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Université Libre de Bruxelles Faculté de médecine Dépistage du cancer du sein par la mammographie: Interrogation d'un médecin de famille face à des chiffres Travail de fin d'étude 2éme année d'assistanat Médecine générale Ibrahim Lassoued année académique 2011- 2012

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Université Libre de Bruxelles Faculté de médecine

Dépistage du cancer du sein par la mammographie:

Interrogation d'un médecin de famille face à des chiffres

Travail de fin d'étude 2éme année d'assistanat

Médecine générale Ibrahim Lassoued année académique 2011- 2012

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Citation : Lassoued I, Dépistage du cancer du sein par la mammographie: Interrogation d'un médecin de

famille face à des chiffres. TFE. Centre Interuniversitaire de Médecine Générale. Bruxelles. 2012

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Remerciements

A mes parents pour leur soutien et leurs encouragements inconditionnels.

A mon épouse pour les sacrifices qu'elle a acceptés si généreusement durant ses longues

années.

A toute ma famille et mes amis qui a toujours été là quand j'en avais besoin.

A tous mes enseignants qui ont participé à ma formation et en particulier:

Marc Jamoulle pour m'avoir guidé et encouragé durant ce travail.

Anne Pascal Henry et Geoffroy Laurent , pour leur aide et leur gentillesse.

Toute l'équipe de la maison médicale La Glaise dont je garde de merveilleux

souvenirs.

Nos animateurs des Jeudis soirs, Docteurs Cayman, Claus et Felgueroso-Bueno

pour leur enthousiasme et sympathie

Aux membres du jury pour leur attention.

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Table des matières

I. Résumé ............................................................................................................................................. 5

II. Epidémiologie descriptive ........................................................................................................ 7 II.1. Incidence et prévalence ................................................................................................................... 7 II.2. Mortalité et années de vie perdues .............................................................................................. 7

III. Principaux facteurs de risque du cancer du sein ............................................................ 9 III.1. L'âge ....................................................................................................................................................... 9 III.2. Exposition aux hormones ............................................................................................................... 9 III.3. Prédisposition génétique ............................................................................................................ 10 III.4. Le mode de vie ................................................................................................................................. 10

IV. Le bénéfice du dépistage du cancer du sein par la mammographie ..................... 10 IV.1. Introduction ..................................................................................................................................... 10 IV.2. Caractéristiques de la mammographie .................................................................................. 11 IV.3. Etudes ayant validé le bénéfice du dépistage ....................................................................... 12

V. Les potentiels effets indésirables du dépistage du cancer du sein par la mammographie. ............................................................................................................................. 14

V.1. Les faux positifs ................................................................................................................................ 14 V.2. Le surdiagnostic ............................................................................................................................... 15

V.2.1. Le surdiagnostic en général ................................................................................................................. 15 V.2.1.1. L'exemple du neuroblastome ......................................................................................................................... 15 V.2.1.2. L'exemple du cancer du poumon .................................................................................................................. 16

V.2.2. Le surdiagnostic dans le cancer du sein ......................................................................................... 17 V.2.2.1. Une incidence en constante augmentation ............................................................................................... 17 V.2.2.2. Les réservoirs de cancer ................................................................................................................................... 19 V.2.2.3. Comparaison de l'incidence et de la mortalité de cancer dépisté versus cancer non dépisté ...................................................................................................................................................................................................... 20 V.2.2.4. Une mortalité stagnante.................................................................................................................................... 21 V.2.2.5. Conséquence du surdiagnostic ...................................................................................................................... 22

V.3. Les faux négatifs ............................................................................................................................... 23

VI. Evaluation de la connaissance et du comportement des femmes dépistées ...... 23

VII. Discussion ................................................................................................................................. 25

VIII. Conclusion ............................................................................................................................... 27

IX. Références et bibliographie................................................................................................. 28

X. Annexe : Communication au Colloque de Bobigny ........................................................ 31

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I. Résumé

Introduction

Ce travail a pour objectif d'actualiser les connaissances en matière de dépistage du

cancer du sein par une revue de la littérature scientifique, des recommandations faites

par les différentes institutions nationales de santé ainsi que par les avis d'experts. Il a

également pour but de soulever les limites du dépistage ainsi que les potentiels effets

indésirables par le surdiagnostic et le surtraitement qui en découle. Enfin, ce travail a

été rédigé afin de pouvoir fournir aux médecins généralistes une information claire sur

les enjeux du dépistage afin que les patientes à leur tour puissent être clairement

informées.

Méthodologie

La revue de la littérature, ainsi que la lecture d'ouvrage sur les enjeux du dépistage, les

travaux de certains experts auront pour but d'éclaircir les points suivants

1. Le bénéfice du dépistage systématique des femmes de 50 à 69 ans

2. Les risques et effets indésirables potentiels du dépistage du cancer du sein par la

mammographie.

3. La réalité du surdiagnostic en général et dans le cancer du sein en particulier.

4. Information des femmes invitées au dépistage

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Résultats

Toutes les institutions étatiques (KCE, HAS, Canadian Task forces, U.S Task forces, etc.),

recommandent le maintien du dépistage des femmes de 50 à 69 ans et considèrent que

le bénéfice (détection d'une tumeur à un stade précoce avec pour bénéfice un traitement

moins lourd et une réassurance des femmes dont l'examen est négatif) est supérieur aux

effets indésirables (faux positif, faux négatifs et traitement de tumeurs à croissance très

lentes). Ces institutions espèrent que, au fil du temps, le dépistage fera ses preuves par

une diminution plus significative de la mortalité.

