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IRSN - Rapport scientifique et technique 2008 189
4. 1
Étude du fLuage deS bÉtoNS eN tRactIoN :application aux enceintes de confinement des centrales nucléaires à eau sous pression
conception des enceintes de confinement des centrales nucléaires françaises
Dans les centrales nucléaires françaises de type REP (réacteur à eau
pressurisée) avec enceinte de confinement à double paroi, la paroi
en béton précontraint est dimensionnée pour résister à une aug-
mentation de pression interne en situation accidentelle – de l’ordre
de 0,5 MPa en pression absolue, pour un accident de perte de
réfrigérant primaire (figure 1).
EDF, exploitant des centrales électronucléaires REP actuellement en
service en France, doit justifier de la capacité de leurs enceintes de
confinement à assurer, en cas d’accident, un taux de fuite qui soit
inférieur à 1,5 %/24 h de la masse totale de gaz (mélange air +
vapeur) contenue dans l’enceinte. Pour vérifier que l’enceinte est
en capacité de remplir sa fonction de confinement en cas d’accident,
chaque enceinte subit périodiquement (avant la mise en exploita-
tion de la centrale, puis tous les dix ans), un test en grandeur
nature en air sec à température ambiante à sa pression de dimen-
sionnement : c’est « l’épreuve de l’enceinte ».
Durant ces épreuves d’une durée de quelques jours – cela inclut la
montée en pression par palier et le retour à la pression « normale » –,
l’enceinte subit des sollicitations au cours desquelles des contraintes
de traction peuvent apparaître dans des zones singulières (tampon
d’accès des matériels, sas personnel…).
De plus, à très long terme (au-delà de la durée de vie prévue de
l’ouvrage), de telles contraintes de traction pourraient également
apparaître en zone courante de l’enceinte si les déformations dif-
férées (retrait et fluage) ont été sous-estimées lors du dimension-
nement de la structure [Benboudjema, 2002]. Des déformations de
fluage par traction peuvent apparaître dans ces conditions, avec
apparition de fissures et/ou contribuer au développement de fis-
sures préexistantes.
Le fluage du béton constitue un des points essentiels du comportement
mécanique du béton. Les essais correspondants sont longs et les
résultats obtenus sont fortement influencés par l’âge du béton au
moment du chargement, le niveau de contrainte appliqué et les
conditions d’environnement de l’essai (température, hygrométrie...).
Nanthilde REVIRON, Georges NAHASBureau d’analyse du génie civil et des structures
Le béton, armé et précontraint, est un matériau couramment utilisé pour la construction de nombreuses structures
des installations nucléaires. Dans le cas des enceintes de confinement des réacteurs, le béton armé précontraint
remplit non seulement un rôle structurel mais aussi un rôle de confinement, pour la protection de l’environne-
ment. Le travail de recherche mené dans le cadre de l’étude rapportée ici a pour objectif d’évaluer l’effet du fluage
en traction du béton, d’une part, sur l’apparition de fissures pendant les épreuves décennales, d’autre part, sur la
création d’une microfissuration du béton qui réduit sa capacité de confinement et sa durée de vie.
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190 Rapport scientifique et technique 2008 - IRSN
démarche scientifique suivie
Afin de répondre aux demandes d’expertise en sûreté, le compor-
tement du béton soumis à des sollicitations mécaniques de traction
uniaxiale doit être connu. Il est donc important de déterminer pour
le matériau les différents couplages physiques et mécaniques entrant
en jeu.
C’est pourquoi une importante étude expérimentale relative au
fluage d’un béton hydraté, âgé de 90 jours au minimum et repré-
sentatif d’une paroi d’enceinte de confinement soumise à des efforts
de traction, a été menée pour différents niveaux de contrainte.
Quatre types d’essais ont été réalisés en parallèle : mesures des
déformations d’origine thermique, des déformations de retrait de
dessiccation, des déformations de fluage propre et des déformations
différées totales. Une étude expérimentale sur le séchage du maté-
riau non sollicité mécaniquement a également eu lieu.
