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147 Post’U (2009) 147-152 •••••• •••••• Suivi et traitement d’une hémochromatose Objectifs Pédagogiques Quelle est la définition d’une hémo- chromatose ; Connaître la classification des hémochromatoses ; Traiter et savoir surveiller un malade qui a une hémochromatose. Hémochromatose : définition et classification Définition L’hémochromatose peut être définie comme une surcharge chronique en fer d’origine génétique. La surcharge en fer peut aller du simple excès tissulaire sans conséquences cliniques jusqu’aux situations de surcharge massive, susceptibles d’affecter des organes très divers et d’engager le pro- nostic vital. Quant à l’origine géné- tique, elle correspond à une mutation originelle qui est soit liée au gène HFE, soit, situation beaucoup plus rare, non liée à ce gène. Classification clinique Hémochromatose de Type 1 [1] C’est la forme, de loin la plus fré- quente, d’hémochromatose. Elle est due à une mutation majeure du gène HFE localisé sur le bras court du chromosome 6 et appelée C282Y (nou- velle nomenclature : p.Cys282Tyr). S’agissant d’une maladie récessive, deux mutations C282Y, l’une reçue du père, l’autre de la mère, sont requises pour que la maladie se développe. Il importe de rappeler que l’homozygotie C282Y est une condition nécessaire mais non suffisante pour que se déve- loppe une surcharge en fer et qu’il a été récemment rapporté que seulement une femme homozygote sur 100 et un peu plus d’un quart des hommes homozygotes développaient un excès en fer pathologique durant leur vie [2]. Hémochromatose de Type 2 [3,4] C’est une pathologie rare touchant l’adolescent ou l’adulte de moins de 30 ans, également appelée hémochro- matose juvénile où dominent les atteintes cardiaque et endocrinienne. Elle est due à des mutations des gènes de l’hémojuvéline (chromosome 1) ou de l’hepcidine (chromosome 19) qui correspondent respectivement aux hémochromatoses 2A et 2B. Hémochromatose de Type 3 [5] Elle est exceptionnelle, mimant l’hémo- chromatose de type 1 de l’adulte, mais pouvant aussi s’exprimer chez le sujet jeune. Elle est due à des mutations du gène du récepteur de la transferrine de type 2 (RTf2) (chromosome 7). Hémochromatose de Type 4 [6] Moins rare que les types 2 et 3, elle est en rapport avec des mutations du gène de la ferroportine (chromosome 2) et est aussi appelée « maladie de la ferroportine ». Seule hémochromatose à transmission dominante, elle pré- sente deux phénotypes : i) la forme la plus fréquente (hémochromatose 4A) se caractérise par une surcharge en fer macrophagique avec fer sérique et saturation de la transferrine normaux (ou bas) ; ii) l’autre forme (hémochro- matose 4B) a un tableau superposable à l’hémochromatose de type 1. Acéruloplasminémie [7] (ou hypocéruloplasminémie[8]) héréditaire En rapport avec des mutations du gène de la céruloplasmine (chromosome 3), responsables d’une inhibition totale de la production de la protéine et/ou ou de son activité ferroxydase ; cette affection se traduit par une surcharge en fer associée à une anémie et à des signes neurologiques. Les autres surcharges génétiques Rarissimes, elles correspondent à des entités de description soit ancienne telle que l’atransferrinémie héréditaire [9] soit récente, telles les surcharges par mutation du gène DMT1 [10] ou de la glutarédoxine [11]. Classification physiopathologique Si l’on considère les 5 principales enti- tés, elles peuvent être classées en 2 grands groupes selon le mécanisme sous-tendant le développement de la surcharge en fer. Cette classification est importante à considérer car elle explique nombre d’aspects de la prise en charge diagnostique et thérapeu- tique des malades hémochromato- siques [1]. La déficience en hepcidine L’hepcidine, essentiellement produite par le foie [12], est l’hormone princi- pale de régulation du métabolisme du fer [13]. En cas d’hémochromatose de type 1, 2 ou 3, les mutations en cause sont à l’origine d’une cascade d’évènements moléculaires, utilisant en particulier la voie BMP (Bone Morphogenetic Protein)/SMAD) [14] aboutissant à un P. Brissot, C. Le Lan, E. Berdou-Jacquet P. Brissot ( ), C. Le Lan, E. Bardou-Jacquet Service des Maladies du Foie, Inserm U-522, centre de référence des surcharges en fer rares d’origine génétique, CHU Pontchaillou, F-35033 Rennes E-mail : [email protected]

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Post’U (2009) 147-152• • • • • •

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Suivi et traitement d’une hémochromatose

Objectifs PédagogiquesQuelle est la définition d’une hémo-–chromatose ;Connaître la classification des–hémochromatoses ;Traiter et savoir surveiller un malade–qui a une hémochromatose.

