TRIMESTRE 2007 > N°38 LE JOURNAL Centre CEA de … · européens du secteur, chercheurs et...

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DOSSIER Les défis de l’analyse chimique p.3 Coopération franco-chinoise p.2 Gabriel Chardin, « Faire progresser les idées » p.12 Prix Nobel de la Paix : les climatologues à l’honneur p.15 Prix Nobel de Physique : A. Fert et P. Grünberg p.16 Centre CEA de Saclay 4 e TRIMESTRE 2007 > N°38 LE JOURNAL

Transcript of TRIMESTRE 2007 > N°38 LE JOURNAL Centre CEA de … · européens du secteur, chercheurs et...

DOSSIER Les défis de l’analyse chimique p.3

Coopération franco-chinoise p.2

Gabriel Chardin, «Faire progresser les idées» p.12

Prix Nobel de la Paix : les climatologues à l’honneur p.15

Prix Nobel de Physique : A. Fert

et P. Grünberg p.16

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38

LE JOURNAL

Éditeur

CEA (Commissariat à l’énergie atomique)

Centre de Saclay 91191 Gif-sur-Yvette Cedex

Directeur

Yves CaristanDirectrice de la publication

Danièle ImbaultRédacteur en chef

Christophe PerrinRédactrice en chef adjointe

Sophie AstorgIconographie

Chantal Fuseau Avec la participation de

Claude Reyraud Conception graphique

Mazarine 2, square Villaret de Joyeuse

75017 Paris Tél. : 01 58 05 49 25

Photos de couverture :En haut, à gauche : amas degalaxies abritant de la matière noire ;en bas, à gauche : préparation d’undétecteur de particules (Wimps) ; en haut, à droite : analyse chimique par ablation laser ; en bas, à droite : corrosion d’un alliage d’aluminium.

Éditorial

D ’ici à 2050,

la consom-

mation mondiale

d’énergie devrait

presque doubler.

Dans ce contexte,

face au défi du

réchauffement climatique, l’Europe dispose

aujourd’hui du premier secteur nucléaire

dans le monde, un tiers de son courant

électrique étant produit par des centrales

nucléaires. Pour préparer l’avenir et

maintenir l’avance européenne dans ce

domaine, une plateforme technologique

pour l’énergie nucléaire durable a été

mise en place en septembre à Bruxelles.

Cette plateforme réunit les acteurs

européens du secteur, chercheurs et

industriels, pour qu’ils partagent leur

vision du développement de cette

énergie et recommandent aux experts de

la Commission européenne et des

gouvernements nationaux des axes de

N° ISSN 1276-2776Centre CEA de Saclay

Droits de reproduction,texte et illustrations

réservés pour tous pays

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CEA / D MarchandCEA / F VigourouxCEA / E Blanchard

CEA / P StroppaCEA / Dapnia / JJ Bigot

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Research Centre Jülich

Sommaire n° 38Éditorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.2Dossier : Les défis de l’analyse chimique . . p.3Actualités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.11Conférence Cyclope . . . . . . . . . . . . . . . . . p.16

DEUX MINISTRES À NEUROSPIN

1

Le CEA et la Chine entretiennent depuis1978 une relation suivie au travers de multi-ples accords de coopération.Le 18 septembre 2007, Valérie Pécresse,ministre de l’Enseignement supérieur et dela recherche et Wan Gang, ministre chinoisde la Science et de la technologie (MOST)ont visité NeuroSpin, le centre de neuro-imagerie cérébrale du CEA. La veille, dans un discours prononcé àl’École polytechnique, Wan Gang avaitdétaillé trois domaines de la coopérationscientifique franco-chinoise : le futur réacteurde fusion nucléaire ITER, les maladiesémergentes et les microprocesseurs. Surce dernier thème, le MOST (représenténotamment par l’université de Tongji),STMicroelectronics, Bull et le CEA collaborent

au développement de nouveaux proces-seurs de type Godson1. Dans ce cadre,deux étudiants de Tongji sont en stage desix mois au List2, à Saclay et deux autresétudiants leur succéderont pour six moisencore.

De gauche à droite : Denis Le Bihan, Directeur de

NeuroSpin, André Syrota, Directeur des sciences du

vivant du CEA, Valérie Pécresse, Ministre de l’ensei-

gnement supérieur et de la recherche, Bernard Bigot,

Haut-commissaire du CEA, Wan Gang, Ministre chinois

de la recherche et de la technologie, Yves Caristan,

Directeur du centre CEA de Saclay et des sciences de

la matière, Jean-Pierre Leroux, Administrateur général

adjoint du CEA.

Le ministre Wan Gang, qui a été président de

l’université de Tongji, a pu rencontrer deux étudiants de

cet établissement, accueillis à Saclay pendant six mois

pour travailler dans le domaine des microprocesseurs.

2

1

recherche qui fassent l’objet d’un consensus

à l’échelon communautaire.

Cette initiative va dans le sens d’une

concertation élargie et incitera au dialogue

avec le grand public sur toutes les questions

qui le préoccupent.

Plus proche de nous, sur le Plateau de

Saclay, l’appel à idées lancé dans le cadre

de l’Opération d’intérêt national a suscité

de nombreux projets de mise en valeur, qui

ont été exposés à Toussus-le-Noble. Les

lauréats sont maintenant connus.

L’aménagement du Plateau en termes de

transport ou d’accueil hôtelier revêt à mes

yeux une importance essentielle : c’est

véritablement l’attractivité du pôle scienti-

fique, à l’horizon d’une vingtaine d’années,

qui est en jeu.

Yves Caristan,

Directeur du centre CEA de Saclay

COOPÉRATION SCIENTIFIQUE FRANCO-CHINOISE

1 Série de processeurs développés en Chine, concurrentsd’Intel et d’AMD.2 List : Laboratoire d’intégration des systèmes et destechnologies, à Saclay et à Fontenay-aux-Roses.

2

Les défis de l’analyse chimique

LES DÉFIS DEL’ANALYSE CHIMIQUE

Développer des outils d’analyse pour répondre aux besoins exigeants du nucléaire, tel est le cœur

de métier du Département de physico-chimie (DPC), à Saclay. Ses compétences intéressent égale-

ment des clients spécialistes d’autres domaines.

3

Appareil de spectrométrie de masse à ionisation thermique,

en boîte à gants.

