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UN PATRON À AIMER Dans les bras de Cameron Hunter Par amour pour son patron Amoureuse de son boss

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UN PATRON À AIMERDans les bras de Cameron Hunter

Par amour pour son patron Amoureuse de son boss

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FIONA HARPER

Dans les bras deCameron Hunter

Traduction française deMARIE-CHRISTINE DERMANIAN

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Ce roman a déjà été publié en 2012.

Titre original :INVITATION TO THE BOSS’S BALL

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© 2009, Fiona Harper.© 2012, 2017, HarperCollins France pour la traduction française.

Ce livre est publié avec l’autorisation de HARLEQUIN BOOKS S.A.

Tous droits réservés, y compris le droit de reproduction de tout ou partie de l’ouvrage, sous quelque forme que ce soit.Toute représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

Cette œuvre est une œuvre de fiction. Les noms propres, les personnages, les lieux, les intrigues, sont soit le fruit de l’imagination de l’auteur, soit utilisés dans le cadre d’une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, des événements ou des lieux, serait une pure coïncidence.

Le visuel de couverture est reproduit avec l’autorisation de :Homme : © SHUTTERSTOCK/STUDIO64/ROYALTY FREE

Réalisation graphique couverture : L. SLAWIG (HarperCollins France)

Tous droits réservés.

HARPERCOLLINS FRANCE83-85, boulevard Vincent-Auriol, 75646 PARIS CEDEX 13Service Lectrices — Tél. : 01 45 82 47 47

www.harlequin.fr

ISBN 978-2-2803-6832-2

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Le satin, d’un doux gris perle nuancé de rose, avait une texture superbe. A la fois souple et lourde, elle n’avait rien à voir avec ces imitations modernes, inconsistantes, qui vous glissaient des mains. Personne ne pouvait poser les yeux sur cette robe de cocktail sans avoir envie de la toucher.

Ce fut donc ce que fit Alice. Elle laissa ses doigts caresser le tissu magique, s’attardant au niveau de la taille, où les pans se rassemblaient pour former un nœud. Cette robe-là n’était pas un simple vêtement, c’était une œuvre d’art.

Avec mille précautions, elle la plaça sur un cintre molletonné en coton fleuri, qu’elle suspendit au portant brinquebalant. Après avoir poussé celui-ci sur le côté du stand, elle sortit de la malle un article totalement différent, mais tout aussi fabuleux. Il s’agissait d’une maxi-jupe datant des années soixante-dix, taillée dans une belle panne de velours noire, qui portait la griffe d’un créateur en vogue à cette époque-là.

— Nous ne viderons jamais cette malle si tu n’accélères pas un peu l’allure !

Alice se tourna vers sa meilleure amie, Coreen, avec qui elle était sur le point de s’associer. Dans sa robe rouge à pois blancs, celle-ci paraissait tout droit issue d’une publicité des années cinquante pour un lave-linge ou un grille-pain. Une frange courte, bien droite, et des cheveux relevés en queue-de-cheval complétaient le tableau. Sa chevelure se balançait au rythme de ses gestes, de part et d’autre de son joli visage. Elle recouvrit de lamé doré une planche posée sur des tréteaux, et s’appliqua à y placer aussi artistiquement

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que possible les gants, pochettes du soir et chaussures qui faisaient tout l’attrait de L’Armoire de Coreen, stand vintage par excellence.

Comparée à Coreen, Alice paraissait tout à fait quelconque. A l’instar de bon nombre de commerçants du marché, elle avait opté pour une tenue chaude et confortable et enfilé sur ses habituels jean et baskets une vieille parka kaki empruntée à l’un de ses frères aînés. Coreen n’avait évidemment pas manqué de se moquer d’elle. Soit, elle n’était pas un modèle d’élégance, mais elle ne prétendait pas non plus l’être.

Quelconque. L’adjectif semblait avoir été créé pour elle.— Hé, Poil de carotte !Alice soupira et redressa la tête pour se trouver face à

celui que tout le monde, sur le marché de Greenwich, appelait Dave le Roublard.

— Allons, souris, ma belle ! Qui sait, ça ne t’arrivera peut-être jamais…, fit-il de cet air jovial qui le caractérisait.

Trop tard. Cela lui était déjà arrivé. L’événement remontait très précisément à six semaines et deux jours. Mais, bien sûr, elle n’envisageait pas d’informer Dave le Roublard de sa peine de cœur.

— Ce n’est pas… En fait…Au lieu de finir sa phrase, elle eut un geste vague de la

main. A vrai dire, qui s’en souciait ? Autant jouer le jeu plutôt que se lancer dans de vaines explications. Elle sourit à Dave, et il leva les pouces pour la féliciter avant de repartir vers son stand de brocante.

Son regard fut attiré par le miroir où se regardaient les clientes, et le terme « quelconque » lui revint à la mémoire. Il y avait pourtant dans son physique quelque chose qui ne l’était pas. Sa chevelure n’avait rien de banal, et elle ne s’en réjouissait pas, loin de là. Par gentillesse, certains disaient qu’elle était rousse. Les plus inventifs évoquaient un blond vénitien, ou encore un auburn. Mais, en réalité, ses cheveux avoisinaient le rouge incandescent.

Des formes se matérialisèrent soudain devant elle : les doigts de Coreen, qu’elle claqua sous son nez.

