Urgence psychiatrique Encyclopédie Médico-Chirurgicale · PDF fileUrgence...

12

Click here to load reader

Transcript of Urgence psychiatrique Encyclopédie Médico-Chirurgicale · PDF fileUrgence...

Page 1: Urgence psychiatrique Encyclopédie Médico-Chirurgicale · PDF fileUrgence psychiatrique C. Boiteux M. Clostre C. Querel T. Gallarda Résumé. – L’intérêt, la réflexion et

Urgence psychiatriqueC. BoiteuxM. ClostreC. QuerelT. Gallarda

Résumé. – L’intérêt, la réflexion et le développement des urgences psychiatriques coïncident avec lamodification des différentes politiques de santé en matière d’hospitalisation psychiatrique classique, et avecl’essor des urgences médicochirurgicales. Du fait de cette évolution et de l’augmentation des demandes desoins en urgence, les psychiatres ont dû définir le concept d’urgence psychiatrique et, par extension, leconcept de crise. L’urgence psychiatrique comporte ainsi un aspect d’urgence des pathologies psychiatriquesavérées, et un aspect de crise sans pathologie psychiatrique d’emblée repérable. Les modalités d’accueil et lesdispositifs nécessaires à cet accueil se sont développés en lien avec cette conceptualisation. Les particularitésde prise en charge, les situations cliniques et les traitements sont définis précisément et font l’objet pourcertains de conférences de consensus, notamment la crise suicidaire, qui est au centre des demandes de soinspsychiatriques en urgence tant par le nombre que par le risque de récidive et le risque vital encourus.© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Urgence psychiatrique ; Situations de crise ; Dispositif d’accueil de l’urgence psychiatrique

Introduction

L’urgence psychiatrique n’a longtemps été représentée que parl’hospitalisation du patient, sous contrainte, à l’hôpitalpsychiatrique, se résumant à un aspect médicolégal de l’histoire dela maladie du patient [28]. L’évolution des soins psychiatriques tantsur le plan de la chimiothérapie que sur le plan des dispositifs deprise en charge, et l’évolution de la politique en santé mentale, ontmodifié cet abord. Dans le même temps, la demande de soinspsychiatriques en urgence n’a fait que s’accroître. Ces deuxmouvements conjoints ont obligé les psychiatres à définir l’urgencepsychiatrique et à se préoccuper de sa prise en charge [4, 8, 18].L’organisation de l’urgence psychiatrique repose sur la mise en placede différents dispositifs d’accueil et sur une prise en chargespécifique. Les grands cadres cliniques de cette pratique sont repéréset peuvent donc être déclinés ainsi que les particularités de leurssoins, certains font l’objet de conférences de consensus.

Définition de l’urgence psychiatrique

La psychiatrie s’illustre comme un domaine médical à part, en cequi concerne l’idée d’urgence. En effet, comme le souligne DeClercq, l’urgence psychiatrique ne se résume pas aux seulesurgences de la psychiatrie, à savoir les moments de décompensationde maladies psychiatriques repérées comme telles [13]. Depuis laproposition de la Commission des maladies mentales en 1991, lacommunauté psychiatrique définit l’urgence psychiatrique commeune demande dont la réponse ne peut être différée. Il y a urgence à

partir du moment où quelqu’un se pose la question, qu’il s’agissedu patient, de l’entourage ou du médecin : elle nécessite une réponserapide et adéquate de l’équipe soignante, afin d’atténuer le caractèreaigu de la souffrance psychiatrique [19, 36].L’urgence psychiatrique se répartit ainsi en deux groupes :

– les urgences psychiatriques pures ou vraies [11] ou la psychiatrieen urgence [13]. Nous retrouvons dans ce cadre les caractéristiquesde toute urgence de spécialité médicale ;

– les urgences psychiatriques dans lesquelles le symptôme estd’apparence psychiatrique et la situation définie comme une crise àlaquelle le psychiatre va devoir répondre. Le concept de crise [11]

apparaît là comme le second volet de l’abord des urgencespsychiatriques. Le cadre de l’urgence de spécialité est ici dépassé.L’urgence, nécessitant une prise en charge mixte, psychiatrique etmédicale ou chirurgicale, nécessite un dispositif d’urgencepluridisciplinaire, mais elle s’analyse d’un point de vuepsychiatrique comme entrant dans l’un des deux cadresprécédemment cités.

PSYCHIATRIE EN URGENCE

Les urgences psychiatriques vraies ou psychiatrie en urgence sontestimées à 30 % de l’ensemble des demandes de soins psychiatriquesen urgence [13 , 15 ] . La psychiatrie en urgence désigne lesdécompensations de pathologies psychiatriques telles que lespsychoses, les troubles de l’humeur, les troubles de la personnalitéet les perversions [29].Lorsqu’une pathologie psychiatrique a déjà été diagnostiquéeauparavant, les antécédents du patient sont retrouvés soitdirectement auprès du patient, soit auprès de son entourage, deséquipes des urgences ou des équipes psychiatriques. Cesantécédents et les symptômes d’entrée dans la phase d’acuitémettent le clinicien sur la voie du diagnostic d’épisode aigu d’unepathologie psychiatrique. Il faut alors tenir compte du processus desoins dans lequel le patient est engagé ou en rupture, afin demaintenir ou rétablir une continuité et une cohérence assurant parlà même une réponse adéquate dans le cadre du dispositifd’urgence.

C. Boiteux (Psychiatre, praticien hospitalier, coordonnateur pour le secteur 75G16 du SAU)Adresse e-mail: [email protected] hospitalier Sainte Anne, service du Dr Gorog, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, France.M. Clostre (Psychiatre, assistant spécialiste)Centre hospitalier Sainte Anne, service du Dr Gorog, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, France.Service des professeurs Loo et Olie, centre hospitalier Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, France.C. Querel (Psychiatre, assistant spécialiste)Centre hospitalier Sainte Anne, service du Dr Gorog, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, France.T. Gallarda (Psychiatre, praticien hospitalier)Service des professeurs Loo et Olie, centre hospitalier Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, France.

Ency

clop

édie

Méd

ico-

Chi

rurg

ical

e3

7-6

78

-A-1

0(2

00

4) 37-678-A-10

Page 2: Urgence psychiatrique Encyclopédie Médico-Chirurgicale · PDF fileUrgence psychiatrique C. Boiteux M. Clostre C. Querel T. Gallarda Résumé. – L’intérêt, la réflexion et

S’il s’agit de la première décompensation d’une pathologiepsychiatrique, le clinicien explore les antécédents familiaux,l’anamnèse du trouble présenté, et recherche les éléments cliniquesen faveur d’une pathologie psychiatrique. Il doit alors orienter lepatient mais aussi son entourage dans le dispositif de soinspsychiatriques en place, et ce en fonction de la clinique et deséléments de gravité de l’épisode aigu.

Par ailleurs, sont retrouvées dans ce cadre certaines urgences mixtescomme la confusion mentale, affection somatique à masquepsychiatrique, la tentative de suicide du patient mélancoliquenécessitant une prise en charge médicale et psychiatrique, etc.

Enfin, il est important de souligner l’aspect parfois calme de cesurgences, engageant le plus souvent le pronostic vital du patient auregard d’autres urgences psychiatriques renvoyant à des situationsde crise plus bruyantes. Il s’agit de ne pas méconnaître ces situationset de les orienter le plus adéquatement possible dans le dispositif desoins psychiatriques en place.

URGENCES PSYCHIATRIQUES,LES SITUATIONS DE CRISE

L’urgence ressentie, l’urgence subjective, représente 70 % des casd’intervention psychiatrique en urgence [13, 15]. Il ne s’agit plus oupas encore de maladies psychiatriques diagnostiquées et évolutives.Cette particularité de l’urgence psychiatrique au sein de la disciplinemédicale est à l’origine du développement du concept de crise. Lepsychiatre est, dans ce cadre, confronté à une situation cliniquemarquée par l’instabilité [11], et il ne peut que très difficilement porterun diagnostic sûr et définitif. Cette situation de crise répond auxcritères suivants [13] :

– demande urgente et pressante ;

– demande adressée à des personnes ou structures identifiéescomme étant à même d’y répondre : médecins, thérapeutes,travailleurs sociaux, structures d’aide psychologique ou sociale, etc. ;

– demande portant sur des besoins psychiatriques, psychologiquesou sociaux ;

– demande pouvant être exprimée directement par le sujet maisaussi par la famille, l’entourage, le médecin, le travailleur social oules services de police ;

– demande exigeant une réponse immédiate de la part de celui àqui la demande s’adresse.

À cette définition des urgences psychiatriques, se surajoutentquelques particularités symptomatiques. Le symptôme dont va seplaindre le sujet est le plus souvent somatique, cette plainte va êtreconsidérée comme fonctionnelle par les urgentistes médecins ouchirurgiens, et correspondre dans plus de 80 % des cas à un réelproblème d’urgence psychiatrique [16]. L’expression symptomatiqueest caractérisée par le paroxysme, l’excès, l’explosion, elle se situedans le champ de l’acte et non du dire. Elle est bruyante etmobilisatrice tant pour les familles que pour les relais sociaux oumédicaux traditionnels : police, pompiers, SAMU, etc. Ce caractèredramatique et explosif ne tolère pas une réponse différée etdemande le plus souvent une mobilisation de la famille dans latentative de réponse.

À l’émergence de ces urgences psychiatriques nombreuses sont liésdes facteurs favorisants qui ont pour point commun l’évolutionsociale récente et actuelle : la fragilité des cellules familiales, ladéliquescence des liens sociaux, l’intolérance à la différence,l’absence d’interlocuteur médical investi de confiance [14],l’augmentation de la violence et la précarité [11]. La politique de santémentale évolue conjointement à cette évolution sociale : la fermeturede lits dans les services de psychiatrie de secteur peut être à l’originede tension pour certains malades mentaux, et l’encombrement desstructures de consultations entrave ces unités dans la mise en placed’un accueil de l’urgence. La réponse à ces urgences psychiatriquesest un enjeu pour les protagonistes de la santé mentaled’aujourd’hui.

Organisation spécifiquede l’urgence psychiatrique

DISPOSITIFS D’ACCUEIL DE L’URGENCEPSYCHIATRIQUE

En considérant l’urgence psychiatrique définie par les deux axesprésentés précédemment, il est aisé de saisir que les acteurs amenésà intervenir sur le terrain de cette urgence particulière sontmultiples. Il s’agit de professionnels ou structures spécialisées, maisaussi de professionnels ou structures non psychiatriques.