1

Prenez une solution contenant plusieurs dizaines d’éléments

chimiques différents. La question posée peut être simple :

quelle est sa teneur en curium ? La réponse l’est beau-

coup moins, d’autant que l’échantillon, extrait d’un

combustible nucléaire irradié, est hautement radioactif…

Ce type de mesure est une spécialité du DPC. Depuis

1989, les compétences d’analyses au service de la recherche

électronucléaire sont regroupées, au sein du CEA, dans

une entité qui est aujourd’hui au DPC. Ces analyses ne se

limitent pas à déterminer une teneur en un élément donné :

elles peuvent porter sur un ou plusieurs isotopes1 de cet

élément. Elles peuvent renseigner également sur son

environnement physico-chimique : a-t-il perdu ou gagné

des électrons ? Comment est-il lié à ses proches voisins ?

Et qui sont ses voisins justement ?

Mesurer des « ultra-traces »Les contraintes spécifiques au nucléaire ont orienté les

travaux des chercheurs vers des « niches » de mesures.

L’une d’elles est la mesure de traces ou « ultra-traces ».

1

Certains éléments chimiques, présents en quantités infini-

tésimales dans le combustible, peuvent faire obstacle aux

réactions nucléaires et ainsi « empoisonner » le cœur d’un

réacteur. Affiner la connaissance des combustibles irra-

diés est également un enjeu de taille pour les recherches

sur la gestion des déchets nucléaires.

L’exploitation de ces outils d’analyse est le plus souvent

couplée à la simulation numérique, pour valider les codes

de calcul et les enrichir. C’est une démarche commune à

tous les moyens d’essais de la recherche électronucléaire,

qui vise à optimiser résultats et coûts.

Déporter la mesure et miniaturiser l’appareilL’environnement hostile du nucléaire, qui rime avec boîtes

à gants et cellules blindées, appelle des analyses dépor-

tées et, quelquefois, miniaturisées, pour atteindre des

endroits difficiles d’accès. L’idée est de n’introduire que le

minimum de matériel dans la zone exposée aux rayonne-

ments ionisants et de reporter tout ce qui peut l’être en

dehors. Les techniques laser s’y prêtent particulièrement.

Seule la lumière laser, voire une fibre optique qui résiste

bien aux rayonnements, pénètre dans la zone contrôlée.

Les techniques optiques sont fondées sur des échanges

extrêmement sélectifs entre lumière et matière : un atome

absorbe ou émet des « grains de lumière » (photons) dont

l’énergie diffère de manière mesurable suivant sa nature

chimique.

1 Les isotopes d’un même élément ne se distinguent que par des

masses différentes. Ils ont tous les mêmes propriétés chimiques.

Les techniques d’analyse mises en œuvre pour le nucléaire

s’avèrent des outils remarquables pour contrôler la qualité de

l’environnement.

Le saviez-vous ?

4

Les défis de l’analyse chimique

Interview d’Hélène Isnard,chercheuse au Service d’études du comportement des radionucléides (DPC).

Journal de Saclay : Quelle est votre spécialité ?

H.I. : Géologue de formation, je suis spécialisée en géochimie

isotopique. Pour dater les roches, je me suis familiarisée

avec des techniques comme la spectrométrie de masse*.

Cette compétence est au cœur de mon travail d’« instru-

mentaliste » au DPC, pour analyser cette fois des matériaux

nucléaires en boîtes à gants.

JdS : Comment se déroule une mesure ?

H.I. : Nous cherchons à mesurer une concentration extrê-

mement faible d’un élément ou, pour être plus précis, d’un

isotope. Pour cela, nous mettons en œuvre la technique

de la dilution isotopique : l’astuce consiste à incorporer à

l’échantillon un traceur isotopique parfaitement connu. Il

faut ensuite éliminer tous les autres éléments, par chroma-

tographie ou grâce à une cellule de collisions, intégrée à

l’appareil d’analyse. Lorsque l’élément à analyser est

purifié, on mesure sa concentration1 et celle du traceur

au spectromètre de masse. C’est cette partie mesure qui

m’occupe et me passionne vraiment !

JdS : Sur quoi travaillez-vous ?

H.I. : Nous travaillons le plus souvent sur une matière

contenant des isotopes « exotiques » de la plupart des

éléments chimiques : le combustible irradié. C’est dire à

quel point la modélisation du cœur d’un réacteur est

délicate. Les concepteurs des codes de simulation sont

avides de données toujours plus précises. Ce sont eux

nos clients « naturels ».

En ce moment, nous nous apprêtons à analyser une

cinquantaine d’échantillons irradiés dans le réacteur

expérimental Phénix2, à Marcoule, dans le cadre des

études menées par le CEA sur la transmutation des

déchets nucléaires. Chaque échantillon contient un seul

élément, enrichi en un de ses isotopes, de manière à

simplifier l’interprétation de l’irradiation.

JdS : Quelles difficultés rencontrez-vous dans ces

expériences ?

H.I. : Les échantillons, quelques milligrammes de

poudre, sont conditionnés dans plusieurs boîtiers gigo-

gnes en inox. Après irradiation, il est très difficile d’ex-

traire la poudre seule, sans gratter le boîtier le plus

interne, voire même sans le dissoudre. Or, introduire de

l’inox dans l’échantillon, c’est ajouter plusieurs éléments

indésirables, qu’il faudra éliminer. On sait déjà que

certaines poudres ne pourront pas être

analysées si on doit dissoudre les boîtiers. C’est pour-

quoi nous collaborons avec des équipes de Marcoule et

Cadarache à la conception de l’outil d’ouverture de

boîtiers en télémanipulation. Pour l’instant, nous testons

cet outil sur des boîtiers non radioactifs.

QU’Y A-T-IL DANS UN COMBUSTIBLENUCLÉAIRE IRRADIÉ ?Derrière chaque analyse de traces ou d’ultra-traces, se cachent un travail de préparation immense et une multitude

de mesures.

1

* Les mots en orange sont expliqués dans les encadrés.

55

Les défis de l’analyse chimique

JdS : Comment se déroule une campagne de mesures ?

H.I. : En pratique, chaque campagne soulève de nouvelles

questions, tant est large l’éventail des éléments et isotopes

intéressant le nucléaire. Peu de publications scientifiques

abordent en effet ces thématiques analytiques. Il faut

donc, presqu’à chaque fois, inventer le mode opératoire

de séparation et d’analyse ! Les chimistes de l’équipe

doivent, par exemple, identifier un gaz capable de réagir

spécifiquement avec chacun des éléments à séparer, à

l’intérieur de la cellule de collisions.

L’analyse par spectrométrie de masse exige, elle aussi, de

longues études préliminaires. Il faut appréhender la sensi-

bilité de la mesure pour chaque élément, puis définir,

approvisionner et caractériser les traceurs isotopiques,

vérifier enfin la stabilité chimique des solutions. Il faut par

ailleurs s’assurer que les spectres obtenus ne se superpo-

sent pas avec celui d’un élément qui serait produit par une

recombinaison d’éléments dans la cellule de collisions.

