-type =

26.13) et les dessins des arbres tristes légèrement plus petits (M = 109.40 mm, Ecart-type = 26.12). Toutefois,

les écarts observés ne sont pas statistiquement significatifs, l’ANCOVA ne montrant pas d’effet principal du

facteur Type de dessin sur la taille des arbres, F(2, 246) = .38, p > .68.

Tableau 2. Hauteur moyenne (en mm) des arbres normaux, joyeux et tristes dessinés par les enfants au Maroc et en France

Dessin de l’arbre

Normal Joyeux Triste Total

Maroc

120.05 (24.16)

123.69 (25.21)

121.11 (23.09)

121.61 (24.15)

France 109.88 (25.28) 113.56 (27.05) 97.69 (29.16) 107.04 (27.16) Total 114.96 (24.72) 118.62 (26.13) 109.40 (26.12)

Note : Les écart-types sont entre parenthèses.

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Les résultats du Tableau 2 montrent que les dessins des arbres sont globalement plus grands au Maroc (M =

121.61 mm, Ecart-type = 24.15) qu’en France (M = 107.04 mm, Ecart-type = 27.16). Cette différence est

statistiquement significative, comme l’atteste un effet principal du facteur Pays sur la taille des arbres dessinés,

F(1, 123) = 12.98, p < .001. Les résultats du Tableau 2 montrent également que les différences de taille

observées entre les trois types de dessins sont très minces pour le Maroc, tandis qu’elles sont plus marquées

pour la France. L’ANCOVA révèle un effet d’interaction entre le Type de dessin et le Pays sur la taille des arbres

dessinés, F(2, 246) = 11.10, p < .0001. Des tests post hoc de Tukey montrent qu’au Maroc les tailles des arbres

dessinés ne varient pas significativement selon le type de dessin (tous ps > .61), tandis qu’en France les arbres

joyeux sont dessinés significativement plus grands que les arbres tristes (p < .0001), et les arbres tristes sont

dessinés plus petits que les arbres normaux (p < .0001), mais aucune différence significative n’est observée

entre la taille des arbres joyeux et celle des arbres normaux (p > .59). Une analyse plus détaillée des résultats

montre que 87.50% des enfants français ont produit des dessins de l’arbre joyeux plus grands que ceux de

l’arbre triste, avec un différentiel moyen de + 19.71 mm de hauteur ; 78.12% ont diminué la taille du dessin

normal au dessin triste de l’arbre (différentiel moyen de - 17.98 mm de hauteur) et 60.94% ont augmenté la

taille du dessin normal au dessin joyeux de l’arbre (différentiel moyen de + 12.43 mm de hauteur). Notons que

l’ANCOVA ne révèle pas d’effet significatif de l’âge ou du sexe sur la taille des arbres dessinés (ps > .05).

3.2. Couleur des dessins d’arbres

Notre hypothèse indiquait que les enfants marocains et les enfants français diffèreraient sur l’usage des

couleurs (gris, noir, marron, bleu, vert, violet, rouge, rose, jaune, orange) dans les dessins expressifs de l’arbre.

Nombre de couleurs

Les résultats du Tableau 3A montrent que les enfants marocains ont utilisé davantage de couleurs (M = 3.73,

Ecart-type = 1.26) que les enfants français dans leurs dessins (M = 3.09, Ecart-type = 1.57). Cette différence est

statistiquement significative, comme l’atteste l’effet principal du facteur Pays sur le nombre de couleurs

utilisées, F(1, 123) = 9.53 , p < .01. D’après le Tableau 3, il semble que les enfants aient fait un plus grand usage

des couleurs pour dessiner les arbres joyeux (M = 3.98, Ecart-type = 1.69) que les arbres normaux (M = 3.10,

Ecart-type = 1.10) ou tristes (M = 3.15, Ecart-type = 1.45). Toutefois, l’effet du facteur Type de dessin n’est pas

significatif, F(2, 246) = .36, p > .69. De même il n’y a pas d’effet d’interaction entre le Pays et le Type de dessin,

F(2, 246) = 1.32, p > .26. Enfin, l’ANCOVA ne révèle pas d’effet significatif de l’âge ou du sexe sur le nombre de

couleurs utilisées (ps > .38).

