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COMMUNAUTE FRANCAISE DE BELGIQUE ACADEMIE UNIVERSITAIRE WALLONIE-EUROPE UNIVERSITE DE LIEGE - GEMBLOUX AGRO-BIO TECH MENAGES RURAUX ET LUTTE CONTRE LA PAUVRETE : Cas des communes de Tu Ly et de Xuan Phong dans la province de Hoa Binh_ Viet Nam MAI Lan Phuong Dissertation originale présentée en vue de l’obtention du grade de docteur en sciences agronomiques et ingénierie biologique Membres du jury : Messieurs les Professeurs : F. FRANCIS, Président Ph. LEBAILLY, Promoteur NGUYEN MAU Dung, Co-Promoteur (HUA, Viet Nam) Ph. BURNY T. DOGOT C.VERMEULEN J.-Ph. PEEMANS (UCL) VU DINH Ton (HUA, Viet Nam) - 2014 -

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COMMUNAUTE FRANCAISE DE BELGIQUE ACADEMIE UNIVERSITAIRE WALLONIE-EUROPE

UNIVERSITE DE LIEGE - GEMBLOUX AGRO-BIO TECH

MENAGES RURAUX ET LUTTE CONTRE LA PAUVRETE : Cas des communes de Tu Ly et de Xuan Phong dans la province de Hoa

Binh_ Viet Nam

MAI Lan Phuong

Dissertation originale présentée en vue de l’obtention du grade de docteur en sciences agronomiques et ingénierie biologique

Membres du jury : Messieurs les Professeurs : F. FRANCIS, Président Ph. LEBAILLY, Promoteur NGUYEN MAU Dung, Co-Promoteur (HUA, Viet Nam) Ph. BURNY T. DOGOT C.VERMEULEN J.-Ph. PEEMANS (UCL) VU DINH Ton (HUA, Viet Nam)

- 2014 -

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Mai Lan Phuong (2014). Ménages ruraux et lutte contre la pauvreté: Cas des communes de Tu Ly et de Xuan Phong dans la province de Hoa Binh_Viet Nam. (Thèse de doctorat). Université de Liège - Gembloux Agro-Bio-Tech, Belgique, 196 p., 59 tabl., 24 fig.

Résumé

Depuis 1998, le Gouvernement vietnamien a lancé un programme d’aide pour les ménages pauvres, dans tout le pays, grâce au soutien de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International. Bien que le taux de pauvreté ait diminué en termes absolus cela ne signifie pas pour autant une véritable réduction de la pauvreté et ne tient pas compte de la nature même de la pauvreté. L’inégalité des revenus et des opportunités s’est accrue entre les zones urbaines et les campagnes, entre les différentes classes sociales et entre les Kinh (groupe majoritaire au Viet Nam) et les minorités ethniques. La lutte contre la pauvreté des minorités ethniques est devenue un défi permanent. En 2010, on recensait 66,3 % de pauvres chez les minorités ethniques, contre 12,9 % parmi la population Kinh.

Cette thèse mène une réflexion sur la question de la pauvreté dans son ensemble au Viet Nam, et en particulier dans les régions montagneuses du Nord, où le taux de pauvreté est le plus élevé et atteint 39,4 % en 2012. L’approche historique, l’approche individualiste de la capacité des ménages, l’analyse statistique descriptive et l’analyse de cas sont utilisées pour réaliser cette recherche.

La première difficulté rencontrée fut l’identification des ménages pauvres et des bénéficiaires des stratégies de lutte contre la pauvreté. D’autres difficultés furent encore mises en évidence par l’analyse des stratégies de lutte contre la pauvreté : le caractère confus des données disponibles, la faible participation des populations locales dans la planification et le suivi des opérations et l’autonomie limitée des autorités locales. Il apparaît finalement que les mesures de lutte contre la pauvreté sont peu efficaces.

De plus, la privatisation des ressources forestières limite la capacité des minorités ethniques à faire face à certains risques.

Face à cette situation, une piste de solution pourrait être le renforcement du rôle des associations paysannes. La prise en compte des idées et des initiatives des acteurs de terrain, portées par les associations paysannes, aurait un impact positif sur la lutte contre la pauvreté.

Les dons et l’octroi de subsides à des individus ne devraient plus être pratiqués. Dans le monde menaçant d’aujourd’hui, la solidarité entre petits paysans est plus que nécessaire pour leur permettre de trouver leur place dans le système de production et d’en garder les bénéfices justifiés. A long terme, il apparaît judicieux d’accorder un soutien financier afin d’assister les groupements et soutenir les initiatives des associations de petits paysans afin de faciliter leur participation à l’économie de marché tout en améliorant leur bien-être

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Mai Lan Phuong (2014). Rural Households and Poverty Reduction Strategies : The Case of Tu Ly and Xuan Phong communes in Hoa Binh Province_Viet Nam. Ph.D. Thesis, University of Liege, Gembloux Agro-Bio Tech, Belgium, 196 p., 59 tabl., 24 fig.

Abstract

Since 1998, Viet Nam developed many poverty reduction strategies with the assistance of the WB and the IMF. However, although the national rate of poverty decreased in absolute terms, it does not reflect a real reduction in poverty and does not take into account the nature of poverty. Income and opportunities inequality increased between urban and rural areas, between different social classes and between the Kinh (majority group in Viet Nam) and ethnic minorities. Poverty of ethnic minorities has become an ongoing challenge. In 2010, there were 66.3% of the poor among ethnic minorities against only 12.9% for the Kinh population.

This thesis illustrates a reflection on the issue of poverty in Viet Nam and in particular mountainous northern regions where the poverty rate is the highest, reaching 39.4 % in 2012. The historical approach, the capacity approach, the descriptive statistical analysis and case analysis are used to conduct this research.

The first difficulty is the identification of poor households and beneficiaries of poverty reduction strategies. Other difficulties are disclosed by the analysis of strategies against poverty: information confusion, budget limitation, insufficient participation of local people in program planning and monitoring, limited autonomy at the local level. Finally it appears that strategies against poverty are not efficient.

In addition, land resource privatization, particularly forest resources, limits minority farmers’ ability to cope with unexpected risks

Faced with this situation, a possible solution could be to strengthen the role of farmers' associations. Taking into account the ideas and initiatives of local actor, driven by farmers' associations, would have a positive impact on the poverty reduction strategy.

Donations and subsidies to individuals should no longer be practiced. In the present threatening world, solidarity among small farmers is necessary to enable them to find their place in the production system and keep the justified profits. In the long run, it is better to give financial support to assist groups and support initiatives by associations of small farmers to facilitate their participation in the market economy while improving their well-being.

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AVANT-PROPOS

L’aboutissement heureux de ce travail a été rendu possible grâce au concours de plusieurs personnes à qui je tiens à exprimer ma gratitude.

Je remercie tout d’abord Messieurs Philippe LEBAILLY, professeur, et NGUYEN Mau Dung, professeur associé, promoteurs de ce travail, pour avoir assuré, en dépit de leurs multiples occupations, la direction de mes recherches. Leurs conseils éclairés et permanents m’ont permis de mener à bien mon travail.

J’adresse des remerciements particuliers au Professeur Jean-Philippe PEEMANS pour la confiance et le soutien sans faille qu’il m'a accordés dès l’initiation du projet. Par ses précieux conseils et ses remarques judicieuses, par sa rigueur et ses exigences, il a su guider mes pas tout au long de cette recherche.

Ma sincère reconnaissance s’adresse également aux Professeurs Philippe BURNY, Thomas DOGOT et Cédric Vermeulen. Ayant accepté de m'accompagner dans la recherche, ils ont été, par leurs précieux conseils et suggestions lors de nos multiples discussions, d’un apport déterminant à la réalisation et à la finalisation de cette étude.

Je remercie Messieurs DANG Vu Binh, VU Dinh Ton, MAI Thanh Cuc, TRAN Dinh Thao et Madame NGUYEN Phuong Le et mes collègues pour leurs conseils judicieux, leurs encouragements et leurs critiques avisées.

Je voudrais également remercier la CUD qui a financé mes études et m’a permis d’approfondir mes connaissances en Belgique.

Je n’oublie pas de remercier mes amis Mireille DOMINE, Jean ORBAN, Perrine LE ROY, Noël BALLET, Laurence SOREE, Judith DU FAUX ainsi que Mesdames Nadine STOFFELEN, Anne POMPIER et Christine FADEUR du secrétariat de l'Unité d'Economie et Développement rural. Malgré leurs différentes occupations, ils n'ont pas hésité un seul instant à m'aider dans ce travail et aussi à partager mes difficultés pendant ces 5 ans de thèse.

Je souhaite également exprimer toute ma reconnaissance aux responsables de la province de Hoa Binh et aux responsables des deux communes de Tu Ly et de Xuan Phong, ainsi qu’aux habitants de ces deux communes qui m’ont réservé un excellent accueil et fourni toutes les informations dont j’avais besoin dans le cadre de ce travail.

ENFIN, J’ADRESSE MES VIFS REMERCIEMENTS A MA MERE ET MON FILS POUR N’AVOIR CESSE DE M’ENCOURAGER.

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TABLE DES MATIERES

AVANT-PROPOS ............................................................................................................................ I

TABLE DES MATIERES .................................................................................................................... I

LISTE DES TABLEAUX .................................................................................................................... V

LISTE DES FIGURES ...................................................................................................................... VII

LISTE DES ABRÉVIATIONS ............................................................................................................. IX

LEXIQUE ...................................................................................................................................... XI

INTRODUCTION ............................................................................................................................ 1

OBJECTIFS ................................................................................................................................................................ 3

HYPOTHÈSES ........................................................................................................................................................... 3

CHAPITRE 1 CONCEPTUALISATION DE LA PAUVRETÉ: ÉTAT DES SAVOIRS ............................................................................. 5

INTRODUCTION ............................................................................................................................ 5

1.1. QU’EST-CE QUE LA PAUVRETÉ ?........................................................................................................................................ 5

1.2. CAUSES DE LA PAUVRETE .................................................................................................................................................. 7

1.3. TYPES DE PAUVRETE ......................................................................................................................................................... 8

1.4. MESURE DE LA PAUVRETE : LES APPROCHES MULTIDIMENSIONNELLES DE LA PAUVRETE .............................................. 9

1.4.1. L’approche monétaire ........................................................................................................................................ 10 1.4.2. L’approche non monétaire ................................................................................................................................. 11 1.4.3. L'approche des capacités .................................................................................................................................... 14 1.4.4. Discussion ........................................................................................................................................................... 15

1.5. DISCOURS SUR LA PAUVRETE ET LE DEVELOPPEMENT ................................................................................................... 16

1.6 LA PAUVRETE ET LE DEVELOPPEMENT DE L'AGRICULTURE ............................................................................................ 17

1.7 ASSOCIATION DE PAYSANS : UNE PERSPECTIVE DE DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE .......................................................................................................................... 19

1.7.1. Concept d'une organisation/association ............................................................................................................ 19 1.7.2. Définition d'une association paysanne ............................................................................................................... 20 1.7.3. Types d’associations paysannes ......................................................................................................................... 21 1.7.4. Objectifs et rôles des associations paysannes dans le développement ............................................................. 22 1.7.5. La coopérative .................................................................................................................................................... 23

1.8 CADRE D'ANALYSE APPLIQUE A LA RECHERCHE ............................................................................................................. 25

CHAPITRE 2 APPROCHES RECENTES DE LA PAUVRETE AU VIET NAM ............................................................... 29

INTRODUCTION DU CHAPITRE .................................................................................................... 29

2.1. POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETE : VUE D'ENSEMBLE ................................................................................. 29

2.1.1. Résumé des diverses stratégies de lutte contre la pauvreté au Viet Nam ......................................................... 29 2.1.2. Politique de développement des infrastructures ............................................................................................... 32 2.1.3. Politique d'amélioration de l’accès au crédit pour les pauvres .......................................................................... 32 2.1.4. Politique de formation pour aider les pauvres ................................................................................................... 33 2.1.5. Politique de vulgarisation ................................................................................................................................... 34 2.1.6. Politique de santé ............................................................................................................................................... 34 2.1.7. Politique d'éducation ......................................................................................................................................... 34 2.1.8. Politique d'amélioration de l'habitat et de l’accès à l’eau .................................................................................. 34 2.1.9. Politique de soutien juridique ............................................................................................................................ 35 2.1.10. Conclusion .......................................................................................................................................................... 35

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2.2. EVOLUTION DU SEUIL DE PAUVRETE .............................................................................................................................. 37

2.2.1. Avant la révolution d’Août 1945......................................................................................................................... 37 2.2.2. De la révolution d’Août au « Doi Moi » .............................................................................................................. 38 2.2.3. La période post-Doi Moi ..................................................................................................................................... 38 2.2.4. Depuis 2001 jusqu’à maintenant ........................................................................................................................ 43 2.2.5. Comparaison entre la méthode officielle et la méthode de la BM_GSO ............................................................ 46 2.2.6. Conclusion .......................................................................................................................................................... 47

2.3. PROBLEMATIQUE D'IDENTIFICATION DES BENEFICIAIRES DES POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETE .............. 47

2.3.1. Les bénéficiaires des politiques de lutte contre la pauvreté .............................................................................. 47 2.3.2. Processus de détermination des ménages pauvres au Viet Nam ....................................................................... 47 2.3.3. Problématique entre les pauvres et les non pauvres ......................................................................................... 51 2.3.4. Conclusion .......................................................................................................................................................... 52

2.4. LA COMPLEXITE INDUITE PAR LES INTERACTIONS ENTRE "POLITIQUES POUR SORTIR DE LA PAUVRETE" ET "POLITIQUE DE CROISSANCE" AU VIET NAM .............................................................................................................. 52

2.4.1. Croissance économique pour réduire la pauvreté et émergence d’inégalités ................................................... 53 2.4.2. Une vulnérabilité à la pauvreté élevée au Viet Nam .......................................................................................... 59 2.4.3. Le Viet Nam et ses voisins : quelques chiffres sur la réduction de la pauvreté .................................................. 62 2.4.4 Cas de la Thaïlande ............................................................................................................................................. 64 2.4.5. Conclusion .......................................................................................................................................................... 66

2.5. LES ENJEUX DU FONCIER EN MILIEU RURAL, L'ECHEC DE LA COOPERATIVE ET LE RETOUR A LA PAUVRETE AU VIET NAM ................................................................................................................. 66

2.5.1. De la révolution d'Août à 1980 ........................................................................................................................... 67 2.5.2. De 1980 à 1993 ................................................................................................................................................... 68 2.5.3. De 1993 au présent : période de la privatisation foncière et de sortie du système collectif ............................. 69 2.5.4. Le système de privatisation et l'engrenage des conflits ..................................................................................... 72 2.5.5. Le mouvement coopératif vietnamien de 1996 au présent ............................................................................... 73

CONCLUSION DU CHAPITRE ..................................................................................................................................................... 79

CHAPITRE 3 METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE ............................................................................................................... 81

3.1. RAISON DU CHOIX DE LA ZONE D’ETUDE ........................................................................................................................ 81

3.2. APPROCHE DE RECHERCHE ............................................................................................................................................. 82

3.2.1. Approche multidimensionnelle .......................................................................................................................... 82 3.2.2. Approche historique ........................................................................................................................................... 83

3.3. SOURCES DES DONNEES ................................................................................................................................................. 83

3.4. METHODE D'ANALYSE DES DONNEES ............................................................................................................................. 88

3.4.1. Analyse statistique ............................................................................................................................................. 88 3.4.2 Méthode comparative ........................................................................................................................................ 89 3.4.3. L'analyse des cas ................................................................................................................................................. 89

3.5. CRITERES UTILISES ........................................................................................................................................................... 90

CHAPITRE 4 CARACTERISTIQUES DE LA ZONE D'ETUDE ...................................................................................................... 91

4.1. CARACTERISTIQUES DE LA PROVINCE DE HOA BINH ET DES DEUX DISTRICTS DE DA BAC ET DE CAO PHONG............... 91

4.2. COMMUNE DE XUAN PHONG ET COMMUNE DE TU LY .................................................................................................. 96

4.3. REVUE DE LA PAUVRETE DE HOA BINH ET DES DEUX COMMUNES ETUDIEES : QUELQUES CHIFFRES ......................... 107

CHAPITRE 5 STRATEGIES DE REDUCTION DE LA PAUVRETE DANS LA COMMUNE DE TU LY ET LA COMMUNE DE XUAN PHONG .............................................................................................................. 113

INTRODUCTION ...................................................................................................................................................................... 113

5.1. LES RESULTATS DES STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETE AU SEIN DES DEUX COMMUNES ETUDIEES ......... 113

5.1.1. Changement des infrastructures ...................................................................................................................... 113

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5.1.2. Changements en matière de crédit .................................................................................................................. 115 5.1.3. Amélioration des conditions d'habitat des ménages pauvres .......................................................................... 117 5.1.4. Amélioration des connaissances des paysans issus des minorités ethniques .................................................. 118 5.1.5. Perceptions des paysans issus des minorités ethniques sur les changements intervenus

dans les deux communes étudiées ................................................................................................................... 122

5.2. PROBLEMATIQUE DE L'EXECUTION DES AIDES DESTINÉES A LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE ................................... 123

5.2.1. Problématique de détermination des bénéficiaires dans les projets de lutte contre la pauvreté ................... 123 5.2.1.1. Questions d'identification des ménages pauvres selon la méthode du MTIAS.................................. 123 5.2.1.2. Identification des ménages pauvres selon le point de vue des villageois .......................................... 124

5.2.2. Diagnostic des ménages pauvres et non pauvres : approche en terme de capacité ........................................ 126 5.2.2.1. Capital humain .................................................................................................................................. 126 5.2.2.2. Capital physique ................................................................................................................................ 128 5.2.2.3. Possession foncière ........................................................................................................................... 131 5.2.2.4. Crédit................................................................................................................................................. 136 5.2.2.5. Réseaux sociaux ................................................................................................................................ 138 5.2.2.6. Autoconsommation alimentaire ....................................................................................................... 139

5.3. POURQUOI DES MENAGES ARRIVENT-ILS A SORTIR DE LA PAUVRETE ET D’AUTRES NON MALGRE LES AIDES DU GOUVERNEMENT ? .................................................................................... 143

5.3.1. Raisons pour lesquelles des ménages pauvres sortent de la pauvreté

dans les communes de Tu Ly et de Xuan Phong ............................................................................................... 143 5.3.2. Raisons pour lesquelles des ménages pauvres restent pauvres dans les communes

de Tu Ly et de Xuan Phong ............................................................................................................................... 145 5.3.3. Raisons pour lesquelles des ménages vivent aisément .................................................................................... 146

5.4. QUI DEVRAIENT ETRE LES BENEFICIAIRES DES PROGRAMMES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETE ? ............................. 146

5.5. DE QUELS TYPES D'AIDES LES MENAGES ISSUS DES MINORITES ETHNIQUES ONT-ILS BESOIN ? ................................. 147

CONCLUSION DU CHAPITRE ................................................................................................................................................... 148

CHAPITRE 6 PERSPECTIVE GENERALE SUR LE ROLE DES ASSOCIATIONS DANS LA CONTRIBUTION A LA REDUCTION DE LA PAUVRETE ............................................................................................................... 151

INTRODUCTION ...................................................................................................................................................................... 151

6.1. DIAGNOSTIC DES ROLES ACTUELS DES ASSOCIATIONS DANS LES DEUX COMMUNES ETUDIEES ................................. 152

6.1.1. Rôle des associations locales dans la détermination des ménages pauvres .................................................... 154 6.1.2. Rôle des associations locales dans la répartition des terres forestières .......................................................... 154 6.1.3. Participation passive des associations locales dans la détermination des besoins

et des modes d'exécution des aides dans les stratégies de lutte contre la pauvreté ....................................... 155 6.1.4 Rôle des associations locales dans les activités productrices et la vie des paysans ......................................... 155 6.1.5. Contraintes des associations dans la lutte contre la pauvreté ......................................................................... 156

6.2. COMMENT CES ASSOCIATIONS PEUVENT-ELLES JOUER UN ROLE CLE POUR LUTTER CONTRE LA PAUVRETE ? ........... 157

6.3. DES VOIES DE RECHERCHE NOUVELLES : LE ROLE DES COOPERATIVES DANS L’ELIMINATION DE LA PAUVRETE ......... 159

CONCLUSION ET RECOMMANDATION FINALE DE LA THESE .......................................................................... 161

BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................... 169

BIBLIOGRAPHIE EN VIETNAMIEN................................................................................................ 175

SITES INTERNET ......................................................................................................................... 176

ANNEXES .................................................................................................................................. 177

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 2.1 : Superficie moyenne de terre par catégorie .............................................................................. 37

Tableau 2.2 : Revenu moyen par personne (en monnaie Dong Duong - piastre) ........................................... 38

Tableau 2.3 : Dépense caloriques par quintile - Étude du niveau de vie au Viet Nam de 1992-1993 ............ 40

Tableau 2.4 : Panier alimentaire du Viet Nam fournissant 2100Kcal par jour (ind : kg/an) .......................... 41

Tableau 2.5 : Taux de pauvreté alimentaire en 1998 (%)............................................................................... 42

Tableau 2.6 : Taux de pauvreté au Viet Nam selon le seuil de pauvreté international .................................. 46

Tableau 2.7 : Evaluation rapide des ménages qui pourraient sortir de la pauvreté

(ménages pauvres de l'année précédente qui ne seraient peut-être plus pauvres

lors de l'année révisée) (voir annexe A.2.1) .............................................................................. 49

Tableau 2.8 : Evaluation rapide des ménages qui seraient pauvres (ménages non pauvres

de l’année d’origine, par exemple en 2008) - voir annexe A2.2 ............................................... 49

Tableau 2.9 : Pourcentage des dépenses moyennes par personne par mois par rapport

au revenu mensuel ................................................................................................................... 58

Tableau 2.10 : Contribution des composantes de l’IDH dans la croissance IDH 1992 - 2008 ........................... 59

Tableau 2.11 : Evaluation de la vulnérabilité à la pauvreté par la BM ............................................................ 60

Tableau 2.12 : Evolution de l’indice de Gini en Asie de l’Est et du Sud-est ....................................................... 63

Tableau 2.13 : Evolution de l’IDH en Asie ......................................................................................................... 64

Tableau 3.1 : Taux de pauvreté des villages des deux communes étudiées en 2009-2010 ............................ 85

Tableau 4.1 : Nombre de ménages et population en 2010 ............................................................................ 93

Tableau 4.2 : Répartition de la main-d'œuvre selon l'âge en 2010 ................................................................ 93

Tableau 4.3 : Distribution des ménages selon leurs activités professionnelles en 2010 ................................ 94

Tableau 4.4 : Répartition des ménages selon le nombre d’animaux qu'ils possèdent en 2010 ..................... 95

Tableau 4.5 : Répartition des ménages selon le nombre de poulets qu'ils possèdent en 2010 ..................... 96

Tableau 4.7 : Nombre de ménages possédant des terres forestières et superficie

moyenne par ménage............................................................................................................... 99

Tableau 4.8 : Calendrier saisonnier des principales cultures dans les deux communes ................................. 103

Tableau 4.9 : Superficie et rendement des cultures principales dans les deux communes ............................ 104

Tableau 4.10 : Situation de l’élevage dans les deux communes Ind : Têtes ..................................................... 105

Tableau 4.11 : Période de cueillette des produits ligneux et non ligneux ........................................................ 106

Tableau 4.12 : Taux de pauvreté à Hoa Binh en 2011 en région rurale et urbaine .......................................... 109

Tableau 4.13 : Taux de pauvreté chez les groupes ethniques minoritaires en 2011 ........................................ 109

Tableau 5.1 : Etat des infrastructures dans les deux communes étudiées en 2012 ....................................... 114

Tableau 5.2 : Sources de crédit dans la commune de Xuan Phong en 2010 .................................................. 117

Tableau 5.3 : Nombre de ménages ayant emprunté des crédits auprès de BPS

dans la commune de Tu ly ........................................................................................................ 117

Tableau 5.4 : Etat des conditions d'habitat dans les deux communes étudiées en 2012 ............................... 118

Tableau 5.5 : Nombre de ménages bénéficiant des politiques de soutien à l'éducation

et à la santé dans les deux communes ..................................................................................... 119

Tableau 5.6 : Activités de vulgarisation dans la commune de Tu Ly .............................................................. 121

Tableau 5.7 : Changements du point de vue des paysans .............................................................................. 122

Tableau 5.8 (I) : Caractéristiques des ménages étudiés ..................................................................................... 126

Tableau 5.8 (II) : Caractéristiques des ménages étudiés ..................................................................................... 127

Tableau 5.9 : Equipements dans la maison Indicateur : % ............................................................................. 129

Tableau 5.10 : Condition de l’habitat des groupes étudiés Indicateur : % ....................................................... 130

Tableau 5.11 (I) : Caractéristiques des terres cultivées des ménages étudiés ...................................................... 132

Tableau 5.11 (II) : Caractéristiques des terres cultivées des ménages étudiés ...................................................... 132

Tableau 5.12 (I) : Superficie des terres forestières des ménages étudiés ............................................................. 133

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Tableau 5.12 (II) : Superficie des terres forestières des ménages étudiés ............................................................. 133

Tableau 5.13 : Brève histoire des terres forestières via les discussions avec les paysans issus

des minorités ethniques dans les deux communes étudiées .................................................... 135

Tableau 5.14 : Taux des ménages ayant un crédit ........................................................................................... 137

Tableau 5.15 (I) : Somme empruntée par les ménages Ind.: un million VND ....................................................... 137

Tableau 5.15 (II) : Somme empruntée par les ménages ........................................................................................ 138

Tableau 5.16 : Niveau d’autosuffisance en céréales des ménages en 2009 .................................................... 139

Tableau 5.17 : Panier d'articles alimentaires des communes de Tu Ly et de Xuan Phong ............................... 140

Tableau 5.18 : Pourcentage des ménages autosuffisants au niveau alimentaire ............................................ 140

Tableau 5.19 (I) : Dépenses quotidiennes des ménages pour la nourriture et le riz

en 2009 Ind. 1000 VND ............................................................................................................. 141

Tableau 5.19 (II) : Dépenses quotidiennes des ménages pour la nourriture et le riz en 2009 ............................... 141

Tableau 5.20 : Stratégies des ménages dans l’achat de produits alimentaires

lorsque les revenus réguliers ne sont pas suffisants ................................................................. 142

Tableau 5.21 : Ressources financières en 2009 et rôle de chaque activité dans sa contribution

au revenu total des ménages (indicateur : %) .......................................................................... 143

Tableau 5.22 : Quels types de ménages ont besoin d'aide ? ............................................................................ 146

Tableau 5.23 : Difficultés au niveau de la production rencontrées par les ménages étudiés (%) .................... 147

Tableau 5.24 : Types d'aides proposés par la population ................................................................................ 148

Tableau 6.1 : Ordre d'importance des associations luttant contre la pauvreté

selon l’avis des paysans (Ind.: %) .............................................................................................. 154

Tableau 6.2 : Pourcentage des ménages étudiés membres des deux associations ....................................... 155

Tableau 6.3 : Taux des paysans bénéficiant d’aides par le biais des deux associations (%) .......................... 156

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vii

LISTE DES FIGURES

Figure 1.1 : Coefficient de Gini ........................................................................................................................... 14

Figure 2.1. : Taux de pauvreté ............................................................................................................................ 42

Figure 2.2 : Taux de pauvreté selon le calcul du MOLISA .................................................................................. 43

Figure 2.3 : Evolution du taux de pauvreté au Viet Nam ................................................................................... 45

Figure 2.4 : Taux de pauvreté au Viet Nam selon les régions ............................................................................ 45

Figure 2.5 : Part des minorités parmi les pauvres et taux de pauvreté des minorités ....................................... 46

Figure 2.6 : Taux de croissance du PIB au Viet Nam .......................................................................................... 53

Figure 2.7 : Revenu moyen par personne par mois ........................................................................................... 55

Figure 2.8 : Comparaison du revenu moyen par personne par mois entre le groupe le plus riche

et le groupe le plus pauvre en région urbaine ................................................................................ 55

Figure 2.9 : Comparaison du revenu moyen par personne par mois entre le groupe le plus riche

et le groupe le plus pauvre en région rurale ................................................................................... 55

Figure 2.10 : Revenu moyen par personne par mois selon les types de régions au Viet Nam ............................. 56

Figure 2.11 : Dépenses moyennes par personne par mois au Viet Nam ............................................................. 57

Figure 2.12 : Dépenses moyennes par personne par mois selon les régions du Viet Nam .................................. 57

Figure 2.13 : Comparaison des dépenses moyennes par personne par mois entre le groupe

le plus riche et le groupe le plus pauvre du pays ............................................................................ 57

Figure 2.14 : Coefficient de Gini au Viet Nam ...................................................................................................... 58

Figure 2.15 : Coefficient de Gini selon les types de régions au Viet Nam ............................................................ 59

Figure 2.16 : Taux de pauvreté selon le pays ....................................................................................................... 62

Figure 4.1. : Superficie moyenne de terre par ménage en 2010 ......................................................................... 98

Figure 4.2 : Population de la commune de Tu Ly en 2009 ............................................................................... 101

Figure 4.3 : Population de la commune de Xuan Phong en 2009 .................................................................... 101

Figure 4.4. : Taux de pauvreté de Hoa Binh ...................................................................................................... 107

Figure 4.5. : Taux de pauvreté de Hoa Binh selon le district ............................................................................. 108

Figure 4.6 : Taux de pauvreté des communes de Tu Ly et de Xuan Phong ...................................................... 110

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ix

LISTE DES ABRÉVIATIONS

BDA : Banque de Développement Agricole

BGS : Bureau des Statistiques Générales (en anglais : GSO: General Statistics Office)

BM : Banque Mondiale

FAO : Food and Agriculture Organization

FMI : Fonds Monétaire International

IDH : Indicateur de Développement Humain

IPH : Indicateur de pauvreté humaine

MTIAS : Ministère du Travail, des Invalides et des Affaires Sociales (en anglais : MOLISA _ Ministry of Labour, Invalids and Social Affairs)

OCDE : Organisation pour la Coopération et le Développement Economique

OMC : Organisation Mondiale du Commerce

OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

ONU : Organisation des Nations-Unies

PIB : Produit Intérieur Brut

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

PPA : Parité du Pouvoir d'Achat

PSRP : Programmes Stratégiques de Réduction de la Pauvreté

VND : Viet Nam Dong (monnaie Vietnamienne)

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xi

LEXIQUE

Le DoiMoi (rénovation)

Terme désignant la politique d’ouverture économique mise en œuvre à partir de 1986

Forêts à usage spécifique

Elles correspondent à ce que l’on appelle généralement « forêts classées » et comprennent les parcs nationaux et les réserves naturelles. Elles comprennent également deux autres catégories, les espaces de protection paysagère et les forêts de recherches scientifiques et expérimentales qui sont des catégories spécifiquement vietnamiennes

Forêts de production

Elles sont avant tout destinées à la production et au commerce des produits forestiers, ligneux et non ligneux

Forêts de protection

Elles désignent des espaces dont le couvert forestier n’est pas directement l’objet de la protection mais dont la finalité est de protéger l’environnement au sens large : protection des sources d’eau (95 % des « forêts de protection » en 2004), lutte contre l’érosion, contre la désertification [sic], prévention des catastrophes et régulation du climat

Région urbaine

Elles regroupent les grandes villes de toutes les provinces et les centres de tous les districts.

Région rurale Elles regroupent toutes les communes et tous les villages des districts du pays.

Produits forestiers non ligneux (PFNL/NTFP)

Les produits forestiers non ligneux sont des biens d'origine biologique autres que le bois, provenant des forêts, d'autres terrains boisés ou provenant d'arbres hors forêt (FAO, 1999).

Terres agricoles

La loi foncière de 1993 a défini les « terres agricoles » comme des terres destinées à la production agricole, l’élevage, l’aquaculture ou les recherches agronomiques expérimentales

Terres sylvicoles

Elles sont destinées à la production sylvicole et incluent les terres de forêts naturelles, les terres qui ont été déforestées [littéralement forêts dénudées – rừng trồng] et les terres utilisées à une fin sylvicole [mục đích lâm nghiệp] comme les pépinières, les forêts en cours de régénération naturelle ou artificielle et les forêts faisant l’objet de recherches sylvicoles expérimentales

Terre boisée Selon FAO : la forêt est une terre d’une superficie minimale comprise entre 0,05 et 1ha portant des arbres dont le houppier couvre plus de 10 à 30 % de la surface. Une forêt peut être constituée soit de formations denses soit de formations claires. Les jeunes peuplements naturels et toutes les plantations, de même que les espaces faisant normalement partie des terres forestières qui sont temporairement déboisés (…).http://www.fao.org/docrep/014/am665f/am665f00.pdf

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INTRODUCTION

Depuis la fin des années 1990, le discours sur la pauvreté a envahi une grande partie de la littérature sur le développement rural. Beaucoup de chercheurs mettaient l’accent sur le lien entre extrême pauvreté, manque d’infrastructures et accès limité aux ressources pouvant couvrir les besoins fondamentaux (Peemans, 2011). Mais selon Mestrum, ce discours a ouvert une brèche pour la création d'une catégorie de «mauvais pauvres», ceux qui, à égalité de chance, n'arrivent cependant pas à saisir les chances qui leur sont offertes sur le marché. Selon cet auteur, le discours sur la pauvreté fonctionne comme un parapluie à l'abri duquel se cachent les réformes dont la mondialisation néolibérale a besoin pour se développer. Et la lutte contre la pauvreté que proposent les organisations internationales comme la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, est la pièce maîtresse de leurs politiques néolibérales. Elle permet de démanteler les protections sociales existantes. Elle met un terme aux projets de développement national ambitieux. Elle met sous tutelle les pays pauvres dont toutes les politiques et toutes les réformes sont passées au crible des organisations de Bretton Woods. Elle affirme le besoin d'un nouvel ordre mondial de plus en plus privatisé au nom de l’efficacité de la lutte contre la pauvreté. Elle laisse intact ou essaie de rétablir un ordre social "naturel". Elle met en perspective un monde unifié mais dual où les pauvres devraient devenir les alliés des riches pour combattre les privilèges des classes moyennes trop protégés par les Etats (Mestrum, 2002).

En Asie du Sud-Est, après la crise de la fin des années 90, tous les pays se sont engagés à prendre de nouvelles mesures pour réduire la pauvreté. Selon Peemans, la crise a été l’occasion d’un retour du discours sur la pauvreté, estompé dans les deux décennies précédentes par celui sur les succès de la croissance, précisément en ce qui concernait la réduction de la pauvreté. Le discours sur la pauvreté s’est toujours inscrit dans le sillage de la théorie de la modernisation établissant un lien étroit entre sous-développement, arriération des régions rurales et pauvreté (Peemans, 2011).

Le cas du Viet Nam est un exemple de la complexité des transformations sociétales, induites par les interactions entre "politiques de croissance" et "politiques de sortie de la pauvreté". Ce processus prend sa source dans le contexte spécifique de la politique du Doi Moi, mise en place en 1986. Les réformes axées sur le marché pour promouvoir une croissance économique forte ont été essentielles au développement du Viet Nam, étayées par des politiques égalitaires dans la fourniture de services de base, l'accès à la terre et les investissements dans les infrastructures afin d'assurer aux pauvres un large accès à des opportunités (Peemans, 2011). La croissance a permis une réduction de la pauvreté (le taux de pauvreté au Viet Nam est passé de 58% au début des années 1990 à 14,5% en 2008, et en 2010 il était estimé bien en-dessous de 10%) mais elle s’est accompagnée d’un accroissement des disparités entre les provinces, aggravé par le surpeuplement des campagnes. L'inégalité des revenus et des opportunités s’est accrue entre les zones urbaines et rurales, entre les différentes classes sociales et entre les Kinh (groupe majoritaire au Viet Nam) et les minorités ethniques (Fritzen, 2002). La pauvreté des minorités ethniques est donc devenue un défi permanent. Bien que les 53 groupes ethniques minoritaires au Viet Nam représentent moins de 15% de la population, ils représentaient 47 % des pauvres en 2010 contre 29% en 1998. En 2010, on recensait 66,3% de pauvres chez les minorités ethniques contre seulement 12,9% chez la population Kinh (BM, 2012). Les nouvelles cartes de la pauvreté au Viet Nam élaborées en 2010 indiquent que la pauvreté est de plus en plus concentrée dans les régions montagneuses du Viet Nam, y compris les montagnes du Nord-Est et du Nord-Ouest et une partie des Hauts-Plateaux du Centre. En revanche, la richesse des ménages est fortement concentrée dans le

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2 Introduction

delta du Fleuve Rouge (autour de Hanoi) et du Mékong (autour de Ho Chi Minh Ville) et dans les centres urbains le long de la côte (Minot et al. 2003, 2005).

L'analyse effectuée par la BM en 2009 sur la situation des minorités ethniques au Viet Nam a montré que 75% de cette population vit dans les régions montagneuses du Nord et dans les Hauts-Plateaux du Centre du Viet Nam, la majorité vivant en région rurale. L'analyse a aussi montré que les politiques adoptées au cours des deux dernières décennies ont amélioré leur accès à la nourriture, ont augmenté la productivité agricole et amélioré l'accès aux routes et aux marchés. Cependant, les minorités ethniques n'ont toujours pas bénéficié de la privatisation individuelle des droits fonciers ou des services de vulgarisation agricole axée sur le développement des cultures industrielles de rente intensives. Six facteurs importants ont été mis en avant pour expliquer pourquoi les minorités ethniques sont encore pauvres : niveau d'éducation limité, faible mobilité, accès limité au marché financier, manque de terres productives et barrières culturelles (BM, 2009).

L'analyse de Castella et al. a montré que dans les années 1980, au sortir de la collectivisation, les cultures sur brûlis et l’exploitation du bois se sont généralisées au détriment de la forêt. Pour les groupes ethniques, le surplus dégagé par l’exploitation extensive des pentes était accumulé sous forme de riz pluvial (système Dao) ou de porcs (système Tày, fondé sur l’association maïs-porc). Dans les années 1990, l’allocation des terres de rizières, puis des terres de pentes, a contribué à freiner la dynamique de dégradation de l’écosystème de montagne. Cependant, les inégalités résultant de ce processus d’allocation ont placé certains groupes dans une situation de pauvreté extrême et d’insécurité alimentaire. Malgré les interdictions, ils ont continué à avoir recours à la pratique de l'abattis-brûlis pour assurer à court terme leur autosuffisance alimentaire. Mais ces pratiques, prédatrices des ressources naturelles dans des zones à forte densité de population, dépassent à présent les clivages ethniques (Castella, 2001).

Selon Gubry, depuis la libéralisation économique décidée en 1986, l'attention doit se porter également, et peut-être surtout, sur les conséquences d'une croissance économique rapide. En effet, le libéralisme, lorsqu'il est "sauvage", s'accompagne généralement d'une "consommation" de l'environnement dont les coûts sont rarement comptabilisés. Par ailleurs, de nouvelles poches de pauvreté sont susceptibles d'apparaître avec l'augmentation des disparités sociales et régionales. Ces disparités risquent notamment de provoquer une explosion de la croissance urbaine, avec tous les problèmes liés au nouvel environnement urbain ainsi généré, dont celui de l'emploi. On sera d'accord pour affirmer que "la pauvreté est la pire des pollutions", mais celle-ci ne doit pas devenir un prétexte pour occulter sciemment les atteintes à l'environnement, la destruction de l'environnement étant elle-même une source de pauvreté pouvant être décisive à long terme (Gubry, 2000).

En conclusion, le Doi Moi est présenté la plupart du temps en termes exclusivement économiques. Centré sur le rôle du marché dans la croissance des revenus monétaires, il vise une réduction de masse de la pauvreté (Forde et De Vylder, 1996). La libéralisation du marché a déplacé l’axe des capacités valorisables vers un axe centré sur la capacité à "faire de l’argent". Au Viet Nam, les effets négatifs de cette tendance ont été partiellement masqués par une politique de soutien aux familles pauvres. Cette politique volontariste reposant sur des critères multiples d’intervention, a connu des succès réels, grâce à la capacité de la hiérarchie bureaucratique à la mettre en œuvre. Cependant elle ne touche en rien aux mécanismes fondamentaux qui provoquent la paupérisation, notamment la perte d’accès à la terre et aux ressources naturelles (Peemans, 2012). De même, les institutions héritées de la politique socialiste orthodoxe, comme les associations de femmes et les associations paysannes,

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Introduction 3

continuent à jouer un rôle essentiel pour alléger les effets de la paupérisation mais elles n’ont pas les moyens de gérer ses causes profondes (Houtart, 2005).

OBJECTIFS

Dès lors, cette thèse cible les objectifs suivants :

- Déterminer les composantes du concept de la pauvreté et situer les interactions entre pauvreté et développement rural au fil du temps,

- Observer, diagnostiquer et analyser les stratégies locales des ménages dans la lutte contre la pauvreté,

- Déterminer le rôle de la politique agraire tant du point de vue de l’exploitation des ressources naturelles et du travail des paysans, que de celui de la réduction de la pauvreté,

- Evaluer le rôle potentiel d’une approche paysanne associative dans la lutte contre la pauvreté.

HYPOTHÈSES

Les hypothèses relatives à ces objectifs sont :

- Les solutions actuelles, mises en œuvre dans la réduction de la pauvreté, commencent à montrer un impact négatif et même à créer des conflits de type nouveau parmi les populations pauvres des régions montagneuses.

- Les stratégies actuelles de réduction de la pauvreté n’ont pas accordé une attention suffisante au potentiel des initiatives paysannes et au rôle des communautés locales ; les paysans des régions montagneuses n’ont pas le pouvoir de définir l’utilisation de leurs terres pour leur survie.

