Ulcère veineux : la compression, un traitement incontournable

8
www.les-cahiers.com 8 Les cahiers QUATRIèME TRIMESTRE 2012 >>> 225000 ulcères veineux en France. En 2008 la prévalence de l’ulcère veineux de jambe chez l’adulte était estimée à 3 % de la population présentant une maladie veineuse chronique. Ulcère veineux : la compression, un traitement incontournable L ’ulcère veineux est souvent négligé ou mal pris en charge alors qu’il existe un large consensus sur la nécessité d’une compression adéquate pour le traiter. Les soins locaux certes utiles ne peuvent remplacer la compression. Lors du traitement d’un ulcère veineux ouvert (figure 1), il existe deux phases thérapeutiques distinctes : une phase initiale de décongestion des troubles trophiques et de désinfiltration de l’œdème péri-ulcéreux qui correspond à la phase exsudative et de détersion de l’ulcère. C’est théoriquement le rôle du bandage durant cette phase ; et une phase dite de cicatrisation qui cor- respond cliniquement à la phase de bour- geonnement et d’épidermisation de l’ulcère. Le bas de compression est ici un choix. Il existe un adage qui prétend qu’un bandage compressif obtient le résultat et que les bas de compression le maintiennent. La pratique quotidienne doit faire nuancer cette notion peut-être trop simple. C’est le but de cet article. © Shutterstock

description

par Maxime Chahim.225000 ulcères veineux en France.En 2008 la prévalence de l’ulcère veineux de jambe chez l’adulte était estimée à 3 % de la population présentant une maladie veineuse chronique. http://www.les-cahiers.com

Transcript of Ulcère veineux : la compression, un traitement incontournable

Page 1: Ulcère veineux : la compression,  un traitement incontournable

ww

w.le

s-ca

hier

s.co

m

8

■ Les cahiers quaTrième TrimesTre 2012

>>>

225 000 ulcères veineux en France.En 2008 la prévalence de l’ulcère veineux de jambechez l’adulte était estimée à 3 % de la population présentantune maladie veineuse chronique.

Ulcère veineux :la compression,un traitementincontournable

L’ulcère veineux est souvent négligé

ou mal pris en charge alors qu’il existe

un large consensus sur la nécessité

d’une compression adéquate pour le

traiter. Les soins locaux certes utiles ne peuvent

remplacer la compression.

Lors du traitement d’un ulcère veineux ouvert

(figure 1), il existe deux phases thérapeutiques

distinctes :

• une phase initiale de décongestion des

troubles trophiques et de désinfiltration de

l’œdème péri-ulcéreux qui correspond à la

phase exsudative et de détersion de l’ulcère.

C’est théoriquement le rôle du bandage

durant cette phase ;

• et une phase dite de cicatrisation qui cor-

respond cliniquement à la phase de bour-

geonnement et d’épidermisation de l’ulcère.

Le bas de compression est ici un choix.

Il existe un adage qui prétend qu’un bandage

compressif obtient le résultat et que les bas

de compression le maintiennent. La pratique

quotidienne doit faire nuancer cette notion

peut-être trop simple. C’est le but de cet

article.©Sh

utte

rsto

ck

Page 2: Ulcère veineux : la compression,  un traitement incontournable

ww

w.le

s-ca

hier

s.co

m

9

www.les-cahiers.com ■

©J .

-P .B

.

dr maximeChahim

J. Fournier

Phlébo-gériatre, Praticien-attaché consultant. aPhP.hôpital corentin – issy-les-moulineaux

orthopédiste, Paris

Page 3: Ulcère veineux : la compression,  un traitement incontournable

ww

w.le

s-ca

hier

s.co

m

10

■ Les cahiers quaTrième TrimesTre 2012

La Haute Autorité de Santéa statué…

La Haute Autorité de Santé [1] a rappelé les

règles d’utilisation de la compression dans

le traitement de l’ulcère de jambe veineux et

mixte (artériel et veineux). Les bandages

multi-types et les bas de compression doivent

être utilisés. La pression à atteindre est de

30 à 40 mmHg à la cheville (et inférieure

à 30 mmHg en cas d’ulcère mixte).

En pratique quotidienne au-delà de ces

recommandations, le choix d’un type de

compression doit également tenir compte

de la taille de l’ulcère, de l’état de la plaie, de

l’existence d’une dysmorphie de la jambe, de

l’importance de l’œdème et aussi de l’état

général du patient.