Tableau 3A. Nombre moyen de couleurs (max 10, gris inclus) utilisés dans les dessins d’arbres normaux, joyeux et tristes au Maroc et en

France

Dessin de l’arbre

Normal Joyeux Triste Total

Maroc

3.52 (.99)

4.19 (1.52)

3.50 (1.27)

3.73 (1.26)

France 2.69 (1.21) 3.78 (1.87) 2.81 (1.63) 3.09 (1.57) Total 3.10 (1.10) 3.98 (1.69) 3.15 (1.45)

Note : Les écart-types sont entre parenthèses.

Par précaution, l’analyse a été reconduite en excluant le gris dans la mesure où le gris est surtout utilisé pour

tracer le contour des objets. Lorsque le gris a été exclu de l’analyse, le nombre de couleurs utilisées n’a pas

varié significativement selon le pays, le type de dessin, le sexe ou l’âge (tous ps > .18). Comme le montrent les

résultats du Tableau 3B, les écarts observés entre le Maroc et la France sur le nombre moyen de couleurs

utilisées s’évanouissent lorsque le gris n’est plus considéré dans la gamme des couleurs, suggérant que les

différences observées plus haut étaient liées à un usage plus important du crayon gris chez les enfants

marocains.

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Tableau 3B. Nombre moyen de couleurs (max 9, gris exclus) utilisés dans les dessins d’arbres normaux, joyeux et tristes au Maroc et en

France

Dessin de l’arbre

Normal Joyeux Triste Total

Maroc

2.55 (1.01)

3.20 (1.52)

2.52 (1.26)

2.76 (1.26)

France 2.06 (1.17) 3.17 (1.96) 2.20 (1.64) 2.48 (1.59) Total 2.30 (1.09) 3.18 (1.74) 2.36 (1.45)

Note : Les écart-types sont entre parenthèses.

Type de couleurs

La Figure 2 présente la fréquence d’usage (max 100%) de chaque couleur (gris inclus) au Maroc et en France

dans les dessins normaux, joyeux et tristes de l’arbre. Les résultats montrent que l’arbre normal est dessiné

avec du gris (contour de l’objet), du marron (tronc) et du vert (feuillage), les autres couleurs (noir, bleu, rouge,

violet, jaune et rose) n’ayant pas été utilisées par plus de 20% des enfants. Ceci correspond à un dessin en

couleurs visuellement conventionnel de cet objet (voir les dessins de l’arbre normal en Figure 1). Des

différences apparaissent toutefois entre le Maroc et la France dans l’usage des couleurs pour ce dessin. Un test

du Chi2, avec correction de Yates, révèle que les distributions en fréquence des 10 couleurs (gris inclus) pour ce

dessin normal diffèrent entre les deux pays, Chi2(9) = 19.19, p < .05. Notons que la conclusion reste la même

lorsque le gris est retiré de l’analyse, Chi2(8) = 27.82, p < .001. Les résultats montrent que les enfants marocains

ont utilisé plus souvent le gris (97%) pour tracer le contour de l’objet que les enfants français (63%) ; de plus les

enfants marocains ont parfois employé le violet, l’orange et le rose (11%, 11% et 14%, respectivement) alors

que les enfants français n’ont peu ou pas utilisé ces couleurs dans leur dessin de l’arbre normal (3%, 0% et 0%,

respectivement). Dans les dessins de l’arbre produits par les enfants marocains, le violet, l’orange et le rose

sont principalement utilisés pour représenter le feuillage et le tronc de l’arbre.

Figure 2. Fréquence d’utilisation des 10 couleurs dans les dessins des arbres normaux, joyeux et tristes au Maroc et en France

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Picard, D., Zarhbouch, B., Troadec, B., Suarez, M., & Lebaz, S. (2013). Usage de la taille et des couleurs dans le dessin expressif de l’arbre produit par des enfants marocains et français. Recherches Cognitives, 2, 49-76.

Les couleurs de l’arbre joyeux sont principalement le gris, le marron et le vert, auxquelles s’ajoutent dans 30 à

40% des cas le rouge (fruits, fleurs essentiellement) et le jaune (soleil essentiellement) (voir par exemple le

dessin en Figure 1 de l’arbre joyeux produit par une fille de 8 ans 6 mois au Maroc). A nouveau, des différences

sont notables entre les deux pays ; un test du Chi2 (avec correction de Yates) indique que les distributions en

fréquence des 10 couleurs (gris inclus) pour le dessin de l’arbre joyeux diffèrent entre les deux pays, Chi2(9) =

20.56, p < .05. Notons que la conclusion reste inchangée lorsque le gris est retiré de l’analyse, Chi2(8) = 26.14, p

< .001. Les résultats montrent que l’usage du gris est plus marqué chez les enfants marocains (98%) que les

enfants français (61%), de même que l’usage de la couleur orange (Maroc : 27% ; France : 9%). Par contraste,

l’usage du noir, très peu fréquent chez les enfants marocains (9%), apparaît plus prononcé chez les enfants

français (31%). Dans les dessins joyeux des enfants marocains, l’orange apparait essentiellement pour

accompagner le dessin des fruits ou du feuillage. Chez les enfants français, le noir est parfois utilisé dans le

dessin joyeux pour symboliser les traits faciaux.