- Les autorités locales jouent un rôle insuffisant dans l’appui aux associations locales et dans la conception des synergies nécessaires pour un développement local durable et une bonne gouvernance locale

L'étude s'articule en six chapitres. Les deux premiers chapitres dressent les composantes du concept de pauvreté dans un contexte de développement rural au fil du temps. Les impacts négatifs des politiques de croissance économique et ceux de mise-en-œuvre des programmes pour la réduction de la pauvreté au Viet Nam y sont aussi abordés, à travers l'approche historique de la pauvreté au Viet Nam. Dans ce chapitre, la complexité issue de l'interaction entre les programmes de lutte contre la pauvreté et les politiques de croissance économique du Viet Nam est mise en avant.

Le troisième chapitre est consacré à la présentation du cadre théorique et de l’outil d’analyse utilisé dans la méthodologie. Cet outil d'analyse repose sur la conception d'une banque de données quantitatives et qualitatives au niveau communal et la définition d'indicateurs. Les caractéristiques de la région d'étude sont aussi mises en exergue dans le quatrième chapitre.

Le cinquième chapitre propose un diagnostic pour chacune des deux communes étudiées concernant la problématique des stratégies de lutte contre la pauvreté. Les problèmes d'application du seuil de pauvreté pour identifier les bénéficiaires des aides, les limites dans la planification et l’exécution des programmes de lutte contre la pauvreté et les rôles flous et passifs des communautés locales, des associations paysannes et des paysans eux-mêmes dans les projets de lutte contre la pauvreté sont analysés dans ce chapitre. La question agraire est

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4 Introduction

aussi abordée à travers l'analyse de cas d’étude, celle-ci montre les raisons pour lesquelles la pauvreté persiste et crée de nouvelles inégalités.

Ces discussions permettent d’ouvrir de nouvelles réflexions dans le chapitre six sur la détermination des stratégies de développement durable au niveau des communautés locales. Ce point sera mis en exergue dans les conclusions où des propositions et de nouvelles pistes de recherche seront présentées.

- Chapitre 1 : Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs

- Chapitre 2 : Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

- Chapitre 3 : Méthodologie de la recherche

- Chapitre 4 : Caractéristiques de la zone d'étude

- Chapitre 5 : Stratégies de réduction de la pauvreté des communes de Tu Ly et de Xuan Phong

- Chapitre 6: Perspective générale sur le rôle des associations dans la contribution à la réduction de la pauvreté

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CHAPITRE 1 CONCEPTUALISATION DE LA PAUVRETÉ: ÉTAT DES SAVOIRS

INTRODUCTION

Ce chapitre introduit une synthèse des grands courants de pensée qui ont marqué l'approche de la pauvreté depuis plusieurs dizaines d'années et leur relation avec l'évolution générale des théories du développement, des enjeux qui y sont liés notament du point vue de la place de la paysannerie dans le processus de développement. Le message qui est lancé est que si la croissance contribue à réduire la pauvreté absolue, elle entraîne aussi des nouvelles formes de paupérisation et de pauvreté - liées à l’augmentation des inégalités et à la forte différenciation des modes de consommation, les catégories riches fixant désormais les normes valorisées socialement.

1.1. QU’EST-CE QUE LA PAUVRETÉ ?

C’est en 1972 via la Banque Mondiale (BM) - sous la présidence de McNamara - que le problème de la pauvreté est apparu. Jusqu'en 1990, le thème de la pauvreté dans le tiers-monde s'accentua à tel point que le rapport annuel de la BM sur le développement dans le monde lui était entièrement consacré (WB, 1990). La même année, le PNUD publia son premier rapport sur le développement humain et jeta les bases d'une stratégie de lutte contre la pauvreté (PNUD, 1990). Enfin, en 1995, les Nations-Unies organisèrent à Copenhague le premier sommet mondial sur le développement social. La pauvreté, l'emploi et l'intégration sociale furent les trois axes du programme d'action adopté par les Etats-membres. Aujourd'hui, la lutte contre la pauvreté est devenue la priorité officielle de toutes les organisations multilatérales du développement. Le FMI (Fonds monétaire international), l'OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économique), l'Union européenne et l'OMC (Organisation mondiale du commerce) y ont adhéré.

Le mot « pauvreté » est utilisé pour exprimer l’insuffisant, le manque de toutes sortes dans la vie matérielle et la vie morale des hommes. Selon Adam Smith, qu’elle soit absolue ou relative, la pauvreté n’a pas seulement une dimension économique. L’aspect économique n’est qu’une des dimensions de la pauvreté. Pour l’examiner, on doit tenir compte également du contexte social, des valeurs et des pratiques culturelles, de l’environnement et des relations internationales (Smith, 1776).

Selon le rapport de 1990 de la Banque Mondiale (BM) : « poverty defines as the inability to attain a minimal standard of living ». La BM distingue pauvreté absolue et pauvreté relative. La pauvreté absolue correspond à un niveau de revenu nécessaire pour assurer la survie des personnes. Ce seuil est, en général, calculé en fonction d’un régime alimentaire de base. La pauvreté relative, quant à elle, signifie avoir « moins que les autres ». Cette notion renvoie au niveau de revenu nécessaire pour vivre dans une société en général (logement, habillement, etc). Les types de pauvreté abordés par la Banque mondiale sont donc particulièrement centrés sur l’aspect monétaire (WB, 1990).

La Banque mondiale fixe des seuils de pauvreté. Le seuil retenu pour évaluer la pauvreté absolue est mieux connu comme étant le seuil de 1$ par jour (soit 1,08 $ selon le niveau des prix en 1993). Il est ensuite traduit en seuil national par le biais d’une formule de parité du pouvoir d’achat. La Banque mondiale retient aussi un seuil supérieur de 2$ par jour, égal au

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6 Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs

double du seuil précédent. Le choix de l’un ou de l’autre dépend du niveau de développement du pays.

Dans son rapport de 2000, la Banque mondiale affirme que la pauvreté a des « dimensions multiples », de « nombreuses facettes » et qu’elle est « la résultante de processus économiques, politiques et sociaux interagissant entre eux dans des sens qui exacerbent l’état d’indigence dans lequel vivent les personnes pauvres » (WB, 2000).

Selon le rapport du PNUD en 1997, « la pauvreté signifie la négation des opportunités et des perspectives fondamentales sur lesquelles reposent tout développement humain, telles que la chance de vivre une vie longue, saine, constructive, et de jouir d'un niveau de vie décent, ainsi que la liberté, la dignité, le respect de soi-même et d'autrui ». Dans ce rapport, la pauvreté est résumée en trois points :

• Du point de vue du revenu, une personne est pauvre si et seulement si son niveau de revenu est inférieur au seuil de pauvreté défini. De nombreux pays ont adopté de tels seuils de pauvreté pour suivre les progrès dans la réduction de la pauvreté. Ce seuil est souvent défini comme le niveau de revenu en deçà duquel il n'est pas possible de se procurer une quantité de nourriture suffisante.

• Du point de vue des besoins essentiels, la pauvreté est le fait d'être privé des moyens matériels permettant de satisfaire un minimum acceptable de besoins, notamment alimentaires. Ce concept de privation, ou de dénuement, va bien au-delà d'une insuffisance de revenu individuel. Il comprend également le besoin en prestations élémentaires : un accès aux soins de santé, à une éducation de base et aux services essentiels fournis par la communauté afin d'empêcher les individus de sombrer dans la pauvreté. Ce concept tient également compte des besoins d'emploi et de participation à la vie sociale.

• Du point de vue des capacités, la pauvreté représente l'absence de certaines capacités fonctionnelles élémentaires. Cette forme de pauvreté s'applique donc aux personnes n'ayant pas la possibilité d'atteindre un niveau minimum acceptable concernant ces capacités fonctionnelles. L'approche de ces capacités concilie les notions de pauvreté absolue et relative puisqu'un dénuement relatif - en termes de revenu et de produits de base - peut conduire à une privation absolue sur le plan des capacités fonctionnelles élémentaires.

En 2000, dans le rapport « Vaincre la pauvreté humaine », le PNUD déclarait : « la pauvreté n’est pas un phénomène unidimensionnel – un manque de revenus pouvant être résolu de façon sectorielle. Il s’agit d’un problème multidimensionnel qui nécessite des solutions multisectorielles intégrées » (PNUD, 2000).

E. Benicourt a comparé dans son article la façon dont la BM et le PNUD abordent la question de la pauvreté. Selon elle, le PNUD et la BM ont une approche de la pauvreté sensiblement différente. Cette différence se traduit dans les définitions données et dans les indicateurs employés pour l’évaluer. À travers le concept de « pauvreté humaine », le PNUD opte pour une définition englobant une réalité sociale. L’indicateur composite retenu pour mesurer cette pauvreté vise à inclure des domaines considérés comme essentiels (santé et éducation). La BM, quant à elle, tout en reconnaissant la complexité de la pauvreté, adopte une démarche « monétaire ». Elle cherche à voir comment divers éléments se combinent pour exacerber la condition des income-poor. Aujourd’hui, selon Emmanuelle Benicourt, tout le monde s’accorde sur le fait que la pauvreté est un phénomène complexe, pluridimensionnel, ne pouvant être réduit à sa simple expression monétaire (c’est-à-dire à un niveau insuffisant de ressources économiques pour vivre de façon décente) (Benicourt E., 2001).

Selon Mestrum, plusieurs conceptualisations de la pauvreté se font concurrence, ce qui ne facilite pas sa quantification. La pauvreté est-elle une donnée absolue ou une donnée relative ?

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Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs 7

S'agit-il d'un problème qui se situe au niveau des individus, au niveau des ménages ou au niveau des nations? La pauvreté concerne-t-elle uniquement le revenu, ou s'agit-il aussi du bien-être, de la vulnérabilité ou de l'exclusion sociale ? La pauvreté dans les pays pauvres est-elle synonyme de sous-développement ? Il va de soi que chaque réponse est chargée d'un poids idéologique et sera déterminante dans l'orientation des solutions recherchées (Mestrum, 2002, p16).

François Houtart a aussi affirmé que la pauvreté possède des aspects qualitatifs : faible qualité de vie, difficulté d’accès à l’éducation et à la culture, absence d’hygiène. Mais le problème est de savoir à quoi l’on attribue ces facteurs. On peut résumer que la pauvreté n'est pas un fait de nature (Alternative Sud, 1999). Pour comprendre la pauvreté, il faut donc connaître le type de rapports sociaux existants et les mécanismes de leur reproduction, car la pauvreté se construit socialement. Cette injustice vient du fait que les bénéfices de la croissance soient concentrés de manière excessive par une minorité. Le seuil de 1$ n’est plus acceptable dans des situations où une petite minorité voit ses revenus croître chaque année de plusieurs milliers de dollars. On ne peut pas avoir une vision statique de la pauvreté dans une société où les paramètres de la richesse et de la pauvreté sont interdépendants dans un contexte de changement rapide. L’idéologie de la croissance justifie les inégalités par la nécessité de permettre aux investisseurs d’avoir des revenus élevés. Mais une grande partie de ces revenus élevés sert surtout à assurer une consommation toujours plus large de la minorité riche. C’est une croissance qui crée de nouvelles situations de pauvreté endogènes à sa logique, de nouvelles formes d’exclusion et de marginalisation, notamment à cause de la promotion de nouvelles images de références sociales liées à la consommation des riches. Elle entraîne donc de nouvelles tensions sociales et des revendications qui vont à l’encontre de la dignité humaine : par exemple, être obligé de se revendiquer comme pauvre pour être aidé (Peemans & Bahn Caballero, 2005).

Bref, la façon dont nous "voyons" et appréhendons la pauvreté est le résultat d'une construction sociale faite par les non-pauvres. Le regard politique perçoit les pauvres en fonction des préoccupations majeures de l'époque qui ne sont pas forcément celles des plus démunis. La pauvreté fonctionne comme un miroir, un instrument de la pensée politique pour exposer son idéal (Mestrum, 2002, p.17).

1.2. CAUSES DE LA PAUVRETÉ

« Pourquoi sont-ils pauvres ? » est toujours une des questions importantes à se poser quand on commence à observer la pauvreté. L’analyse des causes de la pauvreté est la base pour une intervention efficace des organisations caritatives, des organisations intergouvernementales et non gouvernementales dans la capacité des individus et des familles à améliorer leur sort de manière durable ou à tenter de survivre tant bien que mal.

Il y a deux causes principales à la pauvreté, les causes internes et les causes externes peuvent surgir de l’extérieur. De l'extérieur dans le sens où les individus font face à des chocs et à des pressions provenant de leur environnement physique, économique, social, etc. L’événement qui provoque le recul du bien-être peut se présenter au niveau microéconomique du ménage (maladie ou décès), au niveau d’une communauté (accident écologique ou émeute), ou au niveau national, voire international (catastrophes nationales ou chocs macroéconomiques). Cette dimension correspond à l’idée d’exposition à un risque, alors que la capacité de réaction s’interprète comme un effet interne que Chambers associe à l’incapacité à faire face au risque sans subir de préjudice. C’est pourquoi les ménages doivent tenir compte des facteurs qui peuvent augmenter leur vulnérabilité (Chambers, 1989, pp.1-7).

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8 Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs

La pauvreté vient également de l’intérieur, de l’individu ou du ménage, qui crée des revenus et des actifs insuffisants pour se procurer l’essentiel, comme la nourriture, le logement, les vêtements, une bonne santé et une éducation convenable. Les actifs ici sont de plusieurs ordres : actifs humains, actifs naturels (la terre), actifs physiques (accès aux infrastructures), actifs financiers, actifs sociaux.

Dans des écrits plus récents, F. Mestrum écrit que les causes de la pauvreté sont confondues avec ses symptômes. Les analyses économiques et sociales n'ont pas fait disparaître les explications individuelles et culturelles. Définir la pauvreté comme étant un problème multidimensionnel permet de prendre en compte un nombre illimité de problèmes, de causes autant que de conséquences et de symptômes de la pauvreté. Mais quelles sont les dimensions à prendre en compte ? Le revenu ? La santé ? L'éducation ? Le logement ? Le milieu social ? La culture ? La dignité ? L'autonomie ? S'agit-il de causes ou de conséquences de la pauvreté ? Il ne suffit pas d'augmenter le revenu pour résoudre tous les problèmes des pauvres, comme il ne suffit pas non plus d'élever le niveau d'éducation, de réduire la mortalité infantile, de prolonger l'espérance de vie, d'améliorer la qualité des logements. Il est évident que l'importance accordée aux différentes mesures dépend de l'objectif social que l'on cherche à réaliser.

1.3. TYPES DE PAUVRETÉ

La pauvreté est un phénomène de longue durée. Il faut donc se demander combien de temps un ménage ou un individu doit rester dans une situation de pauvreté pour être qualifié de pauvre chronique ou temporaire.

Le rapport de Nkwembe Unsital expose les analyses de différents auteurs pour répondre à cette question (Nkwembe Unsital, 2006, p29-31) :

"Jaban et Ravallion identifient trois catégories de ménages pauvres. Le premier groupe est pauvre de manière persistante et regroupe les ménages qui sont pauvres à toutes les dates où les données sont disponibles. La seconde catégorie n’a pas un niveau de consommation inférieur au seuil de pauvreté à toutes les dates mais sa consommation moyenne se situe en deçà de ce seuil. Ce groupe est défini comme pauvre chronique. Le troisième groupe regroupe les pauvres transitoires qui ont une consommation moyenne supérieure au seuil de pauvreté mais qui sont parfois pauvres. Ainsi pour différencier la pauvreté transitoire de la pauvreté chronique, Jaban et Ravallion utilisent une combinaison du temps écoulé et des niveaux de revenu ou de consommation inférieurs aux lignes de pauvreté et analysent la relation entre la consommation moyenne et les lignes de pauvreté"(Jaban et Ravallion, 2000).

"Murdich examine les raisons pour lesquelles les ménages des pays en voie de développement peuvent aller et venir dans la pauvreté et introduit le concept de pauvreté stochastique et de pauvreté structurelle. Dans de nombreux pays en voie de développement, les ménages pourraient devenir pauvres temporairement car ils ne sont pas capables de se protéger contre les événements stochastiques tels que les aléas climatiques ou les chocs de prix. Ainsi, la pauvreté stochastique survient quand le revenu courant du ménage est inférieur au seuil de pauvreté alors que le revenu permanent est au-dessus du seuil de pauvreté. La pauvreté structurelle survient lorsqu’un ménage tombe dans la pauvreté à la suite de changements de ses caractéristiques structurelles, de la naissance d’un enfant par exemple ou bien du décès d’un membre de la famille qui percevait un revenu. Quand un ménage fait face à un événement qui réduit la base de ses actifs ou de sa capacité à gagner un revenu, il tombe dans la pauvreté chronique parce que son revenu ou ses dépenses de consommation à la fois présents et permanents passent en-dessous du seuil de pauvreté. Ainsi, en discutant de la

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Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs 9

persistance de la pauvreté, Murdich ne se concentre pas sur la longueur de la période de pauvreté du ménage mais sur la relation entre le revenu courant du ménage, son revenu permanent et les seuils de pauvreté" (Murdich, 1994).

"Carte et May développent une typologie de la pauvreté similaire à celle de Murdich. Ils présentent une typologie de la pauvreté transitoire et chronique basée sur la nature des chocs auxquels les ménages font face. Deux types de chocs sont identifiés. Les chocs stochastiques, qui font que les dépenses de consommation divergent temporairement de la consommation anticipée étant donné les actifs et les revenus du ménage. Les chocs structurels affectent eux, de manière permanente la base de l’actif et les revenus du ménage. Ils identifient deux groupes de pauvreté transitoire : ceux qui sont pauvres à cause des chocs stochastiques qui poussent temporairement leurs dépenses de consommation sous le seuil de pauvreté et ceux qui sont pauvres mais capables de constituer une base d’actifs qui les sortira de la pauvreté à la période suivante. Les pauvres chroniques sont les ménages qui ont un faible niveau d’actifs et ne sont pas capables de reconstituer leur base d’actifs à des niveaux qui les sortiront de la pauvreté. La pauvreté transitoire survient en raison de l’incapacité des ménages à hisser leurs dépenses de consommation. Ceci est largement le reflet d’un marché du crédit inexistant ou inefficace et peut survenir à cause de la faiblesse du capital social des ménages pauvres. La pauvreté chronique, quant à elle, est liée aux caractéristiques structurelles du ménage et elle peut être aggravée par des systèmes de crédit et d’assurance inefficaces" (Carte &May, 1999).

En résumé, la pauvreté n'est pas statique : les individus et les ménages peuvent se déplacer dans et hors de la pauvreté. Nous pouvons donc les classer selon les 3 types suivants :

- Persistants pauvres ou chroniques pauvres : les familles qui vivent en permanence sous le seuil de la pauvreté et qui, avec peu de capitaux, ont moins d’occasions d’échapper à la pauvreté

- Transitoires pauvres : les individus qui passent d’une situation normale (non-pauvre) et qui pour des raisons extérieures se retrouvent sous le seuil de la pauvreté. Par exemple, un individu avec de bonnes qualifications qui perd son travail

- Vulnérables : les individus sans actifs de base (humain, social et financier) pour résister à des chocs et qui sont donc en danger et risquent de basculer dans la pauvreté.

1.4. MESURE DE LA PAUVRETÉ : LES APPROCHES MULTIDIMENSIONNELLES DE LA PAUVRETÉ

Pour la mise en place de meilleures stratégies dans la lutte contre la pauvreté, il est nécessaire de bien connaître les causes de la pauvreté.

Les questions qu’il faut se poser sont : Qui sont les pauvres ? Où sont-ils ? Combien sont-ils ? Pourquoi sont-ils pauvres ? Quelles sont les difficultés auxquelles ils doivent faire face à cause de la pauvreté ? Quelles sont les solutions pour réduire leur situation de pauvreté ?

L’approche multidimensionnelle de la pauvreté est essentielle pour pouvoir analyser la pauvreté sous différents angles (Caizhen, 2010; Celia, Reyes, 2010).

Mesurer la pauvreté aide à formuler et à tester des hypothèses concernant les causes du phénomène et à présenter une vision globale dans le temps. Par ailleurs, elle permet aux gouvernements, ou à la communauté internationale, de se fixer des objectifs mesurables pour contrôler l’effet de leurs interventions.

Les deux approches principales sont l’approche monétaire et l’approche non-monétaire.

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10 Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs

Banque mondiale (2000/2001) :

En 1990, le seuil de pauvreté de 33 pays a été conventi au prix PPA de 1985 et le seuil le plus caractéristique parmi les pays a été sélectionné. En 1999, les mêmes seuils ont été conventis au prix PPA de 1993, le nouveau seuil choisi étant la médiane des dix seuils de pauvreté les plus bas. Celui-ci est égal à 1,08 $ par jour au PPA de 1993. « Deux dollars par jour » correspond au seuil de pauvreté supérieur dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure.

1.4.1. L’approche monétaire

L’approche monétaire relève plutôt de la démarche de la Banque mondiale. Cette dernière commence par cerner les populations pauvres en se basant sur un critère de revenu (ou de consommation). Puis, elle cherche à voir comment les divers domaines se combinent, se renforcent ou s’exacerbent pour accroître ou diminuer l’état d’indigence de cette catégorie sociale.

Pour déterminer la catégorie des income-poor, la BM fixe des seuils de pauvreté. Le seuil retenu pour évaluer la pauvreté « absolue » est mieux connu sous le nom de « seuil de 1$/jour » (en réalité il correspond à un niveau de 1,08 $ selon les PPA de 1993). Il est ensuite traduit en seuil « national » (c’est-à-dire en monnaie locale) par le biais d’une formule de parité du pouvoir d’achat (PPA)1. La Banque mondiale retient aussi un seuil supérieur, connu sous le nom de « 2$/jour », égal au double du seuil précédent. Le choix de l’un ou de l’autre dépend du niveau de développement économique du pays.

On considère qu’une personne a atteint le seuil « absolu » de pauvreté lorsqu’il ne parvient plus à satisfaire un certain nombre de besoins jugés fondamentaux (alimentation, habillement, logement, santé, etc). On définit et on évalue alors un panier de biens et de services nécessaires dont le montant est indexé selon l'évolution des prix (Townsend & Abel-Smith , 1979, p.27).

Le seuil « relatif » de pauvreté part de l'idée que les personnes pauvres sont les personnes exclues des modes de vie de base de la société dans laquelle elles vivent de part la faiblesse de leurs ressources (matérielles, culturelles et sociales).

Une fois le seuil de pauvreté fixé, la BM utilise d’autres indicateurs qui lui permettent d’affiner son analyse, tel que le headcount ratio, appelé également « incidence de la pauvreté ». Celui-ci représente la proportion des personnes vivant sous le seuil de pauvreté, l’indicateur « par tête » ne donne toutefois aucune information sur les différences de revenus au sein de la population pauvre. Face à cela, le poverty gap, qui définit l’écart des personnes par rapport au seuil de pauvreté, vise à déterminer la « profondeur » de la pauvreté. Ainsi, il rend compte du niveau de revenus dont disposent les pauvres et le compare avec le seuil de pauvreté établi. Enfin, le squared poverty gap évalue le degré d’inégalité des revenus au sein de la population pauvre. La répartition des revenus parmi les pauvres peut en effet constituer une information utile pour comprendre leurs convergences ou divergences d’intérêt (Benicourt, 2001).

Par ailleurs, le seuil de pauvreté alimentaire est aussi considéré comme un critère approprié dans les pays en voie de développement. Cette méthode consiste à définir un régime alimentaire type, nécessaire aux pauvres pour vivre en bonne santé. On se base pour cela sur les besoins nutritionnels déterminés par l’OMS et la FAO (exprimés en apports quotidiens recommandés, par exemple 2300 calories par personne et par jour). Un prix correspondant aux quantités de denrées nécessaires pour atteindre le nombre de calories souhaitées est 1 Parité pouvoir d'achat : PPA est une méthode utilisée en économie pour établir une comparaison entre les pays du

pouvoir d'achat des devises nationales, ce qu’une simple utilisation des taux de change ne permet pas de faire.

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Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs 11

ensuite appliqué, ce qui permet d’obtenir une valeur monétaire définissant un seuil de pauvreté alimentaire. En ajoutant à ce montant le coût des autres éléments dont un individu a besoin pour vivre dans une société (vêtements, éducation, médicaments, etc), le seuil de pauvreté globale peut être estimé.

Sélectionner les bénéficiaires des stratégies de lutte contre la pauvreté en se basant seulement sur le seuil de pauvreté au niveau monétaire ne contredit-il pas la morale et l'éthique de l'aide au développement ? Selon P. Edward, la pauvreté est clairement définie comme un phénomène multidimensionnel. Le seuil de la pauvreté de 1$/jour/personne de la BM, mesure unidimensionnelle, peut donc être critiqué pour sa valeur restrictive (Edward, 2006).

1.4.2. L’approche non monétaire

L’approche non monétaire (autrement dit l’approche humaine) est intrinsèquement liée à la notion de développement humain qui voit le jour au début des années 90 à la suite des travaux d’Amartya Sen. Le développement humain représente, selon les termes du PNUD, l’élargissement des possibilités et des choix offerts aux individus. Plus précisément, « ces trois possibilités essentielles sont celles de vivre longtemps et en bonne santé, d’acquérir des connaissances et un savoir, et de pouvoir accéder aux ressources nécessaires pour vivre dans des conditions décentes ». C’est par rapport au développement humain que la pauvreté humaine est définie : « [elle] signifie la négation des opportunités et des perspectives fondamentales sur lesquelles repose tout développement humain, à savoir, vivre une vie longue, saine, constructive, et jouir d’un niveau de vie décent, ainsi que de la liberté, de la dignité, du respect de soi-même et d’autrui » (PNUD 1997 : 15-16).

a. L’indicateur de développement humain (IDH)

En 1990, le PNUD publie un indice synthétique du développement humain. Cet indice privilégie la longévité, le savoir, le niveau de vie. Il est actuellement calculé à partir de trois variables :

- l’espérance de vie

- le niveau de connaissances (mesuré par le taux d’alphabétisation des adultes et par le taux brut de scolarisation à tout niveau, du primaire au supérieur)

- et le PIB réel par habitant ajusté au pouvoir d’achat

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12 Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs

L’indicateur de longévité (A)

� Espérance de vie du pays considéré

� Espérance de vie minimum (25 ans)

� Espérance de vie maximum (85ans)

Espérance de vie du pays considéré - Espérance de vie minimum A = ----------------------------------------------------------------------------- Espérance de vie maximum - Espérance de vie minimum

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3

L’indicateur de niveau d’éducation (B)

� indicateur d’alphabétisation (a)

� indicateur de scolarisation (b)

Taux d’alphabétisation du pays considéré – taux d’alphabétisation minimum a = ----------------------------------------------------------------------- taux d’alphabétisation maximum - taux d’alphabétisation minimum

taux d’alphabétisation minimum = 0 ; taux d’alphabétisation maximum = 100)

taux de scolarisation du pays considéré – taux de scolarisation minimum b = ----------------------------------------------------------------------- taux de scolarisation maximum - taux de scolarisation minimum

(taux de scolarisation minimum = 0 ; taux de scolarisation maximum = 100)

2a + b B = ------------- 3

L’indicateur de niveau de vie (C) : pour ce calcul, on utilise le PIB par habitat ajusté en PPA.

Log du PIB/hab. en PPA du pays considéré – Log du PIB/hab. en PPA minimum C = ----------------------------------------------------------------------------- Log du PIB/hab. en PPA maximum - Log du PIB/hab. en PPA minimum

Source : PNUD, 1990

L’IDH est donc un indicateur composite. Sa valeur s’échelonne entre 0 et 1. Une situation difficile correspond à un IDH proche de 0; inversement, la situation est d’autant plus satisfaisante que l’IDH est proche de 1.

En général, le classement de pays en fonction de l'IDH est assez proche du classement des pays en fonction du PIB/hab. : si le coefficient de corrélation entre le rang du classement par IDH et celui du classement par PIB/hab. se rapproche alors de 1 et cela indique une forte corrélation entre le niveau de revenu, l’espérance de vie et le niveau d’instruction.

b. L’indicateur de pauvreté humaine (IPH)

Parler de développement, c’est aussi parler de la pauvreté, et, de même que le développement est une notion difficile à définir, la pauvreté peut être entendue de plusieurs façons.

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Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs 13

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P1 : L’insuffisance en termes de longévité est représentée par la proportion d’individus risquant de décéder avant l’âge de 40 ans

P2 : Le défaut d’instruction est traduit par la proportion d’adultes analphabètes (qui ne savent ni lire ni écrire)

P3: Le déficit de conditions de vie décentes sur le plan économique est représenté par un sous-indicateur composé de 3 variables :

� Le pourcentage d’individus privés d’accès à l’eau potable (P31)

� Celui des personnes privées d’accès aux services de santé (P32)

� Celui des enfants de moins de 5 ans souffrant d’insuffisance pondérale (malnutrition) modérée ou aiguë (P33)

[(P31 + P32 + P33)/3]

P3 = --------------------------------

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- P1 : l’insuffisance en termes de longévité est représentée par la proportion d’individus risquant de décéder avant l’âge de 60 ans

- P2 : le défaut d’instruction est traduit par la proportion d’adultes analphabètes selon la définition retenue par l’OCDE, à savoir la proportion d’illettrés (l’illettrisme consiste en une maîtrise imparfaite de la lecture et de l’écriture : c’est en général le cas de personnes qui ont été alphabétisées de façon médiocre et qui ont quasi oublié la pratique de l’expression écrite)

- P3 : le faible niveau de vie se mesure par le pourcentage d’individus vivant en deçà du seuil de pauvreté correspondant au demi- médian (1er quartile) du revenu individuel disponible

- P4 : l’exclusion correspond au pourcentage de la population active en chômage de longue durée, c'est-à-dire depuis plus de 12 mois

Il est donc nécessaire de préciser les sens possibles de la pauvreté pour comprendre l’indicateur créé en 1997 par le PNUD pour la mesurer. Ce nouvel indicateur synthétique reprend les composantes élémentaires du développement humain, mais les envisage sous l’angle « des manques ». Selon le PNUD, l’indicateur de pauvreté humaine « mesure la misère par rapport à quatre grands aspects de la vie humaine : la capacité à vivre longtemps et en bonne santé, le savoir, les moyens économiques et la participation à la vie sociale ».

Ces aspects de la misère sont les mêmes pour tous les pays (en voie de développement ou industrialisés). Cependant, afin de prendre en compte les différences de niveaux, certains critères les mesurent différemment.

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14 Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs

c. L'indicateur d'inégalité

L'indice de Gini est le plus fréquemment utilisé pour mesurer l'inégalité. Il a été élaboré par Gini en 1912 et entretient un lien strict avec la représentation de l'inégalité de revenu par la courbe de Lorenz.

L'indice de Gini indique dans quelle mesure la répartition des revenus entre les individus ou les ménages au sein d’une économie s’écartent de l’égalité parfaite. La courbe de Lorenz indique les pourcentages cumulatifs du total des revenus reçus par rapport au nombre cumulatif des bénéficiaires, en commençant par les individus ou les ménages les plus pauvres. L'indice de Gini indique l'aire entre la courbe de Lorenz et une ligne hypothétique d'égalité absolue en tant que pourcentage de l'aire maximale située sous cette ligne. Le coefficient de Gini est compris entre 0 (égalité parfaite) et 100 (inégalité absolue)2.

Figure 1.1 : Coefficient de Gini

1.4.3. L'approche des capacités

Cette école a été introduite en économie dans les années 80 par les travaux d'Amartya Sen. Selon Sen, les capacités sont définies comme une combinaison fonctionnelle du savoir-être et du savoir-faire que chaque personne peut atteindre. La valeur de la vie d'une personne dépend d'un ensemble de combinaisons des façons d'être et de faire, définies comme des "fonctionnements".

Dans la notion de capacité, l’accent est mis sur les potentialités qu’un individu est en mesure ou non de réaliser, en fonction des opportunités dont il dispose. Ces potentialités désignent tout ce qu’un individu peut souhaiter faire ou être comme par exemple, vivre longtemps et être en bonne santé. L’approche de la pauvreté en termes de capacités se concentre sur des états possibles (potentialités), tout en distinguant, lorsque c’est possible, le choix qu’un individu a mais néglige délibérément (PNUD, 1997).

Pour le PNUD, une personne n’est pas uniquement pauvre en raison d’un manque de revenus ou de moyens matériels (indigence), mais aussi en raison du manque de choix dont elle dispose effectivement. Dans ce cadre, les capacités « reflètent la liberté de réaliser des potentialités ».

2 http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SI.POV.GINI

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Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs 15

Pour mener l’analyse, les capacités sont distinguées en cinq catégories :

- Le capital naturel : biens naturels de la Terre (sol, air, eau, faune, flore) et services écosystémiques qui en résultent et qui rendent la vie humaine possible3. Dans le cadre de notre étude, nous nous concentrons seulement sur le sol.

- Le capital financier : ensemble des ressources, issues de l’épargne ou de l’emprunt, destinées à l’acquisition d’actifs réels ou financiers. Il est une réserve de valeur qui contribue à opérer autant de dépenses productives que de dépenses de consommation pour améliorer les conditions de vie d’une personne4.

- Le capital physique : ensemble des actifs productifs, des actifs ménagers et des stocks détenus par les individus. Il est une réserve de valeur qui permet de se prémunir contre les risques.

- Le capital humain : stock des ressources personnelles (expériences, compétences, connaissances, etc) économiquement susceptibles de générer des flux de revenus futurs. Il constitue un stock immatériel qu’il faut entretenir car il peut s’accumuler comme s’user.

- Le capital social : ressource sociale découlant des interactions (culturelles et/ou structurelles) entre un individu et d’autres individus et susceptible de produire des externalités durables pouvant affecter sa situation économique. Il représente l'ensemble des droits qu'un individu possède sur les ressources de son réseau social.

1.4.4. Discussion

Il est très compliqué de mesurer la pauvreté parce que la pauvreté est toujours liée aux individus à leurs conditions de vie et à leurs profils spécifiques

Dans ce chapitre nous avons déjà décrit brièvement l’ensemble du champ relatif à la mesure de la pauvreté. Les indicateurs globaux utilisés qui sont proposés par diverses organisations internationales traduisent eux-mêmes les avantages et les désavantages de cette approche. Le choix des indicateurs pour mesurer la pauvreté est finalement lié aux objectifs politiques qu'il va servir. Selon Jean-Jacques Gabas, la production de chiffres et d'indicateurs devient l'élément central de la politique d'un gouvernement et l'atteinte de résultats chiffrés devient l’objectif des stratégies de lutte contre la pauvreté (Gabas, 2013).

Depuis les années 1950 jusqu'à maintenant, les discours sur la question de la mesure du développement n’ont pas cessé d’évoluer dans le monde entier. Dans le domaine de l'économie, le PIB est l'instrument préféré pour mesurer le progrès de chaque pays et pour comparer les pays au niveau international sur la base des parités de pouvoir d'achat. Dans le domaine du développement social ce sont les indices comme le taux de mortalité infantile, l'espérance de vie à la naissance, le taux d'alphabétisation, l'indice de Gini, l'indice de développement humain (IDH), l'indicateur de pauvreté humaine etc. En général, la tendance à la diversification des indicateurs montre la prise en compte d’un éventail plus large d’aspects économiques, sociaux et environnementaux. Ces indicateurs permettent de faire non seulement la comparaison dans le temps, mais aussi dans l'espace. Toutefois ils sont toujours liés à la disponibilité des bases de données existantes.

Dans les années récentes, la question de la vulnérabilité a émergé en parallèle avec celle de la croissance économique non seulement dans les pays en développement mais aussi dans les

3 http://www.naturalcapitaldeclaration.org/wp-content/uploads/2012/04/natural_capital_declaration_fr.pdf

4 http://ged.u-bordeaux4.fr/SAROUSSEAU.pdf

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16 Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs

pays développés. Selon Jean-Jacques Gabas, il est nécessaire de faire la mesure de la vulnérabilité à différentes échelles. A l'échelle mondiale, les mesures de la volatilité et l'analyse des risques sont nécessaires tant elles affectent le bien-être des pauvres et contraignent les investissements. Au niveau des nations, il s’agit de l'identification des changements essentiels de l'économie. A l'échelle des communautés, les mesures de la marginalité sociale des individus et leur lien avec la pauvreté permettent d'appréhender les dynamiques sociales du développement local (Gabas 2012, p15)

Est-il nécessaire de mesurer la pauvreté à l'échelle universelle ? Pour les bailleurs internationaux, la réponse est "oui" parce qu'ils ont besoin d’une mesure de l'aide au développement. Mais il semble qu'au point de vue du développement national, ces indicateurs n'expriment pas la nature des différentes situations rencontrées par les pays. Quand nous regardons la pauvreté dans un pays, il faut la mettre en rapport avec la situation de son développement économique et social, ses caractéristiques culturelles, traditionnelles et aussi les conditions de sa géographie. Tous ces éléments peuvent contribuer de manière positive à l'élaboration et à l'évaluation des politiques de développement.

1.5. DISCOURS SUR LA PAUVRETÉ ET LE DÉVELOPPEMENT

L’élaboration permanente d’un consensus sur le rapport entre pauvreté, sous-développement et développement s’inscrit dans une longue histoire qui remonte à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Cette dernière a marqué l’avènement d’un nouvel ordre économique mondial avec la création des institutions de Bretton Woods − le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale − et d’une nouvelle donne géopolitique avec la guerre froide. Dès cette époque l'image des pays sous-développés qui s’impose est celle de pays pauvres, dont la pauvreté serait liée à l'état arriéré, traditionnel de leurs sociétés (Peemans, 2005).

Dans les années 1960-1970, la littérature sur la pauvreté s’inscrit dans le sillage de la théorie de la modernisation, établissant un lien étroit entre sous-développement, arriération des régions rurales et pauvreté. La plus grande partie des analyses de cette époque a mis l’accent sur le lien entre extrême pauvreté dans les régions reculées, et notamment les régions de montagnes peuplées de minorités ethniques, manque d’infrastructures et d’accès aux ressources pouvant couvrir les besoins fondamentaux (basic needs). En outre, l’accent était mis sur l’urgence de la situation, vu les dangers d’instabilité sociale et politique, autrement dit la menace de mouvements radicaux basés sur la mobilisation de la paysannerie pauvre (Peemans, 2005).

Durant les années 1980-1990, le discours sur la pauvreté a fait place à une approche liant révolution technique agricole, hauts taux de croissance tirés de l’exportation et succès dans la réduction de la pauvreté. Le revenu inférieur au seuil de 1$/jour était censé représentait une situation d’extrême pauvreté.

La seconde moitié des années 1990 a vu s’atténuer de plus en plus les dissonances. Les discussions autour des concepts d’« entitlement » et de « capabilities » de A. Sen, et celles autour des notions de « capital social » et de « capital humain » ont certainement contribué à ce rapprochement (Sen, 1999). Une importance nouvelle donnée aux dimensions non économiques du développement, comme l’élargissement de la liberté de choix, le rôle du lien social et de l’éducation au sens large, a inscrit les discussions dans la recherche d’un approfondissement du concept de « développement humain » (Bebbington et al.,2004).

Les notions de développement durable de l'ONU, de pauvreté humaine du PNUD et de développement holistique de la BM permettent de concilier non seulement les dimensions économiques et sociales du développement, mais aussi les perspectives propres à chaque

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Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs 17

institution. Au niveau politique, la lutte contre la pauvreté passe, d'une part, par un partenariat mondial et une réflexion sur la gouvernance mondiale dans laquelle les organisations internationales veulent jouer un rôle de protagoniste, et d'autre part, par une redéfinition du rôle des Etats. Au niveau économique, la lutte contre la pauvreté passe par la croissance et l'intégration de tous les pays dans l'économie mondiale. Au niveau social, l'existence des pauvres dans les pays riches et des riches dans les pays pauvres fait apparaître l'unité du monde (Mestrum, 2002, p.89).

Une nouvelle étape décisive dans le consensus autour de la néo-modernisation était franchie. Développement humain et expansion du marché se soutiennent désormais l’un l’autre, et l’on peut reconnaître à nouveau un certain rôle à l’Etat, à condition qu’il inscrive son action dans cette logique. On s’est ainsi acheminé vers les PSRP (Programmes Stratégiques de Réduction de la Pauvreté), supposés mettre en œuvre un nouveau « partenariat » entre bailleurs de fonds et Etats concernés, orienté prioritairement vers les besoins des catégories les « plus pauvres ». Après de nombreuses hésitations, un accord fut trouvé entre bailleurs de fonds pour accorder aux « pays les plus pauvres » des remises de dettes bilatérales ou multilatérales afin de leur permettre de dégager des moyens pour ces nouveaux programmes (Craig & Porter, 2003).

Toute la « communauté internationale » s’entend désormais sur un nouveau programme global d’ajustement, le consensus général permettant à l’ONU de prendre l’initiative de la proclamation des OMD.

En effet, les organisations internationales lancent un appel pour créer un partenariat mondial avec la société civile et le monde des affaires. Dans leur représentation des Etats, ceux-ci perdent le monopole de la scène internationale et deviennent les gardiens d'un intérêt commun tant au niveau international qu'au niveau national. Leur nouvelle représentation du développement concerne seulement le marché mondial et la lutte contre la pauvreté. La pauvreté elle-même est une question de vulnérabilité et de discrimination.

Le caractère « sans frontières » de la pauvreté renvoie donc à une légitimation de plus en plus nette des ingérences et intrusions les plus diverses. Les dimensions de la modernisation sont donc définies de plus en plus étroitement par les exigences du capitalisme global "démocratique" (Postel-Vinay, 2005).

Dans la réalité, le mouvement accéléré vers une intégration économique plus grande à l'échelle mondiale a entraîné des phénomènes de paupérisation massive et des tendances vers une désintégration pour de nombreuses sociétés. L'histoire en train de se faire est bien une histoire de recréation, toujours plus violente, des conditions de l'inégalité à l’intérieur de chaque société. Une importante partie du courant critique des études du développement a montré le caractère de plus en plus problématique de cette évolution (Peemans, 2008).

