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Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France Un peu ! Beaucoup ! ! Passionnément ! ! ! (3e édition) / Richard O'Monroy

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Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Un peu ! Beaucoup ! !Passionnément ! ! ! (3e

édition) / Richard O'Monroy

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O'Monroy, Richard (1849-1916). Auteur du texte. Un peu !Beaucoup ! ! Passionnément ! ! ! (3e édition) / Richard O'Monroy.1886.

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Mbtft d'une sdtie do docu~a~ten eouteut

(TYPOGRAPH)E)

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\UN PEU!

PpAUCOUP!!~t-PASSIONNËMENTH!

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CALMANN LÉVY.ËMTEUR

P&MS. tMPMHEME CHAtX) ~0~ ME BEM&M. t~ÏOl-

DU MÊME AUTEUR

FenMt gMtttt tn.tS.

A CRANMS cutOES, yMMon. t vot.

A t.A HUSSAROB) t~ MMoa tLE CAl'lTAINB l'A~i1W. 70 édition.. 1-tE CAPtTAMB PARABÈRB, Mt6oa tCOUM DE SOMtL, MMon ttES FEMM~ DES AOTRES, H* MMoa.FEUX CE PAÏLM, 6" ~dMon. tLA FOtRBAUX CA)PNCES,8'&t!t!on. ïMONSIEUR MARS ET MADAMEVENUS, tf <S<iMon. ïTAMBOUR BATTANT, 7' édition. t

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RICHARD O'MONROY

'V!CC~MTE DE SA!NT-GEN!ÈS~~):~H~ ~UN

PEU!~ëlE~LtJ(:()tJ]P!!

PASSIONNÉMENT

TROtSttME ËDtTtON

<jJS( f' T. !:S'.'L'.f 'r~J'i9()l~

PARISCALMANN LËVY, ÉDITEUR

ANCIENNE MAISON MICHEL LËVY FRÈRES;,RUEAUBER,)3

l886Dn~t de )'<!p)'ojo<tionet de tMdtKtion reMrve*.

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UN PEU! BEAUCOUP!!

PASSIONNÉMENT!

AB~N CHAT, BONS RATS

i

Ce d!manche-t&, le retour de Boug!vat avahété très gai. Derr~re te grand DesUgnac portantune lanterne vénitienne au bout de sa cannes'était formé un )oyeux monôme, composé deBlanche Dartois, Ahesse, Hét&ne S!Uery, Thé-rèse Brunet, Ravaschoff, escortées de Larmejane,La Pescherie, Comfort, d'Eparvin et Maugiron.Le monôme, avecune irrégularitéparfaite, montarescalier du pont et se dirigea vers le petittramway,)ou)ou qui conduit &Rueii.DeBougivaià RueH il y eut représentationcomplète du baUetd'~fce/~or. Tandis que La Percherie et Mau-giron chantaientà tue-t6ie r<!<~<<M~t~ M~r<

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/OMS, les camarades montaient avec ces dames surtes banquatMs en agitant les bras comme la Car-nalba meme mteux <– puis its disparaissatemsous les banquettes, pour frepara!tro ensuite plusagi~s que jamais. Tout le train était en etnot.Les voyageurs des amMs compartiments assis-taient atup~taits à cet ace&s d'cpttepxtc quantau conducteur ahuri, H oubliait complètementla halte de la Malmaison.

Arrive sur te quai de Rue! ce fut encore bienpis. Destignae, toujours orné de sa lanterne plusvcnidcnne que jamais, était devenu le centred'une ronde folle exécutée autour de lui. Lalanterne ayant fini par prendre feu, la joie neconnut plus de bornes. Le gendarme de plantonù ta gare s*e<a!t avancé pour s'emparer de lalanterne, toutes ces dames se précipitèrent verslui et l'embrassèrent à qui mieux mieux. Lebrave gendarme, le tricorne de travers, éperdusous cette gretc de baisers et de caresses fémi-nines données par des femmes belles et sentantbon, riait comme chatouiHé par une sensationtoute nouvelle et se défendait mollement endisant

Mesdames, voyons, Mesdames.Sacrebleuje vous en prie t

Heureusement pour la sécurité publique, letrain de Paris arriva. H fallut, bon gré mal

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~re, interrompre les folles, et te monôme sedivisa pour se répartir dans les divers wagons.Le haaard avait place Dastignae à côté de Thé"rèse Brunet; ceite-~et, pendant toute !a soirée,Mva!( paru tr~s triste, subissant avec r~s!gnat!onla joie de ses eotnpagnons, mais souriant seule-ment pour !a fortne, avec un diable de pt! entrelos deux yeux qui ne pr~sa~eah rien de bon.

DeM!gnac ctah un bon ~ar~on. jLo~a~u'M eutramend un peu do catme dans ses esprltsetéponge son front mouttM par ces exercices dehaute chorégraphie, H s'écria avec un saur!fcde satisfaction.

Mon Dieuque j'ai ri J'en ai mai. Puisse tournantvers sa voisine Et vous, Thérèse,vous <hes-vous amusée ?

J'ai essaye, mon pauvre ami, j'ai fuit de

mon mieux. Mais depuis que le prince m'aquittée, vous savez bi':n que je ne puis m'amu-ser nulle part.

Destignacchercha péniblementdans sa mémoirepourquoi la belle Thérèse ne pouvait plus s'amu.ser, et il se rappela comme une vague histoirede lâchage.

Ah oui, dit-il à tout hasard, je sais. leprince. Il a eu bien tort

Si vous saviez tout ce qu'il m'avait dit,tout ce qu'il m'avait promis. Je ne suis pas plus

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natve qu'une autre, mais je vous montrerai deslettres de lui, son papier ehittft! avec <:ou'tonne des huit pages de protestations d'amour.Avec cela ~enereu}:, dépensant sans compter,pf~venam mea nwtndrcs faMo!$te8. Ah! il ~ahbien pr!nt:o {us~M'aM bout dus on~tes, cetu!'t&!1

KnMn, s~t M <K<! ai ~M~~ prh~e ~Me c<:t<t. dequoi vous pta~nex-vauit?

Mon cher, un beau jour !t ta fait atteler etn est parti pour t'A<ner!que.

Mn vohure?Ou!, la mer lui fait mal.

~Mt!gnacre~afJa Thérèse & la lueur vMHtanMde la lampe. C'était, ma foi, une fort belle ntte,avec &a robe eretne, ses cheveux blonds torduset relevés sous le chapeau de paille a tafge galonblanc. Évidemment et!e n'était pas d'une intet-ttgencc hors ligne, mais qu'importe cite étaitjolie, et la douleur lui allait très bien. En mêmetemps il pensait qu'il serait doux de ta consoler.

Voyons, iui dit-il en lui prenant la main,il faut vous distraire, surtout ne pas rester &

vous morfondredans un coin. C'est très mauvaista tristesse; à la longue, ça enlaidit.

Je vous assure que je n'ai plus cœur A

rien. Toute ta journée je n'e suis sentie triste àpleurer.

C'est justement ce qu'il ne faut pas. Tenez,

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vouteH-voua quo j'organise à voira intention ungrand dhterpHur jeudi, <tVM d<~ fetUtneit ga!o$

et da bons camarades;on retiendrait un cabinetaux Chumps~Kty~etcr

Ma foi, je vaMX bien. Quel bon ~ar~Qnvous fahes! C'eiK convenu; vous <!<es~on<!t <OMt

plein tte vaMs <n<~resxcr A nw!, ci<r t<? dt'<!< <?«r<t

!nsMppof<aNe.On arriva & Poris; !a bande joyMMse se ~Mn!<

une dernière fois sur le qua!. t~M~noc eut t'~t~de ranger am!~ et amies sur un )«n~ nnn ttet:)!rc t'appc!. ~'aUgnewent fut dttnctte « ~n Pescherté, rentra ce vcntM! Kh bien, Mt~t~he, <:t

cette poitrine PM!a, !or~u<: €h)Mun eut r<!pon'!u& t'appet de son nom. il y eut un e Hompcx

vus fangs! M magistrat, et cette fois lit distactt"tion fut d<Hinitive.

Destignuf avait pris le bras de Thérèse; il tai-sait très beau. On descendit & petits pas. et sesorrant très près l'un de l'autre vers le boule-vard Haussmann. Au fond, Thérèse paraissaitattendrie.

Vous devez être très bon pour être aussigai, lui dit-elle.

Ma foi, j'ai toujours trouvé que la vie étaitune fort belle invention, et vous avez tout cequ'il faut pour être de mon avis. Laissez-moivous. faire partager mon avis.

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6h bien, je ne dis pas non. Nous verrona.Vous me ptahet! beaucoup.

On était arriva devant Fhotet de Thérèse. Untnontcm, Oca<nee aongea & demander !a per-mission de ffonch!f te acaH. mais c'ea< peMt'~reeM demander <Mp la récompense do t'!n«!r<!t<eme!gne. et puis, on regrettait encore trop tepr!nce parti en vohMfe pour t'Amertque.

A<tMeUo heure des!fei!-voMa que je viennevous chercher jeudi?

VouttK-votM sept heures? Venezme prendre,car mon cocher est malade.

–C'est eonvenu.On échangea une dern!&re poignée de main,

longue, longue; Destignac déposa un baiser, matoi tf~s amoureux, emre te gant et la manchecourte, et la belle Thérèse rentra chez e'tc encriant « A jeudi. Soyez exact. o

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Dès !e tendcmain, Destignac ~occupait d'or-ganiser un dlner amusant. tt invitait tes deuxptus spirituelles de ses amies, Altesse et HMt~ne

SiHcry; plus t~fmc{MM et Mau{;!ron, deux ~aH*lards qui ne passentpas pourengendrer ta metun-colie. H avait espHqu<! qu'it avait i'intentioMde consoter Thérèse Brunet du départ du prince,et tout le monde avait apptaudi à cette bonnepensée. En même temps, it retenait un cabinetsur t'avenue Gabriel, assez loin pour ne pasêtre incommodé par le bruit du concert, dont lamusique arriverait seulement par bouffées, et itcommandait un menu catapuitucux arrosé desvins cotés par Antoine lui-meme comme étanto de haute marque a.

tt

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Le jeudi ardvc, U endossa t'habit noir, }e<a

dans la voiture un gros bouquet de roses thé, etpartit chercher Thérèse.

Pauvre Thérèse, se disait-it avec convic-tion, pauvre nt!e J!e vais bien lu consoler.

n arriva boulevard Haussmann, et la femmede chambre fit entrer dons !<t grand salon.

Madame est prJte, demanda- 't

Je ne sais pat. Mens!eur, je vois voir.Eh bien, p)r!e~ Madame, de ne pas Stre trop

longue, car je désire arriver de bonne heurepour recevoir mes invites.

Destignac s'étendit sur un fauteuil de satinmousse et regarda le salon donne par le prince.C'était nch~ et de mauvais goût. Si, par hasard,Thérèse le prenait, lui, Dcsdgnac,comme conso-lateur, il y auraitbien des petites choses & ehan-

ger. Anfcuse, cette rotonde dorée, qui encombraittout le centre du salon; absurde, ce lustre véni-tien et cette pendule en Saxe modernet. Tan-dis qu'il faisait ainsi des plans de réorganisation,le temps passait. Cinq minutes, dix minutes, ungrand quart d'heure.

Diable! pensa Destignac, elle tient proba-blement à se faire très belle, mais nous arrive-rons les derniers au diner. Enfin, je m'excuserai.

Au bout d'unedemi-heure, alors que Destignaccommençait a trépigner, la femme de chambre

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apparut, et lui annonça sur un tun un peu em-barrasse que o Madame, se sentant <r~s <a<!gM<'c,

priait Monsieur de t'excuser et se voyait dansl'impossibilité de diner avec lui

Destignac se sentit envahir par une colère for-midable. Kctt seulement enc l'avait fait attendreinutilement unedemi-heure, non seulement, aprèsavoir accepte te dîner organisé en son honneur,elle ne s'cta!< pas excusée dans la journée, maiseUe le faisait preven!r<H extremis sans venirlui parler et se servait simplement do rentre-mise d'une femme de chambre. On ne pouvaitêtre ptus empêchée ni plus mat élevée. Un mo-ment it faillit éclater, mais il se contint, et pre-nant brusquementson chapeau, il sortit.

Qu'attait-U dire a ses amis pour arriver ainsi

en retard?.. S'être pose en consotateur, avoirinsinue qu'on avait des chances de succéder auprince, et se présenter ainsi tout seul, les mainsvides, sans Thérèse. Quel rôle ridicule elle tuifaisait jouer!

H arriva à huit heures seulementaux Champs-Élysées, trouva ses invités qui l'attendaient engrignottant des hors-d'œuvre, et, ma foi, il leurraconta tout d'une traite le camouflet qu'il venaitde recevoir.

Sacrebteu! s'écria Larmejane. Si ce n'estpas à fouetter! Cela mérite une vengeance.

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Moi, s'écria Maugiron, je lui écrirais:

« Madame,

a Vous m'avez fait faire le pied de grue; je

vous l'envoie. Ça vous en fera trois, aElle ne comprendrait pas, répondit Hélène,

et dirait « Trois quoi? aPendant ce temps, Altesse rencchissait.

C'est non seulement impoli pour toi, cequ'elle a fait là, mais pour nous, ce qui est plusgrave. Voyons, t'es-tu emporté, chez elle, as-tugrinché?

Je suis parti sans dire un mot.Bravo! Dans ce cas nous avons la partie

très belle. Nous allons rédiger immédiatementune lettre dans laquelle tous les convives iciprésents la supplient de donner une compensa-tion et d'indiquer elle-même son jour pour unautre d!ncr.

Ça, par exemple, jamais de la vie1

Laisse donc! H ne sera pas mal d'appuyerla supplique par le nom de quelquesgros finan-ciers connusqui auraient assisté au dîner, insinuaHélène.

Comme, par exemple, le gros Flamberge.Et le grand Rischofsheim.Mais pourquoi?Tu verras bien.

Immédiatement on demanda un buvard, et,

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tout en dinant, sur le papier meme du restaura-teur, on rédigea, au milieu des éclats de rire, lalettre suivante, dont noua donnons le fac-similé,dans l'espoir que cette pièce historique pourra,classée dans les archives, servir à l'histoire de

notre temps.

(tOU~ttMtt M«CHAMPS-ELYSÉES

a 8 heures du soir.» Ma chère amie,

» Tout le monde ici est au désespoir. On') comptait tellement sur vous! On se faisait unee telle fête de vos saillies, de votre gaieté, de votree conversation vive et enjouée! Vous eussiez') apporte a notre diner non seulement le rire desa belles dents, non seulement la beauté quio rayonne, mais le charme qui séduit et l'esprit

qui étincelle. Aussi tous les amis et amies due dîner exigent que j'obtienne immédiatementdeo vousune acceptation pour une autre fois. Fixez-x vous-même le jour et l'endroit; autant quen possible à la campagne. Je vous enverrai cher-e cher par ma voiture. Dites oui, ou sans celaa Rischofsheim et Flamberge,qui sont des nôtresf ce soir, affirmentqu'il leur sera impossible dea diner tant que vous n'aurez pas accepté. Allons,»vite un bon oui, n'est-ce pas ? »

DESTIGNAC.

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A la suite, en bas, en haut, sur la marge, cha-

cun ajouta un mot:« Si elle allait refuser. J'en suis malade.

» MAUGIRON. D

« Moi je compte sur le bon cœur des femmes.

? LARMEJANE. a

e De grâce, venez! Je me roule à vos pieds au» risque de ne plus pouvoirme relever.

9 FLAMBERGE.

<t Approuvé de tout cœur la lettre ci-dessus.

» HÉLÈNE et ALTESSE. »

a N'est-ce pas qu'elle fera gentille la petitee da-dame et qu'elle dira oui pour faire plaisir» à son petit

» RtSCHOFSCHEtM. ? 1)

Cette lettre fut immédiatement portée par lechasseur au boulevard Haussmann. Une demi-heure après, la réponse suivantearriva au dessertet fut remise à Destignac, qui la lut au milieude l'allégresse générale:

< Mon cher Destignac,

» Votre lettre m'a fait grand plaisir. C'est bien» aimable à ces dames de m'avoir regrettée;» quanta MM. Rischofsheim et Flamberge, dites-

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» leur bien que leur petit mot si spirituel m'a» beaucoup flattée et m'a été au coeur. Je serais

» enchantée de faire leur connaissance. Dînons» donc tous ensemble samedi prochain à Madrid,

et cette fois vous pouvez absolument compter» sur moi. Mon cocher étant toujours malade,

» j'accepte avec grand plaisir votre aimable pro-a position pour la voiture. Envoyez-moichercher

a sept heures.o Je vous tends les mains à tous.

» THÉRÈSE BRUNET. »

Bravo! nous la tènons s'écria Altesse.Et maintenant. Messieurs, dit Destignac, si

vous le voulez bien, nous allons boire à la santéde MM. Rischofsheim et Flamberge, les deuxaimables nababs. Quoiqu'ils soient absents, nousleur devons sans aucun doute l'acceptationde labelle Thérèse.

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Le samedi suivant, a sept heures, la victoriade Destignac arrivait boulevard Haussmann, etcinq minutes après, Thérèse Brunet apparaissaitsur le seuil de l'hôtel. Elle avait inauguréuneravissante robe de siciliennetoute garnie de pam-pilles blanches qui faisait valoir sa taille éléganteet souple. Sur l'oreille était campé.un immensedevonshireen paille de riz sur lequelune colombeformait une cocarde triomphale. Aux oreilles,deux saphirs merveilleux,sur les longs gants deSuède apparaissait une véritable exposition debracelets, et, de toute sa personne, s'exhalait uneodeur de Sandringhamdes plus capiteux.Évidem-

ment Thérèse s'était mise en tenue de combat

Ht

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comme une femme qui veut vaincre, et qui nedoute pas un instant de la victoire. Avant desortir, elle avait lancé un dernier regard à lapsyché et l'impression avait été bonne. Ellemonta avec un petit sourire de satisfaction dansla victoria et dit simplement au cocher:

A Madrid.Oui, Madame, j'ai des ordres.

Celui ci toucha son cheval, et la voiture partitau grand trot dans la direction du bois. Le cietétait sombre; de gros nuages noirs couraientdans la direction de Neuilly, tout faisait prévoirun orage pour la soirée. La voiture descenditle boulevard Maillot, tourna à gauche, dépassale gros chêne, et par une ellipse des plus ëte-gentes, vint déposer Thérèse devant l'entrée durestaurateur.

Le cabinet de M. Destignac ? demandaThérèse au maître d'hôtel accouru à sa ren-contre.

Monsieur n'est pas arrivé.Et les autres invités?Personneencore,mais je vaistoujours ouvrir

un cabinet à Madame.On pénétra dans un petit salon, le maître

d'hôtel alluma deux candélabres, puis il se retiradiscrètement et Thérèse resta seule devant lanappe blanche.

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–Ce n'est pas aimable, powa-t-ette, de melaisser arriver la première. Puis etie ajoutaavec un soupir Ce n'est pas le prince quiaurait fait ceta!

Cependant Madrid dtaitlugubre ce soir'ta. LesParisiens voyant l'incertitude du temps ~'étaientabstenus et le jardin était désert. Do grandesrafales secouaient les arbres qui agitaient doses'pérés leurs branches. Pas une tenctre <!eta!rco

ne piquait un point lumineux sur façade som-bre et muette. Thérèse attendit ainsi un quartd'heure, une demi-heure.

fL'impatience lui donnait la novre. Eite sonna

le maître d'hôtel.Vous 6tes bien sur que M. Destignac n'est

pas arrive?Ohl Madame, M n'y a pas d'erreur possible.

Tous nos cabinets sont vides.Il salua d'un air narquois et disparut, laissant

Thérèse toute seule. Elle attendit encore unquart d'heure, rien elle n'osait même pas com-mander le diner n'ayant pas un louis sur elle.Avec cela, la pluie s'était mise à tomber. Lasituation devenaitatroce. Tout à coup le maltred'hôtel apparut, apportant une dépêche sur unplateau.

Madame Thérèse Brunet?C'est moi. Donnez vite.

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ËHe ddeoehcM et iM<

« Madame Th~M OfM'Mt. MoMwufant Ma~rM.A bon ëh«<, bons raM'

M At.Tt:SSH, !<tt.)t,t:MY, H.AM)t):)H<t,MtSCtttttSMKtM,t t.AttMt:J)A'<t:,MAt'titKOt, tH:St<H~.tt~Mn

tMx <n!nM<es ap~s, sous une averse epoMvan-tabte, Th~r~e Mptenatt & jeun ch~n~n du t'ou-tevttrd Haussmann.

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PKKMtÈRK KTAPE

<

C'etah la première fois que te petit d'Kparvinfaisait <!tape. Sorti de Saumur Fannee pf~eJdenM.il se trouvait un peu t<<!pt<ya<: au milieu de <c«ccx!st<!nee remplie d'!mpf<!vu, pleine d'A-coupx,rompant avec !a régularité du service de rt'~otce< du tabkau de travail du quartier. En routepour tes grandes manœuvres, arrivé deputt temadn au village de B~!ssy-te-Sec, il avait eu ai

Mser ses chevaux dans tes hangars et a toger sescuirassiers chez les habitants. U avaitapprisavecstupeur qu'it n'avait que deux lits pour tout sonpeloton et que te reste serait installé avec de tapaitte de couchage à t'eeotc des filles

Lorsqu'il eut à peu près accompli sa besogne.

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il donna A Pardriot, &aa <"rdenRan< t'wdre deporter «a cantine ehea te phar<nac!en au U d~vait ~~r, et roM~c, !<u«n(, esienuc, se pr~!p!<aveM Fauber~e ~M C«'<{~ CttKrHHH~ !n~!q~ par!c Fopport ~omoto hû<e! de MM. te< o<t;er!Une Mbtt! en ter & cheval était d~~edanxuncgrande saUe~e bt~ blanchie & tt) thaMx; da~it teto«t<, «e t<Maaah une eatra~ pour Mn eMhestr~:au phtfond <!<H!cn< «M~pen~MS de vieux drap~aMXtFkotoret d<!fMteh!a et des tanMfnes v~nh~nneseit!<!nMes. Le cadre d'(t<t!e!cf~ <!<ait d~~ & tMbto.

tous couverit de paMsstmrc, bton~s par te aotmtde la Mute; et, pour tromper un appJUt de loup,chacun se veraah d< de targes Msad~s, enechan~~M d'un bout de ta Mbte à l'autre des«tterpettations joyeuses et des ononMtopees so-no<es.

Voilà enfin d'Ëparv!n, s'écria le capitainePouraiHe. Jeune melon, vous êtes bien en retardf

tt sera privé de confitures! dit Brionne, lechef de calotte.

Et il lui sera défendu de regarder Victorine!appuya le président des lieutenants.

Messieurs, Messieurs, un peu d'indulgenccpour la jeunesse1 intervint te colonel.

Au milieu de ces attaques, d Éparvin se glissa

vers un bout de table où une place lui (taitréservée, et sans répondre aux facéties plus ou

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molna spiritueUes des camarades, il sa mit endevoir de rainer le temps perdu on aUaQMantvivement les hera-d't'euvM, rcpr~ent~ par desronds de saucisson. Victorinc, d'ttineurs. la ser-VMttta, venait d'KpporMr un grand ptM de jam-bonncaM. Une nttc superbe, cette V!~<or!ne, uvecxon €(?~0 oputem emp<r!st)n«t! dunt une robevert-boMtcUta et ses ~fosses ~vfes 9ensuet!e8.Les bras Fond« et fcfmf~ <S<ncrg€ant des manchescourte: elle se penchah aM-deMUs de la tableavec des poses lourdes que nJctisshatt le service,et les o«!eieM eprouvatem un certain pto!sn

M sentir frûtes par cette ptantMreusepersonne.A cu moment, eHc venait de servir un nouveau

plat de g(dant!ne.Mais, s'écria le colonel, du saucisson, du

jambon, de ta gatantine. tl n'y a donc que dela chareutene à ce de)cuncr t Mademoiselle, vou-lez-vous faire venir votre patron.

Oh Monsieur, it a cru bien faire, et iln'osera jamais entrer. !i n'a jamais servi decuirassiers. H ne peut pas arriver & dominer sonémotion.

Sapristi! qu'U se domine! Sans ceta notredéjeuner est manque.

Oui oui qu'il se domine t s'ccria-t-on &

la ronde.Il a même acheté ce matin une casquette

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de suie neuve, pour mieux recevoir ces measieurscontinua ta servante.

Le pauvre homme, qui achète une caa'queue de soie neuve, pour n~auraper que desreproches

Nous sommes sensibles à l'attention et à la<:a!)<;ueKe, dit le colonel, Ma!s enfin nous eotnp-tons bien sur le prochain plat.

Ces messieurs verront! ils seront saUsfahs!s'éctiu Victorine.

Dixminutesaprea,eUcrcvenahavecun immensepMte. Le caphainc PouFaiMc l'ouvrit, comptant ytrouver des perdreaux ou de ta bécasse. Hetas!c'ètait encore un mélange infâme de veau et dejambon roulédans ta graisse1

On dira ce qu'on voudra, s'écria Pourailleen repoussant le pâte. Pour moi. c'est du porc.

Tout au pore, mais pas tout à la joie 1

Mnnn nous sommes donc arrives au porc,etc., etc., etc.

Au milieu de ces exclamations, la bette Vic-torine restait un peu décontenancée.

Ne pourrait-ou, dit le colonel, simplementavoir des ceuts et des pommes de terte!2

Comment, des beaux messieurs commevous, tout couvertsd'argent, ça mangedes pommesde terre?

Mais certainement.

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Ah 1 ben, attendez une seconde, ce serafacile.

Et quelques minutes après, une bette omelettefaisait son apparition, bientôt suivie d'un im-mense plat de pommes de terre frites doréestrès appétissantes.

Une brave Htte, cotte V!etor!na 1 disaitPouraille, attendri, en mangeant comme unogre.

Et jolie, avec cela, eeqat ne g&M rien.n faudra lui laisser un bon pourboire.Qui lui sera remis par le plus jeune, sui-

vant la tradition. Qui est-ce te plus jeune?C'est d'Eparvin 1

Les regards se tourncr"nt vers le petit d~par-vin qui, du coup, se trouva tout intimide parl'attention dont il était l'objet.

Melon saQtnStre, gélatineux, fangeux etgatipoteux, vous sav~z quels devoirs vous aurezà remplir en remettant cette somme ù Victorine ?¡.

Mon Dieu. je pense que j'aurai. à fairele compte exact, de manière à pouvoir.

Sapristi1 Mais qu'est-ce qu'on vous a doncappris à Saumur Vous ne connaissez ni vosdroits ni vos devoirs. Monsieur J3a~ar, sachezque vous aurez & embrasser la servante.

Ah! it faudra que j'embrasse?..C'est l'usage.

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A partir de ce moment, les morceaux nepassèrent plus dans la gorge du pauvre sous-lieutenant. Le dessert tirait à sa fin, et il voyaitavec terreut approcher le moment où il faudraitse lever et embrasser la jeune fille devant tousles camarades. Et si elle allait ne pas vouloir?Si elle se défendait, il y aurait lutte. Et il en-tendah déjà les éclats de rire bruyants de lagalerie impitoyable. Tout en mangeant, il sui-vait Victorine du coin de l'oeil. Très intimidanteet <res imposante en somme, cette grande fille.Linge bien blanc, tenue correcte, cheveux lisses,rien du laisser aller ni du débraillé de la ser-vante d'auberge. Plus il la regardait et plus illui semblait que ce que demandait le chef decalotte était impossible.

Cependant le moment terrible était arrivé. Lecolonel avait fait circuler à la fonde une assiettedans laquelle était tombée une pluie de piècesblanches constituant une somme assez ronde.On passa cet argent à d'Èparvin, puis Brionneappela d'une voix sonore:

Victorine Mademoiselle Victorine 1

Celle-ci accourut et se campa dans la porte,les poings sur les hanches, le cors ~e tendu àcraquer, un bon sourireavenant sur les grosseslèvres entr'ouvertes.

Que désirent ces messieurs?

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Mademoiselle, dit d'Ëparvin en se levantrouge comme un coq, voila une petite sommeque mes camarades vous prient d'accepter.pour. la bonne grâce que vous avez mise à nousservir.

Merci, Monsieur, répondit Victorine.Et puis, en même temps.Qu'est-ce qu'il y a encore?En même temps.

D'Éparvin était au supplice; il restait debout,face à face avec cette grande servante, qui con-naissait probablement les usages et qui attendait.Déjà les camarades commençaient à risotterl'attention de tous était concentréesur cette scènede famille.

En même temps, ils m'ont chargé de.vous remercier.

Et d'Éparvin se rassit avec résolution, commeun homme qui a pris un grand parti. En vaindes exclamations indignées s'élevèrent de tousles coins de la table lui enjoignant d'embrasser;en vain des vieux lieutenants moustachus etblanchis sous le harnais se proposèrent-ilsà rem-placer l'insuffisant néophyte. Victorine, aprèsavoir attendu le temps moral, empocha son ar-gent dans son tablieret sortit.

Ce fut alors un véritable concert d'impréca-tions, tandis que le colonel se renversait en riant

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sur sa chaise avec des joyeux tressautements, etque le pauvre d'Ëparvin n'osait souder mot.

Monsieur J~«r, dit tout à coup Brionned'un ton sévère, vous avez la journée pour ra-cheter vos torts et vous exécuter. Sinon, vousserez à l'amende de quinze bouteilles de chatn"pagne pour votre piteuse conduite.

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D'Éparvin rentra très penaud chez son pro-priétaire. Il trouva son ordonnance, Perdriol,qui avait déjà déballé ses objets de toilette etsorti de la cantine la tenue numéro i.

J'ai mis les épaulettes neuves, mon lieute-nant. J'ai pensé que vous ne seriez pas fâche defaire un petit tour en ville.

Tu as bien fait, quoique à Boissy-le-Secl'élégance ne soit guère nécessaire.

Mon lieutenant, pour le militaire en route,il y a partout des occasions. Le tout est de sa-voir les trouver.

Perdriol disait celaavec l'aplomb d'un cava-lier débrouillard, sûr de son affaire.

Il

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Et cependant il n'était pas beau Perdriol.Court, trapu, grêle, des cheveux en broussaiUc

encore remplis de brins de paille attrapésau fourrege, une barbe de trois mais; il avaitpiètre tnine avec son bourgeron et sa calotted'écurie. Les occasions de PerdrioU Les amoursde M. Perdriol ? Voyezvous c~la 1

D'Éparvin, à tout hasard, s'habiUa cependantde son mieux. A son insu, il songeait à cettediablesse de Victorine. Il est évident que, s'iltrouvait un moment propice et si la servantevoulait l'encourager un brin, ma foi, il se lance-rait et exécuterait l'ordre donn<! par le terribleBrionne. Il endossa la tunique, relevée par desépaulettes fraiches, mit des gants en peau decerf tout neufs, prit son stick, et, tout en se ren-dant au pansage, alla naner un peu du côté du7~pM/~ CoMroMH~. Par la fenêtre entrouverte, onvoyait Victorine allant et venant dans la cuisine,tandis qu~un grand feu flambait dans la cheminéeet qu'un gigot tournait à la broche.

Mademoiselle, dit-il par la fenêtre, je vou-drais bien une allumette.

Voilà, Monsieur.Une deuxième fois ils se trouvèrent face à face.

Le soleil dardait ses rayons sur la fenêtre, et labelle fille apparaissait encadrée comme dans unnimbe d*or. Il eût fallu brusquer la situation,

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jeter les bras autour du cou de Victorine enl'attirant vivement à lui. Évidemment il le fal-lait, mais d'Éparvin sentait qu'il n'aurait jamaisle courage de le faire. M resta là debout un in-tant, aspirant de grosses bouffées de sa ciga-rette pour se donner une contenance, et compre-nant qu'il était absolument ridicule. Puis ii tiraun grand coup de képi et s'éloigna en disanttrès troublé

Merci, Mademoiselle.Il se rendit au pansage, furieux de sa timidité,

d'autant plus furieux que maintenant il se sen-tait bel et bien saisi d'un vif désir pour cettefille. Elle était véritablement superbe au grandsoleil, avec sa carnation étinccianie; la santé etla vie rayonnaient de tout son être exhalant unbon parfum de chair fraîche et jeune. A Sau-mur, il avait eu des bonnes fortunes, parbleu;mesdemoiselles Camélia, Carabin et la grandeSapho l'avaient comblé de leurs faveurs, maisquelle différence entre ces filles fanées, maquil-lées, éreintées par la fête, et la plantureuseVic-torine. Tout en prenant les renseignements de

son maréchal des logis, tout en visitant conscien-cieusement le dos de ses chevaux pour s'assurerqu'ils n'avaient été blessés ni au garot ni au pas-sage des sangles, sa pensée se reportait au J?a?a/CoaroMK~. En vain, sous les grands hangars, les

2.

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cuirassiers avaient, en caa d'alerte, rang<! avecamour leurs effets ~w petits ~a~Me~~ la bridesuspendue à la poignée du sabre, le casque pose

sur la cuirasse qui elle-même reposa!! sur !a

selle campée sur un boUMon de paille pour neb

pas abîmer les panneaux, le tout formant untrophée des plus réussis; Us n'eurent pM un

1compliment de leur lieutenant absorM 1

Brionne venait de passer a cheval le poingsur la hanche; il conduisait son peloton & Fa~

breuvoirfiEh bien! cria-t-il & d'Ëparvin, est-ce fait?

Pas encore.Très bien. On boira ce soir à votre

santé.Lorsque la visite fut terminéedevant le corps

de garde, torsqu'on eut dressé i'ëtat des hommeset des chevaux indisponibles pour la colonne dulendemain, d'Ëparvin se précipita vers l'auberge,très décidé & enlever son baiser à la hussarde.Malheureusement Victorine était dans le coupde feu de son d!ner. Avec les deux autresbonnes, elle se démenait devant les grands four-neaux, le teint aMumé, le visage préoccupé,l'attention toute concentrée sur ses opérationsculinaires. Ce n'était vraiment pas le moment de s

venir lui conter fleurette. On serait rabrouéd'importance devant tous les camarades dé)à Il

r

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installés à des petites tables devant l'auberge ethumant l'absinthe verte.

Allons, se dit"!l, la partie est perdue, et je=

n'ai plus qu'à commander les quinze boutetHe~de Champagne.

Le dîner fut très gai. On chanta la chansondes QMif-~M~

~Mi-qut pon<t tte< ~ret~tte~,t,'<;<ttt))t<

K< QH!-qu! n'« jamais tort,t.e mo)t)r. Hte.

E

Mais, surtout, on but à la timidité indigne dulieutenant d'Éparvin. n n'y avait ptus de re-vanche possible, hetas! car, le soir, le d!nerétait servi par les deux ordonnances du coloncl,et Victorine n'apparut pas une seule fois.

La nuit était venue, et le village était plongédans l'ombre; seule, l'auberge flamboyait commeun phare dans la petite rue. Sur les pavés, onentendait résonner les éperons des cavaliers re-gagnant leur logement d'un pas lourd. Apreshuit heures et demie, en effet, d'après l'ordredu colonel, tout le monde devait etre rentré.D'Éparvin était de ~OMr; il alluma une ciga-rette, et, heureux d'échapper aux quolibets deses camarades, il sortit pour s'assurer qu'aucuntraînard notait resté dans les cabarets. En pas-

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Mn<, il donne un coup d'~H A la cuisine d~'~erM dont les (ourneaux ëMient dtaints, Viem"tine avait du répugner an chambM on w couchede bonne heure A la campagne, ~t cependantc!te «pparaissah & tin fenBtte, at elle se hns~aha«endftr; avec quel battement de ctaur M ~rn-virait t'e~at~rt MM!s eo M'~tah pas a <:ap~Mr<Le mieux <!ta!t d'OMhHer MMt cela et do <a~e8tMtp!emcn< sa fonde.

Atn~ songcaM, n ehem!<ttth dans t'otnbre.quand M aperçut un cavaHcr a v!nt{< pas devantlui qui se promenait tenant une <<:mme amou-reusemem entaeeo par la ta!Uc.

Voi!a un gatttafd que je vuis pincer, sedit d'Kparvin, en allongeant te pas; mais le ca-valier tit entrer sa compagne dans une maison-nette iso~e et disparut vivement derrière cite,non cependant sans que le lieutenant eût eu letemps de reconnattre te visage ~reie de M. Per-driot.

Les ordonnances 1 Toujours les ordon-nances pour ne jamais se soumettre au règle-ment, s'écria d'Éparvin. Nous réglerons cetteaffaire-là demain matin.

Le lendemain, on partait pour Étampes. Aumoment où le peloton se mettait en marche, le

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Hw«:)M«M uh au sousoMtckr do M amener~rdrM.

Att!vc cria d'Kpaf~n, ma ~«e!C'est to! que }'«t fenfontf~ hier $<ttr dmM t<

vM!«gc il eMU pr~s de dix he~f~s.Oui, mon U<tut<!nt~<, ~h t'erttr!o! d'un ton

contfit, ma{s )*~Mtt <:tt banna <ot<u))a.Jt'at b!<:n VM, aa~~Meu, e~ <:<i! n'est pas unt:

<{ëUM.Je sais Mtn. m<tn H~Mtenant, mMts eest

elle qui a <nn< voutM,~<n< voulu! ma toi je me8ui}< !n!ssû ctttroïncf.

Qu! <{«h. Mt!e?<. ~Hctqac vtcttte <-ôdkMse

de ~fund chcm!ntNon, mon lieutenant, une bette titte. ma

foi. Mademotsette Victorine du ~tf~ CoM~OMM~.

Au trot, mMArehc! s'tScna d'~p~rvin endonnant fageu~mcm deux coups d'éperon àson chevat.

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PELOTODORA

On n'a pas oublié l'immense succès de Pc/o-todora & la Porte'Saint Martin.

Pelotodora était une œuvre longtemps attenduepar les gens épris d'un tripotage décent etchaste, d'un tripotage tellement varié dans sesmanifestations, teUement Ingénieux dans ses ca-resses, tellement ratnné dans ses enroulementslascifs qu'il peut durer cinq heures, non seu-lement sans lasser le public, mais m6me sansénerver l'acteur robuste chargé du rôle d'amou-reux tripoté.

Il est peu probable, en effet, que l'auteur aitécrit Pelotodura simplement pour nous reservirMarion Delorlne comme idée, ie meurtre de

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~M<' t'«<ncMp comme'scène capitale et Ja mortde ~tHt~ et ~~e~, dans te caveau funèbrecommedcnouementtle tout dans de merveilleuxdécote byMUtina. Non, l'auteur a vis~ plushaut 11 &'eM dit que, dans tout public composéd'hommes solides et de femmes désirables, aufond, chacun n'etah préoccupé que de la scène<î~<r< lit fameuse sceae & faire, et il a faitdurer cette scène de sept heures et demie dusoir à une heure du matin. Ho! het c'est gentil.

Étudions donc tes enseignements qui se déga-gent de P<o<hM~, avec le sérieux qui convient& ce genre d'exercice.

Au premier acte, l'auteur nous initie un tri-potage abstrait, sans objectif précis, troublantpar l'incertitude même dans laquelle nous laissecette impératrice caressante. Étendue mollementsur des coussins, eUe s'étire, s'enroule,s'offre, sereprend, se tord, se cache,se pâme, s'endort,etc.,sans que nous puissions savoir au juste si le butde cette manœuvre savante est d'exciter nous, lechef d'orchestre,ou cet excellentCaribert.Tantôtle bras s'élève languissamment pour retomberde tout son poids (!) sur les oreillers de satin,tantôt la jambe se plie sous la cuisse gauche demanière à produire des plis bizarres sous ladouble ceinture d'argent, puis tout à coup c'est

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te torse qui se dresse dans un mouvementbrusquepar un petit rétablissement sur lesdeux poignets,la tête restant un pou penchée surl'epaule gauche.

Tout cela, c'est très joli, très savant, très nne-ment exécuté; le spectateur se monte peu à peul'imagination, mais ït désirerait voir /'<t«~c.

Patience On ne lui sert t'autre qu'à i'actc a.L'autre, Andréas, est un jeune adolescent auxcheveux drus, aux épaules carrées, à la barbemoMeet floconneuse,avec un décolletageingénieuxlaissant apercevoir te cou blanc et musclé. Cedécolletage a son utilité. L'impératrice, pour desraisons que nous n'avons pas à apprécier, ayanttoujours le cou garni de colliers ou de perles,il est nécessaireque l'un des deuxamoureux, aumoins, puisse fourrer sa tête frileusement contrele cou de l'autre sans se blesser, comme un oiseauqui rentrerait dans son nid. Nous aurons plu-sieurs fois, dans le courant de Pelotodora, àconstater ce mouvementd'oiseau au nid.

Quoi qu'il en soit, Pelotodora arrive chez An-dréas dans un petit costume collant qui permetde suivre toutes les ondulations, non seulementdu bras moulé (?) dans deux étroits fourreauxde brocard, mais du do?, des reinq, des hanches,grâce à la double ceinture utua-byzantine quifait plaquer la jupe sur le ventre, tout en per-mettantau dessus et au-dessous le bouillonnementUa

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vague des pMs trompeurs et frissonnants. Ellecommence par tenir son amant à distance en luiprenant tes deux mains, puis tout à coup eUe

se laisse attirer rudement contre sa poitrine,mais pas contre ie milieu de la poitrine ceserait inconvenant la rencontre a lieu contrel'épaule à droite, la jambe gauche seulement del'héroïne frôlant la jambe droite de l'amoureuxqui l'embrasse en plongeant son nez dans saperruque blonde.

Puis, nous avons le premier tripotage, côtécour. Il y a là un siège byzantin assez élevé, eten dessous un tabouret non moins byzantin,mais moins élevé, qui permet à Pelotodora deN'asseoir aux pieds de son bien-aimé, tout enmontrantau public sa nuquedécolletéeen pointe.La conversation a lieu les yeux dans les yeux, lesmains dans les mains, les lèvres à un centimètrel'une de l'autre; de temps en temps, Andréasfourre son nez dans un des yeux de Pelotodoraqui lui passe la main sur la figure.

Quand le tripotage côté cour a suffisammentduré, on passe du côté jardin (il faut bienqu'il y en ait pour tout le monde), et là, lesdeuxamoureux s'assoient sur un canapé, plus byzan-tin que jamais, qui permet d'être sur le mêmeplan. On commence par se prendre naturelle-ment par la taille comme les danseusesdExcel-.

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s~ puis joue contre joue, on parle au publicavec des yeux plus grands que nature. Bing!tPelotodora se lève, appuie son genou droit surle canapé entre tes deux jambesd~Andréas (sic) luiplace les deux mains sur les épaules et luiparle à une distance qui va en decrescendo. Noussommes tous haletants du côte jardin. Nous di-sons a Ils vonts'embrasser. » Et les convenances,Messieurs! Comme Andréas dit à ce moment dumal de l'impératrice, Pelotodora saisit cette oc-casion inespérée de lui entrer sa main dans labouche jusqu~au poignet.

Allons, adieu adieu 1 L'embrassera, l'embras-sera pas! Non, Monsieur, l'amant bien élevé secontente d'une étreinte avec mouvement de nidvers le cou: il replonge une autre fois son nez.dans les frisons de la perruque blonde, et Peïo-todora s'enfuit avec un adorable et byzantinsautillement de petite pensionnaire.

La deuxième entrevue des amoureux a lieudans un jardin au 3" acte, mais rassurez-vous. Ily a un banc mi-circulaire et byzantin. Peloto-dora enlève son voile de gaze en se cambranten arrière dans une attitude lasse, puis elle selaisse entrainer sur le banc byzantin et s~assoit

sur les genoux d'Andréas. Sur les genoux? Cer-tainement, mais sur le petit bout des genoux,qu'elle effleure seulement. Elle plane plutôt

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qu'eUe n'est assise. Là, pendant plus de dix mi-nutes, des mouvements de nid dans le cou enveux-tu? en voilà Quelquefois Pelotodora s'ou-bUe dans ce cou. On dirait qu'elle dort, et pen-dant ce temps Andréas enroule autour de sesdoigts distraits les boucles blondes de la perru-que byzantine, ou bien encore il lisse les sour-cils de sa bien-aimée, il lui caresse les oreillesavec mollesse et suavité. Je vous assure que toutcela est très convenablement fait et compris. Lavisite est terminée. Pelotodora se, laisse porterjusque vers la porte du jardin; et dame, là, ily a un triomphant baiser sur les lèvres.

Ouf! Nous Pavions bien gagné ce baiser-là,et quel dommage que la toile tombe 1

Voyez, d'ailleurs, la gradation ingénieuse de

ce tripotage; nous avons eu le tripotage defauteuil, le tripotage de canapé; au dernier acte,nous avons le tripotage de lit. Dans le des-sous du cirque, Andréas est étendu sur unlit, un lit vaste et byzantin, un lit de mé-nage et de manège sur lequel on peut évoluer.Pelotodora arrive à trois pas du lit sur lequelrepose son amant. Vous croyez peut-être qu'elleva lui sauterau cou? AUons donc! ce serait ba-nal et inconvenant. Andréas se met sur son séantet Pelotodora, profitant de la place laissée libre,passe « derrière s son bien-aimé, et par un pro-

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digieuxmouvement de désarticulation, vient ce.pendant lui parler par devant, le corps restant enarrière. Andréas est pris ainsi dans un véritableanneau de serpent. Heureuses les femmes avecle corps desquelles on peut se faire un cache-nezou une ceinture qui soutient le ventre sans com-primer

Cette fois, lutte de Pelotodora qui veut attirerà elle un corps qui se retire. Cambrure de reinsen arrière, mains rivées autour du col dans uneffort désespéré de manière à rapprocher l'ingratqui refuse ses lèvres. Car il refuse, le misérable!1Mais donne-les donc! donne-lesdonc! Ah! Mon-sieur, si vous saviez dans quel état nous étionsdu côté cour. D'un côté, cette femme qui veut;de l'autre côté, cet imbécile qui ne veut pas.Quelle situation 1

Il avale un philtre d'amour. Cette fois, noussommes sûrs de notre affaire. On ne s'en tiendrapas aux bagatelles de la porte. Nous verrons la

a scène à faire s jusqu'au bout. Hélas le phil-tre d'amour était du poison. Andréas tombe surle dos et Pelotodora s'étale tout de son long surlui. Sur lui Oui, Messieurs, mais il est mort.S'il était encore vivant, jamais l'auteur ne l'au-rait laissée s'étaler comme ça!1

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UNE FÊTE DE CHARITÉ

« &ttt<MM~ h f&tfJM. Bt*MT ~men)r et M<t.

En descendant dans la salle à manger duGrand-Hôtel, & son arrivéeà N. LaBassetiereeut la satisfaction de voir qu'il ne s'était pastrompé. Madame de Pignerolles était bien assiseà une petite table avec son mari. Il se garda derien laisser parattre et fit, au contraire, l'étonné.

