Une « crise » du concours d’agrégation

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LA SEMAINE DU DROIT LIBRES PROPOS Page 262 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 6 - 10 FÉVRIER 2020 153 Une « crise » du concours d’agrégation ? Les postes de professeurs et maîtres de conférences en Droit et Science politique L a présente note a pour origine le faible nombre de postes mis au concours d’agrégation dans les sections 02 et 03 au titre de l’année 2019-2020. En effet, 6 postes ont été offerts en droit public et 2 en histoire du droit (4 ont été finalement pourvus le 29 janvier 2020). La circonstance n’est pas inédite pour l’histoire du droit puisque le précédent concours, pour l’an- née 2017-2018, avait ouvert avec 3 postes. En revanche, c’est une nouveauté pour le droit public : le précédent concours, pour la même année universitaire, avait pu compter d’emblée sur 15 postes, portés in fine à 23. L’émoi a été vif dans la section 02, au point que la présidente du jury, Mme Lombard, a rédigé un communiqué ( Lettre ouverte, 27 sept. 2019, largement diffusée et disponible sur le compte Facebook de Mme Lombard ; V. aussi l’interview publiée par Dalloz Ac- tualité, 30 sept. 2019) et qu’une une péti- tion a été mise en ligne le 21 octobre « pour défendre et réformer le concours d’agréga- tion », à l’initiative de sept professeurs de Paris I, Paris II et Strasbourg ( https://www. petitions.fr/defendre_lagregation_de_droit_ et_la_reformer. - La pétition a obtenu un peu moins de 800 signatures). Plusieurs explications sont avancées pour expliquer cette chute du nombre de postes mis au concours d’agrégation de droit public (V. en ce sens les réactions à l’interview précitée de Mme Lombard sur le site internet Dalloz Actualité ). Tantôt le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation est pointé du doigt en tant qu’il n’accorderait pas de postes. Tantôt les présidents d’université et leur Conférence (CPU) sont accusés : par hostilité au concours d’agrégation, qui ne permet pas aux établissements de choisir le profil des professeurs agrégés, les universi- tés gèleraient des postes et miseraient uni- quement sur les dispositions de l’article 46 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984. Tantôt enfin les doyens des Facultés de droit et de science politique voient leur responsabilité engagée : soit par rejet du concours d’agré- gation, soit par désintérêt pour le recrute- ment de professeurs, soit pour des raisons institutionnelles (liées à des relations diffi- ciles avec la présidence de l’université), ils ne joueraient pas le jeu de l’agrégation. La Conférence des doyens des facultés de droit et de science politique a désiré établir un bilan impartial, basé sur des statistiques incontestables qui ont été présentées à sa session de Nancy le 8 novembre 2019. Elle a adopté à cette occasion la motion suivante : « La Conférence des doyens des facultés de droit et de science politique a toujours apporté son soutien au concours d’agré- gation en tant que voie d’accès nationale au corps des professeurs d’université. Au moment où le nombre de postes mis au concours chute dans les quatre sections du Groupe 01, elle réaffirme son soutien à ce mode de recrutement et à la diversité des voies d’accès au corps des professeurs. La Conférence rappelle le rôle qu’elle a joué année après année pour accroître signifi- cativement le nombre de postes finalement proposés par les Universités. Elle tient à souligner que les mérites de l’agrégation ne sauraient être évalués de façon isolée et que c’est l’ensemble des postes de professeurs et de maîtres de conférences qui doit être examiné dans un contexte d’extrême sous- encadrement de nos disciplines. En effet, Le faible nombre de postes de professeurs offerts aux concours d’agré- gation de droit public et d’histoire du droit a suscité l’émoi de la communauté univer- sitaire Il ne semble pas que le concours d’agrégation soit particulièrement visé : la démographie et le rééquilibrage entre les sections expliquent la baisse du nombre de postes Les facultés de droit et de science politique souffrent en outre d’un taux d’en- cadrement très inférieur à ce qui existe dans les autres disciplines universitaires POINTS-CLÉS UNIVERSITÉS 153 Julien Boudon, doyen de la faculté de droit et de science politique de Reims POUR LE GROUPE DE TRAVAIL (V. liste des membres ci-contre)

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Une « crise » du concours d’agrégation ?

