UnCœur imp unfilmdeMarionLaine CsO RRIGÉS · la nouvelle fantastique elle-même s’appuyant sur...

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CORRIGÉS Un Cœur simple un film de Marion Laine Fiche pédagogique 1 > Le texte Trois Contes : à quel type de texte nous attendons-nous au vu de ce titre ? Le titre général du recueil inscrit le texte dans un horizon générique, celui conte, qui fait naître avec lui un certain nombre d’attentes en raison des caractéristiques traditionnelles qui sont les siennes et qui le différencient des autres genres. On imagine que le texte sera court (contrairement au roman), qu’il mettra en scène des personnages stéréotypés (roi, prince, personnage faible, pauvre ou opprimé qui sortira vainqueur d’une suite d’épreuves et se verra récompensé) et qu’il comportera peut-être des éléments merveilleux (à l’inverse des nouvelles qui sont en général réalistes, la nouvelle fantastique elle-même s’appuyant sur un cadre réaliste pour faire naître l’hésitation propre au fantastique). On s’attend à une fin heureuse (alors que la nouvelle repose, elle, sur un effet de chute, par définition inattendue). Un Cœur simple : que signifie cette expression ? Proposez deux interprétations différentes. Sur quelle figure de style repose-t-elle ? On peut comprendre le titre Un cœur simple de deux manières différentes. La métaphore figée « un cœur simple » renvoie d’abord à l’idée de bonté. Félicité est une personne qui ne peut concevoir le mal, qui est étrangère à toute malignité (à tout esprit malin au sens de démoniaque, de diabolique : souvenons-nous que le diable est surnommé le « Malin »). La simplicité est opposée à la subtilité comme la sainteté l’est au diabolique. Mais l’expression peut également renvoyer à l’idée de naïveté, au manque d’intelligence et de culture. Félicité fait alors figure de « simple d’esprit » dans la mesure où elle ignore tout de la géographie, de la lecture, de l’histoire etc. Ces deux sens reposent sur la valeur métaphorique du mot « cœur » entendu comme le siège de l’affectivité. À chaque fois, l’expression sert aussi à désigner le protagoniste de l’histoire : « un cœur simple », c’est Félicité ; en cela elle fonctionne comme une synecdoque (une partie, le cœur, sert à désigner le tout, c’est- à-dire Félicité). 2 > Le film L’affiche : décrivez-la précisément, puis analysez ce qu’elle suggère de l’histoire. Description : Au premier plan, on peut voir Félicité assise sur une plage, tenant une poupée dans les mains. Elle est habillée d’une robe rouge à petit col blanc, très simple. Elle regarde au loin, sans sourire, avec un air grave et méditatif. À sa droite, derrière elle, au deuxième plan, on distingue une mère et ses deux enfants. Tous sont vêtus de tenues bourgeoises : la femme porte une robe protégée par un manteau, un chapeau à ruban ; sa fille a une veste, son fils une chemise, un gilet et une cravate. Une ombrelle ouverte, posée au sol, les protège du vent. Le fils est occupé par un objet sans doute ramassé sur la plage, la fille regarde sa mère, la direction du regard de la mère est difficile à préciser. Un panier, une nappe et un pain posés à terre nous montrent les restes d’un déjeuner. L’arrière-plan de l’image est occupé par un paysage de falaises et de mer. En haut de l’affiche, sur fond de ciel, se détache le titre : « Un cœur simple », le mot « cœur » apparaissant en rouge et faisant écho à la robe de la femme du premier plan. Interprétation : Cette affiche nous livre quelques informations sur la nature de l’histoire représentée. On peut d’abord penser qu’il s’agit d’une histoire de femmes : aucun homme n’est présent parmi les adultes représentés. On peut également former des hypothèses sur l’époque à laquelle se déroule l’action : si la tenue de Félicité est relativement intemporelle, la tenue de la mère (particulièrement son chapeau à longs rubans) renvoie au XIX e siècle. La composition en plans met en valeur le personnage du premier plan, Félicité, qui occupe la plus grande partie de l’image, et dont la robe rouge, qui fait écho au mot « cœur », nous fait comprendre que c’est en elle qu’il faut voir le « cœur simple » de l’histoire. Cette composition en plans souligne surtout sa solitude. En effet, elle n’appartient pas au même plan que la famille et elle leur tourne le dos. Aucune communication n’est établie entre le premier plan et le second plan. La tenue de Félicité est à la fois proche de celle de M me Aubain (tenue foncée à petit col blanc) et plus modeste qu’elle : elle n’a ni manteau, ni chapeau, ni ombrelle. La couleur rouge de la robe fait écho au rouge du mot « cœur ». Peut-être souligne-t-elle le caractère ardent de Félicité ? Décrivez précisément le prégénérique. Quels indices nous donne-t-il sur la nature du film ? (Cette question sera traitée après avoir vu le film. Dans cette perspective, on peut demander aux élèves, avant la projection, de prêter une attention particulière aux premières minutes du film). Description : Le prégénérique (cette courte séquence placée en ouverture, avant le générique) a pour but d’installer le spectateur dans une atmosphère définie dès les premières images du film. Ici, on entend d’abord des instruments à cordes sur des harmoniques tenues (notes aiguës) qui émergent des bruits de la nature (bruits d’ailes et cris d’oiseaux). Apparaît ensuite un paysage de forêt, à la tombée du jour, que traverse en courant une femme. Nous la découvrons de manière progressive : de dos dans un plan d’ensemble, puis par un gros plan sur le bas de sa robe, sur sa chevelure vue de dos, puis sur son visage. Elle a l’air inquiet et se met à pleurer. Un fondu enchaîné fait apparaître par surimpression une fête de village filmée au ralenti. La musique stridente s’estompe pour ne subsister que de manière assourdie. Un bel homme brun traverse les couples de danseurs pour s’approcher d’une personne qu’il regarde d’un air décidé. Un contrechamp montre qu’il s’agit de la jeune fille de la forêt, qui le regardait et qui se détourne, se plaçant de profil. L’homme s’appuie à une poutre pour lui parler. Fin du ralenti et des sonorités assourdies. Une musique de danse populaire jouée au violon se fait entendre et l’on voit l’homme entraîner dans la danse la jeune fille, qui le suit maladroitement. Il lui prend les mains et la fait progressivement rentrer dans la danse, malgré ses réticences. Elle finit par se laisser faire en souriant. La musique s’estompe. Dans le plan suivant, on voit le couple, de profil. L’homme tient dans sa main le menton de la jeune femme et lui offre un foulard. On entend pour la première fois un échange de paroles : « Moi c’est Théodore, et toi ? / Félicité. / Il te plait mon foulard ? / Oui ». Fondu au noir. Suite du générique : les mentions écrites apparaissent en surimpression sur un paysage de pâturages dans lequel chemine un troupeau de vaches. Félicité les guide, un bâton à la main. Interprétation : Ce prégénérique repose sur une opposition très nette entre deux séquences. Celle de la forêt met en place une atmosphère inquiétante et tendue par l’obscurité, les bruits d’ailes, les cris d’oiseaux et la musique stridente. On y voit une jeune femme seule, perdue au milieu de la nature, et dont le visage traduit une grande angoisse. Sa course désespérée donne le SÉANCE 1 20

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CO R R I G É SUn Cœur simpleun film de Marion LaineFiche pédagogique

1 > Le texte• Trois Contes : à quel type de texte nous attendons-nous

au vu de ce titre ?Le titre général du recueil inscrit le texte dans un horizon

générique, celui conte, qui fait naître avec lui un certain nombred’attentes en raison des caractéristiques traditionnelles qui sontles siennes et qui le différencient des autres genres. On imagineque le texte sera court (contrairement au roman), qu’il mettra enscène des personnages stéréotypés (roi, prince, personnage faible,pauvre ou opprimé qui sortira vainqueur d’une suite d’épreuves etse verra récompensé) et qu’il comportera peut-être des élémentsmerveilleux (à l’inverse des nouvelles qui sont en général réalistes,la nouvelle fantastique elle-même s’appuyant sur un cadre réalistepour faire naître l’hésitation propre au fantastique). On s’attendà une fin heureuse (alors que la nouvelle repose, elle, sur un effetde chute, par définition inattendue).

• Un Cœur simple : que signifie cette expression ? Proposezdeux interprétations différentes. Sur quelle figure de stylerepose-t-elle ?On peut comprendre le titre Un cœur simple de deux manières

différentes. La métaphore figée « un cœur simple » renvoie d’abordà l’idée de bonté. Félicité est une personne qui ne peut concevoir lemal, qui est étrangère à toute malignité (à tout esprit malin au sensde démoniaque, de diabolique : souvenons-nous que le diable estsurnommé le « Malin »). La simplicité est opposée à la subtilitécomme la sainteté l’est au diabolique.

Mais l’expression peut également renvoyer à l’idée de naïveté,au manque d’intelligence et de culture. Félicité fait alors figurede « simple d’esprit » dans la mesure où elle ignore tout de lagéographie, de la lecture, de l’histoire etc.

