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Universit de Montpellier I
Facult de Sciences Economiques
DOSSIER DE CANDIDATURE
POUR
L'HABILITATION A DIRIGER DES RECHERCHES
2010
VOLUME 1
Synthse des travaux
*
Perspectives de recherche
*
Collaborations et contrats
*
Encadrement dtudiants
*
CV
Paule MOUSTIER
Chercheur
CIRAD, UMR Moisa
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1
INTRODUCTION 6
Justification 6
Diversit de lorganisation et de la performance des filires alimentaires 6
Proximit des acteurs et performance des filires alimentaires 8
Prcision sur la collecte et lanalyse des donnes 9
CHAPITRE 1 : Quel est le rle de la proximit physique dans lapprovisionnement des
villes ? 10
Originalit du travail 10
Mthode 11
Importance de lagriculture urbaine pour les produits prissables 11
Avantages de la proximit 12
Spcificits de lagriculture urbaine 12
Influence de la ville sur lagriculture 12
Spcificit de priode dapprovisionnement 13
Multifonctionnalit de lagriculture urbaine 14
Conclusion 15
CHAPITRE 2 : Quel est le rle des relations personnalises entre vendeurs et acheteurs ? 16
Introduction 16
Un prcurseur : Jones 16
Lapport de lconomie des organisations rurales 17
Rapprochement ERO-ECT 18
Relations personnalises dans le commerce des lgumes Brazzaville : application de
lERO 20
Questions 20
Mthode 20
Rsultats 20
Relations en rseau dans le commerce de longue distance en Afrique de lOuest 23
Relations personnalises dans le commerce de lgumes pour Ho Chi Minh Ville au
Vietnam: application du supply chain management 24
Cadre thorique 24
Relations testes 25
Mthode 25
Rsultats 26
Les ventes directes producteurs-consommateurs: de la recherche dinformation la
solidarit 28
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2
Conclusion 31
CHAPITRE 3 : La grande distribution transforme-t-elle les filires alimentaires au bnfice
des dfavoriss? 32
Introduction 32
Un accs ingal des consommateurs la grande distribution 33
Des formes alternatives la GD plus cratrices demploi 34
Le rle des OP dans laccs des producteurs la GD 35
Impact de la GD sur lintgration des filires 37
Conclusion 40
CHAPITRE 4 : Perspectives de recherche 41
Synthse des conclusions 41
Pistes de recherche 41
Quel est limpact conomique des cooprations dans les filires ? 42
La rduction des biais de slection 42
La mesure des impacts de la coopration entre producteurs et commerants : le cas des
contrats 43
La mesure des impacts conomiques des organisations de producteurs 45
Quel est limpact conomique et environnemental de lalimentation de proximit? 48
Evaluation de limpact conomique 48
Evaluation de limpact environnemental 48
Economies et cologies dchelle selon lvolution de la distribution 50
Evaluation de la valeur paysagre de lagriculture de proximit 51
Lagriculture de proximit est-elle une ressource territorialise ? 51
LISTE DES PUBLICATIONS CITEES 56
Thse 56
Articles dans revues comit de lecture 56
Ouvrages et chapitres d'ouvrage 57
Rapports de Recherche 58
Document de travail 58
Communication congrs, actes de colloques 58
AUTRES REFERENCES 59
COLLABORATIONS INTERNATIONALES 67
Au Nord 67
En dehors de la France 67
En France 68
Au Sud 69
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3
CONTRATS DE RECHERCHE 70
ENCADREMENT DETUDIANTS 70
CURRICULUM VITAE 74
LISTE DES SIGLES 80
REMERCIEMENTS 81
-
4
ORGANISATION ET PERFORMANCE DES FILIERES ALIMENTAIRES DANS LES PAYS DU SUD : LE ROLE DE LA PROXIMITE
Les numros entre parenthses renvoient la liste de mes publications ou des travaux d'tudiants que j'ai encadrs. TA signifie traduction de lauteur.
PREAMBULE : A LA DECOUVERTE DES DYNAMIQUES ENDOGENES DE DEVELOPPEMENT
Depuis ma thse en conomie du dveloppement soutenue Wye College (Universit de
Londres) et mon entre au CIRAD (Centre de Coopration Internationale en Recherche
Agronomique pour le Dveloppement), jai supervis pendant plus de vingt ans des
programmes de recherche sur lapprovisionnement alimentaire des villes du sud, dabord en
Afrique, puis en Asie. Ces activits ont t conduites en cooprant avec des chercheurs
locaux, dans les instituts de recherche ou les universits, et en associant des tudiants
franais et trangers, avec un rsultat effectif de renforcement des comptences. Le lecteur
trouvera en fin de document des prcisions sur mon parcours professionnel, en particulier
mes activits dencadrement dtudiants et de programmes de recherche en coopration.
La rdaction dune habilitation diriger des recherches est loccasion de prendre du recul
sur mes travaux dans la dure, et den approfondir le fil directeur. Cest loccasion de
retrouver ce qui manime, le point de vue particulier que je cherche apporter.
Mon parcours de recherche est en partie structur par un souci de mettre en lumire des
formes dorganisation et de dveloppement de lagriculture et des changes peu prises en
compte par les travaux en conomie du dveloppement. En effet, cette discipline est plutt
centre sur des dynamiques du dehors pour expliquer les changements de lagriculture
et des marchs alimentaires : politiques publiques, marchs et capitaux internationaux. Dans
les travaux en conomie agricole des pays du sud, en particulier dans le domaine des
marchs, diffrentes thmatiques porteuses se sont succd. Lorsque jai commenc le
mtier de chercheur il y a une vingtaine dannes, il sagissait des effets de la libralisation
sur le secteur agricole. Depuis une dizaine dannes, cest le thme de la mondialisation, et
son impact sur lagriculture et les changes qui sont lhonneur. Le rle de la grande
distribution dans la transformation de lagriculture est galement moteur de nombreux
programmes de recherche en relation avec le thme de la mondialisation, la grande
distribution tant soutenue par des multinationales. Les thmatiques de mondialisation sont
particulirement voraces, mme la thmatique du local est frquemment combine celle du
global.
Mes premires annes de recherche ont t consacres ltude des filires marachres en
Afrique et de leur capacit approvisionner les marchs locaux. Or, celles-ci se sont situes
relativement lcart des interventions de lEtat, plutt concentr sur des filires daliments
de base ou dlevage, et en dehors galement des marchs internationaux. Pourtant,
lanalyse de leur fonctionnement rvlait une organisation passionnante, et leur capacit
sadapter des environnements contraignants et changeants. En fait, le dveloppement de
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5
ces filires est peu model par le march international ou par les politiques de lEtat, mais
plutt par les dynamiques dmographiques (lurbanisation), et les relations entre les acteurs.
La croissance des villes et les implications pour les secteurs locaux de lagriculture et du
commerce ont t tudies par beaucoup de gographes, mais relativement peu
dconomistes. Cela sexplique en partie par la difficult dobtention de donnes sur des
acteurs largement informels. Au-del de la description des systmes dapprovisionnement
alimentaire, jai cherch en valuer lefficacit, trouver la logique de leur organisation
interne. Jai montr comment linitiative dacteurs privs permettait de rpondre aux
opportunits apportes par le march des villes, et aux contraintes auxquelles ils font face.
En Asie o jai travaill au cours de sept dernires annes, jai pu montrer que ces initiatives
prives se sont combines lappui de lEtat et ont pu gnrer des filires innovantes, telles
que celles de lgumes propres . La grande distribution a profit de ces initiatives de
producteurs innovants et de lEtat, et elle les a renforces. Ainsi, mes travaux montrent que
les dynamiques dorganisation et de changement dans les marchs des pays du sud ne sont
pas seulement stimules par des facteurs externes, tels que la libralisation et la
mondialisation. Les acteurs de la production et du commerce sont capables de sorganiser
pour rpondre la demande des consommateurs locaux, et les relations de proximit entre
ces acteurs gographique, culturelle, relationnelle favorisent cette rponse. Cest ce que
je chercherai montrer dans le prsent document.
Je prsente dabord pourquoi il est ncessaire de sintresser lorganisation et la
performance des filires alimentaires dans les pays du sud. Puis, je dveloppe lapport de
mes travaux sur diffrentes dimensions de lorganisation des filires : la proximit
gographique tout dabord ; les relations personnalises entre vendeurs et acheteurs ; les
organisations de producteurs orientes sur la mise en march, en relation avec le
dveloppement de la grande distribution.
-
6
INTRODUCTION
Justification
Dans les pays du Sud, les questions daccs au march sont reconnues comme
dterminantes dans les problmes de pauvret et de dveloppement (Hosley et Wee, 1988 ;
Diao et al., 2007 ; Vaswani et al., 2005). Le ravitaillement des villes est devenu un enjeu
socio-conomique et politique important, en raison de la rapidit de la croissance urbaine.
Ainsi le taux durbanisation sera pass de 11.1 pour cent en 1950 37.3 pour cent en 2010
en Afrique Sub-saharienne ; ces taux sont respectivement de 16.5 pour cent et 48.5 pour
cent en Asie de lEst. A lchelle mondiale, la population urbaine a dj dpass la
population rurale (Wup, 2007).
Longtemps cantonnes une vision technique des questions dalimentation, rsumant le
problme alimentaire un manque de production, les tudes reconnaissent de plus en plus le
rle des intermdiaires entre production et consommation (7 ; 37). Il sagit non seulement de
crer des marchs, mais galement de mieux les faire fonctionner, surtout pour les plus
dfavoriss (Poole, 2009).