¶ Médecins généralistes

Qu’il soit médecin de famille ou de proximité, le médecin généralistepeut être le premier interlocuteur médical interpellé ou intervenantdans le déroulement de l’urgence psychiatrique. Tout d’abord, lessymptômes psychiques et les troubles psychiatriques représententune part importante de la consultation de médecine générale. Uneétude réalisée à Paris [24] a relevé que 11 % des patients consultanten médecine générale ont une plainte portant sur un problèmepsychologique. Toujours dans cette même étude, parmi les patientsconsultant en médecine générale et ayant pu faire l’objet d’unentretien psychiatrique à visée diagnostique, 30 % présentaient destroubles psychiatriques : une dépression (13,7 %), un trouble anxieux(12 %), une neurasthénie (9 %), un alcoolisme grave ou unedépendance alcoolique (10 %). Ces chiffres reflètent combien lemédecin généraliste est pris dans le dispositif de soinspsychiatriques. Il est un relais qui permet d’adresser le patient auxmédecins spécialistes dans le cadre de l’urgence psychiatrique, quecela soit vers l’hôpital général ou vers le dispositif spécifiquepsychiatrique [5].En médecine générale, l’urgence psychiatrique présente le plussouvent les caractéristiques de la situation de crise. L’enjeu est doncd’inscrire les médecins généralistes dans le dispositif spécialiséspécifique de cette urgence particulière, afin de rompre leurisolement et de permettre une évaluation précise et psychiatriquede la situation qui ne renvoie pas toujours à une nécessitéd’hospitalisation en unité psychiatrique [13]. Pour répondre à cetenjeu, il est nécessaire de réfléchir en termes de réseau de soins etde rendre celui-ci lisible par tous et facile d’accès.

¶ SAMU

L’intervention des Services d’aide médicale urgente (SAMU) dans lechamp de l’urgence psychiatrique est avant tout centrée sur la priseen charge des urgences de la psychiatrie évidentes telles que latentative de suicide, le délire aigu [13], mais elle se cantonne de moinsen moins à cet axe de l’urgence psychiatrique. En effet, ces servicessont repérés par la population comme étant un accès rapide, efficaceet sûr à des soins médicaux. Ils représentent l’interlocuteur ultimereconnu comme le plus à même de répondre à la demande au moinssur le plan de l’orientation dans le système de soins qui demeurecomplexe [7]. Au-delà de l’organisation de la prise en chargemédicopsychologique des catastrophes ou événements à fortretentissement psychologique, les équipes de SAMU développentdes réponses spécialisées face à l’augmentation des appels enrapport avec l’urgence psychiatrique. Elles ont recours auxpsychiatres de l’unité de prise en charge médicopsychologique descatastrophes : ces derniers, intervenant dans un réseau mêlanthôpital général et psychiatrique, régulent ces appels et permettentune première réponse sous forme d’orientation. Là encore apparaîtla nécessité d’une réflexion sur l’organisation en réseau dans laquelleles SAMU doivent s’inscrire afin de faciliter la réponse etl’orientation de l’urgence psychiatrique.

¶ Hôpitaux généraux

L’urgence médicochirurgicale s’est développée en relation avec lacroissance économique et la demande pressante de soins immédiatsinduite par les progrès techniques de la médecine [28]. Sa pratique

37-678-A-10 Urgence psychiatrique Psychiatrie

2

Page 3: Urgence psychiatrique Encyclopédie Médico-Chirurgicale · PDF fileUrgence psychiatrique C. Boiteux M. Clostre C. Querel T. Gallarda Résumé. – L’intérêt, la réflexion et

est donc repérée comme une offre de soins immédiate, efficace etcapable d’arrêter rapidement tout processus renvoyant à lasouffrance et à l’insupportable. Cette idée de soulagement rapide dela souffrance, l’accessibilité de ces services et la précarité sociale oudes liens sociaux font du service des urgences de l’hôpital généralun lieu de soins de plus en plus visité. Pour exemple, en 1998, enFrance, neuf millions de personnes ont consulté dans un serviced’urgence, soit une personne sur sept [35] ; 10 à 30 % de cesconsultations nécessitaient un abord psychiatrique [36].

De ce fait, il a été nécessaire de mettre en place une véritableorganisation hiérarchisée des urgences générales, organisation ausein de laquelle la prise en charge de l’urgence psychiatrique estreconnue comme un élément indispensable [20]. Le décret du 9 mai1995 définit l’organisation du plateau technique et les moyens enpersonnels médicaux et paramédicaux des services accueillant touteurgence à l’hôpital général. La présence d’un dispositif psychiatriquese décline de la manière suivante [23] :

– pour les services d’accueil et de traitement de l’urgence ou SAU,la présence d’un psychiatre est requise 24 heures sur 24, ainsi quecelle d’un infirmier ayant acquis une expérience professionnelle dansun service de psychiatrie ;

– pour les autres structures comme les unités de proximité d’accueil,de traitement et d’orientation des urgences ou UP, l’équipe médicaledoit pouvoir faire venir un psychiatre à tout moment. La présenced’un infirmier psychiatrique ayant acquis une expérience dans unservice psychiatrique est là encore nécessaire.

Les hôpitaux généraux accueillant un SAU ou une UP doivent êtreliés par une convention avec les hôpitaux de secteur psychiatriqueconcernés par la population accueillie aux urgences. Cetteconvention a pour objectif de définir les modalités d’intervention etd’articulation entre l’accueil de l’urgence psychiatrique à l’hôpitalgénéral et la psychiatrie de secteur.

Deux types de structure prenant en charge l’urgence psychiatrique àl’hôpital général se sont développées dans ce cadre :

– l’unité d’accueil des urgences psychiatriques située à proximitédes urgences médicochirurgicales, mais sans y être implantée tanten ce qui concerne l’unité de lieu qu’en ce qui concerne l’unitéadministrative. Cette unité fonctionne comme une unité d’urgencepsychiatrique autonome 24 heures sur 24 avec une équipe médicaleet paramédicale complète. Le recours aux médecins somaticiens estfacilité par sa localisation ;

– l’unité fonctionnelle psychiatrique intégrée au service desurgences médicochirurgicales tant au niveau du lieu que de l’unitéadministrative. Un psychiatre senior et un infirmier accueillent etassurent la prise en charge de l’urgence psychiatrique en très étroitecollaboration avec l’équipe médicochirurgicale.

Le partenariat entre urgentistes somaticiens et psychiatres permetau dépistage de cette urgence de s’effectuer sans encombre : suite àune orientation vers l’équipe psychiatrique par le médecinsomaticien, peu de patients sont identifiés comme « sanscaractéristique d’urgence psychiatrique » ou sans diagnostic, et peune sont pas orientés dans le système de soins en aval de l’urgencepsychiatrique [35]. Le recours à l’équipe psychiatrique correspond, parordre de fréquence décroissante, à une évaluation des troublessuivants : conduites suicidaires, états anxieux, idées dépressives,idées délirantes et états d’agitation [23].

Certaines de ces unités disposent, au sein même de l’hôpital général,d’unité d’hospitalisation de courte durée pouvant être individualiséecomme telle ou mêlée au service d’hospitalisation courte dit serviceporte médicochirurgical. Ces unités permettent une évaluation àdistance de la crise et une adaptation plus précise de l’orientationdu patient dans le réseau de soins psychiatriques. Dans ce cadre, ilest observé que près d’un quart des patients est orienté vers desunités d’hospitalisation spécialisée, alors que plus de la moitié décritune amélioration de son état psychique et psychiatrique au cours decette hospitalisation brève [23], amélioration qui permet uneorientation sur une structure de soins psychiatriques ambulatoires.

Ce dispositif d’accueil des urgences à l’hôpital général apparaîtcomme très précieux dans l’arsenal des soins psychiatriques.Cependant, son exercice nécessite des liens forts entre équipes,qu’elles soient médicochirurgicales ou psychiatriques. La questiondu temps nécessaire au traitement de cette urgence particulière estsouvent soulevée par les urgentistes somaticiens : celui de l’urgencepsychiatrique s’avère plus long que celui d’une urgencemédicochirurgicale, ce qui pose un problème de codificationquantitative mais aussi qualitative des soins psychiatriques enurgence. Enfin, le champ d’intervention du psychiatre s’avère trèsvaste aux urgences de l’hôpital général, puisqu’il faut faire face àdes situations moins psychiatriques que dues aux orientations de lasociété actuelle comme la médicalisation et surtout lapsychiatrisation de l’urgence sociale [6].

¶ Structures spécialisées en psychiatrie publique

Il s’agit souvent d’un second circuit de l’urgence psychiatriquearticulé aux circuits précédemment décrits selon les réseaux oupartenariats formels ou informels existant localement. Il s’agit de laréponse mise en place par les équipes de l’hôpital psychiatriqueproprement dit, les équipes de secteur psychiatrique.

Équipes psychiatriques mobiles

La création de telles équipes dans quelques pays européens,notamment en France, est le résultat d’une réflexion portéeconjointement sur l’urgence psychiatrique et les solutionsd’alternative à l’hospitalisation, sans idée de se substituer àl’hospitalisation classique qui doit garder sa place quand l’indicationest clairement posée. En France, un service mobile d’urgencepsychiatrique accessible 24 heures sur 24 a vu le jour en 1994, aprèsune longue réflexion et élaboration en réponse avant tout auxdifficultés rencontrées face à l’institutionnalisation et à la nécessitépolitique de mise en place d’autres systèmes de soins [21]. Il s’agit del’équipe rapide d’intervention de crise dite ERIC. Cette unitéintervient sur un large bassin de population, soit 300 000 habitants.Son organisation est très précisément définie [21, 31]. L’accès au serviceest réservé aux professionnels et les appels du public sont réguléspar le SAMU. Ainsi, le système est associé à un réseau primaire desoins, il peut filtrer les urgences somatiques nécessitant un transfertà l’hôpital général, ainsi que les demandes purement sociales ourelevant de l’ordre public. L’équipe est composée de psychiatres,d’un psychologue, d’infirmiers et d’un cadre infirmier et enfin d’unesecrétaire. Les interventions sont effectuées par un binôme :psychiatre et infirmier ou psychiatre et psychologue. Suite à unappel signalant une urgence psychiatrique, le principe d’ERIC estde proposer soit une intervention de son équipe au domicile du sujetconcerné en présence de sa famille ou de ses proches, soit uneconsultation en urgence dans les locaux de l’unité mobile, entretienauquel sont conviés le sujet, sa famille ou ses proches. L’approchedu trouble ou de la crise se fait selon une orientation systémique. Àl’issue de ce premier contact, une prise en charge est proposée [21] aupatient et à son entourage :

– 35 % des patients sont hospitalisés dont 10 % en hospitalisationlibrement consentie, 7 % en hospitalisation sous contrainte et 18 %en lit porte pour 48 heures d’observation et de soins ;

– 59 % restent au domicile et bénéficient de soins de posturgencedans 76 % des cas, ces soins étant assurés par l’équipe ERIC elle-même pour une durée moyenne de 14 jours, mais pouvant s’étendreà 1 mois. Au décours, un suivi psychiatrique en service public ou enlibéral peut être organisé ;

– 3 % rejettent l’intervention proposée.Cette expérience originale montre la pertinence de la prise en chargede l’urgence psychiatrique intégrée à un réseau de soins : l’accès auxsoins est facilité, le traitement ambulatoire est rendu possible parune organisation d’aval coordonnée à l’équipe d’urgence, etl’impasse n’est pas faite sur la dimension d’hospitalisation si celle-cirelève d’une indication définie au préalable d’un point de vuepsychiatrique mais aussi définie avec le patient et son entourage.