Ces deux sens reposent sur la valeur métaphorique du mot« cœur » entendu comme le siège de l’affectivité. À chaque fois,l’expression sert aussi à désigner le protagoniste de l’histoire :« un cœur simple », c’est Félicité ; en cela elle fonctionne commeune synecdoque (une partie, le cœur, sert à désigner le tout, c’est-à-dire Félicité).

2 > Le film• L’affiche : décrivez-la précisément, puis analysez

ce qu’elle suggère de l’histoire.Description : Au premier plan, on peut voir Félicité assise sur

une plage, tenant une poupée dans les mains. Elle est habilléed’une robe rouge à petit col blanc, très simple. Elle regarde au loin,sans sourire, avec un air grave et méditatif. À sa droite, derrièreelle, au deuxième plan, on distingue une mère et ses deux enfants.Tous sont vêtus de tenues bourgeoises : la femme porte une robeprotégée par un manteau, un chapeau à ruban ; sa fille a uneveste, son fils une chemise, un gilet et une cravate. Une ombrelleouverte, posée au sol, les protège du vent. Le fils est occupé parun objet sans doute ramassé sur la plage, la fille regarde sa mère,la direction du regard de la mère est difficile à préciser. Un panier,une nappe et un pain posés à terre nous montrent les restes d’undéjeuner. L’arrière-plan de l’image est occupé par un paysage defalaises et de mer. En haut de l’affiche, sur fond de ciel, se détachele titre : « Un cœur simple », le mot « cœur » apparaissanten rouge et faisant écho à la robe de la femme du premier plan.

Interprétation : Cette affiche nous livre quelques informationssur la nature de l’histoire représentée. On peut d’abord penser qu’il

s’agit d’une histoire de femmes : aucun homme n’est présent parmiles adultes représentés. On peut également former des hypothèsessur l’époque à laquelle se déroule l’action : si la tenue de Félicitéest relativement intemporelle, la tenue de la mère (particulièrementson chapeau à longs rubans) renvoie au XIXe siècle. La compositionen plans met en valeur le personnage du premier plan, Félicité, quioccupe la plus grande partie de l’image, et dont la robe rouge, quifait écho au mot « cœur », nous fait comprendre que c’est en ellequ’il faut voir le « cœur simple » de l’histoire. Cette compositionen plans souligne surtout sa solitude. En effet, elle n’appartientpas au même plan que la famille et elle leur tourne le dos. Aucunecommunication n’est établie entre le premier plan et le secondplan. La tenue de Félicité est à la fois proche de celle deMme Aubain (tenue foncée à petit col blanc) et plus modestequ’elle : elle n’a ni manteau, ni chapeau, ni ombrelle. La couleurrouge de la robe fait écho au rouge du mot « cœur ». Peut-êtresouligne-t-elle le caractère ardent de Félicité ?

• Décrivez précisément le prégénérique. Quels indices nousdonne-t-il sur la nature du film ? (Cette question seratraitée après avoir vu le film. Dans cette perspective, onpeut demander aux élèves, avant la projection, de prêterune attention particulière aux premières minutes du film).Description : Le prégénérique (cette courte séquence placée en

ouverture, avant le générique) a pour but d’installer le spectateurdans une atmosphère définie dès les premières images du film. Ici,on entend d’abord des instruments à cordes sur des harmoniquestenues (notes aiguës) qui émergent des bruits de la nature (bruitsd’ailes et cris d’oiseaux). Apparaît ensuite un paysage de forêt, à latombée du jour, que traverse en courant une femme. Nous ladécouvrons de manière progressive : de dos dans un pland’ensemble, puis par un gros plan sur le bas de sa robe, sur sachevelure vue de dos, puis sur son visage. Elle a l’air inquiet et semet à pleurer. Un fondu enchaîné fait apparaître par surimpressionune fête de village filmée au ralenti. La musique stridentes’estompe pour ne subsister que de manière assourdie. Un belhomme brun traverse les couples de danseurs pour s’approcherd’une personne qu’il regarde d’un air décidé. Un contrechampmontre qu’il s’agit de la jeune fille de la forêt, qui le regardait et quise détourne, se plaçant de profil. L’homme s’appuie à une poutrepour lui parler. Fin du ralenti et des sonorités assourdies. Unemusique de danse populaire jouée au violon se fait entendre etl’on voit l’homme entraîner dans la danse la jeune fille, qui le suitmaladroitement. Il lui prend les mains et la fait progressivementrentrer dans la danse, malgré ses réticences. Elle finit par se laisserfaire en souriant. La musique s’estompe. Dans le plan suivant, onvoit le couple, de profil. L’homme tient dans sa main le menton dela jeune femme et lui offre un foulard. On entend pour la premièrefois un échange de paroles : « Moi c’est Théodore, et toi ? / Félicité. /Il te plait mon foulard ? / Oui ». Fondu au noir. Suite du générique :les mentions écrites apparaissent en surimpression sur un paysagede pâturages dans lequel chemine un troupeau de vaches. Félicitéles guide, un bâton à la main.

Interprétation : Ce prégénérique repose sur une oppositiontrès nette entre deux séquences. Celle de la forêt met en place uneatmosphère inquiétante et tendue par l’obscurité, les bruits d’ailes,les cris d’oiseaux et la musique stridente. On y voit une jeunefemme seule, perdue au milieu de la nature, et dont le visagetraduit une grande angoisse. Sa course désespérée donne le

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sentiment qu’elle court un danger, qu’elle cherche à échapperà quelque chose. Ce début crée un effet d’énigme : le spectateurest plongé dans une situation qu’il ne comprend pas.

À l’inverse, la scène de la fête nous montre une atmosphèrede réjouissance : musique populaire, danse, couleurs chaudes,lumières. Nous assistons à une scène de première vue entreThéodore et Félicité et à une entreprise de séduction décidéeet efficace : Félicité, malgré sa gêne, est manifestement sous lecharme de ce garçon. La fin du générique nous montre Félicitédans son cadre de vie : les champs.

La liaison entre les deux séquences, qui s’opère par un fonduenchaîné et un ralenti, nous permet de comprendre que ladeuxième séquence constitue une réminiscence de Félicité :le temps de bonheur de la fête a laissé place à l’errance angoisséeen forêt. Ce générique nous laisse donc percevoir en quelquesminutes la structure même de la vie de Félicité : un passage

systématique d’un bonheur intense à un intense malheur. Le faitde commencer par la scène d’errance en forêt place le film dèsle début sous le signe de la perte : le bonheur est présenté commeun souvenir, et non comme un moment présent.

3 > Synopsis : Comparaison des résumésLes deux résumés disent la série de déceptions que connaît

Félicité, mais chacun oriente cette présentation dans un sens quilui est propre. Le texte de Flaubert accorde plus d’importance àl’aspect religieux ; celui de Rezofilms insiste sur la place que tientMme Aubain dans la vie de Félicité. Là où Flaubert décrit l’existencede Félicité comme une vie minuscule et pitoyable (par les adjectifs« vie obscure », « pauvre fille »), le résumé du film en fait unehéroïne par des procédés d’amplification (« amour immense »,« avec une même intensité »).

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1 > Un nom – une vie ? Regard sur l’onomastique• Pourquoi Flaubert a-t-il choisi le prénom « Félicité »

pour son personnage ?La vie de Félicité est marquée par une succession de pertes :

tous les êtres qu’elle aime lui échappent tour à tour : Théodore,Virginie/Clémence, son neveu Victor, son perroquet Loulou,Mme Aubain elle-même. Sa vie, scandée par ces événementsmalheureux, pourrait apparaître comme un échec complet, commeune existence marquée par la fatalité. En ce sens, le choix de ceprénom semble ironique de la part de Flaubert. Le terme « félicité »désigne en effet un bonheur sans mélange, calme et durable, c’est-à-dire l’inverse du parcours de la jeune femme qui est, lui, émailléde cruelles déceptions.

On peut malgré tout considérer que Félicité, après chaque perte,trouve en elle l’énergie de poursuivre son existence et d’aimer ànouveau. Chacune de ses affections est totale, comme si aucunede ces pertes successives n’entamait sa capacité à jouir de momentsheureux.

On peut compléter cette première analyse par un regard surquelques autres noms contenus dans l’œuvre et sur leur repriseou leur modification dans le film, notamment ceux de Mme Aubain,Paul et Virginie.

• Le texte : à quoi font écho les prénoms des deux enfants ?La première phrase du texte de Flaubert nomme à la fois Félicité

et Mme Aubain. Les deux femmes sont donc réunies par la syntaxeet opposées par la manière de les nommer dans la mesure oùMme Aubain est désignée par son patronyme tandis que Féliciténe possède qu’un prénom. Dans la suite du texte, le prénomde Mme Aubain ne sera pas indiqué, pas plus que le nom de famillede Félicité. Quant aux enfants, leurs prénoms, « Paul et Virginie »(p. 15), font écho au roman de Bernardin de Saint-Pierre.