Compressionde l’ulcère veineux ouvert

Les données cliniques disponibles permettent

d’affirmer l’intérêt de la compression dans

le traitement des ulcères ouverts. Le niveau

de pression recommandé est « le plus haut

toléré par le patient », idéalement 30 à

40 mmHg. La compression à recommander

en première intention (tableau I) est le

bandage multi-type (appelé de manière

inappropriée multi-couche. En effet, quelle

que soit la méthode, pour appliquer une

bande sur la jambe, il y a toujours plusieurs

couches en un point donné) ou le bas de

compression.

La supériorité des bandages (figure 2) multi-

types (comportant au moins 2 bandes

compressives différentes, Profore®, Urgo K2®,

Coban 2® par exemple) par rapport aux ban-

dages « monotypes » réalisés avec un seul

type de bande a été prouvée.

Point important, la Haute Autorité de Santé

retient également la compression par bas mais

uniquement par des bas de plus de 36 mmHg

(classe IV). En effet, elle considère que la

pression minimale efficace est de 30 mmHg

et que les bas dont la pression est comprise

entre 20 et 36 mmHg (classe III), exercent

en pratique une pression souvent inférieure

à 30 mmHg. L’utilisation d’un enfile-bas s’avère

souvent indispensable en particulier chez les

personnes âgées.

Figure 1. ulcère veineux ouvert

Figure 2. Bandage multi-types

©J-

P .B

.

©D

.R .

Page 4: Ulcère veineux : la compression,  un traitement incontournable

ww

w.le

s-ca

hier

s.co

m

11

www.les-cahiers.com ■

Les experts de la Haute Autorité de Santé

ont également proposé que les bas soient

également considérés comme un traitement

de première intention. En effet, Amsler et coll.

comparant l’efficacité des bas et des bandages

dans une méta-analyse [2] ont prouvé que le

taux de cicatrisation était significativement

meilleur avec les bas.

Compressionde l’ulcère mixte

80 % des ulcères ont une origine veineuse.

Mais il convient d’avoir à l’esprit que certains

ulcères ont une origine mixte avec une

composante artérielle. Dans ce cas, la pression

de la compression appliquée devra être infé-

rieure à 30 mmHg.

Il conviendra de penser à une artériopathie

oblitérante des membres inférieurs devant

l’absence de pouls distaux palpables, l’exis-

tence de signes cliniques ou de symptômes

évocateurs d’une artériopathie oblitérante

des membres inférieurs (douleurs à la marche,

décoloration d’un pied, pied froid). Un

échodoppler artériel des membres inférieurs

devra alors être réalisé en même temps qu’un

échodoppler veineux (figure 3).

Chez le sujet âgé, l’artériopathie oblitérante

des membres inférieurs est silencieuse du

fait de l’absence de mobilité et de la séden-

tarité. Dans une étude prospective [4] réalisée

sur un échantillon de 138 patients hospitalisés

d’âge moyen 82,2 ans, une artériopathie sévère

asymptomatique a été retrouvée chez 35 d’entre

eux (28 %) contre-indiquant le port d’une

compression élastique.

Tableau I. Recommandations de la Haute Autorité de Santé

Situation clinique DiSpoSitifS MoDalitéS

Ulcère ouvert

Bandages multi-typesen première intention

Bandes sèches inélastiquesou à allongement court

Bandes enduites de zinc

Bas (chaussettes, bas-cuisse, collants)> 36 mmHg

Jusqu’à cicatrisationcomplète

Figure 3. Échodoppler veineuxou artériel

©M

.C>>>

Page 5: Ulcère veineux : la compression,  un traitement incontournable

ww

w.le

s-ca

hier

s.co

m

12

■ Les cahiers quaTrième TrimesTre 2012

>>> Traductionen pratique quotidienne

En pratique quotidienne, on s’aperçoit qu’il

n’y a pas de faute à utiliser des bas de

compression ou des bandages. Les preuves

manquent pour orienter vers tel type ou tel

type de compression. Le bon sens doit alors

guider le choix.

La compression par bas pour traiter un

ulcère ouvert doit apporter, comme nous

l’avons vu, une pression comprise entre 30

et 40 mmHg à la cheville. Les bas de classe III

ne délivrent pas une pression supérieure à

30 mmHg. Les bas de classe IV (> 36 mmHg)

sont difficilement enfilables.

