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Une décennie de rénovation du secteur social et médico-social ?

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Une décennie de rénovation du secteur social et médico-social ?

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EDITO

De la lettre du législateur à la mise en œuvre de la loi

La loi est un instrument de gouvernance destiné à produire des effets sur la socié-té et à orienter les évolutions de celle-ci. Son processus d’élaboration est d’une grande complexité : il voit intervenir de nombreux acteurs aux statuts divers, mi-nistres, hauts fonctionnaires, parlementaires, membres du Conseil constitutionnel, entrant eux-mêmes en interaction avec des groupes sociaux constitués. Une fois promulguée, la loi est traduite dans des normes d’application secondaires faisant l’objet de réappropriations par ceux qui la mettent en œuvre ainsi que par les uti-lisateurs des dispositifs qu’elle a créés.La FEHAP a choisi cette année de marquer la date-anniversaire de la loi du 2 jan-vier 2002 portant rénovation de l’action sociale. Pour cela, elle a souhaité revenir aux sources de la volonté du législateur, en sollicitant les initiateurs et les rédac-teurs initiaux de la loi, par des interviews consultables en ligne sur le site de la FEHAP il s’agit de mesurer les changements concrets opérés par ce texte, en allant à la rencontre de responsables et d’usagers de structures concernés par la réforme. L’objectif est de mettre en relation l’esprit de la loi et ses modalités d’applica-tion, tout en suscitant une réflexion sur les perspectives d’amélioration des droits individuels et collectifs des usagers dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux.Dix ans après son vote, la loi a-t-elle tenu toutes ses promesses ? Quel regard portent ses acteurs sur la place de l’usager dans les structures sociales et médico-sociales ? Quelles nouvelles dispositions envisager dans un avenir proche pour améliorer encore davantage les droits des usagers et leur exercice ? Telles sont les questions que la FEHAP a posées à ses interlocuteurs.Considérant son rôle de suivi et de vigilance quant au devenir des engagements concernant ses adhérents, son rôle de propositions dans l’espace public ainsi que celui de relais des besoins exprimés par les usagers sur le terrain des politiques sociales, la Fédération a tenu à apporter une contribution à l’évaluation des effets de cette loi fondatrice.Je vous invite aujourd’hui à prendre connaissance des témoignages et réflexions qu’elle a suscités, produits et recueillis à cet effet.

Antoine DuboutPrésident de la FEHAP

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SOMMAIRE

Editorial par Antoine DUBOUT, Président

La loi du 2 janvier 2002 en résumé

Antoine DUBOUT, Président: Une réponse aux attentes fortes de la société

Yves-Jean DUPUIS, Directeur général : La reconnaissance officielle de l’usager dans l’organisation

Dominique GILLOT, ancienne Secrétaire d’Etat aux personnes handi-capées et aux personnes âgées : Un vote unanime !

Paulette GUINCHARD, ancienne Secrétaire d’Etat aux personnes âgées : Le premier débat sur l’action des institutions médico-sociales

Sylviane LEGER, ancienne Directrice générale de l’action sociale : Faire s’exprimer la parole de l’usager

Jean-François BAUDURET, ancien chargé de mission auprès du Direc-teur de l’action sociale du ministère de l’emploi et de la solidarité : L’unification des dispositifs

Patrick GOHET, ancien Directeur Général de l’UNAPEI : L’unité et la réflexion commune du mouvement associatif Monique PIGENET, Présidente du conseil de vie sociale de l’Hôpital gériatrique les Magnolias, établissement Privé Non Lucratif situé à Longjumeau : Une amélioration des possibilités d’expression des usagers et de leurs familles

De 1975 à 2002 : récit d’une refondation, par Florence LEDUC, Directrice la formation et de la vie associative de la FEHAP

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La loi du 2 Janvier 2002 en résumé

Dans le but de moderniser le secteur social et médico-social et de placer « l’usa-ger au centre du dispositif », quatre grandes orientations ont été poursuivies par le législateur.

• La loi élargit les missions de l’action sociale et médico-sociale et diversifie les interventions.

Tenant compte des évolutions du secteur depuis 1975, le législateur décline les dif-férents types d’action comme la prévention, l’adaptation, l’assistance, l’accom-pagnement social, que ce soit dans un cadre institutionnel ou à domicile.La diversification des prises en charge est consacrée (accueil temporaire, externat, interventions à domicile …) et une base légale est donnée à des structures nouvelles (lutte contre l’exclusion, service d’aide à domicile).

• La loi affirme et promeut les droits et libertés individuelles des usagers.

L’usager passe du statut d’objet de droit à sujet de droit et se voit reconnaître aussi bien des droits fondamentaux de la personne (dignité, respect de la vie pri-vée, sécurité) que des droits essentiels spécifiques aux usagers (confidentialité des informations, droit à l’information, accès au dossier).

• Afin de permettre l’exercice effectif des droits énoncés, l’élaboration de diffé-rents outils est prévue. - Concernant la participation individuelle et collective de l’usager, un contrat de séjour ou document individuel de prise en charge élaboré avec la personne accueillie définit les objectifs et la nature de la prise en charge et une personne qualifiée est prévue pour aider l’usager ou son représentant légal à faire valoir ses droits. L’usager est également associé au fonctionnement de l’établissement ou du service responsable de sa prise en charge par l’institution d’un Conseil de la Vie Sociale ou d’autres formes de participation. - Concernant l’organisation de la vie de l’usager, le projet d’établissement ou de service qui prévoit les modes d’évaluation de la qualité des prestations fournies est désormais obligatoire. Le livret d’accueil, document remis à l’usager dès son arrivée, est un outil visant à lui faire connaître sa structure d’accueil et à lui per-mettre de choisir librement ses prestations.

• La loi améliore les techniques de pilotage du dispositif afin de permettre une meilleure adaptation de l’offre aux besoins existants.

Une planification médico-sociale plus efficiente est mise en place via de nouveaux schémas d’organisation pluriannuels et les règles de la tarification sont diversifiées pour être adaptées à chaque catégorie d’établissement.Les autorisations rénovées sont mises en lien avec la définition des besoins du sché-ma d’organisation et sont désormais valables pour une durée déterminée.

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• La loi organise de manière plus transparente la coordination entre les divers ac-teurs du secteur.

Des conventions entre le Préfet et le Président du Conseil Général, acteurs publics principaux du secteur, sont prévues et les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens signés avec les établissements doivent réaliser les prévisions du schéma départemental.

L’évaluation des établissements et services est organisée : l’évaluation externe des établissements comme l’évaluation interne obligent les établissements à s’auto-évaluer, et constituent un véritable progrès pour l’amélioration de la qualité du service rendu.

La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale ne constitue pas seulement un tournant pour les usagers du secteur, elle pose aussi les bases d’une véritable redéfinition du secteur.

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Interview d’Antoine DUBOUT

Président de la Fondation Hôpital Saint Joseph et de la Fédération des Etablissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne, privés non lucratifs (FEHAP).

10 ans après la loi, quel regard portez-vous sur la place de l’usager dans les structures sociales et médico-sociales ? Quels ont été les impacts de la loi dans le secteur médico-social ?

La loi du 2 janvier 2002 a renforcé la place de l’usager. Pour les adhérents de la FEHAP, cette place de l’usager est quasi consubstantielle à nos

établissements. En effet, nombre d’entre eux ont généralement été créés pour répondre à un besoin des usagers et de leurs familles. Là où je mesure l’impor-tance de cette loi, c’est qu’au fur et à mesure qu’ils ont pris de l’importance et se sont développés, les établissements se sont professionnalisés et technicisés et la loi a rappelé la nécessité permanente de s’interroger sur le rôle et la place de l’usager dans les décisions prises. Ce sont souvent d’ailleurs ces mêmes usagers et leurs familles qui se sont organisés en associations pour créer les structures idoines. C’est pourquoi, notre mode de gestion est conçu sous forme associative.