1.6 LA PAUVRETÉ ET LE DÉVELOPPEMENT DE L'AGRICULTURE

Depuis des millénaires, l'agriculture a été la base de toute civilisation, par les biens alimentaires qu'elle produit, par la mise en valeur des ressources naturelles et la construction des paysages, par les rapports sociaux qui se sont établis autour d'elle (avec la maîtrise du foncier en particulier). L'agriculture contribue, plus que toute autre activité, à nourrir l'imaginaire, à façonner la culture des peuples. Mettant en jeu de multiples dimensions, il convient d'envisager son évolution avec précaution. L’agriculture contribue au développement en tant qu’activité économique, en tant que moyen de subsistance et en tant que source de services environnementaux. Elle est donc un instrument unique du développement. En plus, elle joue un rôle fondamental dans la vie des pauvres pour lesquels elle constitue à la fois leur premier moyen de subsistance mais aussi leur principal domaine d’investissement. Dans le

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18 Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs

sillage des discours sur les OMD et la place qu’ils donnent à la « lutte contre la pauvreté », une partie du discours économique sur les rapports entre agriculture et développement a montré un intérêt nouveau pour une réévaluation du rôle de l’agriculture dans la réduction de la pauvreté de masse (Peemans, 2010).

La croissance de l’agriculture est généralement favorable aux pauvres dans la mesure où elle mobilise les principaux actifs des populations défavorisées, à savoir la terre et le travail, et dynamise l’économie dans les zones rurales où vit la majorité des pauvres. L’agriculture établit un lien entre croissance économique et population rurale pauvre en améliorant leur productivité comme leurs revenus. En effet, la croissance de l’agriculture, en particulier grâce à l’augmentation de la productivité du secteur, fait reculer la pauvreté en permettant une baisse et une stabilisation du prix des produits alimentaires, en améliorant l’accès à l’emploi des pauvres vivant en zone rurale, en accroissant la demande de biens de consommation et de services et, enfin, en stimulant la croissance dans les secteurs d’activités non agricoles. Pour réduire durablement la pauvreté, il est essentiel d’enclencher un processus constructif de transformation et de diversification économiques des moyens de subsistance, mais aussi des économies nationales. Or, c’est la croissance de l’agriculture qui permet aux pays et régions pauvres, et en définitive aux ménages pauvres, de parcourir les premières étapes de ce processus (OCDE, 2006).

Toutefois, il existe une interaction manifeste entre les discours sur le rôle de l’agriculture dans le développement et la réalité des objectifs mis en œuvre au Nord comme au Sud : la modernisation continue de l’agriculture, à travers la mise en œuvre de programmes de rationalisation basés sur des critères toujours plus contraignants en terme de productivité, compétitivité et performance. Une quantité impressionnante d’analyses a montré depuis longtemps les conséquences problématiques de cette stratégie : marginalisation, paupérisation massive, voire éviction systématique de la petite paysannerie, en contradiction totale avec les attentes de cette dernière. Une grande partie du discours dominant a été, et est toujours, consacrée à relativiser en termes sociaux et environnementaux, le poids de ces externalités négatives croissantes associées aux stratégies imposées aux populations agricoles et au milieu rural (Peemans, 2011).

A partir des années 1960, dans les pays en développement, la révolution verte s’est développée beaucoup plus largement. Basée sur la sélection de variétés, à fort rendement potentiel, de riz, de maïs, de blé, de soja et de quelques grandes cultures d’exportation, basée aussi sur une large utilisation des engrais chimiques, des produits de traitement et, le cas échéant, sur une bonne maîtrise de l’eau, la révolution verte a été adoptée par les agriculteurs capables d’acquérir ces nouveaux moyens de production dans les régions avantagées où il était possible de les rentabiliser. Dans certains pays en développement, en Asie du Sud-Est notamment (Thaïlande, Viet Nam, Indonésie), l’augmentation de la production due à la révolution verte se combine avec des niveaux de revenus et de salaires locaux tellement bas que ces pays sont devenus exportateurs de riz, alors même que la sous-alimentation sévit dans les campagnes. Toutefois, dans les pays en développement confrontés à la baisse des prix, la majorité des paysans s’est retrouvée dans l’incapacité d’acheter des outils plus performants, et même d’acheter les semences issues de la révolution verte. Leur développement a donc été bloqué. La baisse des prix se poursuivant, leur revenu monétaire est devenu insuffisant pour, à la fois renouveler leur outillage et acheter quelques biens de consommation indispensables (Mazoyer, 2002). Selon la Banque Mondiale, à cause du niveau de prix bas des principaux produits agricoles sur les marchés mondiaux au cours des années 1980, le monde académique et les agences d’aide au développement ont perdu tout intérêt pour le rôle de l’agriculture (World Bank, 2004).

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Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs 19

Un phénomène majeur de l’évolution du système agro-alimentaire mondial pendant les années 1990 a été la formidable concentration dans les grands groupes de distribution et leur stratégie globalisée de l’approvisionnement et du marketing au Nord et au Sud. Le rôle des politiques agricoles nationales des Etats s’est encore amenuisé dans ce contexte, au Nord comme au Sud. L’agriculture a même vu son rôle relégué à celui d’une monnaie d’échange dans les grandes négociations commerciales internationales, où les concessions en matière agricole se font contre des concessions en matière industrielle, de propriété intellectuelle ou de libéralisation des services (Peemans, 2011).

Au cours du premier trimestre 2008, les prix nominaux des principales denrées alimentaires ont atteint leur plus haut niveau en près de 50 ans, tandis que les prix réels atteignaient leur niveau record en près de 30 ans, marquant un décalage net par rapport aux revenus des ménages dans les pays en voie développement. La flambée des prix alimentaires a fait passer le nombre de personnes souffrant de malnutrition en 2009, à travers le monde, à plus d’un milliard (Farouk, 2010).

En conclusion, après un siècle de révolution agricole et un demi-siècle de révolution verte et d’aide alimentaire, le sous-équipement, la pauvreté extrême et les insuffisances alimentaires (sous-alimentation et carences) sont le lot quotidien de la majorité de la paysannerie mondiale (Mazoyer, 2002). Dans le monde d'aujourd'hui, près de 815 millions de personnes, dont près de 780 millions dans les seuls pays du Sud, sont sous-alimentées et ne parviennent pas à couvrir quotidiennement leurs besoins énergétiques de base de l'ordre de 2 400 kilocalories par personne. Le problème de la faim est une question récurrente dans les pays où le rythme de la croissance économique et l'augmentation de la production vivrière restent bien inférieurs à celui de la hausse du nombre de bouches à nourrir (Dufumier, 2004, p.6-9).

L’évolution des politiques agricoles au Nord comme au Sud peut inciter à une conclusion forte pessimiste. On pourrait être tenté de voir la situation actuelle comme le résultat d’une évolution inéluctable : la « marchandisation-commodification » du monde, et son impact destructeur sur l’agriculture et la paysannerie est la manifestation la plus visible de l’extrême violence de ce modèle dominant (Lang & Heasman, 2004).

Dans le domaine agro-alimentaire l’évolution est nette : les acteurs dominants ont, génération après génération, pu imposer leur logique de l’accumulation et éroder, voire éliminer, une logique de reproduction durable des collectivités paysannes. L’imposition de cette loi d’airain s’est toujours faite à travers des discours exaltant les mérites de la modernisation, la réduction de l’insécurité alimentaire, la lutte contre la pauvreté, l’abondance pour tous, etc. Dans la réalité, à travers l’histoire, des dizaines et des centaines de millions de petits producteurs ont été éliminés et privés de l’accès aux ressources qui assuraient leur reproduction. Et ce, dans l’immense majorité des cas, contre leur gré, dans la violence et le silence. Et le problème aujourd’hui est le même, simplement, ses dimensions se sont globalisées (Peemans, 2011).

1.7 ASSOCIATION DE PAYSANS : UNE PERSPECTIVE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE DANS LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

1.7.1. Concept d'une organisation/association

La théorie de l'action collective met en exergue la réalisation d'un objectif commun. Elle insiste sur les intérêts contradictoires des membres d'une organisation. Les individus qui acceptent d’adhérer à une organisation participent à la poursuite des objectifs de cette organisation tout en satisfaisant également leurs intérêts respectifs. Ainsi tout examen d'une

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action collective devrait se fonder sur une logique collective et individuelle qui caractérise toute coopération5.

Selon Hirschman, « une organisation est une action collective de la société rurale, qui traduit la volonté des paysans à « prendre la parole », à reprendre l'initiative et à se faire reconnaître comme des partenaires à part entière par les autres acteurs du développement » (Hirschman, 1995).

D'après Scott et Mitchell, « une organisation est un système d'activités coordonnées d'un groupe de personnes, travaillant en collaboration pour atteindre des fins communes sous une autorité » (Scott & Mitchell, 1976).

Pour Plané, « une organisation apparaît comme une réponse structurée à l'action collective, un ensemble relativement contraignant pour les personnes et, simultanément, comme une construction dynamique collective favorisant l'accomplissement de projets communs » (Plané, 2003).

De la synthèse de ce qui précède, une organisation apparaît donc comme un regroupement de personnes aux motivations communes et ayant des objectifs communs, qui acceptent de collaborer sous la coordination d'une autorité afin d'atteindre un résultat ultime.

1.7.2. Définition d'une association paysanne

Dans tous les pays, les associations paysannes sont à la fois le lieu d'expression des intérêts des paysans et un moyen d'atteindre les objectifs qu'ils se fixent. Les associations paysannes devraient s'orienter vers la construction d'un pouvoir paysan, certes multiforme, capable à la fois de peser sur la définition et la mise en œuvre des politiques concernant le monde rural et sur la lutte contre la pauvreté pour tendre vers un développement rural durable (McKeon et al., 2004).

L'importance conceptuelle de l'association, en particulier des associations paysannes, en ce qui concerne le discours sur le développement, a été introduite par le travail d’Amartya Sen. Il a montré la relation entre les stratégies individuelles et collectives pour la construction qu'il a appelée "arrangement de droit" (en anglais, "entitlment arrangement"). En se basant sur l'analyse des arrangements de dotation et de droit des individus, Sen s’est concentré sur la participation de l'individu aux associations sociales. La théorie de Sen tourne autour de la microéconomie de la survie et de la faiblesse des capacités individuelles dans la production. Sen affirme que les droits en réalité sont un réseau de relation de droit (en anglais, « network of entitlement relations ») qui dépend du niveau de la structure économique et du mode de production (McKeon et al., 2004).

Selon Charreau et Pitol-Belin, « les associations paysannes sont des systèmes sociaux créés par les individus, afin de satisfaire, grâce à des actions coordonnées, certains besoins et d'atteindre d'autres buts » (Charreau & Pitol-Belin, 2002).

Prod'homme, quant à lui, trouve qu’« une organisation paysanne est un groupement d'initiatives locales à dimension villageoise ou inter-villageoise dont les modes d'émergence et d'organisation ainsi que les objectifs sont diversifiés » (Prod'homme, 1995).

Selon Diagne, l'organisation paysanne est « une association, un groupement d'hommes et/ou de femmes, volontaires et motivés pour se mettre ensemble, ayant les mêmes intérêts à 5 http://www.memoireonline.com/11/09/2884/Analyse-des-strategies-paysannes-de-lutte-contre-la-pauvrete-par-des-

organisations-de-producteurs-o.html

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Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs 21

défendre et exerçant une même ou plusieurs activités de production ou de services » (Diagne, 2001).

Selon Wampfler, « une organisation paysanne est un regroupement de population rurale et agricole, sous un statut plus ou moins formel, en vue de représenter les intérêts d'une communauté et de prendre en charge des fonctions dépassant les capacités de chacun des membres » (Wampfler, 2000). Des organisations de nature et de statuts variés répondent alors à ces définitions :

- Organisations villageoises/territoriales;

- Organisations de femmes;

- Organisations de producteurs agricoles;

- Institutions de micro-finance contrôlées par les organisations paysannes.

En résumé, le concept d'association paysanne renvoyant à plusieurs approches, apparaît donc comme une action organisée de paysans vivant dans une même aire géographique, afin de satisfaire des objectifs communs par des actions coordonnées.

1.7.3. Types d’associations paysannes

Dans la pratique, il existe beaucoup de types d’associations que l’on distingue selon des critères de différenciation tels que : le mode de création (endogène/exogène); l’encadrement (public, privé); la taille; la composition (producteurs/villageois); les ressources financières (cotisations, crédits, subventions); les activités (production/collecte, etc); l’utilisation des revenus (redistribution, investissements collectifs, etc) (Diagne, 2001).

Ces associations peuvent aussi être classées selon différents points de vue (Feraille & F. Rossin, 1992) :

- Classification selon le statut des regroupements professionnels : mouvement coopératif, associations de producteurs, syndicat, comités de développement villageois;

- Classification selon les domaines d’intervention : fonction économique, épargne/crédit, organisation du travail, représentation, défense d’intérêts catégoriels, développement technique et vulgarisation, mutualité, assurances;

- Classification selon le niveau de professionnalisme : mesuré à partir de l’appréciation du niveau de maturité (organisations provoquées ou spontanées) et de leur degré d’autonomie (prise de décision, définition des objectifs, planification, etc).

- Quels sont les besoins d’accompagnement pour les organisations rurales? On peut distinguer trois grands axes (Beaudoux & Forget, 1992):

- Pour chaque activité réalisée, les associations paysannes ont besoin de maîtriser des outils et des méthodes au niveau technique, comptable et économique et globalement, de maîtriser un projet dans son ensemble;

- Une aide à la compréhension plus globale d’un problème, avec des conseils au niveau stratégique (long terme et ensemble des déterminants) et technique (actions retenues pour réaliser les objectifs stratégiques) devant amener à des choix d’orientation;

- Une aide à la gestion au quotidien (matériel, comptabilité, gestion administrative, etc) : à partir de cette grille et de la nature de l’organisation concernée (coopérative, groupement, union/fédération de groupements), les auteurs bâtissent des grilles d’objectifs en termes d’information, de formation, d’appui et de conseil.

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22 Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs

- Berthomé et al. (1995)6, quant à eux rapportent que l'analyse des organisations paysannes doit simultanément prendre en compte :

- la société locale dans laquelle se construisent les organisations et les changements multiples qui les concernent;

- la société globale et ses évolutions;

- les dynamiques propres aux organisations paysannes et les effets qu'elles produisent sur la société locale et la société globale, et ceci sans les opposer mais en les considérant dans leurs interactions permanentes.

1.7.4. Objectifs et rôles des associations paysannes dans le développement

L'objectif principal de l'association paysanne, selon Beaudoux et Gandin, est tout d'abord la gestion de biens communautaires, avec des sous-objectifs fixés pour l’ensemble d’un village ou d’un groupe social (les femmes par exemple). Ces associations répondent à des objectifs d’intérêt général et combinent objectifs économiques et sociaux. Ensuite existent des organisations à participation plus volontaire, sous forme d’entreprise collective et à vocation prioritairement économique. Enfin, on retrouve des associations à vocation de représentation ou de négociation avec l’extérieur (opérateurs privés, État, etc). (Beaudoux & Gandin, 1993).

Pour Ansoff, la stratégie et les objectifs définissent la conception que l'organisation se fait de ses activités et spécifient ses axes de travail. Les organisations ont pour objectif de coordonner les actions sociales de leurs membres (Ansoff, 1965).

Selon Berthome et al., les organisations paysannes se construisent à l'interface entre la société locale et la société globale, comme un moyen de régler les relations d'une part entre les individus et les différents groupes sociaux qui composent la société locale, et d'autre part avec les acteurs qui constituent l'environnement global (Berthome et al., 1995).

Parmi les stratégies envisagées par les paysans, on trouve les différents groupements qui, pour Berthome et al., se construisent pour améliorer les relations des paysans avec leur environnement économique et institutionnel. Ils sont une interface, un moyen d'articuler la société locale et la société globale selon des conditions plus favorables à la première (Berthome et al., 1995).

Au niveau social, Lavigne note que les organisations paysannes constituent un cadre idéal pour la vulgarisation des innovations (Lavigne, 1986).

Njonga et Dikongue relèvent que les organisations paysannes ne sont pas uniquement le théâtre d’actions développées par les paysans. Elles sont également les témoins vivants des luttes d'influence auxquelles se livrent les organismes d'appui, chacun voulant se voir attribuer les droits de telle ou telle action entreprise en milieu rural (Njonga & Dikongue, 1996).

Selon Rondot et al., les organisations paysannes sont des structures basées sur l'adhésion et créées par les agriculteurs (ou par d'autres groupes) pour fournir des services à leurs membres (Rondot et al., 2001). Elles ont pour objectifs :

- de mieux gérer les ressources naturelles et les biens de leurs membres;

- d'élargir l'accès de leurs membres aux ressources naturelles et aux moyens de production de base (terres, forêts, pâturages et ressources en eau);

6 Berthomé J., De Sardan O. & Mercoiret M.R. (1995), Les organisations paysannes face au désengagement de l'Etat,

Compte rendu de l'atelier international de Mèze, CIRAD, France, 20-25 mars 1995

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Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs 23

- d'améliorer l'accès de leurs membres aux services économiques et sociaux, aux crédits et aux débouchés commerciaux par le biais d’activités de représentation et de défense des intérêts de leurs membres, ou par leur poids financier combiné;

- de faire entendre leurs voix dans les mécanismes de décision. Ceci détermine l'affectation des biens et les politiques ayant une incidence sur l'environnement dans lequel ils produisent et commercialisent.

Quant à Pertev et King, les organisations rurales jouent un rôle stratégique qui est de mobiliser les effets d'auto-promotion des populations rurales (Pertev & King, 2000)

Pour Kamdem et Pre, les organisations paysannes ont des impacts directs sur les revenus dans le sens qu'elles permettent un meilleur accès aux facteurs de production et au marché tout en contribuant au renforcement des capacités de négociation et de représentation des producteurs (Kamdem & Pre, 2001).

Pesche distingue trois types de rôle que peuvent jouer les organisations de producteurs (Pesche, 2001):

- l’apport en services à leurs membres, qui peuvent être de nature technique ou économique;

- la représentation des intérêts de leurs membres et, plus largement, des agriculteurs ou des paysans sans forcément qu'ils en soient membres;

- l'implication dans le développement local, sous forme d'investissements sociaux.

En conclusion, les associations jouent un rôle très important dans le secteur de la production agricole et de la sécurité alimentaire.

1.7.5. La coopérative

Deux penseurs socialistes, Robert Owen et Charles Fourier, qui sont considérés comme "les pères de la coopération", furent les premiers à affirmer que l’association, la nature volontaire de la coopération, sont les caractéristiques d’une entreprise fonctionnant sur une base démocratique et visant le service plutôt que le profit. (Gisaro, 2013)

L’Alliance Coopérative Internationale (A.C.I) définit la coopération comme « une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement 7»

Selon l’Organisation Internationale du Travail (O.I.T)8 (1966), « Une coopérative est une association de personnes qui sont volontairement groupées pour atteindre un but commun, par la constitution d’une entreprise dirigée démocratiquement en fournissant une quote-part équitable du capital nécessaire et en acceptant une juste participation aux risques et aux fruits de cette entreprise, au fonctionnement de laquelle les membres participent activement ».

Les coopératives, selon les Nations-Unies, contribuent d'abord à l’élimination de la pauvreté à la fois directement en améliorant la situation économique et sociale de leurs membres et employés, et indirectement en stimulant l’économie et en renforçant le tissu social des

7 Déclaration sur l’Identité Coopérative de l’Alliance Coopérative Internationale (1995).

http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_emp/---emp_ent/---coop/documents/instructionalmaterial/wcms_173354.pdf

8 Organisation Internationale du Travail (O.I.T), résolution 127 de 1966, annexe D. Lire la « Promotion des coopératives »,

Conférence Internationale du Travail, 90ème session, Genève, 2002

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24 Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs

communautés dans lesquelles elles sont implantées. Leur importance découle des valeurs et des principes qu’elles représentent pour leurs membres et pour la communauté. En d’autres termes, si l’objectif est d’aider les pauvres à faire preuve d’initiative grâce à une activité économique qui mette à profit leurs atouts et compense leurs insuffisances, les entreprises soucieuses de l’être humain, comme le sont les coopératives, présentent des avantages essentiels.

Les coopératives peuvent aider à démarginaliser les pauvres et à leur permettre de faire entendre leurs voix en s’associant en fédérations et alliances. Le modèle coopératif peut contribuer à promouvoir les politiques de démarginalisation et de participation des pauvres aux stratégies de réduction de la pauvreté dans la mesure où les valeurs et les principes coopératifs mettent l’accent sur la responsabilité sociale et sur le souci du bien-être commun.

Ensuite, elles mettent en commun les ressources individuelles limitées et créent ainsi des entreprises qui permettent à chacun de participer à la production, de partager les bénéfices, de réduire les coûts et de partager les risques. Elles ont pour but de promouvoir le bien-être économique et social d’individus qui, seuls, ne pourraient pas créer leurs propres entreprises. Leur valeur ajoutée tient de ce qu’elles peuvent fournir des services, utiliser les ressources, commercialiser les produits ou les services beaucoup plus facilement que ne le feraient des individus isolés, en particulier les pauvres.

D'ailleurs, lorsqu’ils s’organisent en coopératives, les petits agriculteurs peuvent faire des économies par un partage du matériel et avoir un meilleur accès aux intrants et au marché. De ce fait, ils sont souvent mieux placés qu’un exploitant individuel pour lutter contre la concurrence des grandes entreprises, notamment dans les secteurs où il est difficile de maintenir la compétitivité face à la mondialisation croissante.

Puis, les coopératives aident aussi les pauvres des régions rurales à se mobiliser en vue d’une action collective et à renforcer leurs positions en tant qu’acheteurs et vendeurs.

Le modèle coopératif peut contribuer utilement à promouvoir l’intégration et la cohésion sociales face à la disparité des moyens, à l’absence de pouvoir et de droits sociaux, à l’exclusion des services sociaux, et à l’absence d’accès au marché et à l’information. Dans de nombreuses sociétés, la désintégration et le dysfonctionnement des mécanismes sociaux, les tensions raciales et ethniques et les conflits civils sont attribuables en partie à l’aggravation de la pauvreté et au creusement des inégalités. On s’accorde de plus en plus pour reconnaître que la prise en compte de ces inégalités et de ces problèmes devrait constituer un volet essentiel des stratégies de réduction de la pauvreté.

Les coopératives sont souvent bien placées pour promouvoir et faciliter le renforcement des capacités et l’investissement dans le capital humain car elles jouent généralement un rôle primordial dans la formation et l’éducation de leurs membres en leur offrant la possibilité d’acquérir des compétences dans les domaines de l’entreprise, de l’organisation et de l’exploitation collective de l’information.

Outre qu’elles renforcent les capacités au sein de la collectivité, les coopératives développent aussi l’investissement dans le capital humain grâce à la formation et aux services qu’elles dispensent.

Selon Andrew Bibby et Linda Shaw (2005):

Une coopérative est une association autonome de personnes unies volontairement pour répondre à leurs besoins et leurs aspirations économiques, sociaux et culturels communs, par une entreprise leur appartenant en commun et régie démocratiquement.

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Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs 25

Les coopératives sont fondées sur les valeurs d’autonomie, de responsabilité à l’égard de soi, de démocratie, d’égalité, d’équité et de solidarité. Suivant la tradition de leurs fondateurs, les adhérents des coopératives croient aux valeurs morales que sont l’honnêteté, l’ouverture, la responsabilité sociale et le souci des autres.

Les sept principes des coopératives sont : l’adhésion volontaire et ouverte; le pouvoir démocratique des membres ; la participation économique des membres ; l’autonomie et l’indépendance ; l’éducation, la formation et l’information ; la coopération entre les coopératives ; le dévouement à la collectivité.

A partir de toutes ces définitions et précisions, il y a lieu de remarquer que la coopérative est la seule organisation et entreprise ayant à la fois un caractère social et économique (Gisaro, 2013).

Elle est une organisation sociale parce qu’elle est une association regroupant des personnes qui ont reconnu d’une part la similitude de certains de leurs besoins, et d’autre part la possibilité de mieux satisfaire ces besoins par une entreprise commune que par des moyens individuels. L’association des membres suppose la nature et la gestion démocratiques de l’entreprise coopérative (Assemblée générale, Conseil d’administration, Conseil de surveillance, Gérance, Membres…) dans laquelle les associés participent entièrement et activement dans les activités de promotion de leur entreprise, soit directement ou indirectement par des délégations de groupes de membres (Galor, 2004).

Elle est une organisation économique parce que c’est une entreprise commune dont l’objet particulier répond précisément aux besoins à satisfaire et fonctionne comme toute autre entreprise dans la recherche du lucre. C’est à travers l’association des membres que cette entreprise satisfait aux besoins communs des associés et à moindre coût. Toutefois, la structure d’une entreprise coopérative petite ou complexe dépend de la nature et de la taille de ses activités dans l’accomplissement de ses missions en faveur des associés. Toutes ces activités convergent dans plusieurs domaines comme dans la plupart des autres entreprises. Leur structure reste similaire à celles des autres entreprises à la fois publiques et privées (Bridault, 1998, Fairbairn, 2003).

1.8 CADRE D'ANALYSE APPLIQUÉ À LA RECHERCHE

Le diagramme suivant illustre notre réflexion sur la question de la pauvreté dans son ensemble.

On ne doit cependant pas négliger le fait que la méthodologie n’est pas indépendante de la perspective et du questionnement théoriques dans lequel s’inscrit la recherche. On a souligné dans l’introduction générale que la question des rapports entre pauvreté et développement est une question plus complexe que celle présentée par l’approche conventionnelle de la pauvreté. Cette dernière réduit le développement à la question de la croissance économique. Une forte croissance permettra de réduire la pauvreté. La question centrale est dès lors d’intégrer les pauvres dans la croissance à travers l’augmentation de leur participation sur le marché, et notamment l’emploi salarié ou l’accroissement de leurs activités susceptibles d’augmenter leurs revenus monétaires.

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26 Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs

Dans cette optique prédomine une approche individualiste de la capacité des pauvres à s’intégrer au marché et à améliorer leur statut. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’approche par les différentes sortes de « capitaux » : capital physique, capital humain, capital social, capital financier et actif naturel.

Politiques au niveau national

- Politiques de croissance - Politique de lutte contre la pauvreté - ....

Vulnérabilité

Processus de développement international

Augmentation générale du revenu monétaire par la croissance et

augmentation de la différentiation sociale

Capacité des individus/ des ménages pauvres - non pauvres

Augmentation de l'inégalité et nouvelles formes de conflits et de

violence

Réduction de la pauvreté « traditionnelle »

Nouvelles formes de paupérisation « moderne »

Quelle qualité de développement humain au niveau sociétal?

Graphique 1.1 : Cadre de l'analyse

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Chapitre 1. Conceptualisation de la pauvreté : état des savoirs 27

Le déficit de ces diverses sortes de « capitaux » explique la pauvreté. Par conséquent, la réduction de la pauvreté est associée à la fois à la mobilisation des faibles ressources existantes pour servir la croissance, et, si cette mobilisation réussit, à faire en sorte que la croissance augmente ces disponibilités en capital, signe de réussite dans la réduction de la pauvreté.

Certaines approches incluent une dimension collective en terme de « capital », signifiant que les dotations en capital physique, humain ou social par exemple, peuvent varier d’un village à un autre et influencer la capacité à s’intégrer à la croissance et à réduire la pauvreté.

Dans un premier temps, nous allons suivre cette approche, puisqu’elle est la méthode utilisée par des acteurs influents dans le monde du développement tels que la Banque Mondiale.

Nous essaierons donc d’évaluer les réalités en terme de « capital » et leur évolution dans les villages étudiés. Cependant, cette approche est très fonctionnelle. On cherche à évaluer des inputs et l’évolution des rapports entre « capital inputs », « growth » et « poverty reduction outputs ».

Compte tenu de ce qui a été dit dans l’introduction générale, on peut cependant penser que cette approche pose beaucoup de problèmes. Tout d’abord, elle est souvent associée à l’approche en terme de « seuil de pauvreté », avec la référence bien connue du seuil de 1 dollar par jour. Comme on le verra par la suite, c’est cette mesure qui a été la référence de base dans les politiques de réduction de la pauvreté au Viet Nam. On doit se demander quelle relation existe entre une politique ciblée sur l’objectif de faire atteindre le revenu de 1 dollar par jour et l’amélioration des différents capitaux dont disposent les individus et les ménages. Un exemple est la hausse du revenu monétaire pour des paysans devenus sans terre, donc ayant perdu leur dotation en « capital physique », devenus ouvriers sans qualification, mais gagnant un salaire supérieur à 1 dollar par jour. Peut-on admettre que c’est une forme durable de réduction de la pauvreté, puisque dorénavant leur situation est devenue précaire, puisque menacée par la perte de leur emploi salarié ?

En outre, l’accroissement du capital physique et financier, quand il a lieu, peut être un phénomène très inégal, avec des effets négatifs, notamment sur le capital social de ceux qui ne bénéficient pas de l’accroissement de ce premier capital. La cohésion sociale du village s’en ressent, affaiblissant le capital collectif de la communauté, et donc la capacité à améliorer les conditions de vie de l’ensemble de ses membres.

Une vraie approche multidimensionnelle de la pauvreté doit prendre en compte des aspects institutionnels et sociaux négligés par l’approche fonctionnelle en terme de « capital ».

C’est pourquoi nous pensons qu’il est important d’étudier le cadre institutionnel de la mise-en-œuvre des politiques de réduction de la pauvreté au niveau des villages étudiés et leur impact sur la vie des différentes catégories socio-économiques dans les villages. Il est important aussi de voir comment les différentes catégories de paysans évaluent l’impact de ces politiques. Enfin, on devra se demander si les politiques renforcent ou affaiblissent la capacité des villages à s’acheminer vers la mise-en-œuvre d’un « capital collectif » qui soutient une voie vers un développement durable.

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CHAPITRE 2 APPROCHES RÉCENTES DE LA PAUVRETÉ AU VIET NAM

INTRODUCTION DU CHAPITRE

Ce chapitre s’articule autour des stratégies de réduction de la pauvreté et de protection sociale. Les différents problèmes en matière d'inégalité et de pauvreté au Viet Nam seront passés en revue et les facteurs de risques et de vulnérabilité ainsi que des différentes mesures et politiques mises en place seront discutés.

La première partie de ce chapitre aborde les politiques de soutien aux pauvres pour améliorer leurs capacités. Le système des politiques et des programmes de lutte contre la pauvreté reste complexe à cause d'une multiplication des documents administratifs. Cela crée une confusion autant pour les exécuteurs que pour les bénéficiaires. Il faut aussi constater que les bénéficiaires des programmes de lutte contre la pauvreté sont finalement presque toujours les mêmes. Ce sont les ménages considérés comme pauvres selon le seuil de pauvreté nationale. Certains ménages bénéficient d'ailleurs de plusieurs projets de lutte contre la pauvreté en même temps.

Dans la deuxième partie, le problème du seuil de pauvreté au Viet Nam sera discuté. Une approche historique a été utilisée pour montrer l'évolution du seuil de pauvreté selon le temps. On a constaté qu'il n'est pas facile de définir la pauvreté et que cette définition détermine les approches des politiques mises en place. Cela sera abordé dans la troisième partie.

La quatrième partie de ce chapitre chercher à montrer la complexité induite par les interactions entre politiques pour sortir de la pauvreté et politiques de croissance. Cette complexité est illustrée par des chiffres collectés au cours du temps. La réalité montre que l'inégalité s'accroît et les populations vietnamiennes sont de plus en plus vulnérables. Un exemple plus concret de la politique de croissance économique, cause d’une plus forte vulnérabilité des paysans, est la politique agraire. L’objectif de cette réforme était de s'approcher d'une allocation des terres plus efficiente pour une meilleure équité, toutefois, ce ne fut pas le cas.

2.1. POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ : VUE D'ENSEMBLE

2.1.1. Résumé des diverses stratégies de lutte contre la pauvreté au Viet Nam

Au début des années 1950, le développement était synonyme de "mise en valeur des pays". Aujourd'hui, il s'agit de mettre en valeur les individus, "people are assets", des actifs productifs (Mestrum, 2002). Par conséquent, l'objectif de la lutte contre la pauvreté est de créer des personnes libres et autonomes, propriétaires d'un capital physique, humain et social qui témoigne de leurs capacités. Autrement dit, la seule possibilité pour réduire la pauvreté est de faire en sorte que les pauvres eux-mêmes produisent des richesses. L’idée est donc de renforcer les capacités des pauvres par le biais d’un fonctionnement transparent des marchés, offrant un choix parmi divers fournisseurs de services sociaux garantissant la sécurité.

En 1999, la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) ont lancé une initiative conjointe marquant une réorientation de leurs stratégies. Ainsi, tous les pays à bas revenus désireux de bénéficier d’une aide financière devaient préparer un programme de lutte

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30 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

contre la pauvreté, désigné en français sous le terme de Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP, en anglais PRSP). Les politiques d’aide au développement, désormais placées sous l’égide des DSRP, accordent aujourd’hui une place centrale à la lutte contre la pauvreté.9

Comme la plupart des pays du Sud, pour obtenir l'aide de la BM et du FMI, le Viet Nam a construit un programme de croissance économique et de réduction de la pauvreté. Ce document a coïncidé avec une phase de planification intense de la politique économique du pays. Cette phase a débouché sur l'établissement d’une stratégie décennale et d’un plan quinquennal de développement socio-économique dont l’objectif était la croissance économique et la réduction de la pauvreté. Le Gouvernement vietnamien a construit un programme de développement socio-économique et de réduction de la pauvreté pour la période 2005-2010, le principal but étant de réduire de 40 % le nombre de personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté internationale et de 70 % le nombre des gens vivant en-dessous du seuil de pauvreté alimentaire.

Depuis 1998, le Gouvernement vietnamien a lancé un programme d’aide auprès des ménages pauvres dans tout le pays. Puis, en 2001, ce programme s’est combiné avec un autre programme sur l’emploi et est devenu le Programme pour les objectifs nationaux de réduction de la pauvreté et pour la création d’emplois. En mai 2002, le Premier Ministre du Viet Nam a approuvé la Stratégie complète de croissance et de réduction de la pauvreté (CPRGS) sous le décret numéro 2685/VPCP-QHQT du Gouvernement du 21/5/2002. Ce document s’inscrit dans une phase de développement économique du pays. Cette phase a débouché sur l’établissement de la stratégie décennale de développement socio-économique et du plan quinquennal de développement socio-économique (PDSE) en vigueur au Viet Nam. En juillet 2002, ce document a été présenté au Bureau de la Banque Mondiale comme un Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP). Tous les cinq ans, le Premier Ministre a approuvé un nouveau décret pour le CPRGS pour l’adapter aux objectifs de développement socio-économique quinquennal du pays. En 2007, c'était le décret numéro 20/2007/QĐ- TTg du 5/2/2007 du Gouvernement pour la période 2006 - 2010. Et après 2010, cela a été le décret numéro 1489/QĐ-TTg du Gouvernement du 8/10/2012 pour la période de 2012 - 2015.

Les objectifs de la CPRGS sont les suivants :

• Encourager une croissance économique rapide et durable en mettant l’accent sur le développement de l’agriculture et des zones rurales, la sécurité alimentaire, la création d’emplois et l’élimination des inégalités entre régions et entre ethnies ;

• Créer un environnement économique favorable pour tous les secteurs et tous les types d’entreprises ;

• Continuer la réforme structurelle concernant le budget gouvernemental, le secteur bancaire et commercial, le marché financier ;

• Entreprendre la réforme du secteur public : c'est-à-dire une réforme institutionnelle de l’administration et des finances publiques ;

• Encourager le développement humain et la réduction des inégalités : améliorer les services d’éducation et de santé, protéger l’environnement, prévenir le VIH/SIDA, assurer l’égalité entre les genres, améliorer les conditions de vie des groupes ethniques minoritaires ;

• Améliorer la capacité des groupes vulnérables en développant la protection sociale ;

9 http://www.gemdev.org/publications/cahiers/pdf/30/Cah_30_CLING.pdf

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 31

• Etablir un système d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs du développement socio-économique et de la réduction de la pauvreté.

La lutte contre la pauvreté au Viet Nam a attiré la participation de plusieurs institutions : les ministères concernés (transport, agriculture, aquaculture, etc), les autorités locales et les organisations et associations gouvernementales et non gouvernementales. Chaque institution apporte sa contribution et a son rôle à jouer.

Parallèlement à ce CPRGS, le Gouvernement vietnamien a aussi exécuté le programme 135 pour développer le niveau économique et social des communes très pauvres. Ce programme s’est déroulé de 1998 à 2010. En 2008, la Résolution numéro 30a (NQ30a/2008/NQ-CP) a approuvé les programmes de réduction rapide de la pauvreté qui se concentrent sur les régions rurales, en particulier les 61 districts les plus pauvres du pays.

• Programme 135

En 1998 le Premier Ministre vietnamien a approuvé la décision numéro 135/1998/QD-TTg du 31/07/1998 sur le programme de réduction de la pauvreté dans les communes faisant face à des difficultés extrêmes dans des zones montagneuses et de peuplement ethnique. Ce programme a été nommé "programme 135". Le Programme 135 touche plus de 40 provinces du Viet Nam et cible les groupes ethniques. Il reste difficile à appréhender car il s’intéresse à quasiment tous les aspects de la vie locale : infrastructures (routes, ponts, écoles, dispensaires), aides agricoles, formation des cadres, santé, etc. Cette ambition multi-thématique pose les limites de l’intervention. Par ailleurs, sa mise en-œuvre et ses attributions, que ce soit au niveau local, communal ou provincial, manquent cruellement de clarté. Deux phases de ce programme ont déjà été mises en place et le programme entre actuellement dans sa troisième phase.

La phase I du programme 135 a été lancée en 1998. Cinq types de projets ont été mis en place dans 2374 communes pauvres :

- Projets de construction d'infrastructures

- Projets de construction des centres des communes montagneuses

- Projets d'aménagement populaire

- Projets de développement de la production agricole et sylvicole

- Projets de formation des responsables administratifs des communes et des villages

La phase II du programme 135 a été mise en place entre 2006 et 2010 selon le décret numéro 07/2006/QD-TTg du 10/01/2006 de Premier Misisitre et recouvrait les quatre objectifs suivants :

- Soutenir la production par l'amélioration des capacités de production des groupes ethniques minoritaires

- Développer les infrastructures pour améliorer l’accès des ménages

- Développer les connaissances sociales et culturelles des ménages pour améliorer leur accès aux services publics

- Améliorer les capacités des responsables des communes

Dans chaque province, la phase II du programme 135 était présidée par le Comité Populaire de la Province. Ce programme a été mis en place dans 1600 communes pauvres avec un budget total, de 2006 à 2010, d'environ 1,1 milliard de dollars.

A partir de 2013, le Premier Misisitre a publié le décret numéro 551/QĐ-TTg du 04/4/2013 pour le programme 135 couvrant la prériode 2012 – 2015.

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32 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

• La résolution 30a : Programme de réduction de la pauvreté rapide et durable pour les 61 districts les plus pauvres

Les 61 districts les plus pauvres correspondent aux districts où le taux de pauvreté est supérieur à 50%. Le but de ce programme est d’obtenir des progrès rapides concernant la vie des groupes ethniques minoritaires pauvres et de créer une égalité entre les différents districts du pays d’ici 2020. Ce programme recouvre quatre composantes :

- Des politiques d'assistance en matière de production pour créer de l'emploi et améliorer le revenu des pauvres

- Des politiques d'éducation, de formation professionnelle et d'amélioration des connaissances des pauvres

- Des politiques d'investissement dans les infrastructures des districts

- Des politiques d'encouragement pour les responsables des communes

On constate que ces trois programmes ont de nombreuses similitudes, telles que les politiques d'amélioration de l’accès aux services sociaux de base et les politiques d'assistance en matière de production pour les ménages pauvres.

2.1.2. Politique de développement des infrastructures

Les projets de construction d'infrastructures apparaissent dans tous les programmes de lutte contre la pauvreté, et plus particulièrement dans le programme 135.

Ils se basent sur la loi numéro 01/2002/QH11 du 16/12/2002 et l'arrêté numéro 60/2003/NĐ-CP du 06/06/2003 du Gouvernement sur la mise en œuvre de la loi concernant le budget de l'Etat ainsi que sur la décision numéro 30/2007/QĐ-TTg du 05/03/2007 du Gouvernement concernant les régions en difficulté. Les projets d'investissement du Gouvernement visent à construire les infrastructures essentielles selon les conditions spécifiques à chaque province. Ce sont principalement des écoles, des centres de santé, des routes, des systèmes d'irrigation, des systèmes d'eau et d'électricité, des marchés, etc.

2.1.3. Politique d'amélioration de l’accès au crédit pour les pauvres

• Décret 78/2002/ND-CP du 04/10/2002 du Gouvernement sur le crédit pour les pauvres et les autres bénéficiaires.

Des crédits en faveur des ménages pauvres sont proposés pour que ces derniers puissent investir dans les activités de production. Les ménages pauvres sont dispensés des actifs hypothécaires des prêts et des frais des procédures administratives. Le montant du prêt et le délai de remboursement sont décidés par la Banque des Politiques Sociales (BPS). Le taux d'intérêt est décidé périodiquement par le premier ministre et pour toutes les régions du pays. Les bénéficiaires de ce programme sont les pauvres inscrits sur les listes de pauvreté des communes.

• Décision 579/QD-TTg du 06/05/2009 du Premier Ministre concernant le taux d'intérêt des prêts de la Banque des politiques sociales pour les pauvres. Les ménages pauvres inscrits sur les listes de pauvreté voient leur taux d’intérêt subventionné à hauteur de 4% (subventionné à 100% pour les taux d’intérêt égaux ou inférieurs à 4%).

• La circulaire numéro 06/2009/TT-NHNN de la Banque Nationale du Viet Nam stipule les détails des politiques de crédit pour les ménages pauvres ayant accès aux programmes

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 33

d'assistance des 61 districts les plus pauvres selon la résolution 30a/2008/NQ-CP du 27/12/2008 du Gouvernement.