Hémochromatose :définition et classificationDéfinition

L’hémochromatose peut être définiecomme une surcharge chronique enfer d’origine génétique. La surchargeen fer peut aller du simple excèstissulaire sans conséquences cliniquesjusqu’aux situations de surchargemassive, susceptibles d’affecter desorganes très divers et d’engager le pro-nostic vital. Quant à l’origine géné-tique, elle correspond à une mutationoriginelle qui est soit liée au gène HFE,soit, situation beaucoup plus rare, nonliée à ce gène.

Classification clinique

Hémochromatose de Type 1 [1]C’est la forme, de loin la plus fré-quente, d’hémochromatose. Elle estdue à une mutation majeure du gèneHFE localisé sur le bras court duchromosome 6 et appelée C282Y (nou-velle nomenclature : p.Cys282Tyr).S’agissant d’une maladie récessive,deux mutations C282Y, l’une reçue dupère, l’autre de la mère, sont requisespour que la maladie se développe. Ilimporte de rappeler que l’homozygotieC282Y est une condition nécessaire

mais non suffisante pour que se déve-loppe une surcharge en fer et qu’il aété récemment rapporté que seulementune femme homozygote sur 100 et unpeu plus d’un quart des hommeshomozygotes développaient un excèsen fer pathologique durant leur vie [2].

Hémochromatose de Type 2 [3,4]C’est une pathologie rare touchantl’adolescent ou l’adulte de moins de30 ans, également appelée hémochro-matose juvénile où dominent lesatteintes cardiaque et endocrinienne.Elle est due à des mutations des gènesde l’hémojuvéline (chromosome 1) oude l’hepcidine (chromosome 19) quicorrespondent respectivement auxhémochromatoses 2A et 2B.

Hémochromatose de Type 3 [5]

Elle est exceptionnelle, mimant l’hémo-chromatose de type 1 de l’adulte, maispouvant aussi s’exprimer chez le sujetjeune. Elle est due à des mutations dugène du récepteur de la transferrine detype 2 (RTf2) (chromosome 7).

Hémochromatose de Type 4 [6]

Moins rare que les types 2 et 3, elleest en rapport avec des mutations dugène de la ferroportine (chromosome2) et est aussi appelée « maladie de laferroportine ». Seule hémochromatoseà transmission dominante, elle pré-sente deux phénotypes : i) la forme laplus fréquente (hémochromatose 4A)se caractérise par une surcharge en fermacrophagique avec fer sérique etsaturation de la transferrine normaux(ou bas) ; ii) l’autre forme (hémochro-matose 4B) a un tableau superposableà l’hémochromatose de type 1.

Acéruloplasminémie [7](ou hypocéruloplasminémie[8])héréditaireEn rapport avec des mutations du gènede la céruloplasmine (chromosome 3),responsables d’une inhibition totale dela production de la protéine et/ou oude son activité ferroxydase ; cetteaffection se traduit par une surchargeen fer associée à une anémie et à dessignes neurologiques.Les autres surcharges génétiquesRarissimes, elles correspondent à desentités de description soit anciennetelle que l’atransferrinémie héréditaire[9] soit récente, telles les surchargespar mutation du gène DMT1 [10] oude la glutarédoxine [11].

Classification physiopathologiqueSi l’on considère les 5 principales enti-tés, elles peuvent être classées en2 grands groupes selon le mécanismesous-tendant le développement de lasurcharge en fer. Cette classificationest importante à considérer car elleexplique nombre d’aspects de la priseen charge diagnostique et thérapeu-tique des malades hémochromato-siques [1].