Néanmoins, Les conclusions de la Cochrane ainsi que de la revue Prescrire sont très

réservées. Pour eux, même si il y a un bénéfice, celui-ci est minime et insuffisant que

pour avoir un avis tranché sur la question. En effet, le NNS (number need to screen)

pendant 10 ans est de 2000, dans le même temps 10 femmes en bonne santé seront

traitées inutilement d'un cancer et 200 femmes seront faussement alertées par ce

dépistage.

D'autre part, l'information biaisée donnée aux patientes fait émerger de fausses

croyances sur la mammographie. Beaucoup de femmes pensent que chaque tumeur

détectée est un cancer fatal. Elles pensent aussi que le dépistage prévient la survenue du

cancer du sein un peu comme le fait un vaccin pour les maladies infectieuses. Enfin, plus

de la moitié d'entre elles croient que grâce au dépistage, même si il y a un cancer, le

traitement sera moins agressif.

Toutes ces croyances véhiculées peuvent conduire à une rupture entre la relation

médecin patient.

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II. Epidémiologie descriptive

II.1. Incidence et prévalence

Le cancer du sein est de loin le cancer le plus fréquent chez la femme en Belgique et dans

le monde1. Par rapport aux autres types de cancer, c'est également lui qui occupe la

première place en terme de mortalité chez la femme2. Bien que des programmes de

dépistage ont été instauré, son incidence reste élevée en Europe et aux Etats-Unis. La

Belgique à cet effet, occupe la première place par rapport aux autres pays européens

avec un taux d'incidence pour l'année 2008 de 106 femmes par 100.000 personnes

année3 alors qu'en Allemagne ou en Suède, il est à peine plus élevé que 80 femmes par

100.000 personnes année.

Il est également important de souligner que la majorité des tumeurs diagnostiquées, son

de grade pt1, c'est à dire des tumeurs de très petites tailles, inférieur à 20mm de

diamètre. Nous tenterons de comprendre plus loin à quoi ce phénomène peut être du.

II.2. Mortalité et années de vie perdues

Les maladies cardiovasculaires restent la première cause de mortalité en Europe suivi

des cancers. Si l'on observe les causes de mortalité chez les femmes belges standardisées

selon l'âge, on remarque que cette tendance s'inverse pour les femmes âgées de 50 à 59

ans en Belgique4. Les cancers du sein tue plus que les maladies cardiovasculaires pour

ces catégories de personne. En termes d'année de vie perdue, cela représente une

grande perte pour la société surtout que l'espérance de vie des femmes belges est au

delà des 80 ans.

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Le tableau montre une comparaison entre les différents types de cancers et leur

prévalence, leurs mortalités et leurs années de vie perdue respective aux USA en 20035.

On remarque qu'en termes de fréquence, le cancer du sein n'est pas parmi les premiers,

alors qu'en terme d'années de vie perdue, il se situe en deuxième position, après le

cancer du poumon.

Tableau 1: Comparaison de la mortalité cardiovasculaire et par cancer du sein suivant

l'âge chez la femme.

Causes 50-54 ans 54-59 ans 60-64 ans 65-69 ans 70-75 ans

Cardio-

vasculaire 17% 17% 23% 31% 37%

Cancer du sein 18% 18% 13% 9% 6%

Tableau 2: Comparaison de l'incidence, de la mortalité et du nombre d'années de vies

perdues du cancer du sein par rapport aux autres cancers

Rang Nombre de nouveau cas Nombre de décés Années de vie perdues

1 Peau Poumon Poumon

2 Prostate Côlon Sein

3 Sein Sein Côlon

4 Poumon Pancréas Pancréas

5 Côlon Prostate Leucémie

Source: http:/SEER.cancer.gov

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III. Principaux facteurs de risque du cancer du sein

III.1. L'âge Comme tous les cancers, le risque du cancer du sein augmente avec l'âge.

L'incidence augmente à partir de l'âge de 30 ans pour atteindre le pic d'incidence chez

les femmes âgées de 55 à 59 ans6. Après cet âge l'incidence se stabilise pour décrire un

plateau.

III.2. Exposition aux hormones

Le temps d'exposition aux hormones oestro-progestative est un facteur clairement

démontré dans la survenue des cancers du sein. C'est ainsi que l'étude WHI (women

health initiative) a clairement démontré le risque de cancer du sein pour les femmes

ayant recours à un traitement hormonal de substitution pendant plus de 5 ans. Dans la

même logique une ménarche précoce, une ménopause tardive sont également, dans une

moindre mesure un facteur de risque du cancer du sein. Paradoxalement, le nombre de

grossesse et l'âge de la première grossesse semblent être un facteur protecteur bien que

tout deux exposent les femmes à un environnement oestro-progestatif continu.

L'hypothèse avancée est que la grossesse agirait en induisant une différenciation

mammaire protectrice contre les facteurs cancérigènes. C'est ce qui expliquerait en

partie la faible prévalence du cancer du sein dans les pays pauvre ou en voie de

développement où le taux de natalité est largement plus élevé qu'en Europe ou aux USA.

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III.3. Prédisposition génétique

Environ 5% des cancers du sein sont dus à une mutation génétique particulière

augmentant de façon très significative le risque de développer un cancer. Ces cancers

ont la caractéristique de survenir à un âge précoce par rapport à la moyenne. Deux

gènes sont mis en cause, BRCA1 et BRCA2.

III.4. Le mode de vie La consommation d'alcool est un facteur de risque du cancer du sein, cette relation est

dose dépendante. Le risque est augmenté de 9% par tranche de 10gr d'alcool

quotidienne. Par ailleurs l'obésité favoriserait le cancer du sein chez les femmes

ménopausées tandis que l'activité physique régulière le réduirait.

IV. Le bénéfice du dépistage du cancer du sein par la mammographie

IV.1. Introduction

Pour le dépistage du cancer du sein, la mammographie se présente comme l'outil idéal.