Cette loi - d’une importance considérable - a nécessité la mise en place de pro-jets d’établissements parfois implicites au début, intégrant les préoccupations des usagers et de leurs familles, afin de répondre à une attente forte de la société qui demandait à être partie prenante dans les établissements.

Il faut que les structures, leur gouvernance, leur conseil d’administration s’inter-rogent régulièrement sur la manière dont ils sont à l’écoute des usagers et de leurs familles. La loi de 2002 définit un objectif permanent, un objectif à long terme dans le projet stratégique des établissements.

Le cabinet de Xavier Bertrand annonce une « Loi Kouchner II », avant la fin de la présente législature, dans une approche globale du droit des usagers dans les établissements tant hospitaliers que sociaux et médico-sociaux : si vous ne pou-viez introduire qu’une seule nouvelle disposition, sur laquelle porteriez-vous votre préférence ?

L’une des spécificités de la FEHAP est sa capacité à porter un regard sur l’ensemble du champ de la protection sociale, depuis le sanitaire jusqu’au social en passant par le médico-social. Par conséquent, toute nouvelle loi qui ferait porter le droit des usagers, des patients, de la famille ou des accompagnants sur l’ensemble du champ de la protection sociale remporterait l’adhésion totale de la FEHAP. Il s’agit d’une nécessité impérative pour l’avenir. Il importe de réaffirmer que la

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protection sociale, au sens général du terme, va de la prévention jusqu’au curatif, en passant par le médico-social et le social, dans la protection des populations les plus fragiles. Si un nouveau texte devait être promulgué, il devrait acter la notion de parcours de santé, de parcours de vie, en prenant en compte l’ensemble du champ de la protection sociale, tel que je viens de le définir.

L’une des préoccupations de la FEHAP pour la législation future est non seulement de s’assurer du droit des patients, qui constitue le socle de notre intervention, mais de renforcer et de définir le rôle des accompagnants, des bénévoles et des fa-milles dans l’accompagnement des patients.

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10 ans après la loi, quel regard portez-vous sur la place de l’usager dans les structures sociales et médico-sociales ? Quels ont été les impacts de la loi dans le secteur médico-social ?

L’enjeu de la loi est la reconnaissance officielle de l’usager dans l’organisation, qui n’était jusqu’alors qu’un « patient » ou un « résident ». La loi de 2002 intègre l’usager dans le fonctionnement de l’institution, en reconnaissant, à lui-même ou à son représentant - car certaines personnes n’ont pas la capacité d’exer-cer leur volonté - un droit d’expression dans la vie de l’institution au travers des contrats de vie sociale. De nombreuses structures, parce qu’elles sont nées de la vie de la cité et ont été créées par des représentants d’usagers (parents, familles, associations, etc.) avaient intégré ces derniers dans leur organisation. La loi n’a fait que conforter le rôle et la place de l’usager que ces structures avaient déjà formalisés en donnant un caractère officiel à la notion de repré-sentation de l’usager dans nos établissements.Cette loi change l’organisation-même de la structure qui doit désormais pro-duire des documents négociés entre l’ensemble des acteurs, qu’ils soient pro-fessionnels ou résidents de l’Institution. C’est pourquoi il est nécessaire de signer un contrat de séjour entre le résident et l’organisme qui l’accueille.

Grâce à la loi de 2002, il n’est plus possible d’ignorer que l’Institution travaille au bénéfice de l’usager. Celui-ci est replacé au cœur de l’action. Ce faisant, on évite des dérives passées où le travail était globalement correctement fait, d’un point de vue administratif, mais où la mission première était oubliée, au sens où l’usager n’était pas directement inclu dans le projet. Désormais, l’élaboration des projets devra intégrer la volonté effectivement exprimée par l’usager.

L’année 2002 est significative d’une époque où, en France, on défend une vi-sion particulière du système de santé et de protection sociale : les différentes structures sanitaires, sociales et médico-sociales travaillaient en silo.

Interview d’Yves-Jean DUPUIS

Ancien directeur d’hôpitaux publics de 1980 à 1999, il occupe ensuite les fonctions de directeur général des services du Conseil Général de la Seine-Maritime de 2000 à 2004.

Il est directeur Général de la FEHAP depuis 2005.

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Le cabinet de Xavier Bertrand annonce une « Loi Kouchner II », avant la fin de la présente législature, dans une approche globale du droit des usagers dans les établissements tant hospitaliers que sociaux et médico-sociaux : si vous ne pouviez introduire qu’une seule nouvelle disposition, sur laquelle porteriez-vous votre préférence ?

La loi « Hôpital, Patients, Santé et Territoires » (HPST) a introduit les notions de transversalité de la prise en charge de la population et de parcours de soins. Il est important que cette loi de 2002 évolue pour que la prochaine législation intègre bien cette notion de parcours de soins. L’usager doit bénéficier d’une prise en charge correcte tout au long de son parcours (hébergement, soin et accompa-gnement). Ce droit devra être respecté à chaque échelon de la chaîne.

En outre, il convient d’intégrer dans l’évolution du droit l’évolution de la démo-graphie française. La population française est vieillissante et de plus en plus sou-mise à des maladies chroniques. Cette prise en charge se caractérise par un accompagnement parfois lourd des aidants, de la famille ou des proches. Par conséquent, au droit de l’usager, doit être associé un droit de l’aidant à la for-mation, au repos, au congé et à la suspension partielle de son temps de travail.

Enfin, il faut tenir compte, dans l’évolution du droit, des populations fragiles qui, aujourd’hui, font l’objet d’autres textes. Je pense en particulier aux personnes souffrant de problèmes psychologiques lourds, hospitalisées dans des structures de psychiatrie où le droit au consentement est parfois limité. Il est important de préserver, dans le cadre du texte à venir, l’intimité, le droit et le respect de la personne.

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Y a-t-il un souvenir personnel qui vous a marqué lors des débats relatifs à l’élabora-tion, à la discussion et à l’adoption de la loi du 2 janvier 2002, ou de ses décrets, et dans les débuts de sa mise en application ?

En janvier 2002, je n’étais plus en situation de responsabilité puisque j’avais démis-sionné du gouvernement quelques mois avant, mais je me souviens très bien de la première lecture qui était intervenue en janvier 2001, un an auparavant. Il s’agissait de l’aboutissement d’un grand travail de réflexion, de synthèse de tout ce qui avait été mené cinq années durant, avant moi puis après moi. Je tenais absolument à présenter cette loi et à marquer de ma volonté les engagements du gouvernement puisque Lionel Jospin était venu lui-même en janvier 2000 devant le CNCPH pour annoncer qu’effectivement, il y avait l’engagement de révision des lois de 1975. La première étant celle sur les institutions sociales et médico-sociales, je tenais absolu-ment à l’honorer et, présentée au mois de janvier 2001, elle a donné lieu à un très bon débat, et à une très bonne appréciation, y compris des députés de droite qui ont reconnu le travail coopératif qui avait été mené avec toutes les fédérations, les associations, les partenaires…

Ce fut un vote unanime. C’était tout à fait émouvant. Rentrés au cabinet ministé-riel, nous avons bu le champagne ! Le premier ministre m’a téléphoné, pour me féliciter… mais aussi pour m’annoncer que Bernard Kouchner revenait et que je devrais lui laisser de nouveau la place. Ce fut donc à la fois une grande joie et une certaine déception. Le Premier ministre m’a ensuite proposé de créer le Secrétariat d’État aux personnes âgées/personnes handicapées, afin de continuer ce travail engagé.