Ah, mon bon Pigne-Pigne 1 Quelle sur-prise de te voir! Quelle belle santé, Madame!1Quel teint rose Quels yeux brillants Quellebonne chance de vous rencontrer ici Commenous allons nous amuser!Et, tandis que La Basseti&re se confondaiten exclamations joyeuses et en effusions

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bruyantes, Pigne-Pigne, lui, répondait cesélans de ioie avec un visage assez contraint.Quelle guigne de retrouver La Bassetière à N.tDéjà, à Paris, pendant l'hiver dernier, Pigne-rolles s'était parfaitement aperçu que son amitrouvait sa femme charmante, trop charmante 1

Mais l'été venu, l'on s'était séparé, et Pigne-rolles avait emmené Suzanne à N.

Et après ces deux cents lieues de chemin deter, il se rencontrait nez à nez, avec qu!? AvecLa Bassetière 1 Force lui fut pourtant de fairebonne figure.

Eh bien!mon gaillard, dit-il, tu vas êtreici dans ton élément, les demoiselles et tes ac-trices ne manquent pas.

Ah vraiment! Alors, on ne s'ennuie pasici1

Oh! moi, d'abord, je ne m'ennuie nullepart. Du moment que j'ai écrit quelques versdans la journée, le temps passe. La poésie,vois-tu, tient lieu de tout. Mais toi, il te fautdes cocottes, des bals, des fêtes, des soupers. Tuas raison, car jamais tu ne seras assez sérieuxpour apprécier la vie tranquille.

La Bassetière affirma, au contraire, qu'il avaittout à fait assez de ces amours sans veille nilendemain, qu'il voulait retournerdans le monde,redevenir un bon jeune homme, cultiver les

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vrais amis. Et pour prouver la véracité de saconversion, il se mit immédiatement à fairetoute sorte de protêt d'existence en commun.Le matin, on grimperait aux sources ensemble;le soir, on retiendraittrois fauteuils côte & côte,au théâtre du Casino; et. dans le jour, on feraitdes excursions partout. Ce serait charmant.

Tandis que madame de Pignerolles applau-dissait à ce programmeattrayant, La Bassetière,serrant la main de Pigne-Pigne navré-Je vous laisse dlner, dit-il, mais a ce soir,

nous nous retrouverons sur l'Esplanade, et nousirons jouer tous ensemble à la AfascoMc.

11 n'y avait plus & en douter, Pignerollesallait avoirà défendre vigoureusement sa femme.Dès le soir, sous un prétexte quelconque, il ladétourna d'aller & l'Esplanade, où les attendaitLa Bassetière et monta dans sa chambre, fortpréoccupé de la rencontre,cherchant le moyend'en éviter les conséquences. Toute la nuit il ysongea, sans rien trouver. Quitter N. étaitimpossible, installés comme ils l'étaient et leurcure en train. C'eût été, d'ailleurs, prendre leschoses bien au sérieux et fuir un danger encoreimaginaire, fort heureusement. Mieux valaits'en remettre aux diversions, que les habitudesfolâtres, bien connues de La Bassetière, ne man-queraient pas de faire surgir.

3.

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Des le lendemain matin, il s'en presematt uneen ef~t: P!gneroMea traversait le veat!bu!e del'hôtel, quand du bureau a'eieva le bruit d'uneassez violente altercation: La Baaaetiere en sor-tait en même temps, l'air furieux.

Que t'ardve-t-H ? lui dit Pignerolles.-Une misère, mais tbrtdesagreaMe. Je viens

d'apprendre a que! point, au Grand-Hôtel deN. la patronne,madame Bodarrtde, tient à lamorale.

En effet, hôtel de famille, vie de famille.Après dlner, les jeunes filles dansent ensembleau salon et un vieux savant explique les coordon-nées des Pyrénées, avec projection électriquesur un transparent. C'est délicieux.

Tu m'en diras tantOr, tantôt, j'avais ren-contré aux Neothcrmes, Jeanne Taldit, du Vau-deville.

Jolie fillel toujours accompagnée de songrand chien danois?

Précisément: elle me demande où je suisdescendu; je lui donne mon adresse ici, et voilàqu'après diner, la grande folle arrive avec unchapeau catapuhueux, des lèvres cramoisies etson molosse danois. Son entrée fait sensation aumilieu des familles qui prenaient leur café sousla vérandah, mais Jeanne, sans se troubler, de-mande < M. de La Bassetière e. La mère Bë-

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darride bondit indignée et répond, en foudroyantJeanne d'un regard « Il est sert!, vous enten-dez, Mademoiselle, toujours sorti w Jeanne estrepartie furieuse, et me voilà compromis vis &-

vis de t'hûMi. D'an côte, {e ne puis admettrequ'on renvoieune via!<e a moi, et, si je pars surun motif semblable, JI en r~uhera les potins tesplus désobligeants. Je ne sais vraiment quefaire. Que me conseilles-tu?.. Toi, hommerespectable, marie, ne pourrais-tu faire entendreraison & l'honorable madame Bedarride. Aprèstout, Jeanne n'est pas une cocotte, c'est une ar-tiste, on ne peut plus dramatique, c'est bien dit-férent1

–Tu as raison, fit Pignerolles, enchanté devoir La Bassetière déjà sur une autre piste.Jeanne Taldit est une artiste, et de très grandevaleur; j'ai songé plus d'une fois à elle pourdire quelques-unes de mes poésies. Madame Be-darride lui fera des excuses et la laissera venirà l'hôtel tant qu'elle voudra, je m'en charge.

Tu me rendras un vrai service. A tantôt 1

Et La Bassetière s'en fût, laissant Pignerollessongeur. Une idée lumineuse, que dis-je, deuxidées lumineuses venaient de surgir dans satête. Pignerolles, on l'a vu, quoique homme dumonde, émit aussi poète et, comme tel, il eûtassez aimé à produire ses vers en public. Vague-

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ment il avait déjà songé à mettre à pront sonséjour à N. pour y organiser quelque Mte decharité, où, naturellement, une place impor-tante eût été réservée à sea vers. La présence debeaucoup d'artistes des théâtres de Paris à N.eat rendu la chose fort possible. Malheureuse-ment, ayant toujours vécu assez loin de ce gcnrade monde, il n'y connaissait personne. L'arri-vée de La BaMetiere allait, au contraire, lui faci-liter ces nouv elles relations. D'un autre côte, enfavorisant ses entrevues à l'hôtel avec Jeanne,Pignerolles écartait d'autant le danger de safemme.

C'est décidé, se dit-il à lui même, j'orga-nise une fête de charité, je fais dire mes vers parJeanne Taldit, qui aura tous les prétextes pos-sibles de venir nous trouver à 1 hôtel. Nous

avons ici Ferton de l'Odéon, Lasquin de l'Opéra.Comique comme femmes, Chilly, des Variétés,Marguerite Legay; je n'aurai que l'embarras duchoix. Je ferai pour Ferton quelque monologueailé, et l'on verra comment je m'en tire 1

Le soir m6me~ Pignerolles, sérieux, reprochaità la digne patronne de l'hôtel d'avoir gravementfroissé une grande attiste parisienne venantmettre son immense talent au. service d'unebonne œuvre. La Bassetière et lui, Pignerolles,avaient eu la bonne pensée de secourir les

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pauvres de N. et Us étaient récompenses parune impolitessel Il parla tant et si bien queMadame Bedarridc fit les plus p!a<es excases, etpromit qu'a l'avenir, les portes de son hôtelseraient ouvertes, toutes grandes, aux visitesartistiques de M. de La Bassetière.

Tu sais, dit-il à son ami, j'ai tout arrange

tu pourras recevoir qui tu voudras.Et il lui cxpMqua son plan de fête de charité

que La Bassetière ne put qu'approuver.Ce soir-là, Pignerolles se dit en se couchant-Je n'ai pas perdu ma journée Jouons

serré! Mes vers verront le jour, et je sauveraima tête)1

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Des le lendemain, Pigne-Pigne et La Basse-tière se mirent en campagne. Ils allèrent d'abordvoir le maire, un radical & tous crins, qui lesreçut fort mal et leur dit qu'il n'aimait pas l'a-ristocratie. Cependant, lorsqu'il apprit qu'ils'agissait d'une fête de bienfaisance, il s'huma-nisa et leur conseilla de s'aboucher avec le di-recteur-concessionnairedu Casino. Avec celui-ci, la question fut plus difficile. Il fallaitl'indemniser de la perte sèche de sa recette, deplus les acteurs de la troupe seraient froissés sion les excluait de cette solennité. Cabirol, leténor de Pau, avait une voix superbe, et ma-dame Cazadores, du Grand-Théâtre de Tarbes,avait un creux qui dominait le bruit du Gave.

n

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Pignerolles et La Bassetiere affirmèrent à l'enviqu'ils acceptaient le concours de Cabirol et deCazadores.Restaient les grands artistes de Parisà décider. Pignerolles, escorté de l'inséparableLa Bassetière, explora les hôtels, les villas, lesmaisons particulières pour dénicher Ferton,Lasquin, Chilly et Ta!dit. Ils trouvèrent, d'ail-leurs, de leur part, la plus grande bonne volonté.Ferton promit de dire de sa voix mâle ec puis-sante

LE BAIGNEUR A N.monologue en vers, écrit pour la circonstancepar Pignerolles. La belle Jeanne devait appa-raître, aux derniers vers, en Nymphe des Eaux.

Surexcité par le but à atteindre, rassuré, d'ail-leurs, par la présence presque continuelle de LaBassetière, Pignerolles ne songea bientôt plus qu'àsa fête de charité. Toute la journée, il était horsde l'hôtel. Dès le matin, il télégraphiait à Parispour faire envoyer les brochures, il courait chezl'imprimeur pour s'occuper des affiches. Onmettrait en lettres gigantesques le nom de Fer-ton, mais il faudrait également placer en vedetteLasquin et mesdemoisellesChilly et Taldit. EtCazadores! Et CabiroltAh! ce n'était pas unechose facile que de classer tous ces talents, sansfroisser les amours-propres!1 Outre l'impromptu

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ailépourFerton,il fallaitégalementun monologueécrit spécialement en auvergnat pour mademoi-selle Chilly, des Variétés or le pauvre Pigne-Pigne savait bien parler en vers, mais l'auvergnat.lui était complètement inconnu.

Je voudrais, lui avait dit Chilly, m'appelerZozepha Choumara. Je serais venu aux eauxpour faire une cure qui me récure parce que mafemme Channette m'a fatigua.Vous comprenna?

Fouchtra Si che comprends, ripostaitPignerolles ahuri.

Il me faudrait un costume coquet en ve-lours marron, avec grand chapeau et gilet àramages. Je veux bien être un Auvergnat, maisje tiens à rester jolie femme.

Et Pigne-Pigne fut commander à ses frais uncostume magnifique. L'impromptu ailé marchaitpendant ce temps; et Pigne-Pigne était fortsatisfait de ses vers que Ferton devait dire aupublic:

Votlà qu'en arrivant un soir sur l'esplanade,Je trouve un monde fou, pimpant, coquet, joyeux,Je ne puis faire un pas sans voir un camarade,Et j'aperçois partout des minois radieux.Le soleil resplendit sur les torrents du Gave:Les hôtels sont tous pleins; une procession

D'évoqués si nombreux qu'on dirait un conclaveLe bréviaire en main fait son ascension.

Cela coulaitainsi pendantune centaine de vers.

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Ferton, facile à contenter comme tous les véri-tables artistes, accepta l'impromptu sans protes-tation. Quant à mademoiselle Chilly, c'étaituneautre anàire; elle avoua franchement qu'elle trou-vait sa Zosephe Choumara idiote, et pas auver-gnate du tout. De plus son pantalon de veloursétait trop étroit, et la veste ne cambrait pas assezles reins. C'était à recommencer.

Mais Pignerolles, grisé de son œuvre, n'en étaitplus à se décourager pour si peu. Tout à sa fêtede charité, il avait même oublié tout à fait ledanger qui le menaçait et dont elle devait lepréserver. La Bassetière n'attendait que ce mo-ment. Il n'avait pas été dupe du beau zèle de sonami, mais avait feint d'y croire et de le partager,guettant l'instant où Pignerolles, tout à ses de-voirs d'imprésario, serait forcé de s'éloigner de

sa femme. Bien mieux, au cours des nombreuxpourparlers nécessaires, La Bassetière avait fortbien remarqué certaine émotion dont Pignerollesn'était pas maître en présence de la belle Jeanne,qui, de son côté n'y paraissait pas insensible.La Bassetière feignit de ne rien voir pour laisserà son ami la gloire et le plaisir de le tromper.Mais, profitant des préoccupations nouvelles dePignerolles, il s'éclipsa à propos de temps entemps, l'habitua peu à peu à le voir moins con-tinueHement prés de lui, et regagna bien vite

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auprèsde la joliemadamede PigneroUes le terrainqu'il perdait volontairement auprès de Jeanne.S'il eut soin d'insister auprès de la femme sur lacour que son mari faisait à une autre, inutile dele dire1

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in

Donc Pignerolles triomphant ne s'occupaitplusque de sa fête déchanté. Les répétitions avaientdéjà commencé, non sans quelques orages. Lepremier jour, les artistes convoqués par Pigne-rolles avaient trouvé la salle occupée par latroupe du Casino qui répétait le Barbier deSéville.

Ne vous inquiétezpas, avait dit Pignerolles,et surtout ne vous en allez pas. Je vais vousfaire ouvrir le Salon des Dames.

Le Salon des Dames était un petit boudoirsomptueux tout tendu de satin peluche qu'onmontrait aux étrangers avec un saint respect; leshommes ne devaient pas y stationner, et la clefdevait toujours rester chez le directeur des eaux,

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qui ne voulait pas s'en dessaisir. On allait pro-faner le Salon des Dames, user le tapis, salir lessatins!1

Mais, représentait Pignerolles, des artistesde Parisqui daignentse dérangerpour les pauvresde N. méritent certains égards. Ils ne peuventvraimentpas répéter sur l'esplanade!

Le directeur, avec un gros soupir, conna laclef au gardien du Casino en lui faisant toutesorte de recommandations.Aussi, lorsque celui-ci vit arriver Jeanne Taldit avec son immensemolosse danois, il se planta en travers la porteet déclara que jamais, de mémoire de baigneur,un chien n'avait pénétrédans le Salon des Dames.

C'est bien, dit mademoiselleJeanne, si monchien n'entre pas, je m'en vais.Mais l'amoureux Pignerolles qui voyait sabelle & la porte et sa répétition manquée, s'in-terposa, pria, supplia. Comme le gardien restaitinflexible, il eut la constance d'aller lui-mêmeacheter un magnifique paillasson épais, moelleuxet le fit placer devant la porte du salon; lemolosse put s'y étendre, gardien vigilant de sajolie maîtresse. Elle était d'ailleurs charmante,cette Jeanne, avec ses caprices d'enfant gâtée, etdécidément Pignerolless'en occupait beaucoup,avec la satisfaction de penser qu'il marchait surles brisées de La Bassetière.

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Quant à celui-ci, on le voyait de moins enmoins aux répétitions. Il y venait un quartd'heure pour donner son avis sur un détail demise en scène, puis il disparaissait, s'en rappor-tant à la compétence de son vieux Pigne-Pigne.

La vérité est que madame de Pignerolles, dé-laissée par son mari, était heureuse d'avoir sousla main son voisin La Bassetière. Toujours gai,plein d'attentions délicates, il la ramenait desSources, lui donnait le bras aux descentes tropraides, la conduisaità la musique, et passait delongs après-d!ners & causer avec elle dans lesalon de famille.

Pendant ce temps, Pigne-Pigne s'escrimaitl'impromptu ailé était terminé il faisait dansla bouche de Ferton un effet magistral quelsapplaudissements, lorsque celui-ci dirait avecson bel organe

Si tes eaux du pays, leur rendant la parole,Ont de nos grands acteurs souvent bien mérite,Eux ne doivent-ils pas, apportant leur obole,Faire entendre leur voix. quand c'est par charité2

Il y avait là un effet de voix mouillée quidevait tirer les larmes. Zosephe Choumara mar-chait bien, Pignerolles avait trouvé une superbeidée: e Zosephene voudrait pas prendre de bain,refusait d'aller à la pichine et, en voyant les

grosses marmites destinéesau humagc, était per-

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suadée qu'elle allait manger une bonne soupe auchoux." Mademoiselle Chilly persistait pourtantà trouver le monologue peu spirituel et insum*sant comme mise au point.

Cela viendra atHrmait l'heureux Pignerollesqui se remettaitau travail avec ardeur, et ne sesentait plus d'a!so de se voir joué en publiccommepoète sérieux et comme librettiste bouffe,

sans compter le bonheur d'être aime d'une aussibelle personne que Jeanne Taldit. Leur liaison,d'ailleurs, commençait & être connue et devenaitla fable de N. On n'y parlait que du remuantet triomphant PigneroUes. Quelques bonnesâmes ne parlaient plus & cette pauvre petitemadame Pignerolles qu'avec des airs de la plusvive compassion. La Bassetière n'avait mêmeplus à médire du mari, celui-ci lui faisait tropbeau {eu. Il ne s'agissait plus que de trouverl'occasiond'en profiter.

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Le grand jour de la représentation était arrivé.Des affiches cramoisiesplacardées jusque sur lespoints les plus élevés de la montagne, annon-çaient à la population des baigneurs la grandesolennitéartistique. Elle était, d~ailleurs,immense,cette affiche, car non seulement tous les artistessde la troupe, mais une foule de phénomèneslocaux et de petits prodiges inconnus avaienttenu à apporter leur concours, L'impromptuailéapparaissait en bonne place, côte à côte avec laValse de JtJHfet~e. Pignerolles et Gounod flam-boyaient en caractères de même grandeur. Lemonologue auvergnat était réservé pour la fin,comme dénouement comique.

Pignerolles, assis entre le maire et le capitaine

IV

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de gendarmerie, se faisait une vraie joie d'en-tendre sa poésie récitée par Ferton. Il avait louépour madame de Pignerolles une baignoire deface, mais sa grandeur l'obligeait à rester avecles autorités.

Vers le milieu de la soirée, un accroc fâcheux.Au temps qu'avaient déjà duré les premiersnuméros du programme, on s'aperçut que lanuit entière sumrait à peine à l'exécution detous les numéros inscrits. A tout prix, il fallaitcouper dans ce programmetrop touffu. La Basse-tière vint tout bas prévenir Pignerolles, auquelseul, en qualité d'organisateur de la fête, revenaitle droit de sacrifier tel ou tel sujet. Pignerollesbondit sur la scène, fit un appel désespéré auxamours-propresqu'on allait blesser, et n'en obtintrien. Alors, dans un élan superbe de sacrifice,il se coupa à lui-même son récit en vers, oùFerton allait être sublime 1 Un malheur n'arrivejamais seul. La belle et capricieuse Chilly, dé-cidément mécontente de son costume, déclaraqu'elle n'entrerait pas en scène ainsi fagotée. EtPignerolles dut aussi retirer du programme safantaisie auvergnate. Que lui importait, aprèstout, l'amour de Jeanne Taldit lui restait 1

Après la représentation, un grand souper avaitnaturellement été commandé par Pignerolles etoffert aux autorités et aux artistes. Pignerolles

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ayant fait ses invitations, cordialementacceptées,s'en fut reconduire sa femme à l'hôtel et s'enrevint aussitôt à la salle du Casino, oo étaitservi le souper.

Le maire, le capitaine de gendarmerie, ledirecteur du théâtre étaient à leurs postes, ainsique ces dames et ces messieurs artistes. A sadroite, Pigneroties plaça Jeanne Taldit, a sagauche Chilly, Cazadores, et la basse Cabirol;tout au fond, près de la porte, La Bassetièreétait chargé d'égayer le bas bout de la tableréservé aux sacrifiés.

Au dessert, le maire prenait la parole etremerciait les grands artistes au nom despauvres.

a Grâce à votre concours, aussi empressé quedévoué. Mesdames et Messieurs, nos pauvresn'auront pas à envisager avec crainte et tristessel'approche des longs mois d'hiver. Ils auront dupain pour leur famille, des vêtementschauds pourleurs enfants. Ils n'oublieront pas les noms desgénéreux bienfaiteurs et des gracieuses bienfai-rices. Merciencore une fois, au nom despauvres,au nom de la municipalité 1 »

Là-dessus on portait des toasts attendris, levin de champagnecoulait à flots, Pigne-Pigne sepenchait tout ému sur l'épaule de la belle JeanneTaldit, en lui disant, avec des yeux brillants:

4

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N'est-ce pas que c'est bon de faire le bien 1

Puis les refrains d'opérettecommencèrent, puisles quadrilles de plus en plus accentués, et peu'dant que, jusqu'au matin, Pignerolles entraînaitJeanne alanguie dans le tourbillon des valsesfolles, La Bassetière s'esquivait, et aUait offrir àla pauvre petite madame de Pignerolles, avecses condoléances, la plus douce manière de sevenger.

PigneroUes fut-ii plus heureux d'un côté quemalheureux de l'autre ? L'amour de la belleJeanne le consola-t-il de l'occasion à jamaisperdue de se faire connaître à la fois commepoète sérieux et comme librettiste bouffe ? C'estce qu'on n'oserait affirmer, la belle Jeanne Talditétant partie le lendemain pour Pau avec lebaryton Cabirol.

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QUAND ON VA AU CIRQUE MOLIER

AVANT

Écrire à l'aimable directeur pour lui rappelernom et adresse. Pas trop tôt, pas trop tard.Troptôt, il oublierait. Trop tard, il n'aurait plus deplaces numérotées.

Bien consulter ses goûts personnels pour sa-voir si l'on préfère la série des femmes du mondeou la série des demi-mondaines. Les unes sontbien séduisantes, les autres ne laissentpas aussfque d'être fort agréables. Cruelle perplexité t Il yaune manière de s'en tirer, en demandant àêtre invité aux deux soirées. Mais c'est une ques-tion de tact et d'intimité avec l'impresario.

Une fois les invitations reçues, conserver sa

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liberté pour ces soirées-la avec une énergie fa-rouche et repondreavec férocité « Maisvous sa-vez bien que je vais au cirque Molier. n

La tenue. Pour les femmes: Robe de dinerhabillé, à tons clairs, blanc crème, fraise écrasée,tourterelle émue, etc., etc. Chapeau de théâtretrès élégant. Quelques audacieuses portent cechapeau avec une robe décolletée. C'est fort co-quet. En voyant ces épaules et ces bras nussurmontés d'un chapeau, on a un peu l'impres-sion de ces jolies poupées qu'on vend avec lecostume à part. La robe de bal dépasse la note.Le manteau est invisible et sacrifié, la sortie sefaisant par un petit corridor.

Pour les hommes, tenue de soirée,canne,fleurà la boutonnière, chapeau extra-brillant, pas degants

Diner légèrement à six heures et demie. Il estabsolument indispensable d'arriver au plus tardà huit heures si l'onveut voir quelque chose ousimplementse faire voir.

Il est peu probable que votre cocher con-naisse la rue Benouville. Ne l'embrouillez pas.Dites-lui a Au Bois1 Une fois à l'extrémité del'avenue du Bois-de-Boulogne, vous arriverez

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bien à lui indiquer la rue Spontini, ou la rue dela Faisanderie. S'il se perd, lâchez-le, et faitescarrément à pied les cent mètres qui vous sépa-rent du cirque; les moments sont précieux.

En arrivant, trouvez votre place numérotée, etépinglez sur la banquette votre carte de visite.Ceci fait, débarrassé d'un poids immense, allezvoir les petites dames premières arrivées. EUess'ennuient d'attendre et vous saurontgré de votrevisite. Il y a de plus prétexte, si vous êtes souple,à de jolis bonds de banquettes en banquettes.

Gardez-vous bien de confier votre pardessusau vestiaire, en prévision des difncultés de lasortie. Fourrez-le n'importeoù sur une échelle,

sur un voisin, voire même dans le piano.Employez vos loisirs à vous faire un ami de

l'un des écuyers-commissaires.Il pourra faciliter l'arrivée de quelque dame de

vos amies, lui apportera le programme et luienverra des rafraîchissements pendant l'entr'acte.

Si vous n'avez pas de place réservée, installez-vous debout au prcMwr rang près des écuries.Il y a aussi un petit truc canaille. On se glissedans la loggia réservée aux femmes, on s'y cache,et quand la loge est bondée, on apparaît triom-phant, et l'on affirme qu'il est impossible desortir.

Il y a des protestations jalouses, mais, comme

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votre expulsion gênerait encore plus que votreprésence, on préfère vous garder.

Si vous êtes arrive en retard, résignez-vous àvotre malheureux sort; attendez t'entr'acte, etne jouez pas l'intermède comique du monsieurqui fait le tour de la piste en réclamant à tout lemonde le n* as.

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PENDANT

Entendez-vous avec les clowns pour les sup-plier de ne pas vous rendre ridicule devant vosnombreusesamies. Pas de poussière dans lafigure; pas de chapeau emprunté et transforméen accordéon aux applaudissements d'une fouleen délire. et même pas de conversation enanglais. Vous n'auriez rien à y gagner 1

Quand l'hercule fait passer les poids, ne pasessayer de les soulever si l'on ne se sent pas enforce.

Si votre voisine s'extasie sur le biceps dugymnasiarque, lui expliquerque la force muscu-laire n'a rien à faire avec la force nerveuse. Sielle doute, offrir de le lui prouver.

Quand l'écuyère passe devant vous, crier

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< Bravo! bravi 1 brava a et taper le sol de votrecanne, quitte à effrayer le cheval et à vous fairecrier par le directeur cette phrase sévère maisjuste <t N'applaudissez pas a

Au moment des culbutes exécutées par toutela troupe, ne poussez pas des ah! comme unmonsieur qui n'a jamais rien vu, et gardez toutevotre admiration pour l'amateur qui exécute ledouble saut périlleux a quinze mètres au-dessusdu niveau de la mer.

Applaudissez ferme la petite écuyere, élevé del'impresario. Cela fera plaisir à son maître. Lefait est qu'il est impossibled'agenouiller un che-val par un coup de cravache plus magistral.

Dites des Mtises aux deux petites danseuses,deux adorablesgamines de seize ans, faites aumoule, dont l'une se cache la tête dans les mains,quand on l'applaudit, par un geste gracieuxd'oiseau effarouché.

Mais gardez tout votre enthousiasme pour labelle fille blonde qui, sur son vélocipède traversetoute la piste, comme Blondin, et porte sous lacorde qui la maintient un des plus grands nomsde France en maillot bleu de ciel.

Ne pas écouter le sportsman raseur et éruditqui critique tout « Ce n'est pas cela Elle amanqué son changement de pied, la volte esttrop courte, la main est trop dure. a S'il conti-

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nue, lui répondre a Si vous saviez commeça m'est égal Elle est jolie ? Oui. Alors,de quoi vous plaignez-vous ? &

Raconter à vos voisines des histoires aussiétonnantes qu'invraisemblables sur les amoursdes petites écuyères. et leurs débuts dans lemonde.

Pendantl'entr'acte, s'exercer à la balistisqueen envoyant dans les loges des fleurs, desprogrammes, une lorgnette, une voilette tom-bée, etc.

Profiter de ces dix minutes de repos pour com-biner un joli retour dans des conditions agréa-bles. Insinuez que vous avez votre voiture, etque le quartier est très dangereux après minuit.

A la deuxième partie, reprendre la premièreplace venue pourvu qu'elle soit excellente, etbien savoir qu'à cette heure-là il n'y a plus nidroits acquis, ni place réservée.

Autantque possible se rapprocher de la femmeramenable.

Au dernier numéro du programme, s'occuperdu manteau, du valet de pied, de la voiture, etlui faciliter une sortie heureuse et douce enl'emmitouflant avec une tendresse de père.

Au retour, tâcher de profiter de l'exaltationcérébrale produite sur votre charmante compagnepar tous ces exercices. Lui dire qu'elle est cent

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fois mieux que l'ecuyere, mille fois mieux quela danseuse, etc., etc., et rappeler la fameusedUÏerence entre la force musculaire et h force

nerveuse.

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LES COULISSES D'UN BALLET

t

Au cercle des Truffes, après dîner, le peintrePétrus, adossé a la cheminée lisait à haute voixle programme catapultueux envoyé par la direc-tion de l'Ëden

a La scène se passe en Espagne, dans lepays où les ncurs ont des parfums enivrants,où les femmes ont des yeux noirs comme dujais, où les rayons du soleil que la lumièreélec-trique remplace si avantageusement, piquent desétincelles dans les paillettes d'or des habitscha-toyants. a

Pétrus, mon ami, interrompit Pignerollesvoici le moment d'exécuter ta promesse.

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Tu tiens donc toujours à voir les coulissesd'un ballet, maigre ce que j'en ai dit ?

Plus que jamais 1. je veux me baignerdansdans les rayons de cette lumière électrique plus~MM~CtMe que le soie!! je veux parier a cesfemmes qui ont des yeux noirs comme dujais

Eh bien, mon cher, c'est facile. Le régis-seur a régie cette année plusieurs scènes de laRevue du Cercle, et il se fera un plaisir de nousouvrir les portes. Viens-y ce soir, et tu me lais-seras tranquille.Car, si tu mets les pieds là unefois, je sais bien que tu n'auras pas envie d'yrevenir.

Voyons toujours 1

Et, donnantun dernierplivainqueur a sa mous-tache, Pignerolles prit le bras de son ami, ettous deux se dirigèrent vers la rue Caumartin.

Ils traversèrent une grande cour encombrée dedécors, de portants, d'appareils contre l'incen-die, et arrivèrent devant un petit tambour don-nant accès aux coulisses. Ainsi que l'avait prévuPétrus, le régisseur déjà costumé en paysanespagnol, accorda, le plus gracieusement dumonde, l'autorisation demandée et introduisitles deux visiteurs.

Non sans un certain battement de coeur, Pi-gnerolles entra sur la scène.

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li y régnait une animation extraordinaire. Desnuées d'ouvriers machinistes en pantalon develours éraillé, avec des vestes tachées d'huile,portaient des décors, allumaient des herses degaz, plaçaient des plans inclines; au milieud'eux, un petit homme frisé,moustachu, bedon-nant, s'agitait comme un beau diable et criaitdans un porte-voix: a Chargez Chargez encore 1

Avez-vous pris le point de repère. Hier c'étaittrop bas. Maintenant ouvrez le trapignon1

Bon! a

Le pompier montait mélancoliquementla gardedevant le rideau, le gazierassis devant une espècede clavier avait l'air da jouer de l'orgue. Pasun costume. Seuls, deux gentlemen en habitcausaient avec un petit page bleu de ciel quidisait

Vous comprenez,ce n'est pas gentil. !1 m'afait un enfant et a disparu. Si bien que maintenantje ne puis plus danser dans les <~M~, et suisreléguée dans les marcheuses. tant que je pour-rai murcher.

Tout cela n'ctait pas d'une gaieté tbite, maison ne pouvait pas juger le cadre tant que lesdanseuses n'étaient pas là pour l'animer. Hntin,le régisseurcria <t Place au théâtre et l'inva-sion se fit par toutes les portes.

Espagnoles en corsage de satin avec bas de soieU

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tire brod~ d'or, clowns au toupet pointu,myriaded'enfanta en pierrots, seigneurs castillans, au feu-tre empanaché, etc.

immédiatementce fut un vacarme étourdissant,et le décor de la place de Grenade s'emplit demouvement, de lumière et de bruit.

Enfin, j'y suis se dit Pignerolles.A vrai dire, les danseuses n'étaient pas jolies,

jolies, vues de près le maquillage tranchait enlarges plaques de blanc de perle sur les pom-mettes écarlates les yeux cerclés de kohi avaientleurs cils collés en petits paquetspar une espèced'enduit noirâtre; peu de mains étaient propreset les ongles semblaient en deuil.

Quelques belles nUes faisaient exception; une,entre autres, sorte de Fornarina, en jupe écar-late avec large chapeau et collerette brodée;grande, brune, bien découplée, campée dans unemerveilleuse attitude, soutenant sa longue traînede la main gauche. Comme le garçon des acces-soires passait

Tou te fiches de ~noi, dit la belle fille. Re-garde mes gants, ils sont dégoûtants.

Il fallait les donner à Philibert.Ze me f. de Philibert!

Tout autour, figurants, figurantes, se bouscu-laient dans un brouhaha étourdissant.

–Silentio Silentio s'écria tout & coup, d'une

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voix stridente, un petit jeune homme habillé entyrolien, sec, maigre, le sourcil froncé.

Un calme relatif se rétablit; cependant,commequelques rires continuaient.

Monsieur Martin, cria le Tyrolien, mettez-moi Francia à l'amende, avec inscription au ta-bleau.

Enfin, le rideau se lève. Des files de danseusesalignées au cordeau s'avancent vers la rampe;puisse divisent en deux lignes, et remontent parles bas côtés pour laisser la place à d'autres. Deloin, cela fait peut-être beaucoup d'effet, maisde près, on entend trop les commandementsduTyrolien

Avancez avancez 1 En ligne, nom deDiou! Bcrtola veux-tu lever tes bras! Mainte-nant, en arrière Une, deux! Fichez-moi le

campo, les seigneurs. Quels flemmards! Scrganià l'amende! Pesconi a l'amende! Et ils appellentcela danser! Poveri

Hum! hum 1 pensait Pignerolles, Pétrusaurait-il raison?

Laisse passer l'Étoile, lui dit à ce momentPetrus.

L'Etoile! OùçaPott ça? s'écria Pignerolles,immédiatementrepris par toute son émotion.

Il s'effaça contre un portant et vit arriver unepetite femme maigre, assez jolie, avec des jambes

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admirables apparaissant sous une robe de tulletrès bouffante et très courte. Elle était suivied'une femme de chambre mal peignée, portantà la main un miroir ébréché et un gobelet d'c-tain rempli de colophane.

Vite, la colophane! s'écria l'Étoile.La femme de chambre choisit un morceau

dans le gobelet, mais comme elle n'en finissait

pas, l'Étoile prit la colophane avec rage et l'é-crasa sous son talon; puis, après avoir esquisséun signe de croix imperceptible, elle donna sou-dain à sa physionomieune expression angéliqueet s'élança sur la scène en pirouettant.

Deux minutes après, :lle rentrait derrière leportant, et s'affalait sur une chaise, sa maigrepoitrine soulevée par des mouvements convul-sifs, les cheveux colles aux tempes, de largesgouttes de sueur coulant le long du maquillage.

Maria, vite le peigne Besta Tiens donc lemiroir à hauteur.

Elle prit le peigne dans ses dents, d'un mou.vement fébrile replaça quelques mèches éparses,étancha avec un mouchoir la sueur qui perlaitsur !a nuque, puis reprenant son sourire exta-tique, elle se précipita sur la scène pour exécu'Mr le pas de la séduction au bras d'un beau

gars en pourpoint de velours et en maillot violetmoulant des jambes d'hercule.

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Quelques secondes après, le beau jeune hommerentrait à son tour dans les coulisses, le corpsagité par un effroyable tremblement nerveux,lançant des ruades à gauche et & droite, et, mûpar un tic étrange, tournant brusquement la têtede côté huit ou dix fois de suite.

De plus en plus pensif, Pignerolles demandaà quitter la place, sous prétexte de visiter lefoyer.

Allons au foyer, dit Pétrus triomphant.Le grand ballabile de la mascarade était ter-

miné les machinistes enlevaient les portants.Des fils tombaient du cintre; par terre on seprenait les pieds dans des tuyaux a gaz, une pro-cession de clowns, de bëbes, de jockeys, devieilles sorcières portant des hottes dorées seruaient vers l'escalier, riant, criant, gesticulant,bousculant tout sur leur passage, et jetant leursaccessoires en clinquant dans de grands paniersoù ils tombaient avec fracas.

Aussi fut-ce à grand~peine que les deux visi-teurs gagnèrent le foyer.

Une pièce carrée, mal éclairée, avec des bancs

contre le mur et des barres d'appui contre lesglaces. Au centre de la pièce une quinzaine defigurantes changeaient rapidement de costume,exhibant des torses nus et des camisoles sales.Sur les bancs, dans des attitudes lasses, des

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Espagnols causaient, empilés les cas contre lesautres; ceux qui n'avaient pas pu trouver deplace s'étaient assis sur les jambes en maillot deleur camarade. Une dizaine de petits pagespeu mouchés se poursuivaient en jouant autourde Ja saUe: de tout cet ensemble s'exhalaitl'impression et l'odeur d'un bain à quatresous.

Seules, corrigeant un peu le tableau, deuxjeunes filles, fraiches, mignonnes, vêtues detulle rose faisaient des pointes contre la barred'appui, tandis qu'un grand gaillard & la mous-tache méphistophélique, à la tcte couronnée derosés, se promenait gravement en devant àchaque pas son pied à hauteur de l'oeil, et es-sayant son pas de Plume au vent.

C'est ça le foyer ? dit tristement Pigne-rolles.

11 n'y en a pas d'autre, répondit Pétrus.Mais les étoiles, les distintes PTout cela reste dans sa loge, et il est dé-

fendu d'y pénétrer.Alors, allons-nousen, j'en ai assez vu.

Ces bousculades, ces odeurs Scres, ces agglomé-rations humaines, tout cela m'ececure et j'aibesoin d'air.

Non! non! reprit vivement Pétrus. Tun'as vu qu'un acte et la leçon ne serait pas

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complète. Je veux que tu voies tout le baUet,

tu ne sortiras d*iei que radicalement guéri.Soit, répondit Pignerolles, tout à fait désil-

lusionné.

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Cependant les machinistes avaient planté surle premier plan le décor de la Posada, tandisque tout au fond on dressait les échafaudagesdu pays de la Lune. Une vingtaine de mando-linistes, marchant en colonne, vinrent se placerdu côté cour, précédant une Espagnole drapéedans un châle de couleur éclatante et marchantde ce pas spécial, ondoyant et rythmé, leCMMCO.

Les cheveux noir-bleu, plaqués bas sur le front,soulignaient des yeux immenses dont les coinssemblaient rejoints par deux énormes accroche-cœurs collés sur les tempes. La bouche rougecomme une grenade souriait en montrant desdents superbes. L'Espagnole s'éventait d'un

n

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geste lent et doux, effleurant chaque fois sonvisage d'une caresse moUe avec les plumes -de

l'éventail. Elle se débarrassa de son châle etmontra une taille ronde et souple enserrée dansla basquine de satin cerise, des épaules potelées,des bras merveilleux; sous le jupon coun garnide pampilles, la jambe se cambrait dans un basde soie brodé d'or.

Oh oh! s'écria Pignerolles de nouveauintéressé, voilà une vraie femme!1

Et de fait, de toute la personne de la dan-seuse au repos se dégageait comme un parfumde beau fruit bien savoureux, bien à point, unde ces fruits qui fondent dans la bouche enchatouillant toutes les papilles par la plus ex-quise sensation.

La toile se leva; les mandolinistes se rangè-rent en bataille devant la maisonnette, et ladanseuse, la toque de velours sur l'oreille, lepoing sur la hanche, se campa toute droite de-vant le public, déjà séduit par cette gracieuseapparition. Au son des mandolines dont lescordes résonnaient avec un bruit cristallin, ellecommença un merveilleux pas. Les pieds spiri-tuels esquissaient sur le plancher toute sorted'arabesques, tandis que le corps se renversaiten arrière avec des attitudes lasses, et que les

yeux mourants avaient l'air de poursuivre je neK.

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sais quel rêve intérieur. Puis le mouvements'accentua; les deux mains élevées au-dessus dela tête retombaient ensuite le long du corps endécrivant une spirale voluptueuse, les doigts fu-selés ébauchaient un effleurement imaginaire etla taille flexible comme une liane, exécutait unerotation lente et lascive scandée à chaque tourpar un déhanchement brusque. Soudain, la dan-seuse jeta à terre sa toque de velours, et autourde cette coiffure masculine, commença une rondeenveloppante et folle; toutes les séductions, lesagaceries énervantes, les gamineries exquises del'amour le plus corrompuet le plus raffiné étaientprodiguées à cette toque de velours autour delaquelle la danseuse tournait, tantôt s'offrant,tantôt se reprenant, par une cambrure en arrière,tantôt l'attirant vers elle par une étreinte pas-sionnée, tantôt la repoussant avec un sourire.Enfin elle se pench&, et, les yeux étincelants, labouche entr'ouverte, le teint animé, elle campavivement la toque sur sa tête d'un grand gestetriomphant.

La salle entière croulait sous les applaudisse-ments, les musiciens s'étaient levés et frappaientle dos de leur violon avec leur archet, les figu-rants eux-mêmes semblaient subir l'enivrementgénéral. Pignerolles était si troublé, qu'il duts'appuyer contre un portant.

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Ah! mon ami, dit-il d'une voix tremblanteà Petrus, quelle charmeresset

Bah! toutes les Espagnoles dansent ainsi,répondit Pétrus avec flegme, et ce pas-là estdes plus connus à Madrid.

Qu'importait à Pignerolles. La danseuse nevenait pas moins de lui faire éprouver une sensa-tion indénnissable, et, soudain, la vaste scène del'Éden lui apparut sous un jour tout nouveau. Ledécor de la posada avait disparu dans les des-

sous, les nuages de tulle s'étaient successivementlevés laissant apercevoir un paysage étrange etfou. Des centaines de jeunes femmes étaientcouchées sur un plan incliné, et tous ces corpsdemi-nus avaient l'air de chanter une ode mer-veilleuse à la chair. D'abord, tout cela vague, àpeine estompé dans une demi-lueur, ayant toutle flou, tout le frissonnement indécis d'un pay-sage de Corot, et là-bas, dans les frises, uneforme gracieuse, vaporeuse, férienne, se tenaitdroite au milieu des stalactites et des rochers àreflets de perle fondue. Peu à peu le derniervoile se leva, la lumière électrique éclata ra-dieuse avec des rayonnements lilas d'apothéose,et, soudain, les femmes couchées se dressèrentdebout tenant dans leurs mains des bouquetsd'étoiles d'argent.

Les vulgarités avaient disparu. Au centre de

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ce tableau magique, l'amant et l'amante appa-raissaient à distance, elle, bette comme Diane,lui, beau comme Apotton. Au milieu de cesconstellations fulgurantes, on eû< dit Hn beaur8ve d'amour partagé, symbolisant la vigueur,la teg&rotc, i'ctan des amet, la sentiment dedominaUon sur tous les eMes dont le de~trponne les ec~Hra.

Et, si Pignerolles comprenait toute la poésiede ce ballet, eest que, do l'autre côté de lascène, appuyée sur un nuage d'argent, la dan-seuse espagnole était toujours là, dardant surlui ses yeux de namme.

Et, quand la toile tomba, lorsque la lumièreélectrique s'éteignit, lorsque les planètes, lesétoiles, les astres descendirent des nuages pourregagner les coulisses, Pignerolles parut sortird'un rêve.

Déjà fini 1 s'ecria-t-it.Comment, dit le méphistophéliquePétrus,

tu n'en as pas assez1

Certes non! je reviendrai ici tous les soirs!1

Ce que Pignerolles n'a pas dit à Pétrus,c'est que, depuis ce moment, il est amoureuxfou de l'Espagnole.

]

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CAP!UA

1

Elle aurait dû être heureuse, la petite Lio~aFêtard, car Saint-Machin était certes l'amant leplus attentionné, le plus épris, le plus riche ette plus généreux qu'on pût r~vcr. Elle avaitun hôtel charmant, rue de Prony, un buggy avecun double cob qui allait vite, vite, vite, buggyagrémenté d'un groom haut comme une botte;elle avait un coupé huit ressorts avec un groscocher et deux carrossiers de Norfolk, consti-tuant un ensemble des plus majestueux. Onpayait sans compter ses notes chez Fringa etchez Birot. Elle avait un bon cuisinier, un ex-cellent estomac et un tempérament impression-nable, et pourtant elle n'était pas heureuse.

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Vois-tu, disait-elle à Saint-Machin, avectout cela, }e ne suis jamais qu'une demoisetle,une horiz9ntate,uneMeoMe,te met importe peu;bref, j'appartiensA la galanterie, rien qu'à la ga'Jtantede. Ahl a! j'~tats uniate, !o situation seraittoute dM~rente!J

Je ne pM!s puurtam pas te Mfe ontrer auConservatotre! disait Saint-Machindcse!tpor<S.

Non, }e n'ai pas de m~motre; et puis celam'ennuierah d'apprendirc un <aa de machines envers.

Vcux'tu que je pa!c une (bMe somme & undirecteur pour te faire figurer dans une féerie?

Merci, je ne tiens pas & <fc la deuxièmegrue côté cour, ou ic <ro!s!eme coïeoptOre coKS

jardin.Mais enfin, que veux-tu être?tJe veux Ctrc ~Mc/~M'MM. Je veux qu'on parle

de moi dans les journaux autrement que poureetcbrcr mes toilettes, ou mon nez troussé d f<M<-

p~M~CMCC.

Un beau matin, elle arriva, toute rose, dans lecabinet de toilette de Saint-Machin, occupé àprendre sa douche quotidienneavec massage aupoil de chameau. Elle était charmante avec sonpetit costume anglais, sa toque en loutre, sarose thé à la boutonnière et ses gants gris perleà barrette.

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.t'ai trouve! s'ecr!a-<-eMe en sautant au coude Saint-Machin, qui s'ébrouait dana un rayondeaohtit.

Qu'est-ce que M as trouva ?Je veux être artiste comme les autres, au

Cirque.Allons, bon! Mais M n'entends rien à F~'

quitation, et <u aa toujours CM une sainte frayeurdes chevaux. Osera~'M pr~aenter un sauteur enliberté, si dressa qu'il s~t?

Oh non, mais on peut présenter d'antrexanimaux.

Quoi? des chiens, des etephants, des t!ons.des léopards?

Tu es MM, mon pauvre ami. Je voudraisquelque chose de pratique et de doux. Une chè-vre, par exemple. On dit que cela se dresse trèsbien. Je m'habillerais en Esmeralda, une espècede costume égyptien avec de vieilles ctoftes, etdes sequins dans les cheveux; tu verrais commeje serais jotie!

L'idée de ce costume souriait assez & Saint-Machin. Évidemment Liona serait ravissante;mais il restait une difficulté. Le Cirque n'enga-geait pas ainsi la première venue; l'Hippodromenon plus. Si encore elte avait fait ses preuvesailleurs. On pourrait essayer chez Fernando.

Propose-moi tout de suite Corvi! s'était

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exclamée Liona avec dédain, ce n~est pas cela quej'entends.

Et, avec mille grâces Ktines, se suspendant aucou de son ami, clle abnrda une grosse queation. Pourqui Saint-Machin n'aurait-it pas uncirque A lui, bien A lui, dont Il serah le diree-teur et dont elle serait t'etoHo? Rien ne posaitmieux un gem~etnan dans te monde du sport, etmomu dans le (auboor~ Saint.Germain. tt étaitassez riche pour construire un établissementcenttbis ptus eiegam que la cirque cependant si

couru de la rue BcnouviMe. On s'arracherait lesinvitations. Lui, se montrerait en écuyer surquelque cheval habitue & faire de la haute écoleet du passage rien qu'en entendant certain pasredoublé, et elle présenterait sa chèvre. Le len-demain, tous les journaux parieraient d'elle. Ce

ne serait plus la petite Liona Fêtard, mais uneartiste n'ayant rien à envier aux Mtisa, auxLotsset, ou aux Nouma-Hawa. Alors elle seraitheureuse, bien heureuse, et elle aimerait sonSaint-Machin tellement, tettement!