• Comment peut-on interpréter ces choix onomastiquesde Flaubert ?Le fait de désigner Félicité par son prénom introduit une forme

de familiarité. Cela crée une proximité avec le lecteur, mais celatraduit aussi le statut social de Félicité : c’est parce qu’elle est unesimple domestique qu’elle n’est jamais appelée « Madame… ».

L’absence de patronyme ou de nom marital symbolise enfinson isolement : Félicité est sans famille (le chapitre 2 nous apprendque ses parents sont morts et ses sœurs dispersées) et sans mari.À l’inverse, Mme Aubain n’est pas dotée d’un prénom. Le textese limite à sa désignation sociale et au mot que Félicité utilise pourla désigner, « Madame », comme pour traduire toute la distanceque Mme Aubain introduit dans ses rapports avec autrui. Le choixdes prénoms des enfants peut-être interprété comme un effetironique de la part de Flaubert qui suggère ainsi le romantismede Mme Aubain et l’influence que les modes littéraires ont pu avoirsur elle.

• Le film : quelles modifications onomastiques le filmintroduit-il ? Pourquoi ?

Dans son film, Marion Laine introduit quelques modifications dansl’usage des noms. Mme Aubain s’y voit en effet doter d’un prénom,« Mathilde », qui est plus souvent utilisé que son patronyme. Cechoix va dans le sens d’un enrichissement du personnage qui est,dans le film, doté d’une vie affective : ce sont ses amis et sonamant qui l’appellent ainsi. De son côté, le changement du prénomde Virginie en « Clémence » annule la distance ironiquequ’introduisait la référence au roman. La réalisatrice joue peut-êtresur le signifié généreux de ce prénom : Clémence est la seulepersonne qui soit à la fois profondément attachée à Félicité dès ledébut de sa relation avec elle et qui lui soit fidèle.

Le professeur de violoncelle se nomme « Frédéric » ; il seraembauché chez « Mme Arnoux ». Pourquoi ce choix de laréalisatrice ?

Dans son traitement de l’onomastique, le film joue égalementsur l’intertextualité flaubertienne. Ainsi le professeur de violoncelleavec qui Mathilde a une liaison porte-t-il le prénom du héros deL’Education sentimentale, Frédéric ; lorsqu’il annonce à Mme Aubainson départ pour Rouen, il lui explique qu’il est engagé par unecertaine Mme Arnoux, autre écho à l’héroïne du même roman.On peut y voir une manière de signifier que les ajouts opérés parle film sont en cohérence avec l’ensemble de l’œuvre flaubertienne.

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2 > Comparaison des compositions respectivesdu livre et du film

• OuvertureLe début d’Un cœur simple se place sous le signe de la durée

(« Pendant un demi-siècle… ») et de la répétition (par l’emploi del’imparfait itératif « elle se levait dès l’aube (…), travaillait jusqu’ausoir (…) enfouissait la bûche… »). Il nous offre une visiond’ensemble de l’existence de Félicité. Devant l’impossibilité derestituer en une courte séquence cinquante années de vie etd’habitudes, Marion Laine a pris un parti radicalement autre.Elle nous montre Félicité au moment de sa course désespéréedans la forêt. Un flash-back nous montrera ensuite sa rencontreavec Théodore, puis la manière dont ce dernier la trahit,événements qui correspondent au début du chapitre 2 du texte.

Pourquoi ce choix de la course en forêt comme ouverture ?Peut-on y voir un rapport avec le chapitre 1 qui nous dresse untableau général de l’existence de Félicité ? La première scène dufilm est sombre, on y découvre Félicité à un moment de grandedouleur, alors qu’elle réagit de manière presque animale à la pertequ’elle vient de subir. On peut l’interpréter comme une manière derésumer la vie de Félicité, vie placée sous le signe de la perte, de laprivation des êtres aimés. Le flash-back, qui nous montre une scènede bonheur tout en couleurs chaudes et en musique, contraste

avec ce moment de désespoir et nous montre que tout momentde bonheur est, pour Félicité, suivi d’un moment de douleur.Ce début, à la manière d’une ouverture d’opéra, nous résumeles couleurs d’une existence faite d’une alternance de momentsde joie et de détresse. C’est en ce sens que cette ouverture peutêtre rapprochée de la présentation générale de la vie de Félicitéqu’opère Flaubert dans le chapitre 1.

• SuppressionsParmi les scènes du récit qui ont disparu du film, on trouve

le mariage de Paul qui s’éloigne ainsi un peu plus de sa familleet la visite de son épouse chez Mme Aubain, qui « fit la princesse »et « blessa Félicité » (chapitre 4). Cette suppression peut s’expliquerpar le fait que cet épisode est redondant par rapport à d’autresqui ont assumé la même fonction, avec plus d’intensité (perte deVirginie, remarque vexante de Mme Aubain).

Le film ne montre pas non plus la manière dont Félicité s’occupede soldats de passages, de malades et d’un vieillard grabataire(chapitre 3). Ces épisodes ont en effet un caractère répétitif ettrouvent un équivalent dans une scène ajoutée au texte, mais quiles résume avec force, celle de l’escalier : on y perçoit la sainteté deFélicité et le don qu’elle fait d’elle-même lorsque, épuisée et blesséeau pied, elle se charge de porter seule les deux enfants endormis.

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• Texte

Félicité contemple le vitrail de l’église représentantle Saint-Esprit sous la forme d’un oiseau.

Félicité fait la route à pied jusqu’à Honfleur pour assisterau départ du bateau de Victor.Route à pied pour faire empailler son perroquet.

Félicité désire savoir où se situe La Havane et interrogeM. Bourais qui lui montre l’emplacement sur un atlas.

Félicité s’occupe de la tombe de Virginie.Les deux femmes rangent les affaires de l’enfant. Félicitédemande pour elle-même un petit chapeau. Elles s’embrassent.

Le curé décide de recevoir la confession de Félicité dans lasacristie car elle parle très fort depuis qu’elle est devenue sourde.

Mort de Mme Aubain. Tristesse de Félicité. La maison est pilléepar les héritiers et laissée à l’abandon.

• Film

Félicité écoute le curé raconter l’histoire de saint Françoiset des oiseaux, imiter le vol d’un oiseau, etc.

Scènes condensées en une seule : celle du trajet à l’arrièrede la voiture pour se rendre au couvent de Clémence.

Elle observe avec nervosité une mappemonde, puis la jetteavec violence.

Une scène offre la synthèse de ces deux moments distincts :devant la tombe de Clémence, les deux femmes s’étreignent.

À l’église, en pleine messe, Félicité prie à haute voix et raconteses pensées sensuelles.

Gros plan sur un lustre qui bouge et tinte. Des meubles sontportés hors de la maison. Félicité lave le sol du salon vide etferme les volets.

Parmi les scènes transposées, celle de la mort de Mme Aubain etde la venue des héritiers offre une mise en image particulièrementintéressante. Le film ne nous montre ni Mme Aubain, ni les pleursde Félicité, ni la venue de la bru pillant la maison. La mort deMme Aubain est l’objet d’une ellipse narrative et ce sont les imagesde la maison qui nous permettent de comprendre qu’elle a eu lieu.

Le pillage de la maison est filmé de manière très subjective : ungros plan sur un lustre qui semble agité de tremblements, un soncristallin, puis des plans sur des hommes déplaçant des meubleset franchissant le seuil de la maison. Lorsqu’on voit ensuite Félicitélessiver le sol du salon puis fermer un à un les volets de la maisonjusqu’au noir complet, on comprend ce qui vient de se produire.

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• Transpositions

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Cette manière de filmer (ou d’éviter de filmer) le décès deMme Aubain et ses suites est très étroitement liée à la manière dontFélicité vit ces instants. Les scènes ne sont pas tournées en camérasubjective : elles ne rendent pas compte strictement du point devue de Félicité sur l’événement ; malgré tout, elles entretiennentun rapport étroit avec sa perception des choses. L’ellipse de la mortde Mme Aubain suggère que l’événement est trop douloureux pourparvenir jusqu’à sa conscience : il en devient une réalité refoulée.Le fait que Félicité ne soit pas montrée à l’image donne lesentiment que la caméra nous restitue ce qu’elle perçoit.Or ce qui nous est montré est singulièrement partiel et vague :des bruits assourdis, des mouvement incompréhensibles.On comprend que Félicité n’a plus toute sa tête, qu’elle necomprend pas ou ne veut pas comprendre ce qui se passe, qu’ellene perçoit plus le monde avec exactitude, comme pour se protégerde ses atteintes.

• AjoutsLes deux ajouts majeurs du film sont liés aux relations de

Mme Aubain et de Félicité avec les hommes. Mme Aubain a unamant, Frédéric, le professeur de violoncelle ; Félicité est demandéeen mariage par le fermier Liébard, personnage qui existe chezFlaubert, mais qui est encore marié dans le conte alors queMarion Laine en fait un veuf.