La déficience en hepcidineL’hepcidine, essentiellement produitepar le foie [12], est l’hormone princi-pale de régulation du métabolisme dufer [13].En cas d’hémochromatose de type 1,2 ou 3, les mutations en cause sont àl’origine d’une cascade d’évènementsmoléculaires, utilisant en particulierla voie BMP (Bone MorphogeneticProtein)/SMAD) [14] aboutissant à un

P. Brissot, C. Le Lan,E. Berdou-Jacquet

P. Brissot (■ ), C. Le Lan, E. Bardou-JacquetService des Maladies du Foie, Inserm U-522,centre de référence des surcharges en fer rares d’origine génétique, CHU Pontchaillou, F-35033 Rennes

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défaut de production hépatique [15]de l’hepcidine. La diminution deconcentration plasmatique d’hepcidinequi en résulte est à l’origine d’uneaugmentation de la sidérémie. Cettehypersidérémie est due à la fois à unehyperabsorption duodénale du fer ali-mentaire et à un excès de libérationdu fer splénique qui provient de ladégradation physiologique des globu-les rouges sénescents dans le cadre del’érythrophagocytose. La conséquencede cette hypersidérémie est l’accumu-lation progressive de fer dans les prin-cipaux parenchymes (foie, pancréas,cœur) compte tenu de l’absence de méca-nismes efficaces, chez l’homme, d’élimi-nation du fer viscéral excédentaire.Dans l’hémochromatose de type 4B(maladie de la ferroportine de type B),les mutations en cause perturbent lafonction de récepteur de l’hepcidinequi est assurée par la ferroportine àl’état physiologique. Il s’ensuit unesituation d’hepcidino-résistance quiéquivaut à un déficit « relatif » en hep-cidine (l’hepcidine plasmatique n’estpas diminuée dans sa concentrationmais devient inefficace) en sorte quele phénotype de cette affection mimecelui des hémochromatoses par insuf-fisance de production hépatique del’hepcidine.

La déficience en ferroportineElle est en cause dans 2 types de sur-charges génétiques. Ici, les mutationsresponsables altèrent l’autre fonctionde la ferroportine, à savoir l’exportcellulaire du fer. Il s’ensuit un « pié-geage » du fer à l’intérieur des celluleset une diminution secondaire de laconcentration plasmatique du fer.

Hémochromatose de type 4A (mala-–die de la ferroportine de type A).Sachant que la ferroportine est par-ticulièrement exprimée au niveaudes macrophages, la surchargecellulaire touche principalementle système réticulo-endothélial(macrophages spléniques et cellulesde Kupffer au niveau hépatique).A (ou hypo) céruloplasminémie. Elle–est responsable d’une déficience enactivité ferroxydase qui assure

l’oxydation du fer ferreux en ferferrique, prérequis de la captationdu fer par la transferrine circulante.Cette déficience serait à son tour àl’origine d’une dégradation exces-sive de la ferroportine entravant lasortie cellulaire du fer [16].

Suivi et prise en chargethérapeutique [17,18]Hémochromatose de type 1(liée au gène HFE)Les modalités pratiques de prise encharge du sujet homozygote pourC282Y ont été précisées par la HauteAutorité de Santé (HAS) dans le cadrede recommandations professionnellesaccessibles sur le site : www.has-sante.fr [19]. L’originalité de la démarche aconsisté en l’adoption préalable d’uneclassification de l’expression phéno-typique de l’homozygotie C282Y en5 grades. Le stade 0 correspond àl’absence de toute expression clinico-biologique, le stade 1 à une simpleaugmentation du taux de saturationde la transferrine (Cs-Tf) (> 45 %, enfait souvent > à 60 % chez l’hommeet à 50 % chez la femme), le stade 2 àl’augmentation conjointe des taux desaturation de la transferrine et de fer-ritinémie (> 300 µg/L chez l’homme et> 200 µg/L chez la femme) sans tou-tefois de signes cliniques. Les stades 3et 4 correspondent à l’apparition designes cliniques, lesquels pour le stade3 affectent la qualité de vie (asthéniechronique, impuissance, arthropathies)et pour le stade 4 compromettent lepronostic vital (cirrhose avec le risquede carcinome hépatocellulaire, diabèteinsulino-dépendant, cardiomyopathie).La prise en charge du sujet homozygotepour C282Y se doit dès lors d’être adaptéeau grade d’expression qu’il présente.

Nature du bilan à effectuerchez le sujet C282Y/C282Yen fonction du stade d’expressionphénotypiqueAux stades 0 et 1(absence d’hyperferritinémie)Aucun examen exploratoire particuliern’est recommandé en supplément de

l’examen clinique et du bilan martial(CS-Tf et ferritinémie) standard.