Pour comprendre les problmes daccs au march des producteurs et des consommateurs,
lanalyse de filire, qui porte sur lenchanement des fonctions et des intermdiaires depuis
llaboration du produit jusqu son utilisation finale, semble pertinente. La notion de filire
comme mso-systme, ou celles plus rcentes de supply chain (traduite souvent par :
chane logistique), et de chane de valeur, invite un dcoupage du champ conomique (ou
agro-alimentaire) en diffrents sous-systmes productifs, o lensemble des tapes de
fabrication et de distribution dun produit est considr, ce qui est pertinent pour
comprendre les problmes doffre et de demande (Hugon, 1985). Ce dcoupage est
galement ncessaire pour valuer les impacts conomiques directs et indirects du
dveloppement dun secteur agricole. Nous reviendrons dans les Chapitre 3 et 4 sur les
analyses de chane de valeur et de chane logistique. Notons que le terme de systme de
commercialisation sapplique aux tapes situes entre producteurs et consommateurs.
Diversit de lorganisation et de la performance des filires alimentaires
Comme nous le montrons ci-dessous, diffrents auteurs ont cherch mettre en relation
lorganisation des systmes de commercialisation ou des filires avec leur efficacit (ou
performance), cest--dire leur capacit remplir certains objectifs, ou avec leur efficience,
se rfrant lconomie de moyens mis en uvre pour atteindre des objectifs. Mais les
formes dorganisation comme les critres defficacit ou efficience diffrent selon les
auteurs.
Les approches de structure-conduite-performance (SCP) considrent comme critre de
performance la situation de concurrence pure et parfaite, qui conduit lefficience technique
et allocative. Elles ont t dveloppes tout dabord pour valuer lefficience des entreprises
(Bain, 1959). Elles ont t appliques aux systmes de commercialisation africains,
notamment par Jones (1972) et Goosens et al. (1994). Cependant, cette application se prte
de nombreuses critiques (Harriss, 1987 ; 28). S'il est dmontr que la concurrence pure et
parfaite conduit plus d'efficacit qu'une situation de monopole, il n'est pas dmontr que le
march A runissant plus de conditions de concurrence que le march B soit plus efficace
que lui. Or le problme est bien qu'il est pratiquement impossible de donner un march
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7
toutes les caractristiques de la concurrence la fois et qu'il faut bien comparer diffrentes
options de configuration de march.
Les auteurs centrs sur les pouvoirs de ngociation comme Harris-White (1996) ou Guyer
(1999) ne considrent pas laccs linformation comme dterminant, mais plutt les
capacits financires des acteurs, leur capacit prendre des risques, et lappui public
certains des acteurs. Par ailleurs, les critres defficacit pris en compte ne sont pas la
minimisation du cot de la mise en march, mais plutt lquit entre les acteurs de la
production et du commerce, et aussi, la stabilit de lapprovisionnement vivrier. Ainsi, les
capacits financires des marchands indiens leur permettent dexercer un fort pouvoir de
ngociation sur les producteurs de crales maintenus en situation de dpendance pour le
crdit (Harris-White, 1996). Dans le cas de Kano, Salisbury, Yaound et Dar es Salaam,
plus les commerants concentrent les pouvoirs de ngociation, plus lapprovisionnement
alimentaire est instable, mme en situation de concurrence entre les commerants (Guyer,
1999).
Une autre dimension importante de lorganisation des changes est celle de lorganisation
spatiale (7). Cest le mrite des gographes davoir apport lanalyse de
lapprovisionnement des villes une vision moins mcaniste, grce la description empirique
prcise des circuits de commercialisation des marchs urbains. Des recherches en Afrique
centrale ont t inities par Vennetier (1972), qui met en avant la polarisation de lespace
gographique o lalimentation des citadins dpend dapports lointains, ce qui entrane des
difficults de ravitaillement et un rle croissant pour les transports. Chalard (1996, 1998)
montre limportance du transport dans la capacit de rponse des agricultures vivrires
locales la demande des villes, mais galement celle des flux dchange entre
agglomrations urbaines et campagnes qui ne sont pas limits des flux alimentaires sens
unique. Il met en vidence le jeu complexe des acteurs du commerce qui combinent une
diversit despaces de ravitaillement et de redistribution, et une gamme de produits, afin de
sadapter linstabilit dans le temps de la production, et la dissmination des espaces
cultivs.
Nous prsenterons dans le premier chapitre lapport de lconomie spatiale, et en particulier
Von Thnen, la comprhension de la localisation des productions agricoles selon la
proximit de la ville. Plus rcemment, le courant de lconomie de la proximit met en
vidence les articulations entre la proximit gographique (ou physique) et la proximit
organise. La proximit physique traite de la sparation dans lespace et des liens en termes
de distance (Gilly et Torre, 2000). La proximit organise (ou organisationnelle) se dfinit
par les interactions entre les acteurs (Torre, 2000). Le territoire se prsente comme le
rsultat des interactions entre acteurs locaux ainsi quavec des acteurs extra-locaux
(entreprises, exploitations, Etat, banques, syndicats), au sein duquel certains organismes
jouent un rle de mdiation-hybridation entre local et global et participent ainsi au processus
darticulation entre proximit gographique et proximit organisationnelle (p. 13).
Pour lconomie des cots de transaction (ECT), que nous dvelopperons dans le Chapitre
2, la performance de lorganisation de lchange (ou de sa gouvernance) est value par
rapport la capacit de diminuer les cots de transaction, cest dire lensemble des cots
dinformation, de recherche des partenaires, de ngociation, de suivi et dexcution du bon
droulement de la transaction (Williamson, 1987). Les principales organisations prises en
compte par lconomie des cots de transaction sont : le march spot, les contrats, et
lintgration verticale ("faire faire" plutt que "faire soi-mme").
De manire assez proche des conomistes des cots de transaction, Hoff et al. (1993)
considrent les organisations rurales en relation avec les problmes d'acquisition de
-
8
l'information sur les conditions de l'change et les difficults d'appliquer comme prvu les
engagements. Ces auteurs se revendiquent dune nouvelle approche : lconomie des
organisations rurales (ERO), faisant rfrence au paradigme de linformation imparfaite
(Stiglitz, 1986). Pour les approches de supply chain management (Christopher, 1998;
Fearne et Hughes, 1999), le partage de linformation est galement dterminant pour
diminuer les pertes sur les produits, donc le cot de la mise en march. Il est galement
important pour que les partenaires se mettent daccord sur la qualit correspondant le mieux
aux attentes du consommateur final
Enfin, les analyses de la gouvernance dans les chanes de valeur globales (Global value
Chains : GVCs) (Gereffi, 2003) se basent sur lconomie des cots de transaction. Mais par
rapport lECT, elles introduisent limportance de la rpartition des comptences entre les
acteurs, ainsi que les innovations en termes de qualit des produits (5). Par ailleurs, la
principale notion de performance considre est la comptitivit sur le march international
en termes de cot et dinnovation. Cest souvent par linnovation en termes de qualit que
les entreprises des chanes de valeur peuvent se mettre niveau (upgrade) par rapport
aux filires internationales avec lesquelles elles sont en concurrence. Cette mise niveau
permet une meilleure part dans la valeur totale de la chane pour lentreprise innovante.
Proximit des acteurs et performance des filires alimentaires
Au cours de mes vingt annes de recherches, jai explor ces diffrentes dimensions de
lorganisation et de la performance des filires alimentaires, plus particulirement quatre
dentre elles (conomie spatiale, ERO, supply chain management, GVC). Jai analys tout
dabord le rle de la proximit gographique dans lapprovisionnement alimentaire des
villes (Chapitre 1), mettant en vidence limportance et la spcificit de lagriculture
priurbaine, conformment aux prdictions de lconomie spatiale. Jai ensuite considr le
rle des relations personnalises dans le contrle de linformation par les commerants des
produits alimentaires en Afrique et en Asie, en mappuyant sur lconomie des organisations
rurales et les approches de supply chain management (Chapitre 2). Le rle de la
proximit entre producteurs et consommateurs, dune part pour la confiance en termes de
qualit, dautre part, pour laccs lalimentation des plus pauvres, a fait lobjet de travaux
spcifiques. Outre les cooprations verticales au sein des filires, jai abord plus
rcemment les coordinations horizontales entre les producteurs, et leur efficacit pour
promouvoir la qualit des produits et permettre laccs des petits producteurs la grande
distribution. Ce point sera abord dans le Chapitre 3, qui traite des transformations induites
par la grande distribution dans les filires alimentaires, en termes daccs des
consommateurs et des producteurs, ainsi que de cration demploi. Mes perspectives de
recherche font lobjet du Chapitre 4.
La plupart de mes travaux ont donc port sur les cooprations entre les acteurs des filires
alimentaires producteurs, commerants, et consommateurs et leur rle pour diminuer les
diffrents types dincertitudes caractristiques des transactions sur les produits alimentaires,
qui portent sur les quantits, les prix et la qualit. Le champ empirique dapplication
concerne principalement les filires domestiques des fruits et lgumes dans les pays du sud.
Ces produits ont des spcificits qui, nous le verrons, influencent lorganisation des filires.
Leurs caractristiques ne sont pas stabilises dans le temps du fait de leur caractre
prissable, la production est saisonnire, ils sont sujets la crainte des consommateurs sur
dventuels risques sanitaires du fait de rsidus de produits chimiques.
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9
Prcision sur la collecte et lanalyse des donnes
Une des originalits de mes travaux est la collecte de donnes primaires. Ceci rsulte du
manque de donnes disponibles fiables la fois qualitatives et quantitatives sur les filires
tudies, dans les pays o jai travaill. Jai donc d crer les donnes ncessaires au test de
mes hypothses de travail, en collaboration avec les partenaires locaux des instituts de
recherche et en sciences sociales.
En ce qui concerne les donnes qualitatives, elles ont surtout trait aux stratgies
individuelles et collectives des acteurs des changes : lhistorique de leurs activits, les
motivations dans les choix de leurs modes dapprovisionnement et de redistribution, leurs
contraintes et opportunits pour exercer leurs activits, et, bien sr, de nombreuses questions
sur les relations entre les acteurs, en particulier, les engagements rciproques, les conflits
ventuels et leurs modes de rsolution, le degr de partage des dcisions et des ressources.