Les ménages pauvres peuvent emprunter de l'argent aux banques commerciales comme la Banque Agricole et de Développement et la Banque d'Investissement, pour investir dans la production agricole, aquacole et sylvicole. Le Gouvernement subventionne à environ 50% le taux d'intérêt.

Les ménages qui n’ont pas accès au programme 30a peuvent cependant emprunter 5 millions de VND pendant deux ans à un taux d'intérêt de 0% pour acheter du bétail (buffles, bœufs ou volailles) ou investir dans le domaine aquacole.

• La décision numéro 1592/2009/QĐ-Ttg du 12/10/2009 du Gouvernement sur l'assistance en matière de crédit pour les ménages des régions principalement habitées par des minorités.

Les ménages qui n'ont pas ou pas assez de terres cultivées, ont le droit d'emprunter au maximum 10 millions de VND pendant 5 ans à un taux d'intérêt de 0%.

Les ménages qui sont contraints à une réorientation professionnelle mais n'ont pas assez d'argent, peuvent emprunter un maximum de 10 millions de VND pendant 3 ans à un taux d'intérêt de 0%.

Les bénéficiaires sont les ménages issus des minorités ethniques pauvres qui n'ont pas ou pas assez de terres cultivées et qui rencontrent beaucoup de difficultés au quotidien.

• La décision numéro 32/2007/QĐ-Ttg datée du 05/03/2007 du Gouvernement concernant le crédit de soutien à la production agricole des ménages issus de minorités ethniques et rencontrant beaucoup de difficultés.

Les ménages peuvent emprunter 5 millions de VND à un taux d'intérêt de 0%.

Tous les bénéficiaires de ces programmes sont inscrits sur les listes de pauvreté des communes. Etant donné les nombreuses politiques de crédits, un ménage pauvre peut avoir accès à différents crédits au même moment. Selon le bureau des statistiques, à partir d’octobre 2010, 98 000 ménages pouvaient emprunter un crédit auprès de 4 à 6 programmes de crédit différents. Il existe un chevauchement important des politiques des crédits.

2.1.4. Politique de formation pour aider les pauvres

Cette politique consiste à former professionnellement et apprendre de nouveaux métiers aux ménages pauvres afin d’améliorer leur chance de trouver un emploi.

La politique de formation professionnelle a été mise en place lors de la deuxième phase du programme de lutte contre la pauvreté nationale (2006 à 2010) et fait partie du programme 30a.

En 2005, le Gouvernement a promulgué la décision 81/2005/QD-TTg sur la formation professionnelle à court terme pour les travailleurs ruraux, puis la décision n ° 267/2005/QD-TTg sur la formation professionnelle pour les étudiants issus de minorités ethniques. En 2009 a été promulguée la décision 71/2009/QD-TTg du 29/04/2009 du Premier Ministre pour soutenir la formation en langue étrangère pour les travailleurs exerçant un métier à l’étranger. Enfin a été promulguée la décision 1956/QD-TTg sur l'approbation du projet de « formation professionnelle pour les travailleurs ruraux ».

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34 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

2.1.5. Politique de vulgarisation

En 2007, le Ministère du Travail, des Invalides et des Affaires Sociales (MIAS) a approuvé la circulaire numéro 102/2007/TTLT-BTC-BLDTBXH introduisant le mécanisme de gestion des financements de projets du programme CPRGS. Les bénéficiaires de ce programme sont : les pauvres des régions isolées, montagneuses, côtières; les minorités ethniques pauvres; et les pauvres définis selon le seuil de pauvreté nationale.

En 2009, le Ministère de l'Agriculture et du développement rural a approuvé le circulaire numéro 12/2009/TT-BNN du 06/03/2009. Cette dernière guide les niveaux d'assistance aux projets de production agricole qui appartiennent au programme 135 Phase II. Tous les modèles de vulgarisation et d'application des nouvelles techniques ont été financés par le Gouvernement. Le niveau de financement est décidé par le Comité Populaire de chaque province. Les ménages pauvres ont reçu gratuitement des semences, des équipements pour développer leur production.

La même année, le même Ministère a approuvé la circulaire numéro 08/2009/TT-BNNPTNT du 26/02/2009 qui a introduit le mécanisme d'exécution des politiques d'appui aux productions agricoles selon la résolution 30a/2008/NQ-CP du 27/12/2008 du Gouvernement. Tous les ménages pauvres appartenant aux 61 districts les plus pauvres sont les bénéficiaires de ce programme.

2.1.6. Politique de santé

En 2002, le Premier Ministre a approuvé la décision 139/2002/QĐ-TTg sur les soins de santé pour les pauvres. Les ménages pauvres ont obtenu des cartes d'assurance santé pour une cotisation de 50 000VND/personne.an.

2.1.7. Politique d'éducation

• La circulaire 06/2007/TT-UBDT du 20/09/2007 établit le niveau d’assistance aux enfants issus de familles pauvres et vivant dans les communes désignées par le programme 135. A l'école maternelle, les frais des repas et les fournitures scolaires sont pris en charge par l’Etat à hauteur de 70 000VND/enfant.mois. A l'école primaire et secondaire, l’Etat accorde une subvention de 140 000VND/enfant.mois.

• La décision 62/2005/QĐ-TTg du 24/03/2005, la décision numéro 20/2007/QĐ-TTg datée du 05/02/2007 et le décret numéro 49/2010/NĐ-CP du 14/05/2010 stipulent que les enfants des minorités pauvres et les enfants handicapés des ménages pauvres sont exonérés des frais d’études tandis que les enfants des ménages pauvres doivent payer 50% des frais d'études.

• La décision 157/2007/QD-TTg du 27/09/2007 accorde un crédit aux étudiants. Les enfants des ménages pauvres peuvent emprunter au maximum 800 000 VND/étudiant.mois à un taux d'intérêt de 0,5%/mois.

2.1.8. Politique d'amélioration de l'habitat et de l’accès à l’eau

La décision 134/2004/QĐ-TTg approuvée le 20/07/2004 indiquait que les groupes ethniques minoritaires rencontrant des difficultés au niveau de la culture de leurs terres, du logement, et de l'accès à l’eau, avaient droit à une subvention de 5 millions VND/ménage pour améliorer

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 35

leurs conditions de vie. Ils ont aussi reçu 0,5 tonne de ciment/ménage pour construire des réserves d'eau de pluie ou bien 300 000 VND/ménage pour creuser un puits.

En 2008, le Premier Ministre a approuvé la décision numéro 167/2008/QĐ-TTg du 12/12/2008 sur les questions du logement des ménages pauvres vivant en milieu rural. Les ménages pauvres ont reçu 7 millions VND/ménage pour reconstruire ou réparer leurs maisons. En plus, ils ont eu le droit d'emprunter 8 millions VND à un taux d'intérêt de 3%/an pendant 10 ans auprès de la Banque des Politiques sociales. Le paiement du taux d'intérêt commence à partir de la cinquième année. Chaque année, les ménages doivent payer 20% du montant total du prêt.

La décision 33/2007/QĐ-TTg du 03/05/2007 sur l’amélioration des conditions de vie des groupes ethniques minoritaires sédentarisés sur la période de 2007 à 2010 a été approuvée par le Premier Ministre. Chaque ménage a reçu 15 millions de VND pour construire sa maison et son système d'eau et d'électricité.

2.1.9. Politique de soutien juridique

La décision 112/2007/QD-TTg datée du 20/07/2007, la circulaire 06/2007/TT-UBDT du 20/09/2007 et la circulaire 07/2008/TT-BTP du 21/10/2008, concernant les problèmes juridiques ont été approuvées. Les pauvres des régions désignées par le programme 135 et d'autres régions peuvent participer aux activités du club d'aide juridique pour obtenir des informations juridiques.

2.1.10. Conclusion

Une description des politiques du Gouvernement Vietnamien a été réalisée au point précédent sur base des documents disponibles, mais des inconnues subsistent à cause de l'évolution rapide des documents au cours du temps. Ces changements, parfois très rapides, rendent certains documents inaperçus.

Toutefois, des points importants ont pu être mis en évidence :

• Concernant les bénéficiaires des programmes - Ce sont les ménages pauvres et des communes pauvres dans toutes les régions du pays

pour le programme de la CPRGS

- Ce sont les ménages pauvres des villages ou des communes couverts par le programme 135 de toutes les régions du pays. Comme cela a déjà été mentionné auparavant, ces villages sont couverts par ce programme depuis 1998.

- Ce sont les ménages pauvres de 62 districts pauvres désignés par la résolution 30a en 2008

Il existe aussi une division au sein même des ménages pauvres :

- Les ménages pauvres selon le seuil de pauvreté nationale,

- Les ménages issus des minorités ethniques pauvres,

- Les ménages issus des minorités ethniques qui vivent dans les régions très démunies tels que dans les zones de haute montagne ou sur le littoral.

• Concernant le système de gestion des dépenses du Gouvernement: En se basant sur les contenus des programmes de lutte contre la pauvreté, le Gouvernement a promulgué la loi sur le budget pour les bénéficiaires concrets.

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36 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

Les caractéristiques spécifiques de la gestion de la pauvreté au Viet Nam trouvent leur origine dans la longue histoire du pays. Ces caractéristiques permettent notamment de comprendre la gestion locale de la pauvreté qui est une application de la politique nationale. Cette dernière étant largement influencée par les références internationales. Les fonctionnaires locaux gardent cependant un réel pouvoir d’évaluation de la situation des pauvres au niveau local sur la gestion concrète des programmes de pauvreté. Ceci est un héritage de la culture historique de l’Etat.

Le niveau communal de l’administration étatique est une réalité vieille de plusieurs centaines d’années, et a été historiquement lié à l’influence des principes du confucianisme qui guidaient les fonctionnaires communaux. Cette évolution a été bien étudiée par le grand historien Nguyen Khac Vien.10

Selon l’historien Nguyen Khac Vien, la mise en place d’une administration centralisée au Viet Nam, s’est faite sous les dynasties Ly et Tran, du XIème au XIVème siècles,qui constituent l’époque de l’Etat féodal centralisé. Peu à peu une bureaucratie s’organisa, dirigée par les mandarins, fonctionnaires recrutés par concours, que la monarchie payait avec les impôts sur les terres, les produits artisanaux, forestiers et les transactions sur les marchés. En 1242, sous la dynastie Tran, il y eut la mise en place d’administrations communales, dirigées par des fonctionnaires, alors qu’avant l’administration royale couvrait seulement les niveaux de la province et du district (p.35-38).

L’influence du confucianisme s’est renforcée au XVème siècle et il est devenu la doctrine officielle de l’Etat. Il y avait alors deux types de lettrés confucéens : l’un serviteur du roi, soucieux de sauvegarder ses privilèges, l’autre porteur d’un idéal de morale sociale et individuelle, fidèle à sa patrie, mais figé dans un ritualisme rigoureux (idem p. 69-70).

Le système monarchique féodal connut ensuite, progressivement une évolution qui a vu s’affirmer les intérêts de propriétaires fonciers locaux. Un problème de plus en plus grave était l’accaparement des terres communales par les propriétaires privés, mettant les paysans dans des situations de plus en plus précaires. L’administration communale devenait de plus en plus corrompue. Il y eut des tentatives de bloquer cette évolution négative, en s’inspirant d’un renouveau des principes confucéens de justice et d’équité, notamment vers 1740-1750, avec la proposition de nationaliser toutes les terres pour redistribuer celles-ci de manière équitable. Mais l’Etat ne put ou ne voulut pas mettre cette réforme agraire en place.

Le confucianisme en tant que doctrine d’Etat est donc entré en crise, montrant son impuissance de plus en plus manifeste à inspirer des politiques justes face aux évolutions sociales et économiques dominantes. Ceci eut pour conséquence d’inspirer de nombreuses révoltes paysannes (mouvement des Tay Son à la fin du XVIIIème siècle (idem, p.97-99)).

La domination coloniale a ensuite mené à la destruction des structures étatiques du Viet Nam ancien. Mais le confucianisme a continué a influencer les mentalités, comme un idéal à atteindre.

La période socialiste pré Doi Moi a certainement beaucoup contribué à faire renaître une vision d’un Etat qui doit être juste et équitable. Aujourd’hui, l’héritage historique reste bien présent dans la mise en pratique des politiques de lutte contre la pauvreté. Et les contradictions que l’on y rencontre entre les intérêts privés et les obligations sociales des fonctionnaires locaux, d’une certaine manière rappellent des situations qui ont déjà été vécues il y a des siècles.

10

Nguyen Khac Vien, Vietnam, Une longue histoire, Editions Thé Gioi, Hanoi, 2007

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 37

2.2. EVOLUTION DU SEUIL DE PAUVRETÉ

Pour pouvoir comprendre le seuil de pauvreté établi dernièrement, une analyse de l'évolution du seuil de pauvreté au fil du temps s'avère utile.

2.2.1. Avant la révolution d’Août 1945

L’économie du Viet Nam durant cette période était très faiblement diversifiée. 90 % de la population vivait en région rurale. L’agriculture jouait un rôle très important, la vie de la population dépendait totalement de l’agriculture alors que les terres étaient très insuffisantes. Durant cette période, les ménages qui n’avaient pas de terre avaient une vie très difficile. La surface de terre cultivée était l’indicateur principal pour classer la population en catégories de classe sociale.

Tableau 2.1 : Superficie moyenne de terre par catégorie

N° Classe sociale Superficie moyenne de terre cultivée par personne (m²)

1 « Dia chu » – propriétaire foncier 10 980

2 « Phu nong » – paysan riche 4200

3 « Trung nong » – paysan moyen 1450

4 « Ban nong » – paysan pauvre 472

5 « Co nong » – paysan très pauvre 112

Source : Cuc, Tiem, 1996, p12

Les « Ban nong » et « Co nong » appartenaient aux classes sociales les plus pauvre de la société car ils n’avaient pas assez de terre pour assurer leur sécurité alimentaire. Le tableau montre que la superficie moyenne de terre cultivée de ces derniers était seulement de 472 m²/pers. pour les "Ban nong" et 112 m²/pers. pour les "Co nong", tandis que la superficie moyenne de terre cultivée/pers des "Dia chu" était 23 fois plus importante.

Il existait une grande inégalité entre le revenu moyen par personne des colons français et celui des paysans, comme le montre le tableau ci-dessous.

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38 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

Tableau 2.2 : Revenu moyen par personne (en monnaie Dong Duong - piastre)

Ind : piastre (1 piastre = 100 cent)

Colons français 44 000

Propriétaires fonciers 6000

Paysans (revenu le plus haut) 28

Paysans (revenu moyen) 18

Paysans pauvres 12

Source : Cuc, Tiem, 1996, p11-15

A la fin de l’occupation française, la vie était rude et les paysans très démunis, la famine régnait partout. En 1945, à cause de la guerre, de la famine et des maladies, deux millions de morts furent recensés. Plus de 90% de la population était analphabète.

2.2.2. De la révolution d’Août au « Doi Moi »

Le Gouvernement vietnamien fut établi en 1945. Pendant 9 ans, de 1945 à 1954, la résistance contre l’occupation française s'organisa. A partir de 1954, le Viet Nam fut divisé en deux, le Nord était devenu indépendant mais au Sud une guerre de résistance contre les Etats-Unis avait débuté et se poursuivit jusqu’en 1975. En 1976, le Viet Nam fut réunifié et devint indépendant.

De 1945 à 1975, le président Ho Chi Minh et les dirigeants vietnamiens mirent en place de nombreuses politiques. Les plus importantes étaient des politiques agraires prônant le slogan suivant : « les paysans doivent posséder leurs terres », ainsi que le développement des coopératives avec la mise en place d’un régime de « forfait ». Grâce à ces politiques, la vie des paysans s’améliora un peu (Cuc et Tiem, 1996). Les paysans pouvaient cultiver une surface de terre suffisante pour assurer leur sécurité alimentaire.

A la fin de la guerre, en 1975, la production fut principalement orientée en fonction des demandes de l’Etat. Durant cette période, l’accroissement du surplus agricole requis pour soutenir l’effort d’industrialisation connut beaucoup de problèmes d’origines diverses, dont la discussion dépasse le cadre de cette contribution. Un consensus au Viet Nam s’est fait, pour considérer qu’à cette époque, les conditions de production et de la vie paysanne ne se sont pas améliorées autant que l’espéraient l’Etat et les populations. Les paysans n’étaient pas incités à accroître la production agricole. La gestion trop administrative des coopératives, les difficultés d’approvisionnement, les insuffisances des circuits de distribution ont entraîné des pénuries alimentaires et une stagnation des conditions de vie dans les régions rurales comme dans les centres urbains (Cuc et Tiem, 1996).

2.2.3. La période post-Doi Moi

Depuis la fin des années 80, le Viet Nam est passé d’une économie planifiée et centralisée à une « économie de marché », toutefois orientée vers le socialisme et gérée par l’Etat. Au niveau de l’agriculture, le Viet Nam a poursuivi une politique agricole axée sur la croissance.

Dès 1981 (directive 100), les terres ont été distribuées individuellement aux paysans pour des durées limitées, et l’Etat fournissait en partie les moyens de production. Puis le contrat 10 est entré en vigueur en 1988 (résolution n°10). Cette fois, la majorité des récoltes était laissée aux

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 39

paysans et ceux-ci avaient la liberté de les utiliser comme ils l’entendaient. Mais la terre restait propriété de l’Etat et était susceptible d’être redistribuée à intervalles réguliers.

Ensuite, arriva la loi foncière de 1993. Ce fut la touche finale des réformes agraires. Elle visait à sécuriser les investissements paysans dans le foncier. Cette réforme alloua les terres agricoles aux paysans pour de longues durées (de 15 à 50 ans). En 1996, la loi sur les coopératives fut promulguée pour déterminer le rôle des coopératives dans le secteur des services pour l’économie des unités familiales. C’est à partir de ce moment que les infrastructures furent progressivement améliorées, ce qui facilita les activités de production des paysans. De nombreuses routes ont été restaurées ou construites.

Grâce à l’influence positive de ces politiques, la vie matérielle d’une grande partie de la population fut améliorée, le nombre de familles pauvres diminua. Le secteur de la santé, notamment les soins médicaux primaires, la prévention des maladies et l’enrayement des épidémies, connut de bons résultats. L’éducation physique et les sports se développèrent, tant sur le plan général que sur le plan des hautes performances (Ba, Quang et al. 2001).

Durant cette période, deux types d’organisations mesuraient la pauvreté : le Bureau des Statistiques Générales (BSG) (en anglais, « GSO - General Statistics Office ») et le Ministère du Travail, des Invalides et des Affaires Sociales (MIAS) (en anglais, « MOLISA - Ministry of Labour, Invalids and Social Affairs »). Les deux organisations utilisèrent l’approche monétaire de la Banque mondiale pour analyser la pauvreté du pays.

� L’approche BSG- BM (GSO -WB)

Les enquêtes sur le niveau de vie de la population au Viet Nam qui ont eu lieu en 1993 ont servi de base pour calculer le seuil de pauvreté en 1998. Selon le BSG, le seuil de pauvreté correspondait au revenu suffisant pour acheter un panier alimentaire égal à 2100kcal/personne.jour. Les ménages qui avaient des revenus en-dessous de ce seuil étaient considérés comme pauvres.

Les étapes de calcul du seuil de pauvreté en 1993 étaient les suivantes :

- Etablir un panier alimentaire composé de 40 produits alimentaires regroupés en 12 catégories qui fournissent un apport alimentaire de 2100kcal/personne.jour.

- Calculer la somme d’argent nécessaire pour acheter ce panier alimentaire en utilisant le prix moyen défini en 1993.

Deux questions se posèrent alors :

- Comment choisir les produits dans ce panier ?

- Quels prix utiliser pour calculer le coût de ce panier ?

Pour répondre à ces questions, les explications concrètes, tirées de la recherche menée par Phung Duc Tung sont exposées ci-dessous.

Pour établir ce panier, les données de l’enquête du niveau de vie des ménages réalisée en 1993. Cinq quintiles selon les dépenses de consommation ont été établis. Le premier groupe représente 20 % du total des ménages et ainsi de suite.

Les données de consommation alimentaire par personne de chaque groupe ont été utilisées pour calculer les calories journalières moyennes d’une personne. Deux groupes d’articles alimentaires ont été constitués : l’un dont on a recensé la quantité et le coût (A1) et l’autre dont on ne connaît pas la quantité mais dont on a les données sur le coût (A2) (par exemple les repas que l'on a pris au restaurant, les fruits de mer, les boissons non alcoolisées).

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40 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

Pour calculer les calories moyennes par personne par jour de chaque groupe, il a fallu tout d’abord estimer le nombre de calories des A1, puis convertir les calories des A1 en argent pour connaître les calories obtenues par les A2. La deuxième colonne dans le tableau montre les calories moyennes consommées par personne pour chaque quintile qui n’utilise que les articles alimentaires A1, et la troisième colonne ajuste les calories de consommation d'autres articles alimentaires des A2.

Tableau 2.3 : Dépense caloriques par quintile - Étude du niveau de vie au Viet Nam de 1992-1993

Quintile Calories/personne.jour Calories ajustées/personne

1 (le plus pauvre) 1568 1598

2 1829 1891

3 1969 2052

4 2065 2237

5 (le plus riche) 2041 2565

Source : GSO- http://www.nscb.gov.ph/poverty/conference/papers/8_Viet Nam.pdf

D’après tableau 2.3, on constate que c’est le troisième quintile qui correspond à la consommation de calories la plus proche de 2100 calories par jour. Le panier alimentaire a donc été basé sur les modèles de la consommation alimentaire des ménages du troisième quintile. Le tableau 2.4 montre la consommation alimentaire par personne du troisième quintile de 1992-1993 VLSS11, ou la deuxième colonne montre la quantité moyenne actuelle consommée par personne. Cette quantité de produits alimentaires fournit 1696 calories par personne par jour pendant un an. Pour obtenir un panier alimentaire de 2100Kcal, tous ces quantités étaient ensuite multipliées par 1,0665 (=2100/1696).

On a ensuite pris le prix moyen de chaque produit en 1993 pour calculer la valeur de ce panier. Le seuil de pauvreté était le suivant :

- Dans les régions urbaines : 64 450 VND/personne.mois

- Dans les régions rurales : 47 000 VND/personne.mois

La valeur du panier alimentaire représentait 92 % des dépenses totales du troisième groupe. C’est pourquoi le seuil de pauvreté a été modifié comme suit : "la valeur du panier alimentaire" x "100/92" (1,086).

Le seuil de pauvreté des années suivantes (1994, 1995, 1996) a aussi été calculé en se basant sur la valeur du panier établie en 1993, mais en tenant compte de l’évolution des prix au cours de chaque année. Le taux de pauvreté qui était de 19,99 % en 1993 a chuté à 15,7 % en 1996.

En 1997-1998, le BSG a travaillé avec la Banque mondiale pour mener une enquête sur le niveau de vie des ménages.

11

The 1992-1993 Vietnam Living Standard Survey (VLSS)

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 41

Tableau 2.4: Panier alimentaire du Viet Nam fournissant 2100Kcal par jour (ind : kg/an)

Article de la nourriture Quantités réelles consommées Quantités ajustées

Riz ordinaire 159,0 169,6

Riz gluant 5,5 5,9

Maïs 2,0 2,1

Manioc 8,8 9,4

Pommes de terre 10,7 11,4

Pain 0,7 0,8

Nouilles 0,6 0,7

Pâtes de riz fraîches 2,3 2,5

Vermicelles 0,8 0,8

Porc 4,9 5,2

Bœuf 0,1 0,1

Poulet 2,1 2,3

Canard 0,7 0,7

Autres viandes 0,2 0,2

Viandes préparées 0,04 0,0

Saindoux/huile 1,4 1,5

Poissons frais 10,3 11,0

Poissons séchés 0,7 0,7

Œufs 0,4 0,4

Tofu 2,9 3,1

Cacahuètes /Sésame 0,9 0,9

Haricots 0,9 1,0

Liserons d’eau 14,1 15,0

Chou-rave 5,6 6,0

Chou 5,6 5,9

Tomates 3,2 3,4

Autres légumes 14,2 15,2

Oranges 0,5 0,5

Bananes 6,2 6,6

Mangues 0,5 0,6

Autres fruits 5,9 6,3

Sauce de poisson 5,6 6,0

Sel 5,4 5,7

Sucre 2,4 2,5

Cake/Bonbons 0,4 0,4

Lait 0,04 0,0

Bière/Alcool 3,8 4,1

Café 0,1 0,1

Thé 2,4 2,5

Source : GSO http://www.nscb.gov.ph/poverty/conference/papers/8_Vietnam.pdf

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42 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

Selon la Banque mondiale, il y a deux seuils de pauvreté :

- Le seuil de pauvreté alimentaire qui correspond au montant monétaire nécessaire pour acheter des aliments.

- Le seuil de pauvreté générale qui correspond à la somme d’argent nécessaire pour acheter les produits alimentaires et non alimentaires.

Dans cette nouvelle enquête du BSG et de la BM, les prix de 1998 ont été utilisés pour calculer la valeur du panier alimentaire établie en 1993. Le coût du panier alimentaire était ainsi estimé à 1 286 833VND/personne.an. Puis on a pris la valeur des produits non alimentaires en 1993 accompagnée d’un coefficient de 1,255 (taux d’inflation). Le seuil de pauvreté non alimentaire était égal à 503 038VND/personne.an. Le seuil de pauvreté générale étant dès lors de 1 789 871VND/personne.an.

Source : BGS

Figure 2.1. Taux de pauvreté

Tableau 2.5 : Taux de pauvreté alimentaire en 1998 (%)

En général La région rurale La région urbaine

Taux de pauvreté alimentaire en 1998 (%) 15 18,3 2,3

Source : BGS

� L’approche du MTIAS

En 1997, le MTIAS a présenté une autre approche du seuil de pauvreté. Le calcul s’est basé sur :

- la demande minimum d’énergie nutritionnelle fixée à 2100kcal/personne.jour. Cette énergie étant convertie en aliments pour faire le calcul

- la base des enquêtes ayant eu lieu dans les années 1990, 1991, 1992, 1993. Le MTIAS a calculé que le taux de dépenses en nourriture dans les dépenses totales d’un ménage était de 80 % en région rurale et de 70 % en région urbaine.

Le seuil de pauvreté calculé correspond à la demande minimum en nourriture x le coefficient de la dépense : 100/80 (rural) et 100/70 (urbain).

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 43

Dans l’approche du MOLISA, la somme nécessaire à la dépense alimentaire est convertie en équivalent-riz, ce qui permet un classement des ménages par catégorie en fonction de l’équivalent - riz.

Selon cette approche en équivalent - riz, on distingue :

- les ménages affamés : leurs revenus sont en-dessous de 45 000VND/ personne.mois (égal à 13kg de riz/ personne.mois)

- les ménages pauvres pour lesquels - trois niveaux sont recensés :

o dans les campagnes montagneuses et les îles : revenus en-dessous de 55 000 VND/ personne.mois (égal à 15 kg de riz/ personne.mois)

o dans les campagnes du Delta et de la région centrale : revenus en-dessous de 70 000VND/ personne.mois (égal à 20 kg de riz/ personne.mois)

o dans les régions urbaines : revenus en-dessous de 90 000VND/mois/personne (égal à 25 kg de riz/ personne.mois)

Source : MTIAS

Figure 2.2 : Taux de pauvreté selon le calcul du MOLISA

En résumé, si on compare le taux de pauvreté obtenu par les méthodes du GSO et du MOLISA, on constate une grande différence au niveau du résultat. Par exemple, en 1998 le taux de pauvreté générale était de 37,4% selon l’approche du BSG (figure 2.1), alors qu'il était de 15,7% selon l’approche du MTIAS (figure 2.2). La question suivante se pose : A quoi sert le taux de pauvreté?

2.2.4. Depuis 2001 jusqu’à maintenant

A partir de 2001, le seuil de pauvreté calculé par le MTIAS a été utilisé comme seuil de pauvreté nationale.

Depuis 2001 jusqu’à aujourd’hui, le seuil de pauvreté nationale a été modifié trois fois suite à l’inflation, comme indiqué dans la figure ci-dessous. Le seuil de pauvreté change tous les cinq ans et les compteurs sont remis à zéro au niveau des chiffres du taux de pauvreté.

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44 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

Au cours de la période 2001-2005, le MTIAS a modifié le seuil de pauvreté. Cette modification s’est basée sur :

- la croissance du PIB

- l’augmentation du salaire minimum

- l’augmentation du revenu et des dépenses moyennes par personne

Avec cette nouvelle évaluation, le niveau « ménages affamés » a disparu. Selon le MTIAS, l’augmentation du coefficient de dépense était en moyenne de 1,4-1,6. C’est pourquoi le seuil de pauvreté de la période 2001-2005 a augmenté d’environ 1,5 fois par rapport au seuil de pauvreté courant. Le seuil devient :

- dans les régions montagneuses rurales et les îles : 80 000VND/ personne.mois (960 000 VND/an)

- dans les régions rurales de delta : 100 000 VND/ personne.mois (1 200 000VND/an)

- dans les régions urbaines : 150 000VND/ personne.mois (1 800 000VND/an)

Au cours de la période de 2005 à 2010, le seuil de pauvreté a une nouvelle fois changé : 200 000VND/ personne.mois (1,03$/personne.jour, PPA 2005) (BM, 2012) pour les régions rurales et 260 000VND/ personne.mois (1,34$/personne.jour, PPA 2005) pour les régions urbaines.

De 2010 à 2015, le seuil de pauvreté a été de nouveau modifié. Dans les régions rurales, il est passé à 400 000VND/ personne.mois (1,29$/personne.jour, PPA 2005) (BM, 2012) et dans les régions urbaines, à 500 000VND/ personne.mois (1,61$/personne.jour, PPA 2005).

Tous les ménages possédant un revenu inférieur au niveau de pauvreté nationale sont considérés comme pauvres. Le seuil de pauvreté est calculé en fonction des besoins journaliers : nourriture de base, habillement, produits ménagers, etc.

Comme le seuil de pauvreté change tous les 5 ans depuis 2000, suite au phénomène d’inflation, pour estimer la pauvreté, le MTIAS a distribué des questionnaires aux ménages et à des encadreurs pour que ces ménages puissent déclarer eux-mêmes leurs revenus. Ce questionnaire reprend la valeur de leurs propriétés, la catégorie de maison dans laquelle ils vivent, les raisons majeures qui affectent leurs revenus et leur statut de pauvreté. Sur base du seuil de pauvreté de chaque période, les Comités de chaque province/district/commune ont classé les ménages pauvres.

Sur la base de cette classification, il devrait être possible de recenser le nombre exact de ménages pauvres et établir une liste qui regroupe tous ces ménages par village et par commune. Ces données pourraient être bénéfiques pour vérifier le bon fonctionnement des stratégies de lutte contre la pauvreté, tout comme l’impact des autres politiques également mises au point.

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 45

Source : BGS

Figure 2.3 : Evolution du taux de pauvreté au Viet Nam

Note : Les taux de pauvreté des années 2004, 2006, 2008, 2010 qui avaient été estimés selon le seuil de pauvreté pour la période 2006-2010 sont estimés selon le changement des prix : En 2004 le seuil de pauvreté était de 170 000VND/personne/mois pour les régions rurales et de 220 000VND/personne.mois pour les régions urbaines. En 2006, il était de 200 000 VND/personne.mois (régions rurales) et 260 000VND (régions urbaines). En 2008, il était de 290 000VND/personne.mois (régions rurales) et 370 000 VND/personne.mois (régions urbaines) et en 2010, il était de 350 000 VND/personne.mois (régions rurales) et 440 000 VND/personne.mois (régions urbaines). Le nouveau seuil de pauvreté pour 2011-2015 est évalué à 400 000 VND/personne.mois pour les régions rurales et 500 000 VND/personne.mois pour les régions urbaines et a été calculé sur l'année 2010*

La figure 2.3 montre que le taux de pauvreté a très fortement diminué de 2002 à 2010. Mais avec le nouveau seuil de pauvreté défini en 2010, le taux de pauvreté a nettement augmenté. Les ménages pauvres ne sont plus pauvres comme dans les années précédentes mais leur situation de pauvreté existe toujours dans leur vie actuelle. Cela montre que les ménages pauvres restent en retard et que les stratégies de lutte contre la pauvreté ne satisfont les besoins des ménages pauvres qu’à court terme.

Si on compare le taux de pauvreté entre les régions (figure 2.4.), on voit que la tendance générale est à la baisse. Cette réduction ne s'est cependant pas opérée de façon homogène. L'écart entre les régions est considérable, par exemple entre la région du Nord-Ouest et les autres régions.

Source : GSO

Figure 2.4 : Taux de pauvreté au Viet Nam selon les régions

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46 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

2.2.5. Comparaison entre la méthode officielle et la méthode de la BM_GSO

Selon la BM, les réformes axées sur le marché pour promouvoir une croissance économique forte et soutenue, étayées par des politiques égalitaires dans la fourniture de services de base, l'accès à la terre et les investissements dans les infrastructures afin d'assurer un large accès à des opportunités pour les pauvres, ont été essentielles à la réussite de la lutte contre la pauvreté au Viet Nam. Malgré des progrès remarquables (voir le tableau suivant), l’effort dans la réduction de la pauvreté n'est pas terminé, et est devenu à certains égards plus difficile. Le seuil de pauvreté au Viet Nam est très faible par rapport aux normes internationales et les méthodes utilisées pour surveiller la pauvreté depuis le début des années 1990 sont obsolètes.

Tableau 2.6 : Taux de pauvreté au Viet Nam selon le seuil de pauvreté international

Seuil de pauvreté 1993 1998 2002 2004 2006 2008

1,25$/jour (PPA 2005) 63,7 49,7 40,1 21,5 16,8 11,8

2,0$/jour (PPA2005) 85,7 78,2 68,7 50,3 42,4 34,5

Source : Banque mondiale 2012

Les normes qui s'appliquaient au Viet Nam comme pays à faible revenu dans les années 1990 ne sont plus pertinentes de nos jours. Le Viet Nam est devenu un pays à revenu intermédiaire. Bien que des dizaines de millions de foyers vietnamiens soient sortis de la pauvreté, beaucoup ont des revenus très proches du seuil de pauvreté et demeurent vulnérables en raison de chocs idiosyncrasiques (perte d'emploi, accident, décès ou maladie d'un membre du ménage), ou de changements économiques ( impacts de la crise financière mondiale 2008-09).

Source : rapport de BM, 2012

Figure 2.5 : Part des minorités parmi les pauvres et taux de pauvreté des minorités

La pauvreté des minorités ethniques est seulement devenue un sujet de préoccupation dans les années 1990, préoccupation qui s’est intensifiée par la suite étant donné que l'écart a continué de se creuser entre les populations minoritaires et la majorité Kinh. La concentration des minorités parmi les pauvres est en hausse. En 1993, la pauvreté était généralisée et les minorités représentaient 20% des ménages pauvres. En 1998, la part des minorités parmi les pauvres est passée à 29%, et en 2010, les minorités représentaient 47% des ménages pauvres

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 47

et 68% des ménages extrêmement pauvres. En 2010, 66,3% des minorités étaient pauvres contre seulement 12,9% chez les Kinh (BM, 2012).

2.2.6. Conclusion

En conclusion, depuis le Doi Moi, la pauvreté au Viet Nam a été définie en termes strictement monétaires. Est pauvre celui dont les revenus ou le niveau de vie sont inférieurs à un seuil monétaire donné. Cette approche monétaire est utile pour la comparaison entre les régions, entre les pays, mais elle est insuffisante pour refléter les résultats des programmes de lutte contre la pauvreté.

Une question se pose : A quoi sert la détermination des ménages pauvres?

• A comparer le niveau de développement entre les pays, entre les régions ou entre les ménages ?

• A identifier les bénéficiaires des politiques de lutte contre la pauvreté du Gouvernement, des programmes d’aide des organisations nationales et internationales?

• Ou à créer une discrimination sociale entre les gens riches et les gens pauvres et à responsabiliser ainsi les gens riches dans l’aide aux pauvres pour aboutir à un mode de développement moins inégal?

2.3. PROBLÉMATIQUE D'IDENTIFICATION DES BÉNÉFICIAIRES DES POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

2.3.1. Les bénéficiaires des politiques de lutte contre la pauvreté

Comme cela a déjà été évoqué dans les parties précédentes, les bénéficiaires des politiques de lutte contre la pauvreté sont les pauvres.

Selon la décision numéro 170/2005/QD-TTg datée du 08/07/2005 du Premier Ministre, un individu est pauvre s'il dispose de moins de 260 000 VND par mois en milieu urbain, ou de moins de 200 000 VND par mois en milieu rural (seuil de pauvreté 2006-2010). Les autorités locales classent les pauvres et les non pauvres en utilisant des méthodes participatives, c'est-à-dire que les villageois sont appelés à dire qui est plus riche que qui.

2.3.2. Processus de détermination des ménages pauvres au Viet Nam

Pour déterminer les ménages pauvres, le MTIAS a construit un réseau provinces-districts-communes-villages selon le diagramme ci-dessous. Il montre bien les quatre niveaux d’intervention pour gérer les ménages pauvres.

D'abord, les chefs des villages prennent en charge l’établissement de la liste des ménages pauvres selon la définition du MTIAS. Puis le BTIAS de la commune rassemble toutes les listes des ménages pauvres des villages pour calculer le taux de pauvreté au niveau communal. Ensuite, toutes les listes des ménages pauvres au niveau de la commune sont rassemblées pour calculer le taux de pauvreté du district par le BTIAS du district. Le STIAS calcule le taux de pauvreté de la province en se basant sur les statistiques de pauvreté des districts. Enfin, le résultat du taux de pauvreté de chaque province est envoyé au MTIAS pour calculer le taux de pauvreté du pays.

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48 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

Au niveau de la commune, nous pouvons constater que les chefs des villages ainsi que les responsables communaux jouent un rôle très important pour déterminer les chiffres précis du taux de pauvreté des habitants.

Comment construit-on la liste de pauvreté d’une commune?

Il faut bien noter que tout le processus de révision des ménages pauvres a été introduit auprès du MTIAS selon la circulaire n°4/2007/TT-BLDTBXH pour la période 2006 - 2010.

Dans toutes les communes du pays, la révision des ménages pauvres est exécutée souvent au mois de novembre de chaque année. Il y a deux groupes de ménages étudiés. Le premier groupe comprend les ménages pauvres de l’année précédente mais qui ne sont peut-être plus pauvres au cours de l’année révisée. Le deuxième groupe recense les ménages qui n’étaient pas pauvres l’année précédente mais pourraient le devenir au cours de l’année révisée.

Tout d’abord, les chefs de village rédigent deux listes correspondant aux deux groupes de ménages cités ci-dessus, en se basant sur les données révisées de l’année précédente ainsi que sur leurs observations pendant l’année. Puis, ils se basent sur les critères révisés du MTIAS tels que les changements intervenus au niveau du ménage : nombre de travailleurs actifs dans le ménage, revenu de chacun, bien-être, terres cultivées, conditions de base pour vivre (électricité, eau, aménagements dans la maison) et aussi risques dans l’activité de production et peuvent ainsi calculer les points acquis par chaque ménage inscrit sur la liste. Il faut souligner que tous ces changements sont en rapport avec les changements au niveau des revenus et des dépenses des ménages. Les deux tableaux suivants montrent les changements positifs et négatifs qui peuvent arriver aux ménages au cours de l'année révisée. Chaque changement donne lieu à un score.

Graphique 2.1 : Niveaux administratifs pour établir la liste des ménages pauvres

Commune -bureau de

TIAS

District – bureau de

TIAS(BTIAS)

Province - Service de

TIAS(STIAS)

Ministère TIAS

Une liste des ménages pauvres est établie dans chaque village par le chef du village

BTIAS communal rassemble tous les listes pour faire la liste des ménages pauvres de chaque commune et calcule le taux de pauvreté de la commune et l’envoie aux BTIAS du district

BTIAS décide de la liste finale et aussi du taux de pauvreté de chaque commune et district

STIAS accumule les résultats de tous les districts pour calculer le taux de pauvreté de la province

MTIAS accumule les résultats de toutes les provinces pour calculer le taux de la pauvreté du pays

Gouvernement local

Gouvernement central

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 49

Tableau 2.7 : Evaluation rapide des ménages qui pourraient sortir de la pauvreté (ménages pauvres de l'année précédente qui ne seraient peut-être plus pauvres lors de l'année révisée) (voir annexe A.2.1)

Changements positifs au niveau des ménages en 2008-2009 Score

1 Un travailleur actif en plus avec un revenu permanent de 500 000VND ou la personne active du ménage travaille à l’étranger pendant plus de 18 mois

8

2 Augmentation du revenu ou une personne de la famille a un autre travail sur le long terme (plus de 6 mois)

6

3 De nouveaux équipements avec une valeur de 5 millions de VND (ou du bétail - valeur de plus de 10 millions de VND) sont achetés grâce au capital familial

6

4 Réparation ou reconstruction de la maison en utilisant son propre capital 5

5 Achat des biens qui ont une valeur de plus de 1 million de VND en utilisant son propre capital

4

6 Élargissement de la superficie de terres cultivées (1 point pour 360m² supplémentaire)

3

7 Amélioration de l’accès à l’électricité, à l’eau potable en utilisant son propre capital 3

8 Chance (Terre de compensation, loterie gagnante de plus de 10 millions de VND, récoltes exceptionnelles pendant 2 années consécutives, etc)

3

9 La famille n'a pas rencontré de difficultés au cours des 12 derniers mois (guérison d’une personne malade, personne gravement malade décédée, résolution de problèmes au niveau des affaires)

3

Note totale

Source : MTIAS, 2009

Si les ménages du premier groupe ont obtenu plus de 10 points, cela veut dire qu'ils ont eu l'occasion de sortir de la situation de pauvreté (groupe I) dans l'année révisée, et alors ils sont apparus dans la liste de révision de revenu du village.