Les résultats obtenus seront comparés à ceux établis par EDF dans
le cadre du travail de thèse de Laurent Granger [Granger, 1996] sur
le fluage par compression d’un matériau de composition presque
identique.
campagne expérimentale de fluage en traction uniaxiale
description des essais
Pour cette étude, deux bâtis ont été réalisés, de manière à pouvoir
faire plusieurs essais en parallèle (figure 2). Ils permettent d’appli-
Alors que le fluage du béton en compression, en flexion ou en
traction indirecte au jeune âge (dispositif de retrait empêché) a été
considérablement étudié [Omar, 2004 ; Granger, 1996 ; Kovler,
1994], ce n’est pas le cas du fluage en traction directe de bétons
durcis, qui est bien moins connu [Berthollet, 2003 ; Brooks et Neville,
1977 ; Morin et Maso, 1982]. En particulier, le domaine où la
complaisance de fluage en traction directe est indépendante de la
contrainte appliquée a été très peu étudié, de même que le risque
de rupture du béton en cours de chargement.
Le fluage du béton en traction au jeune âge a été plus souvent
étudié [Kovler et al.,1999]. En effet, lorsque la déformation du béton
(retrait endogène, déformation thermique) est gênée ou empêchée,
le développement de contraintes de traction peut conduire à une
fissuration. Néanmoins, de nombreux phénomènes complexes
entrent en jeu (notamment les évolutions de la réaction d’hydra-
tation et de la température), ce qui complique l’interprétation des
courbes de fluage ou de relaxation.
Pour ce qui concerne les bétons hydratés, il n’est pas tenu compte
en général, lors du calcul de structures, du comportement du béton
en traction. En effet, dans les structures en béton armé, les solli-
citations de traction sont équilibrées par les armatures. De plus,
la réalisation des dispositifs expérimentaux adaptés est délicate.
Aussi, très peu de données sont disponibles à ce jour.
Malgré le nombre important d’études réalisées sur le phénomène
de fluage, les mécanismes mis en jeu ne sont pas encore parfaite-
ment connus.
Figure 1 Enceinte de confinement : prédiction du comportement différé [Granger, 1996].
8,5 MPa
12 MPa
Pr
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La simulation, les outils de calcul et la métrologie 4. 1
IRSN - Rapport scientifique et technique 2008 191
aluminium adhésif) dès le démoulage, dans une ambiance à 20 °C
(± 1 °C) et 50 % (± 5 %) d’humidité relative.
Les expérimentations réalisées sur un matériau durci ne concernent
que la phase pré-pic du comportement uniaxial du béton. Différents
niveaux de chargement (50 %, 70 % et 90 % de la limite à la
rupture en traction) ont été auscultés avant le pic d’effort. Les
spécimens ont été chargés à ces différents niveaux pendant trois
jours. Plusieurs séries d’essais ont été effectuées par niveau de
chargement pour quantifier la dispersion. Les éprouvettes ont
ensuite été « déchargées » totalement pendant 24 heures pour
caractériser la recouvrance, puis elles ont été chargées jusqu’à la
rupture par traction directe (sur le même bâti), afin d’évaluer les
effets du fluage sur les propriétés mécaniques résiduelles.
formulation choisie
Dans un but de représentativité des résultats, une formulation de
béton donnée par EDF a été utilisée. Cependant, les caractéristiques
rhéologiques d’un béton coulé en laboratoire (essai d’affaissement
ou « slump », résistance, module de Young) sont différentes de
celles d’un béton de chantier ; c’est pourquoi la formulation a dû
être ajustée. Cette étape est très importante car aucun modèle ne
permet de prédire avec exactitude les caractéristiques d’un béton
quer un effort de traction directe sur une éprouvette par l’intermé-
diaire d’un empilement de masses de poids unitaire de 13 kg.
L’utilisation de masses permet d’assurer un chargement constant
au cours de l’essai, quelles que soient la déformation du béton et
les conditions environnementales, mais également de s’affranchir
des contraintes associées à l’utilisation d’un asservissement hydrau-
lique, notamment l’instabilité du système (charge appliquée moins
constante dans le temps, émission de chaleur). L’éprouvette est
fixée sur le bâti par l’intermédiaire de casques en aluminium vissés
sur le bâti, d’une part, et collés sur l’éprouvette, d’autre part.