Une séparation par chromatographie dure plusieurs

heures, une analyse par spectrométrie de masse un quart

d’heure mais le travail de préparation s’étale sur plusieurs

mois. Dans ce contexte très spécifique, la qualité du travail

repose avant tout sur la cohésion de l’équipe plus que sur

les compétences d’une personne en particulier. Ce travail

d’équipe est un des « moteurs » de mon activité profes-

sionnelle au quotidien.

JdS : Comment apprivoise-t-on un spectromètre de

masse ICPMS-MC3 ?

H.I. : Ces instruments très complexes n’existent que

depuis une dizaine d’années et se comptent sur les doigts

de la main en France. Chaque journée commence par une

heure de réglages. Il faut « sentir » l’appareil. Malgré une

Hélène Isnard est une experte de la spectrométrie de masse ICPMS-MC.

Appareil d’analyse chimique par spectrométrie de masse.

Les échantillons à analyser sont conditionnés dans des boîtiers difficiles à

ouvrir après irradiation. Test du dispositif d’ouverture de ces boîtiers.

3

2

1

3

maintenance préventive régulière, on est souvent

confronté à des dysfonctionnements qu’il faut savoir

diagnostiquer. Il est quelquefois nécessaire de démonter

une partie de l’appareil pour retrouver des performances

normales. Au laboratoire, nous sommes deux à connaître

vraiment à fond la machine.

JdS : Vous arrive-t-il de réaliser des analyses hors du

secteur nucléaire ?

H.I. : Oui, cela arrive régulièrement. Nous avons par exemple

effectué des analyses de terre provenant de la grotte

préhistorique de Lazaret, près de Nice. Nous avons égale-

ment participé à une étude sur la composition isotopique

de coraux anciens, aux côtés de climatologues du LSCE4 :

il s’agissait cette fois de reconstituer l’évolution de l’acidité

des océans, pour mieux connaître les climats du passé.

1 Si dans l’échantillon, l’élément est présent sous la forme de plusieurs

isotopes, le spectromètre de masse permet de mesurer la concentration

relative de chacun d’eux (isotopie).

2 Phénix : réacteur expérimental à neutrons rapides au centre CEA de

Marcoule où sont notamment étudiés des procédés de transmutation de

déchets nucléaires.

3 ICPMS-MC : Inductively Coupled Plasma Mass Spectrometer with

Multicollection.

4 LSCE : Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement

(laboratoire mixte CEA, CNRS et Université Versailles-Saint-Quentin).

2

6

Les défis de l’analyse chimique

La spectrométrie de masse : peser des isotopesImpossible de distinguer les isotopes d’un même élémentchimique avec une simple balance ! Les spécialistes de l’analyse accomplissent cette prouesse grâceau spectromètre de masse. Cet appareil est fondé sur un principetrès éloigné de la gravité : la déviation de la trajectoire d’uneparticule chargée par un champ magnétique. La première étape consiste à « vaporiser » les atomes ou lesmolécules de l’échantillon et à leur arracher (ou au contraireleur donner) un ou plusieurs électrons 1 : ils deviennent alorsdes ions, qui sont justement des particules chargées électrique-ment. Les techniques d’ionisation, très variées, utilisent unplasma1, une sorte de flamme très chaude, ou encore lebombardement d’électrons.

Les ions sont accélérés dans un champ électrique 2 , selon lemême principe que dans les accélérateurs de particules. Ils traversent ensuite un champ magnétique, qui courbe leurstrajectoires 3 . La courbure observée est d’autant plus forteque la masse de l’ion est faible et sa charge électrique élevée. En fin de chaîne, un détecteur compte les ions, en les triant par masses2 4 : c’est le spectre de masse !La spectrométrie de masse sert à identifier des molécules ou àdéfinir leur structure, ou encore à mesurer la concentration etl’isotopie des éléments. Elle intéresse pratiquement tous lessecteurs scientifiques : physique, astrophysique, chimie,dosages, biologie, médecine, etc.

1 Plasma : état de la matière constitué d’un gaz, porté à haute

température et partiellement ionisé.

2 Plus précisément le rapport de la masse de l’ion à sa charge électrique.

Spectre de masse (ICPMS) montrant les produits de fission contenus

dans une solution de combustible usé.

1

La chromatographie liquide : séparer les constituants d’un mélange

Versez dans un récipienttransparent du sable, puisde la menthe à l’eau : si lacolonne de sable traverséeest assez haute, vousobservez la séparationprogressive du liquide verten deux couches bleue etjaune. C’est un chromato-graphe liquide !Les colorants de la mentheconstituent le mélange demolécules à séparer. L’eau -un solvant dans le cas leplus général - sert à entraî-ner les molécules le longd’un support fixe, ici lesable. Les moléculescomposant la couche bleue«s’accrochent» davantageaux grains de sable et

descendent moins vite que celles de la couche jaune. Leursaffinités chimiques différentes permettent de séparer les deuxfamilles.Dans tous les chromatographes liquides, les constituants dumélange, mobiles le long d’un support, voient leurs vitesses affectées par leurs interactions avec le support. Ces interac-tions peuvent s’expliquer par la nature chimique ou électrosta-tique des constituants, ou encore par leurs tailles.Le chimiste peut récupérer ensuite les fractions séparées poureffectuer une analyse par spectrométrie de masse par exemple.

Colonne de chromatographie.

Chromatographie liquide en boîte à gants.2

1

2

Mo

Gaine ZR

Tc Ru

Rh

Ag

Cs

Ce

Nd

Sm

EuGd 1

1

1 Injection-ionisation

2 Accélération

3 Dispersion magnétique

4 Collection

Aimant

7

Les défis de l’analyse chimique

Certains réacteurs nucléaires de future génération, utilisant

des sels fondus, pourraient extraire en continu certains

éléments non valorisables, présents dans le combustible

irradié, comme l’américium, le curium ou le neptunium.

Des chercheurs du centre CEA de Marcoule étudient des

procédés chimiques d’extraction de ces éléments dans

cette perspective. Les réactions chimiques doivent avoir

lieu à haute température (900°C) et à l’intérieur de boîtes à

gants, car ces éléments sont très radioactifs. Suivre

l’avancement des réactions, dans ces conditions de

température, de corrosion et d’exposition aux rayonnements

ionisants, est un défi que seule la LIBS pouvait relever.

L’appareil d’analyse reste hors zone radioactive. Seuls les

faisceaux laser franchissent les hublots de la boîte à gants

et celles du four : ils acheminent dans un sens la puis-

sance laser nécessaire à la vaporisation superficielle de

l’échantillon et au retour, les signaux lumineux émis par les

éléments à doser.