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— Ouh, ouh ? Ne me dis pas que tu penses encore à ce crétin de Paul…

Elle soupira de nouveau.— Nous avons rompu il y a un mois à peine. J’ai quand

même le droit de soigner mes blessures, non ?Coreen lâcha un petit rire sec.— C’est toi qui aurais dû le laisser tomber après le

lamentable épisode du kebab ! A ta place, je n’aurais pas hésité un seul instant.

Alice pinça les lèvres. Elle regrettait à présent de s’être confiée à Coreen, de lui avoir raconté la soirée désastreuse où elle était arrivée pomponnée — en robe, ce qui pour elle relevait de l’exploit —, pensant qu’ils allaient dîner en tête à tête dans un petit restaurant cosy. Mais Paul avait une tout autre idée de la soirée en question : il avait décidé pour l’occasion d’acheter des kebabs, et de tester un nouveau jeu vidéo. Le tête-à-tête s’était de plus transformé en réunion à quatre, puisqu’il avait passé le plus clair de son temps à aider les deux garçons avec lesquels elle partageait une maison à installer des consoles de jeux flambant neuves.

Paul ne pouvait peut-être pas deviner qu’elle s’attendait à tout autre chose. Jusqu’à ce jour-là, elle ne s’était jamais plainte. Certes, elle aurait préféré… non pas qu’il vienne la chercher en limousine et la traite comme une princesse, mais il ne lui aurait pas déplu de se sentir pour une fois considérée comme une femme.

— Pas étonnant que tu aies aussi peu de chance avec les hommes. Tu ne sais pas te faire respecter !

Alice tendit le cou pour observer l’une des entrées du marché, déserte à 11 heures du matin. Quelqu’un finirait bien par arriver, même si le jeudi n’était pas jour de forte affluence. Et cela distrairait Coreen de la tâche qu’elle s’était — une fois de plus — fixée : la sermonner.

— Je pense que tu te trompes, répondit-elle d’une voix calme, qui trahissait une assurance étonnante.

Elle n’avait aucun doute quant aux aptitudes de Coreen

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à se faire respecter, quitte à se servir de son joli sac à main, voire d’un escarpin à talon s’il le fallait.

— Et je pense que non, moi ! dit celle-ci en secouant la tête avec vigueur, ce qui agita sa queue-de-cheval en tous sens.

A quoi bon insister ? Coreen ne pourrait jamais la comprendre. Elle était vive et impertinente, avec un éclat particulier dans le regard, et une façon de se déhancher qui avait failli provoquer un accident. Alice le savait, pour avoir été témoin de la scène. Coreen ignorait donc ce que cela pouvait être de présenter pour l’espèce masculine à peu près autant d’intérêt qu’un papier peint défraîchi. Elle n’avait de surcroît jamais apprécié Paul.

Alice en revanche l’avait trouvé charmant au premier regard. Peu de temps après, elle avait découvert qu’il avait une fâcheuse fascination pour les jeux vidéo, et qu’il était incapable de générosité, mais il lui avait vraiment bien plu. Elle avait même été sur le point de tomber amoureuse de lui… alors que, pendant tout ce temps, lui ne pensait qu’à son ex, qu’il avait d’ailleurs fini par retrouver.

Quand il lui avait annoncé la nouvelle, elle s’était retrouvée chez elle, à broyer du noir et à manger du chocolat, se sentant rejetée et stupide.

— Vivre une relation implique d’être parfois capable de compromis, dit-elle d’une voix posée en lançant autour d’elle un regard plein d’espoir.

Les stands étaient presque tous installés à présent. Qui sait, un marchand allait peut-être voler à sa rescousse et venir bavarder avec elles ?

Elle se considérait comme une personne réaliste. Elle savait bien qu’aucun homme au monde n’enfoncerait le pied sur la pédale de frein, manquant de provoquer un accident, pour le simple plaisir de la regarder marcher. Aucun d’eux ne lui jurerait un amour éternel ou ne lui promettrait d’aller décrocher la lune pour elle. Elle espérait seulement rencontrer un chic type avec qui elle pourrait s’installer.

« S’installer » n’était pas le terme exact. Elle ne souhaitait pas se poser, avec toute la résignation qui accompagnait

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parfois cette image. Car elle n’avait pas renoncé à ses rêves. Simplement les siens étaient un peu moins scintillants peut-être que ceux de la plupart de ses semblables. Elle n’attendait pas du destin, par exemple, qu’il place sur sa route un prince charmant prêt à lui offrir son cœur et son royaume. Elle se contenterait avec plaisir d’un compagnon moins flamboyant, avec qui partager ses jours.

Comment expliquer tout cela à Coreen, qui non seule-ment attendait mais exigeait des hommes qu’ils lui soient entièrement dévoués ?

Un bras lui entoura les épaules, et elle reconnut le parfum de jasmin de son amie.

— Ecoute-moi bien, Alice. Si une relation nécessite certains compromis, ce n’est pas à toi de les faire tous. D’accord ?

En théorie cela semblait se tenir, mais en pratique c’était une tout autre histoire. Elle s’imaginait mal imposer ses règles du jeu à un homme qui serait subjugué par son phy-sique. Si elle désirait se faire remarquer, elle savait qu’elle devait compter sur sa personnalité. Elle n’en manquait pas, en dépit d’une indéniable timidité qui l’incitait à se montrer peu expansive lorsqu’elle rencontrait des gens pour la première fois. Il lui fallait un peu de temps pour se détendre, se sentir en confiance. Et ce temps-là pourrait paraître long à quelqu’un qui ne la trouverait pas follement séduisante au premier regard. C’était une sorte de cercle vicieux dont elle ne voyait pas comment sortir.