Et, pour lui donner un avant-goût de ce pa.radis promis, elle se aerrait contre lui, le cha-touillant avec ses mèches blondes, le grisant duparfum qu'exhalait sa gracieuse personne. Aufond, elle avait peut-être raison, Liona; un cir-que était, pour lui comme pour elle, un moyen

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dose poser admirablement. ?< puis ette était sichatte, si serpentine en demandant son cirquett eut fallut e!re de bronze ou de coton pourrefuser, et Saint-Machin mettait sa force & 6)rotrès fuible avec les femmea.

Eh Men, oui a'e<:r!a-<-it. tM aHraa tun cir-que, tu tturas tes spectateurs, tu aMras ta chèvre.Je me charge de tout, et le te promets des mer-vcmes.

Des te !cndeMa!n, !t acheîatt un immense terratn au bout de ravenue Kléber, sur les hau-teurs du Troeadero. Quelques jours après, lesplans étaient dressés, les devis étaient achevés.

et des nuées d'ouvriers se mettaient au travail.Bientôt les constructions s'étevaient comme parenchantement.

Un architecte érudit avait copie les basiliquesde Ravenne et construit un cirque des plus by-zantins, mais avec tout le luxe et le confortmodernes. L'or ruisselait sur les murailles, edn<cotait sur les galeries, ressortait sur les croupesd'animaux bizarres encadrant les peintures &

fresque. Puis le velours écarlate vint apporter satonalité chaude, sous la forme de lourds cous-sins dans les stalles, d'immenses vélums, delongs rideaux à crépines. On ne parlait plus,dans les cercles, que des merveilles accumuléespar Saint-Machin pour servir de cadre à l'étoile.

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On avait travaille nuit et jour, la lumière elec-trique, pour avancer les travaux. Les équipesd'ouwiera avaient e<e payées double. Ce petitcoin de Paris, si ddaert quelques semaines au-paravant, était devenu une véritable rucha hu-maine, retentissant du bruit des gruea et deapoulies, du s!<Het des machines à vapeur, desjurons des charretiers, des claquementsde fouet,des appels de la cloche convoquant au travail.Trois mois après, leur pour jour, le cirque étaittermine. On présenta la note a Saint-Machin,qui ne put s'empêcher de faire la grimace; lesprévisions avaient été terriblement dépassées.Avec le prix du terrain, la main-d'œuvre et lapartie artistique, on avait dépensé plus de neufcent mille francs. Mais hast! Liona Fêtard étaitheureuse. Elle allait pouvoir débuter, car, entretemps, Saint-Machin avait couru toutes les foireset tes fêtes de banlieue pour lui trouver unechèvre savante, et avait fini par dénicher unphénomène répondant au nom de Capria, quimarchait au pas espagnol, dansait la polka, setenait debout sur deux bouteilles, sautait desobstacles et devinait la personne la plus amou.reuse de la société. Capria était blanchecommedu lait et avait une belle barbiche qui lui don-nait un faux air de Jules Favre.

11 fallut égalementrecruter tant bien que mal

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une troupe d'amateurs panât ha camarades debonne volonté. Quetques-uns tiraient d'une façonpassable; d'autrea avaient fait un peu de tra-pèze les cavaliers furent faciles a trouver, etl'on organisa un quadrille en habit rouge. D'ail-leurs, il ne <aUa!t aucun talent trop en évidencepour laisser bien en lumière les charmes et tagrâce de J.iona Esmeralda.

Quand tout fut pr<!t, Sa;nt-Mach!n lança sestnvhattona aur papyrus byxanHn. Ce fut unevéritable fureur. Dans toua les cercles, dans lemonde du sport et de !a haute finance, on ntdemandes sur demandes pour obtenir, ne fût-cequ'un ~rotpoM~MMM dans le fameux cirque by-zantin. Quant au pcrsonnel du théâtre et de lagalanterie, il fit des bassesses pour obtenir uneplace bien en vue. To be or <Mt( to ~c. Avoirou n'avoir pas été à la représentation du cirqueSaint-Machin, toute la question était ta. Pen-dant huit jours, ce fut l'unique préoccupationdeParis on en oublia le Tonkin et le scrutin deliste. Saint-Machin, malgré ses trois secrétaires,ses onze commissaires et son maître des cérémo-nies byzantin, ne savait plus à qui répondre;mais Liona rayonnait. La chèvre Capria obéis-sait au doigt et à l'œit, et tes répétitions mar-chaientsur des roulettes. Tout faisait prévoir unimmense succès, et déjà des journaux mieux in-

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formas que les autres avaient !ance certainesinsinuations,au sujet d'one nouvelle dompteuse,qui avaient vivement excité la <rios!~e pu-blique.

La petite Liona F~Mrd allait donc être uneartiste 1.

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Entin le grand jour arriva. Les abords deFArc-dc-Triomphe présentaient une animationextraordinaire. Des huit heures du soir, on nepouvait pénétrer dans l'avenue Klebcr quemuni du papyrus byzantin. La queue des voi-tures commentait sur l'avenue des Champs-Elysées, à la rue de Bcrry. Tout le long duparcours, les réverbères avaient été enlèves etremplacés par des neches indicatrices au gaz.

Dans la direction du Trocadéro, un immensesoleil électrique alimente par trois machines àvapeur servait de phare directeur. Arrivé àhauteur du phare, on passait sous un arc-de-triomphe embaumé, mi-partie gardénias et vio-lettes, et l'on pénétrait dans une cour d'honneur

H

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dallée en mosaïque multicolore. Sur cette courouvraient les écuries brillamment illuminés. Onapercevait les boxes somptueux avec les m:.n-geoires en marbre blanc, les chatnes de cuivre,les râteliersen fer ouvragé, et la litière bordéed'une magnifique frange en paille tressée.

Mais par exemple l'on ne pouvait s'empêcherde pousserun cri d'admiration en pénétrant danste grand hall précédant le cirque. Du c!ntre &

hauteur d'une cathedrate, pendaient des ori-flammes de tous les pays, les murailles dispa-raissaient soua de merveilleuses tapisseries desGobelins; le sol avait été transformé en jardind'hiver avec des massifs do plantes vertes et devcritaMes parterres de fleurs. Trois escaliers àdouble rampe partaient de ce jardin et condui.saient aux gradins du cirque, et tous les dix pass'etataient des affiches gigantesquessur lesquellesles noms de LIONA FÊTARD et de CAPRIAnamboyaient en lettres majuscules.

Quant au cirque, un véritable éblouissement.Aux galeries supérieures, tout ce demi-mondequel'Europe nous envie était là sous les armes. Robesde bal & reflets chatoyants, cascades de perles,rivières de diamant, aigrettes fièrement campéesdans les chevelures blondes; trois rangées defemmes presque toutes jeunes, en tout cas toutesjolies, ou ayant à défaut de beauté réelle, cette

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chose pire qu'on appelle le chic et la séduction.Jeune garde et vieille garde, artistes, tout lemonde était & son poste, confondu dans unesalade gracieuse,touchante et fraternelle. H y avaitlà Altesse en tulle mauve, de Léry en bleusaphir, couverte de perles métalliques, la plan-tureusc Faro, en robe serpent, Vimmer en rose,avec des grelots d'or, Mignoret et Moniales,l'une en gaze bleue, l'autre en gaze rouge,Laure Schuman, véritable Greuze en robe pom-padour, au cou un collier de pertes avec crois-sant en diamant, Lepita, la taille serpentinemoulée dans une robe de tulle brodée d'épis,Lianca emmitouflée dans un domino grisperle, etc., etc. Sous les feux de la lumièreélectrique, toutes ces jolies têtes souriaient dansdes lueurs d'apothéose,tandis que, par la galerieouvragée a jour, les yeux attendris pouvaientapercevoir sous les ruches chicorées terminantles traines, tous les petits pieds chaussés dosouliers de satin assortis à la robe, et les basde nuance extravagante, moulant les jambesexquises. L'architecte avait eu là une idéeaussi géniale que byzantine.

Cette innovation avait été vivement appréciéedes spectateurs en habit noir, assis au rez-de-chaussée, qui, en attendant la représentation,n'avaient ni assez d'yeux, ni assez de lorgnettes

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pour admirer ce spectacle enchanteur. Au centre,dans une espèce de loggia tendue en satinpourpre, se tenait debout Olivier Patatra, avecses cent musiciens, costumés en grecs du Bas-Empire, envoyant sous les hautes voûtes desfanfares triomphales.

11 n'y avait qu'une voix pour admirer le luxefantastique déploya par Saint-Machin. De mé-moire de joyeux viveur, on n'avait assisté à unefête donnée dans un cadre plus royal et plusbyzantin. Du bas en haut, des murmures de voix,des balancements d'éventails, ce joyeux brouhahaqui caractérise une réunion de gens qui appar-tiennent à la même bande et sont heureux de seretrouver. Les mersieurs interpellaient ces damesqui leur souriaient avec des bouches plus rougesque nature. Ils leur jetaient des fleurs, recevaientparfois en échange des bonbons; on se sentaittout & fait en famille.

Les parfums du white rose, du sandringham,d'opoponax, de peau d'Espagne, se mêlaient auxodeurs âcres des écuries.

A l'heure dite, au son des fanfares de l'orches-tre de Patatra, le spectacle avait commencé. Legros Solange, déguisé en « dame espagnole aavec une amazone écarlate moulant des appasmajestueux, un feutre mousquetaire à panache,une perruque rousse et la photographie de son

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mari en broche, avait présente un cheval enliberté. Entre chaqueexercice, Solange exécutaitdes révérences gracieuses qui faisaient la joiede la galerie.

Après, il y eut un saut périlleux exécute parune troupe d'acrobates, parmi lesquels on comp-tait un duc, cinq vicomtes et trois marquis. PuisSaint-Machin /M~-Mt~MP, le torse moulé dans unhabit bleu à boutons d'or, fit son entrée sur ungrand cheval alezan mis au bouton et exécutanttous les mouvements de la haute écote la pluscompliquée,

Tout à coup un roulement de tambour retentit.Tous les écuyers armèrent une double haiejusqu'au centre de la piste et, au milieud'une ova-tion indescriptible, Liona fit son entrée, la crava-che à la main et suivie de sa chèvre Capria.C'est qu'elle était vraiment ravissante, la petiteLiona, avec sa coinure orientale, sa veste courtelaissant voir les bras nus, la taille emprisonnéedans une soyeuse étoffe indienne, tandis qu'uneceintured'or absolumentbyzantine serrait l'étoffecontre les hanches. La salle croulait sous lebruit des applaudissements, tandis que l'or-chestre avait entonné la Marche turque. Tousles écuyers évacuèrent la piste soigneusementratissée et lisse comme un tapis doré, e~ Lionaresta seule avec sa cb~gre sur laquelle les machi-èi.)t,

I

,)~I.

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nistes faisaient converger tous les rayons de lalumière électrique.

La dompteuse s'avança au centre de la piste,salua la foule de sa cravachepar un mouvementtrès étudié, mais plein do grâce, puis elle fitsigne à Copria d'avancer. Celle-ci accourut aupetit trot, et Liona prit du champ pour la fairesauter.

Mais, tout à coup, il y eut un grand cri dansla salle, puis des cascades de rires inextinguibles.La chèvre, en pleine lumière électrique, s'étaitaccroupie dans une lamentable attitude, et, sanssouci de la brillante société devant laquelle eHcavait l'honneur de comparattre, s'était mise àsatisfaire un besoin des plus naturels, mais desmoins poétiques. En vain Liona, rouge, confuse,perdant la tête, appelait Capria avec des gestesdésespérés. La bonne Mte n'en continuait pasmoins au milieu d'une hilarité insensée. A lagalerie, les femmes se renversaient les unes surles autres dans des attitudes pâmées; en bas,dans les gilets en cœur, les ventres avaient detumultueux tressautements. Il y avait des spec-tateurs qui pleuraientde joie. Là haut, les mu-siciens se tordaient. Jamais on ne s'était tantamusé, jamais on n'avait si bien ri.

La pauvre Liona, d'abord anéantie, comprit enune seconde l'étendue du désastre. Le ridicule

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ne pardonne pas. Lea larmes aux yeux, eUe re-prit desespe~mentle chemin des ~~Fies, <an<sque Caprh, houreuse de lu aaUataet!on du de.voir accompli, la suivait en gambadant.

En vain, !ea spectateursvoulurent la rappeler.H y eut une nouvelle apparition d'un groomtrès etegant, armé d'une vaste pelle qui rcdou-Ma l'hilarité. Tout était fini

Et vo!t& pourquoi le monde équestre et art!s-tique compte une étoile de moins, et pourquoila petite Liona FËMrd est restée tout simptementune ravissante fille avec un nez troussé à l'im-prudcnec– ce qui, après tout, est quelquechose.

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PROMENADE MATINALE

Mon Mcutenant, Il cat quatre heures.Je réponds par un grognement.–Quatreheures,mon lieutenrnt, insiste mon ordonnance, et ilfaut <!<re à cheval à quatre heures et demie.Je me tourne et me retourne, essayantd'engageravec mon oreiller des raisonnementsdésespères,tandis que mon dragon se promène lourdementdans la chambre, en faisant sonner ses éperonsavec affectation.

J'ouvre un œit; au coin du lit, je vois mesgrandes bottes luisantes comme desmiroirs, puis,étalé sur une chaise, ma tunique de manœuvre,mon sabre, ma giberne. Allons, il n'y a plus ahésiter. Houp t & bas du litt

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Et ma voilà sur pied U fait un temps superbe,t'avenue do Saint-Cloud est encore déserte, etdevant ma pane ;'aperçe!s ma brave jument quitoute harnachée, attend tranquMtemeni en m!chant son mors et hennit tout a coup en mevoyant ta !a fenêtre. Eh Mon, vrai, je ne suisptu$ du tout fach<' d~tfe levé.

Me ve!!a parti a ta tête de mon peloton avecmission d'aner ruconnattro les environsdu Mont-VaMr!en, et d'exercer les hommes au service eneantpngne. Les chevaux sont bien on main ete<crnucnt bruyamment en humant avec plaisir lafraîcheur du matin; les hommes, derr!cre moi,aOgnespardeux, causent ga!cment,heureuxde res-pirer. un air plus pur que celui de la chambrée;ennn le soleil luit aur tout cela, piquantdesetin-celles d'or sur les boutons deshabits et les ornements des gibernes. J'envoie éclairer ta route adroite et a gauche,deux kilomètres, puis unepartie du peloton part avec un sous-omctcr pourfouiller Suresnes. Devant moi s'étend la vatteede la Seine, au det& de laquelle apparaissentdcns un léger brouillard les arbres du Bois deBoutognt..L'herbeest humidede rosée it s'est at-tache aux Heursde petites gouttes d'eau qui brit-lent comme des perles, tandis qu'ailleurs il s'estformé comme de longs fils de la Vierge. Dansles bois, les oiseaux s'éveillentet gazouillent par-

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~ut te <:ahw) loplu~comp~t;avec cela Msoumeun petit vent trais, detideux, et je me sens en-vahi par un Men~treind~noissabte.Au loin, dansune vapeur Mcuatre, apparaissent confusémentles monuments et lex prem~rea maisons doParla.

Kt je songe que, titaas ce Paris, il y a quel-~Me part une rua LaHtdc, où dort pcsamtnammon cousin Kaymond, qui certes passe pour unheuMux t~t~u. va ao tever & ttnxc heures; i!déjeunera aans appc<!t; il a'haMMcrtt ensuite, M-sitant un moment entre la cravate bleue a poisnoirs ou la cravate noire à pois bleus; puis ilmontera & cheval Mns conviction,et fera fairedu pas, la bride sur le cou, le tour du bois a sajument. C'est ennuyeux, mais c'est la mode. Lesoir, il endossera l'habit noir et ira passer sa soi-rée dans un lieu public quelconqueil y M itterapour la bonne raison que tous ces plaisirs tou-jours répètes i'ennuieM profondément, et cnttnn ira se coucher très tard, se demandant si,comme Titus, il n'a vraiment pas perdu sa jour-née. Moi, je suis levé depuis quatre heures, etje vous assure que je ne m'en repens pas; tout lelong des rampes qui mènent au fort j'aperçois

mes petits dragons qui vont, qui viennent et quigalopent & faire plaisir. Ils vont revenir d'a-

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pre~ leur rapport t'enverra! un topo au général,un rien, quelques hachures, un peu de bleupourfaire la Seine, un peu de rose pour MM te fort,<,a et là quelques teintes vertes plaquées à grandeeau, et puis voila: le général sera enchante. –Adix heures, j'ira! déjeuner à la pension avec mescamarades. Dix huit bellesfourchettes, je vous as-sure, careux aua~ se sont tcvesmat~n, et le grandair a ouvert de formidables appeths. Nos âgesvarient de vingta trente ans et dame, les conver-t.ation$sont quelquefoisun peu decoMetees ma!s.

en somme, c'est d'une gaieté folle. A onze heures,on nous communiquera la dec!s!on peut-êtreyaura-t-ilquelque revue a passer, quelque expe-rience de tir, quelque ordre à donner de toutefaçon on aura le sentiment de faire quelque chosed'utile, et, après cela, il pourra bien arriver qu'onaille passer gaiement la soirée & Paris; le maré-chul Bugeaud n'a-t-il pas dit que a la bonnehumeur était une vertu militaire a. Le soir, ondormira du sommeil du juste, et le lendemainon recommencerade plus belle.

Et, quund on a fait ce métier-là pendant quel-que temps, non seulement on y prend goût, mais

on finit par trouver quec'est la seule existence pos-sible. Ah! mon pauvre cousin Raymond, quevous nous faites peu envie, vous et la bande de

crevés où vous vivez. Tenez, on avait cru que

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cette race était disparue, eh bien, aiies au cirqueun samedi soir, et vous m'en dire~ des nouvelles.Les teiMs sont de nowYeaHpS!e'<esyeaxptom"bas et les dos vo&tes. Voici donc ce quesont redevenus ces gaillards au teint bfanzëqui s'en aUnient le képi sur l'oreille et le sabreau poing se battre et se fuire tuer si briiiotnment!Où sont donc tes francs-tireurs de Franchctti,les mobiles de Maehenoir,les gardesnationaux deBuzenvai ? Hctas, ia paix leur a crée de nouveauxtoisirSt et Ils sont redevenus aujourd'huice qu'ilsétaient hier. Eh bien, entre nous, est ce pas dom-mage qu'une bonne et belle loi sur le serviceobligatoirevienne rendre & tous ces p&ies crevésla santé, !a bravoure et la gaieté ?

Tenez, mon cousin, supposez qu'on vous aitun beau jour donné comme à moi après Reis-chotfen, un détachement de vingt-cinq conscrits& conduire de Lille & Metz. Cela n'a l'air de

rien, mais les chemins de fer ne marchaientqu'avec intermittence. !t a fallu conduire, loger,nourriret surtout surveillerces hommesau milieude mille difficultés. Les populations, par sym-pathie, voulaient nous les griser on chantaittrop la Marseillaise, et, plusieurs fois, hélas til fallut employer avec mon brave sous-officier

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la forcephysique pourlesfaire remonter dansleurswagons. Nous arrivâmes a Metz l'avant-vaille dela bataille de Borny, juste au bon moment. Oh,te beau temps de combats, de fatigues et dedangers! On ne dormait plus, on ne campaitplus; on mangeait rarement, mais on se battaittous les deux jours, et quelles batailles Borny,Cravelottc~ Saint.Privat, Co!acy, Sa!nt'8ebast!en,iottes qui nous laissaient pleins d'espoir, carelles étaient presque des victoires. Puis touts'arrêta on rcst& deux mois au camp sous lapluie, dans la boue, sans autres nouvelles queles sinistres rumeurs qui nous arrivaient dudehors, sans autre nourriture que nos dernierschevaux, qu'on ne nourrissait plus et qui tom-baient d'eux-mêmes avant d'avoir été désignéspour la boucherie. A la fin d'octobre, nousreçûmes le dernier coup, on nous apprit la capi-tulation en même temps qu'on nous donnaitl'ordre de conduire nos troupes à l'ennemi.

Jamais je n'oublierai ce jour-là. On revêtit lagrande tenue, on mit une dernière fois les plu-mets, les épaulettes et les aiguillettes d'or, puison mena les hommes bien alignés devant laferme de Bellecroix tout le monde'pleurait.–Un à un, nous remîmes les hommes de notrepeloton à un major prussien qui en faisaitFappel & haute voix le soldat nommé sortait

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du rang, vous lui donniez une dernière poignéede main, puis H passait de l'autre côte. et vouscessiez d'être son omc!cr. Lorsque ce fut nni, leplus ancien adjudant, qui des lors faisait lesfonctions de colonel, se passa la main sur lesyeux, toussa, puis commandad'une voix sonore:

Par quatre files à gauche marche t enavant, gu!dcà gauche.-Et nosbravescompagnonss'eto!gncrentau cri de e Vive le colonel, vive laFrance! <

Croyez-vous que de telles emottons s'oublient;croyez-vous que lorsqu'on a ainsi connu la faim,la soif, le péril et la douleur, on ne sente pas ensot-même qu'on vaut quelque chose de plus.Après, nous partîmes & notrs tour en AUemagne,empilds dans des wagons à charbons, assis àdécouvert sur nos cantines,par une pluie battante,

sans même savoir où l'on nous envoyait. Encaptivité nous eûmes chaque jour sous tes yeuxles caricatures, les articles et les chansons faitescontre nous chaque soir nous entendîmes crierpar les rues de la ville les nouvelles de nos dé-sastres nous vimcs de nos tenCtrcs les illumi-nations et les réjouissances fêtant les conditionsdésastreusesde la paix. Nous avons tout éprouve;le coeur a autant souffert que le corps, mais, aumilieu de tout cela, nous avons vécu doublement,et, un beau jour, lorsque nous sommes revenus

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en France, noua nous sommes troncs toutautres, faits et prêta & tout, ayant beaucoup vu,beautoup appris, et surtout rien oublié.

Vous aussi, mon cousin, vous n'avez rienoublié, et vous comptez bien nous le prouverun jour; mais, pour cela, il ne faut pas resterchez soi, il faut accepter franchement tes con-séquencesde la nouvelle loi et.

.MonUeutenant, nous avons visiteSuresnes.U y a environ deux mille habitants hangarspour sept cents chevaux, manufacture d'acier,quatre boulangers,trois boucherset une forge. Lesroutes qui conduisent au fort sont bonnes, etl'on pourrait y marcher en colonne par quatre.

Déjà neuf heures et demie & quoi diablepensais-je! C'est bon, mon brave, rassemblez voshommes, et maintenant vivement au trot pourrentrer au quartier. Sapristi que j'ai taim t

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POUR LES PAUVRES

Alors, Cheramy, demanda don Miguel yGibraltar, vous pensez que mes amis Papelitos,Castagnettas et moi, nous ferions bien d'aller à

cette Fête des Fleurs?tCheramy, Mme de toutes ces fStes, répondit:

Comment donc! Mais, c'est-à-dire, que les

personnes qui manqueraient à cette réunion decharité, seraient à jamais rayées du livre d'ordes notabilités parisiennes.

Diable, et comment faut-il se rendre a

cette fête, en victoria, en landau?Il faut y aller en break, à quatre chevaux,

avec la caisse, les roues, les lanternes, les siègesgarnis de fleurs. Tout le faubourg Saint-Germainsera ainsi enguirlande.

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Pas possible!Il faut que votre cocher ait un bouquet à

son fouet, que les valets de pied aient un bou-quet à la boutonnière, que sur les coussins vousayez des corbeilles dorées pleines de petits bou-quets bien en main, et tout prêts à être jetés. cVenir autrement à la Fête des Fleurs seraitindigne d'un Miguel y Gibraltar.

Je vous remercie. Seulement.dans monpays, nousn'enguirlandonsjamaisnos breakset.

Ne vous occupez de rien je vous enverraima fleuriste, et elle se chargera de tout sur marecommandation. Je dis SK~ ma recoMMMaa~a/tOH,

car demain vous ne trouveriez pas, dans toutParis, un bouquet de roses. Avec une centaine ·de louis, vous aurez un break des plus catapui- t

tueux, et du coup, vous prendrez rang parmi rles hautes personnalités mondaines, les select z

et les exquisits.Cent louis?.. Enfin pour être exquisit, ce

n'est vraiement pas trop. Dites à votre fleuristeque je lui donne carte blanche. <

Le lendemain, la rue Christophe-Colombétait c

en rumeur. Tout le monde s'était mis aux fe-nêtres pour contempler, non sans une nuanced'étonnement, un magnifique break à quatrechevaux qui stationnait devant l'hôtel de Gibral-tar et disparaissait littéralement sous les fleurs.

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Le cocher et le valet de pied avaient une cas-quette de roses mi-partie blanches et rouges, etle fouet garni de (leurs enroulées comme autourd'un mirliton, portant un bouquet en guise demèche.

A quatre heures, le comte Miguel y Gibraltar.escorté de ses amis le maréchal Castagnettas, lemarquis Papelitos et quelques autres seigneursde moindre importance, montèrent triomphale-ment dans le break, qui prit le chemin de l'Arc-de-Triomphe. Arrivée devant les Pannés, lavoiture enguirlandée eut un véritable succès. Ongrimpait sur les chaises, on se bousculait pourmieux voir; c'était des oh! et des ah! dictésautant par la surprise que par l'admiration.Dans l'avenue du Bois-de-Boulogne, on accro-

cha trois fois, tant le break donnait de distrac-tion aux autres cochers. Pendant ce temps, nosamis se rengorgeaient tout fiers dans leur bellevoiture, grisés de parfums et d'acclamations.Ah je vous prie de croire qu'ils ne regrettaientpas leurs cent louis! Quel enthousiasme ilsallaient causer parmi les e-f~MM~ du noble fau-bourg, et quelle superbe façon de représenter laRépublique Équinoxiale du Sud à Paris!

En arrivant au bois de Boulogne, il fallutpasser au pas pour prendre la file. Boggys élé-gants, charrettes anglaises bien suspendues,phaé-

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tons corrects et dignes, milords moelleux, huitressorts gigantesques avec cocher se perdantdans tes nues, cabriolets attelés en tandem, etc.,etc., arrivaient au trot a une allure bien caden-cée et prenaient le pas en atteignant la queuede la file qui bientôt rejoignit la tete. Les orne-ments du frontail, les chiffres des sellettes etdes plates-longes, les chaînesdes attelles, te me*tal das lanternes, tout cela étincelait au soleil,dans une poussière d'or, tandis que les fouets,tantôt immobiles, tantôt levés, pour indiquer untemps d'arrêt, formaient une ligne bizarre, toutefrissonnante sous le bleu du ciel. Mais de voi-tures de fleurs, aucunel.. Ç~ et là, les gardesmunicipaux, en grande tenue de service, avecla culotte blanche et le plumet au casque, setenaient immobiles, comme des récifs, au milieude ce flot roulant de voitures. A l'entrée deslacs, la musique de la garde républicaine, ran-gée sur une estrade, faisait entendre ses plusbrillantes fanfares. Au loin résonnait le vacarmepopulaire de la fête foraine de la Muette,commeun écho affaibli de pétarades, de roulements detambours mêlés aux glapissements des orgues deBarbarie.

A hauteur du premier lac, nos rastaquouèresavisèrent Cheramy qui, la boutonnière ornéedes insignes de commissaire, indiquait des me-

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sures d'ordre aux sergents do ville et aux gardesdu bois. il salua au passage le break de Gibral-tar.

A la bonne heure, lui dit-il, vous êtestout à fait dans la note.

Vous trouvez? dit Miguel; y c-t-U beau"coup de voitures fleuries?

Beaucoup. La bataille des tleurs a déjàcommence.

Mais, !ns!sta Castagnettas, je ne vois quenous ainsi enguirlandés.

Plus loin, entre les deux lacs, vous verre:vous verrez!

La-dessus, le break s'engagea dans J'allée deslacs. Ce n'était plus de l'admiration qu'il cau-sait, mais de la stupeur. La foule faisait la haiesur le passage, on montait sur les coussins desvoitures, on se penchait au dehors des portières;mais, d'ailleurs, sauf deux ou trois véhicules,servant de réclame & quelque grand fleuriste duboulevard, on ne voyait pas une seule autre voi-

ture fleurie. Miguel y Gibraltar commençait aêtre un peu inquiet. Castagnettas commentait lesbrocards qui s'élevaient de la foule. Papelitosétait exaspéré et affirmait au maréchal que lebreak était absolument grotesque,et qu'ils étaienten train de se couvrir de ridicule devant toutParis.

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Une seconde fois, i~ ttapperem au passadeCheramy, toujours iras ajnaire et nanqua de deuxofficiera do paix.

Pardon, a'ecria Miguel, mate est-ce quepar hasard, vous auriez voulu vous M~quep donobles ~tran~ers?

QM! peut vous faire cro!fe~.n'y a atwtttttnorn ~Mo n~us H!nst cngMtr-'

tandës, et noMa ne voyons pas la moindrebatatUc de Heura.

Un peu do patience, que diable, voua't'Jtes pas encore orrlvé sur le lieu de ta lune.

Vous save}!, reprit Papelitos en crispantses doigts autour d~uno canne easse-tCte garnied'émeraudes, si vous vous Jticz moque de nous,cela ne se passerait pas en conversation.

Je vous le promets! appuya le maréchal.Je vous Fanirme! continua Papelitos.

Tous ces rastaquouères roulaient des yeux ter-ribles et grinçaient des dents sous la moustachenoire-bleu. Cheramy entrevit un scandale epou-vantable, un lutte en plein tour du lac, un pugi-lat désastreux avec des sauvages. Au fait, ce n'é-tait pas sa faute a lui, si l'on n'avait pas mieuxrépondu a l'appel de la Presse, et si les Parisiensrefusaient de s'envoyer des fleurs à la tête, maisil fallait calmer la fureur de ces moricauds.

11 faut absolument une bataille de fleurs,

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se dit-it, et M prit au gatop tu chemin de lapelouse de ta Muette. t~, & cûte du pavillon dela Presse, était dre~e un bar coquet des mieuxachatandcs. Derrière le comptoir de marbre setena~nt debout Mne douzaine de )ot!es (mes,en robe de ao!e, très decottetees, couvertes dobijoux et tendMHt des bocks aux promeneursavec det mains chapes de bagHcs.

Encore une ides & moi, murmura Chc-ramy, la &ae Oenr de la brasserie Mëd!< V~Uaqui va rapporter gros 1

Puis, d'une voix Impérieuse, !t appela:MesdemoiscttcsSapho,Lazarinc,CHo, Amanda~

Boute-de-Su!f,Letia, Rosette et CameHa, metMK

vos chapeaux et tenez'vous toutes pr~MS a mesuivre. Vos amies suHtront pour le servies dubar.

Ces demoiselles, sons rétamer, avec ta doci-lité inhérente au métier, quittèrent leurs bockset arborèrent les Gainsborughs. les Devonshireset tes Chartes IX orn<ïs des plumes tes plusvoyantes.

Pendant ce temps, Cheramy arrêtait au pas-sage une demi-douzaine de chars-rectame defleuristes.

Mesdemoiselles, voici mes ordres. Chacunede vous va monter dans une de ces voitures etlorsque vous verrez arriver un break enguirlandé

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auprès duquel jo me tiendrai, vou~ couvrireaMbreah de <teuM. E~t-ce comprît?

Parfaitement! s'écria Sopho. Je croh qu'onva rigoter!1

Vous alloz voir comme je vals faire ma~<M<?tAe~ «~r!a mademo!seMa BoMts-de-SMtf,

en s'installant d'un air royat sur les <:onss!ni<

de la v~hnrc.La pree<!ss!en s'~branta et M mOta a ta file des

voitures. Quant A Cheramy, M rcjotgnh le breakHeur!, bien facile a retrouver au milieu des voi-

turcs Mmbres.Il était temps! Miguel voulait s'en aller,

mais n'~<a!t retenu que par la désir bien Mg!-<!mc de Papctitos qui voulait scalper d'abordCheramy.

Ah vous v«ita! rugirent les rastaquouères.Oui me voilà, et comme nous allons entrer

dans le fort de ta Kte, je viens vous servir decicérone.

tt n'avait pas fini ces mots que le break croi-sait ta voiture de mademoiselle Lazarine.

Celle-ci sur un signe de Cheramy, envoyaun splendide bouquet de roses à Miguel y Gi-braltar. Celui-ci, soutenu par Panatellas, ripostapar une gerbe de bleuets et d'ceittets blancs, etils reçurent encore deux autres bouquets de lamain de Lazarine.

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Mïguct rayonnait, t~ tftar~h~<!tait anehnn~.Quette est ccne HitnaMa dame? demanda

M!~aat Cherry.Madame ta comtesse de MourtaMs )1

Pour le coup, nos MMaqMoaëres ne se tinrentpas de joie. La eonwMe, la e~Mbrc comtesse,enc-mStnc avait da!~n<S. Mots ils n'avaient paa(tni de se Mt<e!Mr que sHr un nouveau signe deCheramy, une nou\'c!te pluie de neurs fondaitsur !c braa! cnvoyea ~<'U< ff!~ par Mnde<ne!-selle Sapho.

Madame la marquisc de BaHtÏet, murmufaCheramy.

Puis ce tut le tour d'Amanda, de Clio, deLitia, de Rosette, de Camélia, et chaque foisCheramy se penchait vers la voiture en d!aant àvoix basse la duchesse d'Ouzes, la duchesse deLabrochefoucault,etc., etc.

Quant à mademoiselle Boute-de-Su!f, elle en-gagea une véritable lutte avec le général Casta.gncttas, à la grande joie de la galerie; elle abat-tait chaque fois son chapeau en criant e Tiens,mon bonhomme Attrape celui-là Bing Etencore eetui-I&! Vian! e Castagnettas était auseptième ciel.

Qui est-ce, dit-il, qui est-ce?Madamela princesse de Raglan eUe-memett

dit Cheramy, saluant très bas.

7.

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–Si simple et si bonnet décria le généraltout attendri.

Oh 1 €'eM pour les pauvres expliquaCheramy; aujourd'hui ces dames abdiquenttoute espèce de morgue dans l'intérêt despauvres 1

–C'est beau, c'est grand, c'est généreux!s'esctamerent en cheeur les rastaquouères.

jMma!s !!o ne datent autant atnus~, leur voi-ture regorgeait de fleurs envoyées, et furce leurétait de convenir que ce faubourg Saint-Germainqu'on disait si peu accueillant et si eotiet-monte,était au contraire plein de courtoisie et d'urba-nité pour les étrangers.

A sept heures et demie, ils rentraient à Parisenchantes, ne regrettant qu'une chose c'est quela F<hc des Fleurs fût déjà finie. Heureusementon pouvait revenir le soir même au Bois deBoulogne, pour la F6te de nuit.

Après avoir bien d!ne dans un cabaret duBois, vers neuf heures du soir, Miguel, le mar-quis Papelitos, le maréchal Castagnettas et leursamis faisaient donc une nouveiie entrée dans latête. Ils circulaient éblouis, au milieu des illu-minations en verre de couleur, des soleils, despétards; ou bien, huchés sur une table, ils ap-plaudissaient le défilé des cuirassiers, des dra-gons et des pompiers munis de torches escor-

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tant la retraite militaire; puis <r~ gaia, un peutane~a par t'onet de ta digestion et des vins ca-piteux, i!~ se dirigeaient vers la pelouse de laMuette pour y admirer la Mte foraine.

C'est très beau, mais cela manque de <atn-

mes du monde, soupïrah Castagnettas.La journée a été assez rude pour elle%, 11

faut bien qu'elles se reposent, répondit Miguell~

d'ailleurs. à défaut de grandes dames, j'aperçoisla bas un petit bar qui m'a l'air très coquette-ment garni.

Et de fait, il y avait une véritable bousculadedevant le comptoir où ces demoiselles, le teintrouge, rcett aMume, tenaient tcte a tous, et ver-saient à boire avec toute sorte de mines provo-quantes.

Allons s'écria le maréchal enthousiasmé,du même ton qu'il eut crié A l'assaut t

Mais, arrivés devant le bar, Castagnettas poussaun cri de surprise.

Dans ces vendeuses maquiUees, ii venait dereconnaître la duchesse de Labrochefoucauit, lacomtesse de Mourtaiès, la marquisede Baliffet etla princesse de Raglan1

Qu'est-ce que celasignifie? s'écria Gibraltar.Cheramy se serait-il encore moqué de nous?C'est ce que nous allonsvoir.

Et don Miguel et ses amis s'en furent au Pa-

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viHon de la Presse, où Us savaient trouverChe-ramy.

Les rastaquoueres se précipitèrent vers lui engrinçant des dents et en agitant leur stick doreet leur eassc-tëtc garni d'cmeraudes.

Comment se fait-il, rugit don Miguel, quevos femmes du monde tiennent un bar?

Elles sont toutes ? à boire du vin de Cham.pagne avec la foule, et à vendre des bocks, vo-ciféra PapeMtos.

Ex,)'t!quez-vous,caramba! hurlaCastagnettas,la canne levée.

Oh, c'est bien simple, commençaCheramy,pour gagner du temps, mais au fond assez em-barrassé. Quel guignon avait poussé ses rasta-quouères juste du côté du bar Medicis ? Pour-quoi n'avaient-ils pas plutôt été du côté de laFemme-Torpille ou de la Mer-sur- Terre? Toutà coup, inspiré

Quand nos grandes dames de France semettent & se dévouer, dit-il gravement, elles neconnaissent ni la fatigue, ni tes scrupules. Tan-tôt elles ont payé de leur personneen envoyantdes fieurs; ce soir, elles tiennent un bar et met-tent leur grâce et leur beauté au service des pau-vres. Tout pour la charité 1

Est-cepossible ?s'écrièrentles rastaquoueres,encore indécis.

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Et, s! j'ai un conseil à vous donner, conti-nua Cheramy~,c'est de vider vos escarcelles entreles mains decesdem. de ces dames. Vous nesauriez faire un plus noble usage de votre argent.

Ni un plus agréablet s'écria le Gibraltar,tout a fait radouci.

Et U entraîna ses amis vers le bar. La bandejoua des coudes pour arriver au premier rang.Ces demoiselles, reconnaissant les hôtes cossusde la voiture enguirlandée. furent aussitôt plei-nes de prévenances, et leur versèrent à nots lechampagne à un louis le verre.

Accoudés sur le comptoir, nos rastaquouèresles dévoraient des yeux. L'heure avançait, lespromeneurs devenaient plus rares, la fête forainetirait & su fin, et nos nobles étrangers, méduses

par l'admiration, se grisèrent de paroles et devin de Champagne, sous l'action des beaux yeuxdes vendeuses.

0 princesse! princesse! murmurait Casta-gnettas, qui avait fourré complètement son nezdans l'oreille de mademoiselle Camélia, que je

vous admire. et que je vous aime 1

Papelitos tenait la main de mademoiselle Sa-pho Castagnettas débitait des choses énormesà mademoiselle Camélia, qui baissait pudique-ment les yeux, et don Miguel, complètementparti, disait à mademoiselle Boule-de'Suif:

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–Duchesse! duchesse!. je vous emmène-rais au bout du monde. Veux-tu que je t'em-mené au bout du monde, dis, veux-tu ?

Cependant les bruits s'étaient éteints petr A

peu, les baraques étaient fermées; les illumina-tions agonisaient dans tes verres de couleur, avecdes lueurs de veilleuses.

H faut s'en aller' s'écria mademoiselle La*zarinc.

Oui, mais pas avant d'avoiroffert à ces mes-sieurs un dernier verre, riposta Sapho.

Une nouvelle rasade de vin de Champagne,toujours à un louis le verre, acheva nos rasta-quouères.

Au fait, pourquoi nous séparer, balbutiaMiguel, insinuantet complètement gris. Songez,Mesdames, que c'est pour les pauvres 1

Vous en avez déjà tant fait Cheramy nousa dit que vous ne connaissiez ni scrupule, nifatigue, appuya Castagnettas,dans le même état.

Oui 1 oui 1 nous vous en supplions. Faitescela. pour les pauvres conjura Papelitos toutattendri.

Eh bien, Messieurs, nous le ferons. ré-pondirent ces demoiselles avec une simplicitétouchante.

Un quart d'heure après, trois fiacres emme-naient nos étrangers et leurs conquêtes vers les

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h&uteutsdu quartier iattn. presque le faubourgSaint-Germain.

Le lendemain, au caM de la Guerre, Cheramy,à l'heure du déjeuner, vint se heurter contre lesrastaquouères qui l'entourèrent de nouveau engrinçant des dents.

Monsieur, commençacastellnettasmenaçani,savez-vous comment s'appelait la princesse deRaglan qui m'a emmené hier soir rue Cu)as:Elle s'appelle Sapho 1

La comtesse de Mourtalès m'a dit ce matinqu'elle s'appelle Camélia1 continua Papelitos.

La duchesse de Labrochcfoucauit s'appelleBoule-de-Suif!

Vraiment, Messieurs, répliqua Cheramy,sans se déconcerter, je ne sais quelle mouche

vous pique. Reprenons et envisageonsles chosesde sang-froid. Oui ou non, vousêtes-vous amuséà la Fête des Fleurs?

Beaucoup!Oui ou non, vous êtes-vous diverti au bar

Médicis ?Énormément?Oui ou non, ces demoiselles étaient-elles

jolies ?Ravissantes!1

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Ainsi, de votre propre aveu, vous avezpassé une journée charmante, une soirée déli-cieuse, une nuit exquise 1

C'est vrai.Alors: De–qMOi–vous–pïaignez–

voua ?Comme disait, en semblable occurrence, le

vicomte de Gardefeu au baron de Gondremark.

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FIN DE SAISON

Pour une raison quelconque, on est venufaire sa cure dans la ville d'eaux lorsque lasaison tirait déjà à sa fin. A l'arrivée, on a en-core trouvé un temps superbe et un monde fou.Le casino est, chaque soir, brillamment illu-miné et joue les opérettes en vogue. A la source,il y a une véritable procession de buveurs et debuveuses, celles-ci très dégantes, avec des cos-tumes mi-partie espagnols et basques, et desarrangements très heureux de bérets et de man-tilles. Dans les rues, un grouillement joyeux decavalcades et de voitures menées à quatre enarbalète avec les grelots traditionnels partoutdes coiffures à Finstar de Paris, des couturières

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en renom montrant derrière leurs vitrines lesdernières contorsions du psehutt, des boutiquesvendant les bibelots du pays puis, au grandhôtel, une animation extraordinaire, garçonsd'équipe affairés, chasseurs, valets de chambre,marchands de journaux l'ascenseur n'arrête pasune minute sous la direction d'un grand gaillarddéguisé en capitaine do vaisseau. Le soir, dansune salle monumentale, trois cents couverts àla table d'hôte, et, au restaurant, une cinquan-taine de petites tables autour desquelles volti-gent je ne sais combien de maîtres d'hôtelscorrects et frisés au petit fer.

Puis, les mauvais temps arrivent, la sai-son tire à sa fin.

Chaque matin, devant le grand hôtel, ce sontdes files de départ. Les malles sont entassées

sur le train de derrière des voitures, les voya-geurs tout emmitouflés dans leur paletot, par-tent d'un air guilleret en jetant un regard desatisfaction sur les sommets qui commencent a

se couronner de neige. On n'est plus qu'unetrentaine au restaurant. La table d'hôte a ététransportée dans un salon plus petit. Quelquesboutiques élégantes ont commencé par fermer.Les rues deviennent moins bruyantes, les chaus-sées moins dangereuses, les cochers moins arro-gants.

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Tout à coup une grande affiche paraît a Pourles adieux de la troupe a. C'est la dernière re-présentation. Les artistes du théâtre partent lelendemain; par contre, plus de musique surl'Esplanade, le casino sera désormais fermé.Alors, c'est la débandade; les départs ont Heu

par centaines chaque jour, on pourrait direchaque heure, amène un assombrissement dansle tableau. Les petites boutiques toutes illumi-nées qui donnaient chaque soir a la place unaspect de kermesse, disparaissent une à une,éteignant leurs bougies. Le polichinelle part ason tour, un polichinelle étonnant qui entamaitdes discussions avec l'assistance au milieu desrires et avait toujours le derniermot. Le servicede la source et des bains cesse d'être bien fait.Quand on arrive, il faut appeler partout le

garçon. A quoi bon? il n'y a presque plus per-sonne.

Les habitants du pays reprennent peu à peupossession de <t leur ville ». En grosse vareuseet coiffés du béret national, le parapluie sousle bras, ils reparaissentpar groupes, et regardentd'un air narquois les attardés qu'Us voudraientvolontiers chasser par les épaules. Sur lesjolies routes qui mènent aux sources, ils ont

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tendu des cordes qui barrent le chemin, et,'sur ces cordes, !h font triomphalement sécherleur linge. Les MÏMeura & t'tns<ar de Paris sontpartis avec lea couturièrea. Les rues deviennentMMtcs noires, Les tnarchands de journaux n'ontp<Ma que le P<*M ~K<M~ et. la <f~/<' G~-rott~c, et encore !h vous annoncent qM'Ha nerestent que )usqu'& la fin de la semaine.

A l'hôtel, on a ferme l'annexe et renvoyé lamoitié du personnel; on déménage les chambres,on empile les meubles, le capitaine de vaisseaudémonte mélancoliquement l'ascenseur. Au res-taurant, it ne reste plus que trois ou quatretables. Chaque jour amène la disparition dquelque visage ami, de quelque gracieusesilhouette de femme qui éclaircit encore uncoin. Un soir, on voit dresser, au milieu durestaurant, une table de douze couverts; c'estpour tes derniers survivants de la table d'hôtequi, tout piteux, font leur entréeparmi nous,a pour simplifier le service n.

Comment! pas de fruits?..Si monsieur veut des confitures ?..Et plus de petits pains?Monsieur, le boulanger est reparti à Tarbes.

On n'a plus que le pain du pays.

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Et tu pluie tombe par rafales, et, dans sochambre banale d'hôtel, tes pieds sur les tisonsqui fument, le voyageuronardc, de plus en plusseul, et de plus en plus triste, dans cette v!Mo

où tout disparaît, ott tout a'evanou!t graduel.lement, ou chaque bruit de grelots est le signâtd'une nouvotte de<ee<!on, semble te dernier re-prcstcntant d'une race disparue, et compte ttc-vreusement les minutes qui le séparent de ia tinde sa cure époque bénie où, lui aussi, pourras'envoler loin de ce lieu perdu et maudit t

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POUR D!EU) POUR LE CXAR!POUR LA PATR!K!

