Troisièmes Assises Nationales sur la Fiscalité · 2019-05-03 · contributeurs à l’effort...

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1 Troisièmes Assises Nationales sur la Fiscalité Allocution de M. Ahmed Reda Chami, Président du Conseil Economique Social et Environnemental 3 mai 2019 Je suis heureux d’être parmi vous, aujourd’hui, à l’occasion de ces troisièmes assises nationales de la fiscalité qui constituent un rendez-vous important, 6 ans après les dernières assises, pour réfléchir ensemble aux grandes orientations et aux grandes RUPTURES à mener dans notre pays notamment en ce qui concerne notre système fiscal. • Comme vous le savez, l’Assemblée Générale du Conseil a approuvé, le 28 mars dernier à l’unanimité, un rapport sur un « système fiscal, pilier pour le Nouveau Modèle de Développement » qui a fait l’objet d’une année de travail, de plus de 150 consultations dans le cadre d’auditions et d’ateliers avec les parties prenantes et de plusieurs dizaines de séances de débats internes entre les membres et au sein des catégories qui composent le Conseil – rapport qui devrait être parmi les documents qu’on vous a remis aujourd’hui et qui consultable sur le site www.cese.ma. Je voudrais particulièrement insister sur ce vote à l’unanimité. • Ça veut dire que l’ensemble des organisations professionnelles et des syndicats les plus représentatifs en plus des ONG, des experts et des institutions représentés au Conseil sont tous d’accord sur ce qu’on vous propose aujourd’hui. Ça veut dire aussi que si ces recommandations sont prises en compte, le gouvernement obtiendra naturellement une large adhésion de toutes les parties prenantes pour les mettre en œuvre.

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Troisièmes Assises Nationales sur la Fiscalité

Allocution de M. Ahmed Reda Chami, Président du Conseil Economique Social et Environnemental

3 mai 2019

• Je suis heureux d’être parmi vous, aujourd’hui, à l’occasion de ces troisièmes assises nationales

de la fiscalité qui constituent un rendez-vous important, 6 ans après les dernières assises,

pour réfléchir ensemble aux grandes orientations et aux grandes RUPTURES à mener dans

notre pays notamment en ce qui concerne notre système fiscal.

• Comme vous le savez, l’Assemblée Générale du Conseil a approuvé, le 28 mars dernier

à l’unanimité, un rapport sur un « système fiscal, pilier pour le Nouveau Modèle de

Développement » qui a fait l’objet d’une année de travail, de plus de 150 consultations

dans le cadre d’auditions et d’ateliers avec les parties prenantes et de plusieurs dizaines de

séances de débats internes entre les membres et au sein des catégories qui composent le

Conseil – rapport qui devrait être parmi les documents qu’on vous a remis aujourd’hui et qui

consultable sur le site www.cese.ma.

• Je voudrais particulièrement insister sur ce vote à l’unanimité.

• Ça veut dire que l’ensemble des organisations professionnelles et des syndicats les plus

représentatifs en plus des ONG, des experts et des institutions représentés au Conseil sont

tous d’accord sur ce qu’on vous propose aujourd’hui.

• Ça veut dire aussi que si ces recommandations sont prises en compte, le gouvernement

obtiendra naturellement une large adhésion de toutes les parties prenantes pour les mettre

en œuvre.

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Mesdames et Messieurs,

• Je ne m’attarderai pas sur les réalisations, les réformes et les initiatives entreprises par notre

pays – vous les connaissez tous.

• Je n’insisterai pas non plus sur les fragilités structurelles de notre dynamique socio-

économique caractérisée par une croissance économique trop faible (il nous manque 2 à 3

points encore), trop peu génératrice d’emplois, par des privilèges non-productifs et par la

persistance des inégalités sociales et territoriales – nos concitoyens en ressentent les effets

au quotidien.

• Je ne développerai pas non plus les insuffisances de notre système fiscal - la forte

concentration des contribuables avec, sur plus de 240’000 entreprises déclarantes, seulement

73 entreprises qui versent 50% de l’IS – 126 entreprises qui collectent 50% de l’IR ou encore

140 entreprises seulement qui versent 50% des recettes tous impôts confondus. Dans ce

contexte, je tiens particulièrement à saluer le dynamisme de la DGI pour élargir l’assiette des

contributeurs à l’effort fiscal et ses efforts pour fluidifier les relations entre l’administration et

les contribuables.

• J’insisterai, par contre, sur la nécessité de faire de grandes ruptures – y compris au niveau

fiscal – de grandes ruptures pour libérer le potentiel de croissance de notre pays.

• Rupture avec la capacité formidable que nous avons de décourager toutes les initiatives.

• Rupture avec la méfiance légendaire vis-à-vis des investisseurs, des contribuables et des

citoyens en général.

• Rupture avec l’économie de rente.

• Rupture avec les passe-droits.