Ces informations ont demand des contacts rpts, sources de confiance, et des entretiens
approfondis auprs dacteurs dune mme chane, des producteurs aux consommateurs
finaux. La recherche a impliqu galement un temps important de formation de mes
partenaires locaux conomistes, peu habitus aux enqutes qualitatives, et la collaboration
avec des chercheurs en sociologie et en gographie.
Par ailleurs, jai cherch valuer lefficacit des filires dapprovisionnement en termes de
formation des cots, des prix et des revenus, et de leur variabilit dans le temps. Or, ce type
de donnes quantitatives ntait pas disponible dans les pays o jai travaill. Les quelques
donnes statistiques existantes concernaient essentiellement les prix des lgumes
(principalement collects pour calculer des indices de prix). Un examen approfondi des
mthodes de collecte montrait leur manque de fiabilit pour mener des tudes sur leur
variabilit dans le temps. En particulier, la variabilit de la qualit des produits ntait pas
prise en compte dans les relevs de prix. Lorsque des travaux avaient t raliss sur les
cots et bnfices des producteurs ou des commerants, ceux-ci ntaient bass que sur des
relevs une priode donne, or la variabilit saisonnire des revenus est caractristique du
secteur des fruits et lgumes. Pour obtenir des donnes fiables sur les prix, les quantits, les
origines des produits et leur variation (au moins hebdomadaire), jai donc mis en place des
observatoires, bass sur un protocole de collecte rigoureux, en collaboration avec des
statisticiens, au Congo comme au Vietnam (34 ;35). Les donnes sur les cots et bnfices,
comme celles sur les stratgies et les relations des acteurs, exigent la confiance des
interlocuteurs et ont t obtenus par les entretiens approfondis.
Dans un souci de rigueur dans mes conclusions, jai essay de combiner les approches
qualitatives et quantitatives. Dans la mesure du possible, selon les ressources disponibles,
jai fait suivre les entretiens approfondis auprs dun petit nombre dacteurs, dont les
donnes taient traites manuellement, par des enqutes sur des chantillons reprsentatifs,
traites par des outils statistiques, et centres sur les variables dceles comme importantes
par la phase qualitative, comme le recommandent Casley et Lury (1987). Je souhaite dans
lavenir approfondir les tests conomtriques dans mes protocoles de travail (voir Chapitre
4).
-
10
CHAPITRE 1 : Quel est le rle de la proximit physique dans lapprovisionnement des villes ?
Originalit du travail
La viabilit de lagriculture urbaine face lextension du tissu urbain bti fait lobjet de
nombreux dbats. Les pessimistes prdisent une disparition inluctable de lagriculture
urbaine et considrent non avenue une intervention publique pour la protger. Le maintien
dune agriculture prs des villes peut sembler artificiel et mme inefficace sur le plan
conomique, la demande pour les logements et les infrastructures renchrissant le cot du
foncier, et il peut sembler plus rationnel de favoriser le dveloppement des bassins
dapprovisionnement ruraux, des infrastructures de transport et de marchs de gros, selon
les volutions observes dans les pays du nord (Ellis et Sumberg, 1998). Dautres auteurs
affirment que la proximit entre les consommateurs et les producteurs reprsente un atout
cl quil convient de maintenir malgr la force de la pression foncire (Donadieu et Fleury,
1997).
Latout de la proximit gographique de lagriculture pour lapprovisionnement en produits
prissables a t modlis par Von Thnen (Huriot, 1994). Ce modle rpond la question
suivante : comment le cultivateur choisit-il ses systmes de culture en fonction de la
distance de son exploitation la ville? Le modle de Von Thnen repose sur un certain
nombre dhypothses. Il considre une ville dont larrire-pays est une plaine homogne
spare du reste du monde par un dsert. Par ailleurs, le cultivateur fait des choix de culture
rationnels en termes de rentabilit. La conclusion principale est que les cultures sont
choisies selon celles qui rapportent la rente foncire maximale, celle-ci dpendant de la part
du cot de transport du produit dans la valeur marchande du produit. Ainsi, les produits de
grand poids par rapport leur valeur, reprsentant des frais de transport levs, sont cultivs
prs de la ville. Cest galement le cas des produits trs altrables, consomms ltat frais,
comme la salade et le lait. Les cultures se rpartissent selon plusieurs cercles concentriques :
un premier cercle o dominent les lgumes et le lait, un deuxime cercle avec la
sylviculture, un troisime cercle de crales, etc. Par ailleurs, lauteur prdit que pour la
production dun bien dtermin, lintensit de culture, en termes de travail ou dintrant par
unit de surface, est dautant plus leve que lon se rapproche de la ville. Avec la proximit
de la ville, la jachre disparat et lagriculture utilise plus dengrais achet en ville.
La validit du modle de Von Thnen est remise en question dans les socits industrielles
o la part du cot de transport dans le cot du produit est beaucoup plus faible. Elle est plus
importante dans les pays du sud o les infrastructures de transport sont souvent dgrades.
Ainsi, lapplication des prdictions de Von Thnen a t teste au Cameroun par Gockowski
et Ndoumb (1999 ; 2004) pour Yaound, qui ont montr que la distance moyenne des
champs de lgumes-feuilles au centre ville tait de 22km, alors quelle est de 56 km pour la
tomate et de 71 km pour le poivron, les trois types de produits ayant des dures de
conservation croissantes. De mme Kumar (1986) a montr qu Amritsar, en Inde, il existe
une corrlation entre la distance au centre ville et la prsence des productions les plus
fragiles.
Cependant, ce type de recherche se concentre sur les caractristiques de la production autour
des villes, mais pas sur les circuits de distribution et le rle de lagriculture urbaine dans
lalimentation (ici dfinie comme lagriculture localise dans la ville et sa priphrie, nous
prciserons cette dfinition plus loin). Il existe peu de donnes empiriques sur le rle de
-
11
lagriculture urbaine (AU) dans lapprovisionnement des villes. La plupart des tudes
disponibles confrontent la production de lagriculture urbaine et la consommation et en
dduisent la contribution de lAU la consommation alimentaire des mnages urbains. Mais
cette valuation comporte de nombreux biais. En effet, lagriculture urbaine na pas pour
seule destination la ville proche. Par ailleurs, cette approche ne permet pas dvaluer
limportance de lAU pour diffrents produits, ni diffrentes priodes de lanne. Enfin les
dbats sur lagriculture urbaine sappuient rarement sur une apprciation objective de son
rle pour les socits du sud, ses avantages comparatifs par rapport des sources
alternatives dalimentation et dutilisation des ressources, notamment foncires.
Mthode
Nos tudes sont particulirement originales parce quelles ont valu de manire directe, sur
les marchs de dtail, la part de lorigine urbaine dans lapprovisionnement des
commerants en lgumes, en interrogeant les dtaillants sur lorigine des produits et les
quantits commercialises. Ces enqutes ont t compltes par des entretiens approfondis
auprs des acteurs des filires pour comprendre leurs prfrences en termes de rgions
dapprovisionnement, la formation des prix et des revenus, et les relations entre les acteurs
des filires (voir le Chapitre 3). De 1990 et 1995, jai supervis des enqutes de ce type dans
cinq villes africaines (Brazzaville ; Bangui ; Bissau ; Antananarivo ; Nouakshott). Puis de
2002 2005, des enqutes similaires ont t ralises en Asie du Sud-Est (Hanoi, Vientiane,
Phnom Penh). Pour dfinir les zones dagriculture urbaine, nous avons pris en compte la
fois les limites administratives de la ville et la priphrie o sexerce une influence de la
ville notamment par la pression foncire. Nous reviendrons plus loin sur cette dfinition.
Importance de lagriculture urbaine pour les produits prissables
Lorsquon tudie lorigine des produits sur les marchs urbains, on constate une forte
distinction selon la nature des aliments et plus particulirement leur caractre prissable.
Ainsi, les produits vivriers de base, comme les crales ou les tubercules proviennent
majoritairement des zones rurales ou des importations ; cest galement le cas des lgumes
secs, comme loignon. Par contre, les lgumes frais, les produits laitiers et les ufs sont
majoritairement apports par les zones urbaines (8;27). Pour les lgumes, cest tout
particulirement le cas des lgumes-feuilles, comme les amaranthes, oseilles, morelles,
choux, salades, et ciboules. Ces lgumes sont en tte des lgumes consomms, en Afrique
comme en Asie, avec loignon et la tomate. Ils sont caractriss par leur grande fragilit :
leur tat de fracheur se dtriore au bout dune journe or la fracheur est un important
critre de choix pour les consommateurs, qui disposent rarement de rfrigrateurs. Les lgumes-feuilles sont majoritairement apports par des zones situes moins de trente
kilomtres du centre urbain, que ce soit en Afrique ou en Asie. Les enqutes que jai
supervises en Afrique entre 1990 et 1995 donnent des pourcentages de 80 100% pour une
origine pri-urbaine des lgumes-feuilles dans le cas de cinq villes africaines (Brazzaville ;
Bangui ; Bissau ; Antananarivo ; Nouakshott). A Hanoi, en 2002, plus de 70% des lgumes-
feuilles proviennent d'un rayon de production de 30 km autour de la ville. Ainsi, 95-100 %
de la laitue vient de moins de 20 km, tandis que 73-100 % du liseron deau est cultiv
moins de 10 km de la ville (9).
Pour les lgumes moins prissables comme la tomate et le chou, qui peuvent se conserver
sans dgradation pendant quelques jours, les flux se partagent entre zones urbaines et
rurales. Ainsi, la part des zones urbaines dans lapprovisionnement de la tomate se situe
entre 10 et 50% selon les villes dAfrique tudies.