La superposition de 2 bas devient donc

obligatoire pour atteindre les pressions

recommandées par la Haute Autorité de Santé.

Des kits « anti-ulcère » malheureusement non

remboursés, sont disponibles sur le marché

français [3] : (pour information : Mediven

Ulcer Kit [figure 4]) . Ils sont composés d’un

sous-bas pied fermé et d’un sur-bas pied ouvert.

La pression réellement délivrée en position

allongée est comprise entre 35 et 40 mmHg

à la base du mollet [3]. Le sous-bas (< 20 mmHg)

doit être conservé la nuit en position allongée

étant donné la faible pression délivrée. Il ne

risque pas de provoquer une ischémie. Un

point important : un enfile-bas est presque

toujours indispensable en particulier chez le

sujet âgé ou en cas de lésions rhumatologique

ou neurologique.

Avec des bas remboursés, il est possible

d’obtenir des pressions supérieures à 30 mmHg.

Une chaussette de classe I (10-15 mmHg)

pied fermé et une chaussette de classe III

(20-36 mmHg) pied ouvert vont permettre

d’atteindre une pression réelle de l’ordre

de 35-40 mmHg en regard de la plaie

ulcéreuse.

En cas d’ulcère mixte, la superposition de

2 chaussettes de classe I ou de I + II permet

de ne jamais dépasser 30 mmHg la journée.

Bas ou bandages ?

De manière pragmatique, plusieurs éléments

doivent guider le choix :

• la taille de l’ulcère,

• le pansement appliqué en fonction du stade

de la plaie,

• l’existence ou non de déformations ostéo-

articulaires des genoux, des pieds ou autre

dysmorphie,

• et l’importance de l’œdème.

Figure 4. exemple d’un kit anti-ulcère

©M

edi

Page 6: Ulcère veineux : la compression,  un traitement incontournable

ww

w.le

s-ca

hier

s.co

m

13

www.les-cahiers.com ■

>>>

L’ancienneté de l’ulcère n’apparaît pas comme

un critère de choix.

La taille de l’ulcère est importante dans le

choix. Un ulcère de grande taille va nécessiter

un pansement qui risque de glisser ou de se

décoller lors de l’enfilage d’un bas. Il est alors

préférable d’utiliser un bandage multi-type

ou à allongement court plus simple à poser.

Si l’ulcère est de petite taille, on peut maintenir

plus facilement le pansement avec la main

lors de l’enfilage.

À la phase exsudative, le risque ou l’existence

de fuites et d’odeurs nécessitent l’emploi d’un

pansement secondaire absorbant. L’épaisseur

des 2 pansements rend difficile l’application

d’un ou deux bas en superposition. À l’opposé

lors de la phase de bourgeonnement/

épidermisation, la plaie ne coule plus, le

pansement primaire est généralement mince

et changé de manière moins fréquente. L’emploi

d’un bas se justifie alors pleinement.

La remarque est semblable en cas de jambe

dysmorphique. Un bandage est plus adapté.

Si le choix se porte sur le bas, on va devoir

dans ce cas utiliser des bas sur-mesure, coû-

teux, plus longs à obtenir et pas toujours bien

supportés.

Un œdème important pose un problème

d’une autre nature.

À la phase initiale de réduction de l’œdème,

l’usage d’un bandage rigide (multi-types ou

bande à allongement court) permet une réduc-

tion rapide de l’œdème mais le bandage risque

de glisser et de perdre toute efficacité

compressive voire en glissant de provoquer

des troubles cutanés. Il conviendra de reposer

quotidiennement ou tous les deux ou trois

jours le bandage pour l’adapter au volume

de la jambe. L’utilisation d’un bas oblige à

appliquer un bas moins grand dès que la cir-

conférence de cheville diminue de 2-3 cm si

on veut que la pression reste efficace. En

revanche, si l’œdème est peu important ou

lors de la phase de maintien des résultats,

le bas de compression trouve sa place

naturelle.

Cas particuliers

Chez le sujet âgé présentant des troubles

cognitifs et des ulcères multiples de jambe,

la botte de Unna, une bande à l’oxyde zinc,

(par exemple Varolast® figure 5) appliquée

directement sur les plaies ulcéreuses reste

finalement une solution simple, peu coûteuse

et peu chronophage pour l’infirmière. Le

patient ne peut pas ôter son bandage.