A l’adolescence, elle s’était toutefois découvert une arme. Elle n’avait pas plus de quatorze ans quand il lui avait fallu se rendre à l’évidence : les garçons la délaissaient pour s’inté-resser à des filles nanties d’atouts dont elle était dépourvue. Pour ne pas être ignorée de la gent masculine, elle avait alors trouvé un subterfuge : en faire partie — toute proportion gardée, bien entendu ! Cela ne s’était pas avéré très difficile, puisqu’elle n’avait jamais été capable de se livrer aux petits jeux de séduction qui rendaient les adolescents fous.

Ainsi, tandis qu’elle s’intégrait au groupe des garçons, ceux-ci apprenaient à mieux la connaître, et lorsqu’ils se

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faisaient quitter par l’une ou l’autre des divas qui leur faisaient tourner la tête, ils s’intéressaient de plus près à elle. En réalité, il ne s’agissait pas d’un stratagème soigneusement élaboré ; elle s’était bornée à constater que ce schéma se produisait, puis se reproduisait.

Ses anciens petits amis lui avaient toujours dit qu’ils appréciaient son calme, sa franchise, sa nature directe.

— C’est tellement simple d’être avec toi, lui répétaient-ils, évoquant les tourments par lesquels ils avaient dû passer pour satisfaire les caprices de leurs ex.

En sa présence, les hommes adoptaient une attitude naturelle, propice au développement de véritables liens d’amitié. Or, l’amitié représentait une base solide pour une relation durable — de celles dont se montraient en général incapables les filles que l’on remarquait au premier regard. Il leur manquait certaines qualités indispensables pour bâtir une relation stable. Elle savait qu’elle possédait ces traits de caractère. Elle était loyale, honnête, capable d’apporter son soutien à l’autre en toute circonstance.

Elle posa le regard sur Coreen. Soit. Paul n’était peut-être pas l’homme de sa vie, elle l’admettait. Et peut-être était-il temps de se tourner vers l’avenir, de se concentrer plutôt sur son travail que sur sa vie amoureuse.

— Je ne pensais pas du tout à Paul. Ce sont toutes ces tenues qui me font tourner la tête.

Coreen eut une petite grimace.— C’est le but, mais si tu t’attardes sur chaque vêtement

à suspendre…Avec ses manières brusques — dont elle ne se formalisait

plus depuis longtemps —, Coreen lui prit la maxi-jupe des mains, et la mit sur un cintre avant de la placer sur le portant.

— D’ailleurs, mieux vaut ne pas trop s’amouracher du stock. Il y a de belles pièces, c’est vrai, mais quand quelqu’un part avec en me laissant une somme rondelette, je n’ai pas à me forcer pour sourire !

Alice hocha la tête. Coreen avait raison, bien entendu. Il n’y avait pas lieu de s’attacher à tous ces habits et accessoires

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destinés à être vendus. Ce stock était le socle sur lequel reposait un commerce dont elle était sur le point d’acheter des parts.

Mais comment rester insensible à leur charme ? Comment ne pas être émerveillée par ces formes, ces étoffes, ces coloris ?

— Nous avons une affaire à gérer, dit Coreen en plissant légèrement les yeux.

Alice haussa les épaules.— D’un point de vue purement technique — et jusqu’à ce

que nous rassemblions l’argent nécessaire pour prendre une boutique avec bail commercial —, tu as une affaire à gérer. Pour le moment, il s’agit pour moi d’une activité « annexe », comme mon cher père se plaît à me le répéter. Il ne considère comme véritable travail que celui que j’exerce en qualité de consultante en informatique.

Coreen salua ces propos d’un petit rire, et les balaya d’un geste de la main. Elle était vraiment unique en son genre. C’était ce qu’Alice aimait en elle. Elle seule pouvait consi-dérer la vente de vêtements d’occasion sur les marchés du sud-est londonien comme un emploi sérieux, et comme une perte de temps une activité dans le domaine informatique.

Or, cette activité qu’Alice exerçait en free-lance avait de nombreux avantages. Elle aménageait ses horaires comme bon lui semblait, ce qui lui permettait de consacrer du temps à aider Coreen et à apprendre les ficelles du métier. En outre, certaines des petites entreprises qui s’adressaient à elle pour résoudre des problèmes précis la payaient très convenablement. Elle mettait cet argent-là de côté pour réaliser leur rêve : une nouvelle version de L’Armoire de Coreen. Une version en dur, avec des murs, une arrière-boutique où ranger le stock, et un petit bureau. Un endroit où Gladys et Glinys — les deux vieux mannequins récupérés un soir par Coreen alors que le propriétaire d’un magasin s’apprêtait à s’en défaire — ne risqueraient pas de se faire renverser par une rafale de vent.

Cette pensée lui vint à l’esprit alors qu’un courant d’air glacé s’engouffrait dans la halle. Bien que le marché de Greenwich soit recouvert d’un toit, et entouré de nombreux stands, il n’en restait pas moins un marché en plein air, avec

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ses grandes allées et ses entrées à colonnade. Alice fit faire un tour de plus à son écharpe, et Coreen resserra autour d’elle son joli petit manteau rouge. Elle était habituée à braver les éléments ; vendre des fourrures et des robes de satin d’occasion ne préservait en rien des intempéries. Ce jour-là était donc un jour comme les autres, et rien n’avait préparé Alice à ce qui allait suivre.