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Des recherches sur les produits animaux donnent des rsultats voisins. En Afrique, les
poulets de chair de race amliore, le lait et les oeufs proviennent dexploitations situes
dans la ville ou sa proche priphrie, gres par des rsidents urbains, tandis que la viande
de boeuf local consomme en ville provient des levages ruraux traditionnels pastoraux et
agro-pastoraux. Lapprovisionnement des villes en produits animaux seffectue galement
par des importations en provenance dEurope de bas morceaux trs bas prix qui
concurrencent svrement certaines productions locales comme le poulet, mme si les
qualits diffrent (Gurin et Faye, 1999). A Addis Abeba (Bonnet et Duteurtre, 1999), les
20 millions de lait cru proviennent des levages intra-urbains darrire-cour (vente directe
du producteur au consommateur). Par contre, le beurre provient de zones rurales, jusqu
650 kilomtres de la ville.
Avantages de la proximit
Une spcificit de lapprovisionnement par les zones urbaines est le caractre court des
circuits de distribution. Le cas extrme est celui de limplication directe des producteurs
dans la vente au dtail (30% des dtaillants Bangui, 70% Bissau). Le plus souvent, les
producteurs vendent des dtaillants, au champ ou sur des marchs de gros. Pour les
productions rurales, le stade de collecteur et de grossiste est plus systmatique (8).
Un avantage des circuits courts est le faible diffrentiel de prix entre production et
consommation. Nous en avons donn des exemples, en particulier le diffrentiel de prix
Hanoi augmentant avec la distance des zones dapprovisionnement faible pour les lgumes-
feuilles (30 %) et le chou (35 % to 50%) issus des zones urbaines, lev pour la tomate des
zones rurales (75 to 80 %), plus de 100% pour les lgumes en provenance de Chine (8 ; 27).
Ces augmentations correspondent aux cots du transport ainsi quaux revenus des
intermdiaires.
Un autre avantage mis en vidence est celui de la fracheur, particulirement important dans
des situations de faible accs aux rfrigrateurs.
Enfin, la proximit physique favorise la proximit relationnelle entre vendeurs et acheteurs,
qui diminue les incertitudes sur les transactions. Nous y reviendrons dans le deuxime
chapitre.
Spcificits de lagriculture urbaine
Nous avons complt lanalyse des flux dapprovisionnement par ltude des systmes de
production et des stratgies des agriculteurs des zones priurbaines, afin de mieux en
comprendre les spcificits par rapport lagriculture rurale. Cette spcificit explique que
lagriculture rurale ne peut se substituer entirement lagriculture priurbaine (et
rciproquement), quel que soit le niveau de dveloppement des infrastructures de transport.
Influence de la ville sur lagriculture
Les interactions entre la ville et lagriculture, en termes de flux de ressources et de produits,
sont au cur de lidentit de lagriculture urbaine (10 ; 25). Ces interactions sont de
plusieurs ordres. Tout dabord, il sagit de la montarisation du foncier, et de lincertitude
sur son accs long terme. Il existe galement une concurrence entre leau potable et leau
dirrigation, surtout en zone sahlienne. Enfin, des pollutions dorigine industrielle peuvent
affecter leau et le sol utiliss par lAU. Inversement, lagriculture peut gnrer des
pollutions sur leau et les produits du fait des intrants chimiques quelle utilise. Les
interactions positives entre lagriculture et la ville sont constitues des opportunits
commerciales gnres par le march, et par laccs des comptences particulires en
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ville. Ainsi, nous avons mis en vidence les principales opportunits et contraintes de la
localisation urbaine (voir Tableau 1).
Tableau 1 Opportunits et contraintes de la localisation urbaine de lagriculture
Production Commercialisation
Opportunits Flux dintrants et de savoir-faire :
Accs aux intrants
Accs aux dchets urbains
Diversit des savoir-faire (migrations)
Diversit des sources de revenus et de
capital (fonctionnaires, commerants,
expatris)
Accs lappui technique
Proximit du march
Faibles cots de transport
Accs linformation commerciale
Relations de confiance
Contraintes Risques de production
Accs prcaire au foncier
Manque de reconnaissance
institutionnelle
Pollution du sol, de lair et de leau
Vols et divagations
Menaces sur la fertilit des sols
Pression phytosanitaire
Risques de commercialisation
Caractre prissable et instable de
loffre
Forte lasticit de la demande
(lgumes temprs)
Risques sanitaires
Entreprises disperses
Source : (26)
Jai ainsi pu aboutir une dfinition de lagriculture urbaine oprationnelle, alors que celles
que lon trouvait dans la littrature taient assez floues, lagriculture urbaine tant dfinie
comme lagriculture situe dans sa ville et sa priphrie (Undp, 1996 ; Aldington, 1997).
Selon ma dfinition, lagriculture urbaine est considre comme lagriculture localise dans
la ville et sa priphrie, dont les produits sont destins la ville et pour laquelle il existe
une alternative entre usage agricole et urbain non agricole des ressources; lalternative
ouvrant sur des concurrences mais galement des complmentarits entre ces usages
(25;32;33).
Une caractristique de lAU que jai mise en vidence est la diversit des profils socio-
conomiques impliqus, reflet de la diversit de la main-doeuvre et de laccs au capital en
zone urbaine. Jai tabli une typologie des producteurs urbains selon leurs stratgies de
subsistance et de revenus. Les agriculteurs de subsistance forment le premier type, le
deuxime est form dagriculteurs de polyculture vivrire en situation de subsistance, le
troisime inclut les agriculteurs familiaux marchands ; et le quatrime les entrepreneurs,
avec salariat et une grande chelle de production (27).
Spcificit de priode dapprovisionnement
Outre les complmentarits en termes de produits entre lagriculture urbaine et lagriculture
rurale, nos recherches ont aussi montr leur complmentarit dans le temps. Les agriculteurs
urbains peuvent tre mieux mme dapprovisionner toute lanne les marchs grce une
production plus spcialise et bnficiant dinfrastructures dirrigation une caractristique
qui peut aussi se rencontrer dans certaines zones rurales spcialises. Par contre, les zones
rurales peuvent avoir un avantage en saison des pluies, parce que les terres non inondables
peuvent y tre plus disponibles ; cest ce que nous avons montr dans les cas de Bangui,
Bissau ou Nouakshott (8).
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Multifonctionnalit de lagriculture urbaine
Un de mes apports originaux sur lagriculture urbaine est davoir considr non seulement
sa fonction dapprovisionnement alimentaire, mais galement ses autres fonctions, leur
combinaison, et leurs implications en termes politiques, contribuant ainsi aux dbats sur la
multifonctionnalit de lagriculture.
Le concept de multifonctionnalit agricole apparat la fin des annes 1990 dans un cadre
international et europen, au moment o se ngocie la libralisation des marchs agricoles et
donc la rforme des politiques agricoles telles que les avaient mis en place les Etats-Unis et
lEurope. Si le contenu de cette notion est variable, lide gnralement admise est que
lagriculture fournit des biens ou des services qui dpassent la simple production agricole
strictement entendue : prservation, gestion et mise en valeur du paysage rural, protection de
lenvironnement, contribution la viabilit zones rurales, scurit alimentaire, bien-tre
animal, etc. Ces biens ou ces services sont, en gnral, qualifis de non-marchands
(Doussan, 2004). La reconnaissance de ces fonctions non marchandes peut justifier que
lagriculture sorte du cadre de la concurrence, cest--dire, par exemple, quelle bnficie de
soutiens publics.
Nous avons plus particulirement montr lapport de lagriculture urbaine des fonctions
marchandes et non marchandes dans trois pays dAfrique, le Cameroun, le Bnin et le
Sngal (11;12;33). La contribution aux fonctions suivantes a t value : alimentation,
emploi, insertion des dfavoriss, paysage despace vert, lutte contre les inondations. Ainsi,
lagriculture urbaine apporte des rponses aux principaux besoins gnrs par
lurbanisation : lemploi, lalimentation, la prservation du cadre de vie (voir Figure 1).
Figure 1 Lagriculture urbaine, rponse lurbanisation
Besoin
Rponse
Les fonctions de paysage et dinsertion ont des caractristiques de biens publics, cest--dire
la non possibilit dexclusion des usagers, ce qui rend sa prise en charge non rentable pour
le secteur priv (Donadieu et Fleury, 1997). En ville, dautres secteurs sont producteurs de
paysage : par exemple les parcs. Mais lagriculture urbaine a un avantage par rapport aux
autres producteurs de paysage : son fonctionnement est pris en charge par le march
(mme si le march des produits agricoles est un march rgul par la puissance publique).
Ainsi, cest un producteur de paysage moins coteux que les parcs. Par ailleurs, elle est
galement source demplois et dinsertion. La multifonctionnalit de lagriculture urbaine la
rend donc conomique comme producteur de biens publics. Le tableau 2 compare les
scores de trois secteurs urbains : lindustrie, les parcs, lagriculture en termes de
production de diffrents biens et services. Il montre que lagriculture prsente lavantage de
scores honorables sur une diversit de produits (paysage, biens conomiques, emploi-
insertion, scurit alimentaire).
Urbanisation
Alimentation Emploi
Cadre de vie
Agriculture
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Tableau 2 La multifonctionnalit compare de trois secteurs urbains
Secteurs
Industrie Parc Agriculture
Produits
Paysage - ++ +
Biens conomiques ++ - +
Emploi-insertion + - +
Scurit alimentaire - - ++
Source : (27)
Au-del de lvaluation de la multifonctionnalit de lagriculture urbaine partir de donnes
secondaires, nous avons cherch connatre la perception par les rsidents urbains,
agriculteurs et non agriculteurs, des avantages de lagriculture de proximit. En effet, il est
ncessaire de prendre en compte les intrts parfois divergents des acteurs locaux pour le
succs des politiques dintgration de lagriculture dans la planification urbaine (Bryant,
1997 ; 13). Nous avons apport une contribution lvaluation de la multifonctionnalit par
les acteurs de la ville, agricoles et non agricoles, dans le cas de la ville de Dakar (12).