Les corps d’épreuve sont de forme cylindrique, d’un diamètre
de 13 cm et d’une hauteur de 50 cm (figure 3). Dans le cadre d’un
complément à l’étude (non présenté dans ce rapport), concernant
la mesure de la perméabilité à l’air, ces corps d’épreuve cylindriques
sont munis sur toute leur longueur d’un trou central (e.g. cylindri-
que) de diamètre 1 cm. La mesure de perméabilité permet notam-
ment de quantifier l’évolution de la fissuration pendant l’essai. Le
choix d’éprouvettes cylindriques permet de faciliter l’interprétation
des résultats.
Pour tous ces essais, le béton a durci pendant au moins 90 jours et
a été conservé dans des conditions endogènes (film alimentaire +
Figure 2 Bâti de fluage en traction. Figure 3 Schéma de l'éprouvette.
50 cm
13 cm
1 cm
-
4. 1
192 Rapport scientifique et technique 2008 - IRSN
le même béton. Cependant, le ciment utilisé dans l’étude décrite
ici est de composition légèrement différente (le ciment utilisé en
1996 ne se fabrique plus) ; de plus, le dosage en eau a été aug-
menté de six litres pour respecter l’affaissement au cône d’Abrahams
(slump) et tenir compte de la variation de l’absorption des granulats
actuels. Bien que les granulats proviennent toujours de la même
carrière, l’absorption est passée de 1,3 % à 1,6 %.
en fonction de sa formulation. Il a donc fallu faire varier les para-
mètres les uns après les autres pour réussir à trouver une formula-
tion dont les caractéristiques se rapprochent le plus possible des
données rhéologiques et mécaniques fournies par EDF. La durée de
cette phase expérimentale a été relativement longue. La formulation
(à base de granulats secs) et les caractéristiques du béton utilisé
sont présentées dans le tableau 1. [Granger, 1996] a travaillé avec
Tableau 1 Formulation et résultats de caractérisation du béton (résistance à la compression, fendage, module de Young).
ciment (airvault)
cemii 42,5rsable granulats 5-12,5 mm
granulats 12,5-20 mm eau Plastiment hP slump air occlus
kg/m3 kg/m3 kg/m3 kg/m3 l/m3 0,35 % cm %
350 772 316 784 201 1,225 11 2,33
rc rc rc fendage fendage module module
7 jours 28 jours 90 jours 28 jours 90 jours 28 jours 90 jours
MPa MPa MPa MPa MPa GPa GPa
39,34 46,5 49,35 3,29 3,42 31,34 33,81
Figure 4 Mesure de la déformation a) différée totale ; b) de fluage propre ; c) d’origine thermique et de retrait de dessiccation.
a b c
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La simulation, les outils de calcul et la métrologie 4. 1
IRSN - Rapport scientifique et technique 2008 193
l’essai permet de tenir compte de la part des déformations d’ori-
gine thermique inhérentes aux fluctuations de la température
d’ambiance. L’éprouvette est conservée dans des conditions endo-
gènes pendant l’essai. Une seule éprouvette est utilisée pour toute
la campagne expérimentale ;
la mesure de la déformation de retrait de dessiccation (éprouvet-
tes de 13 cm de diamètre et de 50 cm de hauteur) (figure 4c
droite) : les éprouvettes sèchent dans les mêmes conditions que
les éprouvettes de perte de masse et les éprouvettes de mesure
des déformations différées totales. Trois essais sont effectués lors
de la campagne expérimentale.
instrumentation des essais
Les déplacements sont mesurés sur une base de mesure de 40 cm en
zone centrale de l’éprouvette (les effets de bord sont éliminés), grâce
à trois capteurs LVDT (Linear Variable Differential Transformer) fixés à
120 °C, permettant d’éliminer les mouvements de corps rigides sur le
béton. Les inserts soutenant les barres des extensomètres ainsi que les
casques d’aluminium sont collés avec une colle méthacrylate.