Bien plus efficace que l'examen clinique ou l'autopalpation, elle permet de détecter une

tumeur environ 2 ans plutôt que l'examen clinique7 (P 229). Les programmes de

dépistage nationaux commencent à voir le jour dès les années 1980 en suède aux USA et

dans les principaux pays européens. Les tumeurs diagnostiquées plus tôt amèneraient

forcément à une diminution très significative de la mortalité.

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IV.2. Caractéristiques de la mammographie

Contrairement aux tests de dépistages conventionnels où l'on pourrait définir aisément

une sensibilité et une spécificité, la mammographie se distingue de ces autres examens

par la caractéristique fondamentale qu'elle est opérateur dépendant. Ce qui implique

qu'une mammographie ne sera pas toujours interprétée de la même manière d'un

radiologue à un autre. C'est d'ailleurs pour cette raison que la double lecture de la

mammographie est pratiquée dans tous les centres de dépistages agréé. De plus,

l'interprétation d'une mammographie fait intervenir d'autres paramètres comme la

densité mammaire, l'existence ou non d'une chirurgie antérieure, la prise ou non d'une

thérapie hormonale de substitution et l'âge. Tous ces facteurs compliquent

l'interprétation. Néanmoins, une méta-analyse sélectionnée par la Cochrane évalue la

sensibilité et la spécificité à respectivement 88% et 70% pour les femmes âgées de 50 à

59 ans8. Idéalement, les tests de dépistage doivent combiner une sensibilité élevée afin

de ne pas manquer les vrais malades avec une spécificité élevée afin de diminuer au

maximum les faux positifs. Ceci est très important, particulièrement pour le dépistage

du cancer, où les conséquences d'un faux positif ou faux négatifs peuvent être

catastrophique. Mais ce qui importe le plus pour le clinicien n'est pas de connaître la

sensibilité ou la spécificité mais bien la valeur prédictive positive d'un test. Pour la

mammographie, ce taux est très variable d'une étude à l'autre car il dépend de la

prévalence de la maladie. Il peut varier de 5% à 37,5% suivant les pays et augmente avec

l'âge9.

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IV.3. Etudes ayant validé le bénéfice du dépistage

Le dépistage de cancer du sein promet aux femmes qui s'y soumettent une réduction de

la mortalité de 25% à 30% en termes de risque relatif. Pour appuyer ces chiffres,

plusieurs études contrôlées randomisées ont été publiées prouvant l'une après l'autre

l'efficacité du dépistage. Sept études au total sont prises comme référence pour justifier

la pertinence et l'efficacité du dépistage. L'étude Health Assurance Plan (HIP), l'étude

des deux comtés suédois, l'étude de Malmö, l'étude de Gothenburg, l'étude de

Edinburgh et enfin l'étude Canadian 1 et Canadian 2.

La validité de ces études est discutée vu les résultats discordants.

Une revue de ces dernières est illustrée dans l'histogramme en annexe tiré de la revue

Médecine montrant la réduction de la mortalité spécifique et globale suivant que l'on est

dépisté ou non pour le cancer du sein10.

Le premier élément qu'on observe est une importante variabilité des taux de mortalité

globale d'une étude à l'autre (passant parfois d'un facteur 1 à 4). La deuxième anomalie

réside dans la différence de mortalité au sein de chaque étude suivant que l'on est

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dépisté ou non. Face à ces données divergentes, certains scientifiques ont mis en

évidence l'existence de biais expliquant ces anomalies

En 2001, le Dr Gotzsche, directeur de l'institut Cochrane nordique, évalue la qualité de

ces études dans une méta analyse publiée dans le Lancet8.

Ses conclusions étaient qu'aucune étude ne répond aux critères de qualités exigées par

la communauté scientifique. En effet, les causes de décès dans les différentes études sont

biaisées en faveur du groupe dépisté, la comparabilité des groupes après randomisation

ainsi que les exclusions en cours d'études posent problèmes.

Il classe les études de la façon suivante:

L'étude Malmö et Canada (1et2) sont de qualités moyenne,

L'étude des deux comptés et Gothenburg sont de qualités médiocre

Quant à l'étude HIP et Edinburgh elle sont sans valeurs.

En 2007, la revue Prescrire donne ses conclusions sur le dépistage après revue de la

littérature11:

- Entre 50 et 69 ans, l'efficacité du dépistage actuel est au mieux de faible ampleur;

- Entre 50 et 69 ans, l'efficacité du dépistage sur la mortalité par cancer du sein reste

incertaine;

-Le dépistage par mammographie n'a pas diminué le nombre de mastectomies;

- Le taux de surdiagnostic est de 25%.

La plus récente méta analyse provient encore de la Cochrane (2009) et va aussi dans le

même sens que les conclusions de la revue Prescrire12. Il n'existe pas de preuve sur la

mortalité globale à 13ans de suivi et pas d'effet sur la mortalité spécifique par cancer du

sein à 10 ans. Cette méta analyse a fait l'objet d'une validation par un cabinet d'audits

indépendants sur les critères d'appréciation des études.

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Néanmoins, plusieurs scientifiques réfutent la qualité méthodologique de ces travaux. Ils

accusent la Cochrane ainsi que la revue Prescrire du manque d'impartialité en excluant

beaucoup trop d'études qui prouvent l'efficacité du dépistage. C'est pourquoi, vu ce

climat de divergence, toutes les autorités sanitaires recommandent pour le moment la

poursuite du dépistage en attendant d'avoir des preuves plus solides.