Une longue et minutieuse enquêteUn dispositif expérimental de LIBS, mis au point au DPC

à Saclay, a été installé à Marcoule où il équipe une boîte à

gants. Il a été testé avec succès dans une situation simplifiée

où en particulier, l’élément radioactif est remplacé par un

« fantôme » non radioactif, le cérium.

Ce résultat important a été précédé par une longue et

minutieuse enquête. « Pour être sûr de pouvoir interpréter

les spectres demandés, j’ai dû rechercher l’ensemble des

raies susceptibles d’être émises par la quarantaine d’élé-

ments en présence et vérifier que, dans la gamme des

compositions possibles de l’échantillon, il y ait au moins

une raie par élément qui soit isolée », explique Daniel

Lhermite, chercheur au DPC. « Sinon, on ne sait pas à quel

élément attribuer le signal. Dans ce cas précis, près de

2 700 raies ont ainsi été recensées et traitées » !

La prochaine étape consistera à automatiser le disposi-

tif de LIBS et à mettre en place le four, avant de « passer

en actif », c’est-à-dire introduire dans la boîte à gants les

éléments radioactifs nécessaires à l’expérience.

DES ANALYSES LASER EN MILIEU EXTRÊME

Les mesures LIBS1, effectuées à distance, peuvent s’accommoder des environnements les plus sévères, comme

certaines boîtes à gants de la recherche électronucléaire, ou la planète Mars…

1

Rendez-vous en 2008 pour les premiers résultats en

vraie grandeur !

Une aventure martienneUn autre défi attend les experts de la LIBS : Mars !

Embarqué à bord du rover de la NASA « Mars Science

Laboratory », le dispositif ChemCam observera les roches

grâce à une caméra haute définition et analysera par LIBS

leur composition chimique à distance (jusqu’à dix mètres).

Associés à leurs collègues du Centre d’études spatiales

des rayonnements (Unité mixtes CNRS, Université Paul

Sabatier de Toulouse) pour cette mission de la NASA, les

chercheurs du DPC ont participé à la définition du cahier

des charges de l’instrument et à l’évaluation expérimentale

de ses performances. Des expériences conduites en

ambiance martienne simulée ont d’ores et déjà permis de

classer diverses roches terrestres en fonction de leur

signature en LIBS. Le lancement est prévu fin 2009.

1 LIBS : Laser Induced Breakdown Spectroscopy.

L’expérience de LIBS, développée à Saclay, est opérationnelle

en boîte à gants, à Marcoule.

1

* Les mots en orange sont expliqués dans les encadrés.

8

La LIBS : analyser tous les éléments d’un matériauLa LIBS repose sur l'analyse de la lumière émise par un plasmacréé par laser.Un faisceau laser de forte intensité focalisé sur un matériauprovoque un claquage à sa surface, créant juste au-dessusd’elle un plasma de même composition que le matériau. Pourretrouver un état plus stable, chaque ion (ou atome) excité duplasma émet une « lumière » spécifique, composée de raieslumineuses, dont les longueurs d’onde1 sont caractéristiques desa nature. Le spectre de la lumière émise par le plasma, c’est-à-dire son analyse en longueurs d’onde, permet de retrouver lesdifférents éléments qui composent le mélange. Leurs concen-trations peuvent être obtenues à partir de courbes d'étalonnageacquises au préalable.

Contrairement à la plupart des techniques d’analyse chimique,la LIBS n’exige ni prélèvement, ni préparation d’échantillon.Elle permet d’analyser rapidement une grande variété de matériaux : solides, liquides, gaz ou aérosols. « Tout optique »,la LIBS se prête particulièrement à des analyses à distance dansdes environnements hostiles : hautes températures, ambiancecorrosive ou radioactive…

1 Longueur d’onde : couleur ou énergie de la lumière.

On distingue la lumière émise par le plasma créé par laser.

La LIBS repose sur l’analyse de cette lumière.

1

Les défis de l’analyse chimique

// Un large éventail d’applications

Zoom

La LIBS peut être associée à une fonction de décapage spécialisé,comme l’ont montré des essais sur des composants du démons-trateur de fusion nucléaire JET1, en Grande-Bretagne. Elle peut également lire une biopuce. Une étude, menée au DPCen collaboration avec une équipe de la Direction des sciences duvivant du centre CEA de Fontenay-aux-Roses, montre que la LIBSautorise une analyse quantitative de la biopuce, et non passeulement qualitative, comme c’est le cas aujourd’hui avec ladétection de marqueurs fluorescents. S’affranchir de cesmarqueurs, susceptibles de modifier la réactivité chimique desmolécules étudiées, est un atout supplémentaire pour la LIBS.

1 JET : Joint European Torus.

Instrumentation de laboratoire permettant d’analyser par LIBS des

échantillons de roches, dans des conditions proches de celles qui

règnent sur la planète Mars.

1

Longueur d’ondes (nanomètres)

1

1

* Les mots en orange sont expliqués dans les encadrés.

Pour les chimistes qui étudient la migration des radioélé-

ments à travers les barrières d’un stockage radioactif, ces

informations qualitatives sont précieuses.

De l’europium dans un verreDans cette perspective, l’analyse par SNOM d’ions4 euro-

pium5 dans une matrice de verre s’est révélée fructueuse.

« Nous avons eu la surprise de découvrir, à quelques

microns de distance seulement, des domaines présentant

des caractéristiques bien différenciées », s’enthousiasme

François Viala, chercheur au DPC. « Ils se distinguent à la

fois par le relief de la surface et par l’allure des spectres

d’europium. L’importance relative des raies composant le

spectre est modifiée localement. Ces changements coïn-

cident avec des régions où le verre a conservé sa structure

désordonnée (ou amorphe) ou au contraire, a acquis un

caractère plus organisé (polycristallin). »

De la même manière, des analyses sur cet élément, mais

dans un cristal d’alumine cette fois, ont mis en évidence

des modifications spectrales, associées à l’orientation du

plan cristallin observé. Les ions se lient en effet à des sites

chimiques différents suivant leur localisation à l’intérieur du

cristal d’alumine.

Étudier la migration deradioéléments à travers l’argileL’objectif des chercheurs est, à terme,

d’analyser la migration de radioélé-

ments à travers une barrière d’argile.

Après avoir traité le cas d’un ion dans

un cristal, ils s’attaqueront à celui d’une

grosse molécule organique entourant

un ion. Dans un troisième temps enfin,

ils aborderont le problème complexe

de l’ion dans une argile. Cette roche

contient en effet des substances

9

Les défis de l’analyse chimique

Si la microscopie optique en champ proche (SNOM2)

connaît une carrière commerciale depuis environ une

dizaine d’années, les chercheurs développent souvent

eux-mêmes leur appareil, à partir d’un microscope à force

atomique (AFM3). La pointe de l’AFM, qui « palpe » la

surface à analyser, est alors remplacée par une fibre

optique, qui peut apporter ou recueillir un signal optique.