Psychiatrie Urgence psychiatrique 37-678-A-10

3

Page 4: Urgence psychiatrique Encyclopédie Médico-Chirurgicale · PDF fileUrgence psychiatrique C. Boiteux M. Clostre C. Querel T. Gallarda Résumé. – L’intérêt, la réflexion et

L’équipe ERIC est une des voies dans laquelle les équipespsychiatriques peuvent s’engager pour répondre aux exigencesconjointes et pressantes de prises en charge de l’urgencepsychiatrique et de la désinstitutionnalisation.Il existe aussi des tours de garde organisés par des psychiatreslibéraux se déplaçant à domicile. L’appel du patient ou de sonentourage est réceptionné, fait l’objet d’une régulation, puis unpsychiatre se rend à domicile, sur les lieux mêmes de la crise. Cedispositif s’articule nécessairement avec les structures prenant encharge l’urgence psychiatrique, mais aussi les structures classiquesde soin spécialisé.

Centres d’accueil et de crise

Ici encore, la création de ces centres est le résultat de la réflexion deséquipes de psychiatrie face à la nécessité éthique et la pressionpolitique et sociale de désinstitutionnalisation. Leur mise en place aété motivée avant tout par le projet d’une réponse plus efficace etdynamique à la demande d’hospitalisation [1]. Le domained’application de tels centres est l’intervention de crise, ils ont unefonction d’alternative à l’hospitalisation : les objectifs de prévention,d’accueil, d’intervention en urgence et de traitement intensif, horshospitalisation traditionnelle, sont liés, de par ce dispositif, à lacontinuité des soins nécessaire au patient et à son entourage et à lamission de psychiatrie publique. Une équipe à Genève a ainsi misen place une expérience novatrice [2] sous la direction d’Andréoli. Ils’agissait de créer une structure véritablement alternative àl’hospitalisation, alliant thérapeutiques psychiatriques de typerésidentiel ou occupationnel. Le dispositif de prise en charge de lacrise se nomme Centre de thérapie brève ou CTB, et regroupe desprofessionnels de santé formés à la prise en charge de la crise :psychiatres, psychanalystes et infirmiers psychiatriques. Cetteéquipe se veut disponible et mobile. Elle s’est dotée de locaux dontl’infrastructure est souple : une pièce peut être bureau d’entretien,chambre ou lieu de traitement spécialisé selon le moment et lebesoin de l’équipe. Le CTB a pour objectif de prendre en charge lespatients sollicitant massivement les équipes de soins, selon desmodalités cliniques aussi bien médicales que sociales oupsychothérapeutiques. La prise en charge proposée est doncpolyvalente, elle est singulière à chaque patient, ses buts sont établisprécisément et font l’objet d’une réflexion menée par l’ensemble desintervenants du CTB. Elle se limite à 2 mois et nécessite unearticulation avec les soins psychiatriques d’aval.Des centres d’accueil et de crise ont vu le jour à la suite de cetteexpérience d’Andréoli et de son équipe, que ce soit au Canada, enFrance ou en Suisse. La plupart n’ont pas opté pour une solution desoins de crise en ambulatoire quasi exclusifs, et ont choisi l’optiondu centre de crise avec hébergement pour une durée limitée. Dansle cadre d’un fonctionnement 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et d’unaccès facilité par une implantation hors les murs de l’hôpitalpsychiatrique, les centres d’accueil et de crise interviennent doncidéalement dans le dispositif de l’urgence. Ils peuvent l’accueillir,l’évaluer sans trop de contraintes de temps, porter un diagnostic dela situation ou du trouble en cause, mettre en place une stratégiethérapeutique qui peut comprendre une hospitalisation brève surplace avec un relais ultérieur sur d’autres structures. Ils permettentd’éviter de multiplier les hospitalisations classiques, représentantune des structures alternatives à l’hospitalisation.Il est là encore important de noter l’indispensable inscription d’unetelle unité dans le réseau des soins de l’urgence psychiatrique. Eneffet, pour être une réponse à l’urgence, ces centres se doivent de nepas être centrés sur leur fonctionnement propre et de s’inscrire dansle projet général de politique des soins.

Unités d’accueil et d’orientation

Ces unités répondent à une demande de soins s’inscrivant dans lecircuit psychiatrique spécifique. Il s’agit d’unités de filtragesecondaire de l’urgence psychiatrique situées dans l’enceinte deshôpitaux psychiatriques ; néanmoins tous n’en sont pas dotés. Lespatients reçus dans ces unités sont souvent déjà connus des équipes

spécialisées. Ces sujets ou leurs familles connaissent l’organisationde l’accueil de l’urgence psychiatrique et s’adressent directement àla structure pouvant répondre au plus vite à leur demande, souventdemande d’hospitalisation. Ces unités reçoivent aussi les patientsadressés par d’autres acteurs de santé qui, connaissant lesantécédents de prise en charge du sujet, s’adressent alors à lastructure identifiée comme pouvant répondre spécifiquement àl’urgence présentée.Il existe deux structures spécifiques à Paris [23] : le Centrepsychiatrique d’orientation et d’accueil ou CPOA et l’Infirmeriepsychiatrique de la Préfecture de Police de Paris ou IPPP. Le CPOAest une unité située au sein du centre hospitalier Sainte-Anneassurant les missions d’accueil, d’examen psychiatrique etd’orientation. Le fonctionnement de cette unité permet pour toutpatient l’accès à une structure de soins spécialisés, en favorisant ladynamique de continuité des soins quand ceux-ci existent ou ontexisté antérieurement mais sont l’objet d’une rupture. Le CPOAcentralise de nombreuses informations concernant les soins despatients reçus, et les met à disposition des différentes structuresparisiennes de soins psychiatriques grâce à une permanencetéléphonique. Il assure par ailleurs des fonctions d’unitéd’hospitalisation brève pour adolescents et jeunes adultes. L’IPPPest un service interne à la Préfecture de Police spécifique à Paris etson fonctionnement répond aux articles de loi statuant surl’hospitalisation sous contrainte en cas de mise en danger d’autruiou de l’ordre public. Cette structure possède 22 lits d’hospitalisationbrève puisqu’elle ne peut excéder 48 heures. Les sujets sont amenéspar la police, l’admission est demandée par le commissaire aprèsavis médical dans des situations de troubles du comportementmettant en danger le sujet et autrui, ou dans des situationsmédicolégales. Les patients sont alors mis en observation avantd’être orientés à 40 % en hospitalisation d’office, à 17 % enhospitalisation à la demande d’un tiers et à 40 % en hospitalisationlibre ou sortie définitive.L’urgence psychiatrique reconnue comme une réelle entité estcomplexe dans son expression et les intervenants sollicités par ellesont nombreux et proposent de ce fait de multiples réponses. Cesdispositifs variés sont précieux quant à la qualité des réponses quipeuvent être données, mais cette qualité n’existe et est optimiséeuniquement lorsque chaque dispositif est intégré au système global,que des liens, des associations, des partenariats se créent et sontopérationnels entre les différents acteurs de cette urgencepsychiatrique formant un réseau de soins opérationnel.

PRISE EN CHARGE DE L’URGENCE PSYCHIATRIQUE

La prise en charge de l’urgence psychiatrique ne se limite pas à unesimple consultation aboutissant à un diagnostic approximatif et àune orientation en consultation ou en hospitalisation du patient [13].Si tel est le cas, la prise en charge de l’urgence risque de recourirplus que nécessaire à l’hospitalisation ou d’adresser en consultationsans résultat dans 90 % des cas, le concept d’urgence psychiatriquen’est pas respecté, la prise en charge est désarticulée du dispositifde soins en place, inopérante.

¶ Préparation de l’entretien psychiatrique

Il s’agit de collecter le maximum d’informations concernant lepatient et son arrivée en urgence. C’est un temps nécessaire à lacompréhension de l’urgence qui fait participer différents acteursquand ils sont représentés : médecin adresseur, famille ou prochesaccompagnant le patient, équipe médicale des urgences, équipepsychiatrique, équipe infirmière, travailleurs sociaux et patient. Cerecueil d’informations permet de saisir qui est à l’origine de lademande de soins en urgence, quel est le symptôme ou la situationd’appel, quels sont les résultats de l’examen du médecin adresseurou du somaticien des urgences, quelles sont les premièresobservations de l’équipe infirmière concernant le patient et sonentourage. Il permet de préciser auprès d’une équipe psychiatrique,si elle est en place, quels sont les antécédents du patient ainsi que ledispositif de soins en cours ou non.

37-678-A-10 Urgence psychiatrique Psychiatrie

4

Page 5: Urgence psychiatrique Encyclopédie Médico-Chirurgicale · PDF fileUrgence psychiatrique C. Boiteux M. Clostre C. Querel T. Gallarda Résumé. – L’intérêt, la réflexion et

¶ Analyse de la demande

Dans le cadre particulier de l’urgence psychiatrique, il s’avèreimportant de s’intéresser à quatre axes ne relevant pas uniquementdu symptôme et du diagnostic du trouble éventuel [37]. Ces axescorrespondent à l’analyse de la demande formulée par le patient etson entourage. Ainsi, devront être explorés le choix du lieu deconsultation en urgence, les protagonistes de cette urgence, lesymptôme présenté et son sens pour les protagonistes, enfin,l’arrivée dans la structure prenant en charge l’urgence.

¶ Résultat de l’entretien psychiatrique

L’examen psychiatrique, qui va demander un temps de résolutionimportant et qui va impliquer de nombreux protagonistes,permet [34] :

– une évaluation clinique et une ébauche diagnostique ;

– une prise de décision thérapeutique et une orientation dans ledispositif de soins psychiatriques d’aval ;

– une dédramatisation de la situation.L’entretien est thérapeutique puisque le patient peut exprimer sesaffects, dire sa demande et être ainsi apaisé de l’angoisse. L’examenpsychiatrique, ce contact en urgence, joue un rôle prépondérant dansl’investissement des soins proposés ultérieurement.