Ce choix correspond à l’un des principaux partis pris del’adaptation, qui consiste à faire d’Un cœur simple une œuvreévoquant le désir féminin au XIXe siècle et sa frustration. La présencede ces deux hommes, et le désir qu’ils éprouvent pourles deux femmes, nous rappellent que Mme Aubain est une jeuneveuve qui ne peut vivre librement sa sexualité pour des raisonsde conventions sociales et que Félicité est une domestique qui n’apas de vie amoureuse ni sexuelle et dont la sensualité se reporte,par défaut, sur tous les objets de son affection.

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SÉANCE 3

1 > L’expression du temps dans le texte :• Quel temps domine le chapitre 1 ? A-t-il toujours

la même valeur ?Le temps dominant de chapitre est l’imparfait. Il apparaît dans

le paragraphe 2 (p. 9) et dans les paragraphes 4 à 8 (p. 10 et 11)mais n’a pas toujours la même valeur.

Imparfait descriptif : dans le deuxième paragraphe, il s’agitd’un imparfait descriptif, qui énumère les aptitudes et les activitésde Félicité (« elle faisait la cuisine… »). Dans les paragraphes 4 et 5,il s’agit à nouveau d’un imparfait descriptif, utilisé pour dépeindreavec précision la maison (« un vestibule étroit séparait… »,« un vieux piano supportait, sous un baromètre… », « ellecommuniquait… »). Ce sont des indications spatiales quiorganisent le texte (« entre, près de, sous, au milieu, où… »).À la fin du texte, on trouve encore cette valeur de l’imparfait pourdécrire la tenue et le physique de Félicité (« son visage était maigre,semblait une femme en bois… »).

Imparfait itératif : l’imparfait qui apparaît dans le paragraphe 6 aune valeur spécifique : il est utilisé pour évoquer les activitéshabituelles de Félicité : « elle se levait, travaillait, enfouissait,mangeait, recueillait… »). En effet, la vie de Félicité est placéesous le signe de la répétition, c’est une vie sans éclat, uniquementabsorbée par des tâches quotidiennes. Elle est donc placée sousle signe de l’imparfait itératif chargé de traduire cette dominationde l’habitude.Ce chapitre fait donc office de présentation générale : il pose ledécor et décrit les habitudes de vie des deux femmes, en portantun regard d’ensemble sur le cadre et l’histoire.

• Quel indice temporel indique la présence de cetteanalepse dans la première page du chapitre 1 et lapremière page de chapitre 2 ? Pourquoi cet ordre ?

Cette antériorité dans un contexte au passé est marquée parl’emploi d’un temps : le plus-que-parfait (« elle avait épousé... »).

On retrouve le même fonctionnement au début du chapitre 2 pourprésenter la vie de Félicité avant sa rencontre avec Mme Aubain(« Elle avait eu, comme une autre... »). On comprend que Flaubertentend avant tout narrer la vie d’une domestique : son récitcommence par une présentation générale des deux femmes, etn’évoque leur passé dans une analepse, sous forme de sommaire,que comme une parenthèse.

2 > Les effets du temps dans le film :• Un cœur simple nous montre vingt ans de la vie de

Félicité. Par quels éléments visuels le film nous fait-ilsentir le passage du temps ?Les enfants grandissent : un même rôle est joué par des

comédiens d’âges différents (voir la fiche technique : « Clémence4 ans, Clémence 9-11 ans, Paul 8 ans, Victor enfant, Paul 13-15ans, Clémence 15 ans), ce qui permet de traduire visuellement lepassage des années.

Les paysages, les décors, les costumes et les lumièrestraduisent la succession des saisons. Le film commence auprintemps ou en en été, comme le suggèrent la robe légère deFélicité et les scènes de promenade ; certaines scènes nousmontrent une chaude lumière d’été (Félicité coupant des oignons) ;d’autres scènes au contraire se déroulent en hiver : on voit Félicitéet Clémence, chaudement habillées, marcher dans le froidd’une rue enneigée. Une scène entre Mme Aubain et Félicité metprécisément l’accent sur la saison : celle au cours de laquelleFélicité, qui vient d’apprendre la mort de son neveu, prenddes pétales de fleurs pour des flocons de neige. Mme Aubain ladétrompe : « Ce sont les pétales de pommiers. C’est le printempsFélicité ».

L’évolution de l’allure de Félicité : d’allure juvénile au débutdu film en raison de sa robe, de ses cheveux lâchés, du maquillageet de la lumière, Félicité a des traits marqués, une coiffure plusstricte et une démarche claudicante à la fin du film.

SÉANCE 2 SUITE

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• Ordre : la représentation du temps est-elle linéairedans le film ? Pourquoi ?

Le film propose une progression globalement chronologique.La vie de Félicité est donnée à voir dans ses épisodes successifs,que séparent des ellipses temporelles (mort de Mme Aubain parexemple). Le spectateur est invité à combler les lacunes de lareprésentation en fonction des indices qui lui sont donnés (âgedes enfants notamment). Cet ordre est parfaitement légitime dansla mesure où Un cœur simple nous donne à voir les étapes d’unevie caractérisée par une succession de pertes irrémédiables.On peut néanmoins relever un accroc majeur à cette linéarité audébut du film. Un cœur simple s’ouvre en effet sur une séquencede fuite dans la forêt, qui est postérieure à la séquence suivante,celle du bal. La fête villageoise constitue donc le début d’unflashback. L’existence d’une rupture dans la linéarité nous est

indiquée par un certain nombre de procédés : le fondu enchaîné,le recours au ralenti et la transition sonore (sonorités stridentesprogressivement assourdies, musique de danse au violon). Ceséléments, ajoutés au fait que le visage de Félicité disparaît pourlaisser place à celui de Théodore s’avançant vers elle, permettentde comprendre que la scène représentée est un souvenir de lajeune femme et qu’il s’agit d’un épisode filmé en camérasubjective, assurant le décrochage par rapport à la linéarité du récit.Par la suite, Félicité réapparaît à l’écran mais le flash-back sepoursuit jusqu’au début du chapitre 5 du film, qui revient à la scènede la forêt. On l’a vu (section « Seuils », question portant sur lepré-générique), cette inversion de l’ordre chronologique permetà la réalisatrice de placer l’histoire de Félicité sous le signe dela douleur et de la perte, de suggérer que le bonheur est toujoursun bonheur passé, perdu.

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• Evolution de la tenue vestimentaire de Félicité.

• Description

Robe rose.Large encolure.Manches courtes, épaules découvertes.

La même robe rose mais couverte d’un tablier blanc.

Robe rouge brique, qui apparaît dans de très nombreuxchapitres du film.Petit col blanc et manchettes blanches.(Mme Aubain porte à plusieurs reprises une robe bordeauxou marron, à petit col blanc) .

Cape grise et capuchon de laine grise.

Robe noire, broche blanche, chignon.Parfois, un tablier blanc sur la robe.

Robe blanche.

Robe blanche et couronne de fleurs blanches.

• Interprétation

Période de jeunesse, de fraîcheur, de vivacité, d’ouvertureà l’amour et aux plaisirs.

Traduit son statut de domestique.

Cette fréquence traduit sa pauvreté : elle dispose de peude vêtements. Le rouge : un être ardent ?Passage du rose au rouge, couleur plus foncée : traduitl’avancée en âge ?Le col et les manchettes font de cette robe une tenue de ville.Cette robe fait écho à la tenue de Mme Aubain et assure laressemblance progressive de la domestique et de la maîtresse.

Tenue sévère, peu féminine, qui suggère le peu d’intérêtque Félicité porte à sa toilette.(La capuche grise rappelle l’allure de Sandrine Bonnairedans Jeanne la Pucelle de Rivette, autre figure de sainte).

Tenue de deuil, mais qui crée également une proximitéavec Mme Aubain : toutes deux sont progressivement habilléesde la même façon.Le tablier rappelle parfois la différence de statut.

Virginité, pureté, sainteté. Rappelle la tenue de Clémencelors de sa communion.

Rappelle la tenue de Clémence sur son lit de mort : elle portaitaussi une couronne de fleurs.Tenue qui évoque à la fois celle d’une mariée et un linceul.

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1 > Deux femmes que tout oppose :• Le texte : comparaison des deux femmes.

SÉANCE 4

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Statut social

Apparencephysique

Possessions

Activité

• Mme Aubain :une bourgeoise, une possédante

Veuve, mère de deux enfants.

Aucune précision.

Mme Aubain est une bourgeoise, définie par ce qu’ellepossède et non par ce qu’elle fait. Le texte précise lanature de ses biens immobiliers (« ferme de Toucques,ferme de Geffosses »), ses revenus (« 5000 francs »),et décrit, plutôt que son apparence physique, samaison, métonymie de sa propriétaire.

Aucune. Oisiveté ou tout au moins activité trèsréduite suggérée par le passage suivant : « la salle oùMme Aubain se tenait tout le long du jour, assise prèsde la croisée dans un fauteuil de paille » (p.10).

• Félicité :une domestique, présentée commeun instrument de travail

Aucune précision : solitude.

Physique ingrat (les adjectifs « maigre » et « aiguë »).Décrite comme une machine, comme un instrumentplus que comme une personne inhumaine : « semblaitune femme en bois, fonctionnant d’une manièreautomatique ».Atemporalité : habits invariables (« en toute saisonelle portait »), âge indéfinissable (« elle ne marquaplus aucun âge »).