exploitation des résultats
Perte de masse et retrait de dessiccation
La figure 5 présente l’évolution de la perte de masse en fonction
du temps dans les conditions des essais : 20 °C (± 1 °C) et 50 %
(± 5 %) HR. La perte de masse est d’environ 0,39 % après
Présentation des essais
Afin de disposer des données nécessaires à la caractérisation du
comportement différé du béton en vue de sa modélisation, différents
types d’essais ont été effectués pour apprécier l’influence des
différents paramètres sur :
les essais de caractérisation (éprouvettes de 16 cm de diamètre
et de 32 cm de hauteur) : ces éprouvettes permettent de qualifier
le niveau de chargement du fluage par traction directe. Les essais
de traction par fendage (ou essais « brésiliens »), qui consistent à
écraser un échantillon de béton entre les plateaux d’une presse,
sont réalisés avant chaque campagne de fluage par traction ;
la mesure de la perte de masse (éprouvettes de 13 cm de diamètre
et de 10 cm de hauteur) : l’essai permet de déterminer la cinétique de
séchage du béton (trois éprouvettes). Pour cet essai, les faces supé-
rieures et inférieures sont protégées pour éviter leur dessiccation ;
la mesure de la déformation différée totale (éprouvettes de
13 cm de diamètre et de 50 cm de hauteur) (figure 4a) : les éprou-
vettes déballées au début de l’essai sont chargées en traction direc-
te maintenue pendant trois jours. La recouvrance est également
suivie pendant 24 heures ;
la mesure de la déformation de fluage propre (éprouvettes de
13 cm de diamètre et de 50 cm de hauteur) (figure 4b) : les éprou-
vettes sont chargées en traction directe maintenue pendant trois
jours, tout en restant protégées des échanges hydriques. La recou-
vrance est suivie pendant 24 heures ;
la mesure des déformations d’origine thermique (éprouvettes de
16 cm de diamètre et de 100 cm de hauteur) (figure 4c gauche) :
Figure 5 Évolution de la perte de masse en fonction du temps (béton âgé de 90 jours).
Figure 6 Évolution des déformations de retrait de dessiccation en fonction de la perte de masse.
Temps (jours)
Perte en masse (%)
0,1 1 10 1 0001000,010
2,5
1
0,5
1,5
2
Échantillon A Échantillon CÉchantillon B
Perte en masse (%)
Déformations de retrait de dessiccation (μm.m-1)
0,5 1 1,50- 50
200
50
0
100
150
300
350
250
Granger (1996) Résultats expérimentaux 2007
-
4. 1
194 Rapport scientifique et technique 2008 - IRSN
1996] peut s’expliquer par des différences concernant les matériaux
utilisés ou par des mécanismes de fluage différents en compression
et en traction. Il est à noter que [Brooks et Neville, 1977] ont
mesuré pour un même béton une déformation de fluage propre en
traction supérieure à celle en compression.
L’étude expérimentale du fluage propre en traction s’est révélée être
assez difficile. D’une part, nous avons eu la rupture de deux éprou-
vettes d’essais : l’une, en zone utile au bout de quelques heures
seulement, l’autre à l’interface avec la colle suite à un défaut de
collage ; les valeurs de déformation obtenues lors de ces essais n’ont
pas été prises en compte pour le calcul de la complaisance de
fluage. D’autre part, les valeurs relatives des déformations de
fluage propre sont très faibles (du même ordre de grandeur que les
déformations d’origine thermique).
Les résultats expérimentaux obtenus ne permettent pas de conclure
sur le caractère réversible ou non de la déformation de fluage
propre, la durée de « décharge » étant trop courte. Néanmoins, on
constate qu’après un jour de « déchargement », environ 34 % de
la déformation de fluage en traction s’avère réversible. Ce résultat
est similaire à ce qui est observé lors d’essais en compression (voir
notamment [Illston, 1965], qui a constaté qu’environ 30 % de la
déformation de fluage propre était réversible). Par contre, ce résul-
tat est en contradiction avec ceux de [Morin et Maso, 1982], qui
ont observé un comportement totalement irréversible lors d’essais
en traction.
quatre jours (correspondant à la durée totale des essais de retrait
et de fluage).
L’évolution du retrait en fonction de la perte de masse est présen-
tée en figure 6. On observe une zone « dormante » au début des
essais. En effet, la microfissuration de la surface des éprouvettes
masque la déformation par la contraction liée au départ d’eau.
Ensuite, une zone où le retrait de dessiccation est proportionnel à
la perte de masse est observée. Ces observations sont conformes
à celles obtenues par d’autres auteurs [Granger, 1996] pour dif-
férentes compositions de béton.
fluage propre
La complaisance de fluage propre en traction correspond aux données
brutes de l’essai, desquelles on déduit les déformations élastiques
ainsi que les déformations d’origine thermique. L’évolution de
la complaisance de fluage propre est comparée à celle obtenue en
compression par [Granger, 1996] pour le même béton (figure 7).