Tableau II. Critères de choix de la compression

taille

De l’ulcère

panSeMent

type De la plaie

DySMorphie

De la jaMbe

préSence

D’un œDèMe

iMportant

Bas Petite taille Bourgeonnement /Epidermisation

– –

Bandages Grande taille Exsudative /Détersion

+ +

Page 7: Ulcère veineux : la compression,  un traitement incontournable

ww

w.le

s-ca

hier

s.co

m

14

■ Les cahiers quaTrième TrimesTre 2012

>>>

Réagissez en ligne !Pour participer à la discussion autour

de cet article, il suffit de vous rendreà l’adresse indiquée en bord de page.›

Ce bandage peut être conservé une semaine.

Ce fait est intéressant en cas de difficultés

d’accès à du personnel soignant (zone rurale).

L’ulcère cicatrisé (C5)

Pour l’ulcère veineux cicatrisé (figure 6), la

Haute Autorité de Santé considère que

la compression prévient la récidive et

recommande la compression par bas (idéa-

lement de plus de 30 mmHg) ou les bandes

sèches à allongement court. Les experts sou-

lignent la faible observance constatée en

pratique et recommandent d’utiliser la pression

Figure 5. Bande à l’oxyde zinc

caS particulierSpreSSion conStante

De 30-40 MMhg

• Bandage multi-type• Bande à allongement court• Bande inélastique

Bandes enduites de zinc(Botte de Unna)

Bas de compressionen superposition

• Ulcère grande taille• Exsudatif/phase de détersion• Jambe dysmorphique• Œdème important

• Peau fragile• Plaies multiples• Sujets âgés• Accès difficile aux soins

(manque de soignantsen zone rurale, …)

• Ulcère de petite taille• Épidermisation/

bourgeonnement• Jambe non dysmorphique• Œdème peu important

Figure 6. ulcère veineux cicatrisé

© Hartmann©

J .-P

.B .

Page 8: Ulcère veineux : la compression,  un traitement incontournable

ww

w.le

s-ca

hier

s.co

m

15

www.les-cahiers.com ■

la plus haute tolérée par le patient (avec un

minimum de 20 mmHg), en utilisant tous

les moyens pouvant améliorer l’adhésion du

patient au traitement.

Le traitement compressif doit idéalement être

maintenu au long cours avec une réévaluation

régulière du rapport bénéfices/risques.

Conclusion

L’importance de la compression dans le trai-

tement des ulcères veineux vient d’être rap-

pelée par la HAS. La taille de l’ulcère, le

pansement appliqué en fonction du stade de

la plaie, l’existence d’une dysmorphie de la

jambe ou du pied, l’importance de l’œdème,

l’état du patient sont des éléments à prendre

en compte pour appliquer en pratique ces

recommandations.

D’une manière générale, il apparaît que lors

de la phase de détersion d’un ulcère de grande

taille, très exsudatif, avec un œdème péri-

ulcéreux, le bandage multi-type est à préco-

niser. Dès la phase de bourgeonnement, la

superposition de deux bas de compression

constitue le bon compromis. ■

Par Maxime Chahim

Références

1. Rapport d’évaluation : dispositifs decompression médicale à usage indivi-duel : utilisation en pathologie vasculaire.Septembre 2010. www.has-sante.fr. HauteAutorité de santé.

2. Amsler F, Blattler W. Compression therapyfor occupational leg symptoms and chro-nic venous disorders- a meta-analysis ofrandomized controlled trials. Eur J VascEndovasc Surg 2008;35(3):366-72.

3. Benigni JP, Echegut P, Mourmaren M,Uhl JF, Cornu-Thenard A. CompressionStockings for Treating Venous Leg Ulcers.Journal of Wound Technology. 2010;8:20-5.

4. Chahim M, Schadeck M, Benigni JP, et coll.Pathologie veineuse du sujet âgé : intérêtde la mesure systématique de l’index depression systolique (IPS), pose d’unecompression veineuse. Phlébologie 2008;59(2):157-63.

Situation clinique DiSpoSitifS MoDalitéS

Ulcère cicatrisé • Bas (chaussettes, bas-cuisse, collants)de 20 à 36 ou > 36 mmHg

• Bandes sèches à allongement court

Traitement au long cours,avec réévaluation régulièredu rapport bénéfices/risques

on ne panse bien qu’avec le cœur !

©J .

-P .B

.