Interview de Dominique GILLOT

Secrétaire d’État à la Santé et à l’Action sociale (1999-2000), Secrétaire d’État à la Santé chargée des Personnes Handicapées (2000-2001) puis Secrétaire d’État aux Personnes Handicapées et aux Personnes âgées (2001), elle a participé acti-vement à l’élaboration de la loi du 2 janvier 2002.Maire d’Eragny-sur-Oise (95) depuis 2001, elle est sénatrice du Val d’Oise depuis septembre 2011.

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La loi 2002-2 a consacré les droits de l’usager, en faisant de lui le premier acteur de sa prise en charge. Il faut toutefois qu’il puisse s’exprimer sur ses besoins et ses attentes. Comment protéger la parole de l’usager en prenant en compte sa situation de vulnérabilité particulière ?

La loi du 2 janvier 2002 est l’expression de la volonté politique qui s’exprimait au gouvernement à cette époque : lutter contre toutes les exclusions, toutes les dis-criminations et garantir les droits fondamentaux à chacun quelle que soit sa sin-gularité ou sa différence, à la suite de plusieurs autres textes essentiels (la mise en place de la Couverture Maladie Universelle, la loi de lutte contre les exclusions, la préparation de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie). Un arsenal de dispositions législatives conduisait à garantir à chacun l’expression de sa citoyenneté par une prise en compte de ses droits fondamentaux. Evidement quand des personnes sont réputées vulnérables avec des particularités et des besoins spécifiques, il appar-tient à la société, via ce vecteur législatif, de garantir que ces droits seront bien respectés et que les personnes seront en capacité de les exercer.

Il me semble que tout le champ, d’entourage, d’accompagnement et d’en-cadrement des personnes vulnérables, quelle que soit l’expression de leur vulnérabilité, était pris en compte dans cette loi.

Le cabinet de Xavier Bertrand annonce une « Loi Kouchner II », avant la fin de la présente législature, dans une approche globale du droit des usagers dans les éta-blissements tant hospitaliers que sociaux et médico-sociaux : si vous ne pouviez introduire qu’une seule nouvelle disposition, sur laquelle porteriez-vous votre préfé-rence ? Et en supprimeriez-vous une dans le droit actuel ?

De mon point de vue, avant d’avoir un nouveau geste législatif sur ce sujet, je pense qu’il faudrait vérifier que la loi est bien appliquée dans son esprit et pas sim-plement dans sa lettre, la lettre ayant été, me semble-t-il, au fil du temps précisée de manière un peu drastique, notamment au regard d’une « protocolisation » qui me semble excessive, qui prend beaucoup de temps, qui garantit une autorisa-tion d’ouverture et une tarification extrêmement contraignantes. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, le souffle de liberté et de reconnaissance des initiatives et des inno-vations que représentait la loi de 2002 a été contraint, voire éteint, par toutes les procédures de tarification, d’autorisation, d’évaluation qui ne sont plus maintenant le fait du Conseil National d’Évaluation que prévoyait la loi, mais qui sont le fait d’une agence. L’ « agenciarisation » de l’évaluation a, me semble-t-il, un peu trahi l’esprit de la loi.

Avant d’avoir un nouveau geste législatif, je souhaiterais aussi qu’on ait une ana-lyse précise de l’application de la loi et de ses effets dans la situation actuelle, sa-chant que la situation économique n’est plus la même qu’en 2002 et que les effets de la pauvreté et de l’exclusion sociale sont beaucoup plus importants aujourd’hui.

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Les missions qui étaient définies par la loi de janvier 2002 semblent encore tout à fait pertinentes. Simplement, le contexte économique et social a évolué avec une paupérisation, une aggravation des situations, avec des prises en charge des situa-tions plus tardives qu’elles ne l’étaient avant 2000 et avec une difficulté pour les acteurs à faire face, compte tenu du peu de temps qu’ils ont à consacrer à l’éva-luation des situations, à la définition d’un accompagnement, à la prise de parole et à la réflexion du résident… Ce que je constate aujourd’hui à travers différents exemples locaux que je peux connaitre, c’est que les professionnels, les conseils de la vie sociale, créés dans les établissements, ont beaucoup de mal à faire face aux responsabilités qu’ils veulent assumer en toute sécurité, mais aussi en respect de l’autonomie des personnes et de leurs droits, compte tenu du temps que leur confèrent les moyens qui leur sont affectés.

S’il devait y avoir une révision de la loi, avec les précautions nécessaires sur l’évo-lution du champ et du contexte, l’aggravation des situations, il me semble qu’il faudrait surtout éviter la survalorisation des procédures managériales et l’imposition des démarches qualité tels qu’on les voit envahir la relation et l’évaluation des ins-titutions sociales, médico-sociales ou sanitaires. Ce qui se passe aujourd’hui dans l’hôpital est très inquiétant.

Les personnels sont soumis à des obligations réglementaires extrêmement précises, certes intéressantes, justifiées, qui protègent le malade et le patient de leurs res-ponsabilités légales, mais qui compliquent le métier d’une manière incroyable, qui prennent un temps fou dans l’exercice professionnel.

Il me semble que s’il devait y avoir un deuxième ou un troisième tome à cette loi, il devrait plutôt aller dans un sens de simplification, de retour de la confiance envers les professionnels en fonction de leurs gestes professionnels (qu’ils connaissent bien) et desserrer un peu l’étau administratif et juridique qui asphyxie aujourd’hui les ini-tiatives et les innovations et justifie toutes les marges d’économie imposées tant aux acteurs qu’aux usagers qui y perdent leur liberté de choix.

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Y a-t-il un souvenir personnel qui vous a marqué lors des débats relatifs à l’élaboration, à la dis-cussion et à l’adoption de la loi du 2 janvier 2002, ou de ses décrets, et dans les débuts de sa mise en application ?

J’ai deux souvenirs marquants. Le premier est ma participation en tant que députée au débat sur la loi proposée par Madame Gillot à l’Assemblée na-tionale. Le second souvenir est la défense de cette loi, trois mois plus tard, en tant que ministre au Sénat. Je me suis donc retrouvée avec deux casquettes, à faire des propositions dans un premier temps puis à défendre ce qui avait été proposé par le gouvernement dans un second temps. Un exercice un peu surprenant pour moi ! Mais sur le fond, ce qui m’a le plus marqué, c’est que pour la première fois à l’Assemblée Nationale, dans le lieu de définition de la loi, on débattait de l’action des institutions médico-sociales. Les débats ont porté sur les personnes âgées, l’exclusion sociale, les associations de maintien à domicile... et plus uniquement sur la prise en charge des personnes handi-capées, mais de l’ensemble des institutions médico-sociales. Pour moi, c’était vraiment très important que cette définition de l’ensemble des structures qui prennent en charge le travail médico-social ait été donnée.

La loi 2002-2 a consacré les droits de l’usager, en faisant de lui le premier acteur de sa prise en charge. Il faut toutefois qu’il puisse s’exprimer sur ses besoins et ses attentes. Comment protéger la parole de l’usager en prenant en compte sa situation de vulnérabilité particulière ?

Si la loi était votée aujourd’hui, elle ne le serait peut-être plus de la même façon. Je pense qu’un film comme « Intouchables » nous oblige à regarder la réalité. Ce film montre que quelles que soient les difficultés rencontrées, nous avons la capacité de nous exprimer. Un autre homme, que je prends beau-coup de temps à lire et à écouter ces temps-ci, Alexandre Jollien, infirme moteur cérébral, n’était pas connu encore en 2001. C’est un homme qui a des difficultés à parler, mais qui va sur les plateaux de télévision pour donner

Secrétaire d’État aux Personnes âgées lors du vote de la loi du 2 janvier 2002 (mai 2001-mai 2002).