¶ Intervention de crise

Certaines équipes, fortes de leur expérience de l’urgencepsychiatrique, ont mis en place un dispositif permettantl’intervention de crise à partir du constat suivant [15] : la majorité dessituations de crise ne peuvent pas être abordées en un seul entretienet l’envoi en consultation aboutit dans seulement 10 % des cas.Ces équipes assurent une série d’entretiens sur les lieux mêmes dela première consultation d’urgence. Il s’agit de la phase d’interactionde crise [2]. Les interventions définies dans ce cadre sont lessuivantes :

– le premier entretien regroupant le patient et sa famille, lepsychiatre et le médecin somaticien précise la demande et lasituation du patient et de sa famille à l’égard de l’entretienpsychiatrique ;

– un à plusieurs entretiens individuels avec le patient ;

– un à plusieurs entretiens avec la famille ou l’entourage ;

– un hébergement de 24 à 48 heures maximum en lit de crise pourle patient ;

– une prescription d’un traitement psychotrope ayant pour butl’apaisement des troubles comportementaux, de l’angoisse et destroubles du sommeil.Il s’agit de créer une alliance entre l’équipe psychiatrique, le patientet sa famille, et de permettre au patient et à son entourage des’investir comme sujets de leur histoire, capables de choix dont celuide poursuivre le travail engagé lors de la crise sous d’autres formeset dans d’autres lieux. L’intervention de crise s’effectue sur quelquesjours à 6 semaines. L’articulation est nécessaire avec les structuresde soins situées en amont et en aval de l’urgence psychiatrique.

¶ Hospitalisation

Les troubles relevant de la psychiatrie en urgence peuvent nécessiterune hospitalisation en milieu spécialisé. La décision doit être rapidedevant la dangerosité du tableau clinique pour la santé du patient.L’intervention de crise n’est pas indiquée dans ce cas. Ces troublespeuvent demander une mesure d’hospitalisation sous contrainte ouinternement afin de protéger le patient contre lui-même.Toute situation psychiatrique où le patient court un risque vital oureprésente un danger pour autrui et toute situation nécessitant untraitement requérant une surveillance médicale et infirmière defaçon soutenue doivent faire prendre la décision d’hospitaliser lepatient en milieu psychiatrique.

Certaines urgences dites mixtes telles que la confusion ou ledelirium tremens nécessitent quant à elles une hospitalisation enurgence en service médical.

Situations cliniques d’urgencepsychiatrique

Les symptômes et les situations de crise qui amènent les patients àrencontrer le psychiatre ou l’équipe psychiatrique en urgence sontdéclinés ici. Selon les particularités déjà définies de l’urgencepsychiatrique, il ne s’agit pas d’emblée de pathologiespsychiatriques évidentes et diagnostiquées comme telles.

CRISE SUICIDAIRE

¶ Données générales sur la crise suicidaire

La crise suicidaire est définie [12] comme une crise psychique dont lerisque majeur est le suicide du sujet. Cette crise correspond à unmoment d’échappement au cours duquel les moyens de défense del’individu sont insuffisants, rendant ce dernier vulnérable, ensituation de souffrance et de rupture, ce qui peut le mener au gestesuicidaire. La crise suicidaire est un état réversible et temporaire,non classé nosographiquement ; la tentative de suicide est une desmanifestations possibles de cette crise. La sémiologie varie d’un sujetà l’autre, en fonction des pathologies associées, des facteurs derisques et des conditions d’observation.Les études épidémiologiques en France [34] notent un taux de12 000 suicides par an soit 20 pour 100 000 habitants, chiffre quiserait sous-estimé de 20 %, et 150 000 passages à l’acte suicidaire,chiffre qui serait sous-estimé de 30 %. Les gestes suicidaires sontdans 30 à 50 % des cas des récidives et ils donneront lieu dans 1 à3 % des cas à un suicide dans l’année qui suit. La conduite suicidairecorrespond à 36 % des demandes d’avis psychiatriques dans lesservices d’urgence, ce qui la place en première ligne des demandesd’évaluation psychiatrique.

¶ Évaluation de la crise suicidaire

L’évaluation de la crise suicidaire doit tenir compte des aspectsplurifactoriels de cette crise, elle doit faire partie intégrante d’uneappréciation globale du sujet et du contexte psychopathologiquedans lequel il se situe. Il s’agit de rechercher les facteurs de risque,les événements de vie et les facteurs de protection en jeu.Les facteurs de risque se déclinent en trois catégories (Tableau 1) :

– les facteurs primaires interagissent entre eux, ils ont une valeurd’alerte importante au niveau individuel et sont influencés par lestraitements ;

– les facteurs secondaires peuvent être observés dans l’ensemble dela population, ils sont faiblement modifiés par la prise en charge etn’ont qu’une faible valeur prédictive en l’absence de facteurs derisque primaire ;

– les facteurs tertiaires peuvent être modifiés et n’ont de valeurqu’en association aux facteurs de risques primaires et secondaires.Les suicidants présentent quatre fois plus d’événements de vie dansles 6 derniers mois que la population générale, et 1,5 fois plus que

Tableau 1. – Facteurs de risque de la crise suicidaire

Facteurs primaires Facteurs secondaires Facteurs tertiaires

Troubles psychiatriques Pertes parentales précoces Sexe masculinAntécédents personnels etfamiliaux de suicide

Isolement social Grand âge ou jeune âge

Chômage Période de vulnérabilitéCommunication d’uneintention suicidaire ouimpulsivité

Difficultés financières etprofessionnelles

Événements de vie négatifs

Psychiatrie Urgence psychiatrique 37-678-A-10

5

Page 6: Urgence psychiatrique Encyclopédie Médico-Chirurgicale · PDF fileUrgence psychiatrique C. Boiteux M. Clostre C. Querel T. Gallarda Résumé. – L’intérêt, la réflexion et

les déprimés ne faisant pas de tentative de suicide. Un pic defréquence est retrouvé dans le dernier mois précédant le passage àl’acte qui concentre un tiers des événements de vie. Sont distingués :

– les événements prédisposants : pertes précoces, maltraitance dansl’enfance, abus sexuels, abus physiques. Ils correspondent auxfacteurs de risques secondaires ;

– les événements précipitants : conflits interpersonnels (violence,hostilité, déception), problèmes sentimentaux, problèmesdisciplinaires.Enfin, les facteurs de protection sont le support social et la prise encharge thérapeutique.

¶ Diagnostic de la crise suicidaire

Crise suicidaire et pathologies psychiatriques

Le diagnostic de la crise suicidaire passe tout d’abord parl’identification d’un trouble dépressif avéré ou d’une pathologiepsychiatrique autre soit, avant tout, la schizophrénie. Le taux demortalité par suicide parmi les patients déprimés varie selon lesétudes de 8 à 35 % [3]. Il faut ajouter aux facteurs de risque et auxéléments de gravité l’importance des symptômes de désespoir, deperte de plaisir et d’intérêt et la dépression majeure unipolaire. Leséléments de vulnérabilités sont : le premier épisode dépressif, leschangements rapides, qu’ils surviennent en début ou fin de l’épisodedépressif, la période suivant une hospitalisation et les 10 premièresannées d’évolution de la maladie. L’urgence absolue demeure cellede la mélancolie délirante.Chez les patients jeunes atteints de schizophrénie, le suicide est lapremière cause de mortalité : 10 à 13 % d’entre eux décèdent parsuicide [32]. Aux facteurs de risque généraux et éléments de gravité,se surajoutent la dépression postpsychotique, la symptomatologiepositive prédominante (trois quarts des suicides sont commis aucours de la phase aiguë), l’existence d’une pathologie comorbidecomme l’alcoolisme ou la toxicomanie [25]. La période devulnérabilité comprend les 6 mois suivant l’admission dans unservice de psychiatrie et la semaine qui suit la sortied’hospitalisation, cette vulnérabilité est majorée en casd’hospitalisations nombreuses au cours d’une même année.

Éléments de diagnostic de la crise suicidaire

Le diagnostic de crise suicidaire au-delà du diagnostic despathologies psychiatriques précédemment citées s’appuie sur leséléments suivants [9] :

– le contexte suicidaire : la présence d’idées suicidaires et leurfréquence, l’intention confiée par le sujet à un tiers directement ouindirectement, les conduites de préparation de l’acte ;

– les signes de vulnérabilité psychique : les troubles de l’image desoi, la modification de la vie relationnelle, l’anxiété physique etpsychique, le sentiment de désespoir ;

– les signes d’impulsivité : l’agressivité, l’instabilitécomportementale et les conduites à risque.À ces éléments diagnostiques s’associent des facteurs qui, pourcertains, se retrouvent dans les facteurs de risque de la crisesuicidaire. Ces facteurs associés au diagnostic de la crise suicidairese déclinent en trois catégories :

– les facteurs individuels : antécédents suicidaires, problèmes desanté mentale, pauvreté de l’estime de soi, problèmes de santéphysique, tempérament et style cognitif du sujet (impulsivité,rigidité de la pensée, colère, agressivité) ;

– les facteurs familiaux : violence ou abus physique oupsychologique ou sexuel, relation conflictuelle intrafamiliale (parent,conjoint), perte ou abandon précoce, problèmes d’addiction chez lesparents, problèmes de santé mentale ou comportement suicidairechez l’un des deux parents ;

– les facteurs psychosociaux : difficultés économiques, isolementsocial et affectif, séparation et perte récente de liens importants,

deuil, placement en institution, difficultés scolaires ouprofessionnelles, effet de contagion, difficulté avec la loi, problèmesd’intégration sociale.À l’issue de ce diagnostic de la situation de crise suicidaire se posela question du champ de dangerosité et d’urgence dans lequel sesitue le sujet.

¶ Évaluation de la dangerosité et de l’urgencede la crise suicidaire

Cette évaluation conjointe au diagnostic de la crise suicidairedétermine par la suite la conduite à tenir par le praticien face ausujet. Pour préciser la dangerosité et l’urgence de la crise suicidaire,il faut explorer six axes [12, 34] :

– le niveau de souffrance : désarroi ou désespoir, repli sur soi,isolement relationnel, sentiment de dévalorisation ou d’impuissance,sentiment de culpabilité ;

– le degré d’intentionnalité : idées envahissantes, ruminations,recherche ou non d’aide, attitude face aux propositions de soins,dispositions prises ou envisagées en vue d’un passage à l’acte ;

– les éléments d’impulsivité : tension psychique, instabilitécomportementale, agitation motrice, état de panique, antécédents depassage à l’acte ou de fugue ou d’actes violents ;

– les éléments précipitants : conflit, échec, rupture, perte, etc. ;

– la présence de moyens létaux à disposition ;

– la qualité du soutien de l’entourage proche.La crise suicidaire peut alors être considérée comme d’urgencefaible, moyenne ou élevée (Tableau 2).