C’est son diamètre qui limite la résolution spatiale, qui

peut atteindre une cinquantaine de nanomètres. De

nombreuses configurations peuvent être expérimentées,

autour d’un principe général : la fluorescence laser. Les

chercheurs du DPC ont choisi de mettre en œuvre des

mesures spectrales résolues dans le temps, une tech-

nique bien adaptée a priori aux éléments impliqués dans

la problématique du stockage des déchets nucléaires. Les

spectres de fluorescence des atomes sondés recèlent des

informations sur leur environnement physico-chimique.

Ainsi, la dissymétrie d’une raie ou un décalage spectral

peuvent trahir l’identité d’atomes voisins ou le nombre de

molécules d’eau présentes dans une sphère rapprochée.

L’analyse peut être effectuée dans des conditions repré-

sentatives de l’environnement d’étude, ce qui est impossi-

ble en opérant sous vide par des méthodes non optiques.

1

UN EXAMEN PHYSICO-CHIMIQUE« À LA LOUPE »

La microscopie optique « en champ proche », revisitée par des physiciens du DPC, se révèle un outil original

d’analyse de surface, doté d’une résolution nanométrique1.

10

Les défis de l’analyse chimique

humiques, provenant de la dégradation de matières

vivantes. Ce milieu naturel compte un patchwork

d’espèces chimiques aux propriétés aussi variées que

possible. Sur des distances de l’ordre de 100 nanomètres,

ces espèces diffusent, s’interpénètrent et réagissent

chimiquement les unes avec les autres. Une modélisation

macroscopique de ce milieu passe donc impérativement

par la compréhension de phénomènes à une échelle très

locale, justement cohérente avec la résolution spatiale de

la SNOM. Cette technique pourra-t-elle répondre à l’une

des questions en suspens : comment les substances

humiques affectent-elles la mobilité des radioéléments

dans le milieu naturel ? 1 Nanomètre (nm) : milliardième de mètre.

2 SNOM : Scanning Near-field Optical Microscopy.

3 AFM : Atomic Force Microscopy.

4 Ion : atome qui a perdu ou gagné un ou plusieurs électrons.

5 Europium : cet élément est souvent utilisé comme un modèle non

radioactif (ou « fantôme ») d’éléments présents dans les déchets nucléaires

vitrifiés.

Système de microscopie optique en champ proche développé

au DPC.

Le signal de fluorescence enregistré lorsque l’échantillon est

illuminé par le laser fournit des informations à l’échelle de

50 milliardièmes de mètre.

2

1

2

Dans un microscope classique, une source de lumièreéclaire la surface à étudier. Celle-ci émet à son tourune lumière, qui traverse des lentilles jusqu’à l’œil de l’observateur : les lois de la diffraction interdisentalors de distinguer deux points distants de moinsd’une fraction de micromètre1 ! Pour s’affranchir de cette limite, la microscopieoptique en champ proche (SNOM) utilise, non plusdes lentilles, mais une fibre optique effilée 1 , enguise de sonde locale. Cette sonde, située à quelquesnanomètres seulement de la surface échantillon 2 « aspire » en quelque sorte une lumière piégée auvoisinage de la surface, appelée onde évanescente 3 . Un dispositif électronique 4 permet de maintenirconstante la distance entre la sonde et l’échantillonpendant le balayage de la surface et de dessiner,point par point, une image topographique 5 decelle-ci. Par ailleurs, l’analyse spectrale de l’ondeévanescente 6 fournit des informations physico-chimiques sur les molécules de la surface.Avec une résolution spatiale dix fois supérieure2 àcelle de la microscopie classique, la SNOM ouvre lavoie à la spectroscopie à échelle nanométrique !

1 Micromètre : millionième de mètre.

2 La résolution spatiale est limitée par la dimension de l’extré-

mité de la fibre, voisine de cinquante nanomètres.

Spectre

Image de la surface

Sourcede lumière

Analyseurcontrôle

de la distanceet balayage

Fibreoptique

Fibreoptique

Mouvement de balayage de l'échantillon

Balayage de l'échantillon10 nm

Échantillon

Onde évanescente

Ondelumineuse

Ondelumineusecaptée

Piezoscanner

Piezoscanner

1

1

4

5

6

2

2

3

* Les mots en orange sont expliqués dans les encadrés.

A gauche, carte topographique obtenue par SNOM. A droite, spectres de

fluorescence des zones A et B.

1

La SNOM : une spectroscopie à échelle nanométrique !

1

11

Actualités

BIENTÔT UNE PUCE ANTI-PANNEQuatre kilomètres… C’est la

longueur totale des câbles élec-

triques dans une voiture actuelle.

Depuis la Dauphine de 1956 et

ses quelque 200 mètres de fils

cumulés, les véhicules ont

gagné en sécurité, sans que soit

résolu le problème des pannes

électriques. Le Laboratoire de

fiabilisation des systèmes

embarqués (LFSE) du List1 vient

de dévoiler un prototype qui sera sans doute plébiscité.

Ce système de diagnostic de liaisons filaires, réutilise le

principe du radar afin de prévenir leurs défaillances. Il se

base sur la « réflectométrie », ou l’étude de la réflexion

d’un signal sur les défauts qu’il rencontre, un principe qui

s’applique également aux circuits. « Un mauvais contact

ou une résistance parasite, qui apparaîtrait, par exemple,

dans les 400 km de câbles d’un Airbus A 380, serait

localisé à quelques centimètres près ! », annonce Fabrice

Auzanneau, responsable du LFSE. Les algorithmes

développés dans son laboratoire tiennent sur une carte

informatique et pourraient, à terme, tenir sur une puce

regroupant toutes les fonctions nécessaires au diagnostic.