Elle a également été vice-prési-dente de l’Assemblée nationale de juin 2002 à 2003 puis de 2004 à 2005.

Interview de Paulette GUINCHARD

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son point de vue de philosophe, qui fait des conférences. Je pense que notre regard est en train de changer.

Les enjeux, pour modifier le regard, relèvent de la formation de l’ensemble du personnel qui intervient auprès de ces personnes. L’enjeu est également de sa-voir comment aider ces personnes à appréhender les capacités qu’elles ont en elles, malgré les difficultés. Je pense que le vrai changement est dans le regard, voir que la personne est capable.

Si la loi était à refaire, aujourd’hui, une chose mériterait d’être adaptée, déve-loppée ou regardée et mise en place différemment : le conseil de la vie sociale. Je pense que le conseil de la vie sociale est un outil pour tous, pour chacune des institutions, pour les personnes accueillies elles-mêmes ou leurs représentants. Le conseil de vie sociale est un organe très important, dont on n’a pas défini suffi-samment les moyens. J’ai participé à plusieurs conseils de la vie sociale dans les structures pour personnes âgées par exemple. J’ai pris le temps d’en appréhen-der le fonctionnement et j’ai constaté des différences importantes : j’ai vu des structures de personnes âgées où on parlait à la place des personnes. J’ai vu des structures de jeunes gens handicapés où les parents parlaient de ce qu’ils vivaient et non pas de l’ensemble du projet de vie dans l’institution. Je regrette beaucoup qu’on n’ait pas suffisamment travaillé à en faire un outil au service de la vie dans l’institution.

Le cabinet de Xavier Bertrand annonce une « Loi Kouchner II », avant la fin de la présente législature, dans une approche globale du droit des usagers dans les établissements tant hospitaliers que sociaux et médico-sociaux : si vous ne pou-viez introduire qu’une seule nouvelle disposition, sur laquelle porteriez-vous votre préférence ? Et en supprimeriez-vous une dans le droit actuel ?

Je pense que les définitions du secteur médico-social qui sont énoncées dans la loi sont encore très justes, très pertinentes.

J’ai constaté à l’époque, et je pense que c’est encore le cas maintenant, que le secteur social de l’économie, celui des entreprises adaptées par exemple, de l’insertion par l’économie, a refusé la loi dans un premier temps. Ce secteur s’est senti blessé parce que comparé soit avec les maisons de retraite, soit avec les structures pour personnes handicapées. Et je pense qu’il y a encore un tra-vail très important pour unifier le secteur. Je ne suis pas sûre que ce soit encore compris. Je pense que c’est une des parties de la loi qui était très en avance. Je pense qu’il faut continuer à le montrer comme ça. En plus, c’est tellement impor-tant pour les salariés de savoir qu’on peut passer du champ du handicap ou du champ des personnes âgées au champ de l’insertion économique. Il y aurait beaucoup de choses à gagner si on se sentait tous du même secteur.

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J’ai été aussi marquée par la succession de ces deux lois très importantes pour les usagers qui ont été votées en 2002, la loi Kouchner pour le droit des malades et la loi du 2 janvier 2002 sur les institutions sociales et médico-sociales. Ces deux lois n’ont pas été travaillées ensemble, il n’y a pas eu de travail en com-mun. Alors qu’en fin de compte on est dans ce qu’on appelle maintenant le « prendre soin » quelle que soit la situation de personnes malades, handicapées ou fragiles. On s’interroge sur la place, les droits, les paroles de ceux dont on prend soin. Il serait intéressant de prendre du recul sur les expériences des deux lois 10 ans après, de les travailler ensemble, que le monde médico-social travaille avec le monde sanitaire et vice versa. Il faut qu’on se rende compte réellement que ce sont deux approches différentes. La loi du 2 janvier 2002 était un projet de vie très individuel pour faire reconnaitre la personne. La loi Kouchner, c’est le droit, le droit au dossier médical, à la parole dans les institutions. Il n’y a pas de changement dans la relation avec le médecin.

Ce serait intéressant de les faire travailler sur le terrain, que les participants des conseils de surveillance des hôpitaux rencontrent les participants des conseils de la vie sociale. Il faudrait une parole commune à partir de laquelle il serait possible de faire un travail beaucoup plus juste sur la reconnaissance de la place de la personne en situation de fragilité.

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Y a-t-il un souvenir personnel qui vous a marqué lors des débats relatifs à l’élaboration, à la discussion et à l’adoption de la loi du 2 janvier 2002, ou de ses décrets, et dans les débuts de sa mise en application ?

Lorsque je suis arrivée à la tête de la Direction Générale de l’Action Sociale (DGAS), puisque c’était son nom à l’époque, mon prédécesseur Pierre GAUTHIER avait déjà largement entamé le travail de réflexion et de rédaction du texte de la loi. J’ai donc trouvé à mon arrivée plus que les linéaments de la loi 2002-2, déjà les grands principes qui étaient dans les esprits et qui avaient fait l’objet d’une réflexion impor-tante, non seulement au niveau des responsables de l’Etat mais, bien entendu, dans un dialogue avec l’ensemble des acteurs concernés.

J’ai donc hérité d’un travail largement mûri. Il est vrai qu’à la place que j’ai occu-pée, à la tête de la DGAS, il m’a fallu finaliser la rédaction de cette loi. Le terme de rédaction de la loi est évidemment fort réducteur, car c’est en fait un proces-sus très complexe et je me souviens particulièrement de l’importance des enjeux de la concertation avec l’ensemble des fédérations associatives, avec les conseils généraux, avec tous ceux qui étaient parties prenantes de cette grande aventure de la refondation du secteur social et médico-social. Une complexité de la concer-tation à cause de la multiplicité des acteurs, du caractère assez varié des enjeux qui étaient à la manœuvre dans les différentes familles associatives et dans les dif-férentes populations intéressées à cette loi.

Une difficulté des contenus également, car il y a des enjeux économiques globaux, des enjeux de finances publiques, de partage des compétences, de responsabi-lité... Mais ce que je retiens surtout est le caractère productif de ces travaux et l’importance de la concertation au cœur de la confection de cette loi.

J’ai envie d’évoquer un autre souvenir qui m’a marqué et reste au cœur de ce à quoi je pense quand je reviens sur mon parcours. Il s’agit de l’intensité du travail de la phase parlementaire, l’implication de l’ensemble des élus tant à l’Assemblée qu’au Sénat, le sérieux du travail en Commissions, l’ouverture d’esprit de tous les responsables, quelle que soit leur place, avec lesquels j’ai eu à dialoguer et, sur-tout, l’émotion de la phase finale avec le vote unanime de cette loi à l’Assemblé Nationale.

Directrice générale de l’Action sociale au Minis-tère de l’Emploi et de la Solidarité au moment de l’élaboration et du vote de la loi du 2 jan-vier 2002, elle est depuis 2003 Contrôleur d’Etat.

Elle fut ensuite directrice adjointe du cabinet du Maire de Paris, Bertrand Delanoë, de 2004 à 2008.

Interview de Sylviane LÉGER

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La loi 2002-2 a consacré les droits de l’usager, en faisant de lui le premier acteur de sa prise en charge. Il faut toutefois qu’il puisse s’exprimer sur ses besoins et ses attentes. Comment protéger la parole de l’usager en prenant en compte sa situation de vulnérabilité particulière ?