Lapport principal de cette tude est que la multifonctionnalit de lagriculture urbaine ny
est pas value par des chercheurs partir de donnes objectives mais plutt travers sa
perception par les acteurs qui en dpendent (producteurs, commerants, consommateurs) ou
qui linfluencent (dcideurs). Notre article met en vidence la reconnaissance de cette
multifonctionnalit, principalement par les dcideurs. Pour les autres catgories dacteurs, la
production de denres alimentaires, fonction traditionnelle de lagriculture, est
prdominante dans les fonctions reconnues, les fonctions conomiques et
environnementales sont cites de manire secondaire. Les consommateurs et les
intermdiaires sont les moins sensibles aux fonctions autres que lalimentation. La
recherche montre un dficit de communication par les agriculteurs sur les rles sociaux et
conomiques, actuels et potentiels, de lagriculture.
Conclusion
Ainsi, nos recherches ont montr que lagriculture urbaine contribuait de manire
importante des fonctions alimentaires et non alimentaires, en Afrique comme en Asie.
Cette contribution est complmentaire de lagriculture rurale. Elle ne fournit pas les mmes
produits que celle-ci, son rle est majeur pour les produits prissables consomms en frais.
Cette observation est en accord avec les prdictions de Von Thnen, elle est lie aux
avantages de la proximit en termes de transport. Mais nous avons montr que la proximit
de lagriculture la ville confre dautres spcificits et avantages, par rapport une
alimentation uniquement assure par les zones rurales. Lagriculture priurbaine rend des
services aux rsidents de la ville que lagriculture rurale ne peut remplir. Ces spcificits
sont lies la proximit gographique entre producteurs et rsidents urbains. Dans le
chapitre suivant, nous allons approfondir les avantages de la proximit relationnelle entre les
vendeurs et les acheteurs dans les filires qui est souvent couple la proximit
gographique.
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CHAPITRE 2 : Quel est le rle des relations personnalises entre vendeurs et acheteurs ?
Introduction
A travers mes diffrentes recherches sur lapprovisionnement des villes dAfrique et dAsie
en lgumes, jai mis en vidence limportance des relations personnalises entre les
acheteurs et les vendeurs des filires. Je me suis situe dans la perspective des auteurs qui
critiquent lobservation trop rapide du caractre inorganis et informel des marchs
africains. Comme le dit Fafchamps (2004), lactivit marchande nest pas sans forme, mais
elle chappe la formalisation conomique. Lessentiel de lactivit conomique en Afrique
passe par des marchs fragments, en labsence dentreprises de large chelle. Mais rares
sont les travaux qui considrent lactivit des commerants. La micro-conomie est centre
sur les producteurs et les consommateurs. Les conomistes conseillent aux gouvernements
de ne pas interfrer avec le fonctionnement des marchs, mais les connaissances sur le
fonctionnement effectif dun march libre sont limites.
Jai utilis les apports de diffrents auteurs se situant dans le champ de lconomie
institutionnelle pour analyser la logique et lefficacit de ces formes dorganisation :
lconomie des organisations rurales, le supply chain management . Ces deux courants
sont centrs sur les problmes daccs linformation dans les marchs. Ces problmes et
leurs consquences sur lorganisation des marchs avaient t dtects par un conomiste
prcurseur.
Un prcurseur : Jones
Lconomiste Jones (1972, 1974) a t un des premiers reconnatre lefficacit des
relations personnalises dans les marchs africains pour corriger les dficiences du march
en termes dinformation et de crdit. Jones qualifie les relations personnalises
d imperfections compensatoires ( countervailing imperfections ), un concept que jai
dvelopp dans une communication (28). Certains comportements apparaissent comme des
imperfections sils sont compars aux conditions de concurrence pure et parfaite. Mais ils
sont des rponses dautres imperfections et vitent une consquence trop ngative de
limperfection dont ils drivent sur la performance des marchs. Ces mcanismes peuvent
apparatre eux-mmes imparfaits mais ils sont compensatoires et ne devraient probablement
pas tre modifis tant que les imperfections primaires qui en sont lorigine nauront pas t
corriges (Jones, 1974 : 250, TA). Parmi ces imperfections, les relations personnalises
sont des imperfections au sens no-classique, car elles constituent des barrires dentre
pour des agents sans liens privilgis avec les protagonistes du march. Mais daprs Jones,
elles rpondent des dficiences du march dans la circulation de linformation, dans
lhomognit des qualits et dans la circulation du crdit. Ainsi les systmes de
commercialisation fonctionneraient beaucoup moins bien dans un contexte de fragmentation
conomique et de manque dinformation publique sur les offres et les opportunits sil
nexistait pas dautres imperfections et en particulier la persistance de relations dchange
personnalises []. Le systme donne chaque commerant un service de nouvelles de
march semi-priv (Jones, 1974 : 250), TA). Il signale galement que l inorganisation
du march du capital serait une limitation plus svre sans les relations de crdit de
commerant commerant qui sappuient sur la confiance, elle-mme base sur la
continuit des relations.
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Lapport de lconomie des organisations rurales
Lconomie des organisations rurales (en anglais economics of rural organization , ERO) a
fait lobjet dun ouvrage publi par la Banque Mondiale (Hoff, Braverman et Stiglitz, 1994).
LERO se propose dexpliquer les institutions du secteur rural, dfinies comme un systme
de rgles qui dfinissent les types dchange entre les individus et qui structurent leurs
incitations (TA, p.1)1. Ce courant est n de la critique par un groupe dconomistes de la
thorie de lquilibre gnral qui prend mal en compte les nombreuses imperfections des
marchs, en particulier en termes dinformation imparfaite. Lorsque linformation est
imparfaite, les seuls mcanismes de march ne permettent pas le mcanisme optimal des
transactions. La volont de respecter les contrats nest assure que si un mcanisme
dexcution pnalise la rupture du contrat (Fafchamps, 2004).
Les principaux dfauts d'information et d'application des engagements pris en compte sont:
- Les asymtries d'information entre les co-contractants, notamment sur la qualit des
produits.
- Le problme d'valuation de la fiabilit de son partenaire dans la transaction ("screening") ;
ce problme limite lmergence de marchs du risque.
Dans les pays du sud, les obstacles au bon fonctionnement des marchs issus de linformation
imparfaite sont exacerbs par les problmes de transport et de communication et la faiblesse
des systmes lgislatifs. Les marchs sont caractriss par une myriade de commerants,
changeant des volumes trs faibles. Il nest donc pas rentable darbitrer les conflits par la
voie judiciaire (Fafchamps, 2004).
LERO se propose dexpliquer : (i) quelles transactions sont facilites par les organisations ;
(ii) quelles contraintes empchent le march de fonctionner ; (iii) comment ces contraintes
peuvent tre rduites par des arrangements alternatifs ; (iv) comment les organisations
sadaptent des circonstances changeantes.
Les organisations rpondent aux contraintes dinformation et de risque par diffrents
mcanismes. Elles permettent dagrger les ressources des agents. Elles peuvent limiter les
transactions des membres de certains groupes de rsidence ou de connaissance ou de
parent, dans lesquels des relations de confiance ont pu se dvelopper.
Un mcanisme important trait par lERO concerne les transactions lies. Les transactions
lies font rfrence la situation o les termes dune transaction dpendent des termes dune
autre transaction entre des partenaires donns, par exemple la transaction sur un facteur,
comme le crdit, dpend de la transaction sur le produit (Bardhan, 1989).
En matire de production agricole, l'exemple du mtayage est bien connu. Les transactions
entre propritaire foncier et mtayer portent sur le travail, le foncier, l'approvisionnement en
intrants, et parfois la mise en march. En matire de commercialisation de produits agricoles,
les commerants accordent souvent des crdits aux producteurs.
L'imbrication des transactions peut limiter les contraintes d'information et d'incitation de la
manire suivante :
1 La notion dorganisation peut tre distingue de celle dinstitution selon le caractre volontaire ou impos de
ces units de coordination des acteurs conomiques (North, 1990 ; Mnard, 1990). Cependant, dans Hoff et al.
(1994), les deux termes sont souvent utiliss de faon interchangeable.
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18
- L'imbrication des transactions rduit la tentation de tricher sur une des transactions cause
des consquences de la tricherie sur l'autre transaction; l'inverse elle augmente la motivation
pour satisfaire son partenaire sur une transaction dans l'esprance de termes plus avantageux
sur la transaction associe.
- La relation d'engagement dans une des transactions peut servir de caution par rapport
l'autre transaction; c'est le cas, par exemple, de la transaction sur le produit par rapport la
transaction sur le crdit.
Dorward et al. (1998) ont analys lefficacit des transactions lies dans le cas de diffrentes
filires dexportation: le coton et le bl au Pakistan (cas dvelopps dans Smith et
Stockbridge, 1999), le coton au Nord Ghana, le cajou en Tanzanie, le bl au Pakistan. Les
relations entre les producteurs et les commerants sont caractrises par des transactions lies
sur le crdit et les intrants (fournis par les commerants), et les produits (vendus par les
agriculteurs). Lefficacit des transactions lies est jauge leur capacit rduire les cots
de transaction dune part, et ne pas renforcer de pouvoir de march dautre part. Dans les cas
tudis, les transactions lies permettent des marchs imparfaits de se dvelopper alors que
lalternative serait le dfaut total de march. Mais elles peuvent favoriser le pouvoir des
commerants au dtriment des producteurs, les commerants utilisant leur pouvoir sur un
march pour renforcer leur pouvoir sur dautres marchs. A partir des tudes de cas les
auteurs identifient les conditions suivantes pour que les transactions lies soient bnfiques :
une taille suffisante des transactions ; linvestissement dactifs spcifiques par les
commerants ; la concurrence entre commerants ; lchange dinformations entre les
commerants sur la fiabilit des producteurs ; linformation des producteurs sur le prix des
intrants et des produits.