V. Les potentiels effets indésirables du dépistage du cancer du sein par la mammographie.

V.1. Les faux positifs

Le taux de faux positif est estimé à environ 5% chez les femmes passant leur première

mammographie13, ensuite ce taux diminue de moitié. Ceci s'explique par le fait que lors

d'un premier cliché, le radiologue ne dispose pas d'image antérieur pour comparer les

seins de la patiente, il sera donc plus prudent la première fois.

Mais la question qui doit se poser est ; quel est le risque pour une femme d'être déclarée

au moins une fois faux positif au cours de sa période de dépistage où elle aura 10

mammographies (50 à 69 ans). Cela varie de 20% à 50% selon les études14. Ces

patientes devront subir des examens complémentaires parfois envahissant avec un

risque de complication pour les biopsies. Sans compter l'anxiété qui peut être engendrée

chez certaines patientes qui se considéreront à risque de développer une tumeur.

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V.2. Le surdiagnostic

Le surdiagnostic se définit comme un cancer qui n'aurait pas eu de conséquence sur la

santé du patient s'il n'avait pas été diagnostiqué. Autrement dit, ce sont des cancers

dont la croissance est nulle ou tellement lente qu'il n'affecteront jamais la personne

concernée. On comprend dès lors que le surdiagnostic est conceptuellement identique

au pseudocancer ou au faux positif.

V.2.1. Le surdiagnostic en général

V.2.1.1. L'exemple du neuroblastome

Pour illustrer concrètement la réalité du surdiagnostic, le cas du neuroblastome chez les

enfants est parmi les exemples les plus connus.

Le neuroblastome est une tumeur évoluant à partir du système nerveux autonome. Sa

localisation est souvent abdominale mais il peut parfois se localiser au niveau du thorax

ou du cou.

La gravité de ce cancer a poussé les autorités japonaises à lancer une campagne de

dépistage nationale en 198515. Une recherche des catécholamines urinaires était

systématiquement réalisée chez tous les enfants de 6 mois. Les résultats sont que chez

les enfants soumis au dépistage, le nombre de cas a été multiplié par cinq. Vu la lourdeur

du traitement (chirurgie, chimiothérapie), certains oncologue japonais ont publiés une

étude dans laquelle ils ont proposés de suivre les tumeurs d'enfants d'une certaine taille

et qui ne produisait pas beaucoup de catécholamines16. Dix sept enfants répondaient à

ces critères. Les parents de 11 enfants ont acceptés que leurs enfants soient suivis

mensuellement par une analyse d'urine et une échographie abdominale. Le résultat est

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surprenant : sur les 11 enfants, 10 tumeurs ont régressé spontanément. Pour le dernier

enfant, la tumeur à continuer de grandir jusqu'à l'âge de 1 an, puis à elle aussi régressé.

Les chercheurs ont conclu que pour des enfants avec les mêmes critères, la surveillance

était le meilleur choix. Plusieurs études par la suite ont prouvé l'inefficacité du dépistage

du neuroblastome en général car on ne trouve pas d'effet significatif sur la mortalité, par

contre le nombre de nouveau cas explose.

V.2.1.2. L'exemple du cancer du poumon

Actuellement, il n'existe pas de recommandation pour le dépistage du cancer du poumon,

ce qui peut paraître paradoxal puisque ce cancer rempli tous les critères du dépistage:

C'est le cancer qui fait perdre le plus d'années de vie aux patients, les facteurs de risque

sont bien connus, et souvent, quand il est découvert cliniquement, le traitement est peu

efficace. Toutes les conditions sont donc réunies pour mettre en place un programme de

dépistage.

Des pneumologues de la clinique Mayo, aux Etats-Unis se sont penché sur la question et

ont réalisé une étude contrôlée randomisée sur 9000 fumeurs17. La moitié était soumise

à un dépistage par radiographie, l'autre pas. Bien évidemment on trouva beaucoup plus

de cancers dans le groupe dépisté (206) que dans le groupe contrôle où le cancer se

déclarait cliniquement (160). Néanmoins, au final, le nombre de décès était identique

dans les 2 groupes. Certains patients chez qui on avait diagnostiqué un cancer ont

survécu 15 à 20 ans après le diagnostic. Médecins et patients ne comprenaient pas

pourquoi certains cancers dans le groupe dépisté n'évoluaient pas? (réf page 93)

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La réponse arrivera quelques années plus tard, une étude très intéressante a porté sur le

dépistage du cancer du poumon par ct-scan sur 4000 volontaires, cette fois fumeurs et

non-fumeurs inclus18.

Les résultats (voir tableau) montrent qu'on trouve, selon les critères histologiques du

cancer, autant de cancer chez les fumeurs que chez les non-fumeurs. Or, on sait

parfaitement bien que le cancer du poumon est 10 fois plus fréquent chez le fumeur que

chez le non-fumeur mais ce lien est camouflé par le surdiagnostic. Cet exemple illustre

comment le surdiagnostic peut occulter les véritables causes du cancer.

V.2.2. Le surdiagnostic dans le cancer du sein

V.2.2.1. Une incidence en constante augmentation

Dans les années 1980, l'usage de la mammographie comme moyen de dépistage s'est

généralisé et s'est intensifié petit à petit. Parallèlement, la précision des machines a elle

aussi considérablement évolué au point de détecter de nos jours des lésions d'à peine

quelques millimètre de diamètre. Ce progrès technologique a permis de découvrir un

nouveau type de lésion, le Ductual carcinoma in situ (DCSI). Ce cancer de très petite

taille et indétectable cliniquement prend naissance comme son nom l'indique au niveau

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d'un canicule du sein. Bien que l'on connaisse très peu sur l'histoire naturelle de ce

cancer, celui-ci est considéré comme à risque de proliférer et est traité quasi

systématiquement par mastectomie/tumorectomie plus radiothérapie. En effet, c'est à

ce type de cancer que l'on doit en partie l'augmentation des nouveaux cas de cancers

depuis les années 1980 car plus on le cherche et plus on le trouve.