La préoccupation de la place de l’usager en tant que pivot de l’organisation des institutions a été au cœur de nos conversations et de nos travaux sur la loi 2002-2. C’est une formule qui a fait flores, qui est peut-être un peu galvaudée, mais qui a un véritable sens, surtout quand il s’agit de personnes fragiles, quelle que soit l’origine de cette fragilité. L’esprit-même de la loi était à la fois de les protéger, d’exercer une solidarité nationale vis-à-vis d’elles et de faire s’exprimer leur individualité, de respecter leur autonomie, de faire en sorte qu’elles soient des personnes à part entière.

Il s’agit donc de recueillir une parole, un avis, un projet, si tant est qu’il puisse s’exprimer. Et parfois, il faut l’aider à s’exprimer. Il faut également s’engager à respecter ce projet personnel et accompagner ce parcours puisqu’il n’est pas exclu que les personnes rêvent d’un avenir qui ne leur est pas forcément ouvert. Tout l’enjeu est finalement d’articuler cette protection et cette autonomie. Pro-téger, c’est parfois étouffer l’autonomie ; ce que vise la protection c’est que la personne acquière ou restaure les moyens de sa liberté. Ce chemin n’est pas sans risques et d’ailleurs, derrière, il y a un souci permanent du responsable en ma-tière d’action sociale, c’est le risque que les personnes encourent elles-mêmes, qu’éventuellement des professionnels, insuffisamment formés, peuvent leur faire courir. En particulier, face au risque de maltraitance, la clé réside dans l’effort de professionnalisation.

Pour en revenir à la question du recueil de la parole et du respect de la mise en œuvre de cette parole, la loi 2002-2 avait en son cœur prévu et mis en place des dispositifs finalement simples consistant à faire s’exprimer cette parole dans les conseils de la vie sociale par exemple, au sein des établissements, mais aussi à obliger les institutions, qu’ils s’agissent d’établissements, de services à se doter de règlements de fonctionnement qui doivent être contrôlés, qui font l’objet d’éva-luation et de partage de bonnes pratiques. Au-delà, il faut que les institutions se mesurent à ce que font les autres. C’est absolument essentiel dans ce secteur comme dans beaucoup d’autres secteurs de l’intervention publique.

Le cabinet de Xavier Bertrand annonce une « Loi Kouchner II », avant la fin de la présente législature, dans une approche globale du droit des usagers dans les établissements tant hospitaliers que sociaux et médico-sociaux : si vous ne pou-viez introduire qu’une seule nouvelle disposition, sur laquelle porteriez-vous votre préférence ? Et en supprimeriez-vous une dans le droit actuel ?

Je me garderai d’avoir une vision personnelle globale sur un sujet aussi compliqué que les suites à donner aujourd’hui, au nouveau souffle, si tant est qu’il en faille un. Il y a d’abord le phénomène démographique majeur du vieillissement de la population.

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A l’époque, nous disposions des chiffres, nous pouvions faire des projections, mais la prise de conscience intime de cet enjeu par la société et par ses responsables n’était pas gagnée. Je pense qu’aujourd’hui cette prise de conscience a fait d’énormes progrès, ne serait-ce que sous l’impact de la réalité. Mais nous consta-tons que les institutions ne pourront pas accueillir tout le monde. D’autant que cer-taines personnes ne voudront pas être accueillies. Les intéressés le disent haut et fort à leurs enfants et aux personnes autour d’eux : « Je veux rester chez moi ». La prise en charge à domicile est évidemment un enjeu de plus en plus prégnant et dans lequel il faut pouvoir emmener l’ensemble des progrès et de la philosophie de la loi 2002-2 : la protection, le respect, l’autonomie, la prévention des risques, le soutien aux aidants qui sont des problématiques extrêmement importantes.

S’il fallait creuser le sillon de la loi 2002-2, ce serait peut-être dans le souci de la fluidité des parcours des personnes. Je pense, par exemple, à l’aval de la sortie de l’hôpital psychiatrique. Il se trouve que dans mon métier actuel de bailleur social, je vois la situation complexe de certaines personnes confrontées à leurs patholo-gies psychiatriques dans leur logement ou, à l’inverse, des gens qui sortent d’une prise en charge psychiatrique et ne trouvent pas forcément des structures leur per-mettant d’être accompagnés vers le retour au logement ordinaire. Je pense que dans d’autres secteurs aussi, d’autres que moi pourraient donner des exemples de difficultés d’articulation entre les diverses étapes de la vie d’une personne, d’un parcours personnel, et les segments de la prise en charge possible. Le dialogue entre les professionnels, entre ceux qui sont responsables d’une prise en charge institutionnelle, d’une prise en charge à domicile ou d’un suivi en ville, tous ceux-ci devraient pouvoir faire l’objet d’un travail très approfondi de dialogue et de lien.

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Interview de Jean-François BAUDURET

Y a-t-il un souvenir personnel qui vous a mar-qué lors de débats relatifs à l’élaboration, à la discussion et à l’adoption de la loi du 2 janvier 2002, ou de ses décrets, et dans les débuts de sa mise en application ?

J’ai un souvenir particulièrement marquant du débat au sujet de l’organisation de l’évaluation de la qualité des établissements et services. Le projet de loi avait seu-lement prévu une évaluation interne et l’absence d’Agence Nationale de l’Eva-luation Sociale et Médico-Sociale. Par un consensus, les députés ont, en quelque sorte, imposé l’évaluation externe, afin qu’elle constitue le critère fondamental de renouvellement des autorisations à intervalles réguliers. Nos parlementaires auraient souhaité la création d’une Agence Nationale de l’Evaluation Sociale et Médico-So-ciale. Ce dispositif générant un surcoût, ils n’ont pu obtenir satisfaction. Néanmoins, ils ont renforcé les pouvoirs du Conseil National de l’Evaluation Sociale et Médico-Sociale.

Les parlementaires français avaient donc la volonté de contribuer à l’amélioration de la qualité des prestations des établissements et services sociaux et médico-so-ciaux.

La loi 2002-2 a consacré les droits de l’usager, en faisant de lui le premier acteur de sa prise en charge. Il faut toutefois qu’il puisse s’exprimer sur ses besoins et ses attentes. Comment protéger la parole de l’usager en prenant en compte sa situa-tion de vulnérabilité paticulière ?

La question du droit des usagers dans le secteur social et médico-social est déli-cate, dans la mesure où notre législation est traversée par une ambivalence. D’une part, la personne est vue comme vulnérable ; il faut la protéger. D’autre part, il faut promouvoir le plus possible ses droits et l’ériger davantage en usager citoyen.

Chargé de mission auprès du directeur de l’action sociale au Ministère de l’emploi et de la solidarité en 2000, Jean-François Bauduret est un des rédacteurs de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale.

Il a également occupé les fonctions de directeur adjoint de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA).

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Or, les publics pris en charge par le secteur social et médico-social sont très divers : personnes sans domicile fixe en Centre d’Hébergement et de Réinser-tion Sociale, personnes handicapées mentalement et/ou physiquement, per-sonnes âgées souffrant de la maladie d’Alzheimer... Pour toutes ces personnes, le droit des usagers ne s’exerce pas de la même manière. Il était cependant nécessaire d’unifier les dispositifs qui concernaient des publics très différents les uns des autres. Or, la loi ne pouvait prendre en compte toutes ces spécificités.