Tableau 2.8 : Evaluation rapide des ménages qui seraient pauvres (ménages non pauvres de l’année d’origine, par exemple en 2008) - voir annexe A2.2

Changements négatifs au niveau des ménages en 2008-2009 Score

1 La famille perd son revenu principal à cause de risques comme des inondations ou au niveau de la production et elle ne reçoit aucune aide de personnes de la famille

8

2 Le travailleur actif de la famille est décédé ou n’est plus capable de travailler à cause d’un accident. Cela influence très fortement les ressources financières de la famille

8

3 Les terres cultivées sont vendues pour payer les frais d’hospitalisation 6

4 Les enfants ont dû abandonner leurs études à cause du manque d’argent 4

5 Un des membres de la famille est opiomane 4

6 La famille vient d’emménager en-dehors de la maison des parents, avec un enfant mais les ressources financières n’ont pas changé

3

7 La famille doit vendre ses biens pour pouvoir acheter de la nourriture 3

8 Autres risques 3

Note totale

Source : MTIAS, 2009

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50 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

Si les ménages du deuxième groupe ont un score supérieur à 10, ils risquent d'être considérés comme pauvres dans l'année révisée (groupe 2), ils apparaissent alors dans la liste de révision de revenu du village.

A partir de ces résultats, une liste des ménages (comprenant les ménages du groupe 1 et du groupe 2) est établie. Le chef de village va une nouvelle fois réviser les recettes et les dépenses pour déterminer le revenu annuel de ces ménages dans la liste. Toutes les sources de revenus de ces ménages sont prises en compte (voir Annexe 2.3). Le revenu du ménage est calculé par rapport au solde entre les recettes et les dépenses.

Si le revenu du ménages est de plus de 200 000 VND/personne.mois, on peut affirmer qu'il n'est plus pauvre dans l'année révisée.

Si le revenu du ménage est de 200 000VND/personne.mois, on peut affirmer qu’il est pauvre dans l'année révisée. Ces ménages ont appelées les "nouveaux pauvres"

Les ménages qui sont classés comme « définitivement pauvres », à cause de raisons de santé ou d’âge, ne doivent pas être réévalués annuellement mais figureront sur la liste des ménages pauvres de façon permanente.

Deux listes de ménages sont établies en se basant sur l’évolution du revenu des ménages révisés. Une fois les listes établies, un sondage est mené auprès des villageois par les chefs de village (voir Annexe 2.4).

Enfin, la liste de ménages pauvres est établie et concerne les ménages pauvres de l'année précédente qui ne peuvent pas sortir de la pauvreté pendant l’'année révisée et les nouveaux pauvres.

Le résultat final est soumis au Comité populaire de la commune pour vérification et est remis à la Commission du district populaire, sous la direction du STIAS.

Jusqu’en 2009, chaque ménage inscrit sur la liste de pauvreté recevait un « carnet de pauvreté » et une carte de santé. Le numéro de chaque carnet de pauvreté était unique à chaque ménage. Le carnet de pauvreté était valide pour une année, renouvelable tous les ans sur une période de cinq ans. Depuis 2009, le carnet de pauvreté n’existe plus, il reste seulement la carte de santé.

Chaque personne dans une famille pauvre reçoit cette carte de santé chaque année. Avec cette carte, les pauvres ne doivent payer aucun frais de médicaments ou d'hospitalisation.

Carnet de pauvreté

Source:

http://www.isgmard.org.vn/Information%20Service/Partnerships/STOFA/E

ng-Poverty_analysis_DTH.pdf Carte de Santé de Mme Duong Thi Anh, hameau Tay Mang,

Tu Ly

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 51

2.3.3. Problématique entre les pauvres et les non pauvres

Le MTIAS a évalué à mi-terme le programme CPRGS et le programme 135-I. Cette évaluation a constaté une faiblesse dans le système de détermination des bénéficiaires des programmes de lutte contre la pauvreté. Une enquête auprès de 46 000 ménages du pays a estimé que 43,7% des ménages considérés comme pauvres selon le seuil de pauvreté ne le sont pas selon cette enquête. Par ailleurs, les 3/4 (76,5%) de ces 43,7% de ménages bénéficient des programmes de lutte contre la pauvreté. Selon cette évaluation, il semble que le système administratif ne soit pas capable de surveiller de manière efficace la détermination des personnes pauvres et non pauvres.

Les politiques de lutte contre la pauvreté, sans être formulées expressément, ont créé des conflits d'intérêt entre les groupes pauvres (selon le seuil de pauvreté appliqué au Viet Nam) et les groupes non pauvres mais très vulnérables. Si on ne tient pas compte du seuil de pauvreté, ces deux groupes bénéficieraient peut-être des mêmes subventions gouvernementales. D'ailleurs, la grande différence d'intérêt entre les deux groupes a créé le désir pour ces ménages, surtout « les ménages moyens », de rester dans la catégorie pauvre.

Province de Quang Nam, commune Binh Sa, district Thang Binh (centre du Viet Nam)

M. Tran Ngoc Tho, chef de la commune explique : « dans la période de révision des pauvres, il y a les ménages qui ne sont pas pauvres (selon le seuil de pauvreté) mais à cause des difficultés rencontrées (accident, enfants faisant des études), ils sont inscrits sur la liste des pauvres par les gens du village pour pouvoir obtenir les subventions du gouvernement au niveau des soins médicaux et de l'éducation, ou bien pour pouvoir emprunter de l'argent à un taux d'intérêt bas. Par exemple, M. Bui Viet Huong n'est pas pauvre mais il a 4 enfants faisant des études. Les chefs de ce village ont décidé de lui donner le « privilège » d'être pauvre depuis 2007. Tandis que M. Huynh Dien, 73 ans, qui est pauvre et vit tout seul, est inscrit avec 3 personnes supplémentaires sur la liste des familles pauvres : Huynh Thi Be, Huynh Tu et Huyen Chien (qui n’ont pas de relations familiales avec M. Huynh Dien) comme membres de la famille de M. Huynh Dien pour qu’elles puissent bénéficier des subventions pour les pauvres. » (Hoang Anh, Vietnamnet)

Souce : http://vietnamnet.vn/xahoi/2009/03/836453/

L'utilisation et l'application du seuil de pauvreté selon le niveau de revenu et de la consommation ne peuvent pas refléter la nature de la pauvreté au Viet Nam car beaucoup de gens profitent implicitement de la révision de la pauvreté pour en tirer des bénéfices. Cela a influencé les "beaux objectifs" des politiques de lutte contre la pauvreté au Viet Nam.

Dans la commune de Duc Thanh, district de Duc Tho, province de Ha Tinh, Viet Nam

M. Tran Van Tam et sa femme Tran Thi Doan vivent dans une maison couverte de chaume. Avant, ils vivaient avec la famille de leur fils. Mais malheureusement leur fils et leur belle fille sont morts dans un accident. M. Tam et Mme Doan vivent avec leurs enfants et le dernier né. Il y a 7 personnes dans la famille qui vivent dans une maison très sobre. L'année passée, cette famille n’était plus considérée comme pauvre par le chef du village car il faut faire tourner le statut de « ménage pauvre » parmi les différents ménages du village.

Souce : http://www.tienphong.vn/Tianyon/Index.aspx?ArticleID=154264&ChannelID=2

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52 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

Nous avons constaté que la détermination des pauvres et des bénéficiaires des politiques de lutte contre la pauvreté se fait de manière décentralisée. La décentralisation administrative12 vise à repartir, à différents échelons du gouvernement, les responsabilités et les ressources financières pour assurer la fourniture des services publics. Ils transfèrent la responsabilité de la planification, du financement et de la gestion liée à certaines fonctions du gouvernement central vers des unités administratives sur le terrain. A travers ce système, les informations disponibles au niveau local et aussi la participation populaire dans l'identification de contraintes et dans leur résolution sont prises en compte pour élaborer des politiques de lutte contre la pauvreté efficaces. Toutefois, en pratique, la décentralisation administrative pose des problèmes à cause de la complexité du système de documents administratifs et de la capacité des personnes en charge. Cela sera analysé plus concrètement dans la suite du chapitre.

En résumé, il semble que le fait d'être reconnu pauvre soit une source de conflit. Sans le vouloir, les politiques de lutte contre la pauvreté créent des conflits entre le groupe reconnu comme pauvre (d’après le seuil de pauvreté) et le groupe proche du seuil de pauvreté et crée aussi le désir d’être reconnu comme pauvre pour bénéficier des aides. Dans la réalité, la pauvreté persiste.

2.3.4. Conclusion

Le système d'évaluation de la pauvreté par l’administration met bien en valeur le caractère très problématique de leur mise en œuvre tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle locale.

La même méthode et les mêmes critères de calcul de la pauvreté sont fixés et appliqués pour toutes les régions du pays. En théorie, cette procédure semble bonne, très scientifique et efficace. Mais en pratique surtout à l'échelle locale, les problèmes de ces procédures mises en œuvre pour définir ceux qui sont sortis de la pauvreté et ceux y entrent, ont émergé à cause des particularités locales des caractèristiques économiques, sociales et humaines de chaque unité locale.

En plus, il ne s’agit plus simplement de la détermination des pauvres, mais ce qui est en cause, c’est aussi la difficulté de partager les allocations entre les groupes cibles à cause de la limite du budget de l'Etat. Cela a crée une tendance à l’augmentation des conflits entre les groupes cibles selon leur accès ou non aux dons et avantages liés à la reconnaissance du statut de pauvre.

Par ailleurs, le mélange entre le critère de pauvreté relative entre les régions du pays et les critères pour cibler les bénéficiaires des aides de développement est aussi la cause de cette problématique. Si la situation de pauvreté est le résultat d’une définition générale, liée à un objectif de politique générale, elle ne peut pas refléter concrètement le besoin d'aide et aussi les difficultés d'une personne ou d’une famille.

2.4. LA COMPLEXITÉ INDUITE PAR LES INTERACTIONS ENTRE "POLITIQUES POUR SORTIR DE LA PAUVRETÉ" ET "POLITIQUE DE CROISSANCE" AU VIET NAM

La décennie 2000-2010 a permis de mieux cerner la complexité des phénomènes socio-économiques dont l’approche est démesurément simplifiée par les approches dominantes sur la pauvreté. Cela concerne à la fois la réalité des rapports entre pauvreté, paupérisation et inégalité, et le regard nouveau qui est porté sur ces réalités. Les problèmes structurels n’ont 12

http://www.ciesin.org/decentralization/Entryway/Gen_info_lst.html

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 53

pas disparu et se sont même aggravés. La sortie de la « pauvreté » est donc bien associée à l’entrée dans la « paupérisation », dupliquant le passage du « traditionnel » au « moderne » (Peemans, 2012).

Graphique 2.2 : Complexité induite par les interactions entre politiques de lutte

contre la pauvreté et politique de croissance économique au Viet Nam

2.4.1. Croissance économique pour réduire la pauvreté et émergence d’inégalités

Selon la Banque Mondiale, une forte croissance économique est la condition de base pour fournir un support financier et matériel aux communautés désavantagées et développer les infrastructures socio-économiques de base. D'ailleurs, ces dernières créeront des occasions pour développer la capacité des personnes et des communautés pour échapper à la pauvreté. La croissance économique est une condition importante pour éliminer la pauvreté. Sans croissance économique, les méthodes traditionnelles de réduction de la pauvreté, telles que les programmes de redistribution, sont moins efficaces.

Source : GOS

Figure 2.6 : Taux de croissance du PIB au Viet Nam

Après 20 ans de développement et en tenant compte du taux de croissance de son PIB, le Viet Nam est considéré comme un pays qui a bien réussi sa transformation économique et son intégration mondiale. De 1976 à 1985, le taux de croissance du PIB du pays était très bas - seulement 2 % - tandis que le taux de croissance démographique était de 2,4 %. Le niveau de vie des habitants était très bas. Dans les régions urbaines, un régime de ticket de rationnement était mis en place et dans les régions rurales, la plupart des paysans étaient membres d'une

Augmentation de l'inégalité et nouvelles formes de conflits et de violence

Réduction de la pauvreté « traditionnelle »

Nouvelles formes de paupérisation « moderne »

Augmentation générale du revenu monétaire par la

croissance et augmentation de la différentiation sociale

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54 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

coopérative donc leurs besoins de base étaient aussi assurés par le régime de rationnement. Ce régime de rationnement était aussi la cause principale du manque de motivation des travailleurs à travailler.

Après le Doi Moi en 1986, le Viet Nam a mis en place une économie de marché. Le taux de croissance du PIB qui était de 2,84% en 1986 est passé à 9,54% en 1995. Le régime de rationnement fut supprimé et le taux d'inflation diminua. En 1995, le Viet Nam est devenu membre de l'ASEAN.

En 1999, suite à l'influence de la crise économique en Asie, le taux de croissance du PIB diminua et atteignit 4,77 % mais à partir de 2000, le taux de croissance du PIB remonta. En 2007, celui-ci était de 8,46 %. En novembre 2006, le Viet Nam est devenu membre de l’OMC et une nouvelle période d’intégration dans l'économie mondiale s’ouvrit, ce qui était sans précédent pour le Viet Nam et engendra un accroissement des échanges commerciaux, ce qui permit aux investissements internationaux de grimper, mais provoqua également des instabilités au niveau macro-économique. D'ailleurs, à cause de la crise économique mondiale, en 2008 et 2009, le taux de croissance du PIB diminua fortement avec un taux d'inflation en hausse. L'année 2010 est considérée comme une année charnière pour la stabilité macro-économique. Le PIB par habitant en 2010 au Viet Nam était estimé à 1200$ (PPA). Le Viet Nam est donc de ce fait devenu un pays à revenu moyen.

Malgré que l'intégration économique internationale du Viet Nam améliore le niveau de vie et réduise la pauvreté, elle aggrave de la même façon la stratification sociale entre les différentes couches de la société, les groupes sociaux et les régions. Cette inégalité relative va en augmentant quand on tient compte du ratio inter-groupes (entre le quintile le plus riche et le plus pauvre de la population). Il est très probable que les écarts entre le groupe le plus riche et le plus pauvre de la population s'aggravent nettement si l’on prend en compte les indicateurs des dépenses ou des revenus de ces groupes.

• Ecart de revenu

Les graphiques suivants montrent l'écart de revenu entre les plus riches et les plus pauvres, entre les régions urbaines et les régions rurales. En 1994, le revenu moyen des personnes riches était environ 6 fois plus important que le revenu moyen des personnes pauvres. En 2010, il était 9,2 fois plus important. Au niveau national, la région montagneuse du Nord souffre généralement plus de la pauvreté que les plaines. Le niveau de revenu par personne par mois est bas de 1994 à 1999, mais depuis 2002, des changements remarquables sont intervenus. Bien que le taux de pauvreté de cette région ait bien diminué au fil des années, la majorité de la population a encore un niveau de vie bas. Les minorités ethniques habitant cette région sont dispersées et habitent loin des routes nationales et des centres plus peuplés. Par conséquent, elles ont moins accès aux opportunités engendrées par le développement économique. En outre, elles vivent dans des conditions naturelles difficiles.

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 55

Source : GSO

Figure 2.7 : Revenu moyen par personne par mois

Source : GSO

Figure 2.8 : Comparaison du revenu moyen par personne par mois entre le groupe le plus riche et le groupe le plus pauvre en région urbaine

Source : GSO

Figure 2.9 : Comparaison du revenu moyen par personne par mois entre le groupe le plus riche et le groupe le plus pauvre en région rurale

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56 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

Source : GSO

Figure 2.10 : Revenu moyen par personne par mois selon les types de régions au Viet Nam

Les inégalités de revenus sont en général moins fortes dans les régions rurales les plus pauvres que dans les zones urbaines plus riches.

La croissance économique accrue entraîne naturellement des changements sociaux, dont éventuellement l'accroissement d’une inégalité sociale, des chances d'accès à l’emploi différentes, des revenus différents entre les groupes sociaux et des différences relatives quant au pouvoir détenu et aux ressources sociales, matérielles, naturelles, financières et humaines. Les paysans qui n'ont pas assez de terres cultivables ou qui voient leurs terres expropriées, les personnes qui sont très exposées aux catastrophes naturelles, aux épidémies ou aux risques personnels, les minorités ethniques habitant les régions montagneuses et reculées, les travailleurs délocalisés dans les villes, les personnes pauvres et proches du seuil de la pauvreté, les personnes handicapées, etc, sont maintenues au bas de l'échelle sociale et tendent même à s'appauvrir13.

• Ecart de dépense

Les graphiques suivants montrent l'évolution des dépenses des ménages selon le temps. En 2002, la dépense moyenne par ménage était d’environ 230 000VND/personne.mois alors qu'en 2010 elle est passée à environ 1 200 000VND/personne.mois. Si on compare les dépenses moyennes par personne par mois entre les régions urbaines et les régions rurales ainsi qu’entre le groupe le plus riche et le groupe le plus pauvre, on constate que l'écart des dépenses est important. En 2010, cet écart était de 1,9 et les dépenses du groupe le plus riche étaient quatre fois plus importantes que celles du groupe le plus pauvre.

13

http://www.adetef.org.vn/website/documents/01-%20Approche%20macro%20%C3%A9conomique/4-%20Institut%20de%20sociologie/E-%20Impacts%20sociaux%20-%20Inst.%20Socio%20-%20FR.pdf

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 57

Source : GSO

Figure 2.11 : Dépenses moyennes par personne par mois au Viet Nam

Source : GSO

Figure 2.12 : Dépenses moyennes par personne par mois selon les régions du Viet Nam

Source : GSO

Figure 2.13 : Comparaison des dépenses moyennes par personne par mois entre le groupe le plus riche et le groupe le plus pauvre du pays

Si on compare le niveau des dépenses avec le niveau des revenus, on voit que le taux d'épargne des vietnamiens est très bas parce que les dépenses sont souvent plus importantes que les revenus, en particulier dans la région montagneuse du Nord-Ouest (voir le tableau ci-dessous).

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58 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

Tableau 2.9 : Pourcentage des dépenses moyennes par personne par mois par rapport au revenu mensuel

2002 2004 2006 2008 2010

Niveau national 82,48 81,92 80,35 79,63 87,28

Urbain 75,14 79,96 76,70 77,58 85,83

Rural 84,37 83,13 79,43 81,28 88,76

Delta du Fleuve Rouge 85,02 85,56 81,40 77,63 91,91

Nord-Est 89,58 85,52 81,10 82,14 90,79

Nord-Ouest 97,66 94,39 87,17 90,39 102,63

Région côtière du centre au Nord 89,29 86,72 83,67 87,38 103,46

Région côtière du centre au Sud 87,31 88,31 82,31 83,78 93,77

Hauts plateaux du Centre 88,65 82,34 82,50 84,43 89,24

Sud-Est 77,80 74,96 76,84 78,38 76,63

Delta du Mékong 76,70 79,85 77,31 75,47 84,83

Source : GSO

La réduction de la pauvreté ne se réduit pas à une redistribution passive des revenus, mais aussi à créer une dynamique de croissance - un processus qui permet aux pauvres de prendre les initiatives nécessaires pour améliorer leur situation et vaincre la pauvreté. En même temps, la réduction de la pauvreté n'est pas un chemin à sens unique avec seulement des ressources provenant de la croissance économique qui apportent un soutien aux groupes désavantagés. La croissance économique crée le fondement d’un terrain de jeu relativement égal dans le développement, produisant des ressources abondantes et assurant une stabilité pendant la période de "décollage" économique.

• Coefficient de Gini Dans la même période, le coefficient de Gini au Viet Nam en 1994 était de 0,305 et de 0,423 en 2004. Cela signifie que l'inégalité sociale a augmenté au Viet Nam. L'écart de revenus entre riches et pauvres, entre régions rurales et régions urbaines est de plus en plus grand, comme on peut le constater dans les graphiques suivants :

Source : GSO

Figure 2.14 : Coefficient de Gini au Viet Nam

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 59

Source : GSO

Figure 2.15 : Coefficient de Gini selon les types de régions au Viet Nam

• IDH

Au niveau national, les indicateurs du développement humain, tels que le IDH, montrent une progression considérable durant la période 1992-2008, caractérisée par une intégration internationale intensive. Le IDH du Viet Nam est passé de 0,611 en 1992 à 0,651 en 1999, puis 0,728 en 2008.

Tableau 2.10. Contribution des composantes de l’IDH dans la croissance IDH 1992 - 2008

Année IDH Indice d’espérance de vie

Contribution de l’indice d’espérance de vie à la croissance IDH depuis la période précédente (%)

Indice d’éducation

Contribution de l’indice d’éducation à la croissance IDH depuis la période précédente (%)

Indice de revenus

Contribution de l’indice de revenus à la croissance IDH depuis la période précédente (%)

1992 0,611 0,670 - 0,776 - 0,386 - 1995 0,639 0,690 18,8 0,808 25,9 0,420 55,3 1999 0,651 0,721 86,1 0,803 -13,9 0,430 27,8 2004 0,701 0,782 40,7 0,826 15,3 0,496 44,0 2008 0,728 0,794 15,2 0,830 5,1 0,559 79,7 Contribution au changement total de l’IDH 1992 - 2008

35,2 N.A. 15,9 N.A. 48,95

Source : 2001 Viet Nam RDH, IDH, 1992, 1995, 1999, 2004, 2008 Banque Mondiale 2012

2.4.2. Une vulnérabilité à la pauvreté élevée au Viet Nam

Selon l'analyse de la BM, la vulnérabilité à la pauvreté est très haute dans les régions riches au Viet Nam, comme dans la région du delta du Fleuve Rouge.

Pour évaluer la vulnérabilité à la pauvreté, la BM s'est basée sur 1800 ménages sur les années 2004, 2006 et 2008. Elle a ainsi construit un indice de vulnérabilité à la pauvreté qui correspond à la proportion de la population pauvre au moins une année (2004, 2006 ou 2008) divisée par le taux de pauvreté moyen sur les trois ans. Les résultats résumés dans le tableau

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60 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

suivant suggèrent qu'un nombre considérable de ménages au Viet Nam qui ne sont pas pauvres une année donnée restent néanmoins vulnérables et peuvent retomber dans la pauvreté à un moment donné. Au niveau national, seulement 7% des ménages du panel font partie des pauvres chroniques (pauvres pendant les trois ans). En 2008, à la fin de l'enquête de la BM sur la vulnérabilité, le taux de pauvreté était de 13%.

Tableau 2.11: Evaluation de la vulnérabilité à la pauvreté par la BM

% Taux de vulnérabilité à la pauvreté

Pauvres sur les 3 années

Pauvres 2

années sur 3

Pauvres 1 année

sur 3

Pauvres pendant au moins une

année

Pauvres sur

aucune année

Effectif 2004

Effectif 2006

Effectif 2008

Effectif moyen,

2004-2008

Sous-groupe (1) (2) (3) (4)= (1)+(2)+(3)

(5) (6) (7) (8) (9)= [(6)+(7)+(8)]

/3

(10)= (4)/(9)

National 7,0 (27)

6,7 (26)

12,3 (47)

26,0 (100)

74,0 20,0 13,7 13,0 15,6 1,7

Delta du Fleuve Rouge

2,1 (13)

5,0 (32)

8,5 (54)

15,7 (100)

84,3 10,9 7,5 6,5 8,3 1,9

Montagnes au Nord-Est

10,4 (33)

10,3 (33)

10,8 (34)

31,5 (100)

68,5 26,3 17,3 19,0 20,9 1,5

Montagnes au Nord-Ouest

40,5 (56)

15,8 (22)

16,2 (22)

72,5 (100)

27,5 59,5 51,4 58,4 56,5 1,3

Région côtière du centre au Nord

10,3 (25)

11,5 (28)

19,9 (48)

41,7 (100)

58,3 32,5 25,7 15,6 24,6 1,7

Région côtière du centre au Sud

9,8 (35)

8,2 (29)

10,0 (36)

28,0 (100)

72,0 24,0 15,7 16,0 18,6 1,5

Hauts plateaux du Centre

19,1 (57)

10,3 (31)

3,9 (12)

33,3 (100)

66,7 31,8 27,9 22,2 27,3 1,2

Sud-Est 3,1 (28)

1,6 (14)

6,3 (57)

11,0 (100)

89,0 8,2 6,2 4,5 6,3 1,8

Delta du Mékong

2,2 (8)

4,2 (16)

20,0 (76)

26,4 (100)

73,6 16,9 6,7 11,5 11,7 2,3

Rural 8,8

(28) 8,2 (26)

14,3 (46)

31,3 (100)

68,7 24,4 16,6 16,0 19,0 1,6

Urbain 0,7 (10)

1,6 (21)

5,3 (70)

7,5 (100)

92,5 4,4 3,6 2,5 3,5 2,1

Ethnies minoritaires

34,0 (50)

19,4 (28)

15,3 (22)

68,7 (100)

31,3 59,7 49,0 47,5 52,1 1,3

Ethnie majoritaire

2,6 (14)

4,6 (24)

11,8 (62)

19,1 (100)

80,9 13,6 8,0 7,4 9,7 2,0

Source : Tabulations VHLSS utilisant le panel de ménages 2004, 2006, 2008 - Banque mondiale

Dans la région où les recherches relatives à cette thèse ont été effectuées, le taux de pauvreté chronique pendant 3 ans était le plus haut de l’ensemble des régions du Viet Nam, s’élèvant à 40,5%.

Cette évaluation de la vulnérabilité à la pauvreté menée par la BM a mené à l'identification d'un certain nombre de sources de vulnérabilité importantes telles que les mauvaises récoltes (chocs climatiques, insectes et autres ravages, glissements de terrain), les catastrophes humaines (maladie grave, décès d'un travailleur, alcoolisme, toxicomanie), d'autres chocs

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 61

économiques (perte d'emploi, décès d'animaux, défaillances d'entreprises), et la crise des matériaux (dommages aux maisons, vol, violence, etc). L'analyse met en évidence le fragile équilibre entre les opportunités et les risques. Les ménages doivent saisir de nouvelles opportunités économiques pour sortir de la pauvreté, mais cela engendre des risques inhérents : les ménages pourraient retomber temporairement dans la pauvreté à la suite de revers de fortune, perte temporaire des actifs, changements de situation familiale, etc. Beaucoup de ménages ont soulevé des inquiétudes concernant une dette croissante et s'inquiètent d'être pris dans la "spirale de l'endettement" : les ménages doivent vendre leurs actifs et s’endetter de nouveau pour faire face aux chocs.

Prônant le slogan suivant : « La croissance économique pour diminuer la pauvreté », le Gouvernement vietnamien a mis en place beaucoup de politiques pour améliorer l'économie du pays. L’une d’entre elles est l'industrialisation et la modernisation des régions rurales, dans le but de créer du travail non-agricole pour la main-d'œuvre locale et d’améliorer les revenus et les conditions de vie des paysans. Ainsi, des centaines d’hectares de terres agricoles ont été récupérés pour construire des zones industrielles. Du jour au lendemain, les paysans sont devenus prolétaires « sans terres agricoles ». En contrepartie, ils ont reçu une grosse somme d'argent qu’ils n’auraient jamais gagnée s’ils avaient continué à cultiver leurs terres toute leur vie. Par ailleurs ces paysans pouvaient également devenir ouvriers.

En principe, l’industrialisation devait apporter des emplois non agricoles, accroître les activités artisanales, commerciales et de services et résoudre le problème d’une main-d’œuvre excédentaire. Mais en réalité, les paysans rencontrent des difficultés pour travailler dans les usines et simultanément le travail dans le secteur agricole a diminué. L’origine du problème est liée d’une part au manque d’expérience de la main-d’œuvre locale dans le secteur industriel et d’autre part aux quelques entreprises qui ont reçu des terres agricoles mais où aucune usine ne s'est encore implantée. Ce phénomène semble donc étroitement lié à la structure sociale. En théorie, les paysans perdent des terres cultivées et reçoivent des indemnités pour réinvestir dans d’autres secteurs de production. Mais la réalité du terrain a montré que les paysans ont utilisé de manière très diverse les indemnités reçues et certains, après la perte de leurs terres, ont tout dépensé. Quel est alors l’impact sur les paysans de la reconversion de leurs terres cultivées et la réception d’une indemnité ? Si les paysans ne sont pas guidés et formés pour utiliser cette indemnité de manière efficace, les risques de retour à la pauvreté sont nombreux.

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62 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

2.4.3. Le Viet Nam et ses voisins : quelques chiffres sur la réduction de la pauvreté

En utilisant le seuil de pauvreté de 1,25$ par jour, la figure14 suivante montre que le taux de pauvreté a diminué dans la plupart des pays d'Asie du Sud-est au cours des dernières années.

Source : BM 2012

Figure 2.16 : Taux de pauvreté selon le pays

La Malaisie a entrepris un programme de réduction de la pauvreté impressionnant et qui a réussi. Le Viet Nam et d’autres pays comme le Laos, les Philippines, le Cambodge, ont vu leur taux de pauvreté diminuer dans la dernière décennie. Le taux de pauvreté au Viet Nam en 1981 était de 90,36% et a chuté à 22,81% en 2005 (Reyes et al., 2010).

Coefficients de Gini

Toutefois, parallèlement à la baisse du taux de pauvreté, les inégalités s'accroissent dans les pays d’Asie du Sud-est. Le tableau suivant recense le coefficient de Gini15 au Viet Nam et dans l'ensemble des pays d’Asie du Sud-est. L'inégalité des revenus au Viet Nam, en Indonésie et au Laos est moins claire que dans les pays voisins d'Asie du Sud-est comme par exemple les Philippines ou la Thaïlande. La hausse des inégalités économiques dans les pays d’Asie du Sud-est est la conséquence des politiques d'industrialisation et de la libéralisation des échanges16.

14

The headcount index (P0) measures the proportion of the population that is poor. It is popular because it is easy to understand and measure. But it does not indicate how poor the poor are. The poverty gap index (P1) measures the extent to which individuals fall below the poverty line (the poverty gaps) as a proportion of the poverty line. The sum of these poverty gaps gives the minimum cost of eliminating poverty, if transfers were perfectly targeted. The measure does not reflect changes in inequality among the poor.

15 UNDP (2010), Human Development in East and Southeast Asian Economies: 1990-2010

http://hdr.undp.org/en/reports/global/hdr2010/papers/HDRP_2010_17.pdf

16 http://www.iseas.edu.sg/documents/publication/ISEAS%20Perspective%202013_19.pdf

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 63

Tableau 2.12 : Evolution de l’indice de Gini en Asie de l’Est et du Sud-est

Année Indice de Gini

Année Indice de Gini

Année Indice de Gini

Cambodge 1967-1985 1994 0,318 2007 0,407

Thaïlande 1967-1985 0,47 1992 0,462 2004 0,425

Singapour 1967-1985 0,42 1998 0,425

Philippines 1967-1985 0,45 1994 0,429 2006 0,44

Mongolie 1967-1985 1995 0,332 2005 0,33

Malaisie 1967-1985 0,48 1993 0,485 2004 0,379

Laos 1967-1985 - 1992 0,304 2002-03 0,326

Corée 1967-1985 0,36 1998 0,316 - -

Japon 1967-1985 - 1993 0,249 - -

Indonésie 1967-1985 0,31 1993 0,344 2005 0,394

Hongkong 1967-1985 0,45 1996 0,434

Chine 1967-1985 - 1993 0,407 2005 0,415

Viet Nam 1967-1985 - 1993 0,357 2006 0,378

Taiwan 1967-1985 - 1993 0,313 2003 0,339

Source 1967-1989: Human development report 1990, p158-159. Les autres données proviennent de Povcalnet Database online, World development indicators online (Worldbank 2009c)

• IDH

L’IDH du Viet Nam est de 0,700 ce qui le place au 128e rang sur les 187 pays classés par le PNUD selon leur indice de développement humain au niveau mondial. C'est grâce à une croissance économique forte, à partir de l'année 1990, que le revenu moyen par personne au Viet Nam a augmenté de 288%. La République démocratique du Cambodge, le Laos, le Myanmar et le Timor-Oriental, en revanche, restent clairement à la traîne en termes de développement humain. L'IDH moyen de ce groupe est seulement de 0,551, et le Timor-Oriental reste très en retard. Les niveaux de vie restent particulièrement bas au Myanmar et au Timor-Oriental.

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64 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

Tableau 2.13: Evolution de l’IDH en Asie

Pays 1980 1990 2000 2007

Japon 0,887 0,918 0,943 0,96

Singapour 0,785 0,851 - 0,944

Hongkong - - - 0,944

Corée 0,722 0,802 0,869 0,937

Brunei Darussalam 0,827 0,876 0,905 0,92

Malaysie 0,666 0,737 0,797 0,829

Thaïlande 0,658 0,706 0,753 0,738

Chine 0,533 0,608 0,719 0,772

Philippines 0,652 0,697 0,726 0,751

Indonésie 0,522 0,624 0,673 0,734

Mongolie - - 0,676 0,727

Viet Nam - 0,599 0,69 0,725

Laos - - 0,566 0,619

Cambodge - - 0,515 0,593

Myanmar - 0,487 - 0,586

Timor Leste - - - 0,489

Source : Human Develoment Report 2009

2.4.4 Cas de la Thaïlande

L'histoire du "Fonds des villages"17 de la Thaïlande et l'expérience du Gouvernement thaïlandais dans la mise en œuvre des politiques de lutte contre la pauvreté peuvent servir de leçon. La leçon est que "on ne peut pas réduire les relations entre les Etats et les collectivités locales seulement à un simple jeu de pouvoir dans lequel les autorités politiques tentent de manipuler les populations locales pour mieux les contrôler ou les exploiter, en collaboration avec les acteurs économiques les plus puissants.

En 2001 le Gouvernement thaïlandais a créé le système du "Fonds des Villages", un système de micro-crédit public. Un montant d'environ 30 000 $ US a été rendu disponible pour chacun des 77000 villages du pays. L'organisation des caisses villageoises a été basée sur un système de gouvernance locale, délibérément soutenu par l'Etat. Le but était de soutenir et de stimuler les initiatives des communautés locales pour améliorer les conditions de production, l'emploi et les conditions de vie en général.

Ce fonds a changé profondément les conditions d'accès au crédit dans les zones rurales. Actuellement, dans ce système, les prêts sont attribués par un comité de village composé de 10 à 15 délégués, élus par les villageois, à des réunions où au moins 75 % des ménages

17

MENKHOFF L. and RUNGRUXSIRIVORN O., Do Village Funds Improve Access to Finance? Evidence from Thailand, World Development ,2011, Vol. 39, No. 1, p. 110–122

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 65

doivent être représentés. Les prêts sont accordés pour 1 an et peuvent varier de 500 à 1500 dollars, à un taux d'intérêt d'environ 6 %.

Il existe un lien évident entre l'État et les villages, car en fait, les caisses villageoises sont techniquement mises en œuvre par les bureaux locaux de la BACA (Banque de l'agriculture et des coopératives agricoles), à la fois pour l'octroi de prêts et le remboursement. Cependant, ces bureaux sont censés ne pas intervenir dans les décisions ou le contrôle des caisses villageoises. Les prêts sont utilisés pour la consommation ou à des fins de production. Ce qui est important à souligner est que ce sont les comités de village qui décident qui peut bénéficier de prêts, en fonction de critères locaux. Ces crédits ne sont pas attribués selon des critères nationaux ou internationaux technocratiques. Les bénéficiaires sont définis à travers la typologie spécifique, propre au village, de la pauvreté. Dans cette approche, c’est au niveau du village que l’on va désigner « ceux qui ont besoin d'argent » pour faire face à une situation d'urgence, ou pour entreprendre un projet. Ceux qui demandent et obtiennent un prêt sont des gens normaux et « non des pauvres ». Grâce à cette institution, l'État reconnaît la paysannerie comme un acteur collectif, organisé au niveau du village. C'est une approche très différente de celle des programmes de micro-crédit individuel, contrôlés par une micro-bureaucratie bancaire, comme dans le cas de la Banque Granmeen.

Il est intéressant de noter que dans les villages étudiés par Menkhoff et Rungruxsirivon, dans les provinces de Buri Ram, Nakhon Phanom et Ubon Ratchatani, 70 % des emprunteurs sont considérés comme des paysans, 20 % comme des travailleurs salariés, et 10 % comme des indépendants. Cette structure montre que la « paysannerie » reste le cœur de la population rurale, et qu'elle souhaite participer activement au marché par le crédit.

La création de ces fonds fait partie d'un projet politique, visant à donner une nouvelle base politique au régime du Premier Ministre Thaksin qui est arrivé au pouvoir dans les années 1990. Il vise à mobiliser les voix des masses rurales à travers une politique d'amélioration de l'infrastructure, de la santé, de l'éducation et de la fourniture de services de base en milieu rural. Il s’agit d'une certaine façon, d’une mise en œuvre tardive d'une politique des besoins de base. Mais il était également en ligne avec les plus récents discours sur la pauvreté, y compris les objectifs du Millénaire pour le développement. Cette politique a reçu un accueil positif d'une grande partie du monde rural. Il a donné lieu à une inclusion de la paysannerie en tant qu'acteur sur la scène politique monopolisée jusque-là par les luttes de factions intra-élites.

Les élites urbaines ont réagi très négativement à cette évolution. Cela a conduit au coup d'Etat de 2006, renversant le pouvoir de Thaksin, et à une crise politique permanente depuis cette année. Les élites urbaines ont été mobilisées d'une manière radicale et violente pour exiger la fin des réformes entreprises de Thaksin. La réaction violente des élites urbaines a entraîné une mobilisation parallèle des masses populaires, y compris les populations rurales, en particulier celle des soi-disant « Régions arriérées » du Nord-Est, pour défendre les réformes et exiger le retour du Premier ministre en exil. Cela a conduit à l'occupation du centre de Bangkok par leur mouvement dit des "chemises rouges". L’arrêt de cette occupation par la force militaire n'a pas mis fin de façon permanente aux mouvements de protestation qui ont continué à se produire.

La Thaïlande est donc entrée dans un état d'instabilité permanente. Ces événements mettent en évidence l'émergence de conflits très violents entre les élites dirigeantes et un mouvement populaire, maintenant confiant et organisé, qui exige sa place et la reconnaissance de ses

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66 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

intérêts dans le système politique. La situation de la Thaïlande préfigure sans doute l'évolution future de la plupart des pays d'Asie du Sud-Est.18

Elle montre qu’une tentative de résoudre les problèmes de la pauvreté rurale en donnant plus de pouvoir à la paysannerie pour y faire face, risque de rencontrer des oppositions très vives de la part des intérêts existants. Elle montre aussi que c’est une voie réelle de sortie de la pauvreté et qu’elle est perçue comme telle par le monde paysan.

En tous cas cette expérience mérite de susciter une réflexion dans les autres pays de la région. Elle montre quels sont les enjeux véritables des politiques de réduction de la pauvreté, dans des pays où l’inégalité des revenus ne fait que s’accentuer.

2.4.5. Conclusion

A travers l'analyse présentée au dernier point, des contradictions croissantes entre les statistiques de réduction de la pauvreté absolue et les tendances à l'augmentation des inégalités et des nouvelles formes de paupérisation et de pauvreté relative peuvent être constatées.

Quand nous regardons tous les indicateurs dans leur ensemble, nous trouvons que malgré les progrès spectaculaires au niveau de PIB au Viet Nam à cause de la croissance économique, cette dernière a aussi créé de grands déséquilibres et des disproportions dans le développement. Et finalement si les pauvres ont été extraits " du gouffre de la faim", ils sont rapidement tombés dans "un autre gouffre de vulnérabilité". Le bel avenir de prospérité qui est décrit par les riches, et les donateurs, est finalement dans certains cas, devenu une impasse.

2.5. LES ENJEUX DU FONCIER EN MILIEU RURAL, L'ÉCHEC DE LA COOPÉRATIVE ET LE RETOUR À LA PAUVRETÉ AU VIET NAM

Dans les parties précédentes, il a été mis en évidence que la complexité des changements socio-économiques récents au Viet Nam incite à nuancer fortement le simplisme des approches conventionnelles des rapports entre performances de la croissance économique et sortie de la pauvreté. Derrière la « sortie de la pauvreté » se profilent en réalité des transformations sociétales qui affectent profondément les rapports entre les différentes catégories de population et créent de nouvelles tensions et contradictions qui sont, à terme, tout aussi problématiques pour les populations concernées et les Etats impliqués (Peemans 2012). Pour comprendre la complexité du processus en cours, il est nécessaire de recourir à une certaine périodisation

Dans cette partie, la relation réciproque entre la réforme agraire et le rôle des coopératives dans un processus de mise en place d’un régime de propriété terrienne des paysans (Tri, 1960, p358) avec la tendance à lier égalité et développement, sera abordée. Ensuite les conséquences du système de privatisation de la terre et son impact sur la vulnérabilité des petits paysans seront présentées.

18

Peemans J.Ph ; A political economy of rural development in South East Asia in relation with the many versions of the disappearance of the peasantry, Etudes et Documents du Graese, n° 6, 2013, p.79-88

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 67

2.5.1. De la révolution d'Août à 1980

Avant la révolution d'août, les différentes couches sociales étaient définies par leur rapport à la terre. Tri l'a bien indiqué dans sa recherche : le propriétaire foncier est celui qui a une superficie plus ou moins étendue (parfois quelques hectares seulement) mais ne travaille pas lui-même la terre et vit des fermages et de l'usure. Le paysan riche cultive lui-même ses rizières et dispose d'un excédent de terre sur lequel il emploie de la main-d'œuvre salariée. Le paysan moyen vit uniquement de sa terre sans exploiter autrui. Le paysan pauvre possède trop peu de terre pour se nourrir et doit en louer et le paysan sans terre est le plus souvent un ouvrier agricole. A cette époque là, une grande partie de la population vietnamienne, surtout les paysans pauvres, vit à la limite de la disette et de la misère.