La courbe de complaisance de fluage propre en traction présentée
est une moyenne de six essais. Nous n’avons pas observé d’in-
fluence du niveau de chargement sur la complaisance de fluage
propre, ce qui confirme que les déformations sont bien proportion-
nelles à la contrainte appliquée.
Les valeurs des déformations sont environ cinq fois plus faibles que
celles mesurées par Granger lors d’essais en compression (au bout
de trois jours). Cette différence notable avec les essais de [Granger,
Figure 7 Évolution de la complaisance de fluage propre en fonction du temps, comparaison avec [Granger, 1996].
Figure 8 Évolution de la complaisance de fluage de dessiccation en fonction du temps, comparaison avec les valeurs de [Granger, 1996].
Temps (jours)
Complaisance de fluage propre (μm.m-1.MPa-1)
1 2 30 4
Résultats expérimentaux 2007 (traction)Granger 1996 (compression)
8
2
0
4
6
12
10
2,5 3 3,5 4Temps (jours)
Complaisance de fluage de dessiccation (μm.m-1.MPa-1)
0,5 1 1,50 2
Résultats expérimentaux 2007 (traction)Granger 1996 (compression)
20
5
0
10
15
30
25
-
La simulation, les outils de calcul et la métrologie 4. 1
IRSN - Rapport scientifique et technique 2008 195
La partie négative au début de la courbe s’explique par la zone
« dormante » observée en figure 6. Nous avons réalisé une décharge
au bout de trois jours ; on voit que le fluage est partiellement
réversible (environ 24 %).
Par ailleurs, une comparaison des résultats de cette campagne avec
ceux obtenus par [Granger, 1996] en compression permet de consta-
ter que les résultats sont similaires.
incidence du séchage et du fluage sur la résistance
en traction (résiduelle)
Les évolutions de la contrainte de rupture (après fluage propre ou
fluage de dessiccation en traction) en fonction de la contrainte
appliquée sont reportées en figure 10.
On constate globalement que les éprouvettes de béton testées en
condition séchante ont une contrainte de rupture (après déformation)
plus faible que les éprouvettes chargées en conditions endogènes.
La contrainte de rupture après les essais de fluage propre est en
moyenne de 3,47 MPa, alors qu’elle est de 2,72 MPa environ pour
les essais de fluage total. Au vu des résultats, il semble que la
microfissuration en peau des éprouvettes est induite par le séchage
différentiel. En effet, la contrainte à la rupture ne semble pas dépen-
dre de la contrainte appliquée lors du fluage. Néanmoins, ce résultat
reste à confirmer, notamment par la réalisation d’essais de traction
directe sur des éprouvettes conservées en condition séchante pen-
dant 4 jours (durée des essais) mais sans chargement mécanique.
fluage de dessiccation
Parallèlement aux essais de fluage propre, des essais avec mesure
des déformations différées totales ont été réalisés. La complai-
sance de fluage de dessiccation est le résultat du traitement de
tous les essais précédents. En effet, les déformations de fluage de
dessiccation sont déterminées en soustrayant aux déformations
différées totales les déformations élastiques, les déformations
d’origine thermique, les déformations de retrait de dessiccation
ainsi que de tous les essais de fluage propre (valeur moyenne de
tous les essais correspondants). L’évolution de la complaisance de
fluage de dessiccation en traction est reportée en figure 8 (moyenne
sur cinq essais). Comme pour le fluage propre, il n’apparaît pas
d’influence du niveau de chargement sur la complaisance de fluage
de dessiccation.
Les résultats obtenus par notre campagne expérimentale sont en
concordance avec ceux réalisés en traction [Brooks et Neville, 1977],
qui ont également observé une recouvrance d’environ 20 % à la
décharge. De même que pour le fluage propre, ce résultat en traction
est similaire à ce qui est observé en compression [Illston, 1965].
On note à la fin de la recouvrance une augmentation des déformations
de fluage de dessiccation qui n’est pas explicable physiquement.
La figure 9 montre que la complaisance de fluage de dessiccation
en traction est proportionnelle au retrait de dessiccation (phé no-
mène également observé en compression [Gamble et Parrott,
1978].
Figure 9 Complaisance de fluage de dessiccation en fonction du retrait de dessiccation.