Le dessin de l’arbre triste présente les mêmes trois couleurs de base (gris, marron, vert) que celles observées

sur les autres dessins, bien que la fréquence d’usage du vert et du marron soit plus faible pour la version triste

(entre 47 et 70%) que pour les autres versions (entre 78 et 89%). Ainsi, certains dessins de l’arbre triste sont

marqués par la disparition des couleurs prototypiques de l’objet (voir par exemple le dessin en haut à droite de

la Figure 1 de l’arbre triste produit par un garçon de 7 ans 8 mois en France). Un test du Chi2 (avec correction

de Yates) révèle que les distributions en fréquence des 10 couleurs (gris inclus) pour le dessin de l’arbre triste

diffèrent entre les deux pays, Chi2(9) = 20.56, p < .05. Notons que la même conclusion est obtenue lorsque le

gris est retiré de l’analyse, Chi2(8) = 44.91, p < .001. D’une part, les enfants marocains sont plus nombreux à

faire usage du gris (97%) mais aussi du vert (69%) que les enfants français (gris : 61% ; vert : 47%). D’autre part,

le dessin de l’arbre triste se caractérise par la présence des deux couleurs, le noir et bleu, assez largement

utilisées par les enfants français (noir : 30%; bleu : 36%), mais beaucoup moins par les enfants marocains (noir :

9% ; bleu : 19%). Chez les enfants français, le bleu est essentiellement utilisé pour symboliser les larmes ou la

pluie, et le noir est essentiellement observé pour marquer la couleur sombre du ciel (orage par exemple), de

l’arbre lui-même ou des éléments de contexte (fruits secs, feuilles mortes).

Analyse des correspondances couleur/dessin

Afin de mettre en évidence les associations faites au Maroc et en France par les enfants entre couleurs et

dessins, nous avons eu recours à l’analyse des correspondances (Greenacre, 1984). Cette technique est

classiquement utilisée pour positionner des stimuli dans un espace à n dimensions dans lequel la distance qui

sépare deux stimuli entre eux reflète leur degré d’association (plus la distance est faible, plus l’association est

forte ou fréquente). L’analyse a été réalisée séparément pour les données recueillies au Maroc et en France.

Les couleurs dont la fréquence d’usage ne dépassait pas 5% (noir pour le Maroc, rose pour la France) ont été

retirées avant l’analyse afin d’éviter que les résultats ne soient biaisés par des valeurs faibles.

Pour le Maroc, l’analyse des correspondances révèle un espace à deux dimensions : Dimension 1, Chi2 = 19.78,

p < .01 ; inertie = 80.20% ; Dimension 2, Chi2 = 4.88, p < .05, inertie = 19.80%. Pour la France, l’analyse des

correspondances révèle également un espace à deux dimensions : Dimension 1 : Chi2 = 51.81, p < .01 ; inertie =

69.20% ; Dimension 2 : Chi2 = 23.02, p < .01, inertie = 30.80%. Les résultats sont présentés dans la Figure 3 ci-

dessous.

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Figure 3. Associations entre couleurs et dessins des arbres normaux, joyeux et tristes au Maroc (A) et en France (B)

Les résultats en Figure 3 permettent de visualiser les associations faites entre dessins et couleurs dans les deux

pays. Si les deux espaces se ressemblent, l’espace marocain des correspondances couleurs/dessins (Fig. 3A) est

largement plus resserré que l’espace français (Fig. 3B), suggérant une moindre différenciation dans les

associations couleurs/dessins chez les jeunes dessinateurs marocains que chez leurs pairs français. Pour les

deux pays, nous retrouvons la correspondance établie entre l’arbre normal et ses couleurs prototypiques

(marron, vert), ainsi que la proximité des couleurs jaune, rouge, violet et orange à l’arbre joyeux, et celle du

bleu à l’arbre triste. En France, toutefois, les enfants ont eu la particularité d’associer l’arbre triste au noir, ce

que n’ont pas ou peu fait les enfants marocains. De plus, au Maroc, les enfants ont davantage associé la

couleur orange au dessin joyeux, alors que les enfants français ont moins souvent réalisé une telle association.