Aux stades 2, 3 et 4

En plus de l’examen clinique et dubilan martial, le bilan doit se porter en4 grandes directions : i) Le foie : tran-saminases avec réalisation d’une écho-graphie hépatique si hépatomégalieclinique et/ou hypertransaminasémie ;ii) Les gonades : chez l’hommerecherche de signes cliniques d’hypo-gonadisme et contrôle de la testos-téronémie ; iii) L’os, avec, en cas decofacteurs d’ostéoporose tels quehypogonadisme, ménopause oucirrhose, réalisation d’une ostéodensi-tométrie ; iv) Le cœur (notammentpour les stades 3 et 4) : échocardio-graphie.

En fonction des données obtenues, lepatient sera orienté vers des consulta-tions spécialisées. Il est rappelé que lerisque de complications viscérales etmétaboliques est particulièrement pré-sent pour des taux de ferritinémie ≥1 000 µg/L. Il est à noter que la place dela biopsie hépatique (PBH) ne se situeplus, depuis le test HFE, au niveau dudiagnostic d’hémochromatose HFElui-même (lequel est établi sur la seuleconjonction d’une surcharge en fer etd’une homozygotie C282Y) et que sonindication principale demeure larecherche d’une cirrhose dont la miseen évidence modifiera les modalitésde suivi du patient. Une cirrhose doitêtre suspectée dès qu’existent unehépatomégalie et/ou une cytolyse et/ou une ferritinémie > 1000 µg/Ld’autant qu’existeraient des facteursde co-morbidité (alcool, stéatose...).Cette indication de la PBH à visée deconnaissance du degré de fibrosedemeure elle-même à situer face àd’autres approches non invasives dela fibrose hépatique telles que lesmarqueurs sanguins de fibrose etl’élastométrie hépatique. Quant à laplace de l’IRM comme méthode dequantification directe de la chargehépatique en fer (grâce à un algo-rithme disponible sur : www.radio.univ-rennes1.fr), elle pourrait se situer

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essentiellement lorsque les marqueurssériques de charge en fer, et tout par-ticulièrement la ferritinémie, risquentd’être surestimés par des situationsconfondantes telles que l’alcoolismeou le dysmétabolisme.

Modalités du suiviselon le stade d’expressionde l’homozygotie c282y

Au Stade 0 (Cs-Tf et ferritine nor-–maux) : interrogatoire, examen cli-nique et bilan martial sérique sontrecommandés tous les 3 ans ;Au stade 1 (simple élévation du–Cs-Tf) : interrogatoire, examen cli-nique et bilan martial sériqueannuels ;Aux stades 2, 3 et 4 : ces stades jus-–tifiant la mise en route des saignées,se reporter aux modalités de suivide celles-ci. Bien sûr, chaque atteinteviscérale éventuelle (arthropathie,cirrhose, diabète, troubles cardia-ques) fera l’objet d’un suivi propreindépendant de son étiologie.

Prise en charge thérapeutiqueElle ne concernera ici que l’élimina-tion de la surcharge en fer elle-même,le traitement symptomatique des com-plications viscérales de la maladie necomportant pas de spécificité.

Les saignées constituent le traitementde référence. Elles ont démontré leurefficacité sur la survie des patients etla régression (variable) de certainesdes complications associées à la sur-charge martiale. Ce traitement permetd’éviter l’installation de complicationsirréversibles (en dépendance toutefoisdu degré d’observance).

Indications du traitement déplétifC’est à partir du stade 2, soit lorsquele sujet homozygote pour C282Y pré-sente une augmentation du taux deferritinémie (> 300 µg/L chez l’hommeet à 200 µg/L chez la femme), qu’il yait des signes cliniques (= stade 3 ou4) ou non (= stade 2), que l’indicationde la réalisation de saignées se trouveposée.