La veille, Coreen s’était rendue dans une maison d’un quartier chic où était organisée une liquidation de vêtements et d’accessoires. Peu intéressés par les tenues griffées dont les armoires regorgeaient, les héritiers avaient décidé de s’en défaire au plus vite. Certaines personnes étaient ainsi : réutiliser des affaires, aussi belles soient-elles, qui avaient été portées par d’autres était pour elles inenvisageable.

La robe en satin et la maxi-jupe en velours faisaient partie de ce tout nouveau lot. Toujours avec précaution, Alice déplia une cape de soirée en taffetas bleu. Quand elle aperçut ce qui se nichait dessous, elle retint son souffle, émerveillée par la perfection de cette paire de chaussures.

Depuis sa rencontre avec Coreen, elle avait commencé à s’intéresser à la mode, et surtout à se documenter sur les différents courants. Assez pour reconnaître en ces sandales de soirée un modèle du début des années cinquante. A peine portées, en daim souple noir, elles étaient simples mais magnifiques. Sur le côté, une boucle en strass retenait la lanière. C’était toutefois le talon qui les rendait exceptionnelles. Entièrement transparent, il était composé d’une matière dure qui reflétait la lumière à la manière d’un miroir. Cela n’avait rien à voir avec du vulgaire plastique.

Elles étaient si belles qu’Alice osait à peine les toucher. Puis elle en prit enfin une, délicatement, pour la montrer à Coreen.

— Superbes n’est-ce pas ? fit celle-ci en hochant la tête. Si elles avaient été plus grandes, je les aurais sans aucun doute prises.

Alice regarda la semelle intérieure.

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— Un cinq et demi. Tu chausses à peine un peu plus grand. Es-tu sûre de ne pas vouloir les garder ?

— C’est une pointure américaine, ça correspond à un quatre ici.

Un quatre ? C’était donc son destin.Toute femme de vingt-huit ans aurait dû avoir dans son

armoire un modèle de ce genre, et le porter. Pas ces sempiter-nelles baskets en toile, assorties à des vêtements trop larges et peu féminins, qui faisaient presque crier Coreen d’horreur.

— Elles sont à moi, dit Alice pour elle-même.Coreen la fixait de nouveau. Il y avait cette fois dans son

regard une lueur particulière. Un sourire flottait sur ses lèvres. De toute évidence, elle comprenait sa réaction.

— Combien coûtent-elles ?La queue-de-cheval se mit en mouvement, tandis que

Coreen secouait énergiquement la tête.— J’ai payé dix livres à peine pour ce grand carton, et

j’en retirerai au moins cinq fois autant en vendant les autres articles. Comme tu viens si bien de le dire … elles sont à toi !

— Vraiment ?— Vraiment, répondit-elle en lui adressant un clin d’œil.

Je reconnaîtrais entre mille l’expression que tu as en ce moment : celle d’une femme qui vient de tomber éperdument amoureuse !

Bien qu’elles n’aient pas tout à fait terminé d’installer le stand, Alice prit place sur le petit tabouret destiné aux essayages. Il ne lui fallut pas plus de quelques secondes pour se débarrasser de ses baskets et de ses grosses chaussettes. Pressée comme elle l’était d’essayer ces pures merveilles que le destin avait placées sur son chemin, elle ne sentit pas le froid lui picoter la peau.

Au moment où elle glissait le pied droit dans la sandale, elle formula une prière intérieure. Mon Dieu, faites que Coreen ne se soit pas trompée…

Et elle retint son souffle, fascinée par la façon dont le daim moulait sa peau. C’était à croire que la sandale avait été créée à sa seule intention. Des images de Cendrillon lui

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vinrent à l’esprit. Une Cendrillon en version moderne, car ce modèle avait un indéniable côté sexy.

Elle retroussa le bas de son pantalon afin de pouvoir admirer l’élégance que ce simple accessoire lui donnait. Jamais elle n’avait remarqué que ses chevilles étaient aussi fines. Ni à ce point eu l’impression d’être une fille.

Une femme.Redressant la tête, elle regarda Coreen.— Quelle est la matière des talons ?— Ils sont en lucite. C’est une sorte de Plexiglas qui était

très en vogue dans les années cinquante, et pas seulement pour les chaussures. Je dois avoir dans mes coffrets une paire de boucles d’oreilles dorées. Ce sont surtout les sacs à main qui sont recherchés.

Alice la dévisagea, les yeux arrondis de surprise.— Des sacs à main ? Dans cette matière ?— Ce sont souvent de petites mallettes avec des poignées

rabattables. Il y a toutes sortes de formes et de couleurs. Ces accessoires sont devenus des objets de collection, pour une raison très simple : il en reste peu sur le marché. Ils ont pour la plupart mal survécu aux chocs. Ceux qui sont en bon état peuvent se vendre très cher.

Puis elle se remit à installer le stand, laissant Alice tout au plaisir de la découverte. Car c’en était une ! Elle ne se remettait pas de l’impact qu’avaient ces sandales sur elle ; elles n’auraient pas déparé sur une star de cinéma de l’époque. Ce fut donc en grimaçant qu’elle rechaussa ses baskets, qui ne lui avaient jamais paru aussi disgracieuses.