Si les analyses des correspondances montrent que les espaces sont structurés en deux dimensions au Maroc

comme en France, les dimensions qui structurent ces espaces semblent quelque peu différentes. Pour le Maroc

(voir Fig. 3A), la première dimension oppose les dessins normaux de l’arbre (avec leurs couleurs typiques

marron et vert) aux dessins joyeux (associés aux couleurs rouge, jaune et orange) ; la seconde dimension, plus

mineure, oppose les dessins tristes (associés plus spécifiquement à la couleur bleu) aux autres dessins et

couleurs. Pour la France (voir Fig. 3B), la première dimension oppose les dessins normaux de l’arbre (avec leurs

couleurs typiques marron et vert) aux dessins expressifs (joyeux et tristes, associés à d’autres couleurs que le

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marron et le vert) ; la seconde dimension oppose les dessins expressifs à valence positive (joyeux, associés aux

couleurs jaune, violet, rouge) à ceux à valence négative (triste, associés aux couleurs bleu, et noir). Ainsi,

l’espace français des correspondances dessins/couleurs apparaît structuré 1) sur le type de dessin (habituel vs.

expressif) et 2) sur la valence expressive (positive vs négative), avec des associations assez spécifiques entre

couleurs et types de dessin, laissant se dessiner nettement trois clusters sur l’espace. L’espace marocain, quant

à lui, différencie nettement les dessins normaux des dessins joyeux, mais accorde une position moins

différenciée aux dessins tristes, probablement parce que ces dessins présentent des couleurs partagées avec

les autres types de dessins.

4. Discussion

L’objectif de cette étude était de déterminer dans quelle mesure l’usage de la taille et de la couleur dans le

dessin expressif de l’arbre répondait à des processus psychologiques généraux, ou à des conventions

graphiques culturellement dépendantes. Pour cela, nous avons mené une analyse comparative de dessins

d’arbres normaux, joyeux, et tristes, produits par des enfants de deux cultures différentes : des enfants

marocains et des enfants français, âgés de 7 à 11 ans. Selon nos hypothèses, nous attendions un effet de la

culture d’appartenance de l’enfant sur l’utilisation des couleurs, mais non de la taille, dans le dessin expressif

de l’arbre. En effet, nous pensions que les variations de la taille des objets dessinés pour spécifier leur valence

émotionnelle dépendraient de processus psychologiques (défense/appétence) suffisamment généraux pour

s’avérer transculturels. Par contre, nous pensions que l’utilisation des couleurs pour marquer la joie et surtout

la tristesse dans le dessin de l’arbre serait en partie dépendante de conventions culturelles lorsque l’usage des

couleurs s’avère symbolique.

Nos résultats ne confortent pas l’hypothèse du caractère transculturel de l’usage symbolique de la taille dans le

dessin expressif de l’arbre. Les analyses montrent des différences entre le Maroc et la France dans les

variations de taille des arbres dessinés selon leur type (normal, joyeux, triste). Au Maroc, les enfants ne varient

pas significativement la taille des arbres dessinés en fonction des émotions qui leur sont associées. En France,

par contre, les enfants dessinent les arbres joyeux plus grands que les arbres tristes, et ils dessinent les arbres

tristes plus petits que les arbres normaux. Ainsi, dans notre étude, seuls les enfants français démontrent un

usage symbolique de la taille de l’objet dessiné pour marquer des émotions à valences contrastées

(joie/tristesse), pas les enfants marocains. Ce résultat ne signifie pas pour autant que les enfants marocains

n’introduisent aucune variation de taille dans leurs dessins : en réalité, les écarts à la moyenne observés pour

les deux groupes d’enfants (voir colonne droite du Tableau 2) sont assez similaires en dépit du fait que les

arbres sont dessinés légèrement plus grands (+ 14.57 mm en moyenne) chez les enfants marocains. Ainsi, au

Maroc les enfants opèrent des variations de taille des arbres d’un dessin à l’autre, dont l’ampleur est

comparable à celle observée chez les enfants français, mais ces variations n’apparaissent pas de manière

systématique en réponse à l’émotion associée à l’arbre qui est dessiné.