Les postes de professeurs et maîtres de conférences en Droit et Science politique

La présente note a pour origine le faible nombre de postes mis au concours d’agrégation dans les sections 02 et

03 au titre de l’année 2019-2020. En effet, 6 postes ont été offerts en droit public et 2 en histoire du droit (4 ont été fi nalement pourvus le 29 janvier 2020). La circonstance n’est pas inédite pour l’histoire du droit puisque le précédent concours, pour l’an-née 2017-2018, avait ouvert avec 3 postes. En revanche, c’est une nouveauté pour le droit public : le précédent concours, pour la même année universitaire, avait pu compter d’emblée sur 15 postes, portés in fi ne à 23. L’émoi a été vif dans la section 02, au point que la présidente du jury, Mme Lombard, a rédigé un communiqué ( Lettre ouverte, 27

sept. 2019 , largement diffusée et disponible sur le compte Facebook de Mme Lombard ; V. aussi l’interview publiée par Dalloz Ac-

tualité, 30 sept. 2019 ) et qu’une une péti-tion a été mise en ligne le 21 octobre « pour

défendre et réformer le concours d’agréga-tion », à l’initiative de sept professeurs de Paris I, Paris II et Strasbourg ( https://www.

petitions.fr/defendre_lagregation_de_droit_

et_la_reformer . - La pétition a obtenu un peu moins de 800 signatures). Plusieurs explications sont avancées pour expliquer cette chute du nombre de postes mis au concours d’agrégation de droit public (V. en ce sens les réactions à l’interview précitée de Mme Lombard sur le site internet Dalloz Actualité ). Tantôt le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation est pointé du doigt en tant qu’il n’accorderait pas de postes. Tantôt les présidents d’université et leur Conférence (CPU) sont accusés : par hostilité au concours d’agrégation, qui ne permet pas aux établissements de choisir le profi l des professeurs agrégés, les universi-tés gèleraient des postes et miseraient uni-quement sur les dispositions de l’article 46 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984. Tantôt enfi n les doyens des Facultés de droit et de science politique voient leur responsabilité engagée : soit par rejet du concours d’agré-gation, soit par désintérêt pour le recrute-ment de professeurs, soit pour des raisons institutionnelles (liées à des relations diffi -

ciles avec la présidence de l’université), ils ne joueraient pas le jeu de l’agrégation. La Conférence des doyens des facultés de droit et de science politique a désiré établir un bilan impartial, basé sur des statistiques incontestables qui ont été présentées à sa session de Nancy le 8 novembre 2019. Elle a adopté à cette occasion la motion suivante : « La Conférence des doyens des facultés de droit et de science politique a toujours apporté son soutien au concours d’agré-gation en tant que voie d’accès nationale au corps des professeurs d’université. Au moment où le nombre de postes mis au concours chute dans les quatre sections du Groupe 01, elle réaffi rme son soutien à ce mode de recrutement et à la diversité des voies d’accès au corps des professeurs. La Conférence rappelle le rôle qu’elle a joué année après année pour accroître signifi -cativement le nombre de postes fi nalement proposés par les Universités. Elle tient à souligner que les mérites de l’agrégation ne sauraient être évalués de façon isolée et que c’est l’ensemble des postes de professeurs et de maîtres de conférences qui doit être examiné dans un contexte d’extrême sous-encadrement de nos disciplines. En effet,

➜ Le faible nombre de postes de professeurs offerts aux concours d’agré-gation de droit public et d’histoire du droit a suscité l’émoi de la communauté univer-sitaire ➜ Il ne semble pas que le concours d’agrégation soit particulièrement visé : la démographie et le rééquilibrage entre les sections expliquent la baisse du nombre de postes ➜ Les facultés de droit et de science politique souffrent en outre d’un taux d’en-cadrement très inférieur à ce qui existe dans les autres disciplines universitaires

POINTS-CLÉS

UNIVERSITÉS

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Julien Boudon, doyen de la faculté de droit et de science politique de Reims

POUR LE GROUPE DE TRAVAIL (V. liste des membres ci-contre)

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les causes des diffi cultés rencontrées par le concours d’agrégation sont complexes et réclament une analyse approfondie. C’est pourquoi la Conférence a décidé de créer un groupe de travail chargé d’inscrire le concours d’agrégation dans une perspective plus large et d’envisager une réforme de ses modalités ». La direction du groupe de travail a été confi ée à Jean-Christophe Saint-Pau, pro-fesseur de droit privé et de sciences crimi-nelles, doyen de la faculté de Bordeaux et membre du jury d’agrégation de droit privé et de sciences criminelles en 2008-2009. Celui-ci a composé une commission de 9 membres comprenant les 4 présidents des sections 01 à 04 du CNU, et 5 doyens ou anciens doyens des facultés de droit et de science politique. Certains sont professeurs, d’autres maîtres de conférences ; tels sont devenus professeurs via l’agrégation, tels autres via un des alinéas de l’article 46 du décret de 1984. Les tableaux statistiques, qui fi gurent en an-nexe, ont été établis grâce aux informations publiques qui se trouvent sur le site internet du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.