Figure 10 Contrainte à la rupture (après fluage) en fonction de la contrainte appliquée.
40
Retrait de dessiccation (μm.m-1)
Complaisance de fluage de dessiccation (μm.m-1.MPa-1)
010 20-10 30
Résultats expérimentaux 2007 (traction)Courbe de tendance (linéaire)
7
1
-1
3
5
11
9
15
13
19
17
y = 0,3494x + 4,4762
R2 = 0,9838
2,5 3 3,5 4Contrainte appliquée (fluage) (MPa)
*
* Rupture après 2 min (f. total) Rupture après 16 min (f. propre)
Contrainte à la rupture après fluage en traction (MPa)
1 1,5 2
3
1,5
1
2
2,5
4
3,5
Fluage de dessiccationFluage propre (sans séchage)
-
4. 1
196 Rapport scientifique et technique 2008 - IRSN
de chargement. L’étude est d’autant plus importante que
le phénomène est mal connu et a été très peu étudié. En effet,
la « littérature scientifique » présente principalement des
travaux concernant le fluage en compression du béton.
La comparaison effectuée ci-dessus entre les complaisances de
fluage en traction et en compression trouve un débouché natu-
rel dans la simulation numérique du fluage. L’objectif est de
modéliser à la fois le fluage en compression et en traction avec
une même loi rhéologique, en adaptant des modèles de fluage
existants [Benboudjema, 2002 ; Granger, 1996] et de mettre ainsi
au point un outil fiable de simulation numérique du comporte-
ment différé des ouvrages en béton armé précontraint jugés «
sensibles » sur le plan de la sûreté nucléaire, tels que
les enceintes de confinement des réacteurs.
Plusieurs axes de recherche permettraient de compléter encore
les connaissances dans ce domaine : l’étude du fluage en trac-
tion sur une longue durée (plusieurs mois), le temps ayant une
influence sur la dégradation du béton en termes de résistance et
d’étanchéité. À cet égard, il convient de souligner que les bâtis
utilisés ont été conçus pour pouvoir réaliser de tels essais.
D’autres sujets importants restent à étudier, comme l’aspect
multiaxial du fluage (traction/traction, traction/compression).
Un programme expérimental a débuté avec la presse triaxiale
Astrée du Laboratoire de mécanique et technologie (LMT
Cachan), avec des éprouvettes dimensionnées et optimisées par
des simulations numériques aux éléments finis (Cast3M). Ce
travail de R&D revêt une importance particulière car le type
de sollicitation étudié correspond à celui subi in situ par les
enceintes de confinement.
La comparaison aux résultats de la « littérature technique » est déli-
cate, car il existe peu de résultats concernant l’évolution des proprié-
tés mécaniques d’un béton soumis à une traction après séchage
(comparativement au cas de béton soumis à une compression).
Ainsi, [Hanson, 1968] a observé, lors d’un essai de traction par fen-
dage, une légère augmentation (3 %) de la résistance. Lors d’un essai
de flexion [Pihlajavaara, 1974 ; Kanna et al., 1998], a été observée
une diminution de la résistance jusqu’à une humidité relative de
70 % puis une augmentation progressive jusqu’à une humidité
relative de 0 %. Pour les essais de traction directe d’éprouvettes
conservées à 21 °C avec 55 % d’humidité relative, il semble que,
lors d’une cure étanche, la résistance à la traction augmente tout
d’abord du fait des effets de l’hydratation, puis décroît [Fouré, 1985 ;
de Larrard et Bostvirronois, 1991], pour ensuite croître à nouveau
[Fouré, 1985].
Il est à noter que [Morin et Maso, 1982] n’ont observé aucune modi-
fication de la résistance du béton après fluage en traction (chargement
de fluage à 25 % et 50 % de la résistance à la traction).
Ces essais apportent de nouveaux résultats, utiles pour la modé-
lisation du comportement des enceintes de confinement dans les
zones où des contraintes de traction peuvent se développer.
conclusion et perspectivesLes essais effectués ont permis de mieux comprendre le
compor tement d’un béton soumis à des sollicitations de fluage
en traction et d’améliorer ainsi les connaissances sur le compor-
tement des enceintes de confinement, qui peuvent subir ce type
-
La simulation, les outils de calcul et la métrologie 4. 1
IRSN - Rapport scientifique et technique 2008 197
Références
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