Il J/~<MM<MM'<?Altesse, CM ~OM Adf< &OK~f«r~~CMMMM~

Ma chère amie,On prétend que vous aimez les militaires,

comme la Grande Duchesse. Voulez-vous dînerjeudi prochain avec quelques guerriers en c~ eten o~, très aimables et on ne peut plus dignesd'être aimés. de toutes les façons? Ma petiteamie Blanche Dartois consent & tenir le rôle demaîtresse de maison. Ce sera gai, je l'espère, etsi vous acceptez, j'en suis sûr.

Respectueusementà vos pieds.LADtSLAS KARAKOPF.

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<4 Mademoiselle ~AtMcAe Dartois, en sûM M~e~

tMC jRCtM~M~.

Ma beMe B!aneheMe,Je suis la liste d'invitationque tH m'as donnée

M}-m8tnc, et p!nvhe Altesse, Lucie Regnier,Ravaschotf, du Fronceraye et Mary Fabert. Quefaut-il faire pour être sûr que ces dames vien-dront. Je voudrais tant que ce dîner fut réussi!t

Un gros baiser sur le petit signe de la lèvre.Ton t.ARtSt.AS.

Au prince ~ara&O~ ambassadede Russie, Paris.

Mon gros chien,Si tu veux que ces dames acceptentton invi-

tation d'une façcn certaine, joins à l'invitationun bon pour une robe chez Lorth ou chezRinga, et signe.

Je t'embrasse comme je t'aime.BLANCHETTE.

A .A~MM<ew Dupont, tNtp~meMr,place du Caire.Prière à M. Dupont de m'envoyer immédiate-

ment six petits chèques ainsi libellés.Bon pour une robe chez Lorth, livrable pour

le dîner du jeudi. mai.Prince KAttAKOFF.

( AmttMMdede Russie, )

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AU CAPE X.t.B PRtSCB, AaotPHa,~hR~'MK).

Ls PRtscE. Le Seize est libre pour jeudi?Aoot.pHE. Oui, mon prince. Combien de

couverts ?LE PKtKCE. Douze. Je su!s venu travailler

un peu le menu avec vous, je !o veux très réussi.Aoot.t'HH. C'est beaucoup d'honneur, mon

prince. Certes, mon prince n'a pas besoin demes lumières; cependant, je me permettrai de luidemander quel genre de convives?

Lt: PatNCK. Comme hommes, la ~"s fleurde la diplomatie et de l'armée; comme femmes,la fine fleur de la galanterie.

AMt~pHE. Mon prince serait-il assez bonpour me citer quelques noms ?

Le PamcE. Mais volontiers. Nous avonsmesdames du Fronceraye, Altesse.

AcoLPHE. Bravo. Alors il nous faudra duBeycheveUe. Madame boit toujours du Beyche-velle.

LE PRINCE. Merci. Ensuite, nous auronsBlanche Dartois, Mary Fabert.

ADOLPHE. Heu! heu!LE P&mcE. Qu'est-ce qu'il y a?ADOLPHE. Rien, mon prince. Rien. Une

simple toux.a

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LE PtUNCE. Et, enfin, Ravaschoff et LucieRegnier.

Aoo!.pHE. H n'y a pas de bonne Mte sanscea dames. Eh bien, avec ces données, ;a vais

proposer à mon prince un menu. Ce ne seraqu'une esquisse, une simple ébauche, susceptiblede modifications.

LK PameK. AMez! aHez! )c m'en rapportea vous.

AMOt.pHË. Dans cette saison, pas d'huî~es.Sur la table, quelques crevettes de Dieppe,quelques filets d'anchois, plutôt comme orne-ment et comme amusement,pourpiquerquelquesnotes éclatantes sur le fond blauc de la nappe.Puis nous commençons par deux potages, graset maigre un consommé aux quenelles devolaille et un potage y&~<fo~'a, compositionsavante et veloutée dans laquelle il entre de labisque, du jus de gibier, des jaunes d'œufs, etqui, par ses propriétés.toniques, ferait revenir unmort.

LE PRINCE. Vous me metMz l'eau à labouche.

ADOLPHE. Ensuite, il nous faut deux rele-vés, un de poisson, l'autre de viande. Que diraitmon prince de côtelettesde homard créole avecde petites coquilles de laitance, et d'un filet debœuf servi en gelée?

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Ls PtuscE. Cela me paraît fort convenable.Aacn.pHE. Que mon prince ne craigne pas

de me craquer. Je ne suis pas impeccable.Comme entrée, je. proposerais timidement lesuprême d'ortolans truffés ou bien les cailles a laRégence. C'est à voir. (H <'<M<M <hM mte tengaemMiMOeo.)

LE PRINCE (oprjt an long tjkn:e). Il me scmMeque les ortolans.

Aoo~pHE. Oui! C'est parfaitement juste.Mon prince a un goût exquis et sûr. Où avais-jela tête? L'ortolan est indiqué. D'autant plus quenous le soulignerons par les écrevisses de laMeuse, en buisson. Ce sera d'une tonalité douceet chaude à la fois.

LE PRtNCR. Adolphe, vous 8tes merveilleux.AnoLpHE. Comme rôti, dans cette saison,

je ne vois guère rien de mieux qu'une poulardede la Bresse, sauce Périgueux. C'est un peulourd, mais il nous faut bien le plat de résis-tance constituantla charpentedu diner, charpenteautour de laquelle nous pouvons ensuite enroulerles astragales.

Ls PRINCE. Comment avez-vous dit? Lesastragales!

ADOLPHE. Parfaitement. Là il nous fautquelque chose de froid Aspic de foie gras auXérès?.. (Leagtaeace.) Heu! heu! Le foie gras estencore bon, mais ce n'est plus ça. Voyons, que

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dirait mon prince d'un chaud-froid de caille àla russe, accompagnd d'une salade vénitienne?îCe sera comme un point d'orgue, mâle et sonoredans le d!ner. J'arrive enfin aux fioritures de lafin. Là. rien à chercher les petits pois à lafrançaise et les asperges en branche. La bombenapolitaine aux fraises, accompagnée du biscuitKamouskiet un dessert élégant, léger et chic.

LE PRtKCE. Et la question des vins?ADOLPHE. Très importante. Mon menu

n'existe plus s'il n'est pas arrosé et ponctué parles crus en harmonie. Nous avons dit que ma-dame Altesse avait un faible pour le Beychevelle,nous le mettrons dans les carafes. Après lepotage, un doigt de Xérès retour de l'Inde. LeChàteau-Yquem avec les coquilles de laitance.Puis, arrivé au suprême d'ortolan, il faut frapperun grand coup avec le Mouton-Rothschild t85y.Une manière de tendre l'estomac en velours.

LE PtUNCE. En velourst

AnoLpHE. Avec les écrevisses de la Meuse,entrée du vin de Champagne. Monopole extradry que nous continuons avec le rôti.

LE PRINCE. C'est parfait. Je vous avoueraique je commence à avoir un peu mal à la tête.Cette concentration d'esprit sur un même sujet.Alors, nous sommes d'accord.

ADOLPHE. Pas encore. La question des

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Heurs. U faut une belle corbeille sur la table, sixbouquets de dames et six boutonnièresd'hommes.

LE PMNCE. C'est juste! J'allais oublier.Eh bien! }e vais donner des ordres à ma fleuriste.

Anot.pHE. Et les menus? Mon prince a-t-ilpensé a commanderchez Pusse des menus artis-tiques ? La mode est aux eaux-fortes appropriéesaux caractères des convives.

LE PMNCE. Allons bon! Voilà encore unecomplication. Il va falloir que je cherche, que jeréfléchisse.

Anot.pHE. Ce sontces petitsriens qui donnentla note parisienne. Si mon prince m'envoie les

menus la veille, je ferai inscrire, au verso, le nomdes invités et des invitées. C'est très anglais. De

cette manière, on se rappelle avec qui l'on apassé la soirée et le menu devient un véritablesouvenir.

LE PRINCE. Vous avez raison, Adolphe, maisje n'en puis plus. J'ai besoin d'air. Un peu plus,j'aurais la migraine.

ADOLPHE. Rien ne s'improvise, pas mêmele plaisir.

Ls PtHNCE. Adieu, Adolphe, à jeudi,sept heures et demie.

ADOLPHE. Je connais ces dames. Mon princepeut compter hardiment huit heures.

8.

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Au prince ~ar~c~, ambassadeur de Russie,à Parts.

Mon cher prince,J'avais accepté avec le plus vif plaisir votre

aimable invitation pour le jeudi, lorsque {'ap-prends par madame Ravaschoff, que mademoi-selle Mary Fabert sera parmi vos convives.Désirant, pour des raisons spéciales, ne pas merencontrer avec cette. femme, veuillez m'excu-ser si je reprends ma parole, et croyez à tousmes regrets.

Mes deux mains LÉA Du FRONCERAYE.

Au prince JCan~o~ ambassadeur de Russie,à Paris.

Patatras1 Le comte, qui était parti en Vendée,m'annonce son retour pour le mercredi soir.C'est la guigne noire Me voilà prise jusqu'àsamedi. Croyez à mes regrets.

Mes deux mains. RAVASCHOFF.Merci pour la robe de Lorth J'aurais tant

voulu l'inaugurer avec vous.

Paris de Paris, midi trente, matinPrince jKar~o~ ambassade Russie, ?arM.Joue jeudi soir, Théâtre Corneille, rôle Céli-

mène, dans Mariage Figaro. Impossibledîner.LUCIE REGNIER.

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Mademoiselle Blanche Dartois, en $oa hôtel,rite J~eat~aN~.

Ma chère Blanchettc,J'en aurai la fièvre. Voici trois défections pour

jeudi. De plus madame du Fronceraye ne veutpas dîner avec madame Mary Fabert, et l'onne peut décommander celle-ci, qui est invitée.Remettons le dîner à samedi. Remplaçons MaryFabert par Reine Malabarre, et charge-toi decontremander les femmes. Moi, je me charge deshommes. Quel tintouin 1 Je pioche les menusappropriés aux convives. J'ai à peu près trouvé.Jamais je n'aurais cru l'organisation d'un dîneraussi difficile.

Mille tendresses. LADISLAS.

Adolphe, MM~re dhôtel, café 7!MMe, Paris.Dîner remis à samedi. Même menu, mêmes

convives, sauf Mary Fabert, remplacée parRené Malabarre. Prévenez fleuriste.

Prince KARAKOFt.

PrtHce ~tr~&o~ <tM&<ïMa<<e de Russie, Paris.Mon gros chien,

Je viens de faire ma tournée en voiture pourdécommander tes invitées. Elles n'étaient pastrès contentes; mais enfin j'ai tout arrangé. Une

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drôle d'idéeque tu as eu d'inviter Reine Mala-barre. A huit. heures et demie,elle te téléphoneraqu'elle ne pew pas venir. Enfin, cela ? regarde.Tu verras la jolie robe que je me suis commandéechez Lortb. Je lui ai dit que le prix m'étaitindiffèrent, mais que, comme maîtresse de mai-

son, je tenais à te faire honneur. J'ai eu rai-son, n'est-ce pas?

Je t'embrasse sur ta grosse moustache rousse.BÏ.ANCHETTE.

Mon cher Prince,·

Ce qui m'arrive donc déjà, est biendésagréable!J'avais reçu votre dépêche e Dîner aujour-d'hui D. Je me rends au café X. et l'on medit Dîner ajourné. Ces télégraphistes n'en fontjamais d'autres. Je n'en serai pas moins heureuxde boire avec vous samedi prochain, au Czar, àla Russie et aux belles dames françaises. Asamedi sans faute, cette fois.

·Votre vieux compagnon d'armes,

Colonel FANKRATIEFF.

Paris, de St-Pétersbourg, 6 h. 20 matin.Ordre ministériel rappelle immédiatement le

prince Karakoff au commandementde son régi-ment. Il devra être rendu à Cronstadt au plustard le 20 mai pour s'embarquer sur le Dimitri-

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DoM~&ot sous les ordres de l'amiral Komilof.Le prince Karat:o~ occupera Bloerkesundsur lacôte Finlandaise et y attendra de nouveauxordres.

Par ordre, le générât spttunopF.

J~~&o~ Blanche Dartois, rite /?em&raM~,

Patatras Je pars ce soir pour Cronstadt.Anbte. Prévenez amis et'amies. Banquier payeradiner, robes, menus et bouquetières.

Un gros baiser et en route. pour Dieu, pourle Czar, pour la Patrie comme disait Maraisdans Michel .S<ro~o~Y..

KARAKOFF.

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MESSIEURS MARS

KT

MESDAMES VÉNUS

Lt: GÉNÉRAL. Pense tout bonnement à lagénérale, une enfant exquise qui était sa pupilleet qu'il a épousée lorsqu'elle a eu vingt ans. Ila tout juste vingt-cinq ans de plus qu'elle, maisil est si attentionné, si bon, si tendre, qu'ilespère bien arriver a se faire pardonner cet écartdes années, et à défendre sa brebis contre tes

attaques du loup.LE COLONEL. A rencontré au bal de la sous-

préfecture~ madame de Sainte-Estrapade, uneveuve plantureuse, de belle prestance, ayant Foeilde flamme, le verbe haut, la gorge catapultueuseet la main potelée. Avec cela cinquante bonnesmille livres de rente. Le colonelépouserait volon-

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tiers, mais Il voudrait être sur d'~re à hauteurde cette femme de feu.

L~ MEttTENAHT-co!.0!<Et.Tousles matins, illui achète le Figaro, et elle a une adorable façonde dire. u Merci, mon colonel a en rouissantjusqu'au blanc des yeux. Évidemment, elle estéblouieparle dolmanbleu de ciel et les cinqgâtonsor et argent sur ta manche. Mais une fois ledolman enlevé ?.. Serait-elle encore éblouie ?..

LE CHEF !~EscAMtOt<s. Depuis six ans avecNinetta, l'ingénue exquise de la Comédie-Fran-çaise. L'a installée dans un hôtel charmant duparc Monceau. Quand il n'est pas de semaine,passe toutes ses soirées au foyer de la Comédieou dans la loge de Ninetta. A déjà permute troisfois pour ne pas la quitter.

Lt: GROS-MAJOR. Il l'a connue demoiselle decomptoir à un grand café de Libourne, et, de-puis vingt-cinq ans, ils ne se sont jamais quittés.Elle l'a suivi tidèlement de Libourne à Mosta-ganem, de Mostaganem à Biskhra, de Biskhraà Carcassonne.

LE CAPITAINE-COMMANDANT. Un ~oir, à laScala, elle chantait

Petits oiseaux, non vous ne m'aimez plus!Était-ce la robe de satin, le décoUetage ou les

petits oiseaux ? Mais le rude capitainea été remuéjusqu'aux larmes.

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Lt: CAC<TA)KE E!< sEcoso. Est fou de BlancheRavascho~f. A fait percer pour elle une portedans le jardin de la rue du Boulingrin et adressé A son intention sa jument I.~t/f J~!<f.Satisfait toutes ses folies et espère compensercela par beaucoup de veine au club. Ça ira tantque ça ira. il sera toujours temps de filer auTonkin après le dernier routeau.

LE CApnAtNR tt<sTm CTRm. Liaison sérieuseavec la duchesse. Ne manque pas un wardi àla Comédie-Français?, un vendredi à t'Opéra,ni un bal où eUe se trouve, et se contente d'uneheure, tous les jeudis, qui lui laisse du bonheurpour toute la semaine.

Lt: t,<KUTEt<At<T EN pKKMtRR. Doit épouser,dans un mois, mademoiselle Suzanne de Cham-paubcrt, fille de son général. A d't depuis long-temps adieu à Satan et à ses œuvres. Y a-t-il unecocotte aussi spirituelle, aussi jolie, aussi gaie,aussi jeune, aussi fraîche ? Eh bien alors ? C'estlui qui est dans le vrai, et les camaradesgâchentleur vie avec leurs amourettes sans veille nilendemain.

LE SOUS-LIEUTENANT. -Toutes!Toutes! Toutes1Les brunes, les blondes, les rousses, les jolies,les laides. Ah ça lui est bien égal. Au fondc'est toujours également gai et également bon.Est-ce que, vraiment, il y a une différence

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quelconque entre une femme et une autrefemme ?

LE MëM!CtK"MMOR, Quoique marié et obligépar devoir, a une existence austère,est resté trèscarabin, et file souvent au quartier latin retrouverNana-la-Sauterelle, une ancienne du ~ot~WM.Cette femme-la vous a une façon de se laissertomber en faisant le grand écart Elle n'aqu'un inconvénient elle aime trop les bocks.

LR VËTHRtXjUREKS KtEtUEtt. A trOUVÔ, chC!!

le docteur, une nommée Victoire qui est bien laplus capiteuse créature! Sous prétexte d'étudesscientifiques, fait à chaque instant des visites à

son collègue, et vient toujours en manteau pourrester plus longtemps à l'ôter dans l'antichambre.Victoire, malheureusement,n'est libre qu'à l'heurede la visite & l'infirmerie. et c'est égalementcelle de la visite des chevaux.

L'ADJUDANT. La cantinière du demi-régimentde droite. Bouche ombragée d'un léger duvet,formes rebondies, et femme légitime du maître-bottier auquel elle donne un enfant de troupetous les ans. Le maître-bottierse plaint seulementde ce que l'adjudant a une note en souffrance desix cent soixante-quinze francs.

LE MARÉCHAL DES LOGts CHEF. Madame Cabi-rol, grande amoureuse au théâtre municipal.Depuis qu'il l'a vue jouer Marguerite dans la

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Tour d<* A~M se prive de tout pour assister

aux représentations. Malheureusement cela doito~

coûter cher une <H~< et il ne veut pas mangerla grenouille.

Le FounR!EK. Du dernier bien avec la mar-chande de tabac. Passe ses journées dans l'a) ri&rjboutique au grand scandale des officiers. Fait ==

admirablement son service, à condition qu'on luidonne fréquemment la permission de la nuit.

LR B<ut;AMt;M. A laisse lit-bas, au village,Françoise avec un gros poupard qu'on n'avaitpas commandé. Lui écrit toutes les semaines,

pense souvent a elle et au gosse. Heureusementqu'il est ~c la classe et va bientôt retourner aupays régulariser sa situation.

LE CAVAUHR pnou. On dira ce qu'on voudra,il n'y a encore que mademoiselle Camélia. Mal-heureusement cela coûte, et dame, quinze joursde prêt, quinze jours de privations pour dixminutes de paradis

COKSEtLS PRATIQUES:

Quoi qu'on dise, les femmes sont encore sen-sibles au prestige dé l'uniforme. Si simple quesoit la tenue actuelle, il y a encore façon de la.porter, et un joli garçon bien tourné dans satunique ou son dolman, aura toujours une supé-

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riorite incontestable sur le péMn en redingote.Donc, ô militaires, soignez la tenue, soignez latête, et faites votre profit des avis suivants:

LES CHEVEUX coupés courts, en brosse avecdes pointes bien marquées, et un centimètre defavori à la tempe.

L~s MOUSTACHES retroussées en chat, déga-

geant bien les lèvres et montrant les dents; unléger parfum au vaporisateur. Mélange indiquémi-partie peau d'Espagne et héliotrope blanc.

LE KEPt: ne pas exagérer la mode de Saumur;pas de visière d'aveugle, pas d'immense turban.Une hauteuf moyenne, la carcasse rigide à l'en-droit du grade et molle au-dessus, de façon àpouvoir être cassée d'un pli. Grade en soutache,assez séparée, et toujours d'une extrême fraîcheur.Avec une barbe bien rasée et un képi neuf onse rajeunit de dix ans.

Le. DOLMAN avant tout, que le col soit biendégagé, sans serrer, et laisse,apercevoir juste uomillimètre de linge blanc. Avoir dans ce butdes chemises ajustées ad A<M*, les combinaisonsde faux-cols n'amenant jamais des résultatssatisfaisants. Manches du dolman très larges;

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intérieur doublé en satin cerise ou bleu ciel, etassez courtes pour laisser passer un centimètrede manchette.

Le dolman pas ajusté. H doit tomber biendroit dans le dos avec une légère cambrure à lataille.

Autant que possible,, être toujours en culotteet bottes. C'est cent fois plus seyant que le pan-talon satiné. Ce dernier doit être denti-?o!!ant,et tomber droit sur la botte en faisant trois plisau jarret.

LA CULOTTE targe des cuisses, étroitedu jarret,et boutonnée avec des petits boutons depuisla cheville jusqu'au genou.

LA BOTTE Chantilly, montant seulement jus-qu'à mi-jambe, et toujours vernie jusqu'àFëblouisssment. Pas de talons et bouts poin-tus.

LE SABNE: très léger, porté sans crochet, avecbétière assez courte pour que le fourreau toucheà terre sans cependant trainer. Si l'on veut, sesarmes ou son chiffre sur la poignée du sabre.

LES GANTS choisir la peau de daim très jaune,

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presque l'ancienne nuance des carabiniers c'estbeaucoup plus étegant, étant donné que le gantblanc ne se porte ptus qu'en grande tenue.

Ajoutons encore un stick, genre fouet de chasse,

un ce!! largementouvert, un air gai et heureux,et un aplomb imperturbable.

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LA GRANDE SEMAINE A TROUVILLE

Le voyage de TrouviHe vaut la peine d'êtrefait, cette semaine-ià surtout.

Au matin seulement, un singulier moment àpasser. On se réveille avec surprise et l'on re-garde autour de soi. Chambre de domestique.Petits rideaux en cretonne, plancher en boisblanc. Serait-on tombé dans la noire misère?Horrible! Tout à coup les idées reviennent.Débarqué la veille à minuit, à Trouville, il afallu accepter à rhôtel X. n'importe quoi dansl'annexe, au risque de coucher dehors.

On se lève avec indignation, très décidéà aban-

donner cette cage à lapins dans laquelle il fautouvrir la porte et la fenêtre pour passer son ha-

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bit. On sort, et le hasard vous fait apercevoir,dans l'appartement en face de vous, une joliefemme à laquelle une camériste passe une robeblanche. Tiens, la belle Cl.il! On descend!An rez-de-chaussée, par les entrebâillements deporte, on aperçoit Marie B.an, et ValentineB.on. Au-dessus, Mes.ix.

Toute l'annexe est comme cela, me dit d'unair narquois la patronne de l'hôtel. Monsieurveut-il toujours s'en aller?

Non, Madame, je reste, je reste Et même,je vous permets de m'augmenter.

On s'habille avec diniculté, mais on en estrécompensé par des effluves capiteuses qui pas-sent sous les portes. Les femmes de chambrevont, viennent dans l'escalier, portant sur leursbras des matinées en soies crème, bleu de ciel,fraises écrasées un tas de jolies choses froufrou-tantes qui sentent bon, bon' Je sors avec monrasoir à la main

Qu'est-ce que c'est que ce parfum-là ?C'est du a'A/r<MC mélangé avec de l'hé-

liotrope blanc, me répond ma voisine. Mais,voulez-vous bien rentrer chez vous 1

Enfin, me voilà dehors. Je ne saurais rendrel'impression de gaieté radieuse causée par 1~ vuede cette petite ville ensoleillée, avec sa rue de

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Paris perpendiculaire, descendant vers la mertoute Meue. ses petites maisons si joyeuses avecleurs briques et leurs volets verts, et surtoutcette population de gens tous plus ou moinscostumés, marchant avec des allures nonchalan-tes, comme des gens qui n'ont qu'à se laisservivre et à penser aux petites femmes.

Pour changer, on va voir baigner à La Poti-nière. Le quartier (sic) réservé des dames estassez abandonne, mais on est sur huit rangs dechaises devant le bain mixte. Il y a d'abord ladame transparente, avec un costume blanc, siclair, que l'on aperçoit le bout des seins noirs,bien que la dame soit Monde!" Grande attrac-tion. Et puis il y a eu l'incident d'Anastasie.

Un gros monsieur bedonnant est dans l'eauavec sa femme, et s'aperçoit tout à coup quesa fille n'a pas suivi le mouvement. Il sort del'eau tout ruisselant et vient frapper à la ported'une cabine

Sors donc, Anastasie (

Non, papa, répond une voix nûtée, il y atrop de monde 1

Voyons, Anastasie, répond le père, c'estabsurde Fais comme tout le monde.

Jamais 1

Je vais chercher ta mère.Il a dit cela comme s'il allait chercherla garde.

9.

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La ioule, très intéressée, s'amasse autour de labaraqued'Anastasie. Un véritable rassemblement.

La mère, à son tour, sort de l'eau et, égale-ment ruisselante, vient faire le siège d'Anastasie.

Voyons, Anastasie Les lousticss'en mê-lent Voyons, mademoiselle Anastasie, faitescela pour nous, sinon pour vos'vieux parents.

Anastasie outrée déclare qu'elle ne sortira ja-mais, là; on attelle un cheval et l'on emmène lacabine tr~s loin sur le sable. La cabine est sui-vie par une (bu!e immense, ferme et résolue,qui dit a Allons voir Anastasie e1)

Bref, on a fini par la voir, mais habillée. etaffreuse. Demain on la laissera se baigner enpaix.

La mode est toujours de diner sur la terrassede l'hôtel. Malgré la tente, il fait excessivementchaud, mais on arrose la toile toutes les cinqminutes. On est un peu mouillé, puis ensuiterôti. C'est charmant. Beaucoup de faux ménages,et même de petites femmes seules. On inviteplutôt pour le dîner. Les hommes ont inauguréune mode Complet de flanelle blanche et che-mise de nuit en soie. Avec cela des souliers enpeau blanche et un chapeau de paille à galonblanc et nœud cramoisi. On reste ainsi débrailléjusqu'à deux heures.

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A deux heures, disparition générale et branle.bas pour aller aux courses.

Un monde fou dans les tribunes. Au hasardde 'la lorgnette, la princessede Sag.n, marquisede Ga)!et, baronne Alph. de Rot.ild, deSaint-Rom.n, de Cast.es, Bisch.im (la tailleplus serpentine que jamais), duchesse deGram.ot, comtesse de T.ay, de Breuv.y,Dol.us, de Puy-ur, Maurice Eph.i, etc.

En bas, sur les chaises, Lucie Davray, Rei-chemberg très entourée, l'aimable Miette avecune ravissante anglaise qui vous appelle e Little'Ducky a (petit canard). C'est très gemil! La joliebongroise Terka avec Claumesnil plus loinLouise Meret, Signoret, Messeix, Benard, Bek-man, 'Biron, Kreville; toutes ces dames avecdes robes gaies de toile blanche avec dessins im-primés. Rien qu'en ayant une robe comme celaassise en face de soi à table, on se sent joyeuxpour toute la journée. Sur la tête, des chapeauximmenses relevés d'un côté, rabattus de l'autreet campés absolument :=ur l'oreille droite, de fa-

çon à faire auréole. Cela va très bien aux femmesqui ont beaucoup de ~mcAc.

Les bals vont clopin-clopant. Trois gentlemensamedi au bal des pauvres, pas un de plus

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MM. de Morn. Tanl.y et Brinq.nt. Hon-neur au courage Ceux de la Potinière, au boutde l'Estacade, se soutiennent un peu mieux,mais les habits sont couverts de bouges, grâceaux lanternes vénitiennes agitées par le vent.Peu de réceptions particulières. Cependant

grand bal à la villa Belvédère, chez la marquisede Sen.ny. Quant à la villa Camélia, hélas!Jelle est déserte; et la bonne baronne ne. viendrapas cette année. La mode n'en est pas moins lesoir de se mettre en habit. avec une casquette.C'est beau la mode! Quelqu'un qui eût osérisquer cette énormité il y a seulement troisans!

Les jours où il n'y a pas course, la journéeest un peu longue. On va au tir au pigeon, oubien l'on excursionne à Cabourg, Villers, Houl-gate. Il y a maintenant un petit chemin de fertrès commodequi part pour Villers6 heures 1/2et qui vous y transporte en dix minutes. Lesmalins proposent aux femmes innocentes de se

servir de cet agréable moyen de transport pouraller diner à Villers. On d!ne, on Cane, et quandmadame, sur le coup de dix heures, pense auretout, on l'avise qu'il n'y a pas de train pourrevenir. Truc excellent et que j'ai grand tort derévéler.

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On a beaucoup gagné aux courses, les favoris

ayant presque tous répondu aux prévisions. Delà une allégresse générale qui se traduit par debons dîners, de nombreuses bouteilles de cham-pagne et une générosité illimitée à l'égard destcmmes. On dira ce qu'on voudra, il n'y a en-côre que cela pour entretenir les bons rapports.

Et maintenant, après ces notes générales, étu-dions jour par jour la grande semaine.

SatMC~t. Départde Paris. Le train du samedisoir avec son wagon restaurant est toujours untrain gai. Ces dîneurs affairés, ces maîtres d'hôtelahuris, ces cuisiniers vêtus de blanc s'agitant sousla lumière du gaz portatif, vous donnent tout faitl'impression de l'hôtel des Pilules du Diable. Lasituation est d'autant plus fantastique, qu'étantdans l'impossibilité de retrouver son wagonaprès les changementsde scène, on n'essayemême pas, et l'on monte carrément à Conchesdans le compartiment qui vous semble le mieuxmeublé. Conversation vive et animée avec uneaimable voisine sous le prétexte le plus futile.

Vous allez à Trouville, Madame, commemoi; je suis sûr que vous avez emporté des toi-lettes ravissantes. Vous comptez vous amuser.Vous êtes seule? Ah, votre mari vous attend ala gareEtc., etc.

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Broudoudoume! Le train passe sur un pont.Ça c'est la Toucques. Cinq minutes après l'onest en gare. Il faut se faire un chemin au milieud'une foule compacteattendant, qui un camarade,qui une femme, qui un amoureux.

Et des petits cris, des interpellations baroques,des noms de baptême envoyés à la volée avecdes mouchoirs qui s'agitent, et de gros baisersqui pleuvent sur les joues dru comme grêleplick-plock.

Enfin, a grand peine on se fraye un passagejusqu'à un petit panier à tringle de fer avecparasol.

Combien pour me mener à l'hôtel?Dix francs.ïi y en a pour cinq minutesIMaisle tarif n'estpas applicable & la semaine

des courses.Mais nous sommes à la veille.Pardon, il est minuit et demie.Allons: en route!

A l'hôtel, toujours la même histoireMonsieur a télégraphié?demandele maître

d'hôtel.Non, maisvoilà cinq francs.Casez-moibien.

On entre dans une délicieuse cabane à lapinavec lit de domestique, chaise de paille et cu-vette avariée. Vingt-cinq francs par jour, sans

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compter le service et la bougie. C'est & prendreou tt laisser. AH right!

D~<tMfAe. On est réveille dès l'aube parle bruit des cloches. Trouville est grand commeun mouchoir de poche, et l'église sonne commes'il fallait prévenir les châtelains à deux lieues il

la ronde. Au reste on ne le recette pas. Letemps est superbe.

Par la fenêtre, on voit déjà la foule matinaledes baigneursdescendre la rive des bains. Dansles cours, les cochers lavent les voitures et as-tiquent les harnais en prévision des courses del'après-midi. Les marchands de journaux crientle programme de la journée, les fleuristes offrentdes fleurs aux passants, le tout dans une espècede vapeur ensoleillée et bleuâtre, avec de grandspans d'ombre et de lumière qui découpent deslosanges sur le pavé des rues.

Endossons un veston merveilleux, bleu élec-trique. Nouons négligemment une cravate à laBois-Hébert, et d'un bon pas lent, tranquille etheureux, rendons-nous à la Potinière. Sur lesplanches, tout le cercle des Mirlitons dé):t levé.On attend Reichemberg, Élise Damain; et mes-demoiselles Mauduit de rOpéra. Celles-ci ontpromis de se baigner si M.1 voulait bien leurservir de maître baigneur. Ce sera amusant.

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Personne dans le quartier des dames, mais ani-mation curieuse au bain mixte sous les grandestentes parasol en toile rayée bleu ou rouge. Lescostumes de bain. Mesdames, pourraient êtrebeaucoup plus soignés. Cependant voilà Valen-tine Biron en dentelle noire; pas mal, mais pan-talons trop longs; Josepha Bernard, très jolicostume rouge scarabée; arrivée de M. avecmesdemoiselles Mauduit. Les facéties commen-cent. On se croirait au cirque Mollier. Grandsuccès également pour B.onne qui, pour sebaigner, a campé sur sa rude figure de soldatun chapeau paillasson de femme.

Çà et là quelques échantillons très select de

ce demi-monde que l'Europe nous envie. Clau-C!au très entourée, Juliette Thei.y ravissantedans une robe en foulard bleu à grandes raiesavec ceinture bébé, Kr.elle attendant chaquejour !e petit vicomte qui n'arrive pas. Espéronsqu'il n'arrivera pas.

A midi,prise des tablesd'assautsous la tente. Aucentrera table infernale.Ed. B!c, le commandant

Bey, Fre..y, avec sa barbe de trappeur del'Arkansas, Pig. Vas. escorté de son beaucaniche b!anc Kebir. La table est, en général,présidée par Marie B.an, souvent rejointe parSign.t et T.a, quand ces dames ne se sont pas,levées trop tard.

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Cette table seule a toujours une grande cor-beille de neurs au centre. Très recherchée, trèslorgnée, et très enviée par les petites tables sim-plettes de deux, avec femme ou cavalier seul.

Tout en mangeant, on cause courses, paris,forfaits, et l'on pointe au crayon les favoris.

A une heure et demie,en routepour les courses.Procession affolée vers Deauville. Les cochersaccrocheront, écraseront, verseront, mais ils ontjuré de faire trois voyages. Tant pis pour vous.Quelques rares voitures particulières. MarieLatb.ef qui fait des différences de vingt millefrancs par journée de course, et qui reste abso-lument sage de crainte que cela ne lui porte laguigne (!) La belle Mar.t qui arrive de Villers.Cocher en coutil blanc avec chapeau gris. Deuxou trois buggys, etpas mal de victorias de louagesmais élégantes.

Aux courses, les femmes du monde ont déci-dément pris le parti de se cantonner dans les tri-bunes pour se distinguer des demoiselles. Laprincessede S.n seule continue à se promenerau bras d'un ami. Au reste, elle a bien raison,car sa démarche est triomphale. Son costumehavane clair avec transparent en moire, chapeaunoir et ombrelle de dentelle noire fait sensation.A signaler aussi le costume de foulard couleurbrique de madame Bis.eim. La taille est en-

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core plus serpentine que l'année dernière. Ma-dame Dolf.s en foulard écru et dentelles; labaronne Gustave de R.. ild en drap bleu avecdevant de mousseline blanche à citer encorela belle mademoiselle Jeanne de Boy.o, made-moiseUede B!est.G.a, seize ans, et de)~ d'une rravissante coquetterie, etc. Dans la tribune, leduc de C. laisse tomber sa lorgnette de courseet la casse.

Essayez donc la mienne, lui dit M. X. lerichissime banquier }uif.

Excellente, dit le duc.Eh bien, je vous la vends cent francs, pro-

pose te digne fils d'Israël.On commente le mot qui fait la joie de la

igalerie. Quel dommage que le duc n'ait pasaccepté le marché, M. X. devenu marchand delorgnettes. Niez donc l'atavisme!

Le soir, pour passer le temps, on monte aucercle Partie effrénée. Dans un coin, deux joueurs

ont commencé une partie d'écarté. L'un d'euxenlève les quatre rois et les place à part sur latable, puis s'adressant avec courtoisie a son par-tenaire

De cette manière, ce sera plus loyal.Les deux adversaires se saluent et la partie

commence.

;p-

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J~KMoH. La Potinière est bien nommée. MonDieu en raconte-t-on sur le sable de dix heuresà midi. Certain comte est parti pour la campagneemmenant cinq femmes. Le gros L. s'est faitpincer la veille en conversation criminelle dansune cabine. Pendant la nuit, une bande joyeusea voulu ressusciter les facéties du bon Trouvilled'antan et décroché les enseignes. R. a chez luià l'hôtel la Grande Civette de la marchande detabac, et c'est vraiment bien gênant. F. a passétoute la nuitdans le jardindeJulietteT. La bellen'avait pas ouvert et un ami de la belle, voyantla grille du jardin entrebâillée,l'avait referméeen dehors pourplus de sûreté. Et patati, et patata.

Dans la journée, pas de course. Les genssérieux en profitent pour aller parier au tir auxpigeons. Parmi les fanatiques, le marquis du L..u,R. Henn.y, Hally.b.de, comte A. de G.aut,Kerg.ay, etc. Grande lutte entre les membresdu gun-club, du Hirlingham club, du bois de laCambre, et du tir aux pigeons d'Anvers.

Le soir 7e Barbier de Séville, par Tartampion,Florival et autres célébrités de province. Tantmieux. C'est toute une soirée à consacrer au flirtet à l'amour sur la terrasse du Casino, dans lesmille coins et recoins inventés sous les parasolsprotecteurs par une administration prévoyante.Une bonne brise, une lune superbe, des mots

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sublimes ou absurdeset une rentrée clandestineàminuit avec un ange qui a bien voulu se laisserpersuader.

v

ltfardi. Impossible de prendre un bain. La

mer est là-bas, la-bas.Voyez-vous, me dit un clubman, on prétend «

qu'il y a la mer à Trouville,derrière ces armoiresqui sont rangées le long des planches, mais c'est

un bruit qu'on fait courir, et je crois qu'il y abien longtemps qu'ellea disparu. En tout cas, je

ne l'ai jamais vue. De temps en temps, à desheures variées, l'administration soudoie des tgens qui vont faire queue devant un petit bureauoù on leur délivre des tickets et des costumes debain de couleurs éclatantes. Ces gens disparais- tsent dans les armoires et s'y enferment uncertain temps, ce après quoi, ils reparaissentfrais et dispos et vous assurent qu'ils ont pris unexcellent bain et que la mer était a délicieuse »,mais je crois que ce sont des farceurs. ~<

Dans la journée, courses encore plus élégantes i

que dimanche dernier. Les demi-mondaines ontmis toutes voiles dehors Triomphe pour Léoniede C1.1 en mousseline de laine blonde, aveccache-poussière de crêpe de Chine blanc toutsoutaché d'or. Ce qu'il faut être jolie, grande etsvelte pour porter cela! Et Louise M.et et Ma-

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rie B.n, avec son petit paletot garni de perlesmétalliques et Sigo.et, tout en foulard rougoavec jabot de dentelles.

Madame lui a"t-on demande, pourquoin'êtes-vous pas duchesse*?

Qui sait? a-t-eUe répondu. Et de fait, impos-sible d'avoir une tête plus olympienne, avec desattaches plus. aristocratiques. Et Lucie Dav.y,et Miet.e en tu!le lilas, et et toutes!Une véritable fête pour les yeux et de bons pré-textes à des promenadesau buffet.

Dans les groupes,circulela princesse Ratatouille,en robe pompadour à gros bouquets.Elle demandedes tuyaux à Henri Rochefort, qui les lui glissedans le sien. Elle rit, mais elle n'a rien entendu.Tous les favoris ont gagné. Les parieurs sont dansla joie. Heureux au jeu, heureux en femmes, et lapreuve, c'est que les belles personnes hésitantesacceptent immédiatement les parties de iour et denuit qu'on leurpropose. Être aimé pour soi-même.Peuh 1 Il faut laisser ce roman aux vieillardspauvres!1

Le soir, JM<MfeHKMM//cde la Seiglière avec Co-quelin et les sous-vétérinairesdes théâtres de ban-lieue. Le rôle de Febvre est tenu par Monrgny(le Coupeau de ~~omMO~r) Le rôle de Thiron

i. Ce n'<ta!t pas Arsène Houssaye.

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'<fi

par Leloir!! Il. os~ dire, en montrant un molletetique 1~ Scipion a Sans l'aristocratie,le molletétait perdu en France. Pauvre pays!

Salle comble au premieracte,- et vide au der-nier. Grand souper organisé au petit bar. Il a été

convenu qu'on ne parlerait qu'anglais. Ceux quine le savent pas ne .diront rien. Ne pas parler.

nc'est presque parler anglais.

.Merc~t. Dès huit heures du matin, visitesdiplomatiques en chemise de nuit et veston dechambre, chez les horizontalesde grande marque,pour obtenir qu'elles consentent à aller déjeunerà.Dives, dans l'auberge de Ga!dMMc-/c-~oM~Me-

[e

rotMf. Très difficile à obtenir la réponse. Les com- mmissaires restent beaucoup trop longtemps.Pourquoi?. Enfin ils reparaissent avec desmines fatiguées, mais avec des réponses affirma-tives. Hurrah! Ces dames ont promis d'être prêtespour onze heures.

A midi un quart, le break à quatre chevaux.conduit par un beau postillon marron et or, se

IC

met enfin en mouvement.Chargement extra-chi~ e

Chapeaux catapultueux. Tout le monde est auxfenêtres dans la rue de Paris. Drin! drin! drtn!La vie est belle, et la route de la -Corniche admi-rable. Toutle long du chemin,de jolies villas avecterrasses, immenses salons ouvrant sur le jardin,

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et chambres à coucher toutes garnies de cretonnerouge. On doit être heureux là-dedans. w

Passage triomphal à Villers~En route, rencontre du duc de M.y, condui-

sant son phaéton. On tient exprès la gauche de iaroute avec le break et on l'empêche de passerpendant deux kilomètres. Elle est toujours bienbonne! Mais lui pas bête! Tout simplement, ildonne les rênes au cocher, lâche son phaéton etmonte dans le break.A Dives, déjeuner exquis dans la salle des Mar-

mousets, au milieu des vieilles armures.On se croirait au C/Mt~ noir, dit Terka.

On mange le poulet à la Guillaume et le canardau sang. Un plat exquis.

Après déjeuner, bal sur la pelouse, grâce aupassage providentiel d'un orgue de Barbarie. Pasfantaisistes. Aperçusde dessous très froufroutants.Après la première figure, essoufflement généralet affalementsur l'herbe en groupes sympathiques.Ces messieurs ont la tête sur les genoux de cesdames qui elles-mêmes ont le dos appuyé sur lesjambes de ces messieurs. C'est beau, une famillebien unie!

Douce somnolence. Aimables facéties. Brinsd'herbes dans les oreilles. Chatouillement desnarines. On ne s'ennuie pas. Refrain général: « Tues belle et tu sens bon!x~

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Le soir, on redevient sérieux. Bal chez la mar-quise de Senn.roy à la vitia Belvédère. Commetenue, habit noir et casquette. Ah! ça, mais il ya dans le monde des femmestout aussi joliesque.les autres. Comme on est bête de ne pas y allerdavantage. Succès de beauté pour les deux sœurs,madame Cei.a et madame de Br.et. Un cotil-lon qui commence à minuit. A la bonne heure.Ce sont ces dames qui ont travaillé eties-memcsde leurs blanches mains à tous les accessoires ducotillon. Bouquets, nœuds de satin, rubans.Nous allons conserver tout cela comme desreliques.

On rentre en faisant des projets sérieux. Ensomme, c'est peut-etre là le bonheur! Si on faisaitune fin, si on lâchait la grande fête, si. là-des-sus on s'endort d'un sommeil vertuaux et répara-teur.

./eM<-Grandassaut d'escrimechez M. D.us.La main est faible et le bras un peu mou. Ah!dame, ce n'est pas la vie de Trouv ille qui vousdonne de la vigueur; cependant les nuits sontbonnes. A déjeuner, on parl& beaucoup du dueldu préfet avec le maire. La voilà bien l'unionadministrative!

Deux heures, il faut encore aller aux courses.Ouf! ça ne s'arrêtera donc jamais, mon Dieu

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Et y gagner encore beaucoup d'argent. Queljoli métier que celui du parieur. Et si facile!l

Rencontré la jolie mademoiselle CI.ord, der~ MMr«'~aAf~MM~cr.Ellevend demainà Trou-v ille des fleursau profit des pauvres, avec Damain,Mauduit, etc.

Vousy viendrez Commentdonc, trop heureux!Le soir, trouvé aux petits chevaux une perle

inconnue, jolie, élégante, inteUigente, fine Pari-sienne comment n'avoir pas dënichJ cela plustôt. Elle demeure dans une ville. en haut de laville. Et des den~s! Et des yeux! Ah! ça, Mon-sieur, vous h'aUex pas commettre la sottise dedevenir amoureux.

~eH<fr<*tf!. Jour de Venus. A dix heures,envoi d'un gros bouquet de roses à la villa, avecdemande de suivre le bouquet une heure après.Permission accordée. /t//<M«t/ Villa tout enso-leillée, femme de chambre accorte et souriante.Gros caniche noir remuant son balai, ce qui estbon signe. Chûtelaine encore plus jolie que !aveiiie. Hob<: de toile blanche imprimée avec grospois mauve, chapeau mousquetaire, à !a ceintureune des roses du bouquet envoyé.

Si nous allions déjeuner dans quelque joliendroit un peu ecjrtë A la côte de Grâce, parexemple. Accepte.

M

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Jomnée exquise,pleine de catme.detendresseetde sérénité.A l'horizon, la grande côte du Havre,avec le port rempli de bateaux, la Seine faisantun sillon tout bleu dans la mer verte, tout autourla cour d'une vraie ferme normande avec prairie,rangée de pommiers alignés, et poules picorantdans l'herbe drue; en face de soi, à table, la joliepersonne mangeant des écrevisses avec des mou-vements de doigts fuselés et de bras nus. Quelbon repos après ces six jours de tohu-bohu, etquel dommagede rentrer à Trouville!

Si on dinait t& Oui, mais la voiture est ren-voyée. On reviendra.

H paraît qu'il ne faut pas aUer trop vite, mais

on accepte d<. diner le lendemain a Villers. !t ya un train très commode à six heures et demiedu soir.

Le soir, arrivée sans dénance au Casino. Atta-que en corps des dames vendeuses.

Ah que c'est mat Vous nous aviez pro-mis de venir tantôt.

Le fait est que j'ai complètementoublié.Eh bien 1il est encore temps de réparer vos

torts; voici une rose.Combien en désirez-vous?Je n'oserais jamais vous demander autant

que vous me donneriez de vous-même.B:ng La phrase est bien construite, mais cttc

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coûte cher. Entin, ne regrettons rien. La journéea été si bonne, et il paraît qu'tt y a de pauvrespetits matelots qui n'ont pas de chemise. Bast cen'est pas la chemise qui fait le bonheur. Et l'onrepense beaucoup à la dame de la v illa.

&!tMC<ff. Objurgations et récriminationsamères proféréespar les amis de la tabte infernale.Ils prétendentqu'on les lâche. Reprise des facé-ties rcdépart pour les recourses. Ah ça, est-ceque cela va durer toujours ?

Heureusement qu'il y a le dîner à Villers

avec madame, après le grand steeple-chase. Dixminutea de voyage dans un chemin de fer joujou.Achat d'un vieux bahut normand avec ornementsde fer chez le marchand de curiosités. Dincr surla terrasse en vue de la mer !)WMc'Më. Vaguesphosphorescentes. Langueur générale, électricitédans l'air. La nuit vient peu a peu. A dix heures,on songe au départ, mais il n'y a pas de trainpour le retour. On s'en doutait bien un peu. Onenvoie chercher une voiture et, après une heured'absence, le patron (qui n'a pas bougé et qui areçu un louis pourprix deson immobilité) revientnavré et annonce qu'il n'a rien trouve. Amour etmachiavélisme. Désespoiret supplication. Il fautrester coucher a Vitters. Il y a précisément une

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jolie chambre qu'on appelle ta f~am~c des <Ma'Wt%, mais n n'y en a qu'une.