¶ Prise en charge de la crise suicidaire

Selon une étude des observatoires régionaux de santé, de l’Insermet des réseaux Sentinelles, en France, sur 100 sujets ayant fait unetentative de suicide [22], 12 n’ont aucun contact avec un médecin,28 vont aux urgences de l’hôpital et 60 voient un médecin. Parmices 60 sujets, seuls 8 en restent là, les 52 autres sont dirigés à leurtour vers les urgences de l’hôpital. Sur les 80 sujets reçus auxurgences, 20 sortent alors que 60 sont hospitalisés, dont 49 pouroverdose médicamenteuse. La trajectoire du suicidant mobilise doncl’ensemble du réseau des soins d’urgence. Tout sujet en crisesuicidaire doit pouvoir bénéficier d’une évaluation psychiatrique quipermet de diagnostiquer l’urgence de cette crise ainsi que lapathologie psychiatrique en jeu le cas échéant. Cette évaluation alieu une fois la prise en charge somatique d’une éventuelle tentative

Tableau 2. – Degré d’urgence de la crise suicidaire

Urgence faible Personne qui :– désire parler et est à la recherche de communication ;– cherche des solutions à ses problèmes ;– pense au suicide sans scénario précis ;– pense à des moyens et stratégies pour faire face à la crise ;– est psychologiquement souffrante sans être anormalementtroublée ;– a établi un lien de confiance avec un praticien.

Urgence moyenne Personne qui :– a un équilibre émotionnel fragile ;– envisage le suicide avec une intention claire ;– a envisagé le scénario dont l’exécution est reportée ;– ne voit que le suicide pour arrêter de souffrir ;– a besoin d’aide et exprime son désarroi.

Urgence élevée Personne qui :– est décidée, planification claire, passage à l’acte programmé ;– est coupée de ses émotions soit en rationalisant sa décisionsoit est émotive, agitée ou troublée ;– est immobilisée par la dépression ou grandement agitée ;– dont la douleur et l’expression de souffrance sont omnipré-sentes ou complètement tues ;– a un accès direct et immédiat à un moyen de se suicider ;– a le sentiment d’avoir tout essayé ;– est très isolée.

37-678-A-10 Urgence psychiatrique Psychiatrie

6

Page 7: Urgence psychiatrique Encyclopédie Médico-Chirurgicale · PDF fileUrgence psychiatrique C. Boiteux M. Clostre C. Querel T. Gallarda Résumé. – L’intérêt, la réflexion et

de suicide faite, prise en charge qui renvoie en première intentionaux médecins généralistes, au SAMU et aux médecins des urgences.Si l’évaluation spécialisée de la crise suicidaire montre un degréd’urgence élevé, une hospitalisation psychiatrique peut êtreproposée [12]. Elle a comme objectifs :

– la protection du sujet ;

– la mise en place d’une relation thérapeutique de confiance avec lepatient ;

– un travail sur la souffrance du sujet avec le souci de favoriser lessoins ultérieurs.S’il y a refus d’hospitalisation et si la dangerosité l’impose, lepsychiatre doit recourir aux dispositions de la loi de 1990.Si le degré d’urgence est faible ou moyen [12], chez un sujetprésentant des facteurs de risque primaires ou un cumul deplusieurs facteurs de risque, un suivi ambulatoire alternatif àl’hospitalisation est proposé, ce suivi s’inscrit dans le système desoins spécialisés et associe le patient et son entourage : soit le patientest déjà suivi et il est réadressé rapidement au médecin et à l’équipequi le connaît, soit il s’agit d’une première prise en charge etl’orientation est alors personnalisée (nom du thérapeute plusqu’adresse d’une structure).Si le patient en crise suicidaire ne présente aucun facteur de risqueprimaire [12], le suivi peut ne pas être médicalisé, mais il estrecommandé de l’inscrire tout de même dans le réseau de soinsspécialisés afin de faciliter le recours rapide à des soins plus intensifsou psychiatriques si la situation clinique le demande.Enfin, certaines équipes développent des structures deposturgence [10] permettant de garder en observation les suicidantsou les sujets en crise suicidaire, ceci afin de prendre le temps pourune évaluation fine de l’urgence, de mettre en place le travail de lacrise et de permettre l’élaboration psychique du passage à l’actesuicidaire.

ADDICTIONS

Les addictions regroupent les troubles et demandes en lien avec laconsommation aiguë ou chronique d’une substance toxique telle quel’alcool, les drogues dures ou des substances médicamenteusesprises abusivement, substances tranquillisantes et analgésiques leplus souvent. L’urgence psychiatrique pour l’ensemble de cessubstances peut être regroupée selon trois axes identiques quelle quesoit la substance incriminée.

¶ Intoxications aiguës

L’intoxication aiguë alcoolique est une situation fréquente, elle estcliniquement retrouvée chez 10 à 15 % des patients admis dans lesservices d’accueil des urgences en France [33]. Le patient est souventadressé par le médecin généraliste, mais il est aussi accompagné parles pompiers du fait d’une chute ou d’un accident sur la voiepublique ou par la police dans un contexte d’agitation. Enfin, lepatient peut être accompagné de ses proches débordés par lasituation ou venir de lui-même, demandeur d’un sevrage. En fait,les motifs d’admission sont variés et l’intoxication aiguë n’est pastoujours en première ligne : il s’agit plutôt de traumatisme crânien,d’intoxication médicamenteuse volontaire, d’un bilan traumatiqueaprès une altercation, etc. La difficulté de prise en charge résided’une part soit dans la banalisation des conduites d’éthylisme aigu,soit dans le rejet de l’éthylisme chronique et d’autre part dans lafréquence des troubles du comportement associés. Néanmoins, touteintoxication éthylique aiguë doit être examinée médicalement et êtregardée en observation surtout face aux critères suivants :

– fonction de relation perturbée ;

– existence de complications ;

– existence de lésions associées ;

– alcoolémie supérieure à 3 g/l ;

– absence de surveillance fiable à domicile ou domicile éloigné d’uncentre hospitalier ;

– intoxication éthylique aiguë pathologique ;

– existence d’une pathologie psychiatrique associée.Il est incontournable de débuter un traitement préventif du deliriumtremens et de traiter l’agitation si besoin. Une fois dégrisé, le patientdoit faire l’objet d’un bilan psychiatrique et parfois social, afin depouvoir être orienté dans le système de soins. Une fois encore, ladimension du temps est importante : la prise en charge de cespatients peut être améliorée par une observation plus longuerendant accessible l’observation de l’équipe psychiatrique.Les drogues dures sont elles aussi à l’origine d’intoxications aiguës.Plus encore que l’alcool, ces intoxications sont de véritables urgencesmédicales avec risque vital. L’exemple le plus connu est celui del’overdose d’héroïne provoquant dans la majorité des cas un comanécessitant une réanimation médicale. Cocaïne, amphétamines etecstasy mais aussi héroïne sont à l’origine d’intoxications marquéespar des états d’agitation aigus associés à des troubles somatiquespouvant engager le pronostic vital de l’individu. Des troublespsychotiques aigus sont aussi décrits, et peuvent nécessiter unehospitalisation psychiatrique une fois l’aspect somatique traité. Ilfaut ici encore insister sur l’importance de l’examen et de la prise encharge somatique associés dès que possible au bilan psychiatriquepermettant d’engager le patient dans un processus de soins.En ce qui concerne les toxicomanies médicamenteuses, ce problèmeest en nette progression actuellement et, de ce fait, lorsque arriventaux urgences des patients en état d’intoxication aiguë, leur prise encharge est identique à celle des ivresses aiguës.

¶ Sevrage aigu

Dans le cadre de l’intoxication alcoolique chronique, il faut prévenir,rechercher et traiter dès que possible le sevrage, afin d’éviter ledelirium tremens qui engage le pronostic vital de l’individu. Lesevrage peut débuter soit du propre fait du patient mais sansaccompagnement médical, soit de façon accidentelle [13] ; le patientconsulte alors porteur des premières manifestations pénibles desevrage. Il faut penser au sevrage alcoolique devant une crised’épilepsie de type grand mal, un état confusionnel, un étatd’agitation psychomotrice ou confuso-onirique et, enfin, devant uneintoxication chez un alcoolique chronique avec une infection ou untraumatisme grave concomitant. Dès les premiers signes de pré-delirium tremens, l’hospitalisation en psychiatrie pour hydratationet sevrage s’impose le plus souvent. Le delirium tremens relèvequant à lui de soins intensifs médicaux.Le sevrage aigu à l’héroïne est surtout marqué par l’angoisse et desphénomènes somatiques gênants mais n’engageant à aucun momentle pronostic vital de l’individu [13]. Le sevrage à la cocaïne relève luid’une prise en charge psychiatrique devant des idées paranoïdes,une agitation avec risque de passage à l’acte auto- ou hétéroagressif,état à la suite duquel s’installe un syndrome dépressif. De telstroubles s’observent aussi dans le cadre des sevrages auxamphétamines, à l’ecstasy et au LSD, l’hospitalisation psychiatriques’impose de même.Le sevrage des toxicomanies médicamenteuses [13] se rapproche decelui de l’alcool puisque les origines du sevrage sont communes etles troubles qui en découlent assez proches : crise convulsive de typegrand mal, état confusionnel ou confuso-onirique, crise de tétanie,plaintes somatiques diverses, expression de l’angoisse et parfoisréactions délirantes aiguës. Ces situations se rencontrentfréquemment aux urgences médicales, elles peuvent nécessiter dessoins somatiques, avant un traitement psychiatrique enhospitalisation dans la majorité des cas.

¶ Demande de sevrage

Le patient alcoolique demande rarement de l’aide de lui-même :dans plus de 80 % des cas [13], elle est exprimée par son entourage.Émergeant du fait de pressions, la demande de sevrage du patient

Psychiatrie Urgence psychiatrique 37-678-A-10

7

Page 8: Urgence psychiatrique Encyclopédie Médico-Chirurgicale · PDF fileUrgence psychiatrique C. Boiteux M. Clostre C. Querel T. Gallarda Résumé. – L’intérêt, la réflexion et

et de ses proches trouve aux urgences le lieu idéal d’expression avecl’idée d’une réponse immédiate. Le mode d’interventionthérapeutique éprouvé est celui de l’intervention de crise, il permetau patient et à l’entourage de réfléchir et de travailler cette décisionde sevrage, afin que celui-ci soit suivi le moins possible de rechutes.Une hospitalisation faisant suite à la demande en urgence est doncrare : le sevrage est effectué après le travail de crise, soit enambulatoire soit en hospitalisation programmée.La demande de sevrage de l’héroïne peut s’exprimer soit endemande directe de sevrage soit en demande de médicaments ouproduits substitutifs. Là encore, il s’agit de recevoir le patient ainsique l’entourage qui l’accompagne dans cette démarche. Lepsychiatre consulté en urgence oriente le sujet vers une équipespécialisée afin qu’un projet cohérent puisse être mis en place,compte tenu des spécificités actuelles de ce sevrage et des dispositifsde soins assurant une prise en charge à moyen et à long terme.La demande de sevrage dans le cadre des toxicomaniesmédicamenteuses nous ramène au schéma de celle de l’intoxicationéthylique. Il faut noter quelques particularités qui entravent parfoisce sevrage : l’entrée dans la toxicomanie est insidieuse, lemédicament a dans la dynamique familiale une valeur de résolutionde problème, le médicament a une fonction de bien-être, la poly-intoxication est courante et le sevrage s’avère souvent très délicat.Ainsi, après le travail de crise, le sevrage est proposé enhospitalisation programmée.