Aucune, exceptés ses habits, qui sont toujours lesmêmes.

À l’inverse, Félicité est caractérisée par son activité etpar son apparence physique. Le deuxième paragrapheénumère ses compétences (« savait brider un cheval,engraisser les volailles, battre le beurre »), la page 11énumère ses activités journalières. Les complémentsde temps soulignent son acharnement (« dès l’aube »,« jusqu’au soir sans interruption »).

• Le film

ApparencePhysique

Physionomie

Attitudeavec autrui

Usagede la parole

Activité

Espace

• Mme Aubain, la bourgeoise

Brune.

Sévère, fermée, peu expressive.

Distante, rareté des contacts physique, froideur.

Maîtrise du langage.Autoritaire (ordres).Ironique (à l’égard de Frédéric, de Félicité).

Souvent assise, immobile, oisive.Activités de loisirs : lecture.

Le salon.

• Félicité, la domestique

Blonde.

Souriante, expressive (rires et larmes).

Caressante.

Silencieuse.

Perpétuellement active : cuisine, jardine,habille les enfants, porte des bagages.

La cuisine.

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2 > « J’aime pas les jacasses » ou le droit à la paroleDans le texte comme dans le film, l’écart entre Félicité et

Mme Aubain se fait particulièrement sentir dans leur usage de laparole. Félicité y fait figure de personnage quasi mutique, tandisque Mme Aubain a des répliques autoritaires, brutales ou moqueuses(« Prenez donc garde ! vous êtes folle ! » p.45, « Eh bien ! faites-leempailler ! » p. 47).

• Le texte : analysez la présence et la forme des parolesrapportées de Félicité au début du chapitre 2 (p. 11 à 15).Le début du chapitre 2 offre une illustration de la manière dont

le récit restitue la parole de Félicité. On y trouve en effetextrêmement peu de paroles rapportées : une seule occurrencede discours direct, extrêmement courte puisqu’il s’agit d’une simpleinterjection (« Ah » p. 13), une occurrence de discours indirect(« Elle reprit, en souriant, que c’était mal de se moquer » p. 13),une occurrence de discours narrativisé (« déclara son intention d’enpartir » p. 15). Le récit nous suggère ainsi la discrétion de Félicité,sa timidité, sa modestie. Elle est présentée comme une jeune filleimpressionnable, dont le silence traduit souvent l’effarement devantdes situations qu’elle maîtrise mal : « elle fut étourdie, stupéfaite »,« elle ne sut que répondre » (p. 12-13). Ses réactions en ontquelque chose d’animal : cris (« se mit à crier »), fuite (« avait enviede s’enfuir »). Le phénomène s’inverse pour Théodore qui estpresque systématiquement sujet de verbes de paroles : « disantque, il parla, il ajouta, il lui demanda, il proposa, il avoua, ilannonça » (p. 13-14).

Dans la suite du récit, le silence de Félicité perdure. Ses parolesou ses pensées sont le plus souvent rapportées au discours indirectlibre (« voilà qu’il galopait maintenant ! » p. 18, « Pourquoil’avaient-ils crucifié… » p. 25), comme si sa voix avait besoin d’êtreprise en charge, renforcée par celle du narrateur, pour se faireentendre. Ce traitement de la parole de Félicité montre que sonexistence se réduit à être une simple exécutante, ce qui exige peude mots…

• Le film : analysez la manière dont Félicité et Mme Aubainusent de la parole. En quoi s’opposent-elles dansce domaine ?Le début du film est marqué par le laconisme de Félicité.

En effet, alors qu’elle est constamment à l’écran, elle ne prononcequ’un seul mot durant les sept premières minutes, pour répondreà Théodore qui lui demande son nom. Pour le reste, elle secontente de mouvements de tête et de sourires. Théodore, qui« n’aime pas les jacasses » comme il le déclare à la jeune femmeen guise de compliment, doit être comblé…

À l’inverse, Mme Aubain use de toutes les formes de la paroleet de tous ses pouvoirs : elle questionne (au moment d’engagerFélicité « Mais qui êtes-vous ? (…) Mais qui vous a dit que j’avaisbesoin d’une domestique ? », « Mais que vous est-il arrivé ? Vousn’êtes pas enceinte au moins ? »), ordonne (« je ne donnerai plusle linge aux lavandières, vous le laverez vous-mêmes, et je… je vousinterdis de chanter à tout bout de champ »), refuse (l’idée d’unmariage entre Félicité et Liébard), décide (du départ de la ferme),fait de l’esprit (lors de la partie de carte « Montez sur moi »),se moque (« Au moins, vous, vous ne vous ennuyez jamais »),persifle (« Donc je lui paie son dîner tous les dimanches à ce filsde pêcheur »), etc.

• Comment le film donne-t-il le sentiment que Félicitén’a littéralement pas droit à la parole ?Les rares instants où Mme Aubain fait un usage moins autoritaire

de la parole, confiant ses états d’âme ou son inquiétude, sontà l’origine de moments, non pas de complicité entre les deuxfemmes, mais d’une réaffirmation de son autorité. Seule« Madame » est autorisée à se confier ; à Félicité, toute expressiond’émotion est interdite. On le voit de manière très cruelle lors duséjour dans la ferme de Liébard, lorsque Mathilde évoque le débutde sa relation avec son mari et les regrets que lui ont laissés cettepériode. Alors que Félicité s’apprête à évoquer à son tour sa propreexpérience amoureuse sur le mode de la confidence (« vous savezmoi aussi… »), elle est brutalement coupée par Mme Aubainqui lui ôte littéralement le droit à la parole en parlant pour elle :« Vous ne savez pas ce que c’est, vous » (off) « rien ne vousmanque ». Gros plan sur le visage de Félicité, qui a un air grave,tandis que Mme Aubain conclut : « vous avez de la chance ». Cetteréplique finale, qui fait écho au signifié de son prénom, s’avèresingulièrement cruelle et ironique au vu des souffrances enduréespar Félicité. On retrouve le même type de scène lors de l’attente parles deux femmes des lettres de Clémence et de Victor : à Félicité quiévoque sa propre attente pour rassurer sa maîtresse, Mme Aubainlance un cinglant : « Comment peut-on comparer ? », qui en ditlong sur le gouffre que creuse entre elle le rapport de classes.

3 > Deux femmes pourtant comparablesMalgré ce qui les oppose, Félicité et Mme Aubain sont

indissociables : elles ne peuvent être définies que l’une par rapportà l’autre, comme le suggère le chapitre 1.

• Texte et film : en quoi les existences de Mme Aubainet de Félicité, en dépit de leur différence de statut social,peuvent-elles être considérées comme symétriques ?Tout en soulignant leur différence de classe sociale et d’attitude,

le texte de Flaubert ménage des effets de symétrie très nets entreles deux femmes, chaque événement malheureux vécu par l’uneétant presque systématiquement vécu par l’autre : Mme Aubainest veuve, Félicité a été abandonnée par Théodore ; Mme Aubainattend des nouvelles de sa fille, Félicité n’a pas reçu de lettres deVictor depuis six mois ; Mme Aubain perd sa fille, Félicité perd sonneveu ; Mme Aubain décède, Félicité la suit bientôt dans la mort.

• Film : quels éléments visuels renforcent cette proximité ?Cette proximité est avant tout renforcée, par le choix des

comédiennes : de même taille, d’un âge proche, en chignon toutesdeux à la fin du film.

Par le choix des costumes : habillées de manières trèsdifférentes au début du film (robe sombre pour Mme Aubain, roberose pour Félicité) les deux femmes vont peu à peu adopter destenues vestimentaires proches : Félicité est d’abord vêtue d’unerobe rouge, à petit col blanc, qui rappelle certaines tenues deMme Aubain (robe marron à col blanc). Puis elle porte une robenoire, à laquelle elle accroche la broche blanche offerte par sonneveu, ce qui évoque la tenue de Mme Aubain, robe noire à col blanc.

Par des effets de mise en scène : plusieurs scènes renforcentla similitude entre les deux femmes. Lors de l’annonce de la mortde Victor, les deux femmes sont assises sur un canapé ; elles selèvent et se placent alors devant une fenêtre. À contre-jour, de dos,

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on ne remarque plus que leur chignon et leur taille similaires.Une autre scène les montre toutes deux cheminant dans l’alléed’arbres donnant sur la maison. Là encore, leurs silhouettes sontressemblantes. Leur proximité est encore renforcée par le geste de

Mme Aubain qui couvre les épaules de Félicité d’un pan de sonpropre châle. On peut y voir un écho à la phrase de Flaubert :« elles s’étreignirent, satisfaisant leur douleur dans un baiserqui les égalisait » p. 41).