Une puce anti-panne…

C. R.

1 Laboratoire d'Intégration des Systèmes et des Technologies.

Prototype en cours de test sur des câbles de camion.1

En dépit de ses poèmes, Charles Baudelaire n’était sans

doute pas lui-même un « synesthète », avance Edward

Hubbard, un jeune chercheur de l’équipe de Stanislas

Dehaene, au centre de neuro-imagerie NeuroSpin de

Saclay. Pour lui, la synesthésie, une anomalie1 de la percep-

tion sensorielle caractérisée par la perception d’une

sensation supplémentaire à celle perçue normalement, est

d’abord une réalité toute scientifique. Son équipe vient

d’établir ce résultat grâce à la technique d’IRM fonction-

nelle (IRMf) à haut champ qui permet d’identifier les zones

actives du cerveau, par exemple dans un processus de

perception consciente. Chez le synesthète, l’association est

spontanée : des couleurs apparaissent comme en surim-

pression sur des chiffres dessinés. Et, de fait, la zone de

l’hémisphère gauche correspondant à la perception des

couleurs est, chez lui, activée en même temps que sa

voisine dédiée à la lecture des chiffres (ou d’autres

« graphèmes »). Ces synesthètes sont ainsi imbattables

pour retrouver des chiffres dispersés dans un tableau. De

la même façon, d’autres cerveaux synesthésiques asso-

cient l’audition de certains sons, voire de phonèmes

prononcés, à des couleurs ou des goûts. Les mécanismes

qui unissent ainsi des perceptions ne seraient pourtant

pas si atypiques et pour Edward Hubbard, ces particulari-

tés sont, grâce à l’RMf, autant d’outils d’investigation pour

établir les bases des expériences conscientes.

C. R.

1 Ce phénomène neurologique sans gravité concernerait une personne

sur 23, soit environ 4% de la population.

SYNESTHÉSIE

PARFUMS, COULEURS ET SONS SE RÉPONDENT

1

Dans la synesthésie graphème-couleur, les deux zones

s’activent de concert, de même pour l’association

de sensations spatiales à celles de quantités.

1

1

12

Actualités

FAIRE PROGRESSER LES IDÉESPhysicien du Dapnia1, Gabriel Chardin a reçu la médaille d’argent 2007 du CNRS, tout en devenant le nouveau

directeur du Centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse (CSNSM) du campus d’Orsay. Les

raisons d’un choix…

Le Journal de Saclay : Quels sont les travaux récom-

pensés aujourd’hui par cette médaille d’argent du

CNRS ?

Gabriel Chardin : Je me suis beaucoup intéressé à la

recherche directe de ce que les astrophysiciens appellent

la matière noire, une matière invisible qui permettrait en

particulier d'expliquer les courbes de rotation des

galaxies. Dès 1987, l’année où j'ai passé ma thèse sur le

système binaire2 Cygnus-X3, j'ai été séduit par l’hypo-

thèse qu’il ne s’agissait pas que de matière ordinaire, mais

qu’il y avait peut-être là une possibilité de mettre en

évidence les particules « supersymétriques » dont les

théoriciens prévoyaient l’existence, les Wimps3. Je me

suis donc attelé à la tâche de monter une expérience de

détection. Ce fut un début de parcours assez difficile car

les moyens ont tardé à venir. L’expérience Edelweiss4

s’est tout de même montée sous la forme d’une collabo-

ration avec des laboratoires du CNRS et j’en suis devenu

le responsable scientifique au Dapnia et le porte-parole.

En 2003, j’ai suscité un projet similaire à l’échelle euro-

péenne5. Ce travail sur ces particules inconnues et les

questions qu’elles posent, notamment sur la nature de la

gravitation, m’ont conduit à écrire plusieurs ouvrages de

vulgarisation* et à réfléchir sur de nouvelles voies suscepti-

bles d’expliquer un autre phénomène fondamental de

l’univers, celui de l’énergie noire qui serait dans la

période actuelle responsable de l’accélération de son

expansion.

JdS : Pourquoi dans un tel contexte avoir quitté le

Dapnia pour le CSNSM ?

GC : Même sur le campus d’Orsay, je n’ai pas vraiment

changé d’activité, ni tout à fait quitté le Dapnia. Je

garde un contact étroit avec Edelweiss car mon

nouveau laboratoire est un partenaire fondateur de

cette expérience. Il héberge des équipes pluridiscipli-

naires qui s’intéressent autant à la physique des parti-

cules et à l’astrophysique (« l’astroparticule ») qu’à la

physique du solide à très basse température, et je

m'intéresse de très près aux détecteurs d’Edelweiss

de nouvelle génération qui y sont développés. En

parallèle de la direction du CSNSM, je cherche à déve-

lopper certaines idées de cosmologie permettant

d’expliquer l’énergie noire par l'existence dans l’univers

de particules de « masse négative », une propriété que

pourrait posséder l’antimatière6. Cette thématique est

également étudiée au Dapnia dans le programme

« Antihydrogène ». Ces voies de recherche sont origi-

nales, mais alors que certains les jugent encore trop

risquées, mes expériences sur l'astronomie gamma et

sur Edelweiss me suggèrent de persévérer : ce sont

souvent elles qui font avancer la science !

1

Actualités

1 Dapnia : Laboratoire de recherche sur les lois fondamentales de l’univers

du CEA à Saclay.

2 Système binaire : association de deux astres proches l’un de l’autre.

3 WIMPs : Weakly Interactive Massive Particles.

4 Edelweiss : Expérience pour DEtecter Les Wimps En SIte Souterrain.

5 Elle rassemble les groupes des expériences CRESST, Edelweiss et Rosebud

6 L’antimatière est faite de particules symétriques des particules classiques,

mais dont les charges électriques sont inversées.

7 IN2P3 : Institut national de physique nucléaire et de physique des particules,

du CNRS.

13

L’observation des trajectoires des astres trahit la présence de

matière noire au sein de cet amas de galaxies.

Montage de détecteurs de particules ultra-discrètes (« Wimps »)

pour l’expérience Edelweiss.

2

1

2

NANOTUBES SOUS HAUTE FRÉQUENCE

JdS : Dans quelle mesure la charge de ce laboratoire de

l’IN2P37 pourra-t-elle aider la progression de ces idées ?

GC : Ma nouvelle situation m’offre une possibilité renouve-

lée de renouer avec l’enseignement qui est l’une de mes

préoccupations majeures depuis mon entrée à l’École

normale supérieure de Saint-Cloud. Je dirige un thésard

sur le thème des masses négatives et grâce à son travail

et à son enthousiasme, nous avons pu cette année renfor-

cer efficacement le socle de cette nouvelle approche de la

cosmologie.

Propos recueillis par Claude Reyraud

Dans le nanomonde,

la loi de Moore1 a

encore de beaux jours

devant elle. Mis au

point dans les labora-

toires de l’Institut

d’électronique, de

microélectronique et

de nanotechnologie

de Lille et du Service

de physique de l’état

condensé (SPEC) du CEA à Saclay, des transistors vien-

nent de quadrupler leur record d’août 2006 : tout en se

montrant capables d’amplifier un signal à une fréquence

très élevée (20 GHz) ils ouvrent ou ferment un circuit plus

de 30 milliards de fois par seconde (30 GHz) !