Comme elle se relevait, prête à se remettre à la tâche, Coreen lança :

— L’affaire est réglée : elles t’appartiennent !

Cameron Hunter se tenait face à la baie vitrée qui occupait tout un pan de mur de son bureau. A cette hauteur, il avait l’une des vues les plus spectaculaires de Londres. La ville donnait l’impression de se prosterner à ses pieds.

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Si le soleil s’était levé ce matin d’automne sur un ciel d’un bleu pur, la pollution n’avait guère tardé à gagner du terrain, étendant un voile gris et brun sur la capitale. Il baissa le regard vers le fleuve juste au-dessous de lui. On aurait dit un ruban argenté qui serpentait le long du quai.

Il avait tout pour être heureux. La plupart du temps, il l’était, d’ailleurs. A presque trente-cinq ans, il avait sa propre entreprise de logiciels — fruit d’une idée jaillie en pleine nuit, et d’un emprunt audacieux.

Les bureaux d’Orion’s Solutions occupaient aujourd’hui un étage entier d’un immeuble situé au cœur de Canary Wharf qui surplombait la Tamise et dominait la ville. Placé comme il l’était, le bâtiment se voyait de loin, y compris des quartiers sud de la ville où il avait grandi et subi les moqueries des garçons de son âge. Il était désormais en mesure de leur prouver qu’il n’avait rien d’un « minable », terme dont ils l’avaient maintes fois affublé. Mieux encore, c’était sans doute l’un de ses logiciels qu’ils utilisaient quand ils allumaient leur ordinateur, aussi bien sur leur lieu de travail que chez eux.

Bien entendu, ce n’était pas ce seul motif qui l’avait incité à s’établir là, mais cela avait été un argument supplémentaire, et pas des moindres. Pendant les mois qui avaient suivi son installation, chaque passage devant les baies vitrées lui soutirait un sourire.

Maintenant, pourtant, il lui arrivait de…Il secoua la tête. C’était ridicule.A ce moment-là, l’Interphone retentit sur son bureau.— Monsieur Hunter ?Il ne bougea pas. Pas même pour se tourner vers le

haut-parleur. Ses yeux étaient rivés à un grand morceau de ciel bleu au loin, près de l’horizon.

— Oui ?Il s’était exprimé normalement, sans élever la voix. Mais

il avait une voix qui portait, et il ne doutait pas que Stéphanie l’ait entendu lui répondre.

— Je sais bien que vous avez demandé à ne pas être dérangé, monsieur Hunter, mais une urgence vient de se présenter.

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Cette fois, il tourna la tête en direction de l’appareil.— Venez m’expliquer ce qui se passe.Aussitôt, il posa le regard sur la porte.Il n’était pas dans ses habitudes d’attendre. Non qu’il soit

impatient — au contraire, même —, mais, quand on s’appelait Cameron Hunter, on était entouré d’une nuée de gens prêts à satisfaire vos désirs avant même qu’ils ne soient formulés.

Un petit coup fut frappé à la porte, que Stéphanie entrou-vrit avant de glisser timidement la tête par l’entrebâillement. D’un signe de la main il l’invita à entrer. Elle s’exécuta, mais ne fit que quelques pas à l’intérieur de la pièce. Il avait eu du mal à trouver une secrétaire de direction après le départ d’Aimée, qui avait démissionné pour fonder un foyer. Pour la retenir, il lui avait même proposé de doubler son salaire, mais elle avait refusé. Depuis, pas un jour ne s’écoulait sans qu’il regrette son savoir-faire. Aimée ne se serait jamais faufilée ainsi dans son bureau, avec des airs effarouchés.

Stéphanie, à l’instar des trois jeunes femmes qui l’avaient précédée, sursautait chaque fois qu’il prenait la parole. Que ses employés le respectent ne le dérangeait pas — ni même, qu’ils se sentent intimidés en sa présence. Il ne tenait pas à entretenir des relations trop familières avec eux. Parler de leurs enfants ou de leurs animaux domestiques, par exemple, lui paraissait impensable. Ce n’était d’ailleurs pas ce qu’ils attendaient de lui. A leurs yeux, il était là pour gérer l’entre-prise, faire en sorte qu’elle continue à être florissante, et leur assurer ainsi des revenus corrects.

A l’autre bout de la pièce, Stéphanie se tordait nerveuse-ment les mains. Elle n’avait manifestement qu’une envie : repartir au plus vite.

— Je vous écoute.— Notre client japonais a appelé pour dire qu’un contre-

temps les avait retardés à l’aéroport. Il demande s’il est possible de reporter le rendez-vous à 15 heures.

Cameron hocha la tête.— Pas de problème. Prenez les dispositions nécessaires

pour déplacer le rendez-vous.

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D’un geste à peine perceptible, elle hocha à son tour la tête et pivota sur ses talons.

Quand elle eut quitté la pièce, Cameron revint vers son bureau. Son regard fut attiré par le téléphone à côté duquel se trouvait un écrin à bijou plat, de forme carrée, désormais vide. Tout récemment encore, il y avait dans sa vie une femme qui ne tremblait pas de frayeur quand il entrait dans une pièce. Loin de là.

Il s’agissait de Jessica Fernly-Jones, une jeune personne de la bonne société experte en papillonnage. La plupart des Londoniens rêvaient de l’avoir à leur bras.