A partir de la révolution d'Août 1945 sous l'égide de Ho Chi Minh, le Gouvernement provisoire aboli le régime de l'accaparement des terres par les colonialistes, abroge celui de la propriété féodale, et cela afin de réaliser le régime de la propriété terrienne des paysans. Cette réforme agraire avait pour but de libérer les forces productives de la campagne, donner une forte impulsion à la production agricole, accroître les forces du peuple et celles de la Résistance, achever l'œuvre de libération nationale, consolider le régime de démocratie populaire. En résumé, elle résolvait non seulement la contradiction entre les paysans et les propriétaires fonciers, mais aussi celle existant entre la paysannerie et l'impérialisme (Tri, 1960).

En parallèle avec la réforme agraire, l'apparition de la coopération agricole était considérée comme une étape nécessaire à cause de la limite de productivité du travail, en espérant stimuler la transformation des rapports de production, la révolution technique et l’ éducation idéologique. Le décret n°649DTTg du 30 décembre 1955, est devenu la base de la promotion de la coopération dans le secteur agricole dans le Nord du pays, et le restera dans l'ensemble du pays à compter de 1975. A partir de ce moment, le mouvement coopératif agricole progresse graduellement et passe par 3 étapes : groupes d'entraide, coopératives de type semi-socialiste et coopératives entièrement socialisées. Les trois étapes ont été décrites clairement dans la recherche de Tri, celles-ci peuvent se résumer comme suit :

- Groupe d'entraide (de 1955 - 1957période de reconstruction) : il a été basé sur le système de la propriété privée des terres et des principaux moyens de production. Ses membres disposent de leur terre comme ils l'entendent, mais les travaux des champs sont faits collectivement. Ces équipes sont classées en deux catégories : saisonnières ou permanentes. Dans le premier cas, les paysans se groupent seulement pour les gros travaux (semailles ou moissons), ce qui leur permet de tirer le meilleur parti possible des instruments aratoires et des animaux de trait qu'ils possèdent. Dans le deuxième cas, les membres cultivent leur lopin individuel, et en dehors de ce travail, se prêtent une aide mutuelle. Le travail est peu à peu réparti selon les capacités de chacun et le rendement s'accroît. Les équipes permanentes peuvent posséder quelques moyens de production communs. A la fin de la journée, on évalue le travail de chacun selon un système de points pour le calcul du salaire (binh cong cham diem).

- Coopérative de type semi-socialiste (développée à partir de fin 1957) : les principaux moyens de production appartiennent encore aux membres à titre privé. En adhérant à la coopérative, les paysans livrent leurs terres en tant que parts. Toutes les terres sont placées ensuite sous la gestion unique de la coopérative. Toutefois, chaque membre reste le propriétaire de sa terre. Une certaine somme est déduite des revenus totaux de la coopérative pour l'investissement, la réserve de fonds et les frais généraux. Le reste est ensuite distribué à la fois proportionnellement à la qualité et à la quantité du travail fourni

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68 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

par chacun, et aussi proportionnellement à la quantité de terre que chacun a investie comme part au moment de son adhésion.

- La coopérative entièrement socialiste : la terre, les bêtes de trait et les machines agricoles lourdes sont propriété sociale de la collectivité. Le revenu total de la coopérative, après déduction de l'investissement et des fonds de réserve et d'autres frais, est distribué aux membres suivant le principe : " A chacun selon son travail".

Selon GRET/AID-Coop19, le mouvement coopératif a atteint à ce moment là des résultats non négligeables sur différents aspects. Les ressources de l'Etat et de la population ont été mobilisées pour la lutte contre les Américains. Les conditions de vie et aussi l'infrastructure de production ont été améliorées.

En bref, dans le cadre de la réforme agraire et de la coopération agricole, il y eut, dans cette période, un changement important au niveau de la discrimination sociale. Dans le mouvement de coopération agricole, la «politique de classe » du parti dirigeant avait été ainsi formulée : tout d'abord, elle s'est appuyée sans réserve sur les paysans pauvres et la couche inférieure des paysans moyens ; ensuite elle s'est unie étroitement avec les paysans moyens (de couche supérieure); puis elle a limité l'exploitation économique pratiquée par les paysans riches pour arriver finalement à la liquider, réformer leur idéologie; et enfin elle a empêché les propriétaires fonciers de relever la tête et a continué à leur donner la possibilité de se réformer par le travail. (Tri, 1960, p366).

2.5.2. De 1980 à 1993

A partir de 1980, les terres deviennent la propriété du peuple entier sous le contrôle direct de l’État, mais leurs droits d’usage sont alloués aux foyers par les coopératives et les entreprises.

La Directive 100 CT/TW du 13 janvier 1981 était un point important de cette période qui avait impulsé un mouvement d’attribution des terres aux foyers. Cette directive a donc redéfini le rôle des coopératives et leurs relations avec les paysans ou groupes de paysans par le biais de contrats-forfaits de production (khoán san pham) (Mellac et al., 2010). Selon cette Directive, pour un travail déterminé, les groupes de travail et chaque travailleur de la coopérative étaient rémunérés au prorata de leur contribution.

Un système de répartition égalitaire tenant compte de la qualité des terres, du nombre d'actifs du ménage et basé sur un tirage au sort encadrait tout le système productif. Toutefois en réalité, ce modèle de répartition des terres était fluctuant selon les endroits, et des arrangements purent être passés entre les bénéficiaires avant ou après la désignation des lots. Mellac et al. ont noté que dans de nombreux cas, la recherche d’un équilibre entre les foyers provoqua un émiettement important du parcellaire découpé de façon à ce que chaque foyer dispose d’une parcelle dans chaque catégorie de terres. Dans les régions de collines et de montagnes l’allocation des droits d’usage des terres ne concerna que les terres de bas-fonds et ignora l'ensemble des terres de pente, y compris celles qui étaient utilisées à des fins agricoles de façon permanente pour les cultures industrielles et pérennes.

Toutefois, à la fin des années 1980 les coopératives ont montré des faiblesses de la coopérative. Comme toutes les terres, les bêtes de trait, les machines étaient désormais propriété de la coopérative, les paysans étaient devenus très indifférents à la production

19

http://aid-coop.gret.org.vn/download/Analyse_Cooperative_Book_Feb_09/Comparaison%20de%20Systemes%20Cooperatifs.pdf

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 69

agricole. Par conséquent, la production agricole était en stagnation, les terres étaient laissées en friche. Simultanément, la gestion de la coopérative était sous tutelle de l'Etat conformément aux mécanismes de planification centralisée et de subvention. Le mouvement de promotion des coopératives ne rencontrait plus de succès en raison de l'absence de motivation pour l'adhésion à la coopérative, et de sa faible efficacité.

En décembre 1986 le VIème Congrès du Parti vietnamien a officiellement déclenché une réforme de rénovation qui intégrait plusieurs composantes de l'économie marchande dans le processus de construction socialiste. Face au nouveau contexte, le travail de rénovation du système foncier connut une année d’accélération en 1988. Le 5 avril 1988, la directive CT/TW 10 du Bureau politique, sous le nom de khoán 10 (ou contrat 10) a marqué un net changement d'orientation économique et une large libéralisation du commerce privé. Le rôle des exploitations agricoles familiales comme unité de production de base est confirmé. Les terres doivent dorénavant être divisées en fonction du nombre de membres dans le foyer et non plus du nombre d’actifs. Les durées d'allocation du droit d’usage sont aussi précisées de cinq à quinze ans pour les cultures annuelles (cinq ans fut souvent retenus pour les rizières), et de quinze à trente ans pour les terres forestières et les cultures pérennes. Dans ces conditions les coopérateurs étaient devenus des exploitants individuels, moyennant une redevance annuelle à l’Etat. Par conséquent, si avant la coopérative était en charge de trois maillons de production rizicole de (hersage, roulage; protection de l'environnement et hydraulique agricole) et chaque famille de paysans était responsable de cinq maillons de production (repiquage ; fertilisation des champs, soins aux jeunes pousses de riz ; moisson ; battage et séchage), maintenant chaque famille paysanne devenait entièrement responsable des huit étapes de la production rizicole. Le système d’exploitation collective des terres était donc désormais abandonné, et remplacé par le mode d’exploitation individuelle. Alors une partie des coopératives agricoles changèrent leurs activités en se tournant vers les services visant à répondre aux besoins de l’économie familiale, d'autres coopératives non agricoles ont commencé à exercer des opérations multisectorielles (Liem, 2001).

En résumé, dans cette période, il y eut un fort déclin du mouvement coopératif dans un contexte de transition de l'économie nationale collectivisée vers une économie de marché à orientation socialiste. La catégorisation sociale des différentes couches de la paysannerie à la base de la réforme de 1955 a été abandonnée : tous les paysans sont supposés être des petits paysans produisant du riz.

2.5.3. De 1993 au présent : période de la privatisation foncière et de sortie du système collectif

Durant cette période, il n'existait plus clairement de relation entre la réforme agraire et le mouvement coopératif. Pourtant l'émergence de nouvelles formes de différenciation sociale, non plus sur base de critères politiques de discrimination (paysans riches, paysans pauvres, etc.), mais sur base des politiques foncières soutenant le développement industriel et urbain a été constatée. L'inégalité s'accroît entre catégories paysannes et un processus d'accumulation de la terre émerge rapidement.

De 1993 à 2003 l’État touche peu aux droits accordés aux individus et aux foyers et modifie peu le foncier agricole. En revanche, il œuvre à la mise en place de l’administration foncière. Selon Mellac, l’État vietnamien réglemente aussi progressivement – mais dans le désordre, par une élaboration considérable de textes – les modalités d’accès aux terrains urbains, industriels et commerciaux, et augmente les droits concédés aux entreprises privées, préparant ainsi les changements de la période suivante.

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70 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

A partir de l'année 1993, la privatisation foncière s’affirme nettement dans les faits, à travers l’évolution des droits d’usage. La loi foncière de 1993 réaffirme le maintien de la propriété publique de la terre à l’État et le principe d’une attribution de droits d’usage temporaire des terrains agricoles et forestiers aux particuliers. Mais elle allonge, d’une part, les durées d’allocation des droits d’usage de la terre à vingt ans pour les cultures annuelles et cinquante ans pour les cultures pérennes et les forêts. Elle fixe un maximum de trois hectares pour les espaces agricoles dont les droits d’usage sont alloués. Cinq droits d'usage du sol sont aussi fixés : droits d'échanger, de céder, de louer, de laisser en succession et d'hypothéquer. Les certificats d'usage foncier sont aussi attribués aux paysans sous la forme d’un carnet rouge consignant toutes les parcelles dont un particulier a reçu le droit d’usage.

La loi foncière de 1998 consiste essentiellement en précisions à propos des modalités de location des terrains. La location de terres agricoles devient par exemple possible pour les superficies excédents les quotas des terres dont les droits d’usage sont alloués à titre gratuit. Cette loi règlemente surtout la location et l’allocation des terrains urbains, industriels et commerciaux et concerne donc peu les domaines agricoles et forestiers. Les entreprises privées vietnamiennes se voient attribuer définitivement l’usage de terres (et non plus seulement la location) dans le cas de projets de constructions d’immeubles d’habitation. Les entreprises qui peuvent par ailleurs être exonérées de taxe pendant la période de construction prennent en charge la totalité des infrastructures nécessaires aux nouvelles constructions et reviennent sur leurs investissements en louant ou vendant ensuite les habitations (elles peuvent aussi hypothéquer les droits d’usage des terres). Il s’agit là d’un moyen de financer de nouvelles infrastructures en échange de la cession d’un droit d’usage permanent de la terre qui trouva de nombreux émules et accéléra grandement le processus de requalification des terres agricoles périurbaines.

L’amendement de 2001, quant à lui, précise deux points importants. D’une part, les foyers ruraux peuvent recevoir en location les réserves de terre d'intérêt public qui se trouvent sur le territoire de leur commune (et qui occupe théoriquement 5% des terres de la commune). D’autre part, il précise les modalités de modification des catégories de terres. Les modifications qui doivent être faites en accord avec la planification déjà approuvée sont du ressort des communes rurales lorsque les foyers veulent transformer des terres rizicoles en une autre catégorie de terre agricole, et du ressort du district lorsqu’une terre agricole ou forestière sort de la catégorie agricole ou forestière.

Des nouvelles modalités de fixation des prix du sol sont définies. Ces modalités, dont la caractéristique principale est d’être différentes pour les terres agricoles et les terres non agricoles, ont été précisées dans le décret n°188/2004/ND-CP. Elles redéfinissent l’attribution de nouveaux droits aux usagers : pour les terres agricoles, les usagers ont maintenant le droit de sous-louer leur droit d’usage, de le donner, de l’affecter à un cautionnement, de l'apporter au capital d'une entreprise, d'être indemnisé en cas de réattribution des terrains à l'État, ce qui porte maintenant à dix le nombre de droits associés au droit d’usage (avec les droits d'échanger, de céder à titre onéreux, de louer, de laisser en succession, d'hypothéquer). Le décret précise également les cas dans lesquels l'État peut reprendre un terrain, pour des raisons de sécurité, d’intérêt public ou de développement économique. L'État peut ainsi reprendre un terrain afin de promouvoir le développement économique par la construction de parcs industriels, la constitution de zones de haute technologie ou de zones économiques, y compris pour des projets financés par des organismes de développement ou à capitaux 100% étrangers mais ne pouvant s’établir dans des zones existantes. Par ailleurs, l’État se désengage des transactions intervenant lorsque les terrains (les droits d’usage) sont repris.

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 71

Au niveau des terres forestières, au Viet Nam, depuis 1982, le Gouvernement a commencé à allouer la terre forestière aux coopératives et aux ménages pour la plantation d’arbres et la création de forêts. Il existe trois catégories juridiques de forêts au Viet Nam : les forêts à usage spécifique20, les forêts de production21 et les forêts de protection22. Au point vue écologique, le Viet Nam possède plusieurs types de forêts : (i) forêts tempérées et subtropicales de pins; (ii) forêts mixtes conifères-feuillus; (iii) forêts de diptérocarpacées sèches de montagne et humides de plaine; et (iv) mangroves.23

En vertu de la Décision 184, des dizaines de milliers d’agriculteurs dans le nord et le centre-nord du Viet Nam ont reçu chacun 0,5 à 1 ha de terres non boisées à cultiver. En 1994, le décret 02/CP a octroyé pour une durée de 50 ans des terres destinées à la foresterie (avec possibilité de reconduction), aboli les impôts fonciers et institué des politiques de soutien aux investissements24. Depuis 2004, les politiques forestières sociales devaient améliorer la vie des populations montagnardes, encourager le développement des métiers artisanaux, aider les habitants en difficulté par la mise-en-place de mesures fiscales adéquates.

Parallèlement à la loi foncière, le gouvernement a exécuté plusieurs programmes spécifiques visant le reverdissement des terres arides et l'amélioration des forêts dégradées. Les plus importants d'entre eux sont les programmes 327 et 661.

Les objectifs du programme 327 sont : le reverdissement des collines dégradées, la protection des forêts et de l'environnement, l'utilisation des terres stériles dans les zones montagneuses, la combinaison d’activités à la fois sociales et économiques afin d’améliorer la qualité de vie des populations rurales.

Le programme 661 (connu également sous le nom de « programme de 5 millions d'hectares de reboisement ») vise à planter 5 millions d'hectares de forêt, dont 3 millions d'hectares de forêts de protection et 2 millions d'hectares de forêts de production. Il vise aussi à protéger les forêts existantes. L'objectif est d'augmenter la couverture forestière du pays de 43%, afin d'améliorer la protection de l'environnement et la conservation de la biodiversité et à atténuer les catastrophes naturelles. Les objectifs de développement comprennent la création d'emplois pour les populations des hautes terres et l’accroissement de l'offre en produits forestiers pour les usines de papier et de bois de chauffage dédiés à la fois à la consommation intérieure et à l'exportation.

L'attribution des terres et les programmes 327 et 661 ont été conçus à l'échelle nationale et ne prennent pas en considération les groupes ethniques différents, les traditions, les conditions physiques, etc. Bien que destinées à bénéficier à tous les groupes de population, ces politiques sont en réalité plus adaptées et orientées vers les communes que par exemple, vers les hameaux traditionnels situés dans des zones reculées. En vertu des dispositions de la

20

Les forêts à usage spécifique : parc national, zone de conservation naturelle et zone de conservation d’habitats et d’espèces, espace de protection paysagère qui est conçu pour des forêts protégées en raison de leur patrimoine culturel et/ou historique ou de leur paysage magnifique, et forêts de recherches scientifiques et expérimentales

21 Les forêts de production sont principalement destinées à la production et au commerce du bois et de produits non

ligneux

22 Les forêts de protection jouent un rôle écologique majeur. Elles se divisent en trois catégories : forêts de protection

situées en amont de cours d’eau; forêts de défense contre les invasions des vents et des sables; forêts de prévention des marées. http://www.fao.org/fileadmin/user_upload/legal/docs/lpo51fr.pdf, consulter le 5 décembre 2012

23 http://www.fao.org/fileadmin/user_upload/legal/docs/lpo51fr.pdf

24 ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/009/a0645f/a0645f06.pdf

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72 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

législation de réparation des terres forestières, le gouvernement accorde davantage d’importance à la protection de l'environnement et à la conservation plutôt qu’au soutien des personnes à faibles ressources locales pour améliorer leurs moyens de subsistance.

2.5.4. Le système de privatisation et l'engrenage des conflits

La perspective de cette réforme foncière était de permettre de s'approcher d'une allocation de terre plus efficiente pour une meilleure équité. Toutefois, ce ne fut pas le cas. Même si le Gouvernement vietnamien commença sur un pied d'égalité, le marché introduisit l'inégalité. Selon Martin Ravallion et Dominique Van de Wall, globalement, la transition fut favorable à ceux qui avaient très peu de terres au départ. Mais une décennie après cette réforme, les paysans sans terre occupaient une part importante de la population pauvre. La hausse du nombre de paysans sans terre semble avoir stimulé la lutte contre la pauvreté au Viet Nam voyant resurgir un prolétariat rural par cette libéralisation des marchés fonciers, les ménages agricoles saisissant des occasions nouvelles, notamment sur le marché du travail (Martin Ravallion et Dominique Van de Wall, 2008).

La question des droits d’usage des terres agricoles et forestières était un sujet de préoccupation important, et en particulier la question de la transformation des terres agricoles en terres industrielles et commerciales dans les zones périurbaines. L’actualité du foncier n’est donc plus celle des droits portant sur les terres agricoles et forestières, mais celle de la transformation du statut des terres, surtout des terres agricoles des grands deltas, à proximité des villes, transformées en zones urbaines, industrielles, parcs de loisirs et d’activités. L’étalement urbain provoque évidemment la perte d’espaces agricoles comme par exemple dans certains districts de la province de Vinh Phuc où 70% de la superficie du district est devenue zone industrielle. Ailleurs, selon Le Courrier du Viet Nam du 28 avril 2008, la réduction de la superficie des terres agricoles s'observe particulièrement dans le delta du Fleuve Rouge (300 000 foyers agricoles ont perdu leurs parcelles), suivi du Nam Bo oriental (100 000 foyers) et de Ho-Chi-Minh-Ville (52 094 foyers). Ce phénomène est provoqué par le départ d’une partie de leur main-d’œuvre, souvent la plus jeune, attirée par le travail salarié (comme ouvriers) ou par des activités moins formelles (travail à la tâche en ville). Le phénomène est aussi provoqué par les problèmes de pollution, de rejet de déchets solides sur le pourtour des parcelles, de rejets sauvages de déchets liquides toxiques de toutes sortes (Mellac et al., 2010).

Par ailleurs, le problème sur le montant des indemnités destinées aux agriculteurs a émergé. Ces derniers sont floués à deux reprises, en cédant au prix de la terre agricole des terres destinées à changer de statut, et en ne recevant pas la totalité du montant de leur indemnisation par les entreprises ou particuliers qui achètent les droits d’usage. Cela a crée des tensions fortes entre les agriculteurs et les autorités locales et dans certains cas, les tensions se sont transformées en conflit. Comme par exemple "dans le district de Van Giang, entre 200 et 300 personnes avaient manifesté pendant plusieurs jours devant le bureau de l'Assemblée nationale. Elles protestaient contre la confiscation de 500 hectares de terres du district de Van Giang, dans la province de Hung Yen, au sud de Hanoï, au profit de la compagnie privée Viet Hung qui prévoyait de construire une vaste zone résidentielle pour un investissement de 250 millions de dollars» (Source : Viet Nam infos n°38 du 15 septembre 2006).

Si dans les régions rurales du delta, les terres agricoles tendent à être transformées en terres industrielles, commerciales, résidentielles ou de loisirs, dans les régions montagneuses et isolées, on assiste au développement des fermes agricoles de grande dimension (cinq hectares pour les cultures annuelles, dix hectares pour les cultures pérennes dans les plaines et entre

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 73

dix et trente hectares dans les régions montagneuses). Le développement des cultures commerciales comme le maïs, le manioc, le bambou et le café sont encouragés par les firmes agro-alimentaires tandis que le caoutchouc et le bambou sont encouragés par les firmes agro-industrielles. Alors que les pratiques traditionnelles d’essartage gèrent les ressources foncières et forestières sur le long terme dans le cadre de l’autosuffisance alimentaire, cette augmentation des superficies de maïs et de manioc traduit le passage à une agriculture productiviste préoccupée par les revenus individuels et immédiats, ce qui pose la question de la durabilité sociale (partage et transmission des ressources intra et intergénérationnels) et environnementale de ces pratiques.

Dans les régions montagneuses du Viet Nam, les gens comptent beaucoup sur les forêts et les activités liées à la foresterie. Les terres forestières sont considérées comme un actif de production important pour la réduction de la pauvreté dans les régions montagneuses. Les forêts servent non seulement de compte d’épargne pour les populations dans et aux alentours des forêts, mais elles procurent un service écosystémique. Les produits non ligneux sont collectés en forêt et servent de nourriture, de médicaments et de bois pour le feu pour les habitants, en particulier les pauvres. Beaucoup de petits agriculteurs sont incertains quant à la façon de s’occuper des terres forestières qui leur sont allouées. Les plus aisés ont tendance à profiter rapidement des terres délivrées, tandis que les plus pauvres ou les minorités ethniques mettent du temps pour apprendre comment fonctionne le système, et les délais accordés pour la mise en valeur des terres sont alors souvent dépassés. En outre, les ménages pauvres laissent souvent leurs terres forestières en friche parce qu’elles sont trop éloignées de leurs villages et ils ont beaucoup de difficulté à gérer et à protéger la forêt. Les ménages pauvres sont toujours en pénurie de nourriture et d'argent pour couvrir leurs besoins quotidiens et continuent de dépendre plus ou moins des produits forestiers naturels. Ils sont, de ce fait, plus intéressés par leurs besoins immédiats que ceux des dix ou vingt prochaines années. De plus ils possèdent très peu de ressources à investir dans la plantation de forêts, à l'exception de la main-d'œuvre familiale.

2.5.5. Le mouvement coopératif vietnamien de 1996 au présent

L'analyse de cette partie est basée sur la recherche menée par le GRET et AID-COOP, qui est la source la plus complète sur ce sujet.25

A partir de 1996, le Viet Nam se dote pour la 1ère fois d'une loi sur les coopératives en créant un cadre juridique de base durable pour développer les coopératives dans le contexte d'une amélioration progressive du système institutionnel et d'une économie de marché à orientation socialiste. La première loi n°47-L/CTN est celle du 20 mars 1996 sur les coopératives du Viet Nam. Puis une nouvelle loi n°18/2003/QH du 26/11/2003 sur les coopératives a été adoptée par l'Assemblée nationale.

• La Loi de 1996

La coopérative (selon article 1, de la Loi sur la Coopérative de 1996) est une organisation économique autonome créée par les travailleurs ayant des besoins et intérêts communs, qui s'associent volontairement et conformément à la législation existante sur la base d'un apport en industrie et capital afin de valoriser leur force collective et celle de chaque associé, dans

25

http://aid-coop.gret.org.vn/download/Analyse_Cooperative_Book_Feb_09/Comparaison%20de%20Systemes%20Cooperatifs.pdf

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74 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

l'objectif de mieux exercer les activités productives et commerciales, d'améliorer les conditions de vie et de contribuer au développement socio-économique du pays.

Cette loi a défini 5 principes d'organisation et de fonctionnement des coopératives au Viet Nam (article 5) :

1. adhésion et démission volontaire; 2. gestion démocratique et égalitaire; 3. responsabilité propre et intérêt mutuel; 4. répartition des bénéfices sur la base d'une garantie de l'intérêt des associés et du

développement de la coopérative; 5. coopération et développement communautaire.

La loi sur les Coopératives de 1996 prévoit que la coopérative ne fonctionne qu'avec un seul mécanisme, avec un conseil d’administration cumulant deux fonctions, celle de gestion et celle de direction de la coopérative. Le président de la coopérative est responsable du conseil d'administration et donc de toute les activités productives et commerciales de la coopérative.

• La Loi de 2003

Selon la loi sur les coopératives de 2003: "la coopérative est une organisation économique collective constituée conformément aux dispositions de la présente Loi par les personnes physiques, les foyers familiaux et/ou des personnes morales qui ont des besoins et des intérêts communs et qui s'associent volontairement sur base d'un apport en industrie et en capital, afin de valoriser les points forts de chacun des adhérents, de s'entraider dans les activités productives et commerciales, d'améliorer les conditions de vie et de contribuer au développement socio-économique du pays. La coopérative jouit de la personnalité morale et fonctionne dans les conditions similaires à celles d'une entreprise. Elle est autonome et tenue responsable de ses obligations financières dans la limite de son capital statutaire, de ses fonds cumulés et d'autres sources de capital qu'elle détient conformément aux dispositions légales".

La loi sur la coopérative de 2003 articule l'organisation et le fonctionnement de la coopérative selon les 4 principes suivants :

1. volontarisme; 2. démocratie, égalité et transparence d'information; 3. autonomie, responsabilité propre et intérêt mutuel; 4. coopération et développement communautaire.

Les organes de gestion des coopératives sont structurés selon l’échelle :

- Au niveau central: ce sont les Ministères dans leurs champs de compétences et la Banque d'Etat du Viet Nam. Les Ministères sont : les Ministères du Plan et de l'Investissement, de l'Agriculture et Développement rural, du Commerce, de l'Industrie, des Transports, de la Construction, de l'Education et de la Formation, des Affaires Intérieures, des Finances, du Travail, des Invalides de guerre et des Affaires sociales, des Sciences et Technologies. Ces Ministères ont mis en place des départements de gestion de l'économie collective dans le cadre du mandat du Gouvernement.

- Au niveau provincial : le Comité Populaire provincial s’occupe de la coordination avec le Fonds de la Patrie, l'Union des Coopératives et l'Association des agriculteurs, dans la planification et la direction des activités et la diffusion des textes de loi sur les coopératives, ainsi que dans la mise en œuvre des nouveaux modèles de coopérative auprès des coopérateurs et des personnes désirant adhérer à la coopérative dans la province. Il existe par ailleurs aussi le Département du Plan et de l’Investissement, de

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 75

l'Agriculture et du Développement rural, de la Pisciculture, du Commerce et du Tourisme etc., la succursale de la Banque Agricole, qui sont chargés de la gestion publique des coopératives spécialisées.

- Au niveau du district : la compétence et les responsabilités du Comité Populaire du District sont de mettre en place des plans et de diffuser les textes de Loi sur le secteur coopératif. A ce niveau, il y a aussi le bureau économique et le bureau des Finances qui sont chargés de la gestion de l'Etat dans certains secteurs dont l'économie collective et l'immatriculation commerciale.

- Au niveau de la commune, ce sont les responsabilités du Comité Populaire de la commune qui sont en charge pour diffuser le texte de loi sur le secteur coopératif et créer des conditions favorables aux acteurs ayant besoin de créer une coopérative. A ce niveau il n'y a pas de service ou bureaux spécialisés mais il y a des cadres cumulant des tâches diverses.

Le modèle de structuration dans la coopérative est toujours basé sur 4 organes :

1. l'Assemblée des membres, 2. le Conseil d'Administration (organe chargé de la gestion), 3. le Président de la coopérative (organe chargé de la direction) ; 4. le Comité de Contrôle.

La coopérative est responsable des obligations financières dans la limite de la valeur de son capital statutaire, de ses fonds cumulés et de ses autres ressources de financement conformément aux dispositions légales. Elle doit payer l'assurance sociale au profit des adhérents et salariés travaillant de manière permanente pour son compte conformément à ses statuts.

Les biens communs peuvent être des outils au service de la production, des établissements socio-culturels, des infrastructures d'utilité publique mises en place avec les fonds de développement, le fonds de solidarité de la coopérative, les subventions accordées par l'Etat ou des dons venus des organisations ou particuliers étrangers ou vietnamiens

La constitution de biens communs au sein de la coopérative reflète l'une des spécificités de la coopérative par rapport à d'autres entreprises, traduisant un caractère social et communautaire.

Afin d’appuyer les coopératives, le décret n°88/2005/ND-CP du 11/07/2005 a été promulgué sur les politiques d'encouragement au développement des coopératives : Politiques d'appui à la création de la coopérative.

Ces politiques sont :

1. Politique d'appui à la formation des ressources humaines ; 2. Politique d'appui foncier ; 3. Politique de crédit ; 4. Politique de promotion commerciale ; 5. Politique en matière d'emploi et de travail ; 6. Politique d'appui à l'application de nouvelles technologies et à l’innovation

technologique ; 7. Politique d'appui à l'investissement dans les infrastructures ; 8. Politique en matière d'investissement.

Il y a 12 groupes de coopératives au Viet Nam selon les critères d'évaluation et de classification des coopératives dans la circulaire n°01/2006/TT-BKH du 19 janvier 2006 :

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76 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

1. Coopérative agricole, sylvicole, de production de sel ; 2. Coopérative aquacole ; 3. Coopérative industrielle ; 4. Coopérative de production et de distribution électrique, gazière et d'eau ; 5. Coopérative de construction ; 6. Coopérative commerciale ; 7. Coopérative d'entrepôt et de télécommunication ; 8. Coopérative financière et de crédit ; 9. Coopérative de sciences et technologies ; 10. Coopérative immobilière et de conseil ; 11. Coopérative d'éducation et de formation ; 12. Coopérative de santé et d'assistance sociale au service des individus et de la

communauté.

Résultat

En 2000, selon les estimations existantes, il y avait environ 7,6 millions de personnes qui étaient membres d'organisations économiques collectives (près de 5,9 millions dans les coopératives, les fédérations de coopératives et 1,7 millions de personnes dans les groupes de coopératives), soit 20,21% des 37,6 millions de travailleurs du pays. En 2005 ce chiffres était estimé à 14 millions de personnes (10,5 millions dans les coopératives, les fédérations de coopératives, 3,5 millions de personnes dans les groupes de coopératives) soit près de 33% des travailleurs du pays.

Dans l'ensemble du pays il y avait 18 200 coopératives en 2005, parmi lesquelles les coopératives agricoles et sylvicoles représentaient 55%, les coopératives aquacoles 4%, industrielles - artisanales 14%. Les coopératives commerciales, de services et de construction, quant à elles, représentaient 3%, les Fonds de crédit populaires 5% et les coopératives de transport 6%. D'autres formes de coopératives représentaient 10%.

Parmi ces 18200 coopératives, il y en avait environ 9000 qui étaient nouvellement créées, 8 300 coopératives transformées, et plus de 600 coopératives à transformer. De 2000 à 2004, il y avait 4 183 coopératives liquidées dont 2 500 n'étaient pas en mesure d'être transformées, 1 683 coopératives ont été liquidées pour défaut d'efficience bien qu'elles en fussent capables.

Les coopératives nouvellement créées, surtout les coopératives spécialisées, sont généralement de petite taille. Dans les coopératives transformées, les membres du Conseil d'administration sont plus nombreux avec entre 3 et 5 personnes. Le président de la Coopérative est souvent membre du Comité du Parti. Ceci est la conséquence directe du fait que les coopératives de ce type étaient bien souvent appuyées par les responsables locaux depuis de nombreuses années.

Les apports des coopérateurs sont définis sans tenir compte des besoins réels de fonds pour mener à bien les activités de la coopérative. Dans la mesure où les coopératives n'ont pas beaucoup d'accès aux crédits bancaires, certaines d’entre elles se heurtent à un manque de fonds de roulement pour développer leurs activités. En 2003, 96% des coopératives de service agricole disposaient d'un fonds statutaire inférieur à 10 millions VND.

Les coopératives transformées ont beaucoup de difficultés pour mobiliser les capitaux des coopérateurs, car les coopérateurs n'ont pas encore confiance en la solvabilité de la coopérative. D'ailleurs, leurs bénéfices annuels sont souvent très faibles.

L’expérience montre qu'il existe des coopératives immatriculées en conformité avec la législation sur les coopératives, mais qui en fait sont des entreprises qui profitent des politiques privilégiées mises en place par l'Etat.

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 77

Comparaison des coopératives avant la Loi de 1996 - "ancien type de coopérative" et après la Loi de 1996 - "nouveau type de coopérative":

Ancien type de coopérative Nouveau type de coopérative

Coopérateur Les individus Les individus, des foyers familiaux, des personnes morales (y compris les

employés, fonctionnaires, fermes, unités exploitations, les petites et moyennes entreprises, et tous les

composants économiques)

Relation de propriété

La propriété individuelle n'est pas connue, la propriété familiale supprimeé, seule la propriété

collective était reconnue en matière de matériels de production; les

travailleurs devaient, pour adhésion, contribuer par des

apports en terrains, bœufs, buffles et outils de production principaux

La propriété individuelle et collective est clairement distinguée. La propriété collective désigne les

capitaux collectés pour réinvestir, les biens acquis par la collectivité au

service des activités de la coopérative, biens auparavant à la disposition de la coopérative, biens

apportés par l'Etat, les organisations et individus vietnamiens et étrangers qui sont indivisibles et appartiennent

aux budgets indivisibles.

Relation de gestion au sein de la coopérative

Une relation de dépendance s'imposait entre la coopérative et

les adhérents. Les membres étaient séparés des matériels de

production, étant travailleurs sous la direction centralisée de la coopérative. la nature de la

coopérative n'était pas assurée

Ce sont l'égalité, la contractualisation, le volontarisme, l'intérêt réciproque et le partage de

risques qui marquent la relation entre la coopérative et les

coopérateurs dans les activités productives et commerciales

Relation de distribution

La distribution était caractérisée par la subvention, le partage en

fonction du travail. La distribution en fonction des apports était

presque impossible car l'apport en capital était plutôt informel. Ce qui

ne motivait pas les coopérateurs dans leur travail et l'appartenance

à la coopérative.

La distribution se fait selon les principes d'égalité, d'intérêt

réciproque en fonction du travail mais aussi des apports et de la participation aux services de la

coopérative. Les travailleurs sont les coopérateurs qui sont rétribués en

fonction de la qualité et de la quantité de travail apporté, ils profitent aussi des bénéfices en fonction de leurs apports et du

niveau d'utilisation des services. Ceci représente une source de

motivation pour les coopérateurs. Lors de la distribution , les

coopératives créent aussi des budgets indivisibles qui servent au

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78 Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam

développement des activités commerciales et au bien-être

commun des coopérateurs, reliant étroitement les intérêts individuels et collectifs, immédiats et à long terme

Mécanisme de gestion vis-à vis de la coopérative

Les activités productives et commerciales ainsi que la

distribution, la fixation des prix de la coopérative étaient absolument

définies par la gestion hiérarchique selon la planification de l'Etat

La coopérative a de l’autonomie dans ses décisions et prend des

responsabilités dans le cadre de ses activités commerciales, de services, du partage des bénéficesz et pertes,

de l'accomplissement des obligations vis-à-vis de l'Etat et de chaque

coopérateur

Taille et secteur d'activité

Leurs opérations se limitent normalement à une circonscription

administrative, leurs secteurs et produits étaient définis selon la

planification de l'Etat

Leur taille et leur secteur d'activité ne sont plus limités comme

auparavant mais concernent différents secteurs et circonscriptions

administratives. Les coopératives peuvent s'associer pour créer une

fédération coopérative

Modèle de coopérative

Elle était appliqueé dans l'ensemble du pays selon le modèle centralisé, pour la plupart des coopératives productives. Les coopératives de services n'existaient presque pas

Elle prend des formes variées qui se distinguent sur le plan du secteur, de la zone, du niveau de développement, et concernent différents services tels que les intrants et extrants pour la production. Ces formes diverses opèrent des activités mixtes et

établissent des entreprises filiales

Pourquoi, malgré tous ces changements positifs, le mouvement de coopérative ne parvient-il pas aux mêmes succès que celui des années 1955 – 1957 ?

Pourquoi les coopératives actuelles ne jouent-elles pas encore un rôle central dans les stratégies de lutte contre la pauvreté ?

Peut-être est-ce à cause de la politique de développement du Gouvernement vietnamien qui donne la priorité à l’accélération de la modernisation, de l’industrialisation et de l’intégration à la mondialisation, oubliant que les paysans n'ont aucune connaissance sur les questions internationales ?

Il semble que le bien-être que le Gouvernement espère apporter aux populations est différent de celui attendu par une grande partie de la population vietnamienne, dont les petits paysans ?

Les réponses ne sont pas simples. Il est donc nécessaire de faire des recherches dans les divers domaines concernés par le potentiel du développement des coopératives .

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Chapitre 2. Approches récentes de la pauvreté au Viet Nam 79

CONCLUSION DU CHAPITRE

Ce chapitre montre une image complexe de la pauvreté au Viet Nam dans le processus de développement du pays. L'analyse a montré le résultat "miraculeux" de réduction de la pauvreté du Viet Nam depuis le Doi Moi.

Le Doi Moi a entraîné une redéfinition des rôles de l’État et de la société dans la lutte contre la pauvreté et aussi dans le développement économique durable. Au cœur de cette mise en place d’une société dite “pluri-sectorielle” se situe l’introduction progressive de nouvelles règles économiques imposées par le passage d’une économie centralisée vers des mécanismes de marché. Les analyses précédentes montrent qu’après le Doi Moi, la croissance économique du Viet Nam s’accélère fortement, sa pauvreté chute de manière spectaculaire. Toutefois les inégalités sociales se creusent rapidement, la vie des individus est de plus en plus vulnérable face aux risques tels que les catastrophes naturelles (inondations, sécheresses, invasion d’insectes ravageurs) ou les risques dans la vie (maladies graves, accidents, etc.). Il semble que la lutte contre la pauvreté tombe dans un cercle vicieux.

Il est nécessaire d’insister sur deux problèmes principaux qui expliquent pourquoi la pauvreté persiste :

Tout d’abord, le système administratif vietnamien dans la promulgation, la gestion et la réalisation des politiques de développement du pays montre des faiblesse. Nous avons bien montré que la multiplication des politiques de lutte contre la pauvreté et la détermination des bénéficiaires des programmes de lutte contre la pauvreté en se basant sur le seuil de pauvreté monétaire complexifient l'exécution des programmes par les responsables locaux.

Ensuite, la libéralisation du marché et l'intégration mondiale ont aggravé la différenciation sociale au Viet Nam. Dans le cadre de cette recherche, c’est plus particulièrement la réforme agraire qui est en cause. L'analyse a montré qu’après 30 ans de "Doi Moi", les changements des politiques au niveau foncier, et en particulier le problème de droit d'usage des terres, ont entraîné des problèmes sociaux pour les petits paysans, et surtout pour les minorités ethniques.

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CHAPITRE 3 MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

3.1. RAISON DU CHOIX DE LA ZONE D’ÉTUDE

En se basant sur les objectifs et les hypothèses de la thèse, trois points importants ont été considérés pour choisir le terrain d’étude : le taux de pauvreté, la superficie boisée et la présence de minorités ethniques.

Le Viet Nam se compose de huit régions principales : la région du Delta du Fleuve Rouge, le Nord-Est, le Nord-Ouest, la région côtière du centre au Nord, la région côtière du centre au Sud, les Hauts plateaux du centre, le Sud-Est et la région du Delta du Mékong. Le travail de la thèse s’est déroulé en région montagneuse, dans le Nord-Ouest du pays, où le taux de pauvreté est le plus élevé des huit régions présentées. Il s’élève à 39,4%. Les minorités pauvres sont fortement concentrées dans cette région montagneuse du Nord-Ouest et représentent 72% de la population.

La superficie des forêts de la région Nord-Ouest est de 1 273 718 ha, ce qui représente 11,47% de la superficie totale des forêts au Viet Nam (figure 3.1).

Source: BM, 2012

Carte 3.1. Taux de pauvreté en 2009

Source: BM, 2012

Carte 3.2. Répartition spatiale des minorités

ethniques pauvres

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82 Chapitre 3. Méthodologie de la recherche

Dans cette région montagneuse du Nord-Ouest, le choix s’est porté sur la province de Hoa Binh. Le taux de pauvreté à Hoa Binh est élevé et représente 31,51%. Le revenu moyen par personne par mois en 2010 était de 829 800VND (soit 43,67$). Les minorités ethniques sont importantes. Sept groupes ethniques vivent dans cette province : les Muong, les Kinh, les Thai, les Tay, les Dao, les H’Mong et les Hoa. Les Muong représentent 63% de la population à Hoa Binh, les Kinh 28% et les autres groupes 9%. La superficie de terres forestières est importante et représente 72,6%. Le taux de pauvreté à Hoa Binh n'est pas aussi important que dans les autres provinces de la région du Nord-Ouest mais j’ai effectué mon travail de fin d’études en 2001 dans la province de Hoa Binh, et c’est pourquoi mes connaissances sur la région ont facilité la collecte de données.

Parmi les 10 districts de la province de Hoa Binh, deux districts (district Da Bac et district Cao Phong) ont été choisis pour réaliser cette analyse. Ils rassemblent les différentes caractéristiques de la province. Ils sont tous les deux situés en zone de haute montagne, de part et d’autre du centre-ville de Hoa Binh. Pour chacun de ces districts, une commune représentative a été choisie : la commune de Tu Ly et la commune de Xuan Phong. Le taux de pauvreté des deux communes est élevé : 50,43% à Tu Ly et 55,28% à Xuan Phong. La superficie forestière est très importante : 73,80% à Tu Ly et 88,17% à Xuan Phong. Les groupes ethniques de Tu Ly sont divers : les Muong représentent 50%, les Kinh, 17%, les Tay, 12%, les Dao, 17% et les Thai, 4%. Dans la commune de Xuan Phong, la majorité est issue du groupe Muong (98,5%) et 1,5% regroupe les minorités Kinh et Thai.