Rapprochement ERO-ECT
Nous dveloppons ci-dessous comment lERO se situe par rapport lconomie des cots de
transaction (ECT) dveloppe par Williamson (1987; 1991).
Pour lECT, lorsque deux partenaires s'engagent dans une transaction, ils s'accordent sur un
certain nombre de paramtres de la transaction. Les cots de transaction comprennent tous les
cots associs la mise en place et au suivi de l'excution de cet accord. Les cots de
transaction comprennent les cots de transaction ex-ante et les cots de transaction ex-post,
les diffrents types de cots tant interdpendants. Les cots de transaction ex-ante
correspondent aux cots de conception, de ngociation et de garantie de l'excution d'un
accord. Les cots de transaction ex-post sont relatifs aux cots de la structure de gouvernance
qui gre le suivi de l'excution de l'accord, les mcanismes d'incitation, et la gestion des
conflits potentiels. Il s'agit galement des cots engendrs par un cart de ralisation de la
transaction par rapport aux prvisions. Il peut s'agir de cots stratgiques rsultant de
comportements opportunistes. Trois attributs des transactions sont dterminants sur le niveau
et la nature des cots de transactions : la spcificit des actifs ; la frquence des transactions ;
l'incertitude. La spcificit des actifs est la difficult utiliser les actifs pour des transactions
alternatives, ou encore leur non redployabilit.
La frquence leve des transactions (ainsi que leur volume) peut gnrer des conomies
d'chelle sur les cots de fonctionnement de la structure de gouvernance. Mais elle peut
galement inciter les agents conomiques respecter leurs engagements, donc rduire les
chances dopportunisme (Klein et Leffler, 1981). Limpact de la rptition des changes sur la
rduction des cots de transaction a t galement montr par Porath (1980) et Platteau et al.
(1980).
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L'incertitude est de deux sortes. Elle est de nature contingente l'environnement de la
transaction. Elle porte galement sur le comportement du partenaire. L'incidence de
l'incertitude est amplifie par le caractre limit de la rationalit des acteurs. L'incertitude
implique des adaptations squentielles aux changements de l'environnement, d'autant plus que
les actifs engags dans la transaction sont spcifiques.
Les organisations tudies initialement par l'ECT taient principalement:
-L'entreprise, organisation centralise et hirarchique, caractrise par l'intgration verticale,
cest--dire la combinaison de deux ou plusieurs stades sparables de production ou mise en
march sous une gestion ou une proprit commune ;
- Les contrats, engagements bilatraux ou multilatraux avec certaines restrictions en termes
de clientle et de territoire.
Ces organisations reprsentent des formes alternatives de coordination par rapport l'change
marchand ponctuel. Williamson s'est beaucoup intress l'alternative "march" ou
"intgration verticale" ou encore "faire faire" ou "faire soi-mme". Son argument principal est
que la rationalit du choix d'une de ces alternatives dpend la fois des cots de production -
au sens large, comprenant l'ensemble des cots des oprations techniques, y compris la
transformation et le transport - et des cots de transaction qui leur sont associs. Les
organisations comportent des mcanismes rducteurs des cots de transaction, en particulier
les mcanismes d'incitation, la centralisation des dcisions et des droits de proprit. Par
contre, le march peut conduire des conomies d'chelle sur les cots de production par
rapport des organisations plus bureaucratiques.
Les cots de transaction dpendant des attributs spcifiques de la transaction, chaque
transaction est particulire et on ne peut gnraliser dans l'absolu sur l'efficacit relative d'un
type d'organisation. C'est pourquoi Williamson critique le traitement trop rapide de
l'intgration verticale comme une forme inefficace de monopole.
De nombreux tests empiriques des prdictions de lECT ont t raliss, qui en montrent la
robustesse, en particulier sur la relation entre la spcificit des actifs et lintgration verticale
(Shelanski et Klein, 1995). Greif (1993) a montr que les coalitions de commerants Maghribi
taient une rponse aux problmes dexcution des contrats dans un contexte dinformation
imparfaite et de manque de structures judiciaires lgales. Milgrom et al. (1990) analysent le
systme des juges privs dans les foires de Champagne au Moyen-Age, chargs de faire
appliquer un code commercial informel. Ils dmontrent quil sagit dune institution efficace
pour diminuer les cots de transaction lis aux risques dopportunisme dans le commerce.
Dans le domaine des marchs alimentaires africains, les travaux de Smith et Luttrell (1995)
sur les associations de grossistes vivriers au Nigria, et Staatz et al. (1989) sur le commerce
des crales au Mali montrent les avantages des associations ou rseaux de commerants en
termes de rduction des cots de transaction.
Par rapport lconomie des organisations rurales, lconomie des cots de transaction
apporte des variables complmentaires pour comprendre lexistence et lavantage de formes
alternatives au march anonyme. Mais Stiglitz (1986) signale les difficults de mesure des
cots de transaction, et la relative pauvret des catgories darrangements institutionnels pris
en compte par lECT relativement lERO. Cependant, cette remarque peut sembler infonde
de nos jours, comme le montrent les travaux empiriques cits ci-dessus, et la richesse des
travaux de lconomie des cots de transaction sur les formes hybrides, intermdiaires entre le
march et la hirarchie (Mnard, 2004). Par ailleurs, les frontires entre ERO et ECT sont
poreuses. Nous souhaitons en tous cas approfondir lapplication de lconomie des cots de
transaction nos recherches futures (voir Chapitre 4).
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Relations personnalises dans le commerce des lgumes Brazzaville : application de lERO
Questions
Les applications de lERO ont t surtout dveloppes pour des institutions rurales
spcifiques : les institutions de crdit, le mtayage. Loriginalit de mon travail de thse a
t dlargir le champ dapplication aux relations entre les acteurs des filires. Lapplication
empirique a concern le commerce des lgumes destination de la ville de Brazzaville au
Congo (1 ; 38). Les questions suivantes ont t traites : (i) le march des lgumes
destination de Brazzaville est-il caractris par une situation de concurrence parfaite? (ii)
existe-il des organisations alternatives au march concurrentiel qui coordonnent les
dcisions d'change des agents? (iii) quelle est l'efficacit de ces organisations rsoudre les
contraintes des participants au march?; (iv) peut-on amliorer l'efficacit des organisations
existantes ou promouvoir de nouvelles organisations?
Mthode
La recherche sest appuye sur des tudes de cas approfondies de 10 dtaillants et 20
grossistes, et une enqute sur questionnaire auprs de 350 dtaillants. Les questions ont trait
lhistoire de lactivit, laccs aux ressources ncessaires la conduite du commerce, la
nature des produits, les rseaux dapprovisionnement et de redistribution, le montant et
lutilisation des revenus, la variabilit dans le temps des activits. Les formes dorganisation
ont t analyses par des questions sur les relations entre les commerants et les autres
acteurs en termes daccs aux ressources et aux produits, les politiques publiques, lattitude
vis--vis des nouveaux entrants, les pouvoirs de ngociation relatifs aux conditions des
transactions. Des relevs de prix hebdomadaires ont t conduits.
Rsultats
Des marchs imparfaits
Les grossistes et dtaillants individuels sont les principaux intermdiaires entre production
et consommation. En plus des transactions sur les denres, l'activit des grossistes et
dtaillants de lgumes mobilise des transactions sur les infrastructures, le travail, le crdit et
le risque.
Il n'existe pas de march pour les biens suivants cause d'une offre absente ou fortement
contrainte: les marchs de gros; les infrastructures de stockage adaptes aux lgumes;
l'assurance contre le risque. En ce qui concerne la main-d'oeuvre, les transactions sont
limites parce que les besoins en travail sont faibles et peuvent tre couverts par la main-
d'oeuvre familiale. Par contre, il existe des marchs pour les emplacements de vente au
dtail, les moyens de transport et le crdit. Cependant ils ne peuvent tre qualifis de
parfaitement concurrentiels. Toutes ces contraintes crent des barrires d'entre sur le
march des lgumes. Par ailleurs, le march des lgumes est caractris par une information
dficiente sur l'offre, la demande, les prix et la qualit des produits.
Des organisations alternatives au march
Les organisations suivantes oprent en substitution ou en complment la coordination par
le march.
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21
Les relations familiales facilitent laccs au crdit pour lachat de marchandises, les
emplacements de vente au dtail, la mise en relation avec les fournisseurs.
Les accords bilatraux d'change rpt entre vendeurs et acheteurs de lgumes fonctionnent
de la manire suivante : en change dune garantie dachat par la dtaillante en priode
dabondance, la grossiste ou le producteur garantit la vente en priode de pnurie. Ces
relations fidlises sont galement couples des dlais de paiement denviron une semaine
qui permettent la rengociation du prix dachat. Les partenaires privilgis sont dsigns
sous le terme de client . Ce type dengagements rciproques a t galement dcrit par
Lyon (2000) dans le cas du commerce des tomates au Ghana.
Les associations de crdit tournant (tontines) chez les dtaillantes, et, dans une moindre
mesure, les grossistes, permettent partir de versements journaliers, dobtenir un crdit de
manire tournante. Le rle des tontines pour les commerants dans un contexte daccs au
crdit dficient a t mis en vidence pour des contextes africains et indiens par Geertz
(1962) et Besley (1993). Nous avons trouv une originalit dans le fonctionnement des
tontines Brazzaville, cest--dire la diversit des dures des tontines. Elles durent de neuf
jours trois mois et sont adaptes au caractre fluctuant des revenus des dtaillantes.
Enfin, l'intgration de la production et du commerce facilite l'accs aux marchandises. Le
cas des producteurs vendant directement aux consommateurs concerne 20% des
transactions.
Des associations de producteurs ont t identifies pour collecter l'information et ngocier
les prix des marchandises.