Dëc!den)ent. ta vie est une belle invention.

DtHMHcAc. Dernières fusées du feu d'arti-fice. Dernier déjeunerd'amis, dernières courses,dernier regard enveloppant tout ce joli mondedans ce décor si coquet et si pimpant. Puis enroute pour Paris, le cœur tout attendri et toutépanoui par cette bonne semaine qui a passé sivite, cette semaine pendant laquelle on a eu lesoleil, la santé, l'appétit, le plaisir, l'amitié.et même un brin d'amour.

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SUR LA TERRASSE DU CASINO

A CHIC-SUR-MER

TABLE N" 1.

MARtës CEPMts CINQ ANS. Se demandent mu-tuellement s'ils réalisent bien l'un pour l'autrel'idéal rËv~. Profonds silences et regards de re-grets jetés par Monsieur sur les hcta~cs quipassent en laissant derrière elles un sillage deparfums capiteux.

TABLE N" Z.

LE MAUN RAOUL ET LE BON BERTRAND. Raoula placé Bertrand en face de lui, face à la mer,aimable attention, et par dessus son épaule, ilattend le signe que doit lui faire la belle X.quand son monsieur sera parti jouer au Cercle.M n'en finit pas le monsieur.

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TABLR K* 3, très en vue.

LES OKCX GIGOt.OS (ils ~MM/C~ très &<tM~.

Une histoire insensée, mon cher. Graageneuveme dit e Voilà Blanche Dartois qui entre rue desSablons avec le prince, mais je ne crois pasqu'il restera. Gemme le prince ne te connaîtpas, suis le couple, et, si le prince n'entrepas, viens me prévenir immédiatementaux petitschevaux. Alors, moi malin, quand j'ai vu que leprince ne restait pas. 1)

TABLE K*

LES TROIS SANS HOMMES. Arrivées toutes lestrois depuis bientôt une semaine, avec un stockde costumes crème, abricot sporadique, traiseécrasée, et. une cargaison de chapeaux catapul-tueux. Eh bien, depuis huit jours, rien. Onne leur a pas seulement encore onert une mentheà l'eau. Et la chambre dans l'annexe coûtevingt-cinq francs par jour, ce qui est raide pourune femme seule.

TABLK X'' 5.

CËNÉnAL ASCLAtS OU MA~OR DE TABLE D'HOTK.

On ne sait pas. Barbe de fleuve, petite calotteécossaise avec chiffre en argent. Toujours seul.Fume mélancoliquement une superbe pipe trèsélégante et admirablement culottée. Devant lui,une bouteille de kummel aux trois quarts vides.

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TABLE K" 6.

LES ttEHX jo~EURs. Sont venus avaler enhâte deux bocks entre deux mains. Histoire dechanger la veine. La vraie culotte! Sale Ca-sino

TABLE S" y.HABtïfKS o'ANTAN. Entrés une secondepren-

dre une glace. Regrettent le petit Casino dejadis, où l'on dansait entre soi, où l'on soupaitaprès le bal sur l'estrade, et où les demoisellesmême tes plus huppées étaient honteusementmises à la porte. C'était bien plus moral,dit l'un qui n'en pense pas un mot. Ma!sbien moins amusant, dit l'autre.

TABLE K" 8.

).KS BOOKMAKKKS KT LKt KS t':fnfSt:S. Sur latable, un nombre fabuleux de bouteilles devin de Champagne vides. Ces honorab!cs gen-tte*nen ne sont pas venus ici pour s'amuser.On entend tout te temps Citron H, je donne,et aussi Kroumir. Qui veut cinq cents !ouisde Sabretache. J'offre Barbery à égalitér/~Af. Ah si Martin-Pêcheur est monté parCarrait.

TABLE !<" Q.

MOKStKCR ET MAOAME HAUSAU), MAHAMt: LAR-

DKCHE KT SES DEMOtSKLLHS, LE M:T)T t'OUtARt).

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Viennent tous les soirs à huit heures sur laterrasse du Casino. On a organisé un tourpour payer le soda à la groseille. On le sirotejusqu'à dix heures, dix heures un quart. C'estbon de mener la grande vie!

TABLE N" to, très sombre.

ELLE ET Lft. Ils sont là depuis une heure, lamain dans la main, se murmurantmille foliesdans l'oreille; la mer au loin- très loin fait en-tendre son clapotement, et, par la fenêtre dupavillon, arrive, avec le murmure de la vague,ces mots enchanteurs a Allons le 8, c'est ledernier pour la poule d'honneur et nous par-tons. Allez, roulez a»

TABLE N" t t.LA GRANOE TABLE DES JOYEUX VfVE~RS. Ont

trop bien dîné sous la tente. Chacun parle enmême temps. Brouhaha insensé. Les femmesrient trop fort pour prouver aux tables voi-sines qu'elles s'amusent follement. Ces mes-sieurs ont inauguré un nouveau jeu. Il fautse placer à dix pas l'un devant l'autre avecune bougie allumée à la main. On s'aborde etl'on se dit gravement a L'empereur du Marocest mort. Puis l'on se salue gravement et l'onpasse. La difficulté est de faire cela sanspouffer.

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TAM<E X" <3.

t'MOSE ET POËStE. EU.E (très tCM~r~ Nousferions bien mieux d~Uer nous coucher. m)~'<McAcM~ Alors, ce n'était pas la peine decommander deux glaces pour ne pas les prendre.

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A LA FÊTE DE ?<EUtLLY

CHEZ MARSEILLE

Sur l'estrade cinq. musiciens, dont un tam-bour, une grosse caisse et une vieille clarinetteaphone. Pour le moment, le tambour est ~Mpar un clubooaa très élégant et qui réussit les~<M mais qui manque les ~<M. H jongle mêmeavec les baguettes. Grand succès parmi ta foulebruyante qui gravit les gradins. De l'autre côtéde l'orchestre, trois gaiUards cnormes, v~tus d~maillot rose, la poitrine enserrée dans un tricot,les pieds cL'ausses de bottines garnies de peaude lapin les bottines d'Hercule

Au centre LUI! M A R S E t L L H lui-même1

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H & gardé sa tenuede ga!a des soirëesde t'Hip-podrome. Redingote noire, chapeau haut deforme Gants noirs. L'air d'un vieux maîtred'armes.

UN CLOWN ËTtQUE. Entrez entrez. Mes.sieurs. La lutte la belle lutte, voilà la lutte 1

Trois francs les premières. Deux francs les se-SI

condes et un franc les troisièmes [)

La foule se rue dans la baraque. Tout le pre-mier rang des chaises est occupé par des demoi-selles très élégantes. On s'est empilé jusquedans les frises.

UN :<oxstEUR TRES SERIEUX. Pardon. J'avaispayé deux premières, et vous m'envoyez dans lestroisièmes.

MARSEILLE, digne.– Parce que, comme toujours.mon théâtre est comble, mais je vais vous ouvrirl'avant-scène. (H scnteve simpktncnt la toile derrière le bureau et

f

le )M)Mie<n' s'appuie scr la b.ttnstmde, Il c6t~ de mademoiselleGhinMsi.

Vif<: joie de la foule t ).' tue di mademoiselleGhhMts).

MABEMOtSELLE GHtNASSI. Hé, COCO ) Pi-,1

ges-tu la lune qui se ballade ?UNE AMIE. Dis donc Ghi-Ghi, est-ce que j

tu descends dans l'arène ce soir ?UN PETIT MONStEUR TRES SPIRITUEL. Ous

qU'ett son Bidel. (Kin:s et (.rotestatiotH.)

MARSEILLE. Silence iUa silence relatif se ptoduit.~

Mesdames, Messieurs (Bravo )), le spectacle que

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nous allons avoir l'honneur de donner devant~ous (Oh 1 oh 1 on se croirait à la Comédie-Française. Vas donc, Delaunay 1) commencerapar la lutte de M. Albert, dit la ContrescarpedeDijon (Escarpe suffirait) contre M. Léon, ama-teur.Det)x hommes à bedaine énorme descendentdans l'arène. Ils sont nus jusqu'à la ceinture.L'amateur est en pantalon de toile bleue, laContrescarpe est en caleçon de velours écarlate.

MAKSE!M.E. Allons-y, les enfantsLesdeux gros se donnentune poignéede mains,

puis ils se campent en face l'un de l'autre, re-pliés sur eux-mêmes, et les mains tendues enavant.

LA FOULE. Hou! Kss 1 Kss! Je pariepour l'amateur! Voilà le pelotage qui va com-mencer.

La lutte commence. Les deux gros se palpent,s'empoignent, s'étreignent, et se donnent de

grosses claques sur les dos gras et rebondis. Onentend ptock Tout & coup la Contrescarpeem-poigne l'amateur par le cou, le fait tourner enl'air et l'abat à terre; mais l'amateur s'arque-boute sur le cou et cambre les reins. Les omo-plates ne touchent pas.

LA pouLK. Ç~ y-est! Ça n'y est pas Oùavez-vous vu que ça y était?

N

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La Contrescarpe retombe de tout son poidssur l'amateur qui r~le, mais ne faiblit pas.

(Bravo Longue ovation.)MApEMOtSKt.t.R GmNASst. Tiens bon l'ama-

eur.~mouEs T~Mcuss. DcboMt! debout Qmis

se remettent en garde.MAKsmt~R, <)'a"e. Laissez faire. Messieurs1L'amateur se retourne comme une anguiHc

et se trouve à quatre pattes. Bousculade. Lesdeux adversaires vont rouler jusque sur tes ge-noux d'une petite dame du premier rang. Crisforcenés.

Lt!:i FEMMES, Mr un Mn tof~ Pas par H Hi!1Hi! Hi!t

Elles fourrent leur ombrelle et leur éventaildans le. nez des lutteurs pour les obligerà s'éclipser. Ceux-ci vont rouler a l'autrebout.

UK MONSIEUR EN CHAPEAU QKtS. C'est SU-perbe Bravo l'amateur

UN scEpTtQUE. Mais ramateur n'est pas unamateur. H y a dix ans que je le connais.

MADEMOtSELLE BLANCHE DARTOtS. Fichueconnaissance 1

MARSEILLE. Debout et en garde1

Les deux lutteurs se relèvent et recommen-cent avec une nouvelle furie. Ils sont couverts

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de sueur. Les muscles se 'ordent. les os cra-quent.

A ce moment, Léon «outevc Albert par le mi-lieu du corps et le place horizontalement surson épaule, puis après l'avoir fait pivoter, d'unmouvement brusque it renvotc router à terre.

–Ça y aaa!t! Ça y aaah pas! Si Non:Tumulte eponvantaMe.

A<.<!<:ttr, *f.tt'm lu )M)x. Y est pus

Lt: HOSS)EHM AU CMAfHAt: CtUS, har<~e<M),~<:o)<

<tM)t t~tt~. Ça y est Je vous dis que <;« yest!

At.t!Km, ~j.'i)!Mtis. Tu vas t'enrouer.MAKSËtu.R, n~~ao. Pour moi, tu y €8.At.BËKt. Ah si c'est Favts du patron. Au

reste, pas Mch<! de me reposer. (M rtm« M). <t<~t fo~L'AMAfHUH, fKaJ un tintu <)).<fmM tt )'t!M t)~M< t<t MMgt.

Messieurs, Mesdames, n'oubliez pas l'amateur.C'est mon seut beneticc.

MAKSEtt.t.K. Nous allons continuer par lu

lutte de Bamboula, dit le ~c~'t'M< 7~M~contre M. Perrin, amateur.

UsH DAMt:. Je croyais qu'il était mort, Bam-boula ?

Son votstn. C'est un autre Bamboula.MADEMOtSEU-E Ltzt. Tous les nègres s'ap-

pellent Bamboula.Bamboula et Perrin se mettent en garde.

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M~KMtM~t.t.R Dt!t,pM<t<n. Us ne aoni pas aittgotoa que les autres ces deux-t&.

L'AMATKMK, M t<<MMt. Pourquoi ~MC HOMS som-mca pas dgotoa?

UN MQtMtEtJK. Oui, tes autres en M mettanten garde ta!sa!ent Han han! Vous ne faites

pas H an <R)f«.)IlL'AMATH~tt.–Comment! t'a~ encofcau!tba!na

de mer? Après le Gramt Prix portant.MAt<sR«.<.t:. AUons, pas tant de d~ccurs, et

en garde tCette fois, Bamboula se remet en garde, en

fa!san< un bond de jaguar. (Bravo A la bonneheure Il est rigoto.)

Lutte vive et animée. Le ncg'c a l'air d'unegrande guenon; il bondit, rampe, se tord, roule

IJdes yeux tout blancs, & la grande joie de la gâte*rie. M. Perrin a une épouvantable t<!to de rô-deur de barrière. Dans tes lèvres, il tient un boutde cure'denta pour MM<'«~~M~

LA tout.Ë. A-t il l'uir méchant Je n'aime-rais pas a le rencontrer au coin d'un bois.Crois-tu, ma chère 1 Allons bon, l'amateur perdsa culotte (Sur l'air des ~.aw~M<MM La culotte t

ta culotte 1 la culotte t)MAME!ï.t.K. Debout 1 Et receignez tes cein-

tures. (Oh oh Rcceignez ïi est gigantesque,papa Marseille.)

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Nouvelle lutte. Bamboula a pris Pétrin parle cou.

Lu M<t!<s<RUK AU ~ttAft~t! na~. On no doitpax aerrer; à baa tes pattes Ma~dhe, n'est cepas ~n'on ne doit pas aerrer ?ï

\ÏAttSt:«.t.R. coup est !oya!. U n'u pas<<r<n~ la paMme 1.

Ce«e tôt!! Mtt«tboat<t et t't:ryi« ont ruM~ surtteux dames du premier fan~ et les ont r~nver-s<SMM<e<w Htmacuta~e !n~e'!er!pt!t'!e c«amu<«:inaens~. A grand renfort de cannes et d'om-bfeMes, on d~«ge tes deux dames. Les deux nd-versa!r<!s ne se tachent pas. On entend des han 1

<brm!daMcs. Rambouta a pris Perdn a bras tecorps et serre jusqu'à ce ~u':t sente son adver.satre faiblir, faute de resp~atmn. Il t'envo!e alorsrouter dans lu poussière, !ner<e.

Tonnerre d'applaudissements Le monsieurau chapeau gris s'eiance dans i'arene et serreBambouta dans ses bru3. Un autre lui apporteune gigantesque boue de carottes garnie deverdure. Les femmes entourent Bambou!a.On lui donne des cigares et des pièces de vingtsous.

MA«st!<n.E. Messieurs, Mesdames, les luttesont été 'ongues, mais belles. C'est pour avoirl'honneur de vous remercier.

Comment, déjà PcM~m~ioM.)Donnez-nousune

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MMtre repr~cntaUoM Nom Mpayerons une se'conde tak. Marae!Mc Mon petit MaMeUte 1

M~Rtt. Mcssteura, & dcMoto. K(e!g<M!'

te ~«i! 1

La foule a'ecoM~ «M milieu d'un tu~Mhc !nc~narraMe: <eht!a de rire, Cftt de tcntMes serr~~i!de trop près ou €ho<«M!)tec<t. Atben Albert!H reMembtc !< Mn pëfe! H< !*er)r!n! <:M.,e!<

MA«st:«.).< f.f<tt K( (t!r9 que ~e« tous lesto!rs la m~tne eho~!

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!<RUF fKUMK! Temps superbe. On arborele chapeau & large galon bteu, te veston clair, lacravate à la Colin, et en route pour chercherLazarine; un peu commune, mais la vraie femmede ce genre de partie.

Mtx Mt:<j«E!<. Arrivée chez Lazarine qui, bienentendu, n'est pas prête, a Je me suis couchéesi tard hier. c Hum! hum! Il vaut mieux nepas approfondir, d'autant plus que cela feraitmanquer le vapeur qui part à onze heures.

MtM. Déjeuner à bord avec la truite sau-monéeet le filet jardinière. En passant devantAsnières, les habitants battent du tambour etjouent du clairon pour fêter le passagedu vapeur.

t!NK TOURNE!: A HO~GtVAL

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LtMttdne leur répond en Mettant aa serviette:< OM! te gros père Ohé! votre femme vabien 1 »

TROM HRpnes. Arrivée triomphate & la Gré* fnouittere. Les rameurs lèvent leur rame, le bar- =

reur lève son chapeau, Laxarine lève son om- 'ibrcMe. a DJnage à bâbord. Là. Halte n Tout temonde embraie La~arine.

OMAtKR MK~MRs. t<e bon bain avec coMpet.planches et brasses élégantesdevant te nombreuxpublic empilé sur l'entrepont. Course, divertis-sements. Le gros .Chameroy fait une joute surl'eau avec le petit d'Éparv!n. Lazarine est emer-veUtee et reveuse. n

ct!<Q MRMMHs. On se r'habtUedans la même li

caMne. C'est pour cela que c'est si long! H faut tbien servir de femme de chambre à cette pauvre tLazarine.

8<x HnuttES. Frais et repose, <tn se met enroute pour Bougival en suivant l'lie. Lazarine M

acheté une trompette.canard. En soufflant, on <i

tire une ficelle et te canard ouvre le bec, c'est ra- t

vissant. w

six HEURESET BEmE. La vieillescie du péage

au pont Un sou t « Mais j'ai déjà payé la se-maine dernière. Et tes militaires, ont-ils droitau quart de. place ? Madame n'a pas encore t'agede raison c Le gardien attend, impassible, la

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fin des taches, tandix que ta foule ~amasM auguichet. ·

sn't ttK~t'Ks. On commande un diner fas.tueus à un gardon qui ne vous ecoHt<* pas maisaussi, ptturquai lui commander A diner C'est sisimple tfaUer chercher son ptm ft d'ctnbras~tpar la me<ne u«:as!un les ~Hcs fille% du passai.

M< n m:<!<tt:'<. Mn<r«t: dM v!oton!s~ et duharp!s<e. a HoM ht)M hou NQus M'ca Youtompas. Asscx lu musique! Il L~ mus!cnscntatncntla marche ~/eMMMVs. Tout le monde re-prend en <:h<eur. Laxarine enthousiastnt'c videvotre bourse dans le chapeau du ~u<heur.

sEtt ttHt'MRs. –La nuit vient. C'est te momentde monopoliser les lampes. On en etdnt succes-sivement onze qu'on cache. Au momentoù toutesles tables se plaignent de t'obseuritc on rallumeles onze lampes et on une table tt ~o~M. Lazarine se tord.

otx MËttaHS. Bras dessus, brus dessous, unpeu parti, on reprend te chemin du bat des ca-notiers en chantant

J'avais mon pompon en rev'nant d'Sure~ne~.

Encore ce péage Quelle scie.Voilà vingt francset fichez-moi la paix jusqu'à ma mort, s'écrieLazarinel

oszE HEURES. Le dernier bat où l'on dansen.

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encore avec conviction. Pas de zéphyr, grenouttte<!):p!ran<c. Chahut Balancer v<M dame$. Bravo.Lazarine C'est amusant, mais queUe chaleur.mes entants!

Mtm?tT. Lu grande farandolefinale, un ~rand

monome d<'ta!r<S par des lanternesvcnhknnes por-tées au bout de perches. Mt ma!n<enanten voi-ture 1

< ~K MK~MM m' MAtts. Hntre Rue!! etSuresnes.a Tu ni aimes, LaMr!ne ? Je ne sais ptus, jesuis trmp tatouée.

COK:4EH.§ PRA TtQUH&

Pour aller a Bougivat, il est préférable de semunir d'une compagne. Choisissez ta bonnelille, ete~antc, pas poseuse, aimant ta danse etpas dhUdte sous le rapport de la cuisine

On peut s'y rendre par le vapeur, man c'estbicn long, et cela fait commencer la journée detrop bonne heure, tt y a aussi te petit tramwayde Rueil. Le mieux est de faire le voyage envoiture, mais jamais au grand jamais par la

route de Courbevoie, seul chemin que connais-sent les cochers.

Itinéraire ravissant: avenue du Bois-de-Bou.logne. Attée des Acacias. Pont de Suresnespetit raidillon à droite jusqu'au Mont-Valérien.Descente à Ruei', et tourner & droite jusqu'à la

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Grenouillère oh l'on passe le bac sans aller jus-au'a Bougivat.

Une fois arrivés aur l'entrepont de la Grc-nouillère, ne pas se croire oblige de se livreraux cciats d'une gaieMt bruyante,aux danses ma-cabres, ou aux chansonnettei accompagnées surle piano de rétablissement, et quel piano Re-servez-vous frais pour te soir, h~tattex-vousdansun bon coin et ass!ste}< en spectateur nnpassiNeaux ébats des pet!ts jeunes gens.

La bain est une excellente manière do passer!'avant*d!ncr. Cependant, si vous êtes amoureux,une petite promenade dans t'itc n'est pas désa-gréable. U y a sur te bras de gauche des petitscoins charmants, avec canapés d'herbe trèsconfortables où l'on jouit d'une tranquillité par-faite.

Si vous louez un bateau au père Fournezc,gardez-vous bien de ramer vous même, ce quivous courbaturerait, et, faute d'habitude, vousferait venir aux mains des ampoulesatroces. Pre-nez un mercenaire et, mollement étendu, côte àcôte avec Madame, laissez-vous aller au fil del'eau, en tenant d'une main distraite la ficelle dugouvernail.

N.B. Ne jamais permettre à Madame de

gouverner.H est assez intelligent de se faire déposer par

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ce canot à Bougival, sur le coup de six heureset demie, heure des apéritifs.

La, se ruervers le restaurant à la mode,se retenirune table dans le centre du jardin, de manière àavoir un aperçu général de la fë<e. Commanderson dtner et aller s'asseoir devant la grille pourvoir les arrivées de Paris en voiture. Un véritabledéfilé très amusant.

Au <*OM<wMC<'<MCM~du diner, donner cent sousau garçon qui sert votre table. Au moins on auraJe bénéfice de son urgent. Monopoliser immé-diatement un buisson d'écrevisses sur la grandbuffet et l'emporter sur sa table. 11 n'y en a ja-mais pour tout le monde. Menusimplet conseilléPotage Saint-Germain, friture de goujons, ca-usions aux oranges, écrevisses, fraises. Se biengarder de demander autre chose que du vin or-dinaire. et pour cause. Dompter ce vin du cruavec une eau minéralequelconque.

Pour se débarrasserdes fleuristes, acheter toutde suite A la plus jolie un bouquet pour Madame

et une rose pour votre boutonnière. Puis, à toutesles autres qui viendront, vous direz avec votreplus charmant sourire:

Ah 1 si vous étiez venue plus tôtAu dessert, vous avez le droit de commencer

quelques coupletsen chœur, mais choisissez-lesfaciles et très connus: le Ptit bleu, Madame

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~.CM~MMtc. Owa~tM, le P'tit MM de ~o~M«~sont indiques. n y a aussi tes. airs d~.vc<<or,tout le monde se levant de table et se rasseyanten mesure.

Après le diner, faire un petit tour au casino enattendant le bal, et risquer quelques francs auxpetits chevaux.

Ne pas arriver au bat avant dix heures. L&,

donner son pardessusau vestiaire des dames, acette excellente Marion. D'abord, il y a moinsd'encombrement, et puis c'est un prétexte pourentrer dans le sanctuaire et assister aux coiffuresmaquillage, etc., etc.

Au bal, choisir une table au premier rang, quiservira tout le temps de ta soirée de point derepère, et de lieu de repos. Danserez-vous ? Nedanserez-vous pas? Il fait bien chaud. Cepen-dant c'est un prétexte pour tacherun peu Madame,et prendre de petits rendez-vous avec d'autres.

Revenir douze dans une victoria destinée u

quatre personnes. Les femmes sur tes genoux ouassises dans la capote. Grandmorceau d'ensembleavec tes mirlitons-canards. A Rueil, on boira lecoup de i'étricr. En entrant dans Paris, le Mon-sieur assis sur le siège changera de chapeauavecle cocher, c'est la tradition.

Enfin, dernier conseil plein d'expérienceet deprofondeur.Après une journée semblable, rame-

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ner Madame jusqu'à sa porte. et là lui souhaiterle bonsoir et rentrer sagement se coucher. Pour-tant, si eUe insistait trop. mais il est rare qu'elleinsiste. trop t

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COUSINE DES BOISONFORT

Certes, la comtesse Trajowska avait excessive-ment bon air au Concours Hippique, et sir JohnHalifax, le richissime anglais, attaché militaireà l'ambassade, n'avait pas été sans être vivementimpressionné par le charme de la belle blonde.Elle arrivaitchaque jour vers les quatre heurespour les courses au galop, tantôt seule, tantôtavec une amie, tournait sans hésiter à gauche ets'installait au deuxième rang, à une place rete-nue par un majestueux valet de pied. Toujoursadmirablement mise, avec des costumes cheviotstoutsimples,mais relevés par des gants gris perle,et une fleur à la boutonnière~ elle pointait av~cle plus grand sérieux sur son programme, tous

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les cavaliers, habita rouges ou onic!er~, notantlos fautes, les demi-fautes, les quarts de fautesdans des colonnes spéciales et donnantensuite enmarge une note finale variant de o a ao. Évi-demment c'était une femme du meilleur mondeet une sportswoman des plus sérieuses.

Sir John s'était in<brmeauprès d'un diplomate,le baron de Saint-Machin.Celui-ci avait répondu:

–Comtc~eTrejowtka?Très bonne (amiiie;cousine des Bohonfbrt; ouvrait encore le bal ily a trois ans avec l'empereur d'Autriche à la

cour de Vienne.Peste! mais aiors. pourquoi tournait eHe a

gauche? Pourquoi se ptacait-etie dans la terribletribune, la tribune infernale ? Pourquoi n'allait-eUe pas siéger )u-bas a droite, au milieu des toi-lettes sombres et des chapeaux austères. Bast!1Qui sait ? Peut-être ignorance d'étrangère,ou sim-plement caprice de grande dame voulant s'a-

muser.Car, il faut bien l'avouer, on s'amusait joli*

ment mieux dans ce petit coin-là que dans toutle reste du palais de l'Industrie. C'était une bous-culade insensée de clubmen, d'officiers en uni-forme, de cavaliers en habit rouge cherchant às'approcher de quelque jolie fille en renom. Ily en avait qui, du haut de leur banquette, te-naient véritablement cour plénière, prenant un

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malin plaisir à dominer ainsi tous ces adorateursravis, te nez en l'air, et à causer de petitesémeutes. D'ailleurs, on s'occupait assez peu deschevaux. De temps en temps, lorsque les applau-dissements éclataient, ou lorsque les rires do lafoule indiquaient quelque incident, ces demoi-selles se hissaient sur leurs pointes en s'appuyantsur quelque dos complaisant, et consentaient acontempler la lutte entre l'homme et la b6<e jus.qu'au fatal coup de cloche~ le coup de clochequiindique que tout le monde jury, public et che-val en a assez. Mais, le reste du temps, c'é-taient des interpellations baroques, des ripostessaugrenues, des reconnaissancesbruyantes, avecévocationde souvenirs attendrissants, puis aussides projets de fête pour le soir, dîners organisésen bande, excursions à la foire au pain d'epice,ou à l'Hôtel de Ville, etc., etc., jusqu'à ce qu'unhomme ù idée géniale (il y en avait toujours un)proposfit d'aller luncher dans les écuries, projetaccueilli avec enthousiasme.

Au milieu de ce brouhaha, la comtesse Tra-jowska restait très digne, très calme, avec sonair hautain et un peu dédaigneux,continuant sespointages et ses annotations en femme qui con-sidère le Concours Hippique comme une institu-tion sérieuse et non comme un. rendez-vousbourgeois.Ce n'était pas, d'ailleurs, qu'elle ne fût,

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ette aussi. tfes entourée, mais un voyait bienque ses intertecHMMra e<a!ent tous des cavatieraemerites, deshant «avoir tes notes données parune femme compétente. Rien qu'A la fa~on domon l'abordait, on 8en<a!t qu'il n*~<M}< pas qMes-tion de galanterie, mais simplement do ae!cncehipp~uc.

Aussi, si John Hat!fa!t, rencontrantSatnt-Ma-ehm, n'eût-!t rien de plus pressé que de M <atre

pKSxeMet' pat ted!ptomaM.Ccta!-eiattirtn!d'ait-leurs, que la chose était facile. Parbleu te rcpr~scntant militaire du Royaume-Uni de Grande-Bre'tagne et d'trtande n'était pas le premier venu.Sans celat

Précisémentles deux daumonts de la comtessePotocka et du comte de Pomcreux venaient derentrer à l'écurie. Les courses pour oniciers decavalerie réserve et ligne n'étaient pas en-core commencées. ït y avait un intermède rem-pli par une bruyante fanfare de chasse, c'était unbon moment. Saint-Machin présenta l'attachele plus respectueusement du monde, avec toutesles formes de la plus exquise politesse, et en in-sinuant qu'il avait trois cent mille livres de

rente; puis, en homme discret. ou ayant mieux& faire, it s'esquiva, laissant sir John en tete-a-tete.

Je connais beaucoup la duchesse douairière

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de JHoisonfort, vwe ~ousin~, }a ct~s? ctun.onenca te noble Anglais tr~x <!mu.

C~$t que vraiment ta comtesse ~<a!t encoreptua )otie, vue a!M! de pt~ ~ce t~ Rtr~nd~

yeux bleus, son MMftre d'<!n<an(. c< sur~m ~neitamc <<t!ttc, ta <ttk«<u «)M{~«r~ c~nt~~ë, <n<!m<!«n

repos, dttns des aHhudcit !r!mnphntes.Ma eoMstnc, ta duchesse? thd, ct)t)''ht<: Men

ëtt)!gn~a. Nws noua soyons peu. Ah! !dt!1Vo!!& 7~t/<tM'<' <non<~ ?<'< M. dt: !.nrn)C)at<f. t.echcvat pandt $0~0 e< bktt Ms~~mb~. !!o)t d<!paft.Men.tt td~o~e t'osbtMcteavee aon~-tfo!d; tMa!t<-

!enant. ta barre <txc. Tr&s bien. Le ~ur << u«ob)Mac!e Hn peu enfatu!n. Ne ~«u~x-vou" )'as?

Je trouve, Mada<ne, te trouve.Maintenant, hardi pour ta thi~rc! !!<avo

Attons, monstcur de Larmejane, voua autex unbon dix-huit. Lui Mettricx-vou'! un dis-huit,Monsieur ?

Oh chère Madame, tout ce que vous vou-drez. Un trente-huit, un quarante-huit!

Mais, non, {c ne cote pas ptus t'aut ~uevingt. Vous êtes un enthousiaste.

Ah Madame, c'est q'M )'a! conservé unejeunesse de cœur, une fraicheur de sentiments.

n aMait en dire beaucoup plus long, mais H

craignit de froisser ta cousine des Boisonfort part'avcu d'une passion trop prompte. H fattait atter

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p;ano, !tt<no. Kxpftnwr~on admhatittn, m«is uneadm!rat!an n'exetuam pa& respect. Et. <and!~qu'il cherchait un moyen de résoudre ce dtttieûepro~eme. H fe senm!< <<a ptM« en p!M« pr!f) parle contact de celle tetnnte ~hmrmame qui, pourmieux suivre !a ~aume, <e frôta!< cmure lui, ann!<

songer & nMt. e< «vêt: le eatono tt'Mt)e eonaeteneepMrc. QMit<~t e!!e se pen<;hut<en «VtOtt, M au!va!ttn ligue on~uteMs~ de son t'em. !t re~rdtth «VMa«endf!aoenten< !es pe<!<cs mceheaqu! se ~of~~o~en<

aur la nuque ovce des fcttets dor~ et, de toutecette <tcdu!aau<e cfcmure s'exhatah ~e~tne unebonne udeur de dra})[<ie. grisante, eapheuse, àrendre fou rAn~tais le plus negmaUque et teplus tMuhre de son sc~y ~ow~'MWMMt.

Ah, Madame, si vaut saviez, com<nen<to-t.it.

Mais, & ce moment, Lafme)anc arriva. !m'mense, d~tngande, le stick sous le bras, le t<épt

en (tff!cfe, avec ce laisser attef spë<:iai et chicqui caractérise l'Ecote de Saumur.

Bonjour, petite comtesse!s'ecria-t-it gaie-ment. Kh bien, quelle cote m'as-tu donnée?

Et il se pencha vivement par-dessus l'épaulepour regarder le programme.

Un <8t Bon cela Bono bezef! Les eamarosn'ont qu~a bien se tenir. Tu m'as donne la coted'amour, n'est-ce pas? Enfoncés tes citrouillards!

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Ht H parth en riant, tandis que air John Hati*fax MMah un peu tnMr!oqMë.

M ate aambte, dhît, que ce jeune oMektest bien aanx façon, bien libre d'ttUMres. MonobeMft t~s chMM!HHr<~ < 1

–Oh! 1 dit vivement ttt comtesse Tfa{ow~t{a,le connais beaMeoMp.

Mn~~te s'est- pua pcfmta. f<e%'tt<t~HMMyer~

Noux tt~Ms sontntcs <t<nnu~ tout pc<!<s. (~e~un nmi ~'cn~nec, qut a {ou~ avec mut au but"Ion. PeM!-6<re aMra!«-)c ~<t, ptuit <nrd, ftttfc ces-Mt«:Mc tHMMUath~, mt)~ {c !~K t~ pux ~u !c

courH~c.Vous <!<ea ta meilleure des (cmmcs, et je me

p!a!s A rendre hommttge tu d<!Ucutesso <!c vosacn<!m<:)ms.

Cependant ta <:o<n(esM n'MouMH ptus. Il yavait un malheureux o<!i<cr de dragons dont lechevul &'<:tuH d<!robJ trois fois dcvunt lu d«uve

par un demi-tour à gauche ct il tapait du picJavec impatience.

Mais non! Il ne faut pas continuer te cercte.Il faudrait revenir par un demi-tour à droite,sans cela le cheval tournera toujoufs et se dJfo*befa encore. Là, qu'est-ce que je disais? Ai~nsbon Maintenant il va bousculer te jury

En effet, par une immense votte, le chevalétait venu presque sur la chaise de Mornay,

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et le petit duc avait eu juste ta temps des'esquiver par un de ces bonds de ~fpe dont H

a ta secret, t~ doehe aonnM deaesperemem et tedragon, penaud et confus, reprit tristement techemin des <!eMfiat), t«nd~ que Ja eomM~te luitn~~MHtt un ~s.

Kt cneorc, Mj~uM-t-eHe,~c tu! tiens efMptede ce que son ~hev<d ext r~~r~.

Cette tb! tu eomM''se fut tht~atetnent cntou*ree par une bande de cavaHe~,

Bonjour, tott He!n, as-tu vu t'Htu! Ffont!-gnon aur son canmson f

Qu<:tt:~f€un! m'appette t~F<M-?~t!<M.Un<:OtM)te!1

QueUecote lui N:! tu co!Mc Mu (:. Bfttvot11 a besoin de retourner au Chard~nnet.

Comment le trouves-tu, te cheval Goujonau capitaine Cournet?

Tête bien eanee, fepondaU t<t comtesse, dela hanche, de la mUte, pas trop pre~ de terre,pas trop d'air sous le ventre non plus, bien établisur sa base, bon dessus, bon dessous, bien eer-clé, de l'etotte sans gros.

Oui, mais tu ne ? menés pas assez du Hanc

retroussé.Mais le plumet est bien planté.Et comment trouvcs'tu sa culotte?Juste bien, s'il en avait plus il ne s'enga-

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~aMit pas de Farderc-main; maia tes poignet''sont bent, les tendons bien detacttas. Avec celadu san~t, du vert, du peraan, droit comme unAMuna! Le cheval est de prent~fe.

V~ndr~-tu ~HMuder au butt<nSipJtohft <<<«!{ n'en revenoit pus, Le plumet!

Lu futoue! Oa osait pxrtMf & co<n<essade tueMtutMt On lui dt:mMnda« si elle !rt<i< M~tM<aubu~t.C'cmh <!poMv«ntab!e. Kt tkt<nutoy«!enttoust

Il en fit timidement t ubservatt«)t & tnttdtttneTfojt~wsha qui, un moment embufruss~e, f<jpanhbien vite

Ma!s non, nuds non t V<'us vous êtes trompe.Comme its portment ensemble, Vt<u!< avex cruque e'Jtah & moi que leurs phrases s'«drc!ist)!em,mais its se tutoyaient entre eux, rien de ptus.Quant aux expressions qui vous ont choque, cesont des termes techniques absotument etnptoyesdans le tangage du sport.

Mais ennn. ou avez-vous connu tous cesmessieurs?

Les onicicrs vont beaucoup dans le monde,maintenant. On se les arrache. Au Jockey, il suf-fit d'appartenir & Parmee pour etre reçu sansdiscussion.

Et votre cousine BoisontbntChez elle aussi on aime beaucoup les mili-

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ta!rea mais voua m'empêche!! de aotvra. !a

course.MiMe pardons, comtesse, et veuMte!: excu-

sor mon maudit bavardage.Cène fois, ic t6<c-a.tetc fut interrompu par un

officier t<u cadre de Sa!m'Cyr, avec une !argct:u!onc n<'tTQ t'OMdin~e dans des bottes ChantUty.

Cumment te vo!!a ici, ma belle ctKMHse!Cetu~ttt aMss!tu~yah! iiconttnMa les mains

dan' M", pwhcsF~ure-wi que, ce matin, {'a! faitt! prendre

une tape sur le cercueil à cause d'un adipeuxquiavait mis son aponévrose sur les Hees. Je te pro-mets que je lui at piqué un joli amph!. H estrc~ tué de mon lutust.

Qu'est-ce que c'etah que tout ceta ???. Pre-c!sement les 'courses tiraient a leur fin, et sirJohn scandaUs~ aperçut Saint-Machin qui des-cendait l'escalier. U se précipita vers lui.

Voyons, mon cher ami, vous m'avez biendit que la comtesseétait d'excellentefamille,cou-sine de Boisonfort, qu'elle avait dansé avecl'Empereur.

Parfaitement.Alors, vraiment vos omciers français sont

d'ëtrangcs sires. Ils lui parlent le ~epi sur latète, tt si vous aviez entendu la culotte, lesadipeux, !es aponévroses! Que sais-jet Knnn,

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WH8 n'aïtex pas me croire, maia Us ta mtoicntt~ua! `

Cetane m'étonnepaa, !a comtca~Tr~tow~ttae~ <r&a b!en n~e, Mais.

Ma!~Dcpu!s qMetques ann~s, e!!e a, qut«ë sa

fantUte, et elle v!t a SautHMF ot( e!te u d<'ja faitla joie de ptua!cHrs promotions.

Ah si J'avats su! s'~r!a John HatttaK.Et, voyant ta majestueuse eomMMC qtn attah

8or<tr du pa!a!sde Fïnoustrio, il élança dcrr!frceHe en cfiant

Comtesse! Comtesse Yeux-tu d!nef avecmoi ce soif? Nous tarauderons!

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AU CABARKT.

TEL MENU, TELLE FEMME

MENU CATAPULTUEUX

Potage Reine. Coquilles de laitance. Cu-lotte de bœuf à la chipolata. Bécasse rôti~.Salade. Asperges en branche.–Conpc Jac-ques. Roya~ Satnt-Marceaux. Pontet-Canet.

CEÏ.m QU'ON VEUT MONTRER Sur la ter-rasse ~'M'ï restaurant des CA<M~-7~~M.Belle fille, peu intelligente, mais e<4:ess!vementdë~orattve. Aux oreilles, des saphirs garnis dediamants. Six bracelets sur chaque gant de peaude Su~de. Une table juste au centre, bien en

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vue. Sur la table un bouquet de rosés. Bouteillespoussiéreuses couchées dans des paniers à rou-lettes.

MENU SË?tTtMENTAt.Consommé à la Royale. Croustades de ho-

mard. Côtelettes de chevreuil. Suprêmede caille. Petits pois. Victoria aux prali-nes. Vins: BeycheveUe et Pommery pre-mière.

CELLE QU'ON AIME ~K C<Ï/C X. sur les~ot</e<'<tr~. Après bien des hésitations, elle aenfin accepté diner. Toilette sombre, mais ex-cessivement étégante. Corsage ouvert en carré.Merveilleusement coiffée. Aux oreilles, deuxperles noires sans griffes pour éviter les égrati-gnures. S'est déBée d'elle-même et a accumulétous les obstacles, jupons, lacets compliqués,pantalons brodés indéchirables, etc., etc. Est ab-solument décidée ne pas tomber le premier soir.Cependant, si ce malheur arrivait, elle a mis àtout hasard des bas ravissants brodés avec des pa-pillons vieil or sur noir. Un cabinet au pre-mier bien confortable; gaz éteint, bougies.

MEKU INCOHÉRENT

Pas de potage un gros melon un au-tre gros melon. Crevettesde Dieppe. Filets

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d'anchois en ravier. Filets de ris de veau & laMaréchale. Éerevisses de la Meuse au vinblanc. Un excellent rumsteck aux pommesnouvelles. Deux côtelettes saignantes. Desœuts brouilles (!) Victoria aux pralines,Brioche à l'Ancienne. –Xérès.– Sauterne.Fronsac en carafe. Château-Pichon-Longue-vitte.Haut-Brion.–Moet (grand Cretnant).et tout ce que le sotntneHer a voulu.

PARTtE tMPROVtSÉE Au paM//OH AfacAt'H,

au bois de ~OK/o~H< Cabinet ouvrant sur le

parc. Cretonne gaie à gros bouquets.Le menu esttout à fait fantaisiste, personne n'a commandéd'avance au maître d'hôtel: et les plats sont arri-vés & la queue leu-leu sur demande individuelleet non motivée.

MENU PROVINCIAL

Potage Saint-Germain. Turbot sauce hol-landaise. Filet de bœuf au Xérès. Canne-ton de Rouen. Petits pois. Soufflé au cho-colat. Châteaa-Giscours. Veuve Clicquot.

CELLE QUI SE CACHE Aux Batignolles,cA~ Père-Machin. Adultère et mystère.Chapeau Henri III, sans plume. Voile épais.Pas de bijoux. Costume anglais sans taille, formeblouse. Pas de corset. Un seul jupon. Le ca-

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binet, !a-b.<s, là-bas, au fond de la cour, derrièrele jet d'eau. Murs humides, chaises en vieuxdamas, sofa en velours rouge datant de Gavarni.

MENU ËTHËR~

Potage à la Chevreuse. Filets de crevettes àla Vénitienne. CaiMes à la Régence. Petitspois à la Française. Bombe aux fraises. Jo-hannisberg.–R&venthal<t'. Saint-Peray mous-seux.

CEt.t.E QU) EST POKT)QHE:~M~Ot~<~C~OM-logne. Par une belle soirée d'été, l'emmenerla-bas dans le petit pavillon perdu au milieu desarbres. Autant que possible avoir une lune auciel et quelques tziganes perdus dans le feuil-lage. Fleurs, rayons, parfums, mélodies.

N. B. Avoir copieusementdînd avant cettepetite partie.

MENU EMBRASANT

Potage bisque. Homard à l'Américaine.Cailles en caisse. Truffes. Salade céleri.Artichauds poivrade. Ananas à la vanille.Romanée-Conti63. Côte-rôtie. Dry-Mono-pole.

CELLE QU'ON VEUT:e.<!M~aH~X. entréepar la rue. Chose. Cheveux noir-bleu, teintpaie, sourcils arqués, yeux pleins de langueur.

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Un léger duvet au coin des lèvres. Corsage pleinde promesses Mains petites, pleines de fossettes,d'une douceur de peau exquise, de ces mains quivous font frissonner rien qu~en vous effleurant.

Demander le cabinet le seul qui possède

un canapé turc large comme un champ de ma-noeuvre. Verrous solides. Murs tendus de satinpour etou'fer les sanglots et absorber l'agonie.Deux paravents. Garçons sourds et maitre d'hôtel aveugle.

MENU BOt:RGKO<S

Potage de santé. Èperlans frits. Undemi-poutet chasseur. Salade. Bordeauxordinaire. Eau de Saint-Galmier,

VtECX COLLAGE A la T~M'CfHC <!MJ/~MC.

Mal coiffée, cheveux dans le cou. Chapeau ferméavec plume défraîchie. Robe cheviot de la jour-née. Il y a si longtemps qu'ils se connaissentque ce n'est vraiment pas la peine de faire desfrais. Un bon coin, près du comptoir, où l'onpuisse causer de ses petites affaires & la bonnefranquette et les coudes sur la table.

MENU D'EXTRA

Potage à la Chevreuse. Filet de saumon à laVénitienne. Cailles à la Régence truffées.Sorbets au kirsch. Chaud-froid de homard à la

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t<uase Peth~ pois à ta fran~ahe. RomboKapo!!ta!ne. –G. H. MMtn (estra"~) tout tetemps.

jtKVNR M~t<A(tR: .Ma~MM t~M~.C'est Madame qu! a cho)~! t'cndfoh; ~tta \'eM<~ttro un diner abs&iument scmb!ab!e a cc!u( quemons~ar faisait )ad!~ avec tcit <'oeotMa. Ca~hMt

en laque verte, Hdeaus en v!eux brocart. Utaecpleine de souvenirs. Po~r te <neRM, Madame adectare qn'eUe ne voutah rien mangerde ce qM'cttetnangea!t à ta ma!son et qu'eUe vouta!t du vinde Chatnpagnc tout te temps.

MHKtJ StMt'<.<{ KT Ht: MAUVAtS CtXJtConsommé aux qucneHes de volaille. Beau.

coup de horsd'tMUvre. Radis.– Fi!< d'an-chois. Saumon grillé. Filet de ris de

veau à ta MarJehaie. Poularde truste, saucePeft~ueux. Salade. Pa«! de foie gras.Écrevisses de la Meuse en buisson. Bombevanille-orange. Gâteau punch glacé. Fron-sac en carafe. –Tisane. Aticante.

CKt.t.E QUt EST DANS LA COUTt «K: Là-bas, c&e~ CAo~c, au quartier Latin. Dix-sept

ans. Très bien coiffée. Habillée tout en noir.Bijoux en jais. Gants noirs vieux et très recou-sus. Maigre comme un chat et sèche comme unfruit vert. Chemise en grosse toile et pantalon

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en madapohtm, Me ts M vartWMse f<!s!«anec.Cabtnet très dor~ avec beaucoup da g~eea, !etustM attutne, bëttueoup de bouges.

MKKt' K«t'«MISANTCroûte «M put Hvët' be~Meoup de M~Mtncx.

Sttte Mornay avec beaucoup ~o trotna~e. t''tte<de bt!eMf avec be~MCoMp da potnmest t<<: <€trc.Poulet r&<! avec beKM~wp <<<! sutude~ (Sop tmdcM«nde.) Hnct'r<! ttea po~tnes de «;rt<. M!K

rhnpërao~c. Vitts: du HordeaMX «rt<!mdF<!