Avant de les engager, il convient natu-rellement de s’assurer de l’absence decontre-indications. Ces contre-indica-tions peuvent être permanentes (toutepathologie susceptible de menacer lasanté du patient à l’occasion de lasaignée, anémie sidéroblastique etautre anémie centrale non carentielle,thalassémie majeure, cardiopathiessévères ou décompensées non dues àl’hémochromatose) ou temporaires(anémie par carence martiale < 11 g/dl, hypotension artérielle -pressionartérielle systolique < 100 mm Hg-,artériopathie oblitérante sévère desmembres inférieurs, des antécédentsd’ischémie aiguë artérielle d’originethrombotique d’un membre oud’accident vasculaire cérébral récent(< 6 mois), fréquence cardiaque < 50ou > 100 battements/min, la grossesse,un réseau veineux très insuffisant ouinaccessible (membre supérieur), lasurvenue d’une pathologie intercur-rente entraînant une altération del’état général.

Modalités pratiques de réalisationet de suivi des saignées

Volume des saignées : le volume de–sang maximal à prélever recom-mandé varie avec le poids (7 ml/kg)sans dépasser 550 ml par saignée.Ce volume doit être adapté à la tolé-rance du patient, à son âge, à sonétat de santé (notamment à sa fonc-tion cardiaque).Fréquence et durée des saignées :–En phase d’induction (correspon-dant à l’élimination de l’excès enfer), la fréquence est en règle heb-domadaire mais doit être adaptée àl’importance de la surcharge en feret à la tolérance du traitement, lafréquence pouvant ainsi aller de 2à 4 saignées par mois. La durée estfonction de l’atteinte de l’objectifqui est l’obtention d’un taux deferritinémie ≤ 50 µg/L. En phased’entretien (correspondant à l’évi-tement de la reconstitution de lasurcharge), il est recommandéd’effectuer une saignée régulière-ment tous les 2, 3 ou 4 mois (àadapter en fonction des patients)

afin de maintenir la ferritinémiestable ≤ 50 µg/L. La durée est théo-riquement illimitée, le traitementdéplétif ne traitant bien sûr nulle-ment la prédisposition génétique àla surcharge en fer.

Lieu des saignées. Les saignées–peuvent être réalisées en centre hos-pitalier, dans un EtablissementFrançais du Sang, en cabinet médi-cal ou hospitalier. La prise en chargeà domicile : i) peut être proposée encas d’éloignement du patient d’unestructure de soins habilitée ou à lademande de celui-ci, par exempleen vue d’une amélioration attenduede son observance ; ii) est contre-indiquée en cas d’insuffisance car-diaque ou de cardiopathie décom-pensée, de mauvais état général,d’antécédents de malaises à l’occa-sion de prélèvements sanguinsayant nécessité l’intervention d’unmédecin ; iii) concerne essentielle-ment la phase d’entretien ; iv) peutêtre acceptée en phase d’inductionmais uniquement après que les5 premières saignées ont été effec-tuées dans une des structures desoins précédentes (car les éventuelsproblèmes de tolérance générale sesituent habituellement au début dela mise en route du traitementdéplétif) ; v) implique une sur-veillance constante par l’IDE et lapossibilité d’intervention rapided’un médecin ; v) doit s’accompa-gner de l’élaboration d’un projetthérapeutique écrit entre les diffé-rents partenaires médicaux et para-médicaux assurant la prise encharge du patient. Le carnet desuivi, élaboré par la CNAM-TS,constitue à cet égard un outil précieux.

Tarif des saignées. La prise en–charge des saignées dans le cadred’une hospitalisation de jour n’estplus autorisée. Il est très importantque les tarifs pratiqués pour unesaignée soient revalorisés et harmo-nisés au plan national, quel que soitle lieu de sa réalisation.

Suivi des saignées : i) Au plan de–l’efficacité : en phase d’induction, il

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est recommandé que le contrôle dela ferritinémie soit mensuel (toutesles 4 saignées) jusqu’à l’atteinte dela borne supérieure de la normalitésoit 300 µg/L chez l’homme et200 µg/L chez la femme. Au-dessousde ces valeurs, un contrôle de laferritinémie toutes les 2 saignées estrecommandé. En pratique, cescontrôles sont réalisés sur la tubu-lure en dérivation de la poche. Enphase d’entretien, la ferritinémie està contrôler toutes les 2 saignéesquel que soit l’espacement decelles-ci. Au plan de la tolérance :cliniquement, une évaluation estconseillée comportant au minimumla vérification de la bonne tolérancede la saignée précédente, del’absence de contre-indications pourune nouvelle saignée et un contrôlede la pression artérielle. Biologique-ment, une hémoglobinémie < 11 g/dl doit conduire à la suspension dessaignées : pour la phase d’induc-tion, il n’a pas été obtenu de consen-sus sur la fréquence optimale decontrôle de l’hémoglobinémie (ilpeut être néanmoins proposé de secalquer sur la fréquence descontrôles de ferritinémie). En phased’entretien, le contrôle d’hémo-globinémie doit être réalisé aumaximum dans les 8 jours précé-dant la saignée (au mieux, pourle confort du patient, immédiate-ment avant la réalisation de lasaignée)

Conseil génétique

Sont ici rappelées les grandes lignesde cette prise en charge telles querecommandées par l’HAS.