La rduction par les organisations des contraintes dinformation
Ces organisations sont caractrises par des relations de confiance et, en ce qui concerne les
accords bilatraux, des imbrications entre transactions sur le crdit et les marchandises. Ces
deux caractristiques conomisent des cots en information et surveillance des transactions.
La confiance peut tre dfinie comme la faon dont les partenaires attendent des
ngociations quelles soient justes et des engagements quils soient respects et la croyance
dun partenaire que ses besoins seront satisfaits par les actions futures de lautre partie de la
transaction (Anderson et Narus, 1984 ; Anderson et Weitz, 1989 ; Barney et Hansen, 1994).
Dans le march des lgumes Brazzaville, les relations de confiance sont permises par les
caractristiques suivantes : (i) la rptition des transactions ; (ii) lhomognit ethnique, qui
renforce la possibilit de pression du groupe social pour le respect des engagements ; (iii)
linitiation au mtier par un parent expriment ; (iv) lexercice de lactivit dans la mme
zone gographique.
Dans les relations bilatrales entre les fournisseurs et les vendeurs, il y a des imbrications
entre : (i) laccord qui tablit le client A comme le fournisseur privilgi ; (ii) laccord qui
tablit le client B comme lacheteur privilgi ; (iii) laccord tablissant le recours possible
au paiement diffr ; (iv) laccord de prix plus favorables que lors de transactions
anonymes. Lefficacit de ces transactions lies peut tre interprte grce au cadre
danalyse apport par Bardhan (1989). Dune part, elles conomisent des cots de
transaction, en permettant la double coincidence de besoins qui ne pourraient pas tre
satisfaits par des transactions de type spot. Les producteurs naccepteraient pas doctroyer
des dlais de paiement leurs acheteurs si leurs dbouchs ntaient pas scuriss toute
lanne. Rciproquement, les acheteurs naccepteraient pas dacheter les produits de leurs
fournisseurs toute lanne sils ne bnficiaient pas de paiement diffr et de prix plus
favorables. Dautre part, elles conomisent des cots de contrle des accords. Limbrication
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des transactions rduit les incitations tricher sur une transaction cause des implications
sur lautre transaction qui lui est attache. Un commerant qui ne rembourserait pas sa dette
ne se verrait plus accord un approvisionnement garanti en priode de pnurie. De mme,
un producteur vendant un acheteur autre que son client en priode de pnurie se verrait
refuser lachat de son produit en priode dabondance. Les transactions lies augmentent les
incitations obtenir un rsultat favorable pour lensemble des transactions. Enfin, elles
remplacent des marchs dfaillants : lengagement de priorit entre les clients fournit une
sorte de caution aux relations de crdit engages dans les transactions.
Nous sommes ici proches de ce que Greif (1993) a qualifi de stratgie de punition
bilatrale : la menace des reprsailles entrane le respect des obligations contractuelles, la
forme la plus simple des reprsailles tant le refus de continuer faire du commerce.
Nous pouvons dire que le march de Brazzaville runit les conditions defficacit des
transactions lies identifies par Dorward et al. (1998), avec peu de risques dasymtrie de
pouvoir au bnfice des commerants : en effet, linformation sur les prix circule bien, les
commerants ne forment pas doligopole, et les transactions lies ne portant pas sur des
intrants ou du crdit (le crdit est limit un dlai de paiement de court terme accord par
les producteurs aux commerants), ce qui limite les effets cumulatifs de pouvoir de march.
Les relations identifies entre les acteurs des filires peuvent tre qualifies de capital social
au sens de Coleman (1988), cest--dire un ensemble de relations sociales qui facilitent les
actions conomiques. Ces relations fonctionnent comme un systme de crances
rciproques.
Les effets sur les revenus
Les relations de coopration dans les filires ne crent pas dexclusion mme si elles
facilitent laccs au march. Les revenus sont assez quilibrs entre les producteurs et les
dtaillants. Cependant, ces relations de coopration crent certaines situations doligopole et
une htrognit dans les prix de gros. La flexibilit des arrangements observs parat plus
efficace que les quelques exemples de groupements vendant prix fixes et qui se sont solds
par des checs, dans un contexte de forte instabilit de loffre.
Des amliorations possibles
En conclusion, la recherche a montr la capacit des organisations identifies rsoudre les
problmes dinformation imparfaite relatives aux marchs du crdit et des produits. Par
ailleurs, les organisations de producteurs et commerants permettent de cumuler des
ressources complmentaires, en particulier la trsorerie et l'information. Les caractristiques
sociologiques de l'ethnie Kongo et l'histoire du secteur lgumier contribuent expliquer
l'homognit sociale du secteur des lgumes, qui est au coeur des organisations identifies.
Les organisations existantes sont efficaces pour rsoudre les contraintes d'information
imparfaite sur les transactions de crdit et de marchandises, et elles ont des effets positifs
sur tous les agents de la filire, y compris producteurs et consommateurs. Cependant, le
fonctionnement du march des lgumes pourrait tre amlior, notamment par la rduction
de l'instabilit de la production de lgumes, qui rend imparfaite l'information sur le march
et accentue le caractre risqu de l'activit commerciale. Des recommandations ont t
apportes pour amliorer le fonctionnement des marchs, en particulier rendre la production
plus stable par le dveloppement du marachage de contre-saison, des crdits des
entrepreneurs pour dvelopper des infrastructures de stockage et de transport.
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Relations en rseau dans le commerce de longue distance en Afrique de lOuest
Dans le commerce local des lgumes frais Brazzaville, jai surtout pu identifier des
relations bilatrales entre vendeurs et acheteurs. Dans le cadre du suivi dune thse sur
lorganisation du commerce de loignon en Afrique de lOuest (3 ; 20), nous avons mis en
vidence le rle de rseaux de large chelle, et analys leur rle pour faciliter les
transactions.
Dans lanalyse des filires dapprovisionnement en oignons de la ville dAbidjan, nous
avons port une attention particulire lanalyse des relations entre acteurs pour laccs aux
ressources et au march, au suivi dindicateurs de rsultats conomiques et lanalyse
historique des changements dans les systmes dapprovisionnement.
Ce commerce de longue distance (2500 kilomtres) est centralis par dix grossistes
importateurs, bass Abidjan, qui revendent 150 demi-grossistes, eux-mmes
approvisionnant 10000 dtaillantes. Les grossistes importateurs achtent une trentaine de
grossistes expditeurs bass au Niger, ainsi que de loignon de Hollande auprs de socits
dimportation libano-syrienne et ivoiriennes.
La dizaine dimportateurs nigriens bass Abidjan constituent les vritables ttes de
rseaux oligopolistiques. Un rseau peut tre qualifi comme une srie de connexions
dacteurs en termes de liens territoriaux, familiaux, historiques, culturels, ainsi que de
relations hirarchiques, de dpendances et dobligations (Devisse, 1972 ; Dufourt, 1995).
Les grossistes exercent un pouvoir sur les transactions de plusieurs manires. Ils contrlent
linformation sur les volumes en circulation, grce un rseau dinformateurs bass dans
certains villages. Ils accordent des crdits aux demi-grossistes pour lachat et le stockage
dune cinquantaine de sacs doignons. En change, les demi-grossistes entretiennent des
relations de fidlisation avec les grossistes importateurs. Le mme systme lie les demi-
grossistes aux dtaillants. En amont, les grossistes expditeurs sont dpendants des
importateurs pour linformation sur les volumes et les prix, et attendent leur feu vert avant
tout dplacement. Les importateurs les paient au comptant, et leur assurent une srie de
services comme lhbergement Abidjan, et le soutien financier en cas de problme,
comme une panne ou des pertes.
Les relations de confiance et de fidlisation entre les grossistes sont cimentes par une
mme appartenance religieuse et politique, ainsi que par une origine territoriale commune :
le dpartement de Tahoua au Niger. La mobilisation de systmes complexes dappartenance
familiale, ethnique, religieuse, politique, conomique pour le commerce de longue distance
en Afrique a t mise en vidence par des socio-anthropologues (Grgoire et Labaze,
1993).
Du fait des trs grands volumes mis en vente (environ 2000 tonnes par grossiste), les
grossistes importateurs sont ceux qui obtiennent des revenus les plus levs par rapport aux
autres dix fois plus que les grossistes, et cent fois plus que les producteurs ou dtaillants.
Comme pour le commerce des lgumes Brazzaville, les relations entre les acteurs peuvent
tre interprtes comme des rponses la dficience des marchs du crdit, du risque et de
linformation. Mais pour ce commerce de longue distance, exigeant en capital, notamment
pour le stockage, les relations de fidlisation correspondent des relations de dpendance
des demi-grossistes et dtaillants pour les ttes de rseau et des revenus trs
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dsquilibrs en faveur de loligopole des grossistes, ce qui ntait pas le cas pour les
lgumes frais.
Lencadrement dun autre travail de thse, portant sur les stratgies des producteurs de
tomate dans la rgion dAbengourou en Cte dIvoire, a rvl que ceux-ci, majoritairement
allochtones, sont sujets une triple dpendance, pour le foncier et leau (vis--vis des
autochtones), pour laccs aux intrants et au crdit (vis--vis des grossistes dAbidjan).
Cette situation conduit des rsultats conomiques plus dfavorables pour les producteurs
allochtones que pour les autochtones (4 ;20).
Relations personnalises dans le commerce de lgumes pour Ho Chi Minh Ville au Vietnam: application du supply chain management
Cadre thorique
Mes diffrentes recherches sur lapprovisionnement vivrier des villes dAsie, menes
partir de 2002, mont conduit identifier nouveau diffrentes formes de coopration entre
les acteurs des filires et analyser leur influence sur la fluidit des transactions, mais
galement sur le contrle de la qualit des produits. Jai aussi enrichi mes cadres thoriques
par les analyses de supply chain management, et de chanes de valeur (voir Chapitre 4). De
2002 2005, jai co-encadr une thse sur les relations personnalises dans le commerce de
lgumes approvisionnant la ville de Ho Chi Minh Ville au Vietnam. Cette thse a t
ralise luniversit de Londres, Imperial College at Wye, sous la direction universitaire
du Dr Andrew Fearne (2).