PLAINTES SOMATIQUES FONCTIONNELLES

Le patient se présente aux urgences porteur d’une plainte somatiquequi se révèle fonctionnelle après anamnèse et examen clinique. Cesplaintes somatiques sont le plus souvent des hypertensionsartérielles aiguës après un stress, des colites spasmodiques, desmigraines atypiques, des céphalées tensionnelles, des palpitationsaiguës, des dyspepsies, des dyspnées aiguës sine materia, deslombalgies sine materia, des crises dites de spasmophilie et despolyalgies polymorphes.Plutôt que de dire au patient qu’il n’a rien alors qu’il ressent uneréelle urgence, ou de l’adresser rapidement au psychiatre ce quiassimile sa plainte à un trouble psychiatrique, une prise en chargepluridisciplinaire doit être instaurée dans le cadre des urgences [13].Ainsi, l’urgentiste rappelle la plainte à l’origine de la consultationen urgence, donne la conclusion de son examen et des examenscomplémentaires éventuels, et explique pourquoi l’intervention dupsychiatre lui semble nécessaire. Cet état des lieux est réalisé enprésence du patient et du psychiatre, il inaugure l’entretienpsychiatrique à proprement parler. Le psychiatre mène alors unentretien psychiatrique pouvant déboucher sur une prise en chargede crise ou une prise en charge d’un trouble psychiatrique avéré.Dans tous les cas, l’envoi d’une information claire et précise aumédecin généraliste s’impose.

AGITATION AIGUË

La demande de soins dans le cadre de l’agitation aiguë n’émane pasdu sujet mais de son entourage, qui fait alors souvent appel à desservices d’urgence tels que les pompiers ou le SAMU. Cettedemande peut aussi émaner des forces de l’ordre intervenues àdomicile ou sur la voie publique. L’agitation, qui représente 10 à15 % des consultations psychiatriques aux urgences [34], est unesituation complexe à gérer, car le praticien doit l’apaiser tout enlaissant un abord possible du patient pour préciser le cadrediagnostique de ce symptôme et la crise éventuelle qui le sous-tend.Elle confronte aussi les équipes à la notion de dangerosité qui doitêtre appréciée et traitée sans héroïsme.Afin d’effectuer un premier bilan, il n’apparaît pas comme indiquéde pratiquer d’emblée une injection intramusculaire depsychotropes ; si possible, ce traitement doit être différé aprèsl’évaluation clinique médicale et psychiatrique. Il faut maintenirdans un premier temps la contention physique quand elle existe oula mettre en place si nécessaire. Il faut préciser auprès de l’entourage

ou des accompagnants comment a débuté l’agitation, quelcomportement et quel discours avait le patient, l’existenced’antécédents médicaux ou psychiatriques, l’existence d’une prisede toxique ou d’un traitement médicamenteux en cours. Un examensomatique est nécessaire associé, le cas échéant, à des explorationscomplémentaires, afin de diagnostiquer l’étiologie organique dutableau clinique. L’examen psychiatrique se fait dans un lieu calme,en l’absence des accompagnants. Il cherche à déterminer sil’agitation est en rupture avec le « normal », est incohérente ets’inscrit alors dans l’évolution d’un trouble psychiatrique, ou s’ils’agit d’une exagération des comportements compatible avec un étatnormal et, souvent, réactionnelle à un événement précis ou une crise.La plupart des diagnostics renvoyant à une prise en charge médicalesont portés devant des tableaux cliniques d’agitation incohérente.L’examen clinique et les examens complémentaires sont alorscontributifs. Les diagnostics [13] peuvent être les suivants :

– la confusion mentale ;

– un diagnostic neurologique : épilepsie, hématome sous-dural,hémorragie méningée, processus tumoral intracrânien, accidentvasculaire cérébral ou ischémique transitoire, etc. ;

– un diagnostic endocrinien ou métabolique : hypoglycémie,déshydratation, troubles hydroélectrolytiques, dysthyroïdie,hyperparathyroïdie, hypercorticisme, maladie d’Addison, etc. ;

– une origine infectieuse : méningite, encéphalite, typhoïde,brucellose, septicémie, pneumopathies ;

– une intoxication aiguë : alcool, drogues dures, psychotropes etautres médicaments tels que les corticoïdes, les antituberculeux, lesantiparkinsoniens, les anticholinergiques, l’atropine, la digitaline, laphénacétine, les salycylés, etc.L’orientation se fait donc vers une hospitalisation en médecine, lepsychiatre intervenant pour écarter tout diagnostic différentielpsychiatrique et aider à gérer le traitement et la crise éventuellegénérée auprès de l’entourage.D’un point de vue psychiatrique, les agitations sont de deux ordres :

– l’agitation incohérente décrite dans les intoxications, mais aussidans les états délirants, les états maniaques, les formes anxieuses demélancolie et les états démentiels du sujet âgé ;

– l’agitation réactionnelle à un événement, mettant en scène descomportements exagérés. Sont décrites dans ce cadre la crised’angoisse, la « spasmophilie » ou « crise de tétanie », la crise decouple ou familiale.Les troubles liés à la décompensation d’une pathologie psychiatriquedoivent pouvoir bénéficier rapidement d’un traitement psychotropeet d’une orientation en service d’hospitalisation. Les états démentielsdu sujet âgé font l’objet d’une prise en charge pluridisciplinaire etd’une orientation en structure spécialisée gériatrique. Les agitationsrenvoyant à une situation de crise peuvent bénéficier si besoin dutravail de crise une fois le calme des différents protagonistesretrouvé. Il peut arriver que l’administration d’un traitement sédatifsoit nécessaire au patient agité avec une mise en observation brèveà l’écart de l’entourage, et cela en cas de conflit particulièrementexacerbé avec une agitation ne cédant pas.

PATHOLOGIE POST-TRAUMATIQUE

La dernière décennie a vu la création de cellules d’urgencemédicopsychologique [17] pour répondre à la question de la prise encharge des victimes. Le traitement rapide et spécialisé mis en placeauprès des sujets ayant été exposés à un traumatisme psychique adémontré son efficacité et fondé les principes de travail de ces unités.Ces cellules articulées aux SAMU et aux services d’urgence deshôpitaux généraux sont activées lors de catastrophes macrosocialesnaturelles (tempête, inondation, …), accidentelles (incendie, accidentferroviaire ou aérien ou de la route, …) ou intentionnellement crééespar l’homme (attentat, agression, viol, …) ; ces événements touchentun groupe d’individus ou la collectivité. Des professionnels

37-678-A-10 Urgence psychiatrique Psychiatrie

8

Page 9: Urgence psychiatrique Encyclopédie Médico-Chirurgicale · PDF fileUrgence psychiatrique C. Boiteux M. Clostre C. Querel T. Gallarda Résumé. – L’intérêt, la réflexion et

psychiatres ou psychologues, formés aux techniques de debriefing,interviennent alors auprès des patients concernés dans les suitesimmédiates du traumatisme. Le debriefing psychologique est réalisédans les heures suivant la catastrophe, en présence des sauveteurs,et la séance est renouvelée une à deux fois dans les 15 jours suivantsla catastrophe. Cette technique vise à enrayer le déclenchement detroubles psychiatriques et psychosociaux secondaires autraumatisme. Pour ce faire, elle favorise l’abréaction cathartique, laprise de conscience que le sujet victime du traumatisme est « commeles autres victimes » et, enfin, elle sensibilise les victimes au risquede survenue des symptômes psychotraumatiques.La mise en place de telles unités et la reconnaissance des bienfaitsd’une prise en charge rapide de tout traumatisme psychique asensibilisé les équipes médicales et les équipes psychiatriques. L’idéede proposer un traitement selon les techniques du debriefing au sujeten situation individuelle post-traumatique ou ayant été confronté àune catastrophe microsociale s’est imposée peu à peu. L’orientationdu patient vers le spécialiste qui peut être un membre de l’équipepsychiatrique des urgences ou d’une équipe extérieure maisqualifiée, est facilitée. Il ne faut pas attendre que le sujet fasse unedemande psychothérapeutique, mais il faut prescrire cet entretienau décours immédiat de la prise en charge somatique. L’entouragedu patient doit être mobilisé dès que possible, d’une part, pour qu’ilexprime à son tour sa réaction face au traumatisme et, d’autre part,pour qu’il s’inscrive dans le projet thérapeutique. Il faut néanmoinsinsister sur l’importance des liens institutionnels à mettre en œuvreentre urgentistes, psychiatres des urgences ou équipe spécialisée,afin que le dispositif fonctionne pleinement.

URGENCES DE LA PSYCHIATRIE

Les urgences de la psychiatrie sont moins fréquentes que lessituations de crise dans les structures d’urgence non exclusivementpsychiatriques. Il ne faut pas les oublier pour autant, et le diagnosticdoit être fait puisqu’elles peuvent mettre en jeu le pronostic vital dupatient et nécessitent une hospitalisation psychiatrique librementconsentie ou sous contrainte lorsque la situation clinique le justifie.Les principales urgences psychiatriques à ne pas méconnaître souspeine d’engager le pronostic vital du patient sont :

– la mélancolie et sa forme délirante : elle est marquée parl’existence nette voire exacerbée des symptômes dépressifs associésà une douleur morale intense. Les idées de faute et d’incurabilitésous-tendent les idées de mort et le risque suicidaire est majeur ;

– l’accès maniaque : le patient est le plus souvent accompagné parsa famille épuisée et inquiète devant l’extravagance et l’agitationpsychomotrice incohérente de leur proche. Il arrive que le patientsoit amené par les pompiers ou la police dans un contexted’agitation sur la voie publique. Il peut nier l’aspect pathologiquede son état et être sujet à de violentes colères comme d’importantescrises d’angoisse, sources de passage à l’acte ;

– l’état psychotique délirant et dissocié : il est marqué parl’importance de l’effondrement du rapport du sujet au monde. Ladissociation fait prendre au discours un aspect incohérent et le délireest au premier plan de l’entretien. Des phénomènes dedépersonnalisation et d’angoisse s’associent et font craindre lasurvenue de passages à l’acte auto- ou hétéroagressifs impulsifs maisnon dénués de sens ;

– l’état paranoïaque aigu est à rechercher précisément devant toutpatient certain de la réalité d’intentions nuisibles à son égard. Ilfaudra préciser l’existence d’un persécuteur désigné faisant craindreun passage à l’acte hétéroagressif pouvant être suivi d’un suicide ;

– l’état délirant aigu induit par la prise d’un toxique. Il s’agit desyndromes délirants articulés à la prise de toxiquespsychostimulants ou hallucinogènes. Ces états aigus surviennentchez des sujets jeunes pour lesquels la notion de prise de droguepeut être retrouvée. Le délire est massif, marqué par l’importancedes hallucinations et associé à une dépersonnalisation et de fortesangoisses. Encore une fois, cette situation clinique fait craindre lepassage à l’acte suicidaire ou hétéroagressif.