Il était parvenu, lui, à avoir avec la très sollicitée Jessica une relation à peu près régulière, mais elle ne lui avait pas facilité la tâche. Il ne s’en était d’ailleurs pas formalisé. Cela faisait partie du jeu. Qui veut la fin, veut les moyens ! Il n’oubliait pas les regards d’envie provoqués par son arrivée avec la jeune femme dans un restaurant de renom, le soir où elle avait enfin accepté son invitation à dîner. Même ses sorties en public avec un mannequin connu n’avaient pas suscité un tel intérêt.

Au bout de deux mois pourtant, les caprices de la jolie demoiselle avaient commencé à le lasser. Quel être au monde pouvait bien mériter de tels efforts de sa part ?

Il s’était maintes fois posé cette question le soir où il lui avait offert le bijou. Bon nombre de femmes se seraient extasiées à la seule vue du nom du grand bijoutier gravé sur l’écrin. Jessica s’était contentée de hausser un sourcil, puis de lui adresser le sourire séducteur qui comptait manifestement parmi ses armes favorites. Il s’était accompagné d’une moue suffisante.

Jessica Fernly-Jones avait une haute opinion d’elle-même. Elle considérait qu’elle valait chacun des carats nichés dans le satin bleu nuit. Et bien plus encore.

Avec des gestes d’une lenteur calculée, elle avait ouvert l’écrin et examiné le pendentif en diamant. Simple. Elégant. D’un prix outrancier. Puis, inclinant la tête de côté, elle avait cligné les paupières.

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— Il est ravissant, Cameron. Mais tu as sans doute oublié que c’était le rose qui me plaisait. Le blanc est d’un banal… J’imagine que tu auras la gentillesse de réparer cette petite erreur, n’est-ce pas ?

Ce petit discours avait été suivi d’un de ses fameux sourires. Et, à cet instant précis, il avait su qu’il ne serait plus jamais « gentil » avec Mlle Fernly-Jones. Au cours du repas, il lui avait très calmement expliqué qu’il était préférable qu’ils en restent là. Elle était partie du restaurant et avait disparu de sa vie. Jamais il n’avait eu l’occasion de le regretter.

Mais il se retrouvait aujourd’hui à la tête d’un empire, et il lui semblait qu’il aurait dû avoir une femme à ses côtés. Quelqu’un avec qui partager ce prestige. Tandis qu’il gravissait peu à peu les échelons pour atteindre cette place de choix, il s’était imaginé qu’il aurait auprès de lui quelqu’un comme Jessica. A présent…

Au lieu de s’asseoir à son bureau, il retourna vers la baie vitrée. Aussi spectaculaire soit-elle, cette vue commençait à l’ennuyer. Cela tombait bien, puisqu’il était sur le point d’en changer.

— Alice ? Alice Morton ?Alice, qui s’apprêtait à rendre la monnaie à une cliente,

s’immobilisa. Il y avait des années qu’elle n’avait pas entendue cette voix-là. Elle redressa la tête et se trouva face à une élégante jeune femme blonde qui lui souriait.

— Jennie ? Oh… c’est incroyable !Dix ans plus tôt, elle ne quittait pas ses jambières à

grosses rayures et se moquait de la mode, mais elle s’était transformée en une jeune personne très chic. Son sourire, lui, était toujours aussi radieux, et elle n’avait rien perdu du merveilleux enthousiasme qui la caractérisait à l’époque.

Sans hésiter, Alice sortit du stand pour la rejoindre, et elles se serrèrent dans les bras l’une de l’autre en riant. Derrière elles, Coreen toussota discrètement pour lui rappeler qu’elle

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n’avait pas fini de s’occuper de la cliente qui venait de leur acheter un foulard.

— Oh… excusez-moi ! dit Alice en revenant vers celle-ci pour lui tendre les deux pièces qu’elle avait toujours à la main.

Coreen attendit que la cliente se soit éloignée pour venir les rejoindre.

— Voilà des retrouvailles chaleureuses ! fit-elle. On dirait des sœurs qui se sont perdues de vue depuis des lustres ?

Ce fut Jennie qui se chargea de satisfaire sa curiosité.— Presque. J’ai été fiancée au frère d’Alice pendant deux

ans. Au moment de la rupture, c’est surtout l’idée de ne jamais l’avoir pour belle-sœur qui m’a attristée !

Reportant son attention sur son amie, elle enchaîna :— Mais que fais-tu ici ? La dernière fois que j’ai entendu

parler de toi, tu étais censée être dans l’informatique.— En effet, et je travaille d’ailleurs toujours dans ce

domaine. C’est grâce à l’informatique que je peux payer mes factures. Et c’est aussi ce qui m’a fait rencontrer Coreen.

Elle marqua une courte pause afin de procéder aux présentations, puis reprit :

— Quand elle a commencé à vendre son stock en ligne, il y a quelques années, elle a eu besoin de conseils, et a fait appel à mes services.

— Soit. Mais ça ne m’explique pas ta présence au marché de Greenwich, par un jeudi matin plutôt frais !

Jennie finissait tout juste sa phrase qu’une cliente s’arrêta devant le stand, apparemment intéressée par un sac en serpent. Souriante, Coreen alla à sa rencontre et lui tendit l’article. Tout en lui en vantant les mérites, elle fit comprendre par gestes à Alice qu’elle pouvait s’éloigner du stand si elle le souhaitait. Alice ne se fit pas prier et prit Jennie par le bras pour la guider le long de l’allée. Elles allaient pouvoir bavarder à loisir.