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1 > Texte :• Quelles scènes d’Un cœur simple relèvent du registre

pathétique ?On relève la présence de nombreuses scènes pathétiques dans

le récit : les adieux de Félicité à Victor et son inquiétude à son sujet(p. 31), l’annonce de la mort de Victor et la douleur de Félicité(p. 34), la mort de Virginie (p. 37), le baiser des deux femmes lorsdu don du petit chapeau de Virginie (p. 41), la tristesse de Félicitése représentant les déceptions de sa vie après avoir reçu un coupde fouet (p. 48), la tristesse de Félicité après la mort de Mme Aubain(p. 52), l’entrée de Félicité dans la maladie (p. 53), son agonie (p. 56).

• Analysez l’expression du registre pathétique dans la scènede l’annonce de la mort de Victor (p. 34-35).Verbes, participes, adjectifs exprimant un mouvement vers

le bas : traduction de la faiblesse intérieure : « tomba »,« s’appuyant », « baissé », « pendantes », « retomba ».

Manifestations physiques de l’émotion, perte de contrôle de soncorps : « devinrent roses tout à coup » : l’adverbe de temps traduitla soudaineté de la réaction, la violence de l’émotion.

Perte de volonté : l’adverbe « machinalement ».Immobilité de cadavre traduite par les adjectifs : « les mains

pendantes, l’œil fixe ».Emotion de l’entourage : « la considérait en exhalant des

soupirs », « tremblait un peu ».Cadre mélancolique : « les prairies étaient vides, le vent agitait

la rivière, au fond, de grandes herbes s’y penchaient ».Comparaison qui traduit l’imaginaire sombre du personnage :

« comme des chevelures de cadavres flottant dans l’eau ».Contraste qui traduit l’effort fait sur soi-même, par dignité :

« elle retenait sa douleur » / « elle s’y abandonna ».Posture exprimant le désespoir : « le visage dans l’oreiller,

et les deux poings contre les tempes ».

• Par quels procédés Flaubert parvient-il pourtant à créer unéquilibre entre ces scènes pathétiques et le reste du récit ?En quoi peut-on dire que ce texte se singularise par sonmélange des registres ?Loin d’être un texte larmoyant, Un cœur simple se caractérise

par son équilibre.En effet, l’expression du pathétique y est toujours fermement

limitée. Les scènes pathétiques se caractérisent ainsi par leurbrièveté. La douleur qu’éprouve Félicité d’avoir été abandonnéepar Théodore est narrée en trois lignes (p. 15).

De plus, chaque scène tendant au pathétique est ensuitecompensée par une scène de tonalité inverse. On remarque despassages de tonalité satirique : sur l’insensibilité de Mme Aubainface à la douleur de Félicité (p. 32), sur les idées reçues sur les nomsdes perroquets (p. 43), etc.

On trouve également de nombreux passages comiques, quireposent le plus souvent sur le recours au grotesque :les somnolences de Félicité durant les leçons de catéchisme (p. 26),la naïveté de Félicité désirant voir la maison de son neveu sur unecarte (p. 33), les facéties du perroquet Loulou (p. 43-44), les coq-à-l’âne liés à la surdité de Félicité (« Mon Dieu ! comme vous êtesbête ! ». Elle répliquait : « Oui, Madame », p. 46), les remarquesironiques (« une noix, que l’empailleur par amour du grandioseavait dorée », p. 49), etc.

2 > Film :• Quelles scènes du film relèvent du registre pathétique ?

La fuite dans la forêt ; la découverte de la trahison deThéodore ; le bouquet de fleurs attaché sur la grille de Théodore ;la montée des escaliers chargée des deux enfants ; la séparationde Clémence et de Félicité sur la plage par Mme Aubain ; Félicitéobservant Clémence de loin, seule sur la plage ; le départ deClémence en pension ; la tristesse de Clémence chantant unechanson ; l’annonce du départ de Victor ; l’annonce de la mort deVictor ; la scène du lavoir ; le coup de fouet au visage ; la toilettemortuaire de Clémence ; le baiser devant la tombe de Clémence ;la mort de Félicité.

• Quelles caractéristiques contribuent à susciter l’émotion ?Expression physique du désespoir: cris (forêt), pleurs (lavoir,

Clémence).Expression physique de la souffrance : douleur (escalier),

blessure (coup de fouet).Thématique : la séparation (Clémence), la mort (Victor),

l’abandon (Théodore), le sacrifice-l’injustice (escalier, fouet).Etat d’hébétude, perte de repères qui traduit le choc émotionnel

(confusion pétales de fleur – neige).Mise en scène funèbre (crucifix, toilette mortuaire de Clémence).Cadrage : gros plans sur les visages (lavoir).Ralenti (souvenir de Théodore).Musique expressive.Références picturales (passion du Christ : fouet, couronne

de fleurs de la morte qui rappelle une couronne d’épines).

SÉANCE 5

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• Quelles sont les scènes comiques que contient le film ?En quoi consiste leur dimension comique ?

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• Scènes comiques

Les parties de cartes

Le cochon égorgé

La visite de Nastasie,la sœur de Félicité,dans la cuisine

La découverte par Félicitéque Victor est son neveu

Remarque de Félicitésur les religieuses

La lettre apportéepar Liébard à Félicité

Le don du perroquetà Mme Aubain

Prière de Félicité à voixhaute durant la messe

L’accueil glacé du facteur

Le désir de Félicité dese placer dans le cortègedes vierges

• Nature du comique, éléments comiques

Comique de mots : jeux de mots grivois (« Montez sur moi », « Vous devez lui monter dessus »).Comique de situation : contraste entre l’air énamouré de Frédéric et l’attitude de Mme Aubain,ironique et légèrement grise.

Comique de gestes (course grotesque, agitation maladroite, cris du cochon poursuivi).Comique de situation : contraste entre la trivialité de l’action et le désir de Liébard pour Félicité :associe une scène de boucherie à une scène amoureuse…

Satire de la sœur goulue : avidité excessive, prononciation ridicule car elle parle la bouche pleine.Un franc-parler réjouissant par sa dimension satirique : « Dix francs ? Ta patronne est unevoleuse ». Contraste comique entre la sœur rouée, railleuse, audacieuse et la soeur naïve,innocente.

Comique de caractère : La naïveté immense de Félicité : « Victor ? C’est mon neveu ? ».La rudesse de Nastasie : « Ben oui puisque t’es ma sœur, t’es bête ».

Comique de mots : Mme Aubain : « Elle apprend à devenir une femme ». Félicité : « Vous croyezque les bonnes sœurs savent comment on devient une femme ? ». Sous-entendu satirique :les religieuses ne connaissent rien à la vie en général, ni aux hommes en particulier.

Quiproquo comique : Félicité croit que c’est une lettre de Liébard, sans doute une lettre d’amour.Caractère absurde de la situation bien souligné par Félicité : « C’est pour moi ? Comment t’asfait ? Tu sais pas écrire, je ne sais pas lire, on est bien avancés ».

Contraste comique entre la réaction attendue et la réaction effective : agacement de Mme Aubain.Cadeau grotesque. Satire de l’hypocrisie de Mme Aubain qui se débarrasse du perroquet sous unprétexte généreux.

Comique de situation : Le prêtre vient de faire un sermon sur la concupiscence, et Félicité prieà haute voix dans l’église, détaillant ses rêves sensuels. Affirmations grotesques : « J’ai encorerêvé de Théodore. (…) je le confonds avec Victor ».

Comique de situation : Le facteur tente de se montrer poli : « Bonjour. Bonjour. Non ? Bon ».Contraste entre sa jovialité et l’indifférence de Félicité qui ne lui répond pas un mot.

Comique de situation : Félicité est trop âgée pour figurer dans un tel cortège. Humour noirde sa remarque sur sa surdité : « Je me fiche de ce qu’on dira, de toute façon, je ne les entendraipas ». Délire grotesque, affirmations absurdes : « Je vais traverser l’église avec mon fiancé surl’épaule ».

• Félicité apprend par la lettre que lui remet Liébard queson neveu est mort. Quelles caractéristiques de cettescène la rendent particulièrement marquante ?L’annonce de la mort de Victor est particulièrement marquante

car il s’agit d’un événement tragique pour Félicité, qui est introduitde manière grotesque. La lettre lui est en effet remise par Liébard,qui semble gêné d’avoir à le faire. Félicité, loin de soupçonnerun malheur, se moque de lui, imaginant qu’il s’agit d’une lettredu fermier, sans doute un mot doux ou une nouvelle demandeen mariage. L’atmosphère est donc gaie, légère, et prête à sourire.

La situation est en effet grotesque car elle rassemble deux illettrésautour d’une lettre.

Dans un second temps, Félicité croit qu’il s’agit d’une lettrede son neveu qui lui a enfin écrit : son visage s’éclaire de bonheur.On peut y voir une forme d’ironie tragique : elle était désespéréede ne pas avoir de nouvelles de son neveu, et les nouvelles qu’ellereçoit vont la jeter dans un désespoir plus absolu encore.

Enfin, elle finit par soupçonner la nature de la lettre et cettedécouverte n’en est que plus cruelle car elle contraste avec la gaietédes instants qui ont précédé.