La connaissance des antécédents du patient est une aide précieuseau diagnostic, les contacts avec l’équipe psychiatrique soignante, sielle existe, permettent l’ajustement thérapeutique nécessaire etadapté au patient dans l’urgence et son orientation adéquate dans lesystème de soins dont dispose cette équipe. Ces situations imposenttoutes en effet un traitement psychotrope en urgence et unehospitalisation en milieu psychiatrique.

SITUATIONS LIÉES À L’ÂGE

¶ Adolescents

L’adolescence n’est pas en soi une pathologie mais la puberté faitémerger des conflits pouvant aboutir à une crise plus ou moinsbruyante : le recours à un tiers médecin, psychiatre, se fait dansl’urgence, à un moment d’acuité du conflit ou à l’acmé de la crise.L’urgence peut être ressentie par l’adolescent, mais elle est aussi trèssouvent exprimée par les proches de ce dernier et notamment lafamille. Par ailleurs, l’adolescence est aussi le moment dedéclenchement de maladies psychiatriques qu’il faut dépisterprécocement afin de les traiter rapidement.La demande de soins se fait dans un contexte de troubles bruyantsassociant trouble du comportement, trouble des conduites, instabilitédes comportements, humeur variable et passage à l’acte. Il faut toutd’abord déterminer s’il y a rupture franche avec l’état antérieur ous’il s’agit d’un simple dysfonctionnement. Une rupture francheoriente vers l’évaluation diagnostique d’une pathologiepsychiatrique évolutive : trouble de l’humeur ou troubleschizophrénique. Une stratégie de soins est alors mise en place avecle sujet et sa famille, elle dépend du tableau clinique et desressources du patient et de sa famille à faire face à la maladie. Unsimple dysfonctionnement renvoie à une situation de crise.L’hospitalisation est autant que possible évitée dans ce cas, afin dene pas stigmatiser l’adolescent comme malade mental et ce malgrél’aspect bruyant des troubles. La technique d’intervention de crisetrouve ici une bonne indication [13], avec des variantes tenant comptedu fait qu’il faut prendre en charge l’adolescent mais aussi sesparents. Dans ce cadre, plusieurs thérapeutes interviennent, l’unauprès de l’adolescent l’autre auprès des parents : pour être efficace,la prise en charge thérapeutique est scindée et se déroule surplusieurs semaines.Il faut noter que l’expression d’idées et d’intentions suicidaires, jadisconsidérée comme banale à l’adolescence, est un motif suffisantd’intervention et de prévention [12]. Le suicide des 15-25 ansprovoque plus de décès que les accidents de la voie publique pourcette même classe d’âge [9] ; 90 % des tentatives de suicide sontmédicamenteuses. Ces données épidémiologiques permettent desaisir l’importance de l’évaluation de la crise suicidaire chezl’adolescent, selon les critères classiques, en y ajoutant uneévaluation plus précise de la scolarité, du contexte familial et de lavie amoureuse du sujet.

¶ Personnes âgées

Les médecins généralistes, les services sociaux et les services desurgences voient augmenter les demandes d’aide urgente face à despersonnes âgées voire très âgées, plus de 85 ans, présentantd’importants troubles du comportement dont l’étiologie peutparaître psychiatrique et qui dépasse l’entourage du sujet quandcelui-ci n’est pas totalement isolé. L’examen psychiatrique du sujetâgé ne souffre pas de précipitation et il faut prendre le temps derépondre à l’urgence en évaluant précisément le tableau cliniqueprésenté de façon à ne négliger aucune éventualité : confusionmentale aiguë, démence sénile et dépression grave sont les trois axesà explorer.La confusion aiguë représente 30 % des urgences psychiatriques dusujet âgé et constitue une véritable urgence gériatrique. Sonapparition est brutale et elle évolue de façon capricieuse au gré dela journée. La conscience est altérée de façon globale, la mémoire defixation récente est déficitaire ainsi que l’ensemble des fonctions

Psychiatrie Urgence psychiatrique 37-678-A-10

9

Page 10: Urgence psychiatrique Encyclopédie Médico-Chirurgicale · PDF fileUrgence psychiatrique C. Boiteux M. Clostre C. Querel T. Gallarda Résumé. – L’intérêt, la réflexion et

cognitives. L’intervention du psychiatre permet de rejeter lesdiagnostics différentiels, de diagnostiquer la cause en collaborationavec le médecin somaticien et de participer au traitementsymptomatique visant à réduire les troubles du comportementmettant en danger le sujet. L’orientation se fera vers un service degériatrie.La dépression du sujet âgé est marquée par une altération del’humeur dont les symptômes sont banalisés du fait du statut social« inactif » du patient et du lien erroné entre ces symptômes et legrand âge du sujet. Il ne faut pas non plus porter par excès lediagnostic de prédémence sénile. Dans le cadre de la dépression, laconscience, la mémoire et les fonctions cognitives sont conservéesmais leur appréhension est marquée par une idée de ralentissementglobal ; il existe des troubles du sommeil dont le sujet se plaint et ila une conscience nette de sa déchéance et de son vécu personnel [26].Il faut souligner les chiffres importants du suicide chez la personneâgée : à partir de 65 ans, le taux de suicides augmente régulièrementavec l’âge et est le plus élevé pour les plus de 85 ans [12]. Lesymptôme idéation suicidaire est moins exprimé par le sujet âgé, saprésence prédit le risque de suicide avec une sensibilité de 80 % etune valeur prédictive de 5,6 % contre, respectivement, 53 % et 4,2 %chez le sujet jeune [26]. Des facteurs de risque suicidaire spécifiques àcette population [12] sont décrits : âge supérieur à 75 ans, sexemasculin, perte du conjoint et veuvage, maladie somatique sourcede douleur et de handicap, proximité d’une échéance, changementsd’environnement, perte des rôles, conflits interpersonnels etmaltraitance, dépression. Le diagnostic de dépression avérée reposesur un ensemble de tests visant à évaluer plus précisément lesfonctions mnésiques et cognitives, un test thérapeutique auxantidépresseurs doit être mis en place au moindre doute.L’hospitalisation psychiatrique ne s’impose que si le patient vit seulou si l’évaluation clinique indique un risque élevé de suicide.Le diagnostic de démence sénile débutante est un diagnosticd’élimination le plus souvent. L’apparition des troubles estinsidieuse. Le dysfonctionnement mental est permanent et il associeun déficit progressif et global des fonctions mnésiques, une aphasie,une apraxie et une agnosie peu marquées en phase de début. Lesujet se perçoit comme bien portant et n’exprime pas de plaintesparticulières. Les formes plus évoluées peuvent être marquées pardes troubles psychiatriques comme des idées paranoïdes, des crisesde colère, des fugues ou des errances. La prise en charge estgériatrique, avec un appoint psychiatrique en cas de troubles ducomportement importants.Ces situations demandent plus de temps que celui de l’urgence àproprement parler, et il est donc fréquemment mis en place unehospitalisation brève de 24 à 48 heures afin de réaliser toutes lesexplorations nécessaires au diagnostic et à l’orientation de lapersonne âgée, cette hospitalisation se fait en secteur médical.

Traitement psychotropeet urgence psychiatrique

Le traitement psychotrope s’impose dans le cadre de l’urgencepsychiatrique essentiellement dans les tableaux cliniques comportantune angoisse importante ou une agitation. Ce traitement, alorsnécessaire pour la protection et le soulagement du patient, doit êtreprescrit selon des règles strictes.

RÈGLES DE PRESCRIPTION DANS LE CADREDE L’URGENCE PSYCHIATRIQUE

Avant toute prescription d’un traitement psychotrope, il faut faireune anamnèse aussi détaillée que possible des troubles, rechercherles antécédents médicaux, chirurgicaux et psychiatriques du patient,rechercher une notion d’allergie ou d’intolérance médicamenteuseet rechercher une notion de passage à l’acte antérieure, sa nature etson contexte. Le sujet doit bénéficier d’un examen médical afin desavoir s’il existe ou non une pathologie somatique concomitante ou

secondaire à la pathologie psychiatrique, ou à l’origine du troublefaisant interpeller le psychiatre. Enfin, un examen psychiatrique leplus exhaustif possible est réalisé voire complété par un entretienavec les proches, le médecin traitant ou le psychiatre traitant.Une fois le temps de ce bilan pris et uniquement si le tableauclinique le nécessite, se pose la question du psychotrope à prescrire,sa posologie et sa voie d’administration. Ce choix prend enconsidération trois points fondamentaux :

– il faut prescrire avec l’a priori que le patient ne se rendra pas enconsultation spécialisée après sa consultation en urgence quand celalui a été conseillé ;

– le risque de passage à l’acte ne peut jamais être totalement écartéet certains psychotropes sont létaux en cas de surdosage ;

– une prescription psychotrope engage au moins le moyen terme. Ilest donc important que le diagnostic et le diagnostic différentielsoient corrects et que le traitement fasse l’objet d’une alliancethérapeutique entre le patient, son psychiatre traitant et l’équipepsychiatrique le cas échéant, ces deux derniers n’étant pasobligatoirement sollicités au moment de l’urgence.Ainsi, la prescription d’antidépresseurs, de lithium et deneuroleptiques à action prolongée est à proscrire dans le cadre strictde l’urgence psychiatrique. Le choix se porte sur un traitementpsychotrope symptomatique, le plus souvent sédatif, agissantrapidement et avec une voie d’administration sûre. Les effetsindésirables ou secondaires d’un tel traitement sont pris enconsidération et une surveillance infirmière est prescrite enconséquence. Dans le cas où la première administration depsychotrope serait inefficace, il faut attendre une demi-heure avanttoute nouvelle prescription. La monothérapie est préférée àl’administration de plusieurs psychotropes. La posologie est adaptéeen fonction de l’intensité du tableau clinique, du poids du patient,de son âge, de sa fonction hépatique et de sa fonction rénale. Enfin,il est toujours proposé en première intention un traitement per os,cette prescription est rapidement substituée par celle d’un traitementparentéral, notamment sous forme d’injection i.m. en cas de refusdu patient.Le traitement repose sur l’utilisation de deux types de molécules àl’efficacité et la sécurité éprouvées [30] : les benzodiazépines et lesneuroleptiques. Le choix s’appuie sur un ensemble de paramètresregroupant les symptômes présentés, la pathologie sous-jacente etles facteurs toxiques associés.Une fois ces règles respectées, certaines situations cliniques ont untraitement plus spécifique.