Elles s’étaient connues à l’adolescence, et Jennie l’écouta avec attention répondre à ses questions tout en s’arrêtant parfois devant un étalage. Il ne fallut pas plus de quelques minutes à Alice pour lui résumer l’essentiel des dix dernières années

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de sa vie — tant elle était dénuée d’événements marquants. Elle conclut ce bref exposé en évoquant sa rencontre avec Coreen, et le vif intérêt pour les vêtements d’occasion qui en avait découlé.

— Nous économisons d’ailleurs le moindre penny que nous gagnons pour ouvrir notre propre boutique.

Jennie lui sourit.— Très bonne idée !Puis elle repoussa ses boucles blondes en arrière, et,

plantant son regard direct dans celui d’Alice, ajouta :— Appelle-moi quand votre projet aura vu le jour, j’orga-

niserai une soirée pour vous faire connaître.— Une… soirée ?Pour toute réponse, Jennie plongea la main dans son

superbe sac griffé couleur camel et en sortit une carte de visite à la fois originale et raffinée.

— Oh… tu travailles dans l’événementiel ?— Etonnant, n’est-ce pas ? On me paie pour m’amuser !

répondit-elle en riant.Mais elle ponctua ces mots d’un petit soupir.— Mais tout n’est pas toujours rose, même dans ce métier,

et il m’arrive de me trouver à court d’inspiration… C’est pour cela que je suis venue ce matin faire un tour au marché. Je me suis dit que je pourrais y glaner quelques idées.

Son regard se posa sur un panier rempli d’écharpes tricotées main. Elle en prit une au hasard, et l’enveloppa distraitement autour de son poignet avant de la reposer.

— Tu te souviens de mon demi-frère ?Alice cligna les paupières, déroutée par le brusque chan-

gement de sujet. A l’époque où Jennie et Patrick sortaient ensemble, elle avait souvent entendu parler de lui. Il était en pleines études universitaires.

— Quelqu’un de grand ? fit-elle.Elle se garda d’ajouter « et maigre », parce qu’elle n’aimait

pas être elle-même affublée de ce genre d’adjectifs.— Avec des lunettes ?

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— C’est le Cam d’autrefois que tu me décris ! Non qu’il soit devenu petit, mais il ne porte plus de lunettes.

Les souvenirs affluèrent, et Alice sourit. Elle connaissait en effet Cam — Cameron —, qu’elle avait rencontré à deux ou trois reprises. L’une de ces occasions restait gravée dans sa mémoire. Il s’agissait d’un Noël chez les parents de Jennie. A la fin du repas, craignant d’être recrutée d’office pour participer à des jeux de société, elle s’était réfugiée dans le bureau du père de son amie. En entrant dans la pièce, elle avait failli pousser un cri à la vue du jeune homme dégin-gandé installé dans un fauteuil en train de lire. Il avait levé la tête et, sans mot dire, avait haussé un sourcil avant de lui désigner d’un geste du menton un autre fauteuil.

Ils avaient passé plus d’une heure ainsi, à lire côte à côte, en s’adressant à peine la parole. Puis Jennie les avait découverts là et décidé de les ramener dans le salon pour qu’ils « profitent » de la soirée. Ils s’étaient alors tous deux rembrunis. Lorsque Alice s’était enhardie à sourire à Cameron, il lui avait rendu son sourire. Une sorte de complicité s’était ainsi créée entre eux. Résignés, ils avaient rejoint la famille et participé eux aussi aux jeux de société.

Si le détail des quelques mots qu’ils avaient échangés ce soir-là restait vague dans son esprit, elle n’avait pas oublié le sourire de Cameron. Ni ses yeux. Noirs, striés d’or, pareils aux pierres en œil de tigre du bracelet qu’elle avait hérité de sa grand-mère. Quel dommage que de tels yeux, à la fois doux et intelligents, aient été cachés derrière d’épais verres de lunettes. Elle s’était surprise à y penser plusieurs fois, à la suite de cette rencontre.

— Oui, je me souviens de lui, lui répondit-elle enfin. Il était sympathique.

Pas seulement sympathique. Mais il était plus âgé qu’elle, et à seize ans elle ne se sentait pas du tout à l’aise avec ceux qu’elle ne considérait pas comme « ses copains ». Elle se rappelait toutefois avoir regretté que ce réveillon ait été celui de Noël plutôt que du jour de l’an. Elle se serait volontiers laissé embrasser sous le houx…

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— Eh bien, il est en train de me rendre folle en ce moment ! fit Jennie. Son entreprise est sur le point de s’ins-taller dans de nouveaux locaux, et il voudrait — j’y tiens aussi, d’ailleurs — que la fête d’inauguration soit un moment marquant. Quelque chose qui sorte de l’ordinaire, qui reste gravé dans les esprits.

Elle ponctua ces mots d’une grimace. De toute évidence, il lui paraissait inconcevable que quelqu’un puisse attendre autre chose d’elle.

Tout en parlant, elles avaient fait le tour du marché, et se trouvaient de nouveau devant le stand de Coreen. Instinctivement, Jennie tendit la main vers le nœud qui ceinturait la robe de cocktail en satin gris perle — cette même robe qui avait aussitôt retenu l’attention d’Alice.