L’usage symbolique de la taille n’est pas démontré chez les jeunes dessinateurs marocains, tandis qu’il est mis

en évidence chez les jeunes dessinateurs français pour le dessin expressif de l’arbre (confirmant ainsi les

résultats obtenus par Picard & Lebaz, 2010 auprès d’enfants français). Il pourrait être tentant de conclure sur la

base de ces résultats que l’usage symbolique de la taille dans le dessin expressif de l’arbre ne relève pas d’un

processus psychologique général au point d’être partagé par les cultures française et marocaine, et que des

variants culturels existent dans l’usage de cette propriété formelle du dessin. Toutefois, en regard de la logique

expérimentale, l’absence de preuve (d’un usage symbolique de la taille par les enfants marocains) n’est pas la

preuve d’une absence. Ainsi nos résultats ne nous permettent pas, en l’état, d’avancer de conclusion définitive

à cet égard. D’autres recherches seront nécessaires pour examiner l’hypothèse d’un usage transculturel de la

taille dans le dessin expressif de l’arbre. Notre étude ayant concerné une étendue d’âges assez limitée (7-11

ans), il serait intéressant de poursuivre des recherches sur le sujet à des âges différents ainsi que dans des

contextes invitant plus fortement l’enfant à faire un usage symbolique de la taille dans ses dessins. Il se peut

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par exemple que l’usage symbolique de la taille se manifeste à des âges ultérieurs à ceux observés dans notre

étude chez les enfants marocains, ou dans des contextes plus propices à l’usage symbolique de la taille. Il est

important de noter ici que le contexte marocain (familial et scolaire) n’encourage pas l’enfant à dessiner, car

dans les représentations sociales, le dessin relève du jeu, avec la connotation négative associée au « jeu ». A la

maison, comme à l’école, l’essentiel c’est d’apprendre à écrire et selon une écriture uniforme, sans variation de

taille ! Parallèlement, il serait pertinent de joindre une analyse des caractéristiques des représentations

graphiques dans les cultures arabo-musulmanes (pour lesquelles la taille n’est peut-être pas une dimension de

différenciation pertinente).

Pour ce qui concerne maintenant l’usage des couleurs dans le dessin expressif de l’arbre, nos résultats

supportent l’hypothèse selon laquelle il existe certaines spécificités culturelles. Nos analyses montrent des

similitudes frappantes entre les dessins en couleurs produits par les enfants marocains et français, mais

également certaines particularités fonction des cultures d’appartenance dans l’usage des couleurs en

association avec les dessins joyeux et tristes de l’arbre. Le dessin normal de l’arbre est invariablement assorti

de ses couleurs prototypiques, le marron (tronc) et le vert (feuillage). Au Maroc comme en France, le dessin de

l’arbre joyeux est accessoirisé avec des éléments colorés de rouge, jaune et violet (fruits, soleil, fleurs,

animaux…), tandis que l’arbre triste montre des marques plus fréquentes de couleur bleue (larmes de l’arbre,

nuages de pluie…) que les autres types de dessins. A côté de ces associations couleurs/dessins communes aux

deux cultures, des spécificités apparaissent quant à l’usage de la couleur orange en association avec l’arbre

joyeux, plus fréquent chez les enfants marocains que chez les enfants français. Le Maroc est le pays des

oranges et des tomates, deux couleurs qui sont quasi présentes dans l’environnement marocain tout au long

de l’année. A l’inverse, l’usage de la couleur noire en association avec l’arbre triste est caractéristique des

enfants français, mais ne se retrouve pas (ou très peu) chez les enfants marocains. Cette observation est

conforme avec la symbolique de la couleur noire pour les cultures occidentales (le noir pouvant être associé à

l’idée de deuil et de tristesse) (voir Adams & Osgood, 1973 ; Pastoureau, 1992, 2010).

Ces résultats suggèrent qu’il existe des variants et des invariants culturels dans l’usage des couleurs en

association avec le dessin expressif de l’arbre. De notre point de vue, les invariants observés reflètent des

cohérences entre les cultures dans l’usage visuellement conventionnel des couleurs pour signifier les objets

présents dans le dessin (le feuillage est vert, le tronc marron, le soleil jaune, les fruits rouges, les larmes bleues,

etc. ; voir aussi Picard & Lebaz, 2010), l’expressivité étant essentiellement connotée par les éléments contenus

dans le dessin. D’autre part, les variants observés reflètent des disparités entre les cultures dans l’usage

symbolique de couleurs, notamment la couleur noire, qui n’a pas la même signification émotionnelle en

rapport avec la tristesse dans les deux cultures. En résumé, nous suggérons que les variations culturelles

observées dans l’usage des couleurs émergent lorsque les enfants ont fait un usage symbolique de la couleur et

que la symbolique de la couleur varie selon les cultures (cas du noir). Toutefois, ces variations sont mineures

dans la mesure où les enfants ont fait un usage essentiellement visuellement conventionnel des couleurs dans

leurs dessins, les conventions d’attribution des couleurs aux objets représentés dans le dessin étant largement

partagées par les deux cultures.