3.2. APPROCHE DE RECHERCHE

3.2.1. Approche multidimensionnelle

L’approche de la pauvreté doit être multidimensionnelle, c’est-à-dire beaucoup plus large et plus riche que l’approche qui ne serait basée que sur un seul indicateur (le revenu ou les

Source:GSO Figure 3.1. Superficie des forêts au Viet Nam en 2003

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Chapitre 3. Méthodologie de la recherche 83

dépenses de consommation) (Abdelkhalek & Ejjanoui, 2009)26. La théorie qui est concernée par cette approche est déjà abordée concrètement dans la partie 1.4.

Dans cette recherche sont abordés les aspects sociaux, culturels, institutionnels, environnementaux tout autant que les aspects économiques (production, technique, consommation, revenus) et démographiques (natalité, mortalité). Les données sont donc collectées sur la base d’une enquête multidimensionnelle afin d’établir des indicateurs couvrant les différents aspects des conditions de vie des ménages.

3.2.2. Approche historique

Selon Bottomore, l'approche historique a pris deux formes principales. L'une est celle des premiers sociologues influencés par la philosophie de l'histoire et plus tard par la théorie biologique de l'évolution. Elle porte l'attention sur les problèmes des origines, du développement et de la transformation des institutions sociales, des sociétés et des civilisations. Elle s'intéresse à l'histoire globale de l'humanité et à toutes les institutions importantes de la société ou à l'ensemble de l'évolution d'une institution sociale particulière. L'autre est sous une forme toute différente, notamment par la préoccupation de Max Weber et de nombreux sociologues qui se sont inspirés de ses travaux. En ce qui concerne Weber, on peut se faire une idée de l'originalité de sa méthode en se référant aux études qu'il a faites sur les origines du capitalisme, le développement de la bureaucratie moderne et l'influence que les grandes religions ont exercées sur l'économie. (Bottomore T.-B., 1974, p51-53).27

La présente recherche, dans le cadre de l'analyse de la pauvreté, se base sur des études concernant les changements historiques survenus au Viet Nam dans des domaines bien précis concernant les types de société, la structure sociale et le développement de la bureaucratie.

3.3. SOURCES DES DONNÉES

Par une méthode inductive, partant des cas choisis (échantillons et unités d’enquête), les observations ont été étendues à l’ensemble de la population étudiée (zone d’étude). Les données ont été obtenues de deux manières :

• Les sources bibliographiques

Les ressources documentaires constituent une source d'information relativement abondante. Il s’agit ici de déterminer les composantes du concept de la pauvreté et de situer les interactions entre la pauvreté et le développement rural au fil du temps.

• Les observations directes et les entretiens

a. Première phase : Enquête exploratoire et milieu d’enquête

Le premier objectif de cette enquête était de rassembler les données que détiennent les autorités locales et les fonctionnaires locaux sur les diverses réalités des communes dont ils sont responsables. Le second objectif était de comprendre comment ils perçoivent la réalité dans ces communes, ce qu’ils considèrent comme de grands changements depuis une certaine

26

Abdelkhalek T. & Ejjanoui F. (2009). Approche multidimensionnelle de la pauvreté : présentation théorique et application au cas de la ville de Marrakech http://www.erf.org.eg/CMS/uploads/pdf/1254895048_16AC_LBR_EJJANOUI_ABDELKHALEK.pdf (12/02/2014)

27 Bottomore T.B.,(1974). Introduction à la sociologie. Payot, Paris, 354p

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84 Chapitre 3. Méthodologie de la recherche

période de référence (par exemple le "Doi Moi"), les principales réalisations, comment ils évaluent la situation actuelle, et les principaux problèmes qui se posent et les perspectives d’avenir. Dans les deux cas, l’outil privilégié fut l’interview semi-structurée (Semi-structured interviews : SSI).

b. Deuxième phase : Enquête centrée sur les ménages (9-11/2009)

Un questionnaire ouvert a été élaboré pour les entretiens auprès des ménages. Cet entretien a été orienté par les objectifs généraux de la recherche, tout en restant ouvert pour être à l’écoute du point de vue des enquêtés.

Comme cela a déjà été évoqué dans la partie précédente, pour les régions rurales, les foyers sont considérés pauvres si le revenu moyen est en-dessous de 200 000VND/pers.mois. Ce seuil est établi par le MOLISA et est appliqué pour la période 2006-2010.

En suivant ce seuil de pauvreté, pour faire l’enquête, 120 ménages divisés en quatre groupes dans les deux communes ont été choisis. Le choix des villages étudiés s’est basé sur le taux de pauvreté important et la superficie forestière. Par ailleurs, les deux communes étudiées regroupent beaucoup de minorités ethniques, toutefois, dans la commune de Tu Ly, les groupes ethniques sont plus divers. Cet aspect a également été pris en compte dans le choix des villages. Au total, 10 villages dans les deux communes étudiées ont été choisis. Ce sont les villages de Mit, Tay Mang, Huong Ly, Chau et Ma dans la commune de Tu Ly, et les villages de Ru 2, Ru 6, Nhoi 2, Can 1, Can 2 dans la commune de Xuan Phong.

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Chapitre 3. Méthodologie de la recherche 85

Tableau 3.1: Taux de pauvreté des villages des deux communes étudiées en 2009-2010

Commune Village Appartenance ethnique des ménages

Nombre de foyers au total

Foyers pauvres

Taux de pauvreté (%)

Tu lý

Tầy Măng Tay et Muong, Dao, Kinh

196 79 40,31

Xóm mít Dao 57 15 26,31

Hương Lý Muong, Tay, Kinh 143 55 38,46

Đồng Chanh Muong, Tay 56 11 19,64

Cháu Muong, Tay, Kinh 116 50 43,10

Mạ Dao, Muong, Kinh 95 43 45,26

Mè Muong 104 11 10,57

Bình Lý Muong, Kinh 53 2 3,77

Tràng Muong 56 3 5,36

Tình Tay, Muong, Kinh 107 16 15,53

Mó La Tay, Muong 114 12 10,52

Rieng Muong, Tay 148 11 7,43

Kim Lý Kinh 68 15 22,05

Xuân Phong

Rú 1 Muong 43 7 16,27

Rú 2 Muong 30 7 23,33

Rú 3 Muong 43 11 25,55

Rú 4 Muong 55 10 18,18

Rú 5 Muong 48 19 39,58

Rú 6 Muong 63 15 23,80

Nhói 1 Muong 83 21 25,30

Nhói 2 Muong 79 32 40,50

Nhói 3 Muong 87 16 18,39

Cạn 1 Muong 72 36 50,00

Cạn 2 Muong 74 24 32,43

Mừng Muong 42 12 28,57

Source : Enquêtes en 2009 et 2010

Nous avons demandé aux chefs des 10 villages de choisir au hasard trois ménages appartenant à chacun des groupes ci-dessous, soit un total de 12 ménages par village :

• Premier groupe (A) : pauvres de manière persistante. Ce sont des ménages qui sont pauvres à toutes les dates où les données sont disponibles

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86 Chapitre 3. Méthodologie de la recherche

• Deuxième groupe (B) : pauvres transitoires. Ces sont les ménages qui ont un revenu moyen supérieur au seuil de pauvreté mais qui sont parfois pauvres, ou bien les ménages qui viennent de sortir de la pauvreté mais dont les revenus sont proches du seuil de pauvreté

• Troisième groupe (C) : ménages avec un niveau de revenu moyen

• Quatrième groupe (D) : ménages avec un niveau de revenu très supérieur au seuil de pauvreté

Type de ménage Commune de Tu Ly Commune de Xuan Phong

Nombre total de

ménages

Groupe (A) 15 25 % 15 25 % 30

Groupe (B) 15 25 % 15 25 % 30

Groupe (C) 15 25 % 15 25 % 30

Groupe (D) 15 25 % 15 25 % 30

Total 60 60 120

Avec cette approche, on a tenté, de manière ouverte, de voir comment les populations de la communauté percevaient les réalités de la vie dans les villages concernés.

Les discussions permettaient aux membres des différents groupes (focus groups) d’identifier les principaux problèmes de la communauté :

- Problèmes démographiques et questions sur les infrastructures (routes, chemins, accès à l’eau potable, à l’électricité, au téléphone, services de transport publics régionaux), santé, éducation

- Problèmes liés à l’évolution de l’environnement naturel, des ressources de la terre et de l'eau, de la gestion des ressources forestières, des revenus

- Problèmes liés aux activités agricoles et aux rapports entre activités agricoles et forestières, à la vie sociale, aux relations interfamiliales et intergénérationnelles

Des questions ont été posées afin de réaliser une description par les membres de la communauté, du niveau de vie général des foyers dans la communauté :

- Selon vous, quelles sont les caractéristiques qui permettent de déterminer les groupes riches, moyens et pauvres ?

- Quels sont les principales sources de revenus pour les foyers/les pauvres ? Quelle est l’importance du revenu de l’emploi agricole ?

- Quelles sont les denrées importantes dans le panier de consommation des foyers/des pauvres ?

- Quelles sont les activités non agricoles importantes ? Quel est le rapport avec le secteur agricole ? Contribuent-elles à la stabilité de la consommation ?

- Quels produits ou services (négociables ou non) les foyers/les pauvres vendent-ils ?

- A quels services publics les foyers/les pauvres ont-ils accès ? Quelle est la qualité du service ?

- Quels sont les risques annuels auxquels les foyers doivent faire face et les conséquences et les solutions des ménages pour diminuer ces risques ?

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Chapitre 3. Méthodologie de la recherche 87

c. Troisième phase : Enquête centrée sur les ménages, réalisée à la fin de l’année 2010

Dans cette l’enquête, il a été décidé d'interroger 60 ménages dans les deux communes, soit 6 ménages par village. Ce sont les ménages qui avaient déjà été enquêtés en 2009. Les résultats de l’enquête ont servi à établir des solutions qui pourraient aider les ménages dans des cas précis.

L’interview était semi-structurée (Semi structured interviews : SSI) et basé sur de questions ouvertes. L’objectif était de comprendre comment les différents groupes voient les réalités de la vie dans les communes, ce qu’ils considèrent comme des grands changements depuis une certaine période de référence (par exemple depuis le Doi Moi), les principales réalisations, comment ils évaluent la situation actuelle, les principaux problèmes qui se posent et les perspectives d’avenir.

Il s’agissait notamment de percevoir comment les interrogés évaluent les problèmes et les perspectives du développement des villages. Les questions posées ont donc couvert en partie les thèmes abordés avec les autorités dans la phase d’enquête précédente. Elles ont permis de redessiner, en fin de parcours le lien avec l'ensemble des problèmes locaux de développement, en fonction des perceptions et opinions des membres des différents groupes de la communauté.

Une grande importance a été accordée à la perception que les membres de la communauté villageoise ont de l’histoire de leur communauté et à la manière dont ils relient la situation présente à cette histoire.

Comment les populations de la communauté perçoivent-elles ce qui constitue la pauvreté ? (perçoivent-elles les villages comme intrinsèquement pauvres dans leur ensemble ou bien la pauvreté est-elle vue comme la situation de certains groupes seulement?); la pauvreté est-elle vue d’abord comme un phénomène économique lié au revenu, ou comme un déficit de lien social et d’intégration aux normes de la vie du village ?

Les membres de la communauté ont ainsi analysé la situation de la pauvreté selon leur vision personnelle. C’est un point très important car cela devrait permettre de voir comment les membres de la communauté perçoivent leurs modes de vie par rapport aux observateurs extérieurs, et ainsi de répondre aux questions suivantes :

- Quels sont les critères, selon les populations de la communauté, qui définissent les conditions d’une "bonne vie" dans le village : enrichissement individuel, amélioration des conditions de vie de la collectivité (comment ?), maintien de l’harmonie sociale ?

- Selon les personnes de la communauté, quels sont les principaux moyens pour améliorer la qualité de vie dans leur village, et disposent-elles de ces moyens ou bien se réfèrent-elles surtout au besoin et au manque de ressources extérieures ?

Type de ménage Commune de Tu Ly Commune de Xuan Phong Nombre total de ménages

Groupe (A) 10 33,33 % 10 33,33 % 20

Groupe (B) 10 33,33 % 10 33,33 % 20

Groupe (C) 5 16,67 % 5 16,67 % 10

Groupe (D) 5 16,67 % 5 16,67 % 10

Total 30 30 60

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88 Chapitre 3. Méthodologie de la recherche

- Comment les populations de la communauté voient-elles la stratification sociale du village (du point de vue ethnique, de l’accès aux ressources, du niveau de revenus) ?

- Comment identifier les groupes et les institutions qui opèrent dans la communauté et leurs réactions les uns envers les autres pour ainsi établir leur degré de coopération et de participation dans les programmes de développement ?

- Quelle est la capacité des organisations et des institutions locales ? Comment la renforcer ?

- Quelles sont les activités des organisations et des institutions locales pour aider les pauvres ?

- La communauté facilite-t-elle l’accès des pauvres aux services comme l’éducation et la santé ?

- Quels mécanismes visant à encourager une collaboration et une coordination locales entre les secteurs, notamment le co-financement, sont mis en place pour affronter les multiples facettes de la pauvreté ?

d. Quatrième phase : Discussion avec les groupes cibles des communes pour vérifier les informations et collecter des nouvelles données officielles, réalisée en avril 2013

Cette enquête a eu lieu au moment où la rédaction de la première version de la thèse avait achevée. Le but de cette enquête était de vérifier toutes les informations, le contenu des discussions et les analyses faites auparavant. Des réunions avec les responsables des associations, les chefs de villages et les autorités communales ont été organisées. Des entretiens ont également été réalisés avec quelques membres de familles locales.

Cette enquête reposait sur quelques questions principales très ouvertes. D’autres questions ont été formulées au fil des rencontres et des discussions avec les divers interlocuteurs.

Voici quelques-unes des ces questions :

- qui a vraiment besoin d’aide ?

- qui devrait bénéficier des programmes de lutte contre la pauvreté pour que les résultats soient durables ?

- comment peut-on éviter une accumulation excessive des droits privés sur les forêts et le foncier forestier?

- comment les petits paysans peuvent-ils exploiter convenablement leurs forêts et les gérer de manière durable ?

- quelles sont les pistes à explorer pour une solution à la question de la pauvreté ?

- quels types d’associations pourraient jouer un rôle clef dans la lutte contre la pauvreté et comment ?

3.4. MÉTHODE D'ANALYSE DES DONNÉES

3.4.1. Analyse statistique

Une analyse statistique descriptive est utilisée pour faire un résumé synthétique des caractéristiques en se fondant sur les données collectées.

Les analyses de variance (ANOVA_ Analyse Of Variance)28 sont effectuées pour comparer les moyennes des groupes cibles pour savoir si la différence observée entre les moyennes de 28

http://politique.uqam.ca/upload/files/ete2008/notes_de_cours/Pol-1800-50_anova.pdf

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Chapitre 3. Méthodologie de la recherche 89

deux ou plusieurs groupes est significative ou non, c'est à dire si elle est due à une cause systématique ou au hasard.

L’objectif du calcul de l’ANOVA est donc de vérifier s’il existe une différence entre les 4 groupes cibles ou encore si cette différence se retrouve à l’intérieur des 4 groupes.

Le calcul de l’ANOVA est caractérisé par la valeur de F, qui est le résultat de la division de la variance intergroupes sur la variance intragroupe.

Les différences sont non significatives lorsque F > 0,1

Les différences sont significatives lorsque 0,05 <= F <= 0,1 (significative à 10% : F*)

Les différences sont significatives lorsque 0,01 <= F <= 0,05 (significative à 5% : F**)

Les différences sont significatives lorsque F <= 0,01 (significative à 1%: F***)

Il est important de noter que le résultat ne nous permet pas de comparer les moyennes mais bien d’affirmer que les moyennes sont différentes.

Puis pour indiquer quelles paires de groupes sont différents, le test Post-Hoc est utilisé. Le test de Fisher dit LSD29 ("Least Square Différence" en anglais ou "différence des moindres carrés" en français) est utilisé dans le Test Post-Hoc. Il représente la différence des moyennes des deux groupes.

Le logiciel SPSS a été utilisé afin de traiter ces statistiques descriptives par inférence.

3.4.2 Méthode comparative

La méthode comparative est aussi utilisée pour analyser la différence entre les groupes cibles concernant des critères concrets.

Bottomore affirme que ce genre de comparaisons entreprises sur un plan national s'avère dans beaucoup de cas, absolument nécessaires quand il s'agit de vérifier les résultats fournis par les études sur des groupes plus réduits (Bottomore T.-B., 1974).

C'est pourquoi à la limite de cette recherche, la comparaison au niveau international n'est pas beaucoup abordée.

3.4.3. L'analyse des cas

Selon Gagnon, cette analyse permet une compréhension profonde des phénomènes et des processus qui les composent et des personnes y prenant part. Il a bien montré dans son livre que : "La première des grandes forces de l’étude de cas comme méthode de recherche est de fournir une analyse en profondeur des phénomènes dans leur contexte. La deuxième, elle, offre la possibilité de développer des paramètres historiques. La troisième est d’assurer une forte validité interne, les phénomènes relevés étant des représentations authentiques de la réalité étudiée. Ce sont ces forces qui en font une méthode convenant à toutes sortes de contextes et quelles que soient les caractéristiques du chercheur"30.

29

http://w3.uohpsy2.univ-tlse2.fr/UOHPsy2/index.php?option=com_content&task=view&id=192&Itemid=30&limit=1&limitstart=2

30 Gagnon, Yves-C. (2012). L'étude de cas comme méthode de recherche. 2e éd.

http://www.entrepotnumerique.com/o/7/p/11819/excerpt

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90 Chapitre 3. Méthodologie de la recherche

Selon Albarello, cette analyse permet d’étudier des phénomènes dans un petit groupe, dans un service, un département, une organisation ou une communauté. Dans cette technique la notion de "présentation" est centrale puisqu'il s'agit en fait de "présenter" les multiples informations qui auront été recueillies sur un ou plusieurs cas. Ces informations peuvent provenir de l'observation directe, d'entretiens, de notes de terrain, de documents divers, d'organigrammes etc (Albarello, 2012, p10331).

Dans le cadre de la présente recherche, l'analyse des cas porte sur quelques cas, voire un seul, sur lesquels on recueille une grande quantité d'informations concernant toutes les dimensions de la réalité socio-économique dans le contexte étudié. Le cas peut être un individu (un récit d'un sujet concret) ou un événement.

3.5. CRITÈRES UTILISÉS

Le concept de pauvreté est reconnu pour être complexe et multidimensionnel. Pour faciliter notre recherche, les critères utilisés ont été repartis selon les dimensions de la pauvreté suivantes :

1. Possession de biens et de moyens de production comme par exemple : matelas, ventilateur, moyen de transport, radio, etc. La possession ou la location des terres, leur dimension, leur utilisation (agriculture, résidence, foresterie), leur type (irrigation) sont d’autres critères, tout comme la possession d’outils agricoles (houe, pelle, râteau, etc) ou de bétail (poules, cochons, bœufs, etc).

2. Composition du ménage : nombre de personnes à charge, âge et sexe du chef de ménage, liens de parenté, statut conjugal.

3. Revenu

4. Conditions d’habitation : on s’intéresse alors aux matériaux de construction des murs, du plancher et du toit, certains étant considérés comme des indices de pauvreté (feuilles, écorce, chaume, terre, tôles d’aluminium, paille). D’autres critères sont la taille de l’habitation et la quantité de pièces, en fonction du nombre de personnes qui y habitent.

5. Sécurité alimentaire

6. Dépenses

31

Albarello L. (2012). Méthode en sciences humaines : Apprendre à chercher. 4e ed. De Boeck Supérieur

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CHAPITRE 4 CARACTÉRISTIQUES DE LA ZONE D'ÉTUDE

4.1. CARACTÉRISTIQUES DE LA PROVINCE DE HOA BINH ET DES DEUX DISTRICTS DE DA BAC ET DE CAO PHONG

Topographie

La province de Hoa Binh se situe à l’entrée de la région Nord-Ouest, le long de la route numéro 6 et à 70 km de Hanoi. Des routes importantes traversent cette région comme les routes nationales n°6, 21, 12B qui facilitent la circulation dans la province.

Commune de Tu Ly, district de Da Bac Commune de Xuan Phong, district de Cao Phong

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92 Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude

Elle est située en haute montagne et sa topographie est assez complexe avec des grandes pentes et peu de grands espaces plats. Elle se compose de deux zones :

- la zone de haute montagne : topographie complexe avec une altitude de 600-700m. Il est très difficile de circuler dans cette zone. Sa superficie représente 2127km2 soit 46% du territoire régional

- la zone moyenne : topographie composée de collines ou de basses montagnes avec une altitude de 100-200m. Sa superficie représente 2535,1km2 soit 54% du territoire régional.

Le système de rivières est assez dense ce qui facilite les activités agricoles.

Le district de Da Bac se situe dans la zone du fleuve Da, à 20km de Hoa Binh. Une route régionale, la route 433, facilite le commerce. Sa superficie est la plus importante de la région avec environ 82 061ha. L’altitude moyenne est de 500m (la plus haute de Hoa Binh) avec la présence de grandes montagnes comme Phu Canh (1373m), Phu Cuc, Duc Nhan, Bieu, Heu, Phu Bua, Muong Chieng. Les montagnes, les collines, les fleuves se succèdent sans ordre précis, c’est pourquoi la topographie étant très complexe, il est difficile de circuler entre les différentes zones du district. Les conditions économiques et sociales sont très particulières. Le climat de ce district est très variable. Chaque année, la production en agroforesterie est influencée par les variations climatiques et les menaces d’inondation. La région présente des avantages naturels pour développer la sylviculture, en particulier des zones de culture de matières premières pour produire le papier et le sucre. Il existe aussi des zones fruitières.

Le district de Cao Phong a été séparé du district de Ky Son le 15 mars 2002 suite au règlement numéro 95 du gouvernement établi en 2001. Il se situe à 16km de la ville de Hoa Binh. Sa superficie est la plus grande de la province de Hoa Binh, environ 25 460,07ha. Sa topographie est assez plate, condition favorable au développement de l’agriculture.

Terre

La superficie de la province de Hoa Binh est d’environ 4596,6km2. Les terres cultivées occupent 12% de cette superficie, la forêt 72,6% et les autres types de terres, 15,3%.

Dans le district de Da Bac, bien que la superficie totale soit importante (820,61km²), la superficie de terres cultivées est faible (3321,3ha). Cependant la superficie de la forêt est la plus grande de Hoa Binh (43 379ha) et la forêt cultivée représente 4019,24ha, la forêt de protection 36 448,46ha, et la forêt particulière 2930ha (rapport de district, 2010).

La superficie de Cao Phong est d’environ 256,60km². La superficie de la forêt représente 10 798,96 ha. Toutefois la sylviculture n’est pas développée dans ce district (rapport de district, 2010).

Population

Hoa Binh se compose d’un centre-ville, de 10 districts et de 191 communes. Sa population était de 671 012 personnes en 2010. Sept groupes ethniques vivent dans cette province : les Muong, les Kinh, les Thai, les Tay, les Dao, les H’Mong et les Hoa. Les Muong représentent 63% de la population, les Kinh 28% et les autres groupes 9%.

Le district de Da Bac se compose d’un centre du district, de 19 communes32 et de 155 villages. Sa population en 2010 était de 46 518 personnes et la densité était égale à

32

Commune Đồng Ruộng, Hào Lý, Tu lý, Trung Thành, Yên Hòa, Cao Sơn, Toàn Sơn, Tân Dân, Hiền Lương, Tiền Phong, Vầy Nưa, Đồng Nghê, Suối Nanh, Giáp Đắt, Mường Tuổng, Mường Chiềng, Tân Pheo, Đồng chum, Tân Minh, Đoàn Kết

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Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude 93

56,68 personnes/km2, inégalement répartie. Le taux de natalité est de 1,23%. Les personnes actives au niveau agricole représentent 90% de la population active. Cinq groupes ethniques vivent dans ce district : les Tay (47%), les Muong (32%), les Kinh (11,6%), les Dao (8%), les Thai (1,4%). Les cinq groupes ethniques cohabitent et se mélangent.

Tableau 4.1 : Nombre de ménages et population en 2010

Densité Pers./km²

Nombre de communes

Nombre de communes de haute montagne

Nombre de

villages

Nombre de

ménages

Nombre de

personnes

Province de Hoa Binh 143,92 191 49 1769 162114 671012

District de Da Bac 56,68 19 13 155 11476 46518

District de Cao Phong 143,82 12 3 114 8559 36620

Source : Bureau statistique des districts

La population du district de Cao Phong représente 36 620 personnes en 2010, dont 82,02% de personnes actives au niveau agricole. Trois groupes ethniques vivent dans ce district : les Muong (72,38%), les Kinh (24,69%) et les Dao (2,77%). Le district de Cao Phong regroupe le centre urbain de Cao Phong et 12 communes33. Il se compose de trois zones : haute montagne, moyenne montagne et bord du fleuve Da. Sa topographie est assez plate, ce qui est favorable au développement de l’agriculture.

Main-d'oeuvre

Le tableau suivant montre la répartition de la main-d'œuvre de la province de Hoa Binh et des deux districts selon l’âge. On constate que le taux de main-d'œuvre de 20 à 30 ans est le plus haut, ce qui montre un fort potentiel et un capital humain jeune.

Tableau 4.2 : Répartition de la main-d'œuvre selon l'âge en 2010

Main d'œuvre

totale

Catégories d’âge

< 20 ans

de 20 à < 30 ans

de 30 à < 40 ans

de 40 à < 50 ans

de 50 à < 55 ans

de 55 à < 60 (pour les hommes)

Province de Hoa Binh 319 417 21 036 95 131 78 445 80 286 34 811 9708

District de Da Bac 25 450 1932 8219 6643 5840 2198 618

District de Cao Phong 20 768 1295 6462 5187 4988 2252 584

Source : Bureau statistique des districts

33

Yên Thương, yên Lập, Bình Thanh, Thung Nai, Dũng Phong, Nam Phong, Tân Phong, Tây Phong, Đông Phong, Bắc Phong, Thu Phong, Xuân Phong, et centre urbain de Cao Phong

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94 Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude

Economie

Le tableau suivant montre que 80,77% des ménages à Hoa Binh sont des ménages effectuant des travaux agricoles : 90,95% dans le district de Da Bac et 90,78% dans le district de Cao Phong. L'agriculture joue encore un rôle très important dans l'économie des ménages.

Tableau 4.3 : Distribution des ménages selon leurs activités professionnelles en 2010

Province de Hoa Binh District de Da Bac District de Cao Phong

% % %

Nombre total de ménages 162114 100,00 11476 100,00 8559 100,00

- Nombre de ménages effectuant des travaux agricoles

130944 80,77 10437 90,95 7770 90,78

- Nombre de ménages effectuant des activités non agricoles

31170 19,23 1039 9,05 789 9,22

Source : Bureau statistique des districts

Dans le secteur de l’élevage, les buffles, les bœufs, les porcs et les poulets sont les principaux animaux présents dans la province. Le tableau montre que la plupart des ménages font de l’élevage à petite échelle. Le taux des ménages qui élèvent de un à cinq buffles et boeufs est important. Dans les deux districts de Da Bac et de Cao Phong, le taux des ménages élevant des buffles est plus important que le taux de ménages élevant des boeufs.

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Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude 95

Tableau 4.4 : Répartition des ménages selon le nombre d’animaux qu'ils possèdent en 2010

Nombre total de

ménages

Répartition des ménages selon le nombre d'animaux qu'ils possédent

1 2 De 3 à 5

De 6 à 9

De 10 à 19

De 20 à 49

De 50 à 99

Plus de 100

Buffles

Province de Hoa Binh 54 547 24 867 17 411 11363 817 82 6 1 0

% 100 45,59 31,92 20,83 1,50 0,15 0,01 0,00 45,59

District de Da Bac 5016 2905 1354 711 42 4 0 0 0

% 100 57,91 26,99 14,17 0,84 0,08 0,00 0,00 0

District de Cao Phong 3667 1529 1146 910 74 8 0 0 0

% 100 41,70 31,25 24,82 2,02 0,22 0,00 0,00 0

Bœufs

Province de Hoa Binh 22 532 7842 7092 6155 1096 303 39 5 0

% 100 34,80 31,48 27,32 4,86 1,34 0,17 0,02 0

District de Da Bac 2883 1002 912 806 121 38 4 0 0

% 100 34,76 31,63 27,96 4,20 1,32 0,14 0,00 0

District de Cao Phong 485 111 130 158 61 21 4 0 0

% 100 22,89 26,80 32,58 12,58 4,33 0,82 0,00 0

Porcs

Province de Hoa Binh 80 758 20 046 21 405 24478 8122 5434 1149 98 26

% 100 24,82 26,51 30,31 10,06 6,73 1,42 0,12 0,03

District de Da Bac 6194 2345 1693 1538 378 197 37 6 0

% 100 37,86 27,33 24,83 6,10 3,18 0,60 0,10 0,00

District de Cao Phong 4844 1028 1800 1446 359 165 45 1 0

% 100 21,22 37,16 29,85 7,41 3,41 0,93 0,02 0,00

Source : Bureau statistique des districts

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96 Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude

L'élevage de poulets se fait à petite échelle. La plupart des ménages élèvent entre 20 et 50 poulets.

Tableau 4.5 : Répartition des ménages selon le nombre de poulets qu'ils possèdent en 2010

Nombre total de

ménages

Répartition des ménages selon le nombre de poulets possédés

< 10 De 10 à 19

De 20 à 49

De 50 à 99

De 100 à 499

De 500

à 999

De 1000

à 1999

De 2000

à 4999

Plus de

5000

Province de Hoa Binh 114881 21439 36348 43705 9680 3526 111 28 29 15

% 100 18,66 31,64 38,04 8,43 3,07 0,10 0,02 0,03 0,01

District de Da Bac 7882 2316 2785 2419 289 72 0 0 1 0

% 100 29,38 35,33 30,69 3,67 0,91 0,00 0,00 0,01 0,00

District de Cao Phong 6507 999 1851 2869 629 154 4 0 1 0

% 100 15,35 28,45 44,09 9,67 2,37 0,06 0,00 0,02 0,00

Source : Bureau statistique des districts

Coopérative

Il existe au total 138 coopératives dans la province de Hoa Binh, mais aucune ne se situe dans les districts de Da Bac et de Cao Phong.

4.2. COMMUNE DE XUAN PHONG ET COMMUNE DE TU LY

• Topographie et terre

La création des communes de Tu Ly et Xuan Phong est aussi vieille que celle de la République du Viet Nam. Les deux communes se situent dans la région montagneuse34 (zone II) de la province de Hoa Binh. La commune de Tu Ly se situe dans le district de Da Bac, et la commune de Xuan Phong se situe dans le district de Cao Phong. Hoa Binh se compose d’un centre-ville, de 10 districts (Đà Bắc, Mai Châu, Kỳ Sơn, Cao Phong, Lương Sơn, Kim Bôi, Tân Lạc, Lạc Sơn, Lạc Thủy, Yên Thủy) et,de 210 communes. Actuellement, 70 communes appartiennent à la zone III. 90 villages de 41 communes appartiennent à la zone II.

Selon le règlement numéro 393 du 29/8/2005 du gouvernement sur les indicateurs de division des zones de montagne (2006 -2010) :

- zone I : les communes n’ont pas de difficulté - zone II : moins du tiers des villages rencontrent des difficultés, le taux de pauvreté est de 30% à 55% - zone III ; plus du tiers des villages rencontrent des difficultés, le taux de pauvreté est de plus de 55%.

Il existe également des indicateurs concernant les infrastructures, les problèmes socio-économiques, les conditions de production et les terres.

34 Au niveau de la topographie, la province de Hoa Binh peut-être divisée en deux zones :

- montagne : cette zone est composée de fortes pentes. L’altitude moyenne est de 600-700m. Il est donc difficile de circuler dans cette zone. Sa superficie représente 2127km

2 soit 46% du territoire provincial.

- collines : cette zone est composée de collines et basses montagnes. L’altitude moyenne est de 100-200m. Sa superficie représente 2535,1km

2, soit 54% du territoire régional.

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Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude 97

Le district de Da Bac est situé plus en altitude que celui de Cao Phong, mais la topographie de la commune de Tu Ly est plus plate que celle de Xuan Phong.

Tu Ly se situe dans la région la moins élevée du district de Da Bac et est à 3km du centre du district. La route régionale 443 traverse la commune ainsi qu’un grand ruisseau qui s'appelle "Suoi Cai", formé grâce à différents petites ruisseaux jouant un rôle important dans l’agriculture. En 1995, une partie du territoire de la commune de Tu Ly a été cédée pour permettre la création des nouvelles communes de Hào Lý, Da Bac, Cao Sơn et Toàn Sơn. La superficie totale de la commune de Tu Ly est de 45,29km² et les terres agricoles cultivées irrigables (souvent emblavées de riz irrigué en alternance avec des légumes ou du maïs) représentent 657ha. Les forêts occupent les terres inaccessibles à la culture irriguée et représentent 1968ha (73,80% de la superficie agricole de la commune). Ces forêts se répartissent en deux catégories : les forêts de production35 et les forêts de protection36. La superficie des forêts de production est de 958,1ha et celle des forêts de protection de 1009,9ha. Dans le cas des forêts cultivées, pendant la première phase de développement des jeunes arbres, le bois est associé à des cultures vivrières (haricots, riz de montagne, maïs, manioc, patate douce, etc).

Xuan Phong se situe dans le sud-est du district de Cao Phong. 7km séparent la commune de Xuan Phong du centre du district. Les collines alternent avec les montagnes. La topographie est très en pente. Seule une route rejoint la commune, la route nationale 6. Lors la première visite dans cette commune en 2008, il était très difficile d'y circuler. Maintenant la circulation est plus facile grâce à l’empierrement de la route. La superficie totale de la commune de Xuan Phong est de 31,27km2 et les terres agricoles cultivées irrigables (souvent emblavées de riz irrigué en alternance avec des légumes ou du maïs) représentent 134,04ha. Les forêts occupent les terres inaccessibles à la culture irriguée. Elles représentent 1006,3ha (soit 88,17% de la superficie agricole de la commune). La superficie des forêts cultivées est de 291,3ha et celle des forêts de protection37 de 715ha. Les villages sont éloignés les uns des autres. Il n'y a que des petits ruisseaux dans la commune. En temps de crue, il est difficile de circuler dans les villages et pendant la saison sèche, il n'y a pas assez d'eau pour irriguer les cultures.

La figure suivante montre que, dans les deux communes étudiées, la superficie moyenne de terres cultivées par ménage est très basse à cause de sa topographie en pente. Elle représente 0,18ha sur la commune de Xuan Phong et 0,34ha sur la commune de Tu Ly. Comme les parcelles de rizières des ménages sont très exigües, éparses et en terrasse, il est très difficile de faire du remembrement pour mettre en place un système d’agro-foresterie efficace. La culture en rizière sert seulement à la consommation des paysans. Cela a déjà été analysé dans le chapitre 5.

35

Les forêts production sont principalement destinées à la production et au commerce du bois et de produits non ligneux

36 Les forêts de protection jouent un rôle écologique majeur. Elles sont divisées en trois catégories : forêt de protection

situées en amont des cours d’eau ; forêts de défense contre les envahissements des vents et des sables ; forêts de prévention des marées. http://www.fao.org/fileadmin/user_upload/legal/docs/lpo51fr.pdf, consulter le 5 décembre 2012

37 Khoanh nuoi va tai sinh

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98 Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude

Tableau 4.6 : Superficie des deux communes étudiées en 2010

Xuân Phong Tu Lý

quantité (ha) (%) quantité (ha) CC (%)

Superficie totale 3127,2 100,00 4529,2 100,00

1. Terres agricoles 1141,36 36,50 2666,6 58,88

1.1. Terres cultivées 134,04 11,74 657 24,64

Cultures vivrières 134,04 100,00 464,1 70,64

- rizière 116,45 86,88 264,8 57,06

- autre 17,59 13,12 199,3 42,94

Cultures fruitières 192,9 29,36

1.2. Superficie des forêts 1006,3 88,17 1968 73,80

- Forêt de production 291,3 28,95 958,1 48,68

- Forêt de protection 715 71,05 1009,9 51,32

1.3. Superficie en aquaculture 1,02 0,09 16,5 0,62

1.4. Autre 25,1 0,94

2. Terres non agricoles 173,74 5,56 155,8 3,44

3. Terres non utilisées 1812,1 57,95 1706,8 37,68

- Superficie de terrain plat 122,68 7,19

- Superficie de colline et montagne

1812.10 100 1528,93 89,58

- Superficie de montagne rocheuse

55,19 3,23

Source : Bureau statistique des communes

Source : Bureau des statistiques de la commune

Figure 4.1. Superficie moyenne de terre par ménage en 2010

Il existe deux types de terres forestières : les forêts de production et les forêts de protection. Pour les forêts de production, les types de plants et le type d'exploitation dépendent de la

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Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude 99

décision des paysans. Concernant les forêts de production naturelle, le législateur entend encadrer strictement son exploitation en fixant les obligations d’une exploitation raisonnable. La superficie moyenne de forêt de production par ménage représente 0,39ha sur la commune de Xuan Phong et 0,70 ha sur la commune de Tu Ly. Depuis 1998, les paysans ont reçu un certificat bleu stipulant leurs possessions en terres forestières.

Les forêts de protection comprennent des forêts naturelles et des forêts plantées. L’extraction est autorisée pour les arbres morts et ceux qui sont situés dans une zone dont la densité est supérieure au taux réglementaire. L’exploitation des ressources non ligneuses se limite à des variétés de bambous et à d’autres variétés végétales sauvages. Dans les deux communes étudiées, la superficie de forêts de protection moyenne par ménage est de 1,35ha sur la commune de Xuan Phong, et de 1,44ha sur la commune de Tu Ly.

Dans la commune de Xuan Phong, sur douze villages, les ménages habitant les 4 villages de Rú 2, Rú 3, Rú 4, Nhói 3 ne possèdent ni forêts de production ni forêts de protection. De plus, les ménages des villages de Rú 1, Rú 5, et Cạn 1 n'ont pas non plus de forêts de protection. Dans la commune de Tu Ly, sur douze villages, les ménages des deux villages de Đồng Chanh et Bình Lý ne disposent pas de forêts de production. De plus, peu de villages disposent de forêts de protection (villages de Mít, Mạ et Tình). Nous avons recensé la superficie de terres forestières en 2009 auprès de 697 ménages dans la commune de Xuan Phong et de 1254 ménages dans la commune de Tu Ly grâce à l'aide des chefs de villages.

Le tableau suivant montre le taux de ménages possédant des terres forestières de production. Il est très bas dans la commune de Xuan Phong, seulement 37,02%, mais beaucoup plus haut dans la commune de Tu Ly puisqu’il atteint 70,26%.

Tableau 4.7 : Nombre de ménages possédant des terres forestières et superficie moyenne par ménage

Forêt de production Forêt de protection

Xuan Phong

Tu Ly

Xuan Phong

Tu Ly

Quantité % Quantité % Quantité % Quantité %

1. Nombre de ménages enquêtés

697 1254 697 1254

2. Nombre de ménages ayant des terres forestières

258 37,02 881 70,26 206 29,56 108 8,61

Superficie moyenne/ménage m² 10562 7692,8 17362,26 15536,69

2.1. Nombre de ménages aisés ayant des terres forestières

72 27,91 197 22,36 65 31,55 28 25,93

Superficie moyenne/ménage m² 12148 6888,83 18535,57 20910,71

2.2. Nombre de ménages de niveau moyen ayant des terres forestières

104 40,31 455 51,65 78 37,86 57 52,78

Superficie moyenne/ménage m² 9513,8 8499 15863 14578,94

2.3. Nombre de ménages pauvres ayant des terres forestières

82 31,78 229 25,99 63 30,58 23 21,30

Superficie moyenne/ménage m² 9382,7 6579 15336 11956,52

Source : enquête 2009

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100 Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude

Si on compare la superficie des terres forestières entre les groupes de ménages, on constate qu’elle est plus importante chez les ménages aisés que chez les autres groupes de ménages. D'ailleurs, ces dernières années, grâce à la politique de crédit de la Banque des Politiques Sociales, les paysans peuvent emprunter de 30 à 50 millions de VND avec un taux d’intérêt bas pour investir dans leurs forêts. Par ailleurs, les ménages les plus aisés ont tendance à profiter rapidement des bénéfices de ces terres forestières.

Dans la commune de Tu Ly, la superficie moyenne de forêt par ménage pauvre est de 0,9ha et dans la commune de Xuan Phong, elle est de 0,6ha. Mais selon les paysans, les ménages pauvres ont souvent tendance à laisser leurs terres forestières en friche parce que leurs forêts sont trop éloignées de leurs villages et ils ont beaucoup de difficulté à les gérer et les protéger.

La superficie de forêt de protection de la commune de Xuan Phong est plus importante que celle de la commune de Tu Ly. Mais comme on l’a rappelé, les ménages qui possèdent des terres de forêt de protection n'ont pas le droit de décider de leur mode d'exploitation.

• Structure de la commune

La commune de Tu Ly se compose maintenant de 13 villages dont deux (Mit et Ma) sont réputés pauvres et reçoivent l’aide de l’Etat pour la construction de leurs infrastructures (routes, écoles, centres de santé, installations électriques) grâce au projet gouvernemental 135. Ceci a valu le surnom de « 135 » à ces villages démunis.

La commune de Tu Ly peut être divisée en deux zones principales : les villages de Mit, Me, Chau, Ma, Trang, Binh Ly, Tinh, Mo La qui se situent près du centre et ont une topographie plate ; le reste des villages : Tay Mang, Kim Ly, Huong Ly et Rieng se trouvent le long de la route régionale 433 et leur topographie est plus accidentée.