La figure ci-dessus illustre bien ce phénomène aux Etats-Unis19. Néanmoins, il est

possible d'avoir un peu plus d'information par une étude faite aux Etats-Unis et en

Italie20 :

Dans les années 1960, les chercheurs ont analysé les biopsies de patientes porteuses

d'un DCSI mais chez qui on a omis ce diagnostic. Ces lésions ont donc été considérées

comme bénignes et n'ont pas été traitées. Le suivi de ces femmes nous permet d'avoir

une idée sur le pronostic de ce cancer. Dans le premier groupe étudié, aux USA, 25% de

femmes porteuses de cette tumeur ont développé au cours des 10 ans suivant la biopsie

une tumeur envahissante. Dans le 2ème groupe Italien, 11% ont développé une tumeur

envahissante sur une période de 20 ans.

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Ce qui veut dire que 75% et 89% des autres porteuses du DCSI n'ont pas développé de

cancer envahissant. On peut donc suspecter que tous les DCSI n'évoluent pas

systématiquement en cancer.

V.2.2.2. Les réservoirs de cancer

On appelle réservoir de cancer le surplus de cancers détectés grâce à une procédure de

dépistage. Comme vu précédemment, il existe un réservoir de cancer du sein dans la

population comme il existe un réservoir d'hypertendus, de diabétiques dans la

population générale. Certains chercheurs ont tenté de quantifier ce phénomène dans le

cancer du sein. Une étude danoise faite sur le cadavre de 110 jeunes femmes âgées de 20

à 54 ans et décédées d'autres causes que le cancer a été publiée en 198721. Les

chercheurs ont radiographié et biopsié les seins de chaque femme. Les résultats sont

illustrés sur le tableau ci-dessous22.

RESULTAS DE L'ETUDE DE NIELSON (7)

110 autopsies consécutives à l'institut de médecine légale de Copenhague (Femmes de 20 à 54 ans)

23 avec anomalie radiologique 87 sans anomalie radiologique

10 avec cancer dont 2 infiltrants

13 sans cancer 12 avec cancer 75 sans cancer

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On remarque que la proportion de cancer in situ (18% dont 14% de DCIS) et infiltrants

(2%) trouvée est bien supérieure à celle trouvée dans la population générale au

Danemark qui est respectivement de 6,5% et 0,8%. Paradoxalement, il existe des

cancers même chez les femmes ne présentant à priori pas de lésion à la radiographie. De

plus, le nombre de cancers découverts était proportionnel au nombre de coupes

effectuées pour l'analyse anatomopathologique. Contrairement aux autres pathologies

dépistées, le cancer du sein présente un énorme réservoir. Ainsi, plus on cherche de

cancer et plus on en trouve. Ces cancers sont donc des cancers occultes dont une grande

partie ne se développera pas en cancer invasif.

V.2.2.3. Comparaison de l'incidence et de la mortalité de cancer dépisté versus cancer non dépisté

On pourrait se poser la question de savoir si cette explosion d'incidence est propre aux

cancers dépistés ou si ce phénomène et généralisé à tous les autres cancers. En effet, si

ce phénomène existait dans les cancers non dépistés, toute la logique du surdiagnostic

serait erronée. Le tableau montre l'évolution de l'incidence et de la mortalité du cancer

du sein et de la prostate (tous deux cancers dépistés) avec celui du poumon en France

entre les années 1980 et 200523. On remarque que pour le cancer du poumon,

l'incidence augmente proportionnellement avec la mortalité. Ce phénomène s'explique

probablement par l'augmentation du nombre de fumeur. Pour ce qui est du cancer du

sein et de la prostate, l'évolution est tout à fait différente. On voit une explosion de

l'incidence, alors que la mortalité ne baisse pas. Pour le cancer de la prostate, il est de

plus en plus admis qu'il existe un réservoir de cancer dont la grande majorité n'évoluera

pas en cancer maladie, ce qui explique pourquoi l'incidence dans ce cancer augmente

alors que la mortalité ne bouge pas.

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Le but de toute politique de dépistage est de réduire la morbidité mais surtout la

mortalité en diminuant le nombre de cancers avancés, très difficilement traitables ce qui

n'est pas le cas pour ces deux cancers dépistés.

V.2.2.4. Une mortalité stagnante

Pour illustrer ce phénomène, La figure suivante décrit l'incidence du cancer du sein en

France depuis les années 80 jusque l'année 200524. Parallèlement on voit le taux de

mortalité par cancer du sein au cours de la même période. On constate une "épidémie"

de cancer du sein alors que la mortalité reste stable. Deux hypothèses permettent

d'expliquer ce phénomène. Le premier est que le dépistage permet de détecter des

cancers d'évolution létale mais grâce à l'amélioration des traitements actuels, on

parvient à garder un taux de mortalité stable.

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En 1980, on avait un cancer du sein guérit pour un cancer létal. Si l'on plaide pour cette

hypothèse, on devrait avoir actuellement trois cancers guéris pour un létal. Aucune

étude n'appuie cette explication. L'autre hypothèse est que, par le dépistage, nous

détectons des réservoirs de cancers qui traités ou non, n'affecterons de toute façon pas

la personne concernée, ce qui explique qu'on garde un taux de mortalité stable.