1. Le nombre de postes de professeurs et de maîtres de conférences

Sur une période de 20 ans, qui va de 1998 à 2018, on constate une nette augmenta-tion du nombre de PR et de MCF dans les quatre sections du Groupe 01 prises toutes ensemble. La hausse est de 20 % pour les PR, elle est de 30 % pour les MCF (V. Tableau 1 ). Cependant, dans les années récentes, on note un fl échissement du nombre de PR et de MCF en poste : cette diminution date de 2016 pour les PR, de 2017 pour les MCF (V. Tableaux 2 et 3 ). Par ailleurs, on remarque que la situa-tion est contrastée selon les sections du Groupe 01. Pour le dire d’un mot : les effec-tifs des sections 01 et 04 sont stables ou en légère augmentation, tandis que ceux des sections 02 et 03 ont nettement diminué (V. Tableaux 2 et 3 ).

2. La pyramide des âges

Le nombre de postes de professeurs et de maîtres de conférences au sein du Groupe 01 a augmenté de manière incon-testable à la fi n des années 1990 et au début des années 2000. De nombreux recrute-ments ont été opérés, soit pour accompa-gner la croissance des effectifs étudiants, soit en raison d’une politique volontariste de la part des pouvoirs publics. La conséquence en a été un rajeunissement du corps des professeurs (la stabilité marquant le corps des maîtres de conférences). Ce constat peut surprendre dans les autres disciplines ; il est lié sans ambiguïté à l’existence d’une agrégation de l’enseignement supérieur, couplée à la règle du contingentement, qui donne le titre de professeur à de jeunes doc-teurs, le plus souvent âgés d’une trentaine d’années (le rapport du président Sudre, pour le concours de droit public en 2017-2018, indique que les agrégés étaient âgés de 32 ans en moyenne ( p. 14 ) ; le rapport du président Fulchiron, pour le concours de droit privé et sciences criminelles, constate un âge moyen de 34 ans ( p. 18 ). Ces docu-ments sont disponibles sur le site du mi-nistère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation). Trois indicateurs ont été utilisés : le nombre de professeurs ayant dépassé l’âge de 60 ans ; le nombre de professeurs atteignant l’âge de 64 ans ; l’âge médian des professeurs. Le nombre de professeurs âgés de plus de

60 ans a fortement diminué dans les der-nières années (V. Tableau 4 ). En gros, toutes sections confondues, on peut affi rmer qu’ils représentaient 25 % de l’ensemble du corps des professeurs il y a encore 5 ans, et que la proportion atteint aujourd’hui péni-blement 15 %. Inévitablement, le nombre de départs à la retraite s’en ressent. Sans doute aussi, dans les dix dernières années, les sections du Groupe 01 ont profi té du départ à la retraite de la génération du « ba-by-boom ». Autrement dit, les facultés de droit et de science politique ont connu un âge doré : le nombre de postes augmentait de façon signifi cative, tandis que les départs à la retraite étaient relativement nombreux. Ce constat est conforté par le deuxième indicateur relatif au nombre de professeurs atteignant l’âge de 64 ans sur une période de 4 ans (V. Tableau 5 ). Là encore, les sta-tistiques sont édifi antes : en valeur absolue, on relève un écart signifi catif entre la période 2011-2014 et la période 2015-2018, de l’ordre d’un tiers. Pour donner un ordre d’idées, là où 15 professeurs atteignaient l’âge de 64 ans dans la première période, ils sont désormais 10. Ce qui frappe est la rapidité des transfor-mations qui touchent la démographie des professeurs de droit et de science politique. Par voie de conséquence, l’âge médian des professeurs est passé de 50 à 49 ans en seu-lement 3 ans, de 2015 à 2018 (dans le même laps de temps, l’âge médian des maîtres de conférences reste stable, à 45 ans).

3. Analyse des statistiques

Il serait naïf de croire que, ici et là, telles au-torités universitaires locales ne se montrent pas réfractaires au concours d’agrégation, pour les nombreuses raisons expliquées ci-dessus. Cependant, l’expérience des doyens des facultés de droit et de science politique prouve que le mode d’accès au corps n’est pas au cœur des préoccupations des prési-dents d’université. La négociation lors de la campagne d’emplois porte sur le nombre de postes d’administratifs et d’enseignants-chercheurs, sur la ventilation entre profes-seurs et maîtres de conférences, pas tant sur le mode de recrutement des professeurs dans les disciplines connaissant l’agrégation de l’enseignement supérieur.