Les approches de supply chain management sont diverses. Tentant une synthse,
Mentzer (2001) dfinit une supply chain (parfois traduite en franais par chane
logistique), comme lensemble dentreprises lies directement par des flux de produits, de
services et dinformation et des flux financiers, depuis une source jusqu un
consommateur (TA, p.5). Par rapport la notion de filire, qui a t dveloppe par
lconomie industrielle (Morvan, 1991), la chane logistique est centre sur lutilisateur final
et la chane dentreprises en amont, elle nintgre pas ncessairement le producteur et nest
pas centre sur un produit donn (Trognon, 2009). Cest une notion proche de celle de
canal de distribution des approches franaises de gestion, dfini comme l'ensemble des
institutions qui assurent la relation entre le producteur et le consommateur (Filser, 1989).
Mais la notion de chane logistique est moins neutre que celle de canal de distribution, elle
met plus laccent sur la coordination entre les entreprises, et sur la gestion par les flux
(Poirel, 2006). Le supply chain management (qui peut se traduire par : gestion de la
chane logistique), est la coordination stratgique systmique des fonctions de gestion
lintrieur dune entreprise et entre les entreprises dune chane logistique en vue de
lamlioration long terme de la performance des entreprises individuelles et de toute la
chane (Mentzer, 2001, TA, p. 22).
Pour les approches de supply chain management , le partage de linformation entre les
acteurs des filires est dterminant pour diminuer les pertes sur les produits, donc le cot de
la mise en march. Il est galement important pour que les partenaires se mettent daccord
sur la qualit correspondant le mieux aux attentes du consommateur final La littrature en
SCM et en marketing permet dapprofondir la caractrisation des relations inter-entreprise
ou en anglais business-to-business relationships (B2B) (15) ; le couple form par les
deux entreprises en relation est qualifi de dyade. Daprs Webster (1992), les partenaires
stratgiques et les rseaux remplacent progressivement les transactions bases sur le march
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et les organisations bureaucratiques hirarchiques. Une nouvelle conception du marketing
est centre sur la gestion des partenariats stratgiques et lobjectif de crer une valeur
suprieure pour le consommateur.
Relations testes
Une revue de la littrature en marketing et en SCM nous a permis dlaborer un canevas de
relations entre diffrentes variables de la relation, la performance et lenvironnement de la
transaction (Figure 2). Nous prsentons tout dabord les variables de la relation.
Le marketing introduit la notion dengagement (variable 1), couple une orientation des
attitudes et des perspectives des parties prenantes vers le long terme (Lusch et Brown,
1996). Cette notion est lie la longueur de la relation marchande (variable 2). La
coopration (variable 3) est dfinie comme des actions coordonnes similaires ou
complmentaires conduites par des firmes dans des relations interdpendantes pour atteindre
des rsultats collectifs ou particuliers, avec une esprance de rciprocit dans le temps
(Anderson et Narus, 1984). Lorientation marchande (variable 4) est dfinie comme la
recherche active, la diffusion et la raction relative linformation sur les clients, les
concurrents et lenvironnement pour satisfaire les besoins du consommateur final dans une
chane dapprovisionnement aux bnfices des acteurs de la chane (Elg, 2002). Elle est
base sur la communication entre les partenaires (variable 5). La planification conjointe
(variable 6) fait partie de la coopration. Elle dsigne lexplicitation des droits et devoirs en
situation dimprvus. Cette notion est proche de la rsolution conjointe des problmes qui
fait rfrence la rsolution des dsaccords entre partenaires (Claro et al., 2003).
Une autre dimension identifie comme importante par Claro et al. (2003) est la confiance,
inter-personnelle (variable 6) et inter-organisationnelle (variable 7). La confiance
interpersonnelle fait rfrence la confiance accorde par un partenaire lautre partenaire
de la transaction. La confiance inter-organisationnelle fait rfrence la manire dont le
membre dune organisation adhre la confiance collective de lorganisation envers son
partenaire. A loppos de la confiance se trouve lasymtrie de pouvoir conduisant labus
de pouvoir que certains auteurs relient une moindre performance des chanes (Duffy et al.,
2003).
Claro et al. (2003) cite galement les actifs spcifiques physiques (variable 10) et humains
(11), en se rfrant Williamson.
Une autre dimension du succs du marketing relationnel est linnovation (variable 12), en
particulier en termes de nouveaut dans les caractristiques des produits adaptes ce que
recherche le consommateur, court et long terme; cette dimension implique des flux rapides
dinformation entre les distributeurs et les producteurs (Desbarats, 1999). Elle est proche de
la flexibilit (variable 13), cest--dire la capacit dadaptation de lentreprise aux besoins
changeants des fournisseurs ou clients (Vickery et al., 1999).
Nous avons retenu 20 indicateurs de performance de la relation, principalement lchelle
de lentreprise engage dans la transaction. Ils sont qualitatifs, comme la satisfaction vis--
vis des partenaires de la transaction et la satisfaction du consommateur final ; et
quantitatifs : volumes de vente, valeur des ventes, prix dachat et de vente, niveau de pertes,
temps de traitement dune commande.
Mthode
Le travail empirique a comport une enqute sur 93 grossistes de lgumes et galement des
tudes de cas sur les diffrents intermdiaires de cinq filires de lgumes (tomate et laitue),
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trois vers des grossistes de march de Ho Chi Minh Ville, deux vers des supermarchs ;
dans tous les cas les producteurs sont situs dans la province de Lam Dong, environ 300
kilomtres de Ho Chi Minh Ville. Une ambition tait de tester de manire conomtrique les
relations entre des variables de performance (principalement les pertes, le volume des
ventes, la diffrence de prix entre dbut et fin des ventes) et des variables de relation
(frquence de communication, modes de communication, rgularit des relations, modes de
fixation des prix et du paiement).
Rsultats
Le travail conomtrique na pas t concluant. Cela est sans doute d deux raisons :
dune part, une question dchantillonnage : il a t difficile de trouver dans la base de
donnes plus de trente commerants avec les mmes caractristiques en termes de produits
et de lieu dapprovisionnement ; dautre part, la difficult traduire en modalits limites
les rponses des questions complexes comme la satisfaction vis--vis des partenaires de la
transaction.
Par contre les tudes de cas rvlent des relations intressantes.
Ainsi, la coopration et la planification jointe, couple la confiance inter-personnelle, se
traduisent dans trois tudes de cas par une rduction des pertes et une plus grande
satisfaction des partenaires. La premire tude de cas porte sur M. Van, grossiste en laitue.
Il planifie ses achats auprs de ses fournisseurs cinq jours lavance. Il a investi dans des
programmes de formation au bnfice de ses fournisseurs (14). Ces programmes ont trait
la rcolte et au conditionnement de la laitue. Ses pertes sont de 7 pour cent plus faibles que
celles de ses concurrents. La deuxime tude de cas porte sur M. Mai. Celui-ci donne un
acompte ses fournisseurs, et lentente sur les prix est ralise avant la vente, ce qui permet
daugmenter les relations de confiance et la satisfaction des fournisseurs. Une troisime
tude de cas porte sur lapprovisionnement dun supermarch partir de 35 collecteurs-
grossistes ddis. Le grant de supermarch a achet des tlcopieurs pour ces fournisseurs,
afin de leur passer des commandes journalires. Cette relation a permis de diminuer les
pertes de 10% en deux ans et demi (15).
Une quatrime tude de cas montre le rle de lorientation marchande, du partage
dinformation et de la communication pour la rduction des pertes et la satisfaction des
partenaires. Ltude de cas de M. Phuong, et du supermarch quil fournit montre
quinformer ses fournisseurs sur une nouvelle varit de tomate faible dure de
conservation qui ne convenait aux acheteurs, sest avr important pour donner satisfaction
ses fournisseurs et limiter les pertes. La transparence dans linformation sur les catgories
de qualit, et le tri conjoint de la rcolte par le collecteur et le grossiste selon ces catgories,
augmentent galement la satisfaction des fournisseurs.
Le partage dinformations entre grossistes et distributeurs sur la demande des
consommateurs en termes de qualit est plus dvelopp dans les filires
dapprovisionnement de la grande distribution que dans les filires traditionnelles (17).
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Figure 2: Modle dinteractions entre les relations entre partenaires et la performance (2)
Composantes de lenvironnement
Histoire Gographie Lois et politiques Facteurs sociaux et culturels
Variables de la relation
1. Engagement 2. Longueur de la relation 3. Coopration 4. Orientation marchande 5. Communication 6. Planification jointe 7. Confiance inter-personnelle 8. Confiance inter-
organisationnelle
9. Asymtries de pouvoir 10. Actifs spcifiques physiques 11. Actifs spcifiques relationnels 12. Innovation
13. Flexibilit et adaptation
Chanes
dapprovision-
nement
concurrentes
Performance
Individuelle Firme Dyade Chane
Individual Firm Dyad Supply chain Marketing
system
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Les ventes directes producteurs-consommateurs: de la recherche dinformation la solidarit
Jusqu prsent nous nous sommes concentrs sur les relations personnalises entre les
commerants, ou entre les producteurs et les commerants. De 2002 2007, jai encadr des
recherches Hanoi sur lorganisation des filires alimentaires, en lien avec les nouvelles
demandes des consommateurs (18). En 2002, 70% du PIB tait concentr dans les villes, qui
reprsentaient 46% du march des produits alimentaires en valeur. A Hanoi, les
consommateurs sont particulirement proccups par la qualit de leur alimentation. Une
enqute de 2002 auprs de 200 consommateurs rvlait que la moiti dentre eux
considraient que la qualit de leur alimentation avait baiss au cours des dix dernires
annes. Par ailleurs, 60% considrent que les aliments sont dangereux pour la sant.