Leur secret, un dépôt uniforme de nanotubes de carbone

parfaitement alignés. Celui-ci a été réalisé par diélectro-

phorèse2, une technique développée dans le cadre d’un

projet de l’Agence nationale de la recherche3. Grâce à la

diélectrophorèse, la propriété de transporteur électronique

hors pair des nanotubes de carbone fait des merveilles de

rapidité qui laissent loin derrière les autres composants

moléculaires.

Cerise sur le gâteau, le procédé se déroulant à tempé-

rature ambiante, il est compatible avec les matériaux

plastiques et les polymères. « Ce procédé ouvre les portes

à des applications révolutionnaires à bas coût », se félicite

Vincent Derycke du SPEC pour qui ses nouveaux transis-

tors devraient s’imposer partout où une très haute

fréquence est nécessaire.

C. R.

1 La loi de Moore prévoit le doublement de la complexité des systèmes

électroniques tous les 18 mois.

2 La diélectrophorèse permet de manipuler des particules avec des

champs électriques.

3 Il s’agit du projet « HF-CNT » du Programme National en Nanosciences

et Nanotechnologies (PNANO).

Des ouvrages de vulgarisation :■ L’antimatière, une matière qui remonte le temps

(Le Pommier)■ Quand la science a dit… c’est bizarre ! (Le Pommier)■ Qu’est ce que la flèche du temps ? (Le Pommier)

Microscopie électronique d’un transistor à base de nanotubes

de carbone déposés sur un substrat de silicium.

1

1

14

Actualités

Les millions d’hommes affec-

tés par le cancer de la prostate

attendaient sans doute sans le

savoir le prototype du

Laboratoire national Henri

Becquerel (LNHB1). Guilhem

Douysset et son équipe vien-

nent de présenter un dispositif

de contrôle accéléré des

minuscules cartouches de curiethérapie remplies d’iode

125, un radio-élément à vie courte et émettant un rayon-

nement de basse énergie. La centaine d’implants placée

au cœur de la tumeur du malade ne doit atteindre que

cette dernière et la dose délivrée doit être connue très

précisément.

Devant l’incidence croissante de ce cancer, les usines qui

fabriquent ces cartouches sont confrontées au double

problème de garantir leur qualité et de faire face à une

croissance explosive de leur production (10 millions d’uni-

tés en 2007). Aujourd’hui, les contrôles de production sont

souvent réalisés manuellement, ce qui induit des risques

d’erreur et expose les opérateurs au rayonnement.

Grâce au LNHB, l’examen sera réalisé de manière automa-

tisée en une quarantaine de secondes. Le prototype

contrôle la géométrie de chaque

implant, détecte l’absence du

marqueur radiographique, les

impuretés radiochimiques (iode

126, césium 137), qui émettent à

des énergies plus élevées,

incompatibles avec le procédé, et

finalement contrôle l’activité de

chaque source. Un système de

lévitation dans un flux d’air maintient la capsule devant les

instruments sans intervention humaine. « Le secret est que

notre dispositif fait aussi tourner la capsule sur elle-même,

ne laissant aucune partie cachée et homogénéisant les

mesures d’activité » confie Guilhem Douysset, qui espère

que le système, récemment breveté et qui pourrait traiter

toutes sortes d’objets de cette taille, sera bientôt mis en

œuvre dans un contexte de production industrielle.

1 Le LNHB est un laboratoire du CEA List (Laboratoire d’intégration des

systèmes et des technologies).

C. R.

L’OCÉAN AUSTRAL N’ABSORBE PLUS DE CARBONEDes eaux plus chaudes, un corail qui blanchit… Ces

symptômes du réchauffement climatique risquent de

s’aggraver : l’océan Austral soumis à des vents croissants

relâche désormais dans l’atmosphère le gaz carbonique

stocké dans ses eaux au lieu de l’absorber. C’est ce que

révèle une étude internationale conduite par des scienti-

fiques de l’Université australienne d’East Anglia à laquelle

participe le Laboratoire des sciences du climat et de

l’environnement (LSCE). Basée sur quatre années de

mesures par 40 stations réparties sur la planète, cette

étude confirme l’existence d’un cercle vicieux prévu par

les modèles climatiques : renforcés par le réchauffement,

les vents contribuent à brasser l’eau en profondeur, faisant

remonter en surface le gaz carbonique.

Pour Michel Ramonet, chercheur du LSCE, « cette satura-

tion de l’océan Austral est préoccupante car, alors que les

puits de carbone de la planète stockent près de la moitié

des émissions de gaz carbonique dues à l’activité

humaine, il en absorbait

à lui seul 15 % ». Cela

signifie qu’il y aura

encore davantage de gaz

carbonique dans notre

atmosphère et donc encore

plus d’effet de serre.

C. R.

Le prototype : l’implant est injecté et maintenu dans le tube

vertical au centre du dispositif, dans la ligne de mire des

instruments sans l’aide d’un opérateur.

En haut à droite, l’implant dans son tube vertical.

1

1

CARTOUCHES DE CURIETHÉRAPIE SOUS CONTRÔLE

Prélèvements d’eau de

mer pour doser le gaz

carbonique à différentes

profondeurs.

1

15

Actualités

Image de microscope électronique à balayage (MEB) de la double

couche d’oxyde obtenue après corrosion à 250°C de l’alliage AlFeNi.

1

RÉACTEUR NUCLÉAIRE JULES HOROWITZ

ZOOM SUR L’ÉPAISSEUR D’UNE GAINELa gaine qui enserre le combustible est, dans un réacteur

nucléaire, la première des barrières retenant les produits

de fission. Dans un réacteur de recherche comme Osiris à

Saclay ou le futur réacteur Jules Horowitz (RJH) qui lui

succédera à Cadarache, il est nécessaire de rapprocher

les plaques de combustibles les unes des autres, pour

optimiser le flux de neutrons1. Or sous l’effet de la tempé-

rature et des rayonnements, les gaines se corrodent en

s’épaississant, diminuant ainsi l’espace libre pour la

circulation de l’eau de refroidissement. Il faut donc

garantir, tout au long d’une campagne d’irradiation, une

épaisseur de gaine maximale, couches de corrosion

comprises, en même temps qu’une épaisseur minimale de

gaine saine.

Moins cher que le matériau utilisé dans les centrales

nucléaires et plus résistant à haute température que celui

d’Osiris, un alliage d’aluminium, de fer et de nickel (AlFeNi)

équipe le réacteur à haut flux de Grenoble depuis près de

trente ans, sans aucune rupture de gaine à signaler : cet

alliage a donc été retenu pour le RJH. Les études et essais

de qualification en cours doivent permettre d’évaluer sa

corrosion dans les conditions précises de fonctionnement

du futur réacteur.