& ~!se~t!on.

t:t:t<t.H Qt;< Ht~MUTH ~M t'.t/t~ t~' At CM~~V.Arrive de sa province. Cxmatton superbe,

joues trop rouges, cheveux trup tr!su<, chapeautrop voyant et corsage trop <:t«!r, mam belle <)Ue

quan~t m6mc. Un peu ahure par te brouhahadu caM de ta Guerre, mais s'amuse de tout soncaeurde ce vaet-vient tumultueux. Appétit for-midabte. Une table tout a fait dans le fonddu petit salon. On ne tient pas & trop la mon-trer muis elle a voulu absolument diner dans tasalle commune. Les cabinets, c'est trop triste!

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UN C~NCum~ t)K Mt:UT!:

Kxcite par tes concours de l'aris et de Vienne,Richard O'Monroy a in~titu~, lui Mu~i. unconcours de beauté, Jw be~mJ morate, bicnentendu! Ma!s Il lui taut du temps pour exa.mtner tes mérites divers des ~ncurrentea. Aupremier {«Mr, nous publierons te résultat de ces«~nsctene!euscs études. En attendant, voiciquetques lettres qui prouvent au moins notredévorante <Mtt\He. Nous demandions & cesdames leurs titres & con<:our!r; leurs lettres necontiennent que leurs louanges. Mais ici, avantd'être homme, nous sommes juge. Si l'impar-tialité nous oblige A publier ces louanges, ellenous forcera à les vérifier, par un contrôtc se-

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v&re, d'autant que ht plupart du no~ ~rat;!eu'<e<'c«rf<tpottdantes n'ont pa~ auhi /a ~Mr<* tepetit M~tenH ~nc n~Hs tcuf ~vinna adressa, ~gen'est tndtqud nMÏ!e part (noMs tâtons cependantdcmantM. à dix ans pr~ nM! il puratt qM6c'eat encore trop). Cn na nous a pas envoya,«auf ~ue!qMea Mfea cs~pttttns, les ~ttncn~t~que n~Mit a\!ons <.p~!ndes h~Menr ~n<!ra<<!

des (Mn~cit, mcsM~ ta eM!sso, nu gcnoM, auMwH~ ht chevttt~ etc. KH revancho, les renase~Mcments sur !M bon~ du coeur et !c jayeuxcmrn!n sont aasex e<ttMp!ets, mais tf&s «pt!-m!stC!< 'n nous demandons des a<;<es et nonpas des parles, ne voulant accorder le prixqu'en connaissance de cause et au vra! mérite.Et maintenant lisonst

~'<c.SKCHtt~ MHS tmm-MOSUAtMHS

Monsieur Richard O'Monroy,n y en a qui sont jolies, moi je suis belle,

d'une beauté sculpturale, imposante, majes-tueuse, commandant te respect. Mon profit estd'une pureté exquise, mes yeux verts avec degrands cils noirs, ma bouche toute petite, re-trouKec dans tes coins avec une ombre imper-

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feptibte da duvet dore. Mus cheveux dépendentjusqu'aux chevilte: e<, sur le trunt, t'arboretierement ht oneche blanche des Seytta. Urandoentre tes {{rondes. je tais rêver en marchant d'unpas «tympan & je no M!t ~Mettes f~e$ tr~m-pilules. ~n moment trop ~r«sse, }'ai repris cet<ennt~e MM~ ma ~ehe~e. J'a! t~ ptthrme eM"

Han<o, les re!ns taf~es, les haches ni ~mpr!-meas ni dethnnees, les bras potetes tertnines pardes tuttins de patricienne aux doig~ fuseMs etaux ongles ct~rbes, h< cuisse longue, le mottetnerveux prenant ta lumière de ta bougieet pour cause des rettets dores, ta pied cam-bre, te taton Msc avec le doigt du pied retroussécomme la statue d'tsis de Franceschi.

Je suis très bonne, très simple, et ai l'hurreurde tout ce qui est bruyant, clinquant ou cont-plique. J'aime les nuances discrètes, les voixdouces et pénétrantes, t'amour agreabte, biencompris, sans heurt, dHMcuttes ou obstacles.Avant tout, memc~ans les moments d'entraine-ment, je tiens à être moi. Si je ne pouvais êtremoi, {aimerais mieux m'abstenir complètement.J~aime causer et je sais écouter lorsque la con-versation m'intéresse, je sais la faire durer &

t'!n<MM. J'aime le luxe d intérieur comme uncadre nécessaire & h beauté et j'ai un faibletout particulier pour tes bibelots Louis XV. Peu

· 13

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_1IItdoreuse de ma m~ef à cenatnes tempes quin'unt Mt moa go~ts, ni mes haMMde~, ni Mahaute allure, je tncne une vie r~HMere beau"f<mp ~mp r~g~M~FC ea que dh !e <to<:MUF

et je c~nsttCM au beztgMe un temps qui poutrait<!<re bien mieux Ctnptoy~.

Et cependant t'un ~tt que mes yeux v<:rM pro-mMKcnt tant de chosca!

Quand rendront-Hs?iMAttY MR H.AUMKSMtt..

Qu'est-ce que tu nous chantes? T'écrire de"lettres. Oh ta! lui Ous qu'est mon secrétaire?Comme si tu ne me connaissais pas depuislongtemps, gigolo de mon cceur. Voyons, suis-jemoins gaie, moins bruyante, moins soupeuse,moins en train qu'autKtois? Est-ce qu'au théâtrej'attrape moins bien que jadis les nez des petitsmichetons avec des boulettes bien lancées?Est ce que je n'oOre pas dans un d!ner, avecmon même sourire enchanMur, des fleurs auxhommes attendris, fleurs dont j'ai préalablementtrempé ta tige dans le moutardier. Ce que t'airi, ma chère! Dame, tes dents sont belles,le teint mat, tes yeux brillants, la taille bienprise. Je gante 6 pour les gants <:hirs, 6 ï/~pour tes gants foncés, 35 pour la chaussure.

Pour l'amour. tu demandes ce que je pense

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de l'amour. dis donc pas de bêtises. Je nupose certes pas puur le tempérament, maisdame j'ai une peau gtacée qui p!a!t surtout enetc. La voix? Heu! heu! un peu éraillée, mais)'at tant. parlé. Ah mon ami, demande à mapetite pension si je ne tn~ftte pas le prixprt!4 de ga!cte, prix d'excursion à ta campagne,prix de chahut dans les bastringues, prix deboucan aux Ambassadeura,prix d'a«rapage dansles cabinets particuliers, prix de hu!t-rcssorts.prix do toque en loutre, tuus les prix, tous, lesplus cteves comme tes plus minimes. Est-cequ'il n'y a pas un machin, un proverbe quidit Les petits ruisseaux font les grandesrivières.

Hé 1 Coco 1 Piges-tu la lune qui se ballade!Ah tu sais, zut pour la littérature1

Ht:KM!NE FAt.tXY.

Monsieur,Comme vous l'avez si bien dit dans votre

programme, la beauté n'est rien, tout dépend dela manière de s'en servir. Ainsi moi, & premièrevue, je ne suis peut-être pas ce qui s'appelle jolie

je suis pire. Mes cheveux dorés mettez rou-ges si vous voulez mesurent t"20 de longueur,et le matin, au réveil, j'ai un chiffonnage flocon-neux du plus agréable effet. Mes sourcils sont

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peut-être un peu élevés au-dessusdes yeux, maiscela me donne un air étonne qui plaît et en toutcas inspire confiance. Ma peau a le grain satinédes rousses, c'est tout dire, avec un impercep-tible duvet fauve qui est à ce qu'on m'aprouvé capiteux en diable. Tai!!e moyenneet plutôt grande, poitrine peu volumineuse maisbien en place, une de ces poitrines qui résistentaux plus faites fantaisies sans déchoir. Ventreplat, jambe mince et longue comme disent lesartistes, je suis haute $w ce qui mepermet de me promener dans le plus simpleappareil en restant svelte et gracieuse. Les mainssont bien, quoique peu maigres. Pour le reste,on dit que j'ai i'œii vif, la parole preste et lalangue bien pendue.

Le commissaire que vous m'enverrez metrouvera toujours de cinq & sept. Prière de lechoisir jeune, blond, mince, et autant que pos-sible dans t'armée française. ALTESSE.

Monsieur,Ze vous dirai d'abord que ze trouve votre

concours impertinent. Est-ce que z'ai le tempsde vous prouver pas écrit une chose que tantde gens me prouvent chaque jour autrement, etsi ze n'étais pas la plus belle, est-ce que vousvous figurez que c'est par mon intelligence.

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Mais ze rénechis qu'après tout, si vous m'accor-dez le prix, ce dont ze ne doute pas, cela mepermettra d'élever les miens et ze m'exécuteavec cette docilité touchante qui est un demes charmes.

Ze suis très grande, de haute mine, on voit queze suis de noble origine. Z'ai le profil régulier.le nez aquilin, de beaux yeux noirs expressifs etdoux, et les cheveux de la nuance à !a mode.Z'étaisaussi bien brune, mais mon coiffeur. ze nesais rien lui refuser. Z'ai les épaules tombantesavec le collier de Vénus, les bras magnifiqueset des mains de patricienne; z'ai quarante-neufde tour de taille, et le comte mon noble épouxprétendait que la ligne de mes hanches à lacheville rappelait les chefs-d'œuvre d'Ingres. Majambe est comme celle d'Océana avec moins delargeur de cuisse, et tout cela pas fatigué dutout, ze vous assure. Et cependant on pourraitl'être à moins, car z'ai un défaut, c'est d'êtretoujours trop bonne et de m'exécuter avec tropde facilité.

Ze vous dirai encore. Mais pardon, onsonne; c'est comme cela toute la journée. Vousvoyez bien que c'est une preuve. Venez doncme voir. Z'y suis toujours.

Comtesse LAptNSKA.

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Monsieur,M'avez-vousvu tirer ? M'avez-vous vu faire le

mur? M'avez-vous vu riposter par le contre dequarte, m'avez-vous vu en position, la mainhaute, la poitrine aussi eSacec. que possible, ale poignet en ligne, l'arrière-train bien à sa {j

place? Si oui, avouez que vous n'avez jamais

vu des proportions aussi parfaites, des cuissesplus rondes, des jarrets plus solides. Tout enmarbre. La régénération par le travail au lieudu ramollissement par l'amour. Et cependant.enfin il y a temps pour tout.

Quand j'enlève mon masque, je montre unetête intelligente, une bouche grande mais bienmeublée, un teint rose, des joues fermes, uncou admirablement attaché, et un œil qui dit,qui dit!

n

Au fait, si vous ne craignez pas un coup debouton, venez donc un peu plastronner.

En trois. Nous verrons qui aura la belle?Hé! hé! Si vous êtes malin, ce sera peut-être

vous.CÏ.ACBINE SAMET.

Monsieur Richard O'Monroy,Vous comprenez bien que, si l'on m'a donné

jadis le rôle de Cupidon dans Orphée aux En-

iJ

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fers, ce n'était pas pour des prunes. Et je neprononçais pas Kioupidonc, moi, je disais Cu-pidon avec un petit mouvement de langue et enappuyant sur chaque syllabe, et je faisais courirdes frissons voluptueux dans toute la salle. Matête est ronde, bien attachée et ornée de petitscheveux frisés à reflets fauves. Mes yeux bleussont presque trop grands et bordés d'immensescils noirs. Avec deux yeux comme cela et unepaire de boucles d'oreilles en saphir dans uneavant-scène,il n'y a plus besoin d'éclairer la salle;je suis de taille moyenne, mais ronde et poteléecomme une petite caille, ma peau est satinée, etj'ai un joli signe. comme la Marguerite duPetit Faust.

Pour ma poitrine, on a fait courir toute sortede bruits calomnieux. Il est évident que lesannées où il y a des pommesne peuvent ressem-bler aux années où il n'y a pas de pommes,mais cependant c'est fort honorable.

J'aime la valse à trois temps, les truffes sous laserviette, les chapeaux roses, la peinture moderneles mirlitons et le vin de Champagne mêlé debordeaux.

Je n'aime pas tout ce qui est ennuyeux, lesamoureux timides, les scènes de jalousie, lesfemmes laides et les hommes bêtes.

Je vous dirais bien de venir, mais je suis

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toujours si fatiguée. ce n'est pas ma faute.Enfin, venez tout de même. Au sujet des pommes,je voudrais bien vous voir porter le jugementdeParis.

MARY F&mRT

Monsieur,Je tiens absolument à ce que vous veniez me

voir le plus tôt possible, parce qu'il vous seraitdifficile de me juger en voiture ou marchant àpied avenue du Bois-de-Boulogne. Vous me trou-veriez gracieuse sans doute, mise très simple-ment avec un petit chic anglais qui est bien àmoi vous diriez que je salue bien et que jemarche admirablement, ce qui prouve déjà unegrande proportion de membres et une grandesouplesse dans les attaches. Mais tout cela n'estrien, et je comprends que, pour obtenir le prix,il vous faut plus. C'est ce plus que je désirerais

vous montrer dans l'intimité. Cette chevelurequi ne dit rien, enserrée dans le devonshireproduit, déroulée, des ondulations folles quidescendent en cascades jusqu'aux jarrets. Monteint, pale d'ordinaire, prend tout à coupdes lueurs roses comme un globe transparentéclairé par une lumière intérieure; mes yeuxdeviennent brillants, mes lèvres humides. Saviez-

vous que je ne portais jamais de corset? Non.

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Vous voyez bien qu'il faut que vous veniez mevoir. Je ne pub vraiment pas tout vous dire parlettre. et votre imagination, si vagabondequ'ellesoit, n'atteindra jamais les splendeurs et leséblouissements de la réalité.Je demanderais seulement à être prévenued'avance, parce que lundi je vais à Saumur,mercredi à Lunéville, jeudi au campde Chalonset samedi à Sathonay.

Voulez-vous vendredi entre Chalons etSathonay ?

AURORE DE FKAUSE

Monsieur,M'avez-vous jamais rencontrée au bois dans

mon huit-ressorts ? Avez-vousconstaté la dilata-tion de ma rétine ? Cette dilatation est tellementextraordinaire, que, même au repos, même dansmes moments tes plus calmes, j'ai l'air de désirerardemment des choses folles.

Voici ce qui m'arrive à chaque instant. Je salueun monsieur dont je me soucie comme d'uneguigne, avec mon salut en tire-bouchon, et marétine dilatée, et le lendemain. crac, je reçoisune déclaration du monsieur qui m'écrit J'aibien vu que vous m'aimiez 9

Voulez-vous d'autres détails ? beu heu Onprétend que je m'habille trop en garçon. Je sais

13.

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bien Être femme aussi quand je veux, allez, etla meilleure preuve c'est mon succèssur !a grandefamille Bo!son(on. Le n!a, le père, l'onde, unevdritable procession.On m'a appelé le phylloxerade la ~nt!nc. et cependant s'il ne restait pasde feuilles de v!gne, Je serais !a première a eneife désolée. Je sub rarement chez moi, et,quand )'y suis, je prends des tenons de dictionavec M. Talbot, maia passez donc un matin à laPotini&re, vers onze heures, Nuus redescendronsà pied l'avenue de l'Impératrice, et si moi et marétine nous ne vous avons pas ensorcelé avantl'avenue Malakoff, je eoMcns à renoncer au prix.

Adieu, vous 1

t.AURE SCHRVMAN.

Moniteur,Y a-t-il des militaires dans votre jury, parce

que, vous savez, je n'admets que le jugement desmilitaires. Pendant les deux années que j'aipassées à Saumur, on m'appelait le grand chevalde sang. Je ne suis pas ce qui s'appelle jolie,mais j'ai un chien endiablé, des cheveux blondsà reflets d'or bruni, un corps souple, serpentin,flexible comme une liane dont on peut faireabsolument ce qu'on veut. Malgré les conseilsdes bonnesamies, je ne porte jamais de corset etje m'en trouve bien. Je monte à cheval comme

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une eentauresae, et aborde t'obstacie avec sang-froid. J)e auis ea qu'on appelle let tausM «Mi~re,~'at raastcK~ un pou trop rebondie, mats M y H des6<!ns qui aiment cela.

Je <n,tta tr&a ga!e, tr&tt bon garçon, très ap!r!"tuelle, e< j'ai fait le bonheur des cst!~ de pro-vince mais, soMscea apparences fot~<rcs, {0 seraisincapable de subre t'esontp!e de Blanche quia'etah donnée à son tapissier pour des cordonsde <!ragc.

Ceci n*c<'< pas pour voua décourager, mats,)'a!me mieux vous te dire davance, si vousn'êtes pas militaire, cela ne bichera pas.

t.. Mt: ~OKKAV.

Monsieur,Ah 1 comme vous avez raison 1 La beauté n'est

rien et tout dépend de la manière de s'en servir.Ainsi moi, n'est-ce pas, a première vue, avec mondiable de nez trop court, et mes narines ou-vertes, on ne me prendra jamais pour la Vénusde Medicis; mais mes yeux bleus pétillent demalice et de bien d'autres choses encore, et j'aiune certaine façon de tirer la langue entre deuxrangées de perles. je ne puis pas vous expliquercela par écrit, mais, dans une avant-scène dethéâtre, j'ai souvent rien que par ce petit ma-nège bien plus de succès que tes régulière-

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ment jetiez. Mes cpante~ sont pOMtees et ornéesdu collier de Venus; or vous aavex Je parteque vous aavea qu'il n'y a que tes €(MM abso-lument ronds qui ont droh a cet ornement. Je$M!a de t«!tte Moyenne, ad<n!rab!ement faite etpotelée comme une peUte MUte. Quand A s'ha-biller, je erok que {'a! Ïe pompon, même deFavis des petitea camarades.Connatsse~-voMsmaMba de gaKC ehandron; conna!sMx.voHS ma robode velours ottoman ~arn!e de perles metatt!qne&?iNon< Ah ~a, vous neeonnat<tsex donc rien,mon paMVfe Monteur?Vcntx donc me voir dansmon nouvel appartement. C'est moins haut etbien ptus gentil que rue Tronchet. Nous cause.n'ns entre deux robes. Tout dépend de tu ma-nière de a'cn servir.

XEtKKKtSStAKt.

Par t~M~fa~ho.

Monsieur,Très peu de temps, très occupée, yeux noirs

longs, langoureux, quand je veux, cheveux im-menses, suis restée brune exprès, pour me singu-lariser. Grande, mince, poitrine petite, maisbien en place, 46 de tour de taille. N'aime pastes facéties ni tes bagatelles de la porte. La bonneloi naturelle tout de suite. Beaucoup de succèsau cercle des Mirlitons dans la pièce Cestpour

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tv Faisais une invhec. On m'avait reeom"mande de ne pas mettra Mes diamant: t~$ aimis tous. tM~si, un sucées) Pas le temps d'endira plus. T~Mgraphiea MouM-C~Fto.Nous !tme-

Fons rin<eftnhMnce. R~u~c on noir. A. votfechoix.

~mr~ t.<t)MK)'.

Monsieur,Jte ne vous parierai pas de moi, m<ds je donne-

fM!8 <om ttu monde pour que Léonide Leblanc«h le prix. Ette est si ~He, si charmante, sicapheuse.Je vendrais au besoin Utus mes bibelots.L'avez-vous vue dans ~Hr<e<~ ~tr~c~ n ya de quoi devenir fottc. Vous allez dire que je lesuis. ËM-ce que je sais Dites-moi ce qu'ilfaut faire, je vous en supplie à deux genoux.

)':VA M<'SXAt.):S.

Monsieur,Malgré mon luxe d'uttelage, mes buggys, mes

spidders et mes landaus(! ) je suis encore peu con-nue. Dame, j'appartiens au nouveau contingent,et n'ai pas eu encore te tempsde me rendre cetebrccomme mes devancières. D'ailleurs les procédésne sont pas lés mêmes. Mesdemoisellesnosancetressacrifiaient tout au désir de paraitre, donnaientdes dîners, des réceptions, des bats, des soupers

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auxquelles elles invitaient tout Paris. Nous avonschan~ tout cela. Toutes les fois que nous avouavingt-cinq loub. il y a des jours ou eela nousarrive p~aieurf <Ra!a, noua lea plaçQna d~Ha Mnpetit <!ro!r, et toutes los fota qu'il y a deux centstoM!a dans le petit tiroir, nous achetons du bonquatre et demi. Cela vaut encore mieux que denn!r comme la Parité, pas vrai.

A trente-cinq ans, je ferai ma vente et me ret!"rerai à Courbevoie,où t'en vit pour rien. Voita.

Un dernier mot. Je suis arrivée à i'age heureuxde vingt'deux ans, et le iapin m'est Inconnu.C'estgentU, mais je n'étais pas fâchée de vous prévenir,en passant.

t.UCETT)R t.ARMAS.Il

h

Monsieur,Est-ce que les femmes mariées peuvent concou.

rir aussi? Pourquoi pas, après tout? Cela m'en-nuie qu'on ne parle plus de moi. Que voulez-vous? j<

!i dressait si bien les chevaux. C'est ce qui m'aséduit. Maintenant, je vis en popote, en petitebourgeoise, mais j'ai toujours ma tête ultra-parisienne,comme disait Meilhac, mes yeux bleufaïence ombragésde longs cils noirs et si mescostumes sont simples (ahdame, ii a faiiurogner le budget) la taille est restée charmante,

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et ma main à fossettes est tou)oura celle quevoua aimcK tant & baiser.

Ah! une chose qui vous fera plai~r. J'ai ren-voya Constance, la grosse Constance, vous savez,la femme de chambre qui mentait si bien. Ellen'avah ptua sa raison d'Stfe, pas plus que madevise a Tribord d'abord e, mais un petit prix ensouvenir du passé ferait quand même plaisir àmon mari. On a son amour-propre.

t.~osTmt: mmttun.

Monsieur le rédacteur,Je suis brune, j'ai ie teint mat, la bouche pcute,

les lèvres pourpres avec un peu d'ombre dans lescoins, ce qui me donne l'air de sourire, même aurepos. J'ai en marchant un balancement desplus voluptueux, et je ne sais pourquoi on m'asouvent dit que mon buste n'était jamais au-des-sus de mes jambes. On me confond à chaqueinstant avec mon homonyme de la Comédie-Française. Je suis bien plus jolie qu'elle, allez!D'abord moi je dompte des chèvres et des <<phants, tandis qu'elle n'a jamais dompté que lerépertoire

Maintenant, entre nous, je vous dirai quecette espèce de timidité gauche que j'affecte estun petit truc à moi. On a tout de suite envie de merassurer, alors moi je ne me livre pas du premier

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coup. Après avoir d'abord caeM ma jolie têtederrière mon bras commeun oiseau souaaon aile,}e me laisseapprivoiser gradueMement,je reparaisriant aux anges. Je ne me donne pas, mais je melaisse prendre. Cette teçon vaut bien un fromage,et même le prix par-dessuale marché.

tEAKNE t.BBARSY.

Mons!eur le Directeur,Vous rappelez-vous le beau buste de marbre

qui eut tant de succès & l'exposition, il y a deux

ans. H y avait là une gorge qu'on voulut bientrouver merveilleuse et la plaisanteriede it'époqueconsistait à l'embrasser en passant juste aubi du bout du banc. On faisait des paris l'em-brassera l'embrassera pas. Et l'on embrassait.Cela vaut encore mieux que rien du tout, pour-tant, et cela leur donnait l'illusion à ces pauvres

une illusion froide.Eh bien entre nous (s'il n'était pas question

d'un concours sérieux, croyez-bien que je nedévoilerais pas le secret professionnel), la réalitéest encore mieux que le buste. C'est d'autant plusremarquableque je ne me ménage pas, et je n'aipas accroché chez moi l'écriteau de certains mu-sées a Regardez, mais ne touchez pas. w Vous

pouvez me donner un jury composé même d'a-

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veuves, Pour peu qu'ils aient des yeux au boutdes doigts, je parie, mai aussi, qu'ils me donne-ront le prix.

Rt.AUCMt: &R MAMARRR.

2" ~<C.

t.KTTKES M'AKftSTHS

Monsieur,Qu'est-ce que la beauté, sinon l'art de trou-

bler? Moi, je trouble. Mes yeux prennent &

volonté toutes les nuances de la mer profonde,tes ailes de mon nez palpitent, ma bouche légè-rement entr'ouverte laisse apercevoir mes dentsde jeune loup et esquisse un sourire tellementénigmatique que tes imbéciles y comprennentquelque chose, mais que tes malins n'y com-prennent rien.

Mes cheveux dorés et crespelés se dressent versle ciel en spirales imprévues, tandis que ma voixd'or murmure sur un rythme musical et mono-corde des phrases harmonieusescomme un chantd'oiseau et mystérieuses comme une ballade deRichepin.

Quant au corps, pourquoi parler de lui ? C'estun sylphe, quelque chose d'ëthërë et de flottant

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qui s'enrôle, se déroule, se tord sans lignesprécises et sans formes bien accusées, II a toutle charme du rêve et tout le~!o« d'un paysagede Corot. Où sont mes jambes? Je l'ignore. Ousont mes bras? Je ne l'ai jamais bien su. Ouest mon torse ? Peut-être ici, peut-être là? )

Qu'importe? On en n'est que plus troublé, etje sens voler vers moi les désirs des poètes, desmaréchaux de France et des petits collégiens.

Je veux le prix de beauté. Je l'exige 1 Si vousne me le donnez pas, vous ne savez pas de quoije suis capable. Je viens exécuter une crise denerfs géniale dans vos bureaux, je me rouleraisur les tapis, je déchirerai les rideaux et je feraisauter le mobilier à la dynamite. Je ne suisplus à regarder à une bruyante folie de plus oude moins.

Je l'aurai, dites, Monsieur, le prix 1 Je l'aurai?Regardez comme je suis serpentine et câline endemandant cela. Oui ? Merci, chéri 1 Deux coupsde bec et un coup d'aile.

DORA RIFLHARDT.

Cher Monsieur,A quoi bon vous dire que je suis belle? C'est

passé à l'état de cliché. On dit la belle MarieRégnier, comme on dit a le jeune et sympathiquedirecteur a en parlant de Foning. Où trouverez-

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vous un proni plus régulier, desyeuxplus grands,plus bleus et plus beaux avec la paupière lourde,la bouche plus voluptueuse surmontée du signenécessaire? Mon visage aristocratique seraitpresque trop régulier s'il n'était pas éclaire parma gaieté inaltérable et mes éclats de rire stri-dents. Et ma taille ? Et mes hanches ? Et madémarche? Non, là franchement, qu'est-ce quevous dites de tout cela. Voyez l'objet et inclinez-vous humblement devant ce chef-d'œuvre ducréateur.

Au reste, je vous tiens un pari, pas un paride course, mais un pari simple je vous metsau défi de ne pas me donner le prix de beauté.Vous seriez, en cas contraire, l'objet de la riséepublique, et vos lecteurs gens de goût,me le décerneraient d'acclamation.

Et voilà, cher Monsieur, tout ce que j'avais !t

vous dire.

MARtE RËGNtRR.

Monsieur,Maman m'a faite mignonne afin de mieux

me soigner dans-tous mes petits détails. Je suispetite, mais si bien proportionnée Mon visageest d'une régularité exquise, avec un caractèrevirginal que je souligne encore par des bandeauxtout plats à la vierge. Alors vous comprenez.

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l'on éprouve une véritable surprise. De mêmepour les yeux, j'ai les cils très longs; lors-que les paupières sont baissées, cela fait surles joues une ombre des plus pudiques. Puis,lorsque je lève les yeux et que je regarde bienen face, une véritable illumination qui permetde voir une seconde le fond de mon âme, et c'estjoliment intéressant, allez, le fond de mon 8mc 1

M'avez-vous aperçue aux Mirlitons, lorsqu'audeuxième acte, je remplaçais mademoiselle Rei-chemberg dans le rôle de la commère. Quandj'ai fait mon entrée avec ma jupe Louis XV, moncorsage rose, mon chapeau tout garni de roseset ma grande canne, ah Monsieurt. si vousétiez parmi les spectateurs, c'est-à-dire parmiles ensorcelés, je suis bien tranquille.

FLEUR DES POIS.

De qui, de quoi Des prix de beauté ? Non,laissez-moi me tordre un peu, et, lorsque vousm'aurez vue me tordant, avec mon rire gouailleuret communicatif, vous vous tordrez égalementet vous m'accorderez le prix de gaieté. D'ailleurs,pas de pose, vous savez, moi je suis tout à lacoule pour ce qui ne touche pas à mon art et àma boite; mais, par exemple,le théâtre, c'est sacré.Je suis en&nt de la balle, et il ne faut pasblaguer çaQuant à ma petite personne, si vous

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tenez absolument à ce que je vous en parle, je

vous dirai que j'ai une frimousse éveillée et dru-lette, de belles dents, des yeux noirs, la peautrès blanche et. ceci tout à fait entre nous,des jambes superbes.

Faudra-t-il me faire friser au petit fer pourle jour de la distribution des prix? Faudra-t-ilembrasser un vieux monsieur sur l'estrade? Non,vous savez, dites-le tout de suite, parce que,dans ce cas, je préférerais ne pas concourir.

J'aime pas bien à embrasser les vieux. L'âgeingrat t

Bonjour le Monsieur 1

GABRtELLE NËJAHE.

Monsieur,François ï'" avait coutume de dire, avec cette

grâce chevaleresque et bien française dont ilavait le secret, qu'une réunion sans femmes, c'estun printemps sans fleurs. Marguerite de Valois,qui parlait mieux que femme de son temps,aurait à elle seule suffi pour justifier cette façonde voir. Mais, par femme. il entendait la joliefemme, la femme intelligente, séduisante, dési-rable, ayant la beauté bonne, le regard aCectueUx,la main douce, une de ces mains potelées et àongles roses faites pour chasser d'une caresseles chagrins des fronts soucieux. Je trouve

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qu'une femme a mauvaise ~ace à venir parlerd'elle et faire parade d'attraitsqui doiventvaincresans qu'on ait besoin de plaider leur cause.Cependant, parmi la foule des complimentaabsurdes dont on rn~a souvent ennuyée au foyerde la Comédie-Française,deux choses m'ont faitplaisir

On m'a dit que j'étais blanche comme du lait;On m'a dit que j'avais l'air d'une duchesse de

la Régence;On m'a dit aussi.Non, décidément, j'aime mieux me taire. De-

vinez si vous osez, et. osez, si vous devinez.GABRIELLE KOLLER.

Moussu Richard, voulez-vous jouer avecmoù. Miousique. Hou! hou! hou!N'est-ce pas que je porte bien le costume declown. Il faut bienessayerun peu de tout, n'est-cepas? Tantôt je monte en ballon, tantôt je chantela Marguerite de Faust (le petit), tantôt j'exposedes Soudanais. Ah, j'y suis! Vous trouvez queje sors de la question, vous voulez que je vousparle de ma fatale beauté ? Hé hé Vous nevous embêtez pas. Comme je chantais au concertParisien.

Tu t'en ferais CHer le saladier 1

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Voyez quel chic elle a,, la bette Pamela! Pro-fil accentué, cheveux superbes, taille de guêpe,épaules merveilleuses, aplomb endiablé, torsepermettant d'essayer les modes les plus bizarreset les costumesles plus invraisemblables, jambesupportant le maillot noir avec bandede papiMon~*brodés !e moins avantageux des maillots1Main petite, mais assez grande pour porter lecœur sur la main. Avec cela du bagou, du chien,de la morbidezza, servez le tout dans un cadreoriental avec coussins turcs et vous m'en direzdes nouvelles. Allez la musique 1

L~A CASKO.

P. S. Bing! Je pars pour Tombouctou, Jevous ramènerai un petit rhinocéros de deux mois.

Monsieur, petit Monsieur, gentil petit Monsieur,Avant de commencer ma lettre, vous allez me

jurer, en me regardant bien en face, que vousserez partial. Je ne veux pas la lutte. Vous savezbien que )~ ne sais pas lutter; je veux que,parun entraînement bien doux, bien cordial, bienattendri, vous disiez que je suis adorable. Jemettraimon corsage bébé, celui décolleté en carréqui me fait des épaules si rondes. Le haut ducorpspenché en avant, la tête légèrementinclinéeà gauche, je vous ferai une belle risette en plis-

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sant un peu la lèvre en forme de petit pointu;et puis, je ~e~'era! un bras en Fair, un bras tuuepotelé avec des tossenes; et puis, avec mon petitdoigt, je fera! & Pst pst 1 pst aa

Ah par exemple, cousine restera là tout letemps, sans cela, j'aurais trop peur de vous.Oh! oui, grand'peur! Vous avez l'air si mé-chant.

Non, ce n'est pas vrai. Vous êtes gentil toutplein Tenez, je vous envoie un baiser avec lamain, comme ça1

LOUISE KHEO

Monsieur,Vous savez que je su!s très intimidée à l'idée

de venir vous parler de ma petite personne. Hs'agit d'un concours de ~<*<!M~. C'est effrayant.S'il s'agissait d'un concours de grâce, de gen-tillesse, de séduction, de charme éthéré- notezbien que ce n'est qu'une supposition–maisenfinj'oserais peut-être me risquer. Mes collègues ducercledes Mirlitons ont beaucoup de sympathiepour moi et trouvent que j'ai le profil tin et dé-licat, le cou rond, la nuque bien attachée, lataille bien proportionnée, ni trop grande, ni troppetite, des mains de pratricienne et des pieds deduchesse. C*est eux qui prétendent tout cela, mais

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au fond, voulez-vous que }e vous dise la causede mon succès ? J'ai Fair absolument chaste,pudique et r~ser<*< une ~<e de n~doM et deGretehen: eh bien maigre cela, je suis si bonnecamarade, que j'admets très bien tes plaisanteries,mê<ae un pou. lestes. Ators on se dit: a Tiensttiens! SuxcMe a laissé dire cela SuxeKe a ri decette énormité a Ators on est surpris, et un peuattendri. Au fond, ce n'est pas à moi à en tirer desconclusions, mais tout le monde m'adore.

Vous aussi, n'est-ce pas ? Avouez-le donc Jepermets.

St!ZHTTK t.tCHTRMBKMG.

Monsieur,D'abord, aimez-vous les beautés espagnoles?

Je vois votre tête au moment où je vous demandecela. Hî! hH h! Il est évident que si vous n'ap-préciez pas les cheveux noir bleu les teintspâles, les soupçonsde favoris, les lèvres pourpres,je vous plaindrai de tout mon cœur, mais cela

ne bichera pas. Et pourtant, si vous m'aviez vuedans mon costume écossais de présidente desRieuses 1 Voilà une tenue propice aux devoirsd'une e écossaise hospitalité s 1

Petit bonnet à aigrette coquettement posé surForeille~ plaid attaché sur l'épaule avec une grosse

i4

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turquoiseet dégageantie bras tout entier. Chaus.settes quadriUees cachant a peine la moitié dumollet et laissant voir la jambe nue jusqu'aumoment où elle dbpafa!t aoua les pHa d'unjupon suffisamment court. H! h! hi Vouavoudr!ex bien voir.

Cinquante centimes d'amende pour avoir man-qué de respect à la présidente. Ce sera pour lacagnottede notre bal. Si vous me donnez le prix,je vous ferai inviter, et nous danserons ensemblela première valse. en jupon écossais!

JUt.tA OR MONT!.H~KY.

Monsieur le Juge,Je veux bien concourir, mais à une condition,

c'est que cela ne me donnera pas de mal et que jepourrai rester calme, tranquille et souriante.Avant tout, je ne veux pas m'agiter. Cela faitmaigrir et toute ma grâce réside dans mes fos.settes. Voyez-vous, Monsieur, vous ne pouvezpasvous imaginer comme je suis potelée Lesépaulesla poitrine, les bras.

J'ai même pris l'habitude de croiser mes mainsen avant en laissant tomber mes bras, et je parlecomme cela, sans faire de gestes, et sans décroiserles mains. C'est très gentil.

Dans le même butje porte, autantque possible,

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des costumes courts. On na peut pas toujours;ça dépend de~ fMcs, mais les auteurs qoi mefonna!aaent bien eorhent aussi des rôles pourmes jambes.

Et puis maintenant, je n~outcrai plus rien.Vous me donnera:! te prix si vous voûtez, maispour moi, c'est fini, Je ne m'en occupe plus.

Bonjour, Monsieur.J. BONMAtKK.

Monsieur,C'était par une belle soirée d'automne. L'Od~on

était désert et je jouais Agrippine. Je me promenais sombreet farouche, les sourcils froncés,la boucheamère et tes cheveux crespelés. Je faisaisde grands pas solennels, arpentant la vaste scène,tandis que mon bras décrivait dans les airs desspirales appropriéesaux vers de Racine. Dans lasalle, ii y avait un spectateur coiffé d'une calottede velours et écoutant la pièce avec consciencecomme s'il cherchait la scèneà faire. Cet homme,ai-je besoin de le dire, était M. FrancisqueSarcey. Au moment où Néron criait:

Gardes, qu'on obéisse aux ordres de ma mère.

11 a mis sur son nez consciencieux une troi-

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Franc!sque a parM.

Je Jetante )e prix de !a beauté tragique.e

M. )[.ESS*!<0!EK.

Et d'abord, monpeth père, pourquoi est-ceque je ne concourraispas? On m'a dit,quand je nechantais pas, que j'avais une tête romaine. Parole!1J'ai du profil, et quant au torse, hein, tu leconnais La statue de la ville de Marseille surla place de la Concorde a l'air d'une puce àcoté de moi. Tu sais quand je chantais:

C'est to lait mamiiïaQu'a mis dans c'état-làLa petite Atala

Cristi On m'entendait jusqu'au rond-point.Ah! dame j'ai du creux. Farceur, tu vas dire quej'ai plutôt le contraire, mais tu peux remarquerque je suis très bien proportionnée, qùe, pourmon corps j'ai de petites mains, de petits pieds,et, quant à mon mollet. nous ne sommes pas àla foire de Neuilly. Si tu me fais avoir le prix,je te regarderai tous les soirs en chantant

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ÂM* Elle a mis d<ma te toaaeawBrigue dondatne. QueHe ~)M 1

Ah EMa a m!s dans ta tonneauC'est ThiM qu'a gagne !e pot1

Le pot, ce aéra le prix. Ouvre l'oeU.~titSE t.AfRE.

Mons!eur,!t faudrait avoir une haute dose de fatuité

fémininepour venir vous détailler mes charmescomme une femme futile et vaine, attachant uneimportance quelconque à ces biens périssables.Vous me diriez: a Tarte à la crème! a et j'admi-rerais là, Monsieur, ce jugement marqué au coind'une saine maturité. Festime et en cela, jecrois etre d'accord avec les conclusions de notrennalite imminente que la beauté n'est qu'unerésultante de l'harmonie complète existant entreles besoins matériels et les aspirations immaté-rielles. C'est un miroir qui rënéchit les rayonsde cette âme qui se souvient du ciel, et quigémit dans son étroite prison. Si la visionréfléchie est gracieuse et sereine, c'est que l'âmeest honnête est pure. J'ai dit, avec cette simpli-cité qui est le fond même de ma nature, et j'es-père, Monsieur, que nous nous sommes compris.

ËMtHE MOtZAT.

<4.

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Monsieur,Évidemment je suis un pou grande, mais si

vous saviez comme cela fait bien aller les cos-tumes de chez Ringa. Cela me permet les étoffesanciennes et lourdes, les velours frappes, les

gros paletots de loutre cambres et dessinant lataille. Il n'y a pas de danger que cela m'engonce1

J'ai une très jolie tournure, ce qui prouve, vousle savez, l'exacte proportion des jambes avec lebuste; vousn'avez qu'à me regardermarchera pieddans l'allée des Acacias, je suis sùre que cettedémarche rythmée, élégante, ces façons sobreset correctes de femme comme il faut vous plai-sent absolument. Les modistes disent que j'aiune tête à chapeau. Le fait est que tout me va,mais j'ai un faible pour les capotes roses.

Je m'y connais très bien en chevaux, ce quin'est pas non plus à dédaigner, et le critique leplus méticuleux ne pourrait rien trouver à redireà mon huit-ressorts. La coupe de la voiture,la bonne tournure des hommes en livrée verte,la beauté des chevaux, la finesse du cuir des har-nais, les chaînes d'attelage constituent un en-semble sobre de détails, mais harmonieux à l'œilet ayant véritablement grand air.

Ah! j'ai un défaut: je suis très joueuse auxcourses, mais je gagne en général et le gain vatrès bien à mon genre de beauté.

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Je vous satue, Monsieur, en espérant que vousne me fere~ jamais la cour. C'est si ennuyeux1

tOU!SE Ï.ERET.

Monsieur,N'est-ce pas que j'ai un type avec mon teint

mat, mes cheveux noir bleu, mes yeux cerclésde bistre et plus grands que nature, et mon airun peu égare? Cet air-là me rend tout à fait<~M'~c, et d'ailleurs mes incohérences sonttempérées par la sagesse de ma sœur la blonde.Elle m'est très utile, ma sœur la blonde.D'abord, elle est très intelligente et puis pas malfaite du tout, je vous assure. Je sais bien qu'ily a ce diable de pince-nez. mais, à part cela, elle

est charmante. Je ne vous dis pas cela pour fairel'article, cependant il est bien évident qu'il y adu plaisir à se trouver en compagnie de deuxfemmes bien élevées. Or, nous avons été trèsbien élevées, et nous ne nous quittons jamais, sibien qu'avec nous, les heures paraissent des se-condes, grâceà notre conversationengouée. Dansle cas où vous voudriez être le plus heureuxdestrois, écrivez à ma sœur. C'est elle qui arrangeIss entrevues de gré à gré.

J. MEGRAY

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Monsieur,Je suis Bourguignonne. Aimez-vous les Bour.

guignonnes? Ce pays jouit d'une bonne répu-tation. et moi aussi. Mes yeux bleu faïencefont contraste avec mes cheveux noirs que je portetout bonnement à la chinoise. Il faut avoir unjoli front pour se payer cela, mais j'ai les cinqpointes. Ma taille. Parbleu vous m'avez vueen amazone. Toujours au petit galop. Quandj'émis enfant à la campagne, je sautais sur leschevaux à poil, et je les domptais. J'ai conservéles mêmes habitudes. Qu'est-ce que vous dites demon amazone marron sans ceinture? N'est-ce

pas quelle va bien, et qu'elle plaque aux bonsendroits. Vous allez me dire qu'ils sont tousbons. Ah farceur de pompier!1

Pardon de ma familiarité, mais je ne suis pas& la pose. Dites donc, vous me donnerez le prix.Regardez-moi quand je fais risette. Je vous défiede me regarder sans m'embrasser d'abord, et medonner le prix ensuite.

GLADIE ROUDIER.

Monsieur,J'ai une prétention justifiée, celle d'être la

femme qui reçoit le mieux de Paris. Soit à laville, soit dans ma propriété du Blaisois, qu'ils'agisse d'un dîner ou d'un grand bal, soyez cer-

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tain que le menu sera exquis, l'orchestre excel-lent, les invitées jolies, et les hommes spirituels.Je suis de taille moyenne, potelée comme unecaille, et j'ai le visage avenant, tellement avenantque l'on s'y trompe et que l'on croit qu'il n'y aqu'à se présenter pour vaincre. Dites bien vite

que c'est une erreur. J'ai là-dessus des idées ab-solument arrêtées.Je ne mange pas des plats incon-nus, et je déguste longuement avant de me dé-cider.

Ah, dame, quand je me suis décidée, je rat-trape le temps perdu. et je ne suis jamais sifraîche et si jolie que dans ces moments-là.Vous allez dire que je suis décourageante.Pasdu tout. Seulement je n'aime pas les gens troppressés. Venez donc à mes mardis soir.

Mes deux mainsMARGUERITE DE FAUMEDON.

Monsieur,La taille, la taille, il n'y a que ça.Tant que la terre tournera.Il n'y aura que ça!

FÉLICIE LARMtER.

Monsieur,J'ai pourtant un joli nom qui vous a un petit

air croisade des plus «r/ et cependant on m'ap-

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pelle l'~a~H~e. Mademoiselle l'Anguille! 1 Ilssont bêtps, ces hommes Il est vrai que je pétillebien, et c'est peat-ëtre pour cela. Je demeure àPassy, c'est un peu loin, mais c'est Delphinequim'a persuadé qu'on avait plus d'air. La maisonest très tranquille. quand Delphine n'y est pas.Quand elle y est, c'est très gai on m'a déjàdonné congé trois fois. Vous voulez que je vousdécrive mon portrait. A quoi bon, vous ne con-naissez que moi. Vous né vous rappelez pas.Après cela je me trompe peut-être. Au bout dequelque temps je m'embrouille. En tout c&s, si

vous me donnez le prix, pas d'~a~H~c, n'est-cepas? mon vrai nom,

BLANCHE DE LERNY.

Monsieur,Je ne saurais trouverune dénnition plus exacte

de ma petite personne que celle inscrite un jourpar un charmant garçon au bas d'une de mesphotographies: Un Grcaj~r~oacA~~wGr~M.M'avez-vous parfois rencontrée au bois? Mes

yeux s'amusent avec l'admirateur comme le chatavec la souris tantôt ils vous reconnaissent, ettantôt ils ne vous reconnaissentpas. Ils vouspiquent, ils vous lardent, ils vous transpercentd'indifférence voulue ou d'amour exagéré. Puisen6n quand je vois qu'on est bien exaspéré, je

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me décide, la bouche s'entrouvre laissant passerun éclat de rire frais et sonorecomme unecascadede perles; les yeux agressifs tout à l'heure de-viennent eux'ïnemesrieurs et bons, et la tête mi-gnonne s'incline gracieusement dans l'angle leplus avantageuxsans chiffonner les brides et sansdéranger une mèche.

Est-ce qu'une science aussi exquise ne vautpas le prix, dites, monsieur mon juge?

CAMILLE LORRE.

Et j'ai lu tout cela avec conscience, avecémo-tion, avec attendrissement, et il m'a fallu décer-ner des prix avec impartialité1

Je passe au récit de la distribution solennelle.

LA DISTRIBUTION DES PRIX

Enfin il est donc arrivé; ce jour, où, le cœurremué par une joie profonde, nous avons pudistribuer notre grand prix de beauté. Quellespériphrasesailées, quelles métaphoreslumineusesemployer pour rendre le flamboiementde cettenouvelle cérémonie? ? ?..

Disons d'abord que nous avons trouvé auprèsde nos édiles un accueil non moins aimableque celui fait à M. Arthur Mayer. Alors que le

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Conseil municipal avait accordé au directeur duGaulois, pelouse de la Muette, retraites aux nam-beaux, fete foraine, bataille de fleurs,etc., à nousil accordait sans marchander la pelouse de Baga-telle, les tapisseries du Garde-Meubles, les lu-mières de M. Alphand, l'expérience de M. Livet,

un escadron de la garde municipale à cheval,les vieilles charpentes de l'Arc de Triomphe, etonze bataillons scrophulaires (que nous avonsrefusés).