Lorsqu’une hémochromatose géné-tique HFE a été découverte chez unmalade, il convient de l’informer per-sonnellement sur la maladie et de luipréciser les avantages et les inconvé-nients d’une démarche de dépistagepour les membres de sa famille et desprobabilités pour chacun d’entre euxd’être homozygote ou d’être malade.

Il est recommandé d’informer tous lesmembres de la fratrie du probant sur

l’opportunité d’entreprendre la réali-sation d’examens biologiques (mar-queurs du fer) ou génétiques (testHFE). Parallèlement, il est conseilléd’informer sur l’opportunité de dépis-ter les enfants majeurs et les parentsnaturels du probant. L’information desapparentés relève du seul probant.Lorsqu’un dépistage familial est envi-sagé, il est recommandé d’accompa-gner systématiquement tout test géné-tique d’un dosage du CS-Tf et d’undosage de la ferritinémie.Chez un sujet hétérozygote pour lamutation C282Y, aucun suivi n’estnécessaire sauf anormalité des para-mètres biologiques indiquant une sur-charge martiale.La confirmation génétique chez lesparents n’interviendra qu’en fonctiondes résultats des premiers tests biolo-giques et après confirmation de leurvaleur supérieure à la normale.Dans la mesure où aucune mesure thé-rapeutique n’est attendue chez le sujetmineur, il n’est pas légitime de réaliserchez lui un bilan, que ce soit sousforme d’un dépistage biologique ouplus encore d’un dépistage génétique.

Autres hémochromatoses

Seules seront indiquées, à grandstraits, les particularités de la prise encharge de ces surcharges génétiquesen fer non liées au gène HFE.

Surcharges génétiquespar déficit en hepcidine(hors hémochromatose de type 1)Prise en charge diagnostiqueElle peut correspondre à 2 principauxtypes de situations : i) Une fortesurcharge en fer chez un sujet demoins de 30 ans avec élévation de lasaturation de la transferrine et dépo-sition parenchymateuse du fer enl’absence d’homozygotie C282Y. Troisrecherches génétiques doivent alorsêtre faites : une mutation du gène del’hémojuvéline (hémochromatose 2A),une mutation du gène de l’hepcidine(hémochromatose 2B), et une mutationdu gène du récepteur de la transferrine

de type 2 (hémochromatose de type3) ; ii) Un tableau mimant, chez unsujet de plus de 30 ans, une hémo-chromatose de type 1 et toujours sanshomozygotie C282Y : il peut alorss’agir d’une hémochromatose de type3 ou d’une mutation du gène de laferroportine (hémochromatose de type4 dans sa forme B).

Prise en charge thérapeutique

Les saignées restent la thérapeutiquede référence, le recyclage du fer à par-tir des zones de stockage se faisantaisément (puisque la protéine d’export,la ferroportine, n’est pas affectée). Encas de surcharge massive, comme ilest observé dans les hémochromatosesjuvéniles, l’adjonction d’un chélateuroral du fer (déférasirox, Exjade®) doitêtre considérée afin de raccourcir laphase d’induction.

Surcharges génétiquespar déficit en ferroportine

Prise en charge diagnostique

La marque commune de ces affectionsest que la surcharge viscérale en fer,qui affecte surtout le secteur macro-phagique, s’associe à une saturationde la transferrine normale ou bassevoire, comme dans l’acéruloplasminé-mie, à une authentique anémie. Deuxautres éléments sont bien à part : i) lecaractère dominant de la transmissiondans la maladie de la ferroportine(hémochromatose de type 4) de sorteque les ascendants du premier degréont souvent une hyperferritinémiefranche contrastant avec une satu-ration de la transferrine normale oubasse ; ii) l’existence de signes neuro-logiques (syndrome extrapyramidal,troubles psychiques) au cours del’acéruloplasminémie.