SÉANCE 5 SUITE

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1 > Le texte :COMMENTAIRE DE TEXTE :I. Une relation exclusive : le perroquet remplace

le monde pour Félicité.1. Diminution des perceptions de Félicité2. Eloignement des hommes3. Loulou : un filtre par lequel passe le reste du monde

II. Une relation sentimentale1. Un dialogue comme avec une personne humaine2. Un amoureux (sensualité des relations) ou un fils.3. Ressemblance et fusion

III. Une relation tragique et comique, grotesqueet pathétique1. De l’extérieur : grotesque. Les déplacements de l’animal,

le raisonnement de Félicité, la réaction de la maîtresse2. De l’intérieur : perte irréparable et pathétique. La fin

dramatique, la douleur de Félicité

2 > Le film :• Quelles modifications Marion Laine a-t-elle opérées par

rapport au texte de départ dans ce but ?Le début du film nous montre une scène sensuelle entre

Théodore et Félicité, dans une grange. Là où, chez Flaubert,Félicité apparaît comme une jeune fille très réservée et fuyantles baisers (« elle eut peur et se mit à crier »), Marion Laine meten scène une femme avide de baisers et sans fausse pudeur dansla scène de la grange. Elle éprouve un plaisir si intense à embrasserle torse de son amant qu’elle atteint l’orgasme sans avoir devéritable rapport sexuel avec Théodore.

Ajout du personnage de Frédéric, amant de Mme Aubain.Scène d’amour entre les deux. Gros plan sur le dos de Frédéric,griffé par Mme Aubain.

Suppression de l’épouse du fermier Liébard : chez Marion

Laine, ce dernier est veuf, et convoite Félicité. Il la regarde avecattention lors de la scène de l’égorgement du cochon, puis lademande en mariage.

Scène de la confession publique de Félicité dans l’église :elle évoque les pensées sensuelles qui la tenaillent : « Mon dieu,pardonnez-moi pour tous mes péchés. J’ai encore rêvé deThéodore. Mon Théo. J’ai rêvé de ses baisers. J’ai rêvé de sabouche, de son odeur, de sa peau ».

Tout au long du film, elle embrasse avec avidité tousles êtres qu’elle aime et qui acceptent ses baisers : Théodore,Clémence, Victor, Loulou, Mme Aubain elle-même. Une scènemontre en gros plan son visage au-dessus de l’eau du lavoir :elle donne le sentiment que Félicité cherche à sentir la caressede l’eau sur son visage.

L’intensité de son désir sensuel se traduit a contrariopar la violence de son désespoir lorsque l’être qu’elle aimelui est enlevé : hurlements de rage dans la forêt, solitude surla plage lorsqu’elle regarde Clémence se baigner sans elle, crisde désespoir à l’annonce du départ de Victor, etc.

• Félicité mélange tous les objets de son affection en unseul grand amour. À quels indices le constate-t-on ?Sa confession durant la messe : elle déclare confondre

Théodore et VictorElle porte à la fois la broche de Victor et le crucifix de

ClémenceSon perroquet lui rappelle à la fois Théodore (à cause de sa

couleur, la même que le châle qu’il lui a offert) et Victor, car il vientd’Amérique. Il lui arrive d’appeler son perroquet « Théo » et dansson délire, elle annonce qu’elle ira à l’église avec son fiancé surl’épaule.

Elle embrasse son perroquet comme s’il s’agissait d’un crucifixau moment de son agonie

SÉANCE 6

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SÉANCE 7

1 > Texte :COMMENTAIRE DE TEXTE :I. Portrait de Félicité en esprit simple

1. La focalisation interne nous place dans la tête et le cœurde Félicité, nous offre sa perception de la scène.2. Présence de discours indirects libres qui nous font accéderà ses pensées.3. Insistance sur les limites de son intellect

II. Portrait d’un être imaginatif et impressionnable1. Un personnage sensible2. Une tendance à s’identifier à ce qu’elle aime, ou à aimerpar substitution

III. Portrait d’un être accessible au merveilleux1. Sensible au merveilleux et à l’irrationnel2. Un personnage visionnaire3. Le Saint Esprit : préfiguration de Loulou ?

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1 > Le texte :• Quels éléments du texte contribuent à présenter Félicité

comme une figure de sainte ?Aptitude au sacrifice : dans la scène du taureau, Félicité risque

sa vie pour sauver la famille de Mme Aubain. Au retour, elle monteles enfants endormis alors qu’elle vient de se casser le pied.

Humilité : Félicité est étrangère à tout sentiment de vanité,elle ignore elle-même sa propre bravoure (« Félicité n’en tira aucunorgueil, ne se doutant même pas qu’elle eût rien fait d’héroïque »,p. 19).

Bonté absolue : chacune des épreuves de Félicité, loinde l’aigrir, semble renforcer sa bonté (« La bonté de son cœurse développa », p. 41). À la fin du texte, elle agit à la manièred’une sainte laïque : soigne les cholériques, etc.

Une martyre : Félicité éprouve une véritable passion pourLoulou, au sens étymologique du terme car elle est suppliciée pourle sauver : lorsqu’elle décide d’aller à Honfleur le faire empailler,elle reçoit un coup de fouet.

Un personnage christique : Félicité assimile Loulou auSaint-Esprit, ce qui implique qu’elle est assimilée à la Vierge Marie(« le Saint-Esprit dominait la Vierge », p. 25) ou au Christ (le Saint-Esprit domine le Christ sur une image d’Epinal que contempleFélicité, p. 50).

2 > Le film :• Comment la réalisatrice a-t-elle choisi de transposer

la scène du vitrail et du Saint-Esprit ?La scène du catéchisme, durant laquelle Félicité est censée

observer un vitrail représentant le Saint-Esprit sous la forme d’unoiseau, est transposée dans le film de Marion Laine : il n’y est plusquestion d’un vitrail, mais le thème de l’oiseau y est toujours

présent. Lorsque Félicité pénètre dans l’église avec Clémence,le curé se livre à un récit animé de la vie de saint François d’Assiseet évoque en particulier sa relation aux oiseaux. Mimant le vold’un oiseau, il s’approche de Félicité. De même, il la comparesymboliquement aux oiseaux de saint François lorsqu’il pose samain sur son dos pour l’inviter à s’asseoir en déclarant que lesoiseaux du Saint « restèrent immobiles et silencieux jusqu’à ce qu’ileût fini son prêche ». C’est Félicité qu’il interroge ensuite au coursde sa leçon : « Vous savez pourquoi François aimait tant lesoiseaux ? Parce que ce sont eux qui emmènent nos prières jusqu’auciel ». C’est également vers elle qu’il se tourne pour qu’elle puisseconfier sa prière à l’oiseau qu’il fait mine de tenir prisonnier entreses mains. Le film conserve donc le motif de l’oiseau mais, plutôtque de le présenter de manière visuelle, il en fait un objet de récit.

• Le film évoque à plusieurs reprises la présence desoiseaux. À quels moments et sous quelles formes ?Comment peut-on interpréter cette insistance ?Les oiseaux émaillent également le parcours de Félicité dans

le film de Marion Laine. On observe leur présence à plusieursmoments du film, de manière d’abord discrète, puis de plus en plusobsédante.

Dès le prégénérique, les éléments de la vie de Félicité sontplacés sous le signe de la présence des oiseaux de manière sonore :avant même de voir la première image de la forêt où court Félicitéon entend des cris d’oiseaux.

La scène de l’église, on l’a vu, associe étroitement les oiseauxà la figure de saint François par le récit du curé. Félicité est elle-même comparée aux oiseaux dans la mesure où elle est invitéeà s’asseoir et à écouter le discours du prêtre comme les oiseauxécoutaient le sermon de saint François.

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2 > Film :

• Scène

Indicesd’une camérasubjective

Effet produit

• Le bal

Félicité n’apparaît pas àl’écran. On voit Théodores’approcher. Le ralentisuggère qu’il s’agit d’unsouvenir de Félicité.Musique assourdie quisignale une perceptionsubjective.

Cela permet decomprendre qu’il s’agitd’un souvenir de Félicité,de suggérer avec forcequ’elle est impressionnéepar la situation.

• Le réveil de Félicité aprèsson évanouissement

Scène filmée en champ –contrechamp. Lors d’unplan sur Mme Aubain,on voit ses lèvres bouger,mais aucun son ne sortde sa bouche. On entendun léger bruit de respiration.

Effet d’étrangeté,incompréhension qui nouscommunique la panique deFélicité découvrant qu’elleest sourde.

• La mort de Mme Aubain(bande son subjective)

Il ne s’agit pas strictementd’une caméra subjectivecar nous voyons Félicité àl’écran, mais tous lesbruits sont assourdis, cequi traduit sa perceptionauditive amoindrie.

Effet de distance parrapport à l’événement ;on comprend que Félicitéest coupée du monde.

• La mortde Félicité

En surimpression :gros plan sur levisage de Félicitéet un perroquetgéant en vol.

Transforme notrevision de la mortde Félicité : elleest présentée nonplus comme unefin misérable,mais comme uneextase mystique,une apothéose.

SÉANCE 8

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Un Cœur simpleun film de Marion LaineFiche pédagogique

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L’enfant aux oiseaux : Clémence croise une enfant qui portedes oiseaux morts attachés à un bâton.