Monsieur, avons nous dit au Président duConseil municipal, jusqu'ici je ne vous avaispas pris pour un Michelin sérieux~ je vois queje m'étais trompé.

Mais arrivons à la cérémonie. Sous un im-mense dais en peluche mousse et vieil or (an-cien ciel de lit de mademoiselle Alice Noward).avait été dressée une estrade sur laquelle avaitpris place votre serviteur accompagné de toutle jury du concours.

L'orchestrede l'Ëden, conduit par M. Karoluslut-mëme, huché sur le dernier cheval du ma-réchal Prim, était rangé sur la face gauche del'estrade et faisait entendre le pas d'j)?jK'e&!ortransposé en n~HCMr, par M. Hervé, qui s'étaitdéjà signalé par un travail semblable sur laMarseillaise.

A deux heures, vingt et un coups de canon

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tirés par madame Sarah Bernhardt, annonçaientle commencementdu défilé.

PREMtEa GNoupE, dames artistes. Ces damesde la Comédie-Française;derrière, madame Ma-deleine Brohan portant une bannière sur laquellerayonnait dans un nimbe d'or le portrait deM. Mario Uchard à vingt ans.

Puis, ces dames de l'Opéra, chant et danse.Les chanteuses complètement masquées par lasilhouette de madame Krauss. Les danseuses(étoiles, premiers sujets, coryphées et quadrilles)arborant une bannière rouge, dite de protesta-tions, sur laquelle était écrit en lettres capi-tales a Nous aimons mieux les chaussons auxpommes que les chaussons italiens. »

DEuxfÈME GROUPE, scènes de genre. Le per-sonnel féminin complet du Gymnase, Vau-deville, Palais-Royal et Variétés, réuni enoryA~OM tH~en~tHr, sous le commandementdemademoiselle Mily-Meyer en tambour-major.La musique jouait un pas redoublé très enle-vant sur cette romance populaire: a Les hommes,les hommes, il n'y a que cela. a

TKOtStËME GROUPE, dit des Indépendantes.Madame Élise Faure, suivie de quelques grossesdames des cafés-concerts brandissant un largedrapeau vert sur lequel on lisait

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A!bert!Atben!Il ressemble à son pèreEt son père à sa mèreEt sa mère à ma seear.

Atbert'Atben"UressemMo&tnaseeur,V~& pourquoi j'l'ai dans Pcœur!

QuATMKME GROUPE. Ces dames du demi-monde, dans un char enguirlandé, traîné pardes lapins blancs.

C!NQU)EME GROupM. Ces demoiselles du Prin-temps, du TBoa-MarcM, du Tapis-Rouge et duPcft~atM~-T~OttKM portant de vastes pancartessur lesquelles étaient écrits les prix des der-nières expositions d'été, ainsi que les devises

a On rend l'argent. E probitate DeMM.

Pas au coin du quai 1 ? etc.~ etc.Enfin, dans un désordre d'un heureux aspect,

les citoyennes anarchistes et les libres penseusesde quelques arrondissements cramoisis, portantun brassard couleur de feu sur lequel étaitécrite la belle phrase de Daudet e Pour mesfils, quand ils auront vingt francs a

Tous ces divers groupes défilaient devantl'estrade, et chaque bannière saluait au passageau milieu d'applaudissements unanimes.

Grâce au manque absolu de mesures d'ordre,tout se passa dans une régularité parfaite.

A deux heures et demie, on intima l'ordre à

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madame Sarah Bernhardt, qui ne voulait pass'arrêter non ~~<<a), de cesser de tirerdes coups de canon, et le président tres-ëmuprit la parole en ces termes

e Mesdames, Messieurs,

a Quand les païens élevaient des templesh l'inconnu en y mettant les images de la Forceet de la Beauté, Us honoraient d'un culte im-mortel la force dans ce qu'eue a de plus trou-blant et de plus majestueux, Bravo! La phraseest de madame Adam. Mais non! Jereconnais le style de Louise Miche! !) Aujour-d'hui, toutes les divinités sont tombées, toutesles royautés sont abolies, toutes les vieilles tra-ditions sont parties & la dérive, mais, dansces ruines, une croyance seule est restée intacte,la croyance en la beauté, la croyance en !afemme! Tel est aujourd'hui le Crc~o universel.(Longue acclamation. Richepin ôtc son col-bach pour embrasser Thcodora.)

» Nous avens donc pensé à exalter ce culte,déjà si répandu, à lui donner le coup de fouetde Femulation, afin que les prêtresses aient nonseulement le rayonnement de l'apostolat, maisl'ardeur mystérieuse et troublante de la beauté

reconnue qui impose et qui s'impose. Mes-dames, notre concours de beauté sera la grandepensée du siècle. Nos juges, soigneusement

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choisis, ont été pleins de partialité, parce qu'ilsétaient des hommes, mais aussi pleins de con-science, parce que. ce concours les intéressait.(Sourires discrets.) Les brevets de beauté quenous allons délivrer figureront en bonne placedans les papiers de famille. Ils seront un titre degloire qui rejaillira sur les descendants, et ser-viront aux jeunes filles a contacter de bellesunions libres, meme à la dixième génération.Alors que tant de Français ont déjà oublié lenom de la vénérable reine Marie-Amélie, tousont encore dans la mémoire le nom de la belleGabrielle. Pourquoi ? Parce qu'elle était belle1

(Et Diane de Poitiers et Déjazet! et madameRécamier et Océana N'embrouillez pas !)

» Mais je vois, à l'impatience avec laquellevous agitez vos bannières, que vous attendezpantelantes(Oh! oh !) les résultats du concours.Je m'arrête donc, et vais proclamer les nomsdes lauréates. Fanfare »

CONCOURS DE BEAUTÉ, ANNÉE t886 (1)

Pmx D'EXCELLENCE. Ce prix se compose(t) Pour prouver ta conscience avec laquelle nos prix

ont été décernes, nous citerons, entre mille, ce rapportrédige après visite domiciliairefaite par un de nos expertsdéiéguës.

RAPPORT D'CN DES EXPERTS DELEGUES

Nous, expert délègue, dés!gné pour verM!er de tactu les

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d'un superbe mail attelé, dit -Ma~ ~!MOMr, etdécoré d'une façon toute particulière..

assertions de madame Altesse,nous sommes rendu cejour-d'hu! 5 octobre t886, et revêtu de nos insignes, en l'hôtelde la dame, boulevard Me!ssonnier.

Avons sonne, et parlant à une personne grassouiHettoattachée à son .service et répandant au nom de Camille,avons monté-un large escalier à double rampe conduisantau premier.

Là avons été introduit dans un boudoir somptueux,garni de tableauxmilitaires et d'ëvontaUsde valeur, boH-doir tout imprègne d'un parfum indéfinissable. maiscapiteux en diable.

Au bout de quelques minutes d'attente un siècleavons vu entrer madame Akosse, eUe-mëme, vêtue d'unpeignoir bleu de ciel, garni de points d'Alençon, et lescheveux tombant sur tes épaules.

Avons d'abord constaté par preuves à l'appui et signesindiscutables que les cheveux étaient naturellement ruti-lants, sans apprêt ni préparation d'aucune sorte, entière-ment conformes comme couleur à la nuance dorée d'unléger duvet ombrant tes bras et tes jambes. Us mesurent,mètre en main, t",5o.

Avec ledit mètre, et sans nous départir de notre sang-froid, avons ensuite pris les mesures suivantes, tout enfermant les yeux, sur un désir bien naturel exprimé parmadame Altesse, nous priant d'avoir seulement des yeuxau bout des doigts.

Largeur des poignets o°*,t3Largeur ducou. o"Largeur de la taille. o",48Largeur de la cuisse, en haut. o*,56

en bas o°,4<)Largeur du mollet, en haut. ov,36

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Ce prix, le jury l'a partagé entre mesdamesAlice Noward, Alice Theren et Marie Régnier,à mérite égal.

Par suite de cette décision du jury, ie Mail

Largeur des chevilles o°*,t<)Largeur de la po!trine. ('57

Avons de plus constaté que t'épiderme était d'une finesseextrême, doux comme du satin, frais et parfumé, queles dents étaient blanches comme celles d'un jeune chien,que l'oreille était admirablement ourlée, quo les mainsétaient aristocratiques. le pied cambréet les attaches fines.

Nous avons noté des lèvres sensuelles et une haleineexhalant une bonne odeur de dragée, avec je ne sais quoid'une épice enragée qui rend fou.Ayant alors voulu pousser plus loin nos investigations

avons été prié par madame Altesse de bien vouloir nousrenfermer strictement dans tes limites de notre mandat.

Ne connaissantque notre devoir, nous avons passé outre,et constaté après, quelquesminutes de lutte, que madameAitesse est restée dans sa lettre bien au-dessous de lavérité.

En foi de quoi nous avons rédige,la vue un peu trouble,le présent procès-verbal pour être envoyé à la commis-sion afin qu'elle n'en ignore.

Et, après avoir avalé un verre de sherry brandy et deuxbiscuits pour reprendre des forces, avons quitté l'hôtel du

boulevard Meissonnier pour continuer nos expertises.Et avons été reconduit jusqu'à la rue par la personne

grassouillette,attachéeà la personnede t'examinée,commeil est dit ci-dessus.

Fait à Paris, le 5 octobre t886.X.

Détégué expert(6* année d'exercice.)

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~'«MOMf appartiendra donc à madame AliceNoward, les lundi, mercredi et vendredi de cha-que semaine; à madame A!ico Theren, les mardi,jeudi et samedi, et à madame Marie Régnier, ledimanche.(Longues acclamations qui redoublentà la vue des trois belles concurrentes gravissant~estrade pour venir embrasser le président. Troismembresdu jury les accompagnent jusqu'à leurmail; elles y montent et disparaissent au galopdes quatre chevaux.)

Ce seul prix n'a pas paru suffisant au jury

d'autres mérites spéciaux restaient à récompen-ser. Les prix suivants ont donc été joints au pre-mier et décernes comme il suit

PRIX BE SAGESSE (par acclamation). MadameAhesse.

Un beau régiment de cavalerie avec effectifcomplet en hommes et chevaux.

(Madame Altesse envoie un bécot dans la di-rection du jury, saute à cheval, et part à la têtede son régiment dans la direction de Ville-d~Avray. La fanfare joue a Ah que j'aime lesmilitaires a )}

PRIX os GRACE. Madame Uonide Raumesnil.Haute canne Louis XV, ~vec manche en vieux

saxe.

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Madame Raumesnil fait une révérence exquise,reçoit sa canne, et part avec la démarche d'unemarquise de Fragonard.

PRtXOE GYMNASTtQCEt)RAMAT!QUE.– Hors COn-cours Madame Dorah-Riflhardt. (Sensation pro-fonde.)

Ce prix consiste ~en un gymnase byzantin avectout ce qu'il fautpôur se disloquer, installé dansl'ancien hôtel de Favenue de Villiers, racheté àcette occasion 'et repeint à neuf par Caille-botte.

(La grande artiste se traîne en marchant parsaccades.' EUe s'enroule. trois fois autour duprésident, se déroule, plane un instant, et dispa-raît dans l'éther.)

PRIX DE MAINTIEN. Création spéciale Made-moiselle Gabrielle Koller.

Une couronne de duchesse, avec fiefs privi-lèges et tabouret à une cour aristocratique.

PRIX D~MtTATtON. MadameGabrielle Méjane.Le cordon de lorgnon du prince, avec un ca-

mélia et une moustache blanche.Mademoiselle,dit le président, nous avons

voulu rappeler le plaisir exquis que vous avezcausé à nos amis du Petit Cercle dans la der-nière Revue.

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» Quel spirituel et charmant compère Ce prixn'a d'ailleurs de valeur que par rintention..

raMaia le dire! s'ëcrie la gracieuseartiste,en recevant son petit paquet.

?Mx o'ENTRAtN BtABOUQUE.–MadameDelphineBaUhzy.

Ses entrées & vie au concert des Ambassadeurs.Je les avais de)à! s'écrier Delphine; énnn,

je les donnera~ à Marthe!

PMx'DE TEt!ut: Mdd~me .Louise Leret.

oUn coupé trois-quarts,avec deux carrossiers de

NorfoH:.

PRIX DE GRAVITÉ. Madame Léa Casko.Une araignée en diamaat&évoluant sur un pla-

fond vierge, plus le portrait miniature, surivoire, de M. Chadwick, en coléoptère.

(Madame Léa Casko gravit l'estrade la tête enbas et les pieds en l'air, ce qui embarrasse unpeu le membre du jury chargé de lui déposerla couronne sur la tête et de l'embrasser. Il dé-

pose la couronne. à tout hasard, mais il n'em-brasse pas.)

PRIX D'EXCELLENCE. (Vétérans).- Madame ÉliseLaure, dite des Ambassadeurs.

Un panier de flacons du lait Mamilla, et neufi8.

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grosse caisse n'ayant encore servi qu'à M. De-ransart.

(Arrivéesur tes marches,madame Laure envoiedans la direction du Trocadéro, un a He Coco! a»qui fait écrouler tout un côté de l'estrade. Grandsuccès, surtout parmi les gardes municipauxquine cachent pas leur joie, bien que maintenusdans les limites de la pudeur par une sage disci-pline. Sans cela!)

PMXDES!Mpuc!TÉ ACADÉMIQUE.–MadameÉmi-lie Moizat.

Une réduction du Panthéon en gâteau de Sa-voie avec cette inscription en sucre: a Aux gran-des femmes, la Patrie reconnaissante, s Plus unecorrespondance pour la Place Courcelles.

Je n'ai pas coiffé sainte Geneviève, répondla douce Émilie en rougissant, mais je lui con-sacrerai quand même ce petit temple élevé à magloire.

Là-dessus elle part rapidement, pour utiliserla correspondance pendant qu'il en est tempsencore.

PRIX DE poiNTE.– Madame Claudine Samet.Une paire de fleurets offerts. par le général

Bourgachard.Madame Samet embrasse longuement le pré-

sident, puis croyant voir une expression d'ironie

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jalouse sur la figure des membres du jury, elleles ginle et leur donne à tous sa carte. Tousl'acceptent avec reconnaissance.

PRIX cvttÉe~TtQUE.– (Fondé par la Société pro-tectrice des animaux). Madame la comtesse La-pinscka.

Concession, aprèsdépart,de toutes les garennesde Chantilly.

(La comtesse très occupée & cette heure-là, a en-voyé sa femme de chambre. Les municipauxfont un succès à la jolie camériste).

PMx DES BLONDES. Madame Suzette Lich-temberg.

La section du Cercle de la Place Vendômeaucomplet. Président, vice-président comité etmembres enthousiastes.

Madame, dit le président, je vous diraicomme Bailly à Louis XVI: Ce n'est pas leclub qui vous conquiert, c'est vous qui faites laconquêtedu club.

PRIX DES BRUNES. Madame Julia de Mont-lhery.

Une glace de Venise.Nous ne pouvions rien vous donner de plus

joli que votre portrait dit le président.Madame Julia remercie le président et l'invite,

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ainsi que ces messieurs du jury, au prochaindîner de rieuses.

PMx DE NOBLESSE. Madame Laure Schuman.Un traité completsur la a Noblesse de France~,

par d'Hozier.Madame, lui dit le président, qui, se res-

semble s'assemble.

Ptux D~EQUtTATton, ex <p~«o. Mesdames Bla-die et de Tornay.

Un cheval de sang dressé par M. Makensie-Grièves.

Mesdames, dit le président, dans le cas oùchacune de vous désirerait garder ce cheval, c'estM. Molier qui sera chargé de décider en dernierressort.

Oh! alors, je suis bien tranquille, répondchacune de ces dames.

Pmx HÉRËNTAiRE. Mademoiselle Marie Da-

tour.Le portrait d'Amélie, et en exergue cette in-

scriptionen diamants,retrouvéeparSaint-Machin

« JMa~rc pulchra, /M pulchrior. »

Saint-Machin vous traduira ça au besoin,dit le président.

Bast! répond la belleMarie. Les diamants.ça se comprend toujours.

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PRIX DE coMENE. Madame Eudith Ztomer.Une entrée au Conservatoire deUvree sur tes

recommandationsdes auteurs de la R~fae à bonm<c&

Tous tes prix sont distribués. Le présidentse lève et dit ces derniers mots

Nous allons terminer cette imposante cé-rémonie par un défilé sur l'estrade des diversescorporations.Chaque concurrenteembrasserasuc-cessivement au passage messieurs du jury.

Bravos frénétiques. Le dénie commence. Aucinquantième baiser, l'aréopage commence àdonner des signes inquiétants d'aliénation men-tale.

Et le défilé continue toujours, toujours. etles baisers succèdent aux baisers. Tout fait pré-voir une catastrophe.

A six heures, la charpente s'eubndre au bruitdes fanfares. Enlacements, cris de joie. On sentque quelque chose de très grand vient d'appa-raître.

Apothéose gaie Fête sublime et catapul-tueuse!

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LA CHOUPASSE

H faut rendre justice au général il avaittrouvé le cantonnement très convenablementinstalle à Chatcautbrt. Les chevaux n'étaient pastrop serrés dans les hangars, les armes étaientbien placées, les couchettesen paille étaient trèssutlisantes, partout les ~opo~ avaient très bonair, et tes marmites envoyaient dans Pair unparfum des plus appétissants. En bon générât,qui ne craint pas de s'occuper des détails, it avaitsoulevé te couvercle des gamelles et regardé lecontenu qui mijotait.

Pas mul, pas mal, avait-il dit, mais celamanque de légumes. Capitaine commandant,pourquoi si peu de iegumcs?

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Mon gênera!, il n'y en a pas dansle village.Capitaine, je n'admets pas cette raison. On

cherche, on se remue, et l'on trouve. Vous

avez vos bonis des ordinaires, n'est-ce pas ? Ehbien, consacrez les à l'achat de choux, de carottesde pommes de terre qui fassentde bonnes soupes,

î1

des cAo~MMM, vous me comprenezbien, je veuxdes grosses cAoM~MM d'Auvergnats.

On promit au gênerai qu'il aurait ses chou-

passes, et celui-ci piquant des deux et suivi deson omcier d'ordonnance, reprit au galop lechemin de la brigade.

11 croit que c'est commode, ie général ditle capitaine Pouraiiie. J'ai cherché dans toutesles fermes, il n'y a rien, absolument rien.

Moi, j'ai bien trouvé quelques choux ft

deux sous la tête, mais c'était bien mauvais,continua Brionne. c

Fichu pays! appuya La Bëtferc. Pas delégumes! Je vous demande un peu à quoi em-ptoient leurs luisirs, les indigènesde CMtcaufort 1

Tandis que ses camaradesexhalaient leur mau-vaise humeur, le capitaine Parabere approuvaiten hochant la tête, d'un air entendu, maisderrière sa grosse moustache noire, il souriait.En effet, très débrouillard quand il s'agissait deses hommes et aussi très grand marcheur, ilavait poussé le mutin à pied jusqu'à la ferme du

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Fresnes, et là, on lui avait proposé six centskilogrammes de pommes de terre à sept francsles cent kilos. C'était tout ce que !e fermierpossédait. Avec ses six cents kilos, ParabereaUait pouvoir, pendant une semaine, améliorersensiblement la cuisine de ses cavaliers, mais àune condition, c'est qu'il gardât exclusivementl'achat pour son escadron.

Si Parabère tenait tant à ses pommes de terre,c'est que, depuis l'inspection générale, il y avaitune véritable course au clocher entre Pouraille.Brionne, La Beliere et lui, Portés tous les quatreau choix comme chets d'escadron, a peu prèségaux comme âge, comme mérite et commeavenir, il s'agissait de savoir qui serait maintenusur le ;ableau, et chacun d'eux, même dans lesdétails les plus minces, essayait de faire mieuxque son rival, atin d'être coté en conséquence.

Parabere se garda donc bien de souiller mutde sa découverte; mais il redoutait l'arrivée de

sa voiture chargée sur ta grande place. H y auraitaffluence, concurrence, surenchères, les pommesde terre monteraient à un taux fabuleux, et lepauvre capitainese verrait frustré de ses légumes.)1 avait bien pensé à faire arriver la charrettependant la manœuvre, à l'heure où tous les cama-rades étaient à cheval, mais le fermier avait dé-claré que, le matin, lui et ses chevaux étaient

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occupés aux champs et qu'il ne pouvait venirque dans l'après-midi.

M fallait donc trouver un moyen d'éloigner lescamarades pendant la journée, mais lequel?Après six heures de manoeuvres et de galopsdans la terre labourée, on ne tient guère a ex-cursionncr. On ne se doute pas comme il estdifficile de mobilisersans motif grave un cavalieréreinté1

Parabère chercha et trouva, Il commença pardisparaître toute la journée sans qu'on pûtsavoir où il était allé. La nuit venue, il rejoignitl'auberge où ses camarades se réunissaient pourprendre le café. Les cigares et les fourneauxdes pipes piquaient des points de feu dansl'obscurité. C'était l'heure de la bonne cama-raderie, un moment exquis ou, sous l'influencede la digestion, chacun éprouve le calme et lasatisfaction du devoir accompli.

C'est le moment des épanchements intimc!des récits de guerre, ou des anecdotes amou-reuses, chacun apportant son mot ou son récit.

Les histoires de femmes sont surtout goûtées,compensation insumsante sans doute auxprivations endurées depuis une semaine. A soninsu, chacun envoie alors un baiser & l'amieabsente, poétisée par l'éloignement.

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Un cri général salua t'entrée de Paraberea D'où sortez-vous ? Vous avez manque audîner! »

Messieurs, dit le capitaine, en s'installantàcheval sur une chaise, j'arrive d'Étampes vingtkilomètres, ce n'est pas une affaire, et j'ajoute-rai. que je ne regrette pas mon voyage.

Ah! ah! Contez-nouscela. SatanéParabère1Toujours le m6tne. Vous savez que le générâtn'aime pas qu'on s'absentedu cantonnement sansraison majeure.

Mais, sacrebleu, il y avait une raison ma-jeure. Est-ce que vous ne trouvez pas que Cha-teaufort manque de femmes?t

Oui oui! fut it répondu avec un ensemblemerveilleux.

Evidemmentl'idéeémise par le capitaine repon-duit à une préoccupation générale.

Eh bien! Messieurs, figurez-vous que j'aitrouvé à Étampes une perte, une véritable perte.

Des détails, Parabcre, des détails!On rapprocha les chaises, c< le capitaine con-

tinua au milieu d'un profond silence.Un bienheureux hasard m'a fait découvrir,

dans une auberge, celle qu'on appelle dans le

pays « ta belle H&teMere o. Elle est connue àdix tieuM à la ronde. Les châtelains, tes chas-seurs, tes sportsmen en villégiature, viennent

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exprès & Mtampes rien que pour. Malvina, lamerveilleuseMalvina.

Elle s'appelle Malvina drôle de nom! Etcomment est-elles

Ah 1 mes amis, j'ai connu bien des joliesfemmes, mais celle-là dépasse tout ce qu'on peutr~ver. Des grands yeux noirs par lesquelspassent,en vous regardant,toute sorte de lueurs étranges.une bouche diabolique qui rit en carré avec desdents superbes et au coin des lèvres un soupçonde moustache.

J'adore les moustaches, exclama Pouraillev isiblementému.

Laissez donc parier Paraberc.Aveccela descheveux blondsà reflets d'or.Vous nous avez parlé d'yeux noirs?C'est justement là la rareté. Une attache

de cou superbe, un corsage à point, ni trop nipas assez, mais cependant plutôt plantureux, unesplendide créature; un joli sourire plein de pro-messes.

Mille sabretaches, s'écria La Bélière trèsrouge, ce diable de Parabêre vous a des descrip-tions.

Et, dites-nous, Malvina est-elle farouche?Est-ce une vertu?

Peuh! Évidemmentvous pensez bien qu'unefemme semblable ne se donne pas au premier

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venu, mais,quand on lui plait, c'est une gaillardequi ne fait pas de façons, et ce n'est ni long nidiMcile.

Alors, vous. vous avez été persuasif?.Chut! La discrétion est le devoir du cava-

lier français. Je vous dirai seulementque je suistrès fatigué et que je vais me coucher. Sur ce,Messieurs, bonsoir!

Et Parabère se leva, laissant ses camaradesdans un état d'exaltation dinicile & décrire.

On dormit mal cette nuit-la au cantonnement,et, pendant la fâcheuse insomnie, chaque entier 1

se retournant sur sa couche solitaire ne pensaqu'a la belle hôtelière. Chacun complétait, selonson goût, le portrait de Malvina, fait par Para-bere. Le gros major se la ngurait pale, mince, l'uirromanesque et intéressant, avec des langueursattractives! Pouraitte songeait à des tevres

rouges et aux moustaches; elle devait avoir !:)

peau très blanche ave<: un léger duvet sur les brasfermes et ronds. Brionne se représentait une jolieboulotte, bien en chair, croupe andalouse, gorgesaillante, mollets larges du haut, minces du bas.La B~iierc s'imaginait quelque madame Hovary.Messalinede province, dévorée par un feu inté-rieur, et. quelles que dussent être les cxigfttces dela situation: se sentait à ta hauteur.

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Quant aux petits lieutenants, c'était du délire.Brune, blonde ou rousse, qu'importe Elle étaitCf//<* qui suffit pour mettre en l'air toute unegarnison. Celle pour laquelle on ferait dix lieuesà pied, pour laquelle on risquerait huit joursd'arrêt. Mente ce nom de Malvina, prétentieux etcanaille, eveUtait les idées les plus folles danstous ces cerveaux de cuirassiers enfiévrés par unecontinence peu habituelle.

Pendant le repos, à ta manœuvre, chacun prità part le capitaine Parabere pour se faire donnerl'adresse et l'itinéraireexact:

C'est bien simple, répondit le capitaine. tifaut descendre la grande rue, dépasser les deux j

églises, et, arrivé devantle télégraphe,vous tour-nerez a gauche. Au reste, vous n'avez qu'&demander au premier passant venu la /c/76~<«?rc, tout le monde ù Ëtampes connaitMatvina.

Merci, mon ami. Je vais tacher de me dé-ukr tantôt.

Et de fait, après le déjeuner, le <f(~7<t~f com-mença sur une grande echcile, un véritableexode. Les lieutenants plus mettants, avaient usede stratagème et avaient loué des guimbardesétonnantes conduites par des cuirassiers déduises

sous des bourgerons et des casquettes de soie.Quatre d entre eux avaient pris ta voiture d'am-

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butance, voiture si drôlement suspendue qu'ilsuffit d'y monter pour avoir l'air malade, et secachaient derrière le fourgonnier, ponant sur unbrassard la croix rouge de la Convention deGenève. D'autres, simplement le fusil sur t'é-paule, étaient partis chasser. dans ta directiond'Étampes.

ï~ petit Destignac avait emprunté un completà son propriétaire et s'en allait gravement, lutête a moitié cachée sous un chapeau decatitreï8?o et le torse flottant dans une vaste houppe-lande sous laquelle apparaissaient les bottesChantilly. Tout le long de la route nationale,les paysans s'arrêtaient a !a vue de ces appari-tions fantastiques.Les capitaines,moins contrô!c:étaient partis isolément toujours dans ta di-rection d'Ktampes–pourpromener tcur deuxièmecheval. Quant au gros major, toujours exactobservateur de lu discipline et du reniement, ilavait demandé au co!onct la permission de serendre a Étampcs pour se taire couper les che-veux.

Mais. vous n'avez pas de cheveux! avaitobservé le cotonc!.

Si, mon cotonct. par derrière, il y a destouffes qui me gênent. et puis j'ai a renouvelerma provision de cigares.

A'iez, major, allez, avait répondu le co-

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lonel en souriant, mais recommandez bien aucoiffeur d'avoir la main légère. On s'enrhume~i facilement

Tous les officiers arrivèrent dans la granderue d'Étampes, marchant vite pour trouver l'au-berge avant les camarades. Jamais on n'avait vutant d'uniformes. La procession suivit l'itinéraireindiqué par Parabère; on dépassa les deuxéglises; au télégraphe,on tourna à gauche, et onarriva au grand mur qui longe la voie du cheminde fer. Aucune auberge dans cette direction!Quelques officiers se décidèrent ù demander ouétait l'auberge de la « belle hôtelière w.

La belle hôtelière? demanda le passant in-pellé.

Oui, Malvina, la belle Malvina!Mcssieurs.repondit-onavecgravité, Étampes

est une ville austère, qui ne tient pas le genred'établissement dont vous voulez parler.

D'autres indigènes moins pudibonds cxpe-dièrent nos officiers au « Grand Monarque e etau « Soleil d'Or Mais, dans l'un comme dansl'aune hôtel, pas la moindre Malvina

Le gros major renonça le premier a la pour-suite de la femme pâle aux langueurs attractives;à cinq heures il retournait a Châteaufort ayantcomplètementoublié de faire couper ces touffes

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de cheveux qui le gênaient. Bientôt La Belière,Brionne et la Pouraille, dépistés et furieux,reprirent à leur tour le chemin du cantonnement.A la nuit tombante seulement, les lieutenantsse décidèrent à abandonner la chasse.

Pendant que ses camarades faisaient résonnerleurs éperons sur les paves d'Étampes, le sageParabère, resté seul au cantonnement, recevaitavec son fourrier les six cents kilogrammes de

pommes de terre promises, au prix de sept francsles cent kilos. Immédiatement, elles étaient ré-parties dans les pelotons et emportées dans lesgrands sacs pour être distribuées aux hommes. Lesurlendemain, le général resta émerveilledevant laplantureuse cAoM~aM<* de l'escadron de Parabèrc,tandis que La Belière, PouraiUe et Brionne enétaient restés au simple bouillon gras.

Capitaine je suis content de vous! dit legcnéra!. On peut exiger des hommes n'importequelle fatigue, avec une pareille c/tc<~MMc/

En conséquence, le capitaine Parabëre a étéseul maintenu sur tableau d'avancement. Ilva passer chef d'escadrons.

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UNE JOURNÉE

AUX GRANDES MANŒUVRES

ct!<q HEURES DU MATts. Réveil par l'ordon-nance qui, après avoir essayé de la voix nûtée,finit par crier sur le ton de la théorie a Moncapitaaaaaine!! a On bondit, on voue l'ordonnanceaux dieux infernaux, et l'on se plonge dans sontob pour tâcher d'être lucide. Après quoi onendosse la tenue de manœuvre, et cheval1

ctNo HEURES uN QUART. Réunion de l'esca-dron sur la place du village. Avons-nous noscent hommes présents ? Mais il y a deux ma-lades. Et bien! faites monter les deux cuisi-niers. Il me fautmescent hommes. Désespoirdescuisiniers.

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e<!«) nM'XKs Rt oRM)K. En ft*ute,a la re-eherche de lu c«te <3~, peint indiqué commeréunion. L'atr est frais et embaume,lea oiseauxchantent dans tes branches,h rost}e a laissé aprèsles arbres de longs ttts de ta vierge, tes petitesmaisons A vo!et)! verts ont t'a!r endormi dans !averdttM. et il &<u< chercher !a cote t3~ 1

sts Mt:n<Rs. Réunion des oMciers en cercleautour du {{encrât. Messieurs voici t'hypo-thèse de la bataille d'aujourd'hui. Rappruche}!-

vt'us, au deuxième rang. Je n'a! pas l'intentionde m'égosiller. Capitaine d'Mparvin, quand vousvoudrez laisser votre cheval tranquille, vous meferez plaisir. Je disais donc, Messieurs, queetc., etc.

tturr HRUttES.– Quand je le disais. Quellesalade, mes enfants! Le général a fait sonner &

drche mais le cotonetChambcnoh a commandepelotons à gauche. Ces choses-là arrivent & defort honnêtes gens. Et le générât de grinchera Je vous croyaismusicien,colonel C'est bien lapeine d'avoir des prétentions comme ténor, etc.,etc. » Et tout cela va retomber sur les pauvrescapitaines-commandants.

NEUF HEURES. Le repos. On met pied & terre,on fume une cigarette. Mais ça manque nonseulement de femmes, mais de rafraîchissements.Le général ne veut pas de cantinière. H n'ad-

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t'!< J)Ot!«!i~E At'X t.HANt't!!< MA!!«mVHt:!<

met pas qu'un officier ne puisse pas rester cinqheures & cheval sans boire. Tout est posaiMa.parbteu.

<MXR nRfuns. Lu grrrrrandc charge finale,Kscadrons en avant, au gatop, marche. P«urrmtaque!Charge}!) H!p! H!p<HMrrah!C'esH temonMnUcptMsa~aMede !a)ourn~e. A eau~ede t'ivresse de la charge ? Pas du tout, c'estparce que c'cM !a <!n de~ manœuvre.

<w<i!H MKUMt:s «t oHM<n. Retour au canton-nctnent. Trente degrés a t'ombre, et lit rome esten plein soleil. t)iscuss!ons catapuhueuses surles mouvements de la madnee: c'est PouratUequi a fait manquer la conversion. n ne de-vait pas s'arrêter. Mais si, puisqu'ilétait pivot.

Oui, mais pas pivot fixe, pivot mouvant.Pivot, vous-même. Allons déjeuner.

mot. Au Z~'«/ coM~OHM~. Déjeuner. Unvin qui fait des taches d'encre sur lu nappe etdes côtelettes larges comme des bidons, ic toutservi par une grosse fille que le petit Larmejanca le tort de pincer tout le temps, ce qui nuità la régularité du service. Le capitaine a décidéqu'on lui attacherait les mains et qu'on te feraitmanger à la cuillère. Ah! mais!

USE HEUME. Disparition generate. Ënnn onva donc goûter tes douceurs de la sieste, de labonne sieste, bien lourde, bien abrutie, tandis

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qu'au dehors le soleil darde aes rayons d'nplombsur la grande place.

NK «RUHR m «t~(t!. Tara ta ta, tara ta ta1

le générât fait sonner a chovat par alerta. H fautse lever rendoi'x@r te hMrna!a et coMr!r sur !n oplaco d'atartw. Pourvu que mes hommes lie

rcr<ïveH<ent, mon 0!cu ConcstwaUan ht (ermcdesQMx<ra-MoMt!ns.Nous n'y aurons ~ama!a!

Rm x t<t:«(K!t. Attacudon ~u ~n~rat « Kvt'-

ttotnmeM ceta pourrait <!<re (n!cMX, pour une re-vue ce serait !nsuMsant,vos pa~ueta~eit laissentA d<!s!f<:r, mais je veux bien ta!r<! !« part des eir-constances. Metnmcnex votre esea~ran. 0

QtfAYKt: ttHMMHs. Le grand pansage, t~n ea-vaUer !ntct!!g<n< a e~ ptace en avant du vittage,so!-dtsam c<'mme ptanton pour apporter lesordres, mais en reante pour preven!r de t'arnveedes gros bonnetit. KsceHent exercice de vedette.

CINQ )tKn<t::t. Conversations vives et animéesdu capitaine avec le boucher, le boulangeret l'é-picière. On s'était assez bien entendu comme tprix, mais il y a la question du timbre qui vienttout gâter. Pas mal l'épicière. Avec elle on s'ar-rangera en faisant des factures intérieures & dixfrancs, mais avec tes autres, on sera inexorrrra-bie!!t Je ne connais quele règlement.

six HKUMËS. Un brin de toilette. Tenue n" tkep! frais, moustache retroussée, aller faire iso-

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~M~Mf un petit tour dans les rues aeartees. Ah!fFon pou~!t trouver b«n ~!M et te reMe pt'ur

cesotr! On m'a parte d'un pet!t tard!nat.~t:t'r t<t:M«K-<. t~ d!ner. JL'cxetnpte do L«~

mo~ane M <ï<~ dJtmMreHx, c'est !< ~u! ma!nMnttntptncera grosse titte ~Mt ««Ms d!t en r!ant o Khbon ~uand ~'aMfat <«m M~hu!, vous sercx benMvan~ai.

M

xctt <«:< «t:~ m <tt:M<t'. On tMtnM tu bonnep!pc«M <n!McM d'um <atme ptuf~nd. ~n nn~!et<

racQntc M~ soMven!r8de Me<):. Au !t)h~ ta r<:Mah<:

résonne. On ne voit presque ptu<:{ te tttycrbr!tum des p!pes p!uu<! seut un potm iumtneuxdans ta nuit. C'est t'heure de ta bonne eamapa-detie.

)MX m:unns. Ex<!ncUon des feux. Se cou-cher à dtxheMfcs; c'est beau ta vcftu. L~ssefd!spara!tfe un & un les camarades,et s'en xtter &

tout hasard montât ta garde devant un pe<!t )ar-d!net de ta rue de La Tru!c qu! ntc. On a aperçuta, à six heures, une pethe btnndinette en pci-gno!r Meu.

mx MHUKHs Ht M~MtH. Prendre s'~n sabre enguise de guitare: « A ta fenêtre, daigne pa-rahrc. a Qu'est-ce que vous voûtez ? Ah1

vous !e savez bien Pas du tout. mais jevais toujours vous ouvnr.

LA cospÉREKCË. Tout ie monde a formd te

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eercte autour du général qui va expliquer rhypo-these de~ mouvements de la journée. Heureuxmoment pour tes jeunes gens qui prontent decette réunion pour rallier à dea eoH~ca folles.Les vieux vont plus doucement mais arriventtout de ntCme. Attention ~nera~e.

QUE~URS TY~ES!

t.K tt~Kt~ttAt.. Mva ta nuit de formationsen ma~e et de deptttitnen<s on buttttMe. Va,v!eM, a'epount«ne en expUcattonit, M passionnepour s<tn 8M!et, ut n'admet pas qu'un otHckr decalorie soit jamais fa<uc. Le cheval peut.<!trc, mais pas le cavalier.

<.R <;o<.<t!<Kt.. De ces tnanoouvfes-t& vontdependfe ses épaulettes de gencMt. Ceci ta rend

un peu nerveux et grincheux, mais on le seraità moins, et puis, il est si aimable en garnison,qu'on peut bien lui pardonner ces quinze joursde crise.

~K t,tKttTHNA!<t-eot.ost:t.Toujoursplus vieux

que le colonel. A sa retraite dans un mois.Légèrement désabuse des joies de ce monde.Cependant a tenu à honneur de faire une der-nière fois tes manœuvres. H aura servi jusqu'aubout.

LE GROS M<uoM. Remplace le chef d'esca-dron malade. Fureur et damnation Avec cetaun cheval qui donne des coups de pied en

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vache, et qui profitu du cercle puur causer cha-que tb!s un accident, si bien que te mot d'or-dre e~ a Fuyea le major Cet animal est don.gereux! e

m C~t')TAt!<R-e<~)M*!<OA'<T tt~TK OK tURC. ttest placé & raUe, si b!<:n qu'on s~en prend tau")ûur8 à lui quand te mouvement rate. Kt !t ydes veinards qui commandent des escadrons ducentre!

t.us t.<m:tKNAM~~ m <.«!t )Mtt:tMt.mt:tKXMt~Ktourdis, gais et rieurs. C'est si amusant tesgrandes manoeuvres. pour ceux qui n'ont ab-solument qu'à suivre le capitaine. Kt la chan-gentent, l'imprévu, le grand air, les galops bienfrancs, ta bonne camaraderie. sans compterles petites femmes qui rallieront ce soir au can-tonnement.

C(M<~H.S PK~TtQUËS!

La cantine réglementaire n'est pas grande,mais avec une ordonnance un peudëbrouiitardcc'est incroyable ce qu'on peut y faire entrer.Ne pas cependant se charger d'elfets inutiles.Une tenue complète de rechange. Deux panta-lons blancs. De bonnes bottines bien vieillespour marcher dans tout te cantonnement, despantounes pour la chambre, deux chemises deflanelle; un petitgilet, un bon dolman bien large,

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une culotte neuvequ'onaura cependant brisëe àcheval,une dizainede jours avantle départ. La eu*lotte doit se boutonner {usqu'au dessus du genou,de façon A pouvoir donner do l'aisance au jarretrien qu'en tachant quelques boutons. Bien segarder do mettre ses enets de toilette dans lacantine. Souvent les bagages ne sont pas arrivesquand on parvient au cantonnement. Avoir surson cheval dans l'etu! un petit nécessaire en toilecirée contenant une éponge, une brosse, un ra-soir et un savon. Avec cela, on peut aMer par-tout et se laver des Farriveeau gtte. Dans le mjtnebut, avoir un vieux képi routé, qui permettrad'ôter son shako ou son casque des l'arrivée, oumême pendant la grande halte. Prendre ses pré-cautions en cas des pluies d'automne. Sur lechcvai, le grand tablier de cuir verni qui entouretepoitrait et s'accroche la ceinturedu cavalier.On a ainsi les jambes complètement garanties.Sur les épaules, la pèlerine de caoutchouc, quipeut se jeter rapidementsans passer les manches.Le tout peut former un paquet très petit occu-pant l'ancienne place du porte manteau.

Dans l'étui d'état-major accroché & la selle ducôté montoir, avoir du papier quadrillé, des en-veloppes, un crayon noir, un crayon rouge, unecarte collée sur toile, avec bois peints en vert,routes en rouge, et rivières en bleu. Sur soi, une

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bonne montre peu suscapUMe, une boussole,un snMct. Dans rdw! à revolver, sa p!pc et son~bae. (Le tcvotver dans la ca<n!t)e, <M!t!!< il nefaut pas le d!re!~ï)(ttMtagoMrde, titi t:aMfro!d,

OH de ht \e!Ue cau-de-v!c. Pans la emu!ne, desenveloppes toutes timbrées a t'avance, du papierà !e~re, et une dixn!n<: de \!cMx {emmaux pour<a!re Han)ber dans les b"tt< nM<uitM<:s hve!Ue.C'est encore te meilleur m~yen pour en!ev~!rhmn!d!tt:. Sur<~u< ne pa~ oub!!c) Mne bennedu~ d'entruin, de {;a!e«; et de ph!t<t!tuph!e.

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~Ë M<\TKAU t)t: tLHUt~

Le sort en était )Cte! M. Nestor Lardùchc,honnête rentier, retiré du commerce,se décidait,au bout de trente ans de travail, d'honneur, deprivations et de loyauté, à se payer un petitvoyage a Trouville. en avait assezdu (Mub<tur~Sa!nt-Denis, des horizons rétrécis du boulevard

et des arbres malingres de la métropole. t! luifallait à son tour la grande vie, le brouhaha desCasinos à ta mode, et la vue de la Mtcr AHMK~Mf.

Donc,un beau soir a sept heures, il s'embarquadans le rapide de Trouville, et, après avoir coiffé

une bette calotte de velours brodé, souvenir desa défunte Caroline, après avoir assujetti surson petit nez une paire de lunettes à branches

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d'or, M se mit en devoir de tire un feuilletonpalpitant du Petit ~OM~M/. Malheurausement letrain marchaità grande vitesse, ta lumière vaeil"luit, et, arrivé à un passage où le comte disaità un colonel:

Voutez-vous que je vous dise franchement?Oui t!!

(La suite au prochain numéro.)M. Lardeche fut obligé de s'avouer qu'il fanait

renoncer a la lecture. n protnenadonc ses regardssur ses compagnons de voyage et aperçut queces compagnons étaient des compagnes. Quatrejcunes filles vêtues très simplement de costumesde mousseline de laine imprimée, mais non sansune certaine élégance. Il y en avait trois blondeset une brune, qui paraissait le chef de Fexpe-ditiun, et qui semblait l'aînée, bien qu'elle n~eût

pas vingt-cinq ans. D'ailleurs, une belle fille, autype accentué, aux sourcils noirs fortementarqués, avec des lèvres pourpres estompées dansles coins d'un petit duvet très appétissant. On abeau être un honnête bunnetier, cela n'empêchepas d'apprécierà leur juste valeur les jolies filles,

et Caroline, de son vivant, laissait faire, sachantbien que cette admiration platonique pour labeauté n'avait jamais fait commettre & l'honnêteLardèche le ptus petit accroc à la vertu con-jugale.

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NestPf n'a jamais failli disait CaroÏine

avec une noble fierté, et c'était vrai.Les trais autres blondinettes avaient des

cheveux a la chien, des figures chinonnëes, dfsnez tournes /~<aM~<s< et présentaient cetype gavroche gai et gouailleur très communparmi les pethes ouvrières de Paris. La conver-sat!on était vive et an!tnec.

Ce qui m'inquiète, disait lu brune, c'estque !c train arrive à minuit dix. A cette heure-là, les maisons particulières sont fermées et leshôtels sont arehi-pteins pendant la semaine descourses nous aurons peut-être beaucoup depeine à nous caser.

Ce ne serait pas gai, ma chère, de passerune n"it & !a belle ~toite. Nous aurions dûtélégraphier.

Merci pour faire encore des fraisC'est égal, je suis loin d'être rassurée.

A ce moment, M. Lardèche, pris de compas-sion, crut de son devoir d'intervenir, et d'un tonpaternel

Mon Dieu, Mademoiselle,permettez-moi de

vous offrir mes humbles services j'ai écrit àM. Cardoville, marchand de curiosités, rue dela Mer, pour le prévenir de mon arrivée.dispose de nombreuses chambresmeublées, et jecrois que vous pourriez trouver là ~otrc affaire.

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Merci, Monsieur, répondit la brune aveceffusion et vous nous rendez, à moi et à mesamies, un véritable service. Permettez-moi de

vous les présenter Voici Jeanne, Blanche etNoémie, moi, je m'appelle Rachel. Nous faisons

toutes quatre dans les modes; nous chiffonnons.Joli métier, répondit M. Lardèche en s'in-

clinant, lucratif et élégant.La glace était brisée, et nos cinq voyageurs

étaient les meilleurs amis du monde lorsque letrain entra en gare. Nestor Lardèche, avec sabonne grâce habituelle, s'occupa des bagages deces demoiselles pas bien gros les bagagespuis Fon monta tous les cinq dans un de cespetits paniers en fe dont Trouville a conservéle monopole.

M. Cardoville, le bonnet de coton en tête c:la bougie en main, attendait son locataire, maisil fut un peu surpris à la vue du chargementféminin.

Tiens! tiens! fit-il, vous avez donc amenévotre famille ?

Mon Dieu, ces demoiselles ne sont pas dema famille. Ce sont de respectables personnesque je connais un peu.

Monsieur nous a connues toutes petites,appuya Rachel.

–< Toutes petites, parfaitement.en chemin de

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fer. il y a longtemps. et elles désireraientvouslouer une chambre.

Ma foi, je veuxbien, j'en ai trois disponiblesa dix francs par jour. Seulement, je dois vousdire que, ces demoisellesm'étant absolument in"

connues, moi, je n'ai à faire qu'à vous pour lalocation.

Cela n'a pas d'importance,intervintBlanche;le principal c'est que nous soyons casées.

Eh bien voilà qui est convenu, dit M. Cardoville. Je vais immédiatement vous conduireà vos appartements.

Les chambres,avec leursornementsen crochets,leurs petits ronds de tapis, et leurs tableaux encoquillage furenttrouvées ravisssantes. Il y avaitbien un léger inconvénient. Rachel, pour rentrerchez elle, était obligée de traverserpar la chambrede Nestor.