Une équipe du Département des matériaux nucléaires de

Saclay a pour cela testé ce matériau en autoclave2 et a

comparé les résultats obtenus avec une expérience réali-

sée par le CEA3 dans un réacteur nucléaire expérimental à

Mol, en Belgique. La même structure d’oxydation a été

observée dans les deux cas : une première couche

interne, amorphe, et une seconde, constituée de cristaux

d’hydroxyde d’aluminium, formée au contact de l’eau.

L’expérience en réacteur montre que l’irradiation accélère

la formation de la couche externe. Le travail des cher-

cheurs consiste désormais à comprendre, grâce à des

expérimentations complémentaires, le rôle joué par

chacun des paramètres influant sur la corrosion. Avec un

objectif : prédire rigoureusement l’épaisseur de la gaine et

de ses couches de corrosion dans divers scénarios.

1 Les neutrons sont des particules produites par les réactions de fission.

2 Dispositif permettant de contrôler la pression et la température d’un

milieu aqueux.

3 Direction de la simulation et des outils expérimentaux de la Direction

de l’énergie nucléaire..

1

PRIX NOBEL DE LA PAIX

LES CLIMATOLOGUES À L’HONNEURDes chercheurs du Laboratoire des sciences du climat etde l’environnement1 ont participé aux travaux du Grouped'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat(GIEC).Le prix Nobel de la paix a été attribué le 12 octobre à l'an-cien vice-président américain Al Gore et au GIEC "pourleurs efforts de collecte et de diffusion des connaissancessur les changements climatiques provoqués par l'hommeet pour avoir posé les fondements des mesures nécessai-res à la lutte contre ces changements".Directeur du LSCE, Robert Vautard explique : « l’attributionde ce Nobel témoigne du fait que la communauté des

climatologues a porté sa science et ses réflexions auniveau des plus grandes problématiques humanistes. Lecomité retient que l’action de l’homme sur l’environnementest avérée et que les questions relatives aux évolutions duclimat sont entrées dans le champ de responsabilité del’humanité. » Neuf membres du LSCE ont participé à la rédaction dudernier rapport du GIEC, en tout, plusieurs dizaines dechercheurs et d’ingénieurs ont contribué à la constructiondu modèle de climat de l'Institut Pierre Simon Laplace(IPSL).

1 LSCE : unité mixte CEA, CNRS, Université de Versailles-Saint-Quentin.

Sherlock Holmes n’a qu’à bien se tenir avec ses méthodes anté-diluviennes de détection de traces et d’indices matériels !

D’ailleurs il a été remplacé par « les experts ». Il leur suffit de faire« renifler » un billet de banque par le spectromètre de masseapproprié pour analyser en quelques fractions de seconde leproduit illicite qui souillait le doigt qui l’a manipulé!Santé, environnement, sécurité, respect des normes, compétitivitéindustrielle, progrès des connaissances, tout est prétexte à accélé-rer une course à la nouveauté, à la sensibilité, à la précision dansle domaine de l’analyse. L’enjeu est bien de disposer d’outils fiableset précis pour corréler des évènements, analyser des tendances,déceler et anticiper.Face à ces défis, l’analyse chimique, et plus largement les sciencesanalytiques, connaissent une grande mutation, avec des dévelop-pements fulgurants dans l’analyse de traces et d’ultra-traces, laminiaturisation, l’analyse à distance ou l’augmentation des capaci-tés d’analyse (automatisation). Laboratoires sur puces (labs-on-chips) à usage unique, nano-analyses, traces et signatures deproduits dopants, détection de malveillances terroristes,surveillance de l’environnement, analyse des rejets industriels,

CONFÉRENCE CYCLOPE MARDI 20 NOVEMBRE 2007

interrogation laser, tous ces mots nous interpellent au quotidien.Cette conférence montrera les bouleversements de l’analysechimique au travers d’exemples et d’illustrations empruntés à l’actualité en présentant les outils, les moyens, les méthodes, faceaux enjeux et aux besoins. Un éclairage tout particulier sera porté sur deux domaines emblé-matiques de cette course à la performance : l’analyse de traces etd’ultra-traces, véritable chasse aux records de limite de détection,et l’analyse par le rayonnement laser, qui permet d’ analyser en temps réel et à distance les combustibles nucléaires ou… lesroches martiennes.

Par Xavier Vitart, Christophe Poinssot, Patrick Mauchien, chercheurs au centre CEA de Saclay (Département de physico-chimie).Conférence animée par Fabienne Chauvière, journaliste.

Renseignements pratiques :Accès : ouvert à tous, entrée gratuiteLieu : Institut national des sciences et techniques nucléaires, Saclay (voir plan)Horaire : 20 heuresOrganisation/renseignements : Centre CEA de Saclay, Unité communication et affaires publiquesTél : 01 69 08 52 10Adresse postale : 91191 Gif-sur-Yvette Cedex

LES DÉFIS DE L’ANALYSE CHIMIQUE

SUR LA TRACE DES ULTRA-TRACES

Les Jeudis du CEA29 novembre 2007 à 19h, « Le Titanic : analyse d’une catastrophe annoncée », Par Michèle Nataf, Chef du service sécurité conventionnelle au Pôle Maîtrise des risques du CEA.

Renseignements : Lieu : café de la FNAC Vélizy, centre commercial Vélizy 2, Entrée libre

PRIX NOBEL DE PHYSIQUE 2007

ALBERT FERT ET PETER GRÜNBERG, DÉCOUVREURS DE LA GMRLe prix Nobel de physique 2007 a été attribué à AlbertFert, Professeur à l’Université Paris-Sud 11 (Orsay), direc-teur scientifique de l’Unité mixte de recherche (UMR)CNRS/Thales (associée à l’Université Paris-Sud) et àPeter Grünberg, du Centre de recherches de Jülich,(Allemagne) pour leur découverte de la magnétorésis-tance géante (GMR).

La GMR est notamment à l’origine de l’élaboration detêtes de lecture produites et commercialisées à descentaines de millions d’unités par an pour équiper tous lesdisques durs.

Des chercheurs du centre CEA de Saclay travaillent quoti-diennement avec l’UMR CNRS-Thales afin d’exploiter laGMR et la magnétorésistance tunnel, de réaliser denouvelles couches magnétiques et de concevoir denouveaux capteurs basés sur ces principes.

A. Fert (à gauche)

P. Grünberg (à droite)

Un rover de la NASA explorera

la surface de Mars en 2010.

Il sera équipé du dispositif

ChemCam, capable d’analyser

les roches à distance par la

technique LIBS (voir p.8).