V.2.2.5. Conséquence du surdiagnostic

Nous avons vu comment le surdiagnostic pouvait nuire à la recherche en occultant les

véritables causes du cancer ou en empêchant de connaître l'histoire naturelle de

certains types de tumeurs. Mais la conséquence la plus néfaste est de loin le

surtraitement qui peut en découler. Annoncer un cancer à une personne qui, en réalité,

n'en a peut-être pas est catastrophique tant sur le plan physique que psychologique. Une

chirurgie mutilante avec les risques opératoires, les traitements actuels, bien

qu'efficaces dans certains cas, présentent aussi une panoplie d'effets secondaires très

lourds. Sans compter la cicatrice psychologique indélébile qui suivra cette patiente

jusque sa mort.

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s Cancer du sein: incidence et mortalité

estimées en France (1980-2005)

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V.3. Les faux négatifs

Il n'existe pas de test diagnostique ayant une sensibilité ainsi qu'une spécificité de 100%.

Ceci implique que pour la mammographie il existe une proportion de femmes Faux

négatif. Ce pourcentage peut aller jusque 20%25, d'où l'importance d'informer ces

femmes. L’anomalie non diagnostiquée peut apparaître entre deux mammographies. Ces

femmes peuvent être faussement réassurées du fait que leur précédente mammographie

a été négative si elles n'ont pas conscience de ce risque. De plus, vient s'ajouter à ce

chiffre, les cancers dits de l'intervalle dont la croissance est très rapide et de mauvais

pronostic. Le rôle du médecin, en particulier généraliste, est donc capital pour informer

clairement ses patientes de ces éventualités.

VI. Evaluation de la connaissance et du comportement des femmes dépistées

Nous avions vu au cours des chapitres précédents que les implications du dépistage ne

sont pas aussi simples à maitriser qu'ils n'y paraissent. Mais le véritable défi qui se pose

aux médecins est de savoir comment transmettre cette information complexe en un

langage clair et simplifié pour le patient.

En effet, la nécessité de se faire dépister pour le cancer du sein est une chose très bien

connue des patientes. Par contre, le réel bénéfice qu'elles vont en tirer et les éventuels

désagréments qu'elles peuvent subir l'est certainement moins.

Peter Goetche a publié un article en 2008 afin de quantifier cette désinformation sur des

femmes américaines et européennes26. Il montre la croyance des femmesà propos des

bienfaits du dépistage. Le résultat est que 68% des femmes pensent que le dépistage

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régulier diminuait leur chance d'être atteintes d'un cancer du sein, 62% pensent qu'il

réduirait leur mortalité de plus de moitié.

Une autre étude réalisée par Schwartz27 montre comment les médias américains ont

rapporté les conclusions du consensus du National Institute of Health sur le screening

des femmes de 40 à 49 ans. Peu d'informations sont en effet retrouvées sur les effets

négatifs du dépistage. La presse recommande le dépistage des femmes de 40 à 49 ans

alors qu'aucune étude ne prouve cette recommandation.

Par ailleurs, toujours dans cette même étude, seulement 8% des femmes interrogées

étaient conscientes que le dépistage pouvait nuire à des femmes en bonne santé. On note

aussi plusieurs amalgames comme le fait que chaque tumeur détectée est un cancer fatal,

que le dépistage réduit le nombre de traitement agressif et qu'il prévient la survenue de

cancer.

Pour ce qui est du comportement des femmes dépistées, une étude réalisée par les

femmes prévoyantes socialistes (FPS) en collaboration avec les mutualités socialistes du

Hainaut a tenté d'évaluer les pratiques des femmes entre 50 à 69 ans sur plusieurs

aspects ayant trait de près ou de loin au dépistage du cancer su sein28. Le nombre de

femmes questionnées était 564. Il relève de cette étude quantitative que 40% des

femmes ayant reçu une invitation au dépistage consultent son médecin traitant pour

discuter de la mammographie avant de prendre une décision. Ceci montre que le

médecin généraliste est non seulement concerné par le dépistage mais qu'il est choisi

par les patientes comme premier recours à leurs questionnements sur le dépistage.

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VII. Discussion

Ce travail a mis en évidence les dernières données disponibles ayant trait à efficacité du

dépistage. Il en ressort qu'après relecture des principales études, celles-ci comportent

beaucoup de biais affectant leur degré de qualité. Ceci a mené de plus en plus de

scientifiques ainsi que des organisations comme la Cochrane collaboration ou Prescrire

à douter de la pertinence du dépistage du cancer du sein vu le maigre bénéfice apporté.

Néanmoins ces institutions n'ont pas d'avis réellement tranché sur la question: "faut-il

ou non se faire dépister?"

Par ailleurs, nous avons tenté de comprendre et de prouver par plusieurs études la

réalité du surdiagnostic ainsi que le surtraitement qui en découle et les conséquences

pour les patientes. Ces phénomènes sont réels et doivent être pris en compte dans la

balance bénéfice–risque.

Néanmoins, le réel défi qui se pose aux médecins généralistes n'est pas de maitriser

toutes ces notions épidémiologiques et statistiques complexes et de les garder pour eux,

mais plutôt d'en apporter la quintessence en quelques phrases simples et claires pour

les patientes. La complexité de la médecine générale peut se traduire par ce travail de

synthèse de l'information portant sur des groupes, des populations et de pouvoir le

ramener à l'échelle individuelle avec ses variantes et ses caractéristiques qui lui sont

propres.

Nous rencontrons fréquemment des patientes qui consultent pour nous demander:

"Docteur, le dépistage faut-il le faire ou non ?".

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Nous avons vu que les plus grandes institutions n'ont pas d'avis tranché sur la question,

par contre, nous, médecins de famille, devons apporter une réponse claire pour

répondre à l'attente de ces patientes.