Bah J'ai le sommeil très dur et cela neme gênera pas, dit le conciliant bonnetier.

Je tâcherai que cela vous dérange le moinspossible, mon bon oncle, répondit Rachcl.

Au mot d'OHC& toutes les petites follesavaientpouffé, et, lorsque le propriétaire se fut retiré

C'est une bon.*e idée; vous serez notreoncle. Bonne nuit, mon oncle 1

Les quatre jeunes filles rembrassèrent genti-ment avec toute sorte de singeries.

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Bonne nuit, mes nièces, répondit Larde-ehe en riant d'un rire bonhotmne. `

Une demi-heure après, toute cette belle fa-mille reMn!e par le hasard dormait du sommeildu juste, ot Nestor Lardecho rova!t qu'il étaitun de ces d!gnes patriarches dont parle )t'Kcr!ture.

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La journée du lendemain se passa très bien.Ces demoisellesrestèrent dehors toute la )ournec,et ne rentrèrent que vers minuit. Quant & Ra-chel, elle ne rentra pas du tout, ce qui fait qu'ellen'eut même pas A passer par la chambre deM. Lardèche,qui fut très touché de cette atten-tion.

Au moment du déjeuner, elle arriva les yeuxun peu battus et les cheveux un peu défrisés

Tenez, mon oncle, dit-elle, voici un petitbillet de cinquante francs. Vous seriez bien aima-ble de me le garder: ce sera pour !a location,vous savez.

Comme vous voudrez, mon enfant. Cettemarque de confiance m'honore.

))

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Oui, nous uvona décida cota. Comme c'~tvous qui ave!: tone, ÏH~que moi ou mea amiesnous aurons un peu d'argent, nou~ vous omet-trons df~ peths atun~pMs; de eatM ntMnMra, nousserons pt~n W)nqM!t!<!f.

Et lit vie eonUnMHainsi e« commun, << ~an"t!t<Mn<, ta br<tve Nestor voyant ~n th~r~ttrtuut <ay~ par tes atMcs et venues de {eM"

n<!)t!tC!<. C'<:ttt!en< des po~n~cs de mn!n, dex 8«u-f!res~ des et(j«tt?r!es, doit pe<!M8 <:tpoa en pH~ttntsur les bonnes joues de i'<tHf/t'. Lui, H rencon-~r~ ses nièces, tsmût aux petits <:hevMUX, tantôtse promenant sothakement sur tes ptanchcs tesoir, souvent ac<:ompMgnees de tness!eura plus~u moins éteints. Dttns ee cas, Lardeehe, enpftrfa't (;enUetnan. discret et bien etevc, pa$soh

en clignunt de roe!t, sans avoir t'air. Au reste,lu vie privée de ces jeunes filles ne le regardoU

pas. Le soir, ie petit pensionnat rendait ou nerentrait pas, et, ma foi, Nestor préférait peut-être qu'elles ne rentrassent pus d'abord, on étaitbien plus tranquille la nuit, et puis le bonnetieravait remarque que le lendemain it était bien

rare qu'elles ne lui apportassent pas quelque me.nue monnaie en le priant de la mettre de côte.Cela variait dix francs, vingt francs, cinquantefrancs, mais tes petits ruisseaux <bnt les grandesrivières, et il ne fallait pas perdre de vue qu'il

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Mtah Mitponsabtedo lu ioeat~n via~v~ de Cardf-ville. Son honn~etJ de fMmmar~ant xe r<}v«t<a!<

a t'M~a de Ke pM pay~fun Mt Me, mai~, d'un aut<*?

eAtc, !t esp~)!t btcn ne pftt y CtM d~ im poche.A ~tn !n~M, !t <tnt''t)t<h pt<r tt'tn~rcMfr A t'~jt

frHt:tMeMsc'< pt!r<!jt{r!nn«ttn' Il d!t)h pur osempte{< M!an<h<:

No nwMe8 patt vutfe httpcaM etxx'tier t'«!tomaf~u~~u'Uvous purMiu~M~ne. ffweK pht~tte moMsqMCttttreà p!H«~ ~osc. Kn vm!~ Mn tpt!v«M!t vab!<:n..

A Nt~m!e, MM peu s~r~use et oaMv~c, il di-aMh

V~M avez t<ttt d<: nu pus sortir, mon cnfunt.H fait beau aujaurd'hu!. n y aura beaucoup demende au Casiuo.

Quant)' Hochet, estait un pta!;t!r. t ne mai-<f<:Mc-f<!mm< t:ctte-t& il n'avuh pait & s'en occu-per. !t ne l'avait pas vue deputs quatre jours.A ta bonne heure1

Peu à peu il en vint, par une cutwsh~ biennaturelle, & se renseigner sur ce genre de com-merce qui lui était tout & to't inconnu. Cela luiouvrait des horizons nouveaux, ti posait desquestions et disait, par exemple, & Jeanne

Je vous ai vue hier au soir sur la terrasseavec un monsieur blond qui a l'air bien commeil faut.

n.

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t!~ heut dtXith .<<!Mn<M. Jk tMt! mOMW.

A dtner, 11 n~ M'a offert que du vin ordinaireet n'a pus vuutu demander de ffMiK.

Ator~ quand on Me demande ?<? de ftM~a!Oh <*<:tH tnMMva!« <t!({ne, <f~ MaMvuts signe.

Ct'mme tt dMh de bon con<e!t, 'tn lui deman-~a!t «on a~t« dans ~it <;aa d!m~M<s

Vatah~M tntcMtt aller à Ymefo avec M. X.ou à H<tM<tj<)M avec M. Y.

.te vous auntt dca fense!Rne<nen<!<, t~pen-doit Lardëche.

Kt Il av«h des rcnae!)!ncM<!n<s. C'~«t!t Mnopcrio que cet 'tnete. n eoHnatasah le plus oumoins de sotvabMM des baigneurs, et leur hu-

meur plus ou moins tbUchttnne. Cctu!-t& avaitl'air cald, mata e'tStah tout en apparence, aucercle, it disparaissait des qu'il uvah perdu cin q

louis. Cetui ta, au contraire, paya!t peu de mine,mais il était excest~ementriche, et une fois qu'onavah su lui plaire. Ah dame, il fallait savoir.Il avait, en effet, des goûM bizarres; Nestor JetaitinCofm~, c'était un homme très original, mais Iiétait ei généreux avec les femmes qu'on pouvaitbien lui permettre d'dire un peu fantaisiste; eM.

Ces demoiselles adoraient leur excellent onciequi, au reste, le leur rendait bien. La premièrequinzaine avait été payée recta, et it espéraitbien qu'il en serait de même & l'avenir, d'autant

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ptu< tj~'it ~~mmeneait « c'tttOMttf~ n<~ bi~n :<«n<u~iM. Su vie Mwit tsnnn un bm. Au t!cu d'Être

un ba!pncMfd<j8muvrë,it~'inf~rmtth d~ arrivéesd(t(t!t tes hô<e!a et auf lit phtsc, e< son !nM~h)M-

(!t<n ~«y~c en~evoy<t!< ~e~ tes vo~gcMra <:«<<-

aMs ttc~ maftttgospttMr chMeune de «e~ n!~cex. Knv~}!~ un, se d!Nat<< <:« tMt-m4<ne,~M! te~tt b!ent'mMre de Jeanne!

t! c<tmnwn~tit pMF ta tt~th~f, et, peu & feM.~fcss<) t~( son !d<ïe Itse, it ~t~tatt par ~'xrran-~er t'our que r~vJneMcnt <:&t tk't. U se f)t!s)mtt'<tbt)fdpr<!Mn<OFau nM~ttb, entrant Jttns s'tn hui-mh<! avec cène faf! ~Mt est ~<:t:ittt<:aux v!t~xJ'oaux, pMM, un beau jour. nc~i~tMMMttt, tt tu{disait, en lui montrant Rache! ou N(t<!<nt<:

He!n ? Qu'est-ce que vous dites de celaKst-ce tM!a Mst-ec tnt(;<t<'<t i'

Put:) il t))outatt <:ent!d<:)tti<:H<:ment,~X'oreine?'tVous savez. je têt connais trcs bien.

charmttnMs. t~ pourrais vous pr~enter.Cr~<ee cette hubtic p«titique, non seulement

le loyer était msurë, mais encore le petit pcn-sinnnat réalisait des benences JnornMS. Chaquejour, on apportait à l'oncle des piles de louis etdes liasses de hillels de banque, et celui-ci, pours'y reconnaitre, avait etc obligé de tenir un ve-ritable registre de Doit et Avoir. Chaque sommeétait inscrite soigneusement avec le nom et !a

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date, et mise do cM Mvee une pfobhe acrupu~!cM8c. A TfOQv!ne. il était devenu presque eeie-bte. Tout te monde s'adrcMtt~ à lui; de~ qu'onvouhit organiMf un peUt d!ner au bar, ou unept<r<!e aux environs, ~n dtsmt

MrcssotM~n~usA t'~nete t,ardeche, it noustbMrn!f« son penstttnn<M. Nous ferons bien d~

wus y pfendre plusieurs jours d'avance.Avec une naïveté touchante, Nestur Mcuntah

Mit plans, ses csper«m'e< sac ~FO~!oM)< eha~

~ue jour.Ah <,a, lui dit un 8«!f le <:ttM<nMndan<Mous-

<apha Hey, auquel il venmt de raconter Mut ceque nous venons de dire, aHvex-voM, mon chermon:t!eur Lmdeche, que vous êtes un drôle depefsonnagc. Ainsi, <:omb!en vous rapporte te )«timctter que vous faites ici ?

Mats rien du tout.Eh bien, sans rien changer à votre ma-

nière d'agir, en taisant tout simplement ee quevoua faites ici ni plus, ni moins, vouspouvez réaliser une fortune considéruble. A votreplace, je voudrais au moins en avoir le profit,Dans mon pays. les Parisiennessont très appré-ciées, o, si vous emmeniez ces demoiselles avecvous & Alexandrie, par exemple, dans une joliemaison bien hospitalière,vous gagneriez un ar-gent fou.

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Ma!« a!<'fa <e ser<t!<Ah da<ne coMt~e un bmeuM de <!enf$ 1

Mo~ Atexand)r!e CM ht!n. A ~Mfa TcttWF,duns qMMt~uex MMn~t, qui te fttMM!t?

NcM«r Lard~he re<'m rêveur.Kt, sis m<t!~ 4<p~8, !'h<tnn~tt! bunnt:t!t:r s'htit<<

hth & Atc!tan~r!c avec ses t}umr<! niùees et ~uet-<)Ut!s pcthes aMiex qu'~Hes tu! H\'t<!ent dMs!g<t~cs

MM départ puur renforcer tu troupe.~attatte, Montée pnf aet~ns, est cx~eH~RtM.

Chaque part de cent franco rapporte Mu:: action-naires sept cent quatre-vingts francs soixonte-quinxc par mois, et t.nrdcehe <u!!rnM que c't~tMeiHcur que la rente fran~aitc.

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V~NUS KT MACHtAVKL

Personne ne sait mieux suivre une femme quele capitaine Tournecourt ce sport, qui, pourd'autres, constitue une simpledistraction, est pourlui devenu un art dont it savoure toutes tes ruses,toutes les beautés,toutes les finesses. t! y apportetes connaissances du chasseur et ia science tac-tique de 1 ofncier de cavalerie. Il sait comment itfaut battre te terrain,aborder ta femme visée aprèsl'avoir dépassée, la foudroyer d'un regard ou luforcer par la fatigue; il connait les bons pas-sages, les remises, les défauts; bref, quand lescamarades rencontraient Tournecourten chasse,emboîtant le pas & quelque jolie femme. ils sedisaient <t Encore une qui n'ira pas loin sansavoir du plomb dans Faite! 1)

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Ah c'était un malin que le capitaine,séduisant,beau parleur, sachant eatmer les inquiétudes parson air bonhomme et endormir les scrupules parses britlants paradoxes. U avait, a Paris, trois rez-de-chaussée, shu~s run aux Champs-Ëty~es,l'un a proximité de la Madeleine et l'autre dansle taMboorgSaint-Germain; tous trois mystérieux,eicgants, confortables,dans des ro<sdésertes, avecdes entrées situées a deux pas de la porte cochèreet loin des regards inquisiteurs du portier; desfauteuils moelleux, invitant à la chute, des sofastrès bas, très larges, avct: des piles de coussins à lu

turque, permettant les poses los plus abandonnées;des cheminées au gax avec feuilles d'amiante,

tqu'une simple allumette suffisait à faire nambcrd'un beau feu clair et joyeux. Les trois quarts dutemps, la victime se trouvait prise au piège, assise

au coin du feu et savourant un verre de vin d'Es-pagne reconstituant,sans savoirau {uste commentelle était entrée chez le capitaine.

Ce jour-là, Tournecourt était sorti dans uneexcellente disposition. Il faisait un temps superbe,un beau soleild'automneéclairait les rues, et toutesles petites femmes, séquestrées par une longuequinzaine de pluie, devaient s'empresser d'allerfaire résonner leurs talons de bottine sur les trot-toirs entin devenus propres et secs. De son côté,son tailleur venait de lui apporter un pardessus

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bleu-roi, à grosses côtes~ avec large galon etrevers de soie, qui était d'une coups très heu-reuse, Sa moustacheavait un bon pll, son teintétait frais, ses yeux 'eposes; bref, se sentaittout & fait en humeur de conquête. Il posa surson front, dans i'angiedétermine,un chapeau ëtin-celant, mit des gants gris perle a burettes noires,puis, après avoir allumé un bon cigare aux bout-fées odorantes,il sortit de chez lui, le jarret tendu,l'air satisfait, comme un homme persuadé que !n

vie est décidémentune très belle invention prurceux qui savent en jouir.

n se dirigea vers les boulevards, prenant lecôté droit de la Madeleine jusqu'à la rue de iaPaix et très décidé à cet endroit à traverser ducôté gauche. Pourquoi? Cela faisait encore partiedu sa sciencespéciale,de son instinct de fin limier,qui lui faisait tout naturellement suivre les bonnespistes. D'un pas lent et majestueux, comme unhomme qui n'a qu'à se laisser vivre, il marchaitainsi les mains dans ses poches, îc cigare à labouche, laissant derrière lui de gros nuagesbieu&tres. Déjà il avait échangé avec bien desfemmes ce regard spécial qui veut dire a Tiens,je te trouve à mon goût. Moi aussi, » Mais ilpassait impassible,très décidé,ce jour-là, à dédai-grer les conquêtes faciles et à viser haut.

Aujourd'hui, se disait-il, pas de ces petites

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artistes qui se rendent à la répétition un rouleaude musiquesoua le bras pas de ces ouvrières quis'en vont gaiementun carton à la main pas deces beautés tarifées qui n'attendent que le bonplaisir du promeneur; je ne veux même pas de

ces demi-mondaines haut cotées qui descendentde voiture pour aller manger un petit pâté chezJulien ou Frascatit Tout cela, c'est trop facile,

et surtout c'est trop connu. Il me faut une vraiefemme du monde, ou tout au moins une bour-geoise absolument honnête.

Et il continuait sa route, détaillant, ergotant,trouvant des imperfections, et très décidé à nefaire le lancer qu'en connaissance de cause, lors-qu'on arrivant au coin de la rue Cambon, il vitune femme arrêtée devant le magasinde fourrure.Son chapeau gris perle orné d'un oiseau des !ies,son grand manteau de velours frappé, égalementgris perle, sa jupe à grosses bastilles brodées,terminée au bas par des dents pointues retom-bant sur deux rangs de dentelle faisant mousse,tout cela constituait un ensemble cossu, sobre,élégant qui attira immédiatement l'attention deTournecourt. Il s'approcha et vit, sous le cha-peau, un profil angélique, d'une pureté exquise,avec des cheveux blonds ondés formant sur lefront comme un nimbe d'or. Tout en s'absorbantdans la contemplation d'une superbe pelisse en

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loutre, le capitaine jetait des regards de côté à sabelle voisine. Celle-ci finit par s'en apercevoir,leva les yeux et regarda peut-être un peu pluslongtemps qu'il n'eût été nécessaire; ce fut unrien, la simple seconde qui distingue un regardfOK~M d'un regard banal, mais ce rien fut senti

par Tournecourt.Tiens, tiens! se dit-il, on vient de me passer

un examen. A-t-il été favorable? C'est déj&

beaucoup qu'on ait daigne le passer.La femme s'était remise en marche et avait tra-

verse sur le trottoir Giroux; le capitaine se miten marche, dépassa de cinq pas suivant sa tac-tique habituelle,et s'arrêta devant la vitrine dumagasin pour regarder à nouveau. Adorabledécidément, depuis l'aigrette du chapeau jus-qu'aux pointes des bottines ce grand manteauqui eut écrasé toute autre, convenait admirable-ment à sa haute statue, et à son grand air. Uneperle, une vraie perle! mais qui précisément enraison de sa situation sociale ne devait pas êtrecommode à aborder.

Si je lui disais que je crois la connaître?.Bast! C'est bien usé. Si je lui affirmais que je l'aidéjà rencontrée quelque part ?.. C'est idiot. Il ya bien l'exclamation a Quel beau temps aujour-d'hui a–ou bien encore: <t Quels jolis yeux! aMais c'est trop sansgêne etelle passerason chemin

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dédaigneusementsans meme me jeter un regard.Et cependant,il faudrait marcher résolument. Jesens bien que c'eM le moment de brusquer l'at-taque, sous peine de prolonger une situationridicule.

Et, de fait, la belle inconnue sentait parfai-tement qu'elle était suivie, et, & plusieurs reprises,elle avait regardé le capitaine avec un regard fortbienveillant, tellement bienveillant que Tourne-cant s'écria:

Ce n'est pas possible' Elle doit me connaître.Et, chapeau bas, le cœur battant à tout rompre,

craignant de commettre une énormité et de sefaire peut-être rabrouer d'importance,le capitainecommença:

Pardon, Madame. est-ce que je ne vous ai

pas été présenté l'année dernière. a une chasse,je crois. chez la duchesse de Ruzcs?.Vicomtede Tournecourt.

Non, Monsieur, je ne vous connais pas dutout.

La belle blonde avait répondu cela sans colère,

sans étonnement et surtout point capitalsans s'arrêter. Il fallait immédiatement profiterde cet avantage, mais devait-il avouer la ruseavec franchise ou insister sur cette chasse. ter-rible perplexité. Avouer, c'était peut-être touttperdre et amener un signe de tête signifiant:

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& En vuU~ assex, adieu Monsieur. In~t~rpouvait provoquer un agacement bien naturel.Tournecourtse décida puur lu franchise.

Tenez, Mndnme, com!nua~t'H avec une \MxMes douce, je sata bien que ce que je v iens dfvous dire est absurde, mais je brûlais du dcsirde me présenter à vous, et }'a! cherche un pré-texte. C'est si difficile de trouver en même tempsune phrase respectueuse et en mStne tempsprodigieusement spirituelle. Me pardonnez-vous ?

Ôn dit que péché avoué est à m~!t!e par-donné.

Alors, Madame, je t'avoue deux fois, et voussupplie humblement de me laisser vous accom-pagner un bout de chemin, de manièreà pouvoirau moins plaider ma cause.

Eh bien, Monsieur, plaidex.La glace était brisée. Tournecourtpensa qu'il

fallait d'abord expliquer qui il était; c'est iresdifficile de parler de soi en bons termes, sansfatuité et sans fausse modestie, ni trop, ni troppeu. 11 expliqua son métier en homme qui t'aime,et qui y voit comme une réhabilitation muraleet un contrepoids à bien des fuiies.

Ah! vous êtes capitainede cavalerie?Elle avait bien dit cela, avec un bon sourire,

comme une femme qui aime les militaires, qui

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kit comprend et his upprdcia avec toutes teur~qMHHte~ viriles. <e<ait cv!de<nment une bonnenotc. Le capitaine ettmmen~tt & avoir une lueurd'espoir, mMtheureusement ht direction e<tth

deptoraMe. Oh <dttth-e!te <' Av~h'-eHe un but d~promt!nNde? KHe toMrnuH Mbsotumum te dus MM

tttz-de.ehuuss~e ptus p~s, échu de ta rMC duC<rque. «Mrttit tuttu tu Mn~nerK~dupHement,mais sans fa!r~ demUQMr. Pour c<:tH, it d<:vr<t!t

d!stm!r<: son attention, en robtt~cttnt « puftcfd'eHe. Quetques quesHuns adrui«!M<:n< pus~e~

sur sa vie, son int<!r!et!r, tna!s peut-~tte aHmt-cttt: trouver son intertocuMur bien indiscret?.CependHnt, «n pouvait toujours ~ssttycr.

Pardon, Madame,à mon tour, me permettM-vous quelques questions?

Cela dépend, interrogez toujours, je verruisi )c puis réponde.

Êtes-vous mariée, veuve, tibre ¡.

Je suis mariée. Mon mari est député.Tiens! Ators. it n'est. pas très jeunestn a vingt ans de plus que moi.

Tout en causant, Tournecourt avait tourne lecoin de la rue de la Paix et mis le cap sur la

rue Saint-Honoré. Sa voisine ne parut pas s'aper-cevoir de ce changementde direction et continuases confidences. Pas très heureuse, un mari trèsoccupé, toujours sorti, très sérieux, ne compre-

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UM<u r!en aux asp!fHt!t)Htd'une )euw (emrnc qu!sa sont <m <;t<!ur un Mrdem t'ea~!n de v!vfa.

têt Tnufne~'urtc~mpth que c'~toh !o <no!nc<~<~'t(t'optt<:r ht <jjH<t)n b)rûtt<n< Mitiit s~ ctte ttt!M!t

~t} troi~ser, se trouver ins~hc~ !c ptuntof tu.ttpr~<t t'avoir fou~roy~ d'un re~ttftt de tomn~ottensttc. C<j}~Hdam, U ti)th)h b!eH SHV<th.

K~ d<:mH<tdtt-<n d'une voix Mn ;<eM t?<nh"<"Mss~e. n'avt:<«M~ }<t)nM!s e~ttyj de nxnbt~t tt!

vide de votM cxtMCtMo pt«' une <tM<f6 !<ttettHtn,de fhcfcher un ecëur qui vt<u~ ~tnpr~nn~, MnHmt &!nc~rc ~u! Mn de ces vrais utnis que.

H conun<:n<;(t!<A t~d~mMer, muM tu be!tt: Mondelui vint eht)rh«bte)ncnt en a!de.

Uref, vous me demundex si )'u! un anMnt.Je n'en ai pus et je n'en auru! {mn~«! Mnenfant et, pour rien <tu nu'nde, lu ne veux tisq~efde ~ompromenre Ma position s~Oute. Ah <;u.mttis ou m'emmenez-v<'us? je voulais uHet mecommander un manteau d'hivcr chex R!n(;a ouchez Lorth.

Cumment, vuus n'uttex pus chez Uetix, fau-bourg Saint-Honoré; ma so:ur m'a dit qu'il yavait de~ modèles charmants. Nous en sommes àdeux pas. Vous n'avez qu'à tourner& droite aprèslu place Vendôme.

Au <aH, on peut toujoursvoir. Allons chezGe!ix, ceta m'est égal.

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Heureux du !tu~~$ ot~t~nu, 'rournecourt conti-nua avec in<M<;

Ators. Madame, {eunt?. jolie, ayant t~ut pt<mctt'<! MitM~, Vt<U< VOMX f~)t!~t)~); & vh'M tUtt~mnum~¡.

Je ne vous d!s pus ~M'tt n'y «!< pn!t ~{!t<~Mr!<

u(t t'ttn xe sent (nonMf HM e<MMP f~Ma~e de<h<tMdeitbOMtM<:s;<na!«TenrJtMfh!< tMx tneon~-tt~Mtt ~'m<e t!a!!<(tn f< Pou )r~!s~.

Rtte ttVtth dit c ~huMdex b~mM~s « t'em-Ctrë<:t<'h-MUc ttons un ~e <cf< bk))heur<!Ux~ur«. 'uur-t)e<:<tMF< en(tturcht< son dodu <av< d'nu~ntptMx~toquent ~M'it <<~h~t f(t!rc ttoubter le c<tin Je lit

tu<: Mo~ty-d'An~tas et ks '«thtnx de Get!x, sans~u'etk tt'CM aperçût. Qui parlait d'une liaison,avec sea soucis, ses Inquiétudes, ses jalousies,

ses d~cnchHtncments? Il y a de par le mondedes gens discrets qui ne demandent que ec qu'onveut teur accorder, qui ne viennent que !ors-qu'on leur <a!t signe, qui dtspafaissent si on leurordonne, retournent au néant, se contentant de

conserver le souvenir d'une heure exquise, par-fumée, sans regrets ni desittusion, contenantprécisément dans sa brièveté même toute uneintensité d'amour fou et exbuberant. Qui saitpeut-être, en somme, Fideat?..

On était arrivé place Beauvau, et Getix étaitdepuis longtempsdépassé.

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-o¡Uu don~ est ta couturier? V~us tn'«v<:(:

t:mman<! je Me M~ ou. « je M'en pu!~ p!us. Jto n\<!

pa$ t'hab!tudc d'ttûer !e'n~«.'mps& piet!. Jtf ve~\Xrentfer. t'ahef tw~ nvM«<:er uno v<thM)M.

ToMrne~ttMft <:o)nptnt< b!et< ~Mt t'ette ft~~uc ~tn<t<!nnh ~afttt: dM pr~ruMn~. AHon)., ~t: Jit-it,brûtons noa vx~eatts.

t)o H~~c' Ma~anM. <:o<M'ncostt't !t «Mr un«tn suppti<tn<, no Mt<Ms ~uhtontt pat eneofe. j'tttMnt t<c choses A v<tMs d!re!t

M<t!s c'est de t'J~'uxe. J)~ v«t)a n! ~!t ~Met'<~a!tt <H<!sM~c.

Ëh b!c<t. t'Ht o d~ux pas d'!et. un petitrex-de-chat~s~e, rue du C!rqu<~ «A nous pour-MM8 eonUnuer ta ~ttnversjUon commenejs.

Et comme lu beHj b!<mj<: pf<ttt:st~h§oye<! pefitMMd~e, M «dame, auo je v«U!< tois

<:e<te propns!(!o« en Mut bien tout honneur. Jesuis un gatam homme, et j'uurai pour v"u''tous tes égards et tout te respect qu'on doh u

une femme qui M cunnance en moi.Bast! s'ecritt-t-ettc, âpres un moment d'he-

shation, je me ne à votre tuyuutc. et puisc'est toujours amusant de v!s!ter un inter!eur degarçon.

AMons encore une prise au piège, se ditTournecourten poussantle verrou de son apparte-ment. Dectdement, il n'y a personne de ma <ercc.

M

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Une heuM après, t'w!t vît, te teint brit"taM, ta belle blonde, tex deux bras dr~~es dansune adorabtc attitude, retevai! aur te sommet delu ~te, par une ~ptnnte d'or, <e& ma~n!ttqMCscheveux blonds !«mbJs ~a ne sais pourquoi surses épaules.

tiaufneeoun pHfa!ssait triomphant et couvruitde batsers Mna nM~MM sur luqucllo se <t<rda!entdes petites mèches un tevuhe.

VttyoMs, ta~aseg-nw! me K:Her, dK-eMe;il est bientôt six heures, et il faut que monman n<e trouve rentrée.

Et quand nous rcvetfOtM-nuus?Jamais Je vous répète que je ne veux pas

avoir de liaison, et, comme vous l'avez dit vous-même, qui sait si nous retrouverions tamaia uneheure sembtabtc & celle que nous venons de n«usdonner t'un & l'autre.

A cette déclaration, Tournecourt ne put s'em-pêcher de manifesterune fatuité natve. Ainsi sesthéories corruptrices sur l'idéal avait porté leursfruits; c'est !ui qui, par son machiavélisme, sonéloquence, ses paradoxes, avait peu & peu amenécette temmefoncièrement honnête a admettre lecaprice. Sa figure exprimait une telle satisfac-tion, que la bette blonde ne put s'empêcherd'éclater de rire.

Ainsi, mon cher Monsieur, vous croyez

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avoir etc tr~s adroit, e< avoir absotumem rouMune pauvre petite iemme innoeeoM?f

Oh pouvez voua croire ?On!, oui; {a Us très bien votre pensée.

Vous VttMa <thes<'

QMe)t prn<ontt M<!Mr~ je fn~'tH n'y en q pxa deux anss! <not!ns que wot; {!

n'y en a pa«! Eh Men, n~MMx'~ous,cher' Mon-!ttcnr,qucc'es< aMCttmratrc vou~u! v<tus S<es pt!sMU p!<~e; vt<Ms veux ~tcs donn~ un m~d Jnorm*:

pour tn'atnenoF pr~e!s~tncn< à ce ()MO j'~o~s Mb-

sotMMent ddet(!<!e à futre. Veu« ittn'e. on a desjours comme ee!a.uta!!( sorUc de chex moitr~t <!ner\c~ et, st cela n'avait pas vous.~aurmt cctta!neMent ~<~ un au«e, Mt matnM*nant, Hd!eu N'cMMyci! {amats de me revoh.

Kt, donnant un dern!cr regard au ntiroir pourv<t!r si sa tenue etatt c'trrccte, elle s«rt!t.

Bah!se dh Tournecourt, un moment de-frise par cet accès de franchise, au fond, qu'est-ceque cela me fait? Dupeur ou dupé, )e n'en «i

pas moins eu une heure exquise, et je consenstant qu'on voudra à être refait de ta s"rtc.

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L'ONCht: HROU!)()Ut)OUM

t

Tous les ans, on novembre, Pierre quitte sonParis, son club, son ullée des Acacias et sespetites femmes, pour aller souhaiter !a fête de sas'<:ur, la marquise de Boisonfort, au château dela Chûtaigneraie.

Cette petite fcte de famille, en pleine Un d'au-tomne, au moment où ta vie reprend & Paris, oùtes théâtres rouvrent, où tes amis reviennent,avait toujours été considérée par Pierre commeexcessivement gênante. Je vous demande un peupourquoi cette fête ne tombait pas en septembre,au moment de l'ouverture de la chasse? Tout enmaugréant, Pierre s'exécutait, et, esclave de son

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devoir, allait passer quelques jours paisibles etvertueux au milieu d'une foute de neveux et denièces qui t'acfueittaient à bras ouverts, et t'a"vaient surnomme t'oncte Broudoudoum ?.

Oui, avait dit un jour la petite Odette deRoisonfort, mon oncle n'est pas seulement arrive~ue ~r«M~<w<~o«M(,~MMfoMd'OMMtt le voilà repartiau galop pour Pans!

Et te nom d'oncle Rroadoudoam lui était reste.Cette année, cependant, Pierre partait sans tropde mauvaise humeur. avait perdu pas mal auxcourses, le d!ner du cercle était devenu exécrable,les J~<M'<WM/Wi! avaient donné coup sur coupcinq ou six Mtes très fatigantes; bref, it n'étaitpas fâche d'aller se mettre un peu au vert. A touthasard, il recommanda à sun domestique deprendre la valise au lieu du petit sac habituel,et, lorsqu'il fut bien case dans son wagon, il semit à philosopher tout en regardant par la por-tière la campagne qui fuyait devant lui.

Trente-cinq ans, encore de t'aeit, de la dentet du cheveu. Cependant, quand il ne prolon-geait pas sa raie pour dissimuler, il avait certai-nement sur le sommet de la t8te une place.un peu large. A<~c cela, un certain commence-ment d'embonpoint. Dirait-on encore longtempsle beau Pierre?. Est-ce que ce ne serait vraimentpas le moment, après quinze années de f<hea

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consécutives, non seulement d'enrayer, maïs dedicter?.

Certes, cela avait été gai, ah! tes bonnes etfuites années! mais cela commencaitai'etre moins.Les rangs s'éclaircissaientterriblement. Tous lesbons camarades de jadis disparaissaient un à un,partis, rangés, mariés, morts. Pourquoi ne ferait-it pas à son tour comme tes autres. même unpeu plus tard que les autres, ce qu'on appelle unebonne fin. N'y a-t-it pas, de par le monde, desjeunes nitos charmantes, pures, étincelantes defraîcheur, de jeunesse et de santé. Au garçonqui leur confierait sa vie, elles rendraient l'exis-tence heureuse et douce, le soutenant dans lesmauvaisjours, et d'une caresse chassant bien loinles mauvaises pensées. Ah! si sa sœur, madamede Boisonfort, voulait lui trouver la perterêvée.

Ce fut dans ces excellentes dispositions quePierre arriva à la Châtaigneraie. Pour la premièrefois, il trouva que le château adossé au montGanelon, avec les vastes perspectivesde son parcdessiné à l'anglaise, avait tout à fait bon air.Toute la famille, rangée sur le perron, attendait

avec impatience l'oncle Broudoudoum. Made-moiselle Odette avait considérablement grandi;l'enfant avait fait place à la jeune tit!e en jupelongue et aux allures déjà coquettes.

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Mon bon Pierre, faut-il réellement te fairepréparer une chambre?ou bien repars-tu ce soir?demanda en riant madame de Boisonfort.

Méchante! Tu vois bien que j'ai apportéune grosse valise. Je te reste plusieurs jours.

Et il s'installa avec délice dans la grandechambre appelée la chambre de l'oncle. De

sa fenêtre, il apercevait l'étang avec les deuxcygnes, la haute futaie; devant le perron, unmagnifique ~HHM organisé avec remblai dallé,cordes tendues pour marquer les camps, tentecoquette servant de coulisse aux joueurs pourenlever la tenue du combat, et tout autour duremblai, des rangées de chaises pour la galerie.En furetant dans la grande pièce, il se sentit prisd'attendrissement pour tous ces vieux meublesLouis XV, ce grand lit à dôme empanaché, cesgravures et ces vieux portraits suspendus à lamuraille, révélant un long enchainement d'exis-tences paisibles passées dignement au château.Il y avait là les plans de la Châtaigneraie depuisFrançois I", avec ses diverses modifications sousLouis XV et sous la Restauration. De chaquecôté de la glace, une rangée de miniatures sou-riantes petites femmes avec des coiffures à laMaintenon,puis poudrées, puis à la grecque avecdes bandelettes dans les cheveux, puis avec desfrisures en petit toupet sur le front, puis avec de

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belles boucles étagées et surmontées de turban.Comme tous ces souvenirs étaient amusants àregarder et quel plaisir de revivre ainsi dans lepassé! Au fond, est-ce qu'une bonne vie degentilhoMme campagnard, dans un château bienconfortable, avec une femme jolie et intelligente,ne valait pas mieux que le tourbillonenfiévré del'existence parisienne?.

Au déjeuner, Pierre savoura le plaisir de setrouver en famille à la grande table carrée, avecces neveux et ces nièces, criblant de questionsl'oncle Broudoudoum, veillantà ce qu'il ne man-quât de rien, lui passant les meilleurs morceauxet les plus beaux fruits.

Eh bien, mon oncle, cela ne vaut-il pas lacuisine du cercle? disait mademoiselle Odette.

Oh, certes! Ajoutez l'intérêt spécial du pro-priétaire attaché à chaque plat lièvres et per-dreaux tués la veille après mille péripéties dechasse, petits pois merveilleux récoltés dans cer-tain coin du potager, fraises obtenues, Dieu saitavec quelles peines, poires duchesses primées auconcours! Pierre se sentait envahi par une béati-tude indéfinissable.

A deux heures, la cour d'honneur s'emplitd'une véritable procession de breaks, de lan-daus découverts, de buggys et de charrettes dechasse

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Tu as donc un jour de réception ? dit Pierresa sœur; moi qui craignais d'être seul ici! 1

Nous avons maintenant ~M'M-KttH~ tousles vendredis tu ne t'ennuieras pas.

Et, de fait, le salon était envahi par une foulede joueurs bruyants et joyeux. Les hommes, enlarge culotte bretonne avec souliers plats pourne pas rayer le dallage du tennis et veston delaine; les femmes en toilettes courtes, le bustemoulé dans de simples jerseys.

Une jeune fille surtout attira les regards dePierre. Grande, bien découplée, elle portait avecune aisance merveilleuse ce costumecollant quimettait en rcticf tous les charmes troublants decette taille jeune et souple. Les yeux, largementouverts, étaientrieurs et bons; les cheveuxblonds,retroussés sous le chapeau canotier, avaient desreflets d'or.

La charmante créature! se dit Pierre ébloui.Quetie jeunesse 1 quelle fraicheur quelle santé!Autrement séduisante que les Blanche Danois,Ravaschoff, Valentine et autres, cependant cotées

comme des beautés par tes camarades. Quiest-ce? dit-il tout bas à sa nièce.

Mademoiselle Blanche d' Estrées. Si vousvoulez, mon oncle, que je vous présente?

Mais je crois bien. ma petite Odette, avecle plus grand plaisir.

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Mon oncle Broudou. pardon, te comtedeBrioane, dit cérémonieusement madcmoi~Uede Boisonfort.

Pierre s'inclina et otirit son bras puur des-cendre au lawn-tennis.

Est-ce que vous allez )uuer, Monsieur,êtes-vous fort? Je demanderais & vous avoirdans mon camp ?

Évidemment, je manque un peu d'entraî-nement. mais, en m'appliquant bien.

La partie commença, Pierre jouait de sonmieux, mais se faisait à chaque instant rappelerà l'ordre pour ses'continuelles distractions. Ja-mais il ne se plaçait à l'angle voulu pour ser-vir. ou bien, il renvoyait les balles avec beau-

coup trop d'énergie de l'autre côté du filet, bienheureux encore quand il ne les manquait pascomplètement, perdu dans une contemplationmuette. C'est que décidément madcmoisettcBlanche était ravissante; le teint animé par Far-deur du jeu, les yeux brillants, elle allait, ve-nait, se cambrait en arrière dansd'adorablesatti-tudes,courantl'extrémitédu camp, ou ramassantadroitement la balle sans se baisser, par un simplefrôlement de raquette. Et, à chaque nouvelle ma-ladresse de Pierre, quels joyeux éclats de rire

Mais, c'est à vous, monsieur de Brionnc i

A quoi songez-vous donc?

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Ah si Pierre avait pu dire & quoi Il son-gCtUt!

Mai: maigre son enth«UNiai-mc, H eommcn"~mt & s'essoufner. 11 y avait longte<np:. qu'iln'avait tant couru, et il ne savait pas, lui, t'a-masser lu balle a\e<; le dos de ta raquette; illui fallait chaque fois se baiser et, a ht longue,ses pauvres reins se courbaturaient.

Ce fut donc avec une certaine satisfaction qu'ilconstata la victoire du camp vo!sin (aidant cesserla partie. La galerie fut, d'aitteurs, indulgente;madame de Boisonfort affirma & Pierre qu'itava!t certainement de grandes dispositions etque, pour un débutant, il M'avait pas mal joué.

On rentra au salon, et là, tout en faisant leshonneurs du lunch, Pierre trouva te moyen de

se rapprocher plusieurs fois de sa jolie partenaire.Mademoiselle, un peu de eh«cotat, une

glace Cela va très bien avec ces petits gâteaux

secs.Et il la regardait toute droite. bien campée,

mangeant avec de jolis mouvements de Mvrcsgourmandes et tenant sa tasse le petit doigt cnl'air. Excitée par le jeu, elle rayonnait de santéet exhalait un bon parfum de jeunesse et de prin-temps. Pendant ce temps, autour du buffet, unjoyeux brouhaha de conversations coupé par lesexclamations et les éclats de rire, avec des balan-

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céments d~eventaM, dos troutroua do soie, do~parfums discrets d'ir!~ se metangeant rodcufdupunch et A la vanille dea crûmes. On ae~tth c~ncbonne !ntttn!<~ de pana du n~tno monde c< deta tnëme reg!on, heHreMx do ae retrouver, da bt~MUer et de flirter en commun.

Oh! !a bonne tournée! se d!st)!t Pierreavec rMvtsscmcm en reg~fdunt mademoisptted'Estr~os. Dee!d<!mcnt je reste tout tt'am~mne i~

lu Chata!gaefa!e.Et, très ému, lorsqu'il eut fuit remonter ta

jeune nUc en brea! il resta ton~temps à regar-der lu lourde voiture qu! s'eh~gmut sur ta granderoute.

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Ma petite Odette ?Mon oncle Broudoudoum ?Viens faire un tour de pare avec moi, avant

le diner. J'ai à te parler.Voici mon oncle.

Et campant son chapeau Clarisse Harlowe surForeiHe, mademoisette Odette prit gaiement le

bras de Pierre.Quelâge a mademoiselle Blanche d'Estrees ?

demanda brusquement ce dernier.Elle a trois ans de plus que moi, ce qui

lui fait juste vingt ans.Et moi, quel âge me donnerais-tu ?Cela dépend, mon oncle, quand vous arri-

vez, heu! heut. mais quand vous repartez,

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après quelque temps passe & la châtaigneraie.voua ne paraissez certainement pas plus du trenteans.

Hh bien. franshement, trouves-tu qu'il yait entra vingt et trente une trop grande d!OM-

rence d'~c. pour un maFtt~e ?Mad<:mo!sc!te Odctto s*«rr<!«t ~m eaurt, ut,

regardant sun ttn~te a~c une stupetucUen pro-fonde.

Comment t Kst-ee que vrutnMnt, monom:!e,vous songcr!ex & vous n~ncr?a

Parftutemcm.Et ave<: mon amie, tn<.demo!sctte Blanche

d'Estocs?Ht quand cela serait ?Eh bien 1 mon oncle, si celu cta{t. puis-

que vous voulez bien me demander mon a\!s,je vous dirais que cela serait {nsense. Vous ma-ner Allons donc Je suis encore bien jeune etbien enfant, mais je vous connais. Ce qu'il vousfaut, c'est la vie agitée, toujours en Fair; lematin, un temps de galop au Bois, puis déjeu-ner en hâte, puis des visites à travers P~ris, ettous les soirs des bons diners aux truffes, desthéâtres, des bals, des soupers, broudoudoum,broudoudoum,broudoudoum.sans jamaisarrêter.

Mais, objectait Pierre, les idées changentavec l'âge.

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Oui, mais ïo changementa lieu plus tôt. ChMvuus mon pauvre oncle, le pli est pris. Vous ovcaun argent besoin de libère, jamais voua ne serezun homme d intérieur, et je le sens st Men que,pour den au monde, jo ne voudrais d'un muriMteur et M<e comme vous.

Et pourquoi ce!a?1Parce que, «t je me mofte, {e veux un mart

qui vÏve avec et pour moi. Je no voudrais pas<;u'H fût toujoursdehors, à son cercle ou MiMcurs,

me taisant seute. La résignation ne serait pasmon fort, et j'irais n~amuser de mon côte.

lit ou avez-vous pris tout cela, mode*moiselle Odette? Vous me dites là des cnor-mhcs!

Mon oncle, les hommes comme vous neconnaissent pas les jeunes filles comme nous.Où, d'ailleurs, les auraient-ils étudiées? Us n'enont pas le temps et nous n'en valons sans doutepas la peine. Sachez-le donc, pour nous, lemariageest un commencement,notre entrée dansla vie; pour vous, c'est une fin, le repos après le

voyage. Nous ne pouvons pas nous entendre.Évidemment,vous êtes encore très vert, très ac-tif, très fringant; mais, pour une jeune fille devingt ans, vous n'êtes plus ce qui s'appelle touta fait. jeune. Au haut de la tête, vous avezune place. j'ai bien vu. vous prolongez la raie,

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e'e&t très adroit, mais ta place existe. Kt puis.autourdes yeux, vous avex des petits p!!s.

C'est que j'ai beaucoup rï.Preetsement,voMs a\'cx trop f!. Au !aw.tenn!s

da tantôt, vous dt!e~ rouge, essout!<}< Vous avez~tô aise que la partie fat Hn!c. Blanche en eutreeon~Mencc une.tteMK, trois, sans fessent!raueunt:fat!~ne. Vous voyex'vous, mon p~MVFO oncle,restant maussade et endormi dans l'embrasured'une pone, tandis que votre femme danserait tecotillon )usqu'& cinq heures du matin? Vous

voyez-vous, passant do tondue* so!rec? chex lesd'Estrees, astreint & des obtigat!ons de famille,faisant des vuhes scr!cuscs, e!M à la campagne?K< les soucis d'une maison a tenir, les cnfamsà ctevef, tes intérêt à surveiller, une jeunefemme ardente, curieuse à occuper, qui exigeraitle sacrifice de toutes vos habitudes et l'emploide tout votre temps!

Pierre, rembruni, restait r<heur. Tout ce quelui disait sa petite nièce était si justel.

Pardonnez-moi ma franchise, continua-teUe,mais j'ai raison! Voûtez-vous un bon conseilfRestez l'oncle aimable et charmant apparaissanttout à coup entre un lawn-tennis et un tour devatse, l'oncle, toujours rieur, toujours gai, tou-jours en train, qui entre par une porte, ressortpar l'autre sans avoir le temps de lasser per-

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~onno, l'enfant g&t~ que tout le monde aime,pr4e!s<tMentpour ses d~fama, tant que ces d~facM

ne ount que des Mg~re<~ restez cn8n toujoursl'oncle BroudoMdoum, cela vous va si bien, etcela vaut tellement mieux pour vous. et pourles aHircs!

Le tcndcmain, Pierre, & la grande surprise demadame de Bo!sonfort,rcpa~a!t pour Paris, con-damne par madcmo!setk Odette a la f<hc à per-pcmhe!)! Condamnation trop rigoureuse pourqu'it n~en rappelle pas un do ces jours. Esperona-le pour lui.

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TABLE

P~M.

A DON CHAT, DONS MATS. <PMEM~ttK~TAPE. t~PËLOfODORA. 35

UNEt~TEBECHAtUTt!~3QUANOONVAAUCtUQUK MOUËK. 63

LES COULISSES b'UN BALLET 71CAPRIA. 85

PROMENADE MATftNAU! t0<

POUR LES PAUVRES. tOf)

FIN DE SAISON t355

POUR DIEU! POUR LE CZAR! POUR LA PATRtK!I 1311

MESSIEURS MARS ET MESDAMES VÉNUS 14?

LA GRANDE SEMAINE A TROUVILLE. t5ttSUR LA TERRASSE DU CASiNO A CHIC-SUR-MER. ty33

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P~M.

A M FÊTE A NEU!M.Y,CHEZ MAKSË~LE t~gCNR J<M)«N)~ A BOUatVAt. tSy

COUSINE BES BtttSONFORT t~S

AU CAMANET. TEt. MENU, TE~E FEMMR SO~

t'N CQ~COUBS t)E nRAUTt~ 2)5S

LA CHOUPASSR 367

UNE JOURNÉE AUX aKANDES MANŒUVRES. 3~9

Î.E BATEAU NE Pt.EU«S. 38~

VHSUS !:T MACHtAVEL 3o3

L'ONCLE MKOUDOUDOUM 3t7

` y1..

«tPMMEMe CHMX. M!B BHtGtftB, tO, ~Mt~~ttt. t'j~~<.