Notre étude présente une limite méthodologique importante qui concerne la technique utilisée pour mesurer

l’usage des couleurs dans les dessins. En effet, nous avons considéré qu’une couleur était utilisée dès lors

qu’elle était présente, indépendamment de la nature et de la surface du dessin portant la couleur (i.e., qu’il

s’agisse d’un simple tracé de contour ou d’une surface, tous deux de longueur ou taille variable). Notre mesure

est donc grossière, et mériterait d’être affinée pour permettre une appréciation plus fine de la quantité relative

de chaque couleur présente dans un dessin. Pour pallier cette limite, nous pourrions dans une recherche future

avoir recours à une technologie informatique utile pour repérer automatiquement les couleurs présentes dans

une image et quantifier la surface occupée par chaque couleur (par exemple en pixels). La quantité de surface

utilisée par chaque couleur dans un dessin donné est une information intéressante pour l’analyse

psychologique, sous réserve de ne pas tomber dans le piège d’une interprétation simpliste qui consiste à

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considérer que ce qui est fréquent ou en quantité est « psychologiquement » important. Dans certains cas, une

toute petite touche de couleur peut avoir la place centrale dans une image… C’est donc la quantité relative (et

non absolue) de chaque couleur qui est intéressante pour l’analyse.

Enfin, en guise de projets pour des recherches à venir, il serait intéressant de procéder à une analyse du

contenu des dessins normaux et expressifs de l’arbre produits au Maroc et en France. D’une part, le recours

aux techniques d’expression littérale et d’expression métaphorique de contenu pourrait faire l’objet d’analyses

supplémentaires, notamment pour explorer dans quelle mesure les thématiques associées à la joie (ex : arbre

plein de fruits) et à la tristesse (ex : arbre cassé) sont partagées par les deux cultures. Par exemple, nous avons

remarqué que les références à la pluie et au soleil s’inversent parfois entre les deux cultures. Si en France, le

soleil est souvent associé à l’arbre joyeux et la pluie à l’arbre triste, au Maroc, certains enfants justifient que

l’arbre dessiné est triste « à cause du soleil » (garçon, 10 ans), ou parce qu’il « fait chaud et très

ensoleillé » (garçon, 8 ans) ; à l’inverse l’arbre est joyeux parce que « la pluie tombe » (garçon, 8 ans). D’autre

part, une observation du corpus de dessins récoltés dans cette étude laisse apparaître des similarités assez

surprenantes en termes de types d’arbres dessinés : les enfants marocains comme les enfants français ont

majoritairement dessiné des « pommiers » (!), ou du moins ce qu’un adulte observateur du dessin pourrait

considérer comme une représentation graphique conventionnelle de ce type d’arbre. Si la pomme est un fruit

noble au Maroc, il n’y a pas beaucoup de pommiers au Maroc (sauf dans les zones froides et montagneuses),

tandis que les orangers sont nombreux. Notons que ce constat est aussi valable à Tahiti, où il n’existe pas de

pommiers sur l’île et où l’arbre le plus courant, le cocotier, n’est jamais dessiné comme prototype d’arbre

(Troadec, observation personnelle). Ces différentes observations nous amènent à poser la question de

l’existence et du caractère transculturel des prototypes graphiques pour l’arbre, objet qui prend des formes

diverses et variées en fonction des zones géographiques de la planète. Des recherches en ce sens sont

actuellement envisagées.

5. Remerciements

Pour leur participation active au recueil des dessins marocains, les auteurs remercient Hayat Benmouloud,

Wafae Ahbali, Abderrahim Ettayby, Abdelhay Demnati, Fatima Ech-chaffani, Hakima El Ourdi, Loubna Alame,

Souhaila Kermou, Loubna Abejja, étudiant(e)s à la Faculté de Lettres et Sciences Humaines Dhar el Mahraz de

l’Université de Fès. Le recueil et l’analyse des dessins français a été financé par la Fondation de France

(financement dans le cadre de l’appel à projet « développement cognitif et émotionnel de l’enfant », obtenu

par le premier auteur).

6. Références

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