Les études qu'ont menées Goetsche, Swartz et autres prouvent le degré de

désinformations des patientes. Les acteurs de l'information en sont en grande partie

responsables. D'abord en surévaluant le bénéfice du dépistage et en occultant quasi

systématiquement les risques. Les patientes n'accèdent donc que très rarement à une

information de qualité.

Ensuite en créant une atmosphère qui rend le cancer du sein toujours omniprésent et la

nécessité, voir l'obligation à se faire dépister. Cet atmosphère accroit le risque subjectif

du cancer du sein et entretient un climat de peur voir d'angoisse chez les plus fragile

d'entre elles qui seront des "victimes de la médecine". Elles utiliseront ces moyens de

dépistage de façon anarchique pour apaiser leurs angoisses au risque d'en subir des

conséquences parfois dramatiques.

Le rôle du médecin généraliste est justement de prévenir ces phénomènes29. Nous avons

vu dans l'étude publiée par le FPS que plus de 40% des femmes consultent leurs

médecins de famille avant de se soumettre au dépistage. Cela témoigne du degré de

confiance très important des patientes vis à vis de leur médecin. Dès lors, son rôle est de

fournir à celles-ci une information fiable et claire, libre de toute ambiguïté quant aux

bénéfices qu'elles tireront de leur mammographie et les risques et désagréments

qu'elles pourront subir. Son rôle est également de faire face aux fausses croyances

comme le fait par exemple que la mammographie protège du cancer du sein ou qu'elle

diminue le nombre de traitements agressifs. Le généraliste se verra incomber dans un

futur très proche, la gestion de l'information pour ses patients.

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VIII. Conclusion

La question du dépistage avec tous ses tenants et aboutissants est un sujet extrêmement

complexe à maitriser. Il n'en est pas moins qu'à l'heure actuelle, nous ne disposons pas

d'arguments assez forts que pour avoir un avis tranché sur la question. En attendant que

d'autres études nous apportent des éléments en faveur ou en défaveur du dépistage, il

importe aux médecins généralistes que le patient reste au centre de leurs

préoccupations. Ceci en leur offrant une information juste et claire quant aux bénéfices

réels et aux éventuels désagréments du dépistage, favorisant de cette manière la relation

de confiance dont il bénéficie.

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IX. Références et bibliographie Note : On s’est servi pour la bibliographie du système en ligne Mendeley http://www.mendeley.com qui permet le partage d’information en ligne avec un groupe de scientifiques concernés. Cette bibliographie est disponible en ligne sous le nom Breast cancer screening update à l’adresse http://www.mendeley.com/groups/1698591/breast-cancer-screening-update/

1. Registre du cancer; l’incidence du cancer en Belgique; Liesbet Van heyken,

p 33, Mars 2010.

2. Belgium Cancer registry; Cancer incidence in belgium 2008, 10 years in

Flanders, 5 years in Belgium Brussel and wallonia, P 25 Fig 6.

3. Belgium Cancer registry; Cancer incidence in belgium 2008, 10 years in

Flanders, 5 years in Belgium Brussel and wallonia, P 85 fig 57.

4. Institut scientifique de santé publique; standardised procedures for

mortality analysis March 2005, disponible sur

www.iph.fgov.be/epidemio/spma/index.htm

5. Dois-je me faire tester pour le cancer? H. Gilbert Welch, M.D. Les presses

de l'université Laval; page 22 tableau 1.

6. Aurélien Belot, estimation nationale de l’incidence et de la mortalité par

cancer en France entre 1980 et 2005, INVS, ; page 121, annexe 4.

7. Susan M. Love, avec Karen Lindsay, Dr Susan love's breast book,

Cambridge, Da Capo Press, 2005.

8. Olsen O, Götzsche PC. Cochrane review on screening for breast cancer

with mammography. Lancet 2001 ; 358 : 1340-2.

9. BC Yankaskas, CN Klabunde, R Ancelle-Park, G Rennert, H Wang, J

Fracheboud, G Pou, and J-L Bulliard, for the International Breast Cancer

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Screening Network International comparison of performance measures

for screening mammography: can it be done? J Med Screen 2004;11:187–

193.

10. All-Cause Mortality in Randomized Trials of Cancer Screening William C.

Black, David A. Haggstrom, H. Gilbert Welch, Journal of the National

Cancer Institute, Vol. 94, No. 3, February 6, 2002.

11. La revue Prescire, Tome 26, N°271 P 241-320, Avril 2006.

12. Gøtzsche PC, Nielsen M. Screening for breast cancer with mammography.

Cochrane Database of Systematic Reviews 2011, Issue 1. Art. No.:

CD001877. DOI: 10.1002/14651858.CD001877.pub4

13. Arnesson L.G and al. Diagnostic outcome of repeated mammography

screening. World J Surg. 1995 May-Jun;19(3):372-7; discussion 377-8.

14. Hofvind S, Thoresen S, Tretli S. The cumulative risk of a false-positive

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15. Bessho F. Effects of mass screening on age specific

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16. Yamamoto K, Hanada R, Kikuchi A et Als. Spontaneous regression of

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17. Black WC. Overdiagnosis: An underrecognized cause of confusion and

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18. Sone S, Takashima S, Li F et al. Mass screening for lung cancer with mobile

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19. Ernster VL and al. Incidence of and treatment for ductal carcinoma in situ

of the breast. JAMA. 1996 Mar 27;275(12):913-8

20. Dois-je me faire tester pour le cancer? H. Gilbert Welch, M.D. Les presses

de l'université Laval; page 79. Ref étude: Continued local recurrence of

carcinoma 15–25 years after a diagnosis of low grade ductal carcinoma in

situ of the breast treated only by biopsy David L. Page M.D, William D.