C’est le perroquet Loulou qui cristallise avec le plus de forcel’attachement de Félicité aux oiseaux. La servante éprouve unevéritable fascination pour cet animal qui lui rappelle avec forceles êtres qu’elle a aimés (« il a la même couleur que mon foulard[offert par Théodore], et il revient d’Amérique, comme monneveu »). Elle reporte donc sur lui l’affection qu’elle avait pourson amant et pour son neveu.

À la fin de sa vie, sur son lit d’agonie, elle embrassele perroquet plutôt que d’embrasser un crucifix, et voit en mourantun perroquet immense voler au dessus d’elle.Cet amour pour les oiseaux peut être interprété comme un indicede la sainteté de Félicité : c’est un point commun qu’elle partageavec saint François. Félicité, comme lui, s’adresse à Loulou. L’oiseausymboliserait son aspiration à l’élévation (« ce sont eux qui emmènentnos prières jusqu’au ciel » affirme le prêtre) et l’image finaledu perroquet immense peut être interprétée comme une extase.

COMMENTAIRE DE TEXTE :I. Une servante dévouée corps et âme

1. Une tristesse authentique pour la mort de sa maîtresse2. Un être qui ne peut vivre sans sa maîtresse, qui meurt

de sa mort3. Un être servile et soumis qui a besoin d’adorer un être

supérieur : de la maîtresse au perroquetII. Un être tendre qui contraste avec la dureté du monde

1. Contraste entre la peine de la servante et l’indifférencedes « amis »

2. Contraste entre l’attachement de Félicité aux meubleset la cupidité de la familleIII. Un être qui s’efface jusqu’à disparaître

1. Ne consomme presque rien2. Réduction des contacts avec le monde3. Réduction physique jusqu’à la mort

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SÉANCE 9

1 > Texte : Un récit réaliste• Quels sont les éléments qui font du récit un texte réaliste ?

Thème : la vie d’un personnage modeste, une servanteSujet contemporain : Mme Aubain épouse son mari en 1809,

son fils a sept ans lorsque Félicité entre à son service,vraisemblablement vers 1820. Elle travaille durant cinquante ansenviron pour elle : jusqu’en 1870, et lui survit. Félicité est donccensée mourir approximativement au moment de l’écriture du récit.

Minutie de la description : par exemple, la maison (chapitre 1)Effets de réel : Mention de lieux réels (Pont-l’Evêque, etc.).

Petits faits vrais : « et tout l’appartement sentait un peu le moisi,car le plancher était plus bas que le jardin », p. 10).

Milieu social déterminé : bourgeoisie de provinceDocumentation afin de rendre compte du réel : « je me

décide à partir après-demain pour Pont-l’Evêque et Honfleur. Je suisarrêté faute de documents » (Flaubert à G. Sand, 8 avril 1876)

2) Film : « Tableaux vivants » ou l’influence picturale

• COURBET :Jeune fille aux mouettes

Chapitre 17 (33 min.)Mme Aubain et Clémence croisent uneenfant pauvre portant au bout d’unbâton des oiseaux morts.

Scène d’extérieur, diurne.Sur fond de plage, de mer et de ciel sedétache au premier plan une jeune filleblonde, qui occupe les trois quarts de lasurface du tableau. Représentée de dos,elle tourne la tête vers l’arrière etsemble regarder le spectateur. À unbâton reposant sur son épaule sontattachées trois mouettes mortes. Letableau est dominé par le noir, le blancet le gris des mouettes, des nuageset du manteau de la jeune fille.Les obliques formées par le bâton etles ailes donnent un certain dynamismeau tableau. Le ciel est tourmenté : lesnuages situés à l’horizon sont sombres.

• Tableaux

Imagedu film

Descriptiondu tableau,atmosphère

• MONET :Les Coquelicots

Chapitre 10 (16 min).Promenade de Félicité,Mme Aubain et les enfants dansun pré. Ils se rapprochentprogressivement de la caméra.Mme Aubain tient une ombrelle.

Scène d’extérieur, diurne :la moitié supérieure du tableauest occupée par un ciel bleuparsemé de nuages blancs.La moitié inférieure est occupéepar des champs de blés mêlésde coquelicots. La ligned’horizon est délimitéepar des arbres.On observe deux couples mère-enfant, l’un au fond du tableauà gauche, l’autre au premierplan à droite.Ce tableau est coloré etlumineux et suggère unmoment harmonieux et

• FRIEDRICH :Femme à la fenêtre

Chapitre 28 (56 min.)Mme Aubain, dans la maison,de dos, regarde par la fenêtreFélicité et Victor jouer dehors.

Tableau qui repose sur une forteopposition : entre le premier planet le fond du tableau, entrel’intérieur (sombre) et l’extérieur(lumineux), entre le visible etle caché. Une femme, de dos,se penche à la fenêtre. La vueouvre sur un paysage de nature,sur le fond duquel se détachele mât d’un navire. Scène deméditation, qui nous invite ànous projeter dans le personnageféminin et à imaginer ce qu’ilvoit, ce qu’il attend, ce qu’ilressent…

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• Pourquoi un réalisateur peut-il avoir le désir d’adapterle conte de Flaubert aujourd’hui ?Faire écho à une histoire personnelle : Interrogée sur

les raisons de son attachement au texte de Flaubert, Marion Laineévoque en premier lieu le lien que cette histoire entretient avec sonhistoire personnelle : « Un cœur simple faisait écho à mes originesfamiliales. Ma mère et mes tantes gardaient des vaches, enfants.J’appartiens à une famille de paysans et cette histoire mepermettait de parler d’eux ».

Faire écho à des expériences universelles et intemporelles.« Malgré le côté film d’époque, cette histoire est intemporelle etje pense que chacun de nous peut en partie s’y retrouver » déclareMarion Laine. On retrouve en effet dans ce film des thématiquesqui ne sont pas limitées au XIXe siècle : la difficulté des relationsparents-enfants, l’expérience de l’éloignement, de la perte,du deuil, la naissance de l’amitié, l’échec sentimental, etc.

Evoquer la question du désir féminin, de sonépanouissement, de sa frustration : Un cœur simple nousmontre deux femmes confrontées aux exigences de la vie publique(société, travail) et de la vie privée (désir, famille).

Incarner les rapports de domination, dénoncer

les inégalités sociales. Le film donne de nombreux exemplesde l’exploitation de Félicité par sa maîtresse : travail du dimanche,salaire insuffisant, etc. et souligne les écarts de richesse entreles personnages, qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes. Marina Foïsle rappelle : « le carcan social n’est plus le même à présent.En revanche, les classes sociales existent toujours, contrairement àce qu’on voudrait nous faire croire. Aujourd’hui, même si on tutoieles nounous de nos enfants, elles restent des employées qui n’ontpas les mêmes vies, les mêmes activités, le même pouvoir d’achat,la même part travail-loisir que nous. La hiérarchie sociale est réelle ».

Susciter l’émotion du spectateur : des scènes fortementpathétiques, des scènes comiques, des passages brusques desunes aux autres (ex : le quiproquo burlesque autour de la lettrede Liébard et l’annonce de la mort de Victor).

Susciter l’admiration pour un personnage qui semble êtrel’inverse d’une héroïne : le personnage de Félicité se caractérisepar sa vie modeste, sa naïveté, les échecs qu’elle rencontre,son entrée dans la folie ; elle demeure pourtant d’une bonté etd’un amour absolu.

Susciter le questionnement du spectateur : faut-il admirerFélicité ? faut-il se moquer d’elle ?

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C’est le corps des mouettes mortesqui concentre la lumière tandis que leregard de la jeune fille est dans l’ombre.Cet élément, ajouté au regard de lajeune fille sur nous, rend cette scènemystérieuse et presque inquiétante

Pendant une parenthèse insouciante,Clémence a un contact avec lapauvreté : ses vêtements contrastentavec ceux de la fillette pauvre. La scènesouligne tout ce qui sépare ces deuxenfants d’âge pourtant semblable.Rappel de l’écart qui oppose Félicité etMme Aubain. Une pauvreté effrayanteaux yeux de Clémence.De plus, les oiseaux ont un rôleimportant dans le film et sontétroitement liés au personnagede Félicité : ces oiseaux morts sontun signe mystérieux, vaguementinquiétant, de son destin.

Momentdu film,contexte

joyeux. Il est structuré parune ligne oblique allant ducouple du fond au couple depremier plan, qui donne uneimpression de mouvementet de vie.

Moment de bonheuret d’insouciance, alorsque la famille est encoreunie et heureuse.Plaisir de la nature.Félicité a trouvé sa place.

Scène qui intervient lors duretour de Clémence, devenueune jeune fille, chez Mme Aubain.Sa liaison avec son amantest réprouvée par sa fillequi la rejette brutalement.La scène traduit la distanceentre Mme Aubain, immobileet silencieuse, et Félicitéet Victor qui jouent et rient.Moment de mélancolie :elle est coupée de la joie desautres, semble songer à sa vie.

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