La recherche du consentement de la personne est toujours présente, y compris lorsque celle-ci n’est pas en mesure de le donner d’emblée de façon explicite. En outre, la loi comporte la notion d’adaptation du discours sur le droit des usa-gers aux caractéristiques des bénéficiaires. Par exemple, l’UNAPEI a eu l’excel-lente idée de traduire en pictogrammes la législation relative aux droits des usagers. Il est donc possible d’adapter les droits des usagers au consentement, dès lors qu’on le recherche véritablement. Les personnes atteintes de la mala-die d’Alzheimer ont également des moments de lucidité, au cours desquels elles peuvent émettre leur consentement à un dispositif.

Dix ans après sa promulgation, estimez-vous que les principes fondamentaux posés par la loi (missions d’évaluation, de prévention des risques sociaux et médico-sociaux, d’intégration, d’information et de conseil, d’accompagne-ment…) mériteraient d’être modernisés ou élargis ?

En ce qui concerne la manière dont on peut faire évoluer le droit des usagers, il me semble que le contrat de séjour doit en particulier être révisé. Il ne fallait pas créer un contrat de séjour, mais d’accompagnement, quel que soit le mode de prise en charge, qu’il y ait séjour ou pas séjour. Cela aurait évité la distinction opérée par le décret de novembre 2004 entre le contrat de séjour et le docu-ment individuel de prise en charge. La loi est encore un peu prisonnière des prises en charge à temps complet, ou institutionnelles. Si elle s’en dégage pour une large part, ce n’est pas encore suffisant. Je suis convaincu que nous au-rions pu élaborer un texte plus global, plus générique comme, par exemple, le contrat d’accompagnement en lieu et place d’un contrat des usagers. C’est la principale carence que je décèle dans le dispositif actuel.

La loi du 2 janvier a introduit, en amont de la définition des établissements et services sociaux et médico-sociaux, un dispositif plus générique sur les missions générales de l’action sociale et médico-sociale (article L.116-1 du Code de l’action sociale et des familles), que cette action se formalise en établissements et services ou d’une autre manière. Le texte s’est efforcé de prévoir toutes les dimensions, composantes ou paramètres, qui pouvaient qualifier, de manière générique, l’action sociale ou médico-sociale. Pour ma part, j’ai du mal à concevoir que nous puissions élaborer d’autres dispositifs qui viendraient com-pléter les dispositifs suffisamment génériques que nous avons déjà mis en œuvre dans le cadre de cet article.

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Le cabinet de Xavier Bertrand annonce une « Loi Kouchner II », avant la fin de la présente législature, dans une approche globale du droit des usagers dans les éta-blissements, tant hospitaliers que sociaux et médico-sociaux : si vous ne pouviez introduire qu’une seule nouvelle disposition, sur laquelle porteriez-vous votre préfé-rence ? Et en supprimeriez-vous une dans le droit actuel ?

Le droit des usagers dans le champ sanitaire et dans le champ social n’a pas tout à fait la même histoire. En effet, la législation sanitaire a été conçue avant la légis-lation sociale et médico-sociale. La loi hospitalière de 1991 comportait des dispo-sitions relatives aux droits des usagers dans le champ sanitaire. La loi du 4 mars a affiné ces droits des usagers. Force est de considérer que la loi du 2 janvier et la loi du 4 mars ont été très mal articulées. A mon sens, s’il fallait refonder le droit des usagers en le décloisonnant des secteurs sanitaire et médico-social, on ne pourrait éviter la constitution d’un tronc commun au sanitaire, au social et médico-social. S’adjoindraient, à ce tronc commun, des dispositions plus spécifiques fondant le droit des usagers dans des disciplines de court séjour hospitalier, ainsi que dans des disciplines médico-sociales et de long cours du secteur hospitalier qui s’apparen-tent au médico-social (gériatrie, psychiatrie, Soins de Suite et de Réadaptation). Il existe en effet des points communs entre les usagers de ces différents secteurs, qu’il s’agisse du droit à l’information en général, du droit à un accompagnement compréhensible, etc.

La loi a introduit plusieurs innovations sur l’évaluation, le droit des usagers, les nou-velles procédures budgétaires et comptables. Avec le recul, il me semble que l’un des dispositifs les plus intéressants est la diversification des prises en charge. Le fait que l’article L.312-1 du Code de l’action sociale et des familles prévoie une no-menclature générique des établissements et services a permis une véritable indi-vidualisation des accompagnements, instaurant par décrets des prises en charge nouvelles : accueil temporaire, appartements de coordination thérapeutique, Services de Soins Infirmiers A Domicile (SSIAD), services d’aide et d’accompagne-ment à domicile non médicalisés (SAAD) et Services Polyvalents d’Aide et de Soin A Domicile (SPASAD). Nous avons comblé l’un des chaînons manquant dans le champ de la prise en charge des personnes adultes handicapées : les Services d’Accompagnement à la Vie Sociale (SAVS) et les Services d’Accompagnement Médico-Social pour personnes Adultes Handicapées (SAMSAH). Le statut des Insti-tuts Thérapeutiques Educatifs et Pédagogiques (ITEP) a aussi été révisé. Un décret sur les lieux de vie a été défini. Nous avons même créé les Lits Halte-Soins Santé (LHSS) pour les personnes sans domicile fixe.En revanche, la loi avait prévu un dispositif expérimental qui nécessitait la publi-cation d’un guide méthodologique du bon usage des autorisations de structures expérimentales, ce qui n’a pas été fait.

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Y a-t-il un souvenir personnel qui vous a marqué dans les débats relatifs à l’élabo-ration, à la discussion et à l’adoption de la loi du 2 janvier 2002, ou de ses décrets, et lors des débuts de sa mise en application ?

A cette époque, j’étais Directeur général de l’UNAPEI et animais le comité d’en-tente des associations représentatives de personnes handicapées et de leurs parents. Nous avons passé des heures à nous mettre d’accord sur ce que les réponses attendues comportaient de commun et de spécifique à chaque type de handicap. Il me semble que le mouvement associatif a alors franchi une étape considérable en matière d’unité et de réflexion commune. C’est un souvenir pré-cieux et je suis ravi d’avoir pu participer à la construction de ce consensus.

La loi 2002-2 a consacré les droits de l’usager, en faisant de lui le premier acteur de sa prise en charge. Il faut toutefois qu’il puisse s’exprimer sur ses besoins et ses attentes. Comment protéger la parole de l’usager en prenant en compte sa situa-tion de vulnérabilité particulière ?

Il faut observer une déontologie professionnelle rigoureuse. En tant que profes-sionnels au service des personnes handicapées, on doit contribuer à ce que la personne elle-même comprenne, prenne ses décisions ou adhère à ce qui lui est proposé. Cette déontologie doit être au service de l’écoute. En effet, l’institution doit être un véritable lieu de citoyenneté pour la personne handicapée. La loi de 2002 suppose, pour produire tous ses effets, que l’on développe au maximum l’autonomie de la personne et sa participation. La personne handicapée doit être actrice de son propre destin, en tant que sujet de droit. L’établissement doit permettre l’éclosion de cette autonomie au moyen d’une réelle participation.A cet égard, la loi du 11 février 2005 fait écho à la loi de janvier 2002. On peut d’ailleurs se réjouir, alors qu’elles ont été adoptées par des majorités différentes, qu’elles coïncident d’aussi belle manière. La loi de 2002 a en effet tracé le chemin à celle de 2005. Je pense que l’établissement doit devenir, pour de nombreux citoyens handicapés, la compensation dont ils ont besoin pour vivre pleinement

Secrétaire général de l’Association européenne pour les personnes handicapées et leurs familles de 1994 à 2001, il est Directeur Général de l’Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (UNAPEI) au moment du vote de la loi du 2 janvier 2002.