APPROCHES MÉDICAMENTEUSESDES GRANDES SITUATIONS CLINIQUES

¶ Agitation

Il faut une fois encore rappeler l’importance de la connaissanced’une pathologie somatique évolutive et associée à l’agitation. S’ilexiste une notion de prise d’alcool ou de toxique ou toute situationclinique faisant craindre une dépression respiratoire, il faut proscrireles benzodiazépines et leurs préférer un neuroleptique sédatif soussurveillance de la tension artérielle, du pouls, de la température etde la fréquence respiratoire. En l’absence des trois élémentsrestrictifs cités précédemment, le diazépam est utilisé à une dose de5 à 10 mg [27] et ce pour son action sédative, puissante et rapide. Laforme i.m. est de mise même si le traitement per os doit être proposéen première intention.Certaines équipes utilisent une contention physique, dans certainscas associant agitation clastique et dangerosité pour le patient et lessoignants. Cette contention ne se substitue pas obligatoirement autraitement psychotrope et elle est régie par des règles de prescriptionet de surveillance répondant à des protocoles précis et desrecommandations consensuelles. Il en est de même pour l’utilisationde chambres d’isolement dont certaines unités d’urgencepsychiatrique disposent.

37-678-A-10 Urgence psychiatrique Psychiatrie

10

Page 11: Urgence psychiatrique Encyclopédie Médico-Chirurgicale · PDF fileUrgence psychiatrique C. Boiteux M. Clostre C. Querel T. Gallarda Résumé. – L’intérêt, la réflexion et

¶ Manie

Le traitement en urgence est tout d’abord sédatif [27], il est alors faitappel soit à une benzodiazépine du type du clonazépam dont ilexiste une forme en comprimés mais aussi en gouttes et en solutioninjectable pour i.m., soit à un neuroleptique sédatif :cyamépromazine ou lévomépromazine pour lesquels les formesd’administration comprimés, gouttes et solution pour i.m. existent,l’utilisation de la lévopromazine par voie i.m. étant à récuser du faitdu risque d’hypotension, d’allongement de l’espace QT àl’électrocardiogramme (ECG) et du risque de sédation excessive [30].

Il sera parfois prescrit d’emblée, associé ou non à un traitementsédatif, un traitement neuroleptique incisif par halopéridol ouchlorpromazine ou un traitement par antipsychotique commel’amisulpride, la rispéridone ou encore l’olanzapine. La loxapine etle zuclopenthixol dichlorhydrate d’action immédiate ou semi-prolongée sont utilisés seuls car ils associent action sédative etincisive.

L’association [30] d’un neuroleptique ou antipsychotique à unebenzodiazépine permet de réduire le délai d’action et les posologies.En revanche, les associations de neuroleptiques sont à proscriredevant la description d’allongement de l’espace QT à l’ECG et durisque de torsades de pointes.

¶ DélireDans le cadre d’un délire sans agitation ou angoisse massive, il estproposé pour soulager le patient un traitement adapté à sonparcours thérapeutique antérieur : le psychiatre disposant desinformations nécessaires peut alors inscrire l’intervention d’urgencedans une continuité de soins. Sont alors prescrits essentiellement soitles neuroleptiques incisifs soit les antipsychotiques cités dans letraitement de l’état maniaque.Le traitement des phénomènes d’angoisse et d’agitation fait appelaux mêmes molécules sédatives que pour l’état maniaque.Toutes les autres situations cliniques ne font pas l’objet d’uneprescription médicamenteuse au moment de l’urgencepsychiatrique. Le schéma thérapeutique est défini dans un secondtemps et allie dans la plupart des cas abord psychothérapeutique etabord médicamenteux quand celui-ci s’avère justifié par lediagnostic. Ce schéma est établi avec une autre équipe ou un autrepsychiatre que celui rencontré en urgence, sauf pour les équipesdisposant d’une unité de crise prenant en charge pendant plusieurssemaines les sujets reçus en urgence. L’abord médicamenteux del’urgence psychiatrique souligne lui aussi la nécessité d’inscriptiondes troubles de l’urgence dans une histoire particulière du patient etl’indispensable continuité entre les différentes structures de soinspsychiatriques, qu’elles soient d’urgence ou non, afin d’entendre lademande et d’y répondre.

Références[1] AndréoliA,ForestiG.Unregardeuropéen.Collectionméde-

cine et psychothérapie. Urgences psychiatriques et politiquedesantémentale (Paris1998)Paris:Masson,1998;114-124

[2] Andréoli A, Lalive J, Garone G. Crise et intervention de criseen psychiatrie. Paris: Sime, 1986

[3] Angst J, Angst F, Stassen H. Suicide risk in patients withmajor depressive disorder. J Clin Psychiatry 1999; 60 suppl.2: 57-62

[4] Bassuk EL, Birk AW. Emergency psychiatry. Concepts,methods and practices. New York: Plenium Press, 1984

[5] Beaudoin V. La prise en charge des urgences psychiatri-ques à Amiens. Nervure 2001; XIV: 48-55

[6] Bigot T, Ferrand I. Prise en charge des urgences psychiatri-ques en France : un système en pleine mutation. Collectionmédecine et psychothérapie. Urgences psychiatriques et poli-tique de santé mentale (Paris 1998) Paris: Masson, 1998;187-203

[7] Borgne N, Tabone-Weil D. Les appels psy au SAMU. SantéMentale 2001; 58: 39-42

[8] Caroli F, Massé G. Les situations d’urgence en psychiatrie.Paris: Doin, 1986

[9] Charazac-Brunel M. Prévenir le suicide. Paris: Dunod,2002; 43-67

[10] Chavagnat JJ. Ce lieu où tout peut débuter. Santé Mentale2001; 58: 47-50

[11] Cremniter D. Les enjeux de la psychiatrie d’urgence. SantéMentale 2001; 58: 22-27

[12] Darcourt G, Barbail A, Belmin M, Botbol M, Cadeacd’Arbaud B, Camoin F et al. Conférence de consensus « Lacrise suicidaire : reconnaître et prendre en charge ». Pour larecherche 2000; 27: 1-15

[13] De Clercq M. Urgences psychiatriques et interventions decrise.Bruxelles:DeBoecketLancier;1997.p.13-19,27-35,37-45, 131-138, 140-151, 153-157, 177-181

[14] De Clercq M. Les enjeux cliniques de la prise en charge desurgences psychiatriques. Collection médecine et psychothé-rapie, Urgences psychiatriques et politiques de santé mentale(Paris 1998) Paris: Masson, 1998; 1-15

[15] De Clercq M, Ferrand I, Andréoli A. Urgences psychiatri-ques et psychiatrie des urgences. Encycl Méd Chir (ElsevierSAS, Paris), Psychiatrie, 37-678-A-10. 1996. p. 13

[16] De Clercq M, Gillain B, Meert P, Hoyois P. Plaintes somati-ques fonctionnelles dans un service des urgences et leurdevenir à quatre ans. Schweiz Arch Neurol Psychiatr 1994;145: 5-11

[17] Della T, Weiss P, Villeneuve H, Lowy C. L’urgence psy àl’hôpital général. Santé Mentale 2001; 58: 43-46

[18] Grivois H. Urgences psychiatriques. Paris: Masson, 1986

[19] Horassius N, Sergent N, d’Amore AR. Quelles évaluationspour les urgences psychiatriques ? Paris: Startup, 1993;3-17

[20] Kannas S. Les urgences psychiatriques : une difficile orga-nisation. Actual Dossier Santé Publique 1996; 15: 12

[21] Kannas S, Robin M, Pochard F, Abillon AF, Regel I, MauriacF, et al. ERIC, ou la mobilité comme forme d’alternative àl’hospitalisation psychiatrique. Collection médecine et psy-chothérapie.Urgencespsychiatriquesetpolitiquedesantémentale (Paris 1998). Paris: Masson; 1998. p. 204-220

[22] Kovess V, Choquet M, Philippe A, Dragos S. Le suicide desjeunes : une approche régionale. Act Méd Int-Psychiatrie2001; 18 n°spécial: 30-39« Suicide »

[23] Launay C. Les différents dispositifs d’accueil des urgencespsychiatriques. Ann Méd Psychol 2002; 160: 191-193

[24] Lecrubier Y, Boyer P, Lépine JP, Weiller R. Results from theParisCenterMental Illness inGeneralHealthCare.An inter-national study. New York: John Wiley and Son, 1995

[25] Llorca PM. La prise en charge du suicide est-elle différenteselon le trouble psychiatrique considéré ? Act Méd Int-Psychiatrie 2001;18(n° spécial): « Suicide » 17-20

[26] Loo H, Gallarda T. Troubles dépressifs et personnes âgées.Paris: John Libbey Eurotex, 2000; 22-57

[27] Macqueron G, Eudier F. Guide line dans les urgences psy-chiatriques. Halopsy 1999; 20: 2-5

[28] Massé G. La psychiatrie aux urgences générales. SantéMentale 1995; 2: 15-17

[29] Pascalis G, Chauvot B, Delpech J. Urgences en psychiatrieet psychiatrie en urgence. Ann Méd Psychol 1980; 138:673-687

[30] Petitjean F, Siari V. Les états d’agitation dans les servicesd’urgences : modalités thérapeutiques. Ann Méd Psychol2002; 160: 193-196

[31] Pochard F, Robin M, Devynck C, Bellivier F, Kannas S. Alter-native à l’hospitalisation et intervention de crise. Ann MédPsychol 1999; 157: 20-25

[32] Pokorny A. Prediction of suicide in psychiatric patients.Arch Gen Psychiatry 1983; 40: 249-257

[33] Poncel F, Feral A. Le patient alcoolisé : un fléau oublié desurgences. Act Méd Int-Psychiatrie 2001; 18: 319-324

[34] Seletti B. Situations psychiatriques dans un serviced’urgence. Ann Méd Psychol 2002; 160: 187-190

[35] Seletti B, Launay C, Garnier B, Brun-Ney D, Boulard JC,Petitjean F. Accueil des urgences psychiatriques au seind’un centre hospitalier universitaire. Intérêt de l’intégra-tion dans un réseau de soin sectorisé. Ann Méd Psychol2001; 159: 160-166

[36] Steg A. Commission nationale de restructuration desurgences.Rapportsur lamédicalisationdesurgences.1998

[37] Tilmans E. La création de l’espace thérapeutique lors del’analyse de la demande. Thér Fam 1987; 8: 229-246

Psychiatrie Urgence psychiatrique 37-678-A-10

11

Page 12: Urgence psychiatrique Encyclopédie Médico-Chirurgicale · PDF fileUrgence psychiatrique C. Boiteux M. Clostre C. Querel T. Gallarda Résumé. – L’intérêt, la réflexion et