Liste des membres du groupe de travail J.-Ch. Saint-Pau (président), J. Boudon (doyen de la faculté de Reims), Fanny Vasseur (doyen de la faculté de Douai), Jeanne-Marie Tuffery-Andrieu (doyen de la faculté de Strasbourg), Antoi-nette Hastings (doyen honoraire de la faculté de Nantes), Arnaud Martinon (président de la section CNU 01), Loïc Grard (président de la section CNU 02 et du Groupe 01), Florent Garnier (président de la section CNU 03), San-drine Lévêque (présidente de la sec-tion CNU 04), représentée par Frédé-ric Ramel, vice-président de la section CNU 04

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Il nous semble que deux grandes causes peuvent être identifi ées. La première est d’ordre démographique : beaucoup de professeurs ont été recrutés dans les 20 der-nières années, or la moitié d’entre eux, par défi nition (en raison du contingentement), étaient issus du concours d’agrégation, donc trentenaires. Aujourd’hui, ces collè-gues ont une cinquantaine d’années, loin de l’âge de la retraite, fi xé à 65 ou 68 ans. La pyramide des âges s’est donc transformée : les professeurs âgés de plus de 60 ans sont devenus plus rares et ceux qui atteindront 64 ans dans les années à venir sont moins nombreux. Par voie de conséquence, il y a moins de départs à la retraite, donc moins de postes, quelle que soit la voie d’accès au corps des professeurs. Ainsi le concours d’agrégation n’est pas en crise en tant que tel, c’est le corps des professeurs (et des maîtres de conférences) qui l’est. Et il le sera pendant au moins une dizaine d’an-nées, le temps que la pyramide des âges se rééquilibre. La seconde cause est plus délicate à prou-ver. Le tableau 2 indique un contraste entre les sections du Groupe 01 : les effectifs sont stables dans les sections 01 et 04, ils baissent signifi cativement dans les sections 02 et 03 depuis quelques années. Une hypothèse, étayée par l’expérience des doyens des Fa-cultés de droit et de science politique, est qu’un rééquilibrage s’est produit au sein de Groupe 01. Des postes budgétaires PR 02 ou 03 auraient été requalifi és en postes PR 01 et 04. L’explication semble cohérente avec la désaffection – regrettable – pour les études de droit public : dans de nom-breuses Facultés de petite et moyenne taille, le droit public souffre, et ce dès la L2 mais surtout en master. L’expérience prouve que les effectifs étudiants dans les masters de droit public connaissent une chute alar-mante (ainsi à Caen, au Havre, à Douai, à Vannes, etc.). Il n’est pas le lieu ici de s’in-terroger sur les raisons de cette désaffection car la Conférence des doyens a décidé de s’emparer du sujet. Il ne s’agit pas plus de défendre le droit public en tant que tel, mais de constater que cette moindre attractivité est dommageable tant les besoins se font sentir dans les professions juridiques publi-cistes (avocats de droit public, juristes des collectivités publiques, magistrats adminis-

tratifs). Concernant l’histoire du droit, on peut craindre que les offres de formation récentes proposent moins d’enseignements dans la discipline : certains cours ont dis-paru, d’autres ont vu leur volume horaire diminuer, de sorte que mécaniquement les Universités recrutent moins de maîtres de conférences et de professeurs dans la section 03.

4. Les remèdes

• Face aux leçons de la démographie, il y a peu à dire : il faudra attendre une di-zaine d’années pour que les professeurs aujourd’hui quinquagénaires fassent valoir leurs droits à la retraite. Autrement dit, les facultés de droit et de science politique doivent s’habituer à recruter peu de profes-seurs dans les années à venir, notamment par le biais du concours d’agrégation. • S’agissant de la désaffection pour le droit public, il convient de réagir. La Conférence des doyens a discuté de cet objet à plusieurs reprises et envisage diverses mesures : campagnes de communication valorisant le droit public dès la L1 ou la L2, exercice d’introspection de la part des publicistes pour expliquer le moindre attrait des for-mations de droit public. Par ailleurs, l’his-toire du droit (et la science politique) doit avoir toute sa place dans des facultés qui ne sont pas des écoles professionnelles ou pas seulement des écoles de ce type : ce sont des lieux d’élévation morale et intellectuelle tout autant que de préparation à la vie professionnelle. • Le faible nombre de postes proposés aux concours d’agrégation depuis quelques an-nées doit aussi servir à attirer l’attention des pouvoirs publics sur la nécessité de créer des postes dans les disciplines juridiques et politiques. Le constat est bien connu : le taux d’encadrement est d’une faiblesse in-signe dans les facultés de droit et de science politique. Que l’on utilise des valeurs abso-lues ou des proportions, il est évident que le nombre de professeurs et de maîtres de conférences dans les sections 01 à 04 est très en-dessous de ce qui existe dans les autres composantes. Ainsi, le taux d’encadrement varie presque d’un à quatre entre le domaine « Droit et science politique » et le domaine