Il a ensuite occupé les fonctions de délé-gué interministériel aux personnes handi-capées de septembre 2002 à 2009. Il est Président du Conseil national consultatif des personnes handicapées et Inspecteur Général des Affaires Sociales depuis 2009.

Interview de Patrick GOHET

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dans la société. Un triptyque législatif - 2002, 2005 et, éventuellement, 2012 - devrait consacrer juridiquement ce rôle de compensation que la loi de 2005 a mis en place mais n’a pas suffisamment décliné.

Le cabinet de Xavier Bertrand annonce une « Loi Kouchner II », avant la fin de la présente législature, dans une approche globale du droit des usagers dans les établissements tant hospitaliers que sociaux et médico-sociaux : si vous ne pou-viez introduire qu’une seule nouvelle disposition, sur laquelle porteriez-vous votre préférence ? Et en supprimeriez-vous une dans le droit actuel ?

Faisons des lois non pas de circonstance, mais de société !A cette occasion, nous pourrions établir la jonction entre les problématiques du handicap, de l’avancée en âge accompagnée de dépendance, des phéno-mènes prédisposant à l’exclusion sociale (l’illettrisme par exemple) et les dépen-dances lourdes des personnes âgées, ou en situation de handicap. Une troisième loi venant parachever l’édifice pourrait donc renforcer le lien entre les fondamen-taux de la loi de 2002 et ceux de la loi de 2005.

La société française est en crise. C’est donc une période difficile mais cela peut être aussi une formidable occasion de rebondir et de progresser. Il faut que nous nous appuyions sur le legs législatif de la dernière décennie pour protéger les plus vulnérables des effets de cette crise. N’oublions pas, qu’en cas de crise, soit l’on relève le défi, soit l’on perd son temps à chercher des boucs émissaires.

Tout individu de notre société a une valeur égale à celle de n’importe quel autre membre du corps social. Il s’agit d’une convention essentielle pour la qualité de notre vivre-ensemble. Si l’on doit faire progresser la législation, ce doit être dans ce sens.

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Votre époux a intégré les Magnolias il y a 10 ans, au moment où entrait en vigueur la loi du 2 janvier 2002 consacrant le droit des usagers dans les établissements qui assurent leur accompagnement et leur prise en charge. Quelles sont les évolutions que vous avez constatées au cours de ces 10 années en matière d’expression des droits des usagers ?

Mon mari est atteint de la maladie d’Alzheimer. C’est une dégradation lente, on a l’impression d’une décomposition d’un être. Il y a dix ans, ce qui m’a amenée aux Magnolias, ce sont les difficultés que j’ai rencontrées à subvenir moi-même à tous les problèmes qui se posaient en matière de garde de mon mari à la maison. C’était devenu absolument impossible, il avait des difficultés énormes. Nous avons pris la décision avec mes enfants de consulter aux Magnolias car il y avait un projet d’ouverture d’un hôpital de jour et je pensais que mon mari entrait absolument dans les critères pour être accepté dans cet établissement. Sa maladie étant trop avancée, il m’a été conseillé de le placer en institution.

Quel regard portez-vous sur la place des familles dans les établissements ? Le conseil de vie sociale est-il le lieu d’échange approprié ?

En 10 ans d’expérience sur le terrain, je peux dire qu’il y a eu une très nette amé-lioration dans la prise en charge et les possibilités d’expression des familles et des usagers. C’est vrai qu’il y a des choses qui sont indispensables comme la participa-tion à tout ce qui est décision médicale, ce qui n’était pas le cas avant. Il y a une écoute globale au sein de l’établissement. Le Conseil de Vie Sociale (CVS) est un lieu qui permet d’avoir une vue d’ensemble de l’établissement. C’est très impor-tant de pouvoir avoir des interlocuteurs aussi responsables.

Présidente du Conseil de la Vie Sociale de l’Hôpital Gériatrique Les Magnolias, établissement privé non lucratif spécialisé en gériatrie situé à Longju-meau, où son époux est résident depuis dix ans.

Le projet d’établissement a pour objectif prin-cipal la mise en œuvre d’une véritable filière gériatrique tant sanitaire que médico-sociale.

Interview de Monique PIGENET

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En dehors du CVS, il existe le projet personnalisé qui est l’outil le plus important à mes yeux, car il est vraiment personnalisé et nous avons accès à un ensemble de personnes, dont le médecin, la nutritionniste, le psychologue qui définissent un pro-jet de soins vraiment individualisé. À mon sens, le projet personnalisé est nécessaire et indispensable à côté du CVS qui met plus en avant la vie de l’établissement dans son ensemble. Pour moi le projet de vie individualisé est quelque chose de très important, car c’est la personne elle-même qui compte le plus.

Selon vous, que faudrait-il changer ou améliorer ? Quelles sont vos attentes, en tant que Présidente du conseil de vie sociale, pour les prochaines années ?

Quelques améliorations pourraient être apportées, notamment lorsque l’on sait qu’il est obligatoire de rester dans l’anonymat pour tout. Par exemple, sur les portes des chambres ne peut pas figurer le nom des résidents. Pour les malades atteints de la maladie d’Alzheimer, rester dans l’anonymat c’est leur enlever encore quelque chose. Vouloir trop réglementer est aussi dommageable pour les résidents.

Je pense qu’il peut y avoir encore pas mal d’améliorations évidemment, Paris ne s’est pas fait en un jour. Il y a encore beaucoup de travail, il manque à mon sens de l’investissement de la part des familles qui se désintéressent souvent des rési-dents. Il y a très peu de familles investies dans le Conseil de Vie Sociale, c’est très difficile de vouloir faire quelque chose. Je ne sais pas si c’est un désintérêt ou sim-plement le fait que les familles travaillent. La plupart des gens qui rentrent ici sont déjà très âgés et leurs familles également.Il serait également nécessaire que les accompagnants, les familles, les résidents soient plus informés sur les fonctions et le rôle du Conseil de Vie Sociale. Il faudrait que les familles aient aussi une formation, qu’elles sachent que c’est aussi un lieu d’écoute.

Votre interview va être diffusée sur le site Internet de la FEHAP. Quels sont les mes-sages forts que vous souhaitez faire passer en tant que Présidente de conseil de vie sociale et en tant que membre de la famille d’un usager ?

En théorie, le choix de l’usager est libre et respecté, mais il est libre dans un cadre qui est très rigide. C’est le cadre d’une collectivité qui est obligatoirement liée à des règles et ces règles sont quand même très difficiles. Donc la liberté ne peut s’exprimer que très modérément et je ne sais pas si ce cadre permet réellement aux résidents de choisir. C’est impossible à mon sens, ce choix est très restreint. Les horaires de lever et de coucher, les horaires de repas, la durée du repas, tout est lié à l’horaire de travail des soignants, tout est lié à la collectivité elle-même qui a des règles qui ne correspondent pas forcément au respect de la liberté de chacun.

C’est vrai que la plupart du temps, ces personnes sont très vulnérables et il faut sou-vent les protéger d’elles-mêmes, mais il faut aussi les protéger des autres. Il y a un problème de vigilance importante à avoir et en cela c’est difficile de proposer à des gens un projet de vie individualisé sachant que leur choix n’est pas forcément conscient.

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De 1975 à 2002 : récit d’une refondation

Par Florence Leduc, Directrice de la formation et de la vie associative de la FEHAP

Le mois de janvier 2002 est arrivé avec de belles promesses, une sorte de nou-veau souffle pour ce 21ème siècle naissant, janvier 2002, mars 2004, février 2005… Les institutions sociales et médico-sociales, le droit des usagers, la place des per-sonnes handicapées…

La loi du 2 janvier 2002, qui s’est rapidement nommée « la 2.2 », avait été annon-cée comme une « refonte » de la loi de 1975, loi bien connue, relative aux institu-tions sociales et médico-sociales, conçue dans le même esprit que l’autre loi de 1975, à savoir, la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées.