— Oh… Elle est magnifique, murmura-t-elle.Coreen, qui s’était rapprochée, lui adressa un grand sourire.— Pourquoi ne pas l’essayer ? J’ai passé un marché avec

Annabelle, qui tient le stand pour enfants juste en face. Mes clientes ont le droit d’essayer des vêtements dans sa petite cabine, à une condition : que je l’informe sur-le-champ de tout nouvel arrivage d’une pièce en lamé !

Jennie se mordilla le coin des lèvres.— Vas-y, dit Alice avec un grand sourire. Tu en as envie,

c’est évident… Cette robe est une pure merveille, Jennie, mais tu ne sauras si elle est faite pour toi qu’après l’avoir essayée.

— Il se produit parfois des rencontres étonnantes, ajouta Coreen, l’œil luisant. On a l’impression que le vêtement qu’on vient d’enfiler a été créé pour soi. C’est presque de la magie !

Le sourire d’Alice s’élargit. Coreen n’était peut-être pas aussi insensible qu’elle le prétendait au charme de ses tenues de rêve…

Sans plus hésiter, Jennie prit le cintre et se dirigea vers le stand d’Annabelle. Celle-ci la guida vers le recoin faisant office de cabine et Coreen donna un petit coup de coude à Alice.

— Je suis sûre que ça t’arrivera à toi aussi, un jour.Alice fronça le nez et imita l’un de ces rires secs dont

Coreen avait le secret.

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— Mais certainement.— Tu verras, répondit Coreen.Le meilleur moyen de se débarrasser d’elle lorsqu’elle

devenait trop insistante était d’abonder dans son sens.— Tu as raison, certaines robes dégagent une sorte de

magie.Puis Alice dévia le sujet sur une vogue qui se répandait

chez les vendeurs de vêtements d’occasion : des défilés de mode calqués sur ceux des créateurs et des grands couturiers, en fonction des saisons. Comme ils étaient principalement le fait d’amateurs, les moments mémorables abondaient. Coreen avait quelques anecdotes de dérapages incontrôlés sur des podiums de fortune à cause de talons trop hauts ou de chaussures instables, ou de coutures qui craquaient sur des tissus fragiles lorsque les mannequins en faisaient trop et se livraient à des acrobaties.

Elles riaient de bon cœur quand elles remarquèrent que Jennie avait quitté le stand d’Annabelle, et se regardait à présent dans le miroir sur pied de Coreen.

D’une même voix, elles lancèrent un petit cri admiratif. L’effet était renversant. L’étoffe moirée s’harmonisait à merveille avec le ton de peau très clair de Jennie, et la coupe mettait en valeur ses courbes féminines.

— Voilà qui illustre à merveille ma théorie, dit Coreen d’un ton théâtral. Cette robe semble avoir été faite pour vous !

Alice hocha la tête, toutefois intimement convaincue qu’il était plus facile de trouver le modèle idéal quand on était élancée avec de jolies formes que quand on ressemblait à un sac d’os !

Jennie tournait avec lenteur sur elle-même, sans quitter un seul instant du regard le reflet que lui renvoyait le miroir.

— Quel que soit son prix, je la prends !Lorsqu’elle repartit vers le stand d’Annabelle, Coreen

adressa un clin d’œil à Alice, qui acquiesça de la tête et se força à sourire.

Jennie ne fut pas longue à les rejoindre. Après avoir réglé

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son achat, elle regarda tour à tour les deux jeunes femmes, la mine songeuse.

— Je n’essayais pas de vous espionner, mais j’ai entendu l’essentiel de votre conversation tout à l’heure, quand je sortais de la cabine. Vous parliez de défilés…

Elle s’interrompit, inspira profondément et reprit :— J’ai une proposition à vous faire. Une proposition

grâce à laquelle votre projet de boutique pourrait voir le jour plus tôt que prévu.

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horssérie

UN PATRON À AIMER

Dans les bras de Cameron Hunter, Fiona HarperQuand Alice apprend qu’elle doit organiser un défilé de mode pour l’inauguration d’une grosse société, elle est à la fois ravie et excitée. Cerise sur le gâteau, le patron de la société n’est autre que Cameron Hunter, son amour d’adolescente. Une véritable complicité s’établit rapidement entre eux  ; si bien qu’Alice ne tarde pas à retomber sous le charme. Mais elle veut bien davantage que l’aventure que Cameron lui propose. Et elle se sent tout à fait capable de le faire changer d’avis !

Par amour pour son patron, Barbara Wallace C’est avec enthousiasme que Kelsey accepte le poste de secrétaire particulière qu’un éditeur lui propose : aider un auteur à écrire son prochain roman, voilà qui s’annonce passionnant ! Mais elle va vite déchanter : Alex est un homme misanthrope et très froid qui se méfie de tout, et surtout d’elle. Pourtant, un cœur se cache sous ces dehors d’ours bourru, elle en est sûre… Un cœur à aimer…

Amoureuse de son boss, Myrna MackenzieGeneviève vient de tout perdre : son fiancé a disparu en vidant ses comptes, et elle n’a d’autre choix que de trouver un travail au plus vite. Par chance, Lucas McDowell, riche homme d’affaires, a besoin d’une assistante et accepte de l’embaucher. Mais cherche-t-il vraiment à l’aider ? En tout cas, il se montre si attentionné que Geneviève se sent bientôt succomber à son charme…

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