« Sciences » (V. doc. « Taux d’encadrement dans les disciplines universitaires »). Il faut rappeler deux vérités élémentaires : pre-mièrement, l’enseignement et la recherche en droit et en science politique sont très peu onéreux ; deuxièmement, le droit et la science politique sont très valorisés sur le marché de l’emploi. Dans les universités pluridisciplinaires, le contraste est énorme et il se fait aux dépens des facultés de droit et de science politique. Au temps de l’auto-nomie, il semble diffi cile d’obtenir un réé-quilibrage à court terme et général de la part des équipes présidentielles locales : il appar-tient donc au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innova-tion de corriger le déséquilibre et de créer des emplois fl échés dans le domaine du droit et de la science politique. En ce sens, la Conférence des doyens des Facultés de droit et de science politique a adopté le communiqué suivant lors de sa session de Florence le 25 janvier 2020 : « À la lumière des rapports publiés le 23 sep-tembre 2019 pour éclairer le projet de loi de programmation sur la recherche et des der-nières interventions de Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation dans la semaine du 20 jan-vier 2020, la CDDSP rappelle fermement les principes qu’elle a toujours défendus : - le maintien d’une qualifi cation nationale ou d’un concours national pour accéder aux carrières pérennes de l’enseignement supérieur ; - le maintien du référentiel national et sta-tutaire d’enseignement de 192 heures, ce qui exclut toute modulation des heures de service. Elle s’inquiète à ce titre d’une contractua-lisation rampante qui porterait atteinte tant à la qualifi cation nationale qu’au réfé-rentiel national et statutaire. Si les emplois contractuels sont précieux – par exemple les postes d’ATER – ils ne doivent pas servir à une remise en cause du statut. Par ailleurs, la CDDSP attire l’attention des pouvoirs publics sur le sous-encadrement chronique et dramatique dans les disciplines juridiques et politiques. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : ainsi, l’écart entre le do-maine Droit et Science politique d’une part et le domaine Sciences de l’autre est d’un à quatre. La Conférence réclame des créations

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de postes, de professeurs comme de maîtres de conférences, afi n que les étudiants inscrits dans les Facultés de droit et de science poli-tique reçoivent une formation de qualité. La Conférence se réjouit enfi n des annonces faites en faveur de la revalorisation des trai-tements des enseignants-chercheurs. Le rapport du 23 septembre 2019 « Attractivité des emplois et des carrières scientifi ques » indique que les enseignants-chercheurs fran-çais sont rémunérés à hauteur de 63 % de leurs homologues des pays de l’OCDE. Un enseignement supérieur digne de ce nom ne saurait tolérer cet écart scandaleux et il ap-

partient à la Nation d’y remédier. La Confé-rence souligne cependant que l’attractivité d’une profession ne dépend pas seulement de l’entrée dans la carrière mais doit prendre en compte l’ensemble de son déroulement. De ce point de vue, la Conférence exprime les plus vives réserves à l’endroit des pro-jets de loi « instituant un système universel de retraite » qui, en l’état actuel des choses, conduiraient à une baisse signifi cative des pensions versées aux fonctionnaires de l’État et en particulier aux personnels de l’ensei-gnement supérieur et de la recherche. Elle prend note de l’engagement pris par le Gou-

vernement, à l’article 1 er du projet de loi or-dinaire, d’assurer des pensions équivalentes à celles des autres corps de fonctionnaires et se montrera très vigilante à ce sujet ». • Les diffi cultés rencontrées sont peut-être propices à une réforme du concours d’agré-gation, du moins dans les trois premières sections du Groupe 01 puisque la science politique a déjà agi de son côté (suppression de la leçon en 24 heures, analyse de dossier lors de la troisième épreuve en loge). Le groupe de travail s’accorde quelques mois pour formuler des propositions et les sou-mettre aux instances compétentes.

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