D’un côté, la loi sur les institutions sociales et médico-sociales tire les consé-quences de la loi hospitalière du 31 décembre 1970 qui avait annoncé le recen-trage de l’hôpital sur ses activités « cœur de métier », à savoir le sanitaire ! Il est alors question de créer un secteur médico-social et social autonome pour accueillir les personnes les plus fragilisées.

D’un autre côté, l’ouvrage de René Lenoir, artisan de ces réformes, « les exclus » en 1974, jetait les bases d’une étroite relation, une sorte d’intimité entre la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées et la loi relative aux institu-tions qui ne pouvaient se lire indépendamment l’une de l’autre !

La loi de 1975 s’articule autour de trois principes, sorte de mots d’ordre qui ont marqué les années suivantes ; - l’autonomie, tout d’abord, celle du secteur social et médico-social au regard du secteur hospitalier, avec une définition claire des missions imparties

- l’unification, d’autre part, autour d’un trait d’union, les publics fragiles ou fragi-lisés et ce, malgré la grande diversité des institutions sociales et médico-sociales. Le mode de l’autorisation fait son entrée en lieu et place du régime déclaratif.

- la souplesse, particulièrement voulue afin que puissent s’exercer la créativité et la capacité d’initiative, tant les questions à traiter étaient aussi nombreuses que variées !

Une obligation toutefois, appelée aussi « dispositif contraignant », celle d’obtenir un agrément préalable par les pouvoirs publics des conditions collectives régis-sant des rémunérations et les conditions de travail du secteur social et médico-social.

Tant d’années après, l’on se prendrait à rêver à nouveau de souplesse, d’initia-tive et de créativité ?

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Annoncée comme une révision de la loi de 1975, la loi de 2002 s’est référée à un texte profondément transformé par la traversée de presque trois décennies !

Il ne restait que 11 articles de la loi initiale qui s’était vue flanquée au fil du temps de 21 articles nouveaux ! La nouvelle répartition des champs de compétence était passée par là! Un peu d’Etat (pour la tarification notamment), beaucoup de Conseil Général (pour l’aide sociale à l’enfance et aux personnes âgées, ainsi que pour l’hébergement des personnes dites adultes handicapés). Et surtout l’instauration d’un schéma départemental, social et médico-social, pour mieux connaitre les besoins sociaux des populations et mieux appréhender et repérer les réponses existantes sur les territoires pour mieux organiser le développement et le déploiement des services.C’était à la fin des années 1990 !

L’instauration des enveloppes financières limitatives, bien connues du secteur hos-pitalier, sorte de transposition au secteur médico-social.

Après les réformes, les toilettages, les ajustements, la révision proprement dite de la loi a mis sept ans…sept années au bout desquelles il s’agissait davantage d’une ré-vision, voire une re-fondation que d’une révision. Insensiblement, l’on passe d’une loi centrée sur les organisations sociales et médico-sociales, à une loi centrée sur une organisation au service des populations.

Un changement de prisme ! Ce sont les personnes fragilisées, reconnues dans leurs droits qui génèrent une or-ganisation faite d’une offre globale, organisée et planifiée.Alors la loi du 2 janvier affiche les usagers et leurs droits. Des droits renforcés, avec une vision, une évolution marquée, une petite révolution : le passage d’un modèle à un autre, de la protection à la promotion, de la « prise en charge » à l’accom-pagnement, des déficiences aux potentialités… tout un programme, qui se médite encore, dix années plus tard.Une méditation qui nous raconte que les outils, au service des usagers ne sont pas une fin en soi ; car si l’on n’y prenait garde, ils pourraient instrumentaliser les structures, ils pourraient aussi être vidés de leur sens… si l’on n’y prenait garde ! Ils pourraient aussi représenter des contraintes de plus …si on ne les investit pas en permanence, et à chaque fois, de l’esprit qui a précédé à leur création : les personnes, leur autonomie, leur personnalisation, leur défense, leur promotion, leur participation, leurs droits…livret d’accueil pour accueillir ; contrat de séjour pour se raconter ce qui nous lie et nous relie, chacun et chacune à nos places ; le conseil de la vie sociale pour être reconnu pour sa place et sa parole, juste celle des usa-gers, pas celle des autres …Rien que des outils.

La loi du 2 janvier 2002 apporte aussi :

- L’amélioration de la planification avec ses autorisations et ses schémas d’orga-nisation, et sa fameuse évaluation tant interne, qu’externe, dont à ce jour, nous n’avons toujours pas vu le bout du tunnel !

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- Une meilleure coordination entre les acteurs et les décideurs, juste pour don-ner vie et sens à ces beaux outils : conventions, CPOM (contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens)

- Une entrée des petits derniers, comme l’aide à domicile par exemple, qui a trouvé dans la «2.2» le berceau réglementaire qui lui faisait défaut ; de même pour les Services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD), les Centres locaux d’information et de coordination gérontologique (CLIC), ou bien encore les centres de toxicomanie ou d’addictologie… Une grande famille.

La loi «2.2» s’installe et installe une conception, une définition de l’action sociale et médico-sociale, autour de l’évaluation des besoins des personnes, de leur autonomie et de leur protection, de leur dignité et de leur traitement équitable ; elle favorise leur citoyenneté ; elle prévient les exclusions ou en corrige les ef-fets…un bel avènement.

Elle installe de nouveaux liens entre l’Etat, la sécurité sociale, les collectivités terri-toriales, les associations et organisations sociales et médico-sociales.Elle évoque les missions d’intérêt général et elle les décline, car elle a la volonté de donner des repères, pour évaluer et orienter, protéger, éduquer, intégrer, soutenir et accompagner, développer et insérer.

La «2.2» est loi, et elle dit la loi, elle pose des interdits et traque la violence faite à autrui, d’autant plus lorsque l’autre est non seulement fragile, mais vulnérable.Elle insiste donc sur le respect de la dignité que la société a le devoir de cultiver, même si la dignité dont on parle tant est intrinsèque à l’humain ; elle prône le libre choix, si tant est qu’il puisse exister en situation de vulnérabilité ; elle consi-dère l’humain dans sa singularité et consacre à la fois son droit à l’information, et son droit à la confidentialité.Pendant des mois et des années, la loi du 2 janvier 2002 s’est installée et s’est déclinée en autorisation, habilitation et en évaluation (elle s’est faite attendre longtemps…) en tarification, en indicateurs sociaux et médico-sociaux s’entend ! En contrôle bien entendu.

Elle a réinventé la construction des budgets, ainsi que de nouvelles modalités de tarification (la tarification par solde par exemple, aussi créative qu’inappliquée !)Une belle loi, avec ses adeptes et ses détracteurs, tricotée au fil de l’évolution de la société, des besoins sociaux des populations, de la volonté de construire une offre adéquate et pertinente, maillée sur le territoire, une offre de qualité autorisée, contrôlée, tarifiée…

Une loi, un esprit de la loi, qui a soufflé sur les autres textes jusqu’en 2005 ;Dix ans après, dix ans plus tard, la lettre de la loi a pu être malmenée, ici ou là ! Des pans entiers n’ont pas été appliqués, d’autres encore ont été « détricotés » !Et pourtant, la loi du 2 janvier a modifié, à jamais le regard sur la vulnérabilité, elle en a fait une question sociétale au titre de laquelle chacun est concerné, tant à titre individuel qu’à titre collectif.

Le secteur privé non lucratif s’y reconnaît !

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