Dupont and al. Cancer N°76 pages 1197–1200, 1 October 1995

21. Nielsen M, Thomsen JL, Primdahl S, Dyreborg U, Andersen JA. Breast

cancer and atypia among young and middle-aged women : a study of 110

medicolegal autopsies. Br J Cancer 1987 ; 56 : 814-9.

22. Schéma tiré du travail de Bernard Junod disponible sur

http://www.formindep.org/Surdiagnostic-et-depistage-du.html

23. Tableau tiré du travail de Bernard Junod. Comment reconnaître le

surdiagnostic et rétablir des soins vrais. APHP Oncologie pédiatrique R.

Poincaré et LAPPS Université de Paris 8, St Denis, 28 mai 2011.

24. Aurélien Belot, estimation nationale de l’incidence et de la mortalité par

cancer en France entre 1980 et 2005, INVS, ; page 125, annexe 8

25. http://www.cancer.gov/cancertopics/screening/breast/mammography-

benefits-harms.

26. Breast screening factor: the fact or may be not, Peter Gotzsche, Ole J

hartling and all, bmj 2009 338 b86

27. Schwartz LM,US women’s attitues to false positive mammography results

and detection of ductual carcinoma in situ: cross sectional survey; BMJ

2000 320 1635-40

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28. FPS, dépistage du cancer du sein : Attitude des femmes de 50 à 69 ans,

Novembre 2010

29. Jamoulle, M. (2012). La prévention quaternaire, une tâche explicite du

médecin généraliste. PrimaryCare, 12(8), 136-137. http://www.primary-

care.ch/docs/primarycare/archiv/fr/2012/2012-08/2012-08-077.PDF

X. Annexe : Communication au Colloque de Bobigny Ce travail a été accepté en communication à Paris lors d’un colloque à la faculté de

médecine de Bobigny, Université Paris XIII . La communication à ce colloque ainsi que

le présent texte sont disponibles en ligne à l’adresse

http://docpatient.net/mj/lassoued.htm dont le contenu est reproduit ci-dessous.

27 -28 avril 2012 Faculté de Médecine de Bobigny Colloque organisé par le groupe Princeps, le Département de Médecine Générale de la Faculté de Médecine de Bobigny et la Société de Formation Thérapeutique du Généraliste (SFTG)

Colloque Surmédicalisation, Surdiagnostics et Surtraitements

Cancer du sein ; dépistage ou surdiagnostic ? Ibrahim Lassoued a, Marc Jamoulle b a Résident de deuxième année de médecine générale, Centre Interuniversitaire de médecine générale b Maître de stage. Espace Temps, Maison de Santé, B 6060 Gilly, Belgique & Institut de recherche santé et société (IRSS) Contact ; ibrahim[at]lassoued.be Introduction Les auteurs ont tenté d'actualiser les connaissances en matière de dépistage du cancer du sein par une revue de la littérature scientifique, des recommandations faites par différentes institutions nationales de santé ainsi que par les avis d'experts. On tente de cerner les limites du dépistage ainsi que les potentiels effets indésirables par le surdiagnostic et e surtraitement. Les auteurs pensent que les médecins généralistes peuvent informer leurs patientes sur les enjeux du dépistage. Méthode

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La revue de la littérature, ainsi que la lecture d'ouvrage sur les enjeux du dépistage, les travaux de certains experts ont pour but d'éclaircir les points suivants Les principes de base épidémiologique pour qu'un dépistage soit utile Le bénéfice éventuel du dépistage systématique des femmes de 50 à 69 ans La réalité du surdiagnostic en général et dans le cancer du sein en particulier Les risques et effets indésirables potentiels du dépistage du cancer du sein par la mammographie. L’information des femmes invitées au dépistage Résultats Il existe des divergences entre diverses institutions quant à l'efficacité du dépistage du cancer du sein. Les conclusions de la Cochrane ainsi que de la revue Prescrire sont très réservées et même si il y a un bénéfice, celui-ci est minime et insuffisant que pour avoir un avis tranché sur la question. En effet, le NNS pendant 10 ans (number need to screen) est de 2000. Dans le même temps 10 femmes en bonne santé seront traitées inutilement d'un cancer et 200 femmes seront faussement alertées par ce dépistage. Toutes les institutions étatiques (KCE, HAS, Canadian Task forces, U.S Task forces, etc.), recommandent la poursuite du dépistage des femmes de 50 à 69 ans et considèrent que le bénéfice c'est à dire détection de la tumeur à un stade précoce avec pour conséquence un traitement moins lourd ( ce qui est discutable) et une réassurance des femmes dont l'examen est négatif (ce qui est une erreur 20% de FN) est supérieur aux effets indésirables c'est à dire faux positif, faux négatifs et traitement de tumeurs à croissance très lentes. Ces institutions espèrent que, au fil du temps, le dépistage fera ses preuves par une diminution plus significative de la mortalité même si actuellement, on ne dispose pas d'arguments scientifiques pour attribuer cette petite baisse de mortalité au dépistage. Par ailleurs l'information biaisée donnée aux patientes fait émerger de fausses croyances sur la mammographie. Beaucoup de femmes pensent que chaque tumeur détectée est un cancer fatal. Elles pensent aussi que le dépistage du cancer prévient la survenue du cancer du sein un peu comme un vaccin et enfin que par le dépistage, même si il y a un cancer, le traitement sera moins agressif. Toutes ces fausses idées véhiculées peuvent conduire à une rupture de la relation médecin patient. Discussion Au cours du colloque Bibliographie accessible en ligne http://www.mendeley.com/groups/1698591/breast-cancer-screening-update/papers/ Conflits d’intérêt aucun Télécharger le programme Télécharger la présentation Télécharger le TFE Mise en ligne 5 mai 2012 Webmaster marc.jamoulle[at]uclouvain.be

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