Lorsque qu’une surcharge génétiqueen fer par déficit en ferroportine estsuspectée, il convient d’abord de doserla céruloplasminémie et, si celle-cin’est pas effondrée, de demander larecherche d’une mutation du gène dela ferroportine.

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Prise en charge thérapeutique

Ici, le traitement par saignées poseproblème. C’est surtout le cas dansl’acéruloplasminémie où l’existenced’une anémie contre-indique ce trai-tement. C’est, à un moindre degré,aussi le cas dans la maladie de la fer-roportine (hémochromatose 4 A) car,du fait même de l’altération de lafonction d’export de la ferroportine,le recyclage du fer à partir des sites destockage ne se fait que médiocrement,exposant les sujets saignés au déve-loppement d’une anémie. C’est doncdans ces 2 situations que le recours audéférasirox devrait trouver sa place,de manière isolée dans l’acéruloplas-minémie et, en cas de maladie de laferroportine, soit en substitution desaignées soit en adjonction à elles.Pour ces différentes surcharges géné-tiques en fer non liées au gène HFE,le Centre de Référence et les Centresde Compétence, récemment créés,constituent une aide précieuse à leurprise en charge tant diagnostique (enparticulier, aide à la sélection et à laréalisation des recherches génétiquesspécifiques) que thérapeutique (propo-sition de mise en route d’un traitementchélateur et aide à la réalisation desenquêtes familiales).

Au total, le suivi et la thérapeutiquedes surcharges génétiques en fer béné-ficient grandement des organisationsde santé mises sur pied soit dans unpassé semi-récent (Haute Autorité deSanté) pour l’hémochromatose de type1 soit tout récemment (Centres deRéférence et de Compétences) pour lesformes de surcharges génétiques enfer non liées à HFE.Remerciements : Association Fer etFoie, Fédération Française desAssociations de Malades de l’Hémo-chromatose (FFAMH), Contrat Euro-péen EuroIron1 (LSHM-CT-2006-037296).

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Page 6: TOTALITE AP BAT - · PDF file148 •••••• défaut de production hépatique[15] de l’hepcidine. La diminution de concentration plasmatiqued’hepcidine quienrésulteest

152 • • • • • •

Les 5 points fortsSurcharge en fer chronique génétique, le plus souvent par hepcidino-➊

déficiencePrise en charge Hémochromatose HFE (= Type1) :➋ www.has-sante.frSaignées : option thérapeutique principale➌

Chélation orale (déférasirox) : en voie de positionnement➍

Bilan familial : toujours essentiel➎

Questions à choix multiples

Question 1

En cas d’homozygotie C282Y avec élévation du taux de saturation de la transferrine mais normalitéde la ferritinémie, le rythme recommandé du suivi de la ferritinémie est :

A. Tous les ans❏

B. Tous les 2 ans❏

C. Tous les 3 ans❏

D. Tous les 4 ans❏

E. Tous les 5 ans❏

Question 2

Le rythme de surveillance de la ferritinémie au cours du traitement d’induction d’un patient atteint d’unehémochromatose de type 1 est :

A. Tous les mois, jusqu’à un taux de ferritinémie de 50 µg/L❏

B. Tous les 2 mois puis, lorsque la ferritinémie devient inférieure à 300 µg/L chez l’homme et à 200 µg/L chez❏

la femme, toutes les 2 semaines, jusqu’à un taux de ferritinémie de 50 µg/L.C. Tous les 3 mois, jusqu’à un taux de ferritinémie de 100 µg/L.❏

D. Tous les 4 mois, jusqu’à un taux de ferritinémie de 50 µg/L.❏

E. Tous les mois puis, lorsque la ferritinémie devient inférieure à 300 µg/L chez l’homme et à 200 µg/L chez la❏

femme, toutes les 2 semaines, jusqu’à un taux de ferritinémie de 50 µg/L.

Question 3

Au cours de la forme habituelle de la maladie de la ferroportine (hémochromatose 4 A) :A. Le fer se dépose surtout dans les hépatocytes❏

B. L’insuffisance en hepcidine est à l’origine de la surcharge en fer❏

C. La transmission se fait sur le mode récessif❏

D. L’hyperferritinémie contraste avec un taux de fer sérique (ou un coefficient de saturation de la transferrine)❏

normal ou basE. Les saignées sont en règle excellemment tolérées❏