• Rupture avec les modes de réévaluation de l’impôt dû, avec tout cela induit comme marge

d’interprétation et de négociation.

• Mais aussi, chers contribuables, rupture avec la sous-déclaration, le noir et toute forme

d’évasion fiscale.

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Mesdames et Messieurs,

• Nous avons tous, ici à Skhirate, la lourde tâche de proposer ces grandes ruptures fiscales -

des ruptures qui soient audacieuses.

• Des ruptures fondatrices d’un système fiscal réformé en profondeur et moteur du nouveau

modèle de développement voulu par notre Souverain et attendu par nos concitoyens.

• Nous avons tous, ici à Skhirate, la lourde tâche d’aboutir à de vraies propositions pour que

notre système fiscal ne soit plus un frein de plus à la compétitivité et à la création de valeur

et d’emplois.

• Alors que préconisons au niveau du CESE ? Et je ne vais développer que quelques idées phares.

• Nous appelons, d’abord, à inscrire la réforme fiscale, qui sortira de ces assises, dans une loi-

cadre de programmation à long-terme – et nous nous félicitons de constater que c’est,

justement, l’un des objectifs de ces assises.

• Il s’agit ensuite de consacrer la vocation et le rôle de chaque type d’impôt, en instituant :

- La neutralité totale de la TVA

- Un IR progressif corrélé aux capacités contributives de chacun

- Un IS strictement adossé sur les résultats économiques

• Nous appelons également à continuer l’élargissement de l’assiette fiscale et surtout à

en partager les fruits équitablement. Pour chaque dirham obtenu de l’élargissement de

l’assiette, un tiers devrait être utilisé pour baisser l’IR et l’IS, un tiers devrait servir à alimenter

un le fonds de solidarité, seul le dernier tiers irait à la consolidation du budget.

• Il s’agit, parallèlement, de réduire la fiscalité locale à deux impôts locaux couvrant, d’une part,

les taxes en lien avec l’habitation et, d’autre part, celles relevant de l’activité économique.

• Le Conseil préconise aussi de réserver 2 à 4 points de TVA, à verser dans un fonds de solidarité

sociale, pour le financement des aides et de la couverture sociale.

• Pour soutenir le pouvoir d’achat de la classe moyenne, nous recommandons d’introduire

une fiscalité spécifique aux ménages, avec l’élargissement de la déductibilité aux personnes

à charge.

• Le Conseil appelle, aussi, à mettre en place des mécanismes fiscaux qui découragent

l’investissement dans l’économie de rente et des privilèges – concrètement ça veut dire :

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a. Que plus un secteur est protégé, plus il paiera de taxes.

b. A contrario, plus un secteur est exposé à la concurrence - formelle ou informelle,

d’importation ou à l’export – plus ce secteur sera exposé à la concurrence sous toutes

ses formes et moins il sera taxé.

c. Dans le même ordre d’idée, le patrimoine non productif (terrains non bâtis, des biens

immeubles non occupés, etc.) sera plus lourdement taxé pour réorienter l’investissement

vers un autre secteur productif et créateur d’emplois.

d. Il s’agira, aussi, de surtaxer les plus-values générées par pure décision administrative à

l’instar, par exemple, des changements de vocations des terrains agricoles qui passent

en zone urbaine. Dans ce cas précis, la moitié de la plus-value devrait revenir à l’Etat et

devrait être reversée en partie à la commune et à la région.

• Au niveau des avantages fiscaux, ils devront être limités dans le temps, avec des objectifs

précis et mesurables et suivis à travers des évaluations et des adaptations en cours de route

– le mot d’ordre étant : pas de rentes fiscales et pas de distorsions fiscales ad vitam aeternam.

• Nous voulons aussi une fiscalité qui encourage l’innovation – et j’insiste sur ce point : on

ne sortira de ce qu’on appelle la trappe des pays intermédiaires que par l’innovation – une

mesure urgente s’impose : le crédit impôt recherche et un crédit impôt recherche attractif

pas une mesurette.

Mesdames et Messieurs,

• Cette réforme doit s’inscrire dans le cadre d’un pacte de confiance.

- Un pacte favorisant le consentement à l’impôt.

- Un pacte consacrant l’équité devant l’impôt.

- Un pacte valorisant le rôle de l’impôt pour garantir la souveraineté, renforcer la solidarité

et promouvoir l’égalité des chances.

- Un pacte de confiance entre le contribuable et l’administration – le contribuable ne

voyant plus dans l’administration une autorité arbitraire et l’administration ne voyant

plus le contribuable comme un fraudeur potentiel.

• C’est ce pacte de confiance, avec et au-delà du pacte fiscal, ce changement de paradigme

et ces grandes ruptures qui nous permettront, j’en suis convaincu, de nous inscrire dans les

véritables enjeux du nouveau modèle de développement que nous souhaitons.

Je vous remercie pour votre attention !