La commune de Xuan Phong se compose de trois zones principales :

- les villages près du centre de la commune : Ru 1, Ru 2, Ru 3, Ru 4, Ru 5, Nhoi 3. Ces villages présentent des facilités naturelles pour la production du riz, de la canne à sucre et pour l’élevage du bétail. Mais ils se situent à la fin du réseau d’eau disponible et ils rencontrent des difficultés dans l’irrigation de leurs cultures

- les villages dits « 135 » : Can 1, Can 2, Mung, Nhoi 1 ont beaucoup de prairies ce qui est avantageux pour développer l’élevage

- les villages près des collines : Nhoi 2 et Ru 6 ont accès aux forêts.

- Les villages « 135 » et les villages près des collines rencontrent des difficultés pour circuler.

• Population

La population totale de la commune de Tu Ly est estimée à 5 500 personnes. Le nombre total de personnes actives dans la commune s’élève à 3 095 dont 2 785 (soit 89,98%) travaillent dans le secteur agricole. Cinq groupes ethniques vivent dans cette commune : les Muong, les Dao, les Thai, les Tay et les Kinh. Les Muong représentent 50%, les Kinh 17%, les Tay 12%, les Dao 17% et les Thai 4%. Elle se compose maintenant de 13 villages constitués de 1313 foyers (enquête de 2009).

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Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude 101

Source : Enquête 2009

Figure 4.2 : Population de la commune de Tu Ly en 2009

Source : Enquête 2009

Figure 4.3 : Population de la commune de Xuan Phong en 2009

Le nombre de foyers pauvres est estimé à environ 23% du nombre total de foyers. Ces foyers pauvres vivraient en-dessous du seuil de pauvreté et selon les responsables de la commune, ils correspondraient aux foyers dont le chef de ménage a un handicap physique ou aux foyers composés de personnes âgées.

La commune de Xuan Phong se compose maintenant de 12 villages constitués de 719 foyers (enquête 2009). La population totale est estimée à 3304 personnes. Trois groupes ethniques vivent actuellement dans cette commune : les Muong (98,5%), les Kinh et les Thai (1,5%).

Un foyer moyen héberge 4,3 personnes à Tu Ly et 4,6 à Xuan Phong. Le nombre moyen d'unité de main-d’œuvre par ménage est de 2,9 personnes à Xuan Phong et 2,3 personnes à Tu Ly.

Dans la famille, le travail n'est pas réparti de manière aléatoire. Comme souvent dans les régions rurales au Viet Nam, les femmes assurent la majorité des travaux agricoles, notamment les travaux répétitifs d'entretien (sarclage, récolte, débardage du bois de feu). Les hommes interviennent de manière ponctuelle (défriche) lorsque la main-d'œuvre féminine est insuffisante pour assurer les délais : semis, récolte, complément de sarclage. Concernant les activités communautaires, les femmes sont en retrait dans les processus de décision mais sont prioritairement mises à contribution pour les travaux (entretien du village et des pistes par exemple). Les travaux plus techniques, et probablement socialement plus valorisants, sont

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102 Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude

l'apanage des hommes : construction des maisons, construction et entretien de la pagode, construction des ouvrages de franchissement des cours d'eau, etc.

Le déséquilibre dans les travaux extérieurs se retrouve dans les activités domestiques. La cuisine, la lessive, la vaisselle et l'éducation des enfants sont du ressort des femmes du foyer. Globalement, si l'on se base sur la quantité de travail fournie par une femme et que l’on compare la quantité de travail fournie par un homme, alors ce dernier n'est actif qu’à temps partiel.

Les enfants sont peu disponibles pour les travaux de l'exploitation, car ils sont scolarisés dix mois de l'année, de septembre à juin. Ils sont néanmoins actifs lors des vacances scolaires, qui correspondent aux sarclages (juillet-août).

• Culture

Dans les deux communes étudiées, par le passé, les Muong, les Thai, les Tay, les Dao et les Kinh vivaient principalement de la riziculture irriguée, des cultures sur brûlis et de l’élevage d’animaux domestiques et de volailles. Ils pratiquaient aussi la cueillette, la chasse et exerçaient des métiers artisanaux assez développés. Maintenant, suite à la politique de protection forestière, les cultures sur brûlis ont été interdites.

Pour des gens extérieurs aux deux communes, il est difficile de reconnaître les différents groupes ethniques car maintenant la plupart d’entre eux utilisent la langue Kinh ou Muong pour communiquer et s’habillent comme les Kinh.

Cependant, les maisons des groupes ethniques restent différentes. Les Tay et les Muong habitent dans des maisons en bois sur pilotis. Les Dao habitent dans des maisons de plein pied et maintenant, il existe aussi des maisons construites sur le modèle des maisons des Kinh.

Lors de cérémonies et de fêtes, on peut distinguer les groupes ethniques selon leur façon de s'habiller. Par exemple, le costume féminin des Muong, distingué et discret, comprend un turban blanc rectangulaire, une veste courte et une jupe descendant jusqu’à la cheville.

• Les activités de production

Il existe deux saisons au Viet Nam : une saison hivernale froide et humide, de novembre à avril et une saison estivale chaude et pluvieuse, avec des risques de typhons, de mai à octobre. Ces caractéristiques climatiques permettent au mieux deux récoltes de riz par an, et une culture d’hiver. Les minorités ethniques vivent généralement de la riziculture irriguée dans les bas-fonds, de la culture du maïs, de tubercules et de plantes médicinales sur les terres en pente, d’un petit jardin fruitier et d’un petit élevage de porcs autour de la maison

Les activités de production des foyers concernant les travaux agricoles correspondent essentiellement à l’exploitation de cultures vivrières et industrielles (canne-à-sucre), à la sylviculture, à l’élevage d’animaux et à la pisciculture.

La majorité de la population dépend des activités agricoles. Pourtant, l’agriculture ne satisfait pas complètement les besoins des ménages de la région. La vie des paysans est de plus en plus difficile à cause des tensions socio-économiques nationales et internationales. Le taux de pauvreté risque d’augmenter à cause de l’inflation des prix des denrées alimentaires et des articles de consommation. Les agriculteurs pauvres en ressources possèdent souvent des terres exiguës, et la plupart des femmes ne possèdent pas de terres ou ne peuvent en récolter directement les fruits.

L’approche conventionnelle de la sécurité alimentaire insiste sur le rôle des systèmes agricoles qui garantissent de bonnes récoltes et une productivité soutenable à long terme. La main-d’œuvre, d’une part, et la science et la technologie, d’autre part, sont considérées

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Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude 103

comme cruciales dans le maintien de cette productivité mais elles doivent aussi protéger et contribuer à diversifier les ressources existantes.

Tableau 4.8 : Calendrier saisonnier des principales cultures dans les deux communes

Jan Fév Mar Avr Mai Juin Juil Août Sept Oct Nov Déc

Riz au printemps

Riz en été

Maïs au printemps

Maïs en été

Manioc, galaga, taro

Canne à sucre

Souce : Enquête 2009

Nous pouvons constater via le tableau ci-dessus que les produits agricoles principaux dans les deux communes sont le riz, le maïs, le manioc et la canne-à-sucre.

Les villages bénéficient de la politique de subvention du gouvernement pour l’achat des semences mais cela ne concerne pas les semences de qualité supérieure. Comme ailleurs dans le pays, les paysans peuvent acheter à crédit des engrais grâce à l’Union des paysans qui se porte garante auprès des agents commerciaux agréés officiellement. En outre, les paysans reçoivent aussi des aides techniques pour la production. La commune a organisé des formations techniques pour fournir aux paysans les connaissances nécessaires concernant l’élimination des parasites agricoles. Les paysans comprennent maintenant qu’il faut utiliser des engrais pour cultiver, et que pour atteindre un haut rendement, il est nécessaire d’investir en engrais NPK. Selon les porte-parole des communes, par le passé, le rendement en riz était de 300-350 kg/ha, aujourd’hui il est de 700kg/ha.

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104 Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude

Tableau 4.9 : Superficie et rendement des cultures principales dans les deux communes

Inc 2012 2011 2009 2008

TL XP TL XP TL XP TL XP

1. Riz

Superficie cultivée Ha 385 113,3 - 203 398 222 398 203

Rendement ta/ha 52 - - 55 57 55 42 50

2. Riz ‘nuong’

Superficie Ha - - - - 15 - - -

Rendement ta/ha - - - - 8 - - -

3. Maïs

Superficie cultivée Ha 392 30 - 70 388 60 387 60

Rendement ta/ha 43 42 - 32 49 42 43 42

4. Arachide

Superficie Ha 2,9 - - - 4 - 6.5 -

Rendement ta/ha 20 - - - 20 - 6 -

5. Manioc

Superficie Ha 79 28 - 25 108 30 169.5 30

Rendement ta/ha 400 - - 40 400 - 600 -

6. Cana (tolomane)

Superficie Ha - - - - 15 - 5 -

Rendement ta/ha - - - - 600 - 800 -

7. Taro

Superficie Ha - - - 1.5 2

Rendement ta/ha - - - 40 30

8. Canne-à-sucre

Superficie Ha 23,3 80 - 100 43 70 57 75

Rendement ta/ha - - - 400 500

9. Autres légumes

Superficie Ha 15,7 - - 30 34,92 30 15,95 30

*1ta = 100kg Source : Rapport des communes de Tu Ly et de Xuan Phong

Cependant cette amélioration est encore restrictive. Une grande partie des paysans a de grandes difficultés à adopter les nouvelles techniques. Les paysans pauvres ne parviennent pas acheter les semences et engrais de bonne qualité. La subvention à l'achat des semences nécessite des formalités administratives compliquées, qui ne peuvent être accomplies par les petits paysans dans les délais. Ils sont toujours en retard dans le calendrier des cultures à cause de la complexité administrative. Par exemple, pour la semence de riz de bancoulier, l’agriculteur doit remplir un formulaire donné par les autorités de la commune mais il reçoit

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Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude 105

au maximum 10kg. S’il veut plus de 10kg, il doit faire une nouvelle demande. Pour les meilleures semences, il n’y a pas de subvention.

De manière générale, le prix des semences et des engrais est très élevé par rapport au revenu des paysans. C’est pourquoi ils ne peuvent pas acheter suffisamment de semences et d’engrais de qualité et en grande quantité pour améliorer significativement leurs cultures. De plus, le prix des semences et des engrais n’est pas stable et la qualité n’est pas assurée, surtout chez les commerçants individuels. Les agents commerciaux du secteur public ne jouent pas encore de rôle actif dans la promotion de l’utilisation des engrais et des semences par les paysans.

Malgré leur souci de s’en préoccuper, les responsables agricoles de la commune n’ont pas les moyens de prévoir et de prévenir à temps les invasions de divers types de parasites agricoles.

En outre, il existe de gros problèmes en ce qui concerne l’irrigation, car les ressources en eau ne sont pas suffisantes et une grande quantité d’eau est gaspillée à cause d’une mauvaise construction des canaux d’irrigation, là où ils existent. Il y a peu de canaux d’irrigation en béton, la plupart sont en terre. Certains villages n’ont pas de canaux d’irrigation et la culture dépend des précipitations naturelles. Chaque année, les inondations détruisent les champs et les routes, et parfois une longue sécheresse vient perturber complètement le calendrier agricole. Au printemps 2010, une période de grande sécheresse a affecté la production agricole des deux communes.

Les paysans continuent de cultiver selon des techniques et des habitudes traditionnelles et ne savent pas comment assoler de manière efficace avec d’autres cultures possibles. Leurs connaissances agricoles ne sont pas uniformes et les paysans pauvres manquent de connaissances sur les techniques nouvelles mises en pratique par ceux qui s’enrichissent.

Tableau 4.10 : Situation de l’élevage dans les deux communes Ind : Têtes

2012 2011 2009 2008

TL XP TL XP TL XP TL XP

Buffles 693 810 997 800 1014 895 977 850

Bœufs 318 450 585 463 538 568 315 550

Porcs 3750 2300 2780 2500 2131 2430 2275 2430

Volailles 20000 10000 17680 14000 20060 14160 22009 14000

Chèvres - 442 - 392 - 392

Source : Bureau statistique des communes

On peut constater de grandes différences entre les deux communes du point de vue du bétail. L’élevage est assez développé, surtout à Tu Ly où il apporte un revenu important aux foyers. Les paysans vendent leurs produits au village ou sur le marché du district. Ils achètent les géniteurs sur le marché du district mais ne savent pas exactement d’où ils viennent. Cela influence de manière négative leur capacité à maîtriser les conditions de reproduction.

Pour l’élevage porcin et de volailles, le prix des produits est très fluctuant, ce qui influence évidemment le revenu selon les époques de l’année. En outre, les paysans pauvres sont plus affectés par ces variations que les paysans riches, puisqu'ils doivent souvent vendre à n’importe quel prix, alors que les paysans riches peuvent attendre des moments plus favorables.

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106 Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude

Le prix des aliments composés pour le bétail et l’élevage est relativement élevé et c’est pourquoi la plupart des paysans utilisent des végétaux de leur jardin ou de la forêt pour nourrir leurs animaux.

Les paysans doivent aussi faire face aux maladies des animaux. Le manque de médicaments et le nombre insuffisant de vétérinaires dans chaque commune (seulement un vétérinaire dont la capacité d’intervention est par conséquent faible) augmentent les difficultés rencontrées par les paysans.

• Sylviculture

Concernant les produits ligneux, les paysans doivent attendre au moins 5 ans avant d’avoir un rendement. C'est pourquoi, pendant les deux premières années de mise en valeur de la forêt, ils mettent souvent en place des activités agricoles sur les terres de la forêt. Après, quand les feuillages recouvrent les parcelles, les paysans ne peuvent plus cultiver car il n'y a plus assez de lumière.

Tableau 4.11 : Période de cueillette des produits ligneux et non ligneux

Noms latins Noms vernaculaires Période de cueillette Usage dominant

1. Les produits ligneux

Melia azedarach L. Cây xoan Après 7 ans bois

Chukrasia spp Cây Lát Après 30 ans bois

Acacias ariculiformis Cây Keo Après 7 ans production de papier

Eucalyptus spp Cây Bạch Đàn Après 15 ans bois

Dendrocalamus membraneuxm Cây Luồng Après 10 ans bois

Styracaceae Cây Bồ đề Après 8 ans bois

Cinnamomum cassia Nees &Eberth

Cây Quế Après 15 ans bois

2. Les produits non ligneux

Bois de feu Tous les 12 mois approvisionnement en énergie pour cuisiner

Auricularia polytricha Mộc nhĩ De mai à octobre alimentation ou vente

Phrynimy Lá Dong Surtout pendant le Tet

pour empaqueter les gâteaux du Tet

Thysanolaenna Cây Chít/cây đót

Daemonoropes draco Cây Mây

Tous les types de végétaux comme "Meliantha suavis Piere; Garcinia cowa Roxb; Erythrophallum scandens; Peperomia pellucida"

Rau Sắng; Tai Chua; cây bò khai; rau càng cua

alimentation ou médicament

Pousses de bambou Măng De mai à juillet consommation

Source : Enquête 2010

La cueillette en forêt est continue toute l'année mais les produits récoltés different selon les saisons. Les produits ramassés sont très divers et dépendent de l'expérience de la famille. Les

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Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude 107

principaux produits récoltés sont inscrits dans le tableau ci-dessus. La cueillette est d'autant plus importante qu'elle constitue l'activité principale assurant la sécurité alimentaire de la famille.

Les pousses de bambou sont un produit spécifique de ces régions montagneuses, surtout les pousses de bambou amer, et sont vendues au marché du district au prix de 3500VND/kg.

La plupart des habitants dans les deux communes utilisent le bois de feu pour la cuisine et se chauffer et c'est pourquoi ils vont souvent en forêt pour ramasser du bois.

Le revenu de la sylviculture représente la plus grande partie du revenu total de la famille, mais cette activité demande des moyens financiers pour l’investissement et la mobilisation d’une force de travail importante pour la mise-en-œuvre. Le retour sur investissement est long. C'est pourquoi il est plus difficile pour les paysans pauvres de développer les activités sylvicoles. La plupart du temps, ceux qui ont entrepris la sylviculture sur leur lopin de forêt ont dû abandonner cette activité ou bien ont abandonné leur lopin de terre en le louant à des paysans riches ayant les moyens d’investir. Par conséquent, la sylviculture est à la fois un secteur prometteur mais aussi un élément de différenciation sociale important au sein des villages, entre nouveaux riches et nouveaux pauvres.

4.3. REVUE DE LA PAUVRETÉ DE HOA BINH ET DES DEUX COMMUNES ÉTUDIÉES : QUELQUES CHIFFRES

En se basant sur le seuil de pauvreté nationale, on pourrait fournir un numéro spécifique aux ménages pauvres et une liste qui regroupe tous ces ménages par village ainsi que par commune. Ces données pourraient être bénéfiques afin de vérifier le bon fonctionnement des stratégies de lutte contre la pauvreté tout comme les autres politiques mises en place.

Source : Bureau des statistiques de Hoa Binh

Figure 4.4. Taux de pauvreté de Hoa Binh

Note : Le seuil de pauvreté était de 80 000VND/personne.mois pour les régions rurales et 150 000VND/personne.mois pour les régions urbaines sur la période 2001-2005. Il était de 200 000VND/personne.mois pour les régions rurales et de 260 000VND/personne.mois pour les régions urbaines sur la période 2006-2010. Il est de 400 000VND/personne.mois pour les régions rurales et 500 000VND/personne.mois pour les régions urbaines sur la période 2011-2015.

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108 Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude

Source : Bureau des statistiques de Hoa Binh

Figure 4.5. Taux de pauvreté de Hoa Binh selon le district

Note : Le seuil de pauvreté était de 80 000VND/personne.mois pour les régions rurales et 150 000VND/personne.mois pour les régions urbaines sur la période 2001-2005. Il était de 200 000VND/personne.mois pour les régions rurales et de 260 000VND/personne.mois pour les régions urbaines sur la période 2006-2010. Il est de 400 000VND/personne.mois pour les régions rurales et 500 000VND/personne.mois pour les régions urbaines sur la période 2011-2015.

Si on regarde le graphique montrant le taux de pauvreté à Hoa Binh depuis 2001, on peut constater que le taux de pauvreté est très fluctuant. Comme tous les cinq ans le Viet Nam révise les niveaux de pauvreté à la hausse, cela donne lieu à une curieuse évolution en dents de scie de la réduction de la pauvreté à Hoa Binh. Les graphiques 4.3 et 4.4 montrent que le taux de pauvreté à Hoa Binh diminue très fortement à la fin de chaque période mais il remonte aussitôt dans la période suivante. Par exemple, de 2005 à 2010 le taux de pauvreté est passé de 31,31% à 13,87% et dès le début de l’année 2011, il est remonté à 31,51% (selon le nouveau seuil de pauvreté de la période 2011-2015). Tous les cinq ans, on remet les compteurs à zéro. Autrement dit, c’est le retour de la pauvreté. Les ménages pauvres ne sont plus pauvres par rapport à leur vie antérieure mais leur situation de pauvreté existe toujours dans leur vie actuelle. Cela montre que les ménages pauvres sont toujours en retard et que les stratégies de lutte contre la pauvreté ne satisfont que les besoins des ménages pauvres à court terme.

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Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude 109

Tableau 4.12: Taux de pauvreté à Hoa Binh en 2011 en région rurale et urbaine

Nombre total de ménages

Nombre total de ménages

pauvres

Taux de ménages pauvres

Nombres de ménages

pro-pauvres

Taux de ménages pro-

pauvres

Province de Hoa Binh

- région urbaine 32 430 1 082 3,34 1 262 3,89

- région rurale 158 613 59 124 37,28 27 981 17,64

District de Da Bac

- région urbaine 1 213 174 14,34 494 40,73

- région rurale 11 252 6 622 58,85 2 596 23,07

District de Cao Phong

- région urbaine 1 395 31 2,22 24 1,72

- région rurale 8 502 2 661 31,30 997 11,73

Source : Bureau des statistiques de Hoa Binh

Note : Les régions urbaines correspondent aux centres des districts et au centre-ville de Hoa Binh Les régions rurales correspondent à toutes les communes des districts de Hoa Binh Le seuil de pauvreté est de 400 000VND/personne.mois en région rurale et 500 000VND/personne.mois en région urbaine sur la période 2011-2015.

Si on compare le taux de pauvreté de Hoa Binh entre les régions urbaines et les régions rurales, on constate que l'écart est très important (tableau 4.11). Dans la province de Hoa Binh, le taux de pauvreté en région urbaine est de 3,34% tandis que celui en région rurale est de 37,28%.

Tableau 4.13: Taux de pauvreté chez les groupes ethniques minoritaires en 2011

Nombre total de

ménages

Nombre de

ménages appartenant aux groupes

ethniques minoritair

es

Taux de ménages ethniques

minoritaires sur

l’ensemble des ménages

(%)

Nombre des ménages ethniques

minoritaires pauvres

Taux de ménages

pauvres sur l’ensemble

des ménages ethniques

minoritaires (%)

Nombre de ménages ethniques

minoritaires pro-pauvres

Taux de ménages ethniques

minoritaires pro-pauvres

parmi l’ensemble

des ménages ethniques

minoritaires

Province de Hoa Binh

191 043 138 098 72,29 54 748 39,64 25 540 18,49

District de Da Bac

12 465 10 965 87,97 6 561 59,84 2 727 24,87

District de Cao Phong

9 897 7 088 71,62 2 482 35,02 843 11,89

Source : Bureau statistique de Hoa Binh

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110 Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude

Source : Bureau des statistiques de Hoa Binh

Figure 4.6 : Taux de pauvreté des communes de Tu Ly et de Xuan Phong

Note : Le seuil de pauvreté était de 200 000VND/personne.mois sur la période 2006-2010 et il est de 400 000VND/personne.mois sur la période 2011-2015.

Dans la province de Hoa Binh, les ménages appartenant aux groupes ethniques minoritaires représentent 72,29% de la population, et 87,97% dans le district de Da Bac et 71,62% dans le district de Cao Phong. Le taux de ménages pauvres appartenant aux groupes ethniques minoritaires est aussi très haut et représente 39,64% dans la province de Hoa Binh, 59,84% dans le district de Da Bac et 35,02% dans le district de Cao Phong.

Dans les deux communes étudiées, le taux de pauvreté sur l’année 2011 est plus haut que sur l’année 2010 à cause du changement du seuil de pauvreté.

Les caractéristiques des pauvres à Hoa Binh en général, et sur les communes de Tu Ly et de Xuan Phong sont décrites de la façon suivante par le STIAS :

- La plupart des pauvres appartiennent aux groupes ethniques minoritaires qui travaillent dans le domaine de l'agriculture

- Les minorités ethniques pauvres rencontrent toujours des difficultés au niveau de leur autosuffisance alimentaire car elles possèdent peu de terres cultivées

- Les biens des minorités ethniques pauvres ont une valeur très basse, estimée à environ 2 à 3 millions de VND/ménage

- Les conditions de vie des minorités ethniques de la province de Hoa Binh sont encore très basses ce qui ne facilite pas leurs productions

- Le niveau d'éducation des chefs de ménages est bas

En 2005, le STIAS a aussi indiqué les raisons pour lesquelles les ménages appartenant aux minorités ethniques étaient pauvres :

- 10,78% étaient pauvres à cause leur manque de travail

- 1,46% étaient pauvres parce qu’ils n'avaient pas de terre

- 16,5% étaient pauvres parce qu’ils avaient peu de terre

- 6,9% étaient pauvres à cause de problèmes de santé

Selon le rapport d'évaluation du STIAS de Hoa Binh, la vitesse de diminution de la pauvreté dans la province est lente. D'ailleurs, la forme de la pauvreté à Hoa Binh a changé. Si avant

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Chapitre 4. Caractéristiques de la zone d’étude 111

les ménages pauvres étaient des ménages qui rencontraient des difficultés au niveau de leur autosuffisance alimentaire, maintenant ce sont des ménages qui rencontrent des problèmes au niveau de la santé, de l'éducation, de la culture, de la communication, de l'habitat, etc. Par ailleurs, dans le contexte d'intégration mondiale du pays, on constate que les minorités ethniques pauvres ont beaucoup de difficultés à trouver du travail.

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CHAPITRE 5 STRATÉGIES DE RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ DANS LA COMMUNE DE TU LY

ET LA COMMUNE DE XUAN PHONG

INTRODUCTION

Les communes de Tu Ly et de Xuan Phong sont des communes ethniques et montagneuses qui bénéficient des aides mises en place par les programmes de lutte contre la pauvreté de la province de Hoa Binh. Il existe trois groupes d’aides. Tout d'abord, ce sont les aides reçues par les collectivités. Ce type d’aide vise à améliorer les infrastructures des communes par la construction de routes, de maisons communales dans les villages, de systèmes d’irrigation, de réseaux électriques. Ensuite, ce sont les aides qui ciblent les ménages ethniques pauvres par la mise en place de projets de crédit, de vulgarisation des techniques de production agricole, de développement de métiers divers, d’interventions dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'habitat et de l'eau. Enfin, ce sont les aides qui ciblent les autorités locales afin d’améliorer leurs capacités.

Lors de nos recherches dans les communes de Tu Ly et de Xuan Phong, beaucoup de difficultés ont été rencontrées pour identifier les résultats de tel ou tel projet de lutte contre la pauvreté. Au niveau de la commune, ces difficultés sont dues aux changements fréquents des responsables des communes et au manque de conservation des archives. Au niveau des villages, cela vient du manque de connaissances précises sur les différents projets sociaux des communes. Les villageois ont beaucoup de difficultés à identifier la source de l’aide qu’ils reçoivent.

Dans ce chapitre, les résultats des programmes de lutte contre la pauvreté dans les deux communes étudiées seront d'abord passés en revue. Puis les problématiques de ces projets seront discutées, à partir des données et des informations recueillies lors des enquêtes.

5.1. LES RÉSULTATS DES STRATÉGIES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ AU SEIN DES DEUX COMMUNES ÉTUDIÉES

5.1.1. Changement des infrastructures

Le concept d'infrastructure renvoie au capital physique. Il permet de fournir les services essentiels et à l'économie de fonctionner. Plus généralement, les infrastructures représentent le fondement non seulement de la réduction de la pauvreté (routes, eau potable, électricité) mais aussi de la capacité de l'individu à avoir une activité productive.

Depuis la politique du Doi Moi en 1986, le Gouvernement vietnamien a accordé aux infrastructures une place centrale dans la stratégie de développement national et local. Cette orientation a été confirmée dans le plan de stratégie de réduction de la pauvreté et dans la mise-en-place du programme 135 du Gouvernement couvrant la période allant de 1998 à 2010. Les deux communes étudiées sont aussi bénéficiaires de ces programmes38. Deux types 38

Dans la commune de Tu Ly, deux villages étaient bénéficiaires du programme 135 (village Mit et village Ma). Dans la commune de Xuan Phong, quatre villages en étaient bénéficiaires (Can1, Can 2, Mung et Nhoi 1). Les deux communes sont en train d'envoyer des demandes pour être reconnues par le programme 135 et bénéficier des aides financières du Gouvernement.

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 114 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

d'infrastructures ont été financés : les infrastructures sociales (dans les secteurs de la santé, de l'éducation et de la culture) et les infrastructures économiques (comme les transports, l'énergie, les technologies de l'information, l'irrigation, l'eau potable). Comme les données concrètes concernant comment les infrastructures ont été financées et construites n'ont pas pu être collectées, seuls les chiffres du tableau ci-dessous seront décrits pour évaluer la situation actuelle des infrastructures des deux communes.

Tableau 5.1 : Etat des infrastructures dans les deux communes étudiées en 2012

Xuan Phong Tu ly

Km de route principale bitumée entre les communes /total

3,38km/ 13,05km 12km/ 12km

Km de routes bétonnées entre les villages /total 4,04 km/9,16km 22,8km/30,9km

Km de canaux d’irrigation/total 5,33km/7,5km 9,85km/46,35km

Taux de ménages utilisant l’électricité en permanence

58,67% 98%

Nombre de garderies 1 2

Nombre d'écoles primaires 1 1

Nombre d'écoles secondaires 1 2

Nombre de maisons culturelles au niveau des villages

12 12

Nombre de bureaux de poste officiels 1 1

Nombre de centres de santé 1 1

Nombre de marchés 0 0

Source : Bureau des statistiques des deux communes

Selon les ménages étudiés, grâce aux investissements du gouvernement dans les infrastructures, leurs conditions de vie se sont améliorées, en particulier au niveau de la circulation. Avant, les gens perdaient une journée pour aller dans le centre-ville de Hoa Binh (situé seulement à 15 km), alors que maintenant cela prend 20 minutes. Cela permet aussi aux paysans d’obtenir des informations sur le marché et les services de base. Le commerce s'est sont aussi améliorés. Avant, les paysans rencontraient beaucoup de difficultés pour transporter leurs produits agricoles au marché, alors que maintenant, les petits intermédiaires vont directement dans les villages pour acheter des produits agricoles comme le maïs et la canne à sucre.

Les conditions de production agricole se sont également améliorées. Par exemple, grâce à l'amélioration de l'irrigation, les paysans peuvent cultiver plus facilement. Avant, il y avait une seule saison de récolte à cause du manque d'eau. Maintenant on peut récolter deux fois par an grâce au développement d’un système d’irrigation.

D'ailleurs, les conditions d’éducation et de santé dans les deux communes sont aussi meilleures. Avant, les enfants ne pouvaient pas aller à l'école à cause du manque d'écoles, alors que maintenant, dans chaque commune, il y a deux écoles : une école primaire et une école secondaire.

Les maladies épidémiques causent de moins en moins la cause de décès. Pour les contrer, le mode d'intervention est la vaccination massive.

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 115

Toutefois, la circulation entre les villages reste encore difficile, en particulier pendant la saison des pluies. Les routes deviennent difficilement praticables car elles ne sont pas bétonnées. D’après les chiffres du tableau ci-dessus, le taux des routes en bitume et en béton est encore bas dans la commune de Xuan Phong (44,01%), tandis que l’état des routes est assez développé dans la commune de Tu Ly (73,87% de routes bétonnées). A cause de la topographie, les sources d'eau pour l’irrigation ne sont pas encore assurées et les canaux d'irrigation sont encore très faibles. L'accès aux services publics dans les deux communes s'est amélioré mais la qualité de ces services pose encore problème.

5.1.2. Changements en matière de crédit

Selon l'arrêté n°78/2002/ND-CP, les ménages pauvres ont le droit d'emprunter de l'argent à la Banque des Pauvres (aussi connue sous le nom de Banque des Politiques Sociales) pour investir dans la production ou pour payer les frais d'études de leurs enfants. Les associations des paysans, des femmes, de la jeunesse et des vétérans se portent garant pour leurs membres afin que ceux-ci puissent emprunter de l'argent auprès de la Banque des Politiques Sociales (BPS).

Les minorités ethniques pauvres de la commune de Tu Ly et de Xuan Phong peuvent emprunter de l'argent auprès de la BPS si leur objectif d’emprunt fait partie des six objectifs suivants :

- Réduction de la pauvreté : tous les ménages pauvres qui sont inscrits sur la liste des ménages pauvres de la commune ont le droit d'emprunter au maximum 20 millions de VND pour investir dans leur production. Le taux d'intérêt est de 0,65% par an et doit être payé tous les mois

- Encouragement à l'éducation : tous les ménages pauvres et presque pauvres ont le droit d'emprunter de l'argent pour payer les frais d'études de leurs enfants. Le montant dépend des frais d'études de chaque université. Les ménages peuvent emprunter de l'argent selon le semestre académique. Le taux d'intérêt est de 0,65% par an et doit être payé tous les mois

- Encouragement à l'exportation de main-d’œuvre : les ménages pauvres et non-pauvres ont le droit d'emprunter de l'argent pour investir dans l’export de main-d’œuvre à l’étranger. Le montant dépend des frais réels que les paysans doivent dépenser pour pouvoir aller à l'étranger. Le taux d'intérêt est de 0,9% par an et doit être payé tous les mois

- Développement des activités de production et de commerce : l’ensemble des ménages a le droit d'emprunter un montant maximum de 30 millions de VND. Le taux d'intérêt est de 0,9% par an et doit être payé tous les mois

- Protéger l'environnement : chaque famille peut emprunter 4 millions de VND pour la construction de lavabos ou de toilettes. Le taux d'intérêt est de 0,9% par an et doit être payé tous les mois à partir du cinquième mois d’emprunt

- Amélioration de l'habitat : les ménages pauvres peuvent emprunter 8 millions de VND pour la reconstruction ou la réparation de leur maison. Le taux d'intérêt est de 0,65% par an pendant 10 ans. Les ménages payent les intérêts à partir de la cinquième année.

Pour assurer la gestion des crédits, chaque village crée un groupe de crédit. Il existe douze groupes de crédit dans la commune de Xuan Phong et treize dans la commune de Tu Ly. Pour pouvoir emprunter de l'argent auprès de la BPS, les paysans issus des minorités ethniques doivent appartenir à un groupe de crédit. Les associations de paysans, de femmes, de la jeunesse et des vétérans prennent en charge le suivi des activités d'investissement et de collecte des intérêts. Chaque association est responsable de trois groupes de crédits.

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 116 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

Selon les paysans, l'accès au crédit est plus facile qu’avant. Toutefois, la durée d’emprunt est courte. Selon Monsieur Ban Van Huynh (ménage de groupe B), habitant le village Can 2 dans la commune de Xuan Phong : « la durée de crédit est courte, les procédures sont compliquées et la somme de crédit n'est pas suffisante pour investir ». Il a emprunté 5 millions de VND à la banque mais l’achat d'un buffle lui a coûté 7 millions de VND. Il a dû emprunter de l'argent à ses cousins pour compléter son crédit.

Certains ménages ont le droit d’emprunter des crédits, cependant ils ne savent pas comment gérer ce crédit. C’est le cas de M. Ban Van Thiem.

La famille de M. Thiem est pauvre (selon le seuil de pauvreté). Il habite dans le village de Mit dans la commune de Tu Ly. Il y a 3 personnes dans sa famille : lui, sa femme et son fils qui est sourd-muet. Dans sa maison, il n'y a presque aucun bien de valeur et seulement quelques sacs de riz dans un coin. L'année passée, M. Thiem faisait partie de la liste des ménages pauvres qui peuvent emprunter un crédit à la banque. Il n'avait pas envie d’emprunter parce qu’il ne savait pas quoi faire de l’argent emprunté, mais les chefs de la commune l'ont encouragé à emprunter, ce qu’il a finalement fait (enquête de 2009).

En-dehors des crédits proposés par le Gouvernement dans les deux communes étudiées, d’autres sources de crédits existent provenant d’organisations étrangères dont le but est de faciliter la production pour améliorer la vie des ménages pauvres. Dans la commune de Xuan Phong, l'organisation Childfund, par l’intermédiaire de l'association des femmes, a fourni des crédits aux paysans. Jusqu'en 2010, cette organisation a fourni un montant total de 600 millions de VND de crédits.

Dans la commune de Tu Ly, l'organisation coréenne HABITAT a fourni des crédits aux pauvres pour améliorer les conditions d’habitat des ménages pauvres. Huit ménages pauvres ont reçu 30 millions de VND chacun pour construire leur maison et douze ménages pauvres ont reçu 5 millions de VND chacun pour réparer leur maison. En plus de ces crédits, les ménages pauvres ont le droit d'emprunter 15 millions de VND supplémentaires pendant trois ans à un taux d’intérêt de 0,65% par an pour investir dans la construction ou la réparation de leur maison et d'emprunter 10 millions de VND supplémentaires au même taux d’intérêt pour construire des lavabos ou des toilettes.

Une autre organisation, ActionAid, a fourni des crédits collectifs pour développer les moyens de subsistance des ménages pauvres. Dans la commune de Tu Ly, six groupes ont été créés et investissent dans la production agricole. Quatre groupes développent la culture et l’élevage dans le village de Tay Mang (2), Ma (1) et Mit (1), un groupe cultive les légumes dans le village de Kim Ly, et un groupe développe le VAC39 dans le village de Tinh. Chaque groupe compte 15 à 20 personnes et reçoit un crédit de 10 à 12 millions de VND. Les ménages faisant partie de ces groupes peuvent emprunter de l'argent auprès du groupe pour investir dans la production, à un taux d’intérêt de 0,65% selon le cycle de production. Les membres des groupes doivent eux-mêmes gérer le crédit sous le suivi des autorités communales. Toutefois, les activités des groupes ne fonctionnent plus comme espérées car les besoins ont changé.

En résumé, malgré les différentes offres de crédit, les ménages étudiés manquent toujours d’un capital d'investissement car leurs accumulations en production restent très faibles. D'ailleurs, certains ménages n'osent pas emprunter de l'argent à la banque parce qu’ils ont peur de ne pas avoir la capacité de le rembourser ou bien ils n'ont pas de biens à hypothéquer.

39

VAC signifie système agricole englobant l'aquaculture, les jardins fruitiers et l'élevage

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 117

Les paysans empruntent souvent de l'argent à leurs voisins ou bien à des personnes de leur famille. Toutefois, ces crédits sont toujours petits et le temps d'emprunt est court. Ces emprunts répondent seulement aux besoins sur le court terme et ne sont pas utilisés dans la production.

Au niveau de la production, les paysans n'ayant pas d'argent pour acheter des intrants, achètent souvent à crédit et remboursent après la récolte.

Tableau 5.2: Sources de crédit dans la commune de Xuan Phong en 2010

Source de crédit Somme de crédit totale (Million VND)

Nombre de ménages ayant emprunté (hộ)

BPS 1.400 94

Childfund 600 992

Source : Association des femmes

Tableau 5.3: Nombre de ménages ayant emprunté des crédits auprès de BPS dans la commune de Tu ly

2007 2008 2009 2010

Nombre de ménages 412 460 650 660

Source : Bureau des statistiques de la commune de Tu Ly

5.1.3. Amélioration des conditions d'habitat des ménages pauvres

La majorité des ménages issus des minorités ethniques pauvres ont un logement très sommaire. Ils vivent dans des abris insalubres qui menacent souvent de s'effondrer et laissent passer la pluie et le vent. C'est pourquoi le gouvernement vietnamien a décidé de mettre en place un programme d'aide pour la construction de maisons en dur.

La politique visant à soutenir le logement pour les pauvres a été déployée selon la décision numéro 167/2008/QD-TTg du Premier Ministre. Elle a pour but d'améliorer les conditions d'habitat des pauvres. Le Gouvernement octroie aux ménages pauvres 8,4 millions de VND/ménage. En-dehors du budget attribué par le Gouvernement, les ménages pauvres peuvent emprunter 8 millions de VND pendant 10 ans à un taux d’intérêt de 0,65% par an à la Banque des Politiques Sociales. Les ménages pauvres (définis selon le seuil de pauvreté) qui habitent dans une maison en bambou avec des toits en paille reçoivent cette aide. Les ménages qui ne sont pas considérés comme pauvres selon le seuil de pauvreté mais qui vivent dans une situation d'habitat similaire, n'ont pas le droit de recevoir cette subvention. 100% des ménages doivent ajouter une certaine somme d'argent à cette subvention car elle n'est pas suffisante pour construire une nouvelle maison, à cause de l’augmentation du coût des matériaux de construction.

Depuis 1998 jusqu'à aujourd’hui, 251 ménages ont bénéficié de cette politique dans la commune de Tu Ly et 135 ménages dans la commune de Xuan Phong.

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 118 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

Maison avant l’aide du Gouvernemant (à gauche) et après (à droite)

M. Bui Van Dau, vivant dans le village de Ru6 a bénéficié de cette politique. Il faisait alors partie du groupe A. Maintenant il fait partie de la catégorie B. Il y a 4 ans, il a reçu 8,4 millions de VND du Gouvernement pour reconstruire sa maison. Il a déclaré : «C’était suffisant pour construire cette maison parce que je n’ai pas eu à acheter le bois, je l’ai pris directement dans la forêt. Les voisins et les personnes de ma famille m'ont aidé gratuitement à construire la maison. Je devais seulement préparer les repas pour eux. Je n’ai payé que les tôles pour faire le toit et les clous. Maintenant c’est difficile de construire cette maison avec 7 millions de VND puisqu’il n’y a plus de bois à exploiter et on doit l’acheter ».

Tableau 5.4 : Etat des conditions d'habitat dans les deux communes étudiées en 2012

Xuan Phong Tu Ly

Nombre de maisons 750 1385

Nombre de maisons très insalubres et en très mauvais état

30 257

Nombre de maisons en brique 168 485

Nombre de maisons en bois 552 643

Source : Bureau des statistiques des communes

A cause d’un budget restreint, seul un nombre limité de ménages peut bénéficier de cette aide chaque année. Les ménages sont choisis sur vote des villageois. Le tableau ci-dessus montre l’état actuel des conditions d'habitat dans les deux communes étudiées. Les chiffres du tableau montrent qu’il existe encore des ménages qui vivent dans des maisons très insalubres.

5.1.4. Amélioration des connaissances des paysans issus des minorités ethniques

Le développement du capital humain est aussi au cœur du programme de lutte contre la pauvreté au Viet Nam. L'investissement dans l'éducation, la santé et la vulgarisation des techniques de production agricole constituent un pan essentiel des politiques d'élimination de la pauvreté.

Dans cette partie, les interactions sociales sont mises en avant pour bien montrer le rôle des associations sociales, et en particulier celles des femmes et des paysans, pour aider les

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 119

paysans à agir plus efficacement au niveau de leur production grâce à l’augmentation de la productivité des ressources.

• Amélioration de l'accès à la santé et à l'éducation

Tout d'abord, on doit prendre en compte les politiques sociales qui ont pour but de renforcer les ressources humaines, comme les politiques d'assistance sanitaire et éducative.

Les ménages pauvres ont accès gratuitement aux services sanitaires publics grâce à une carte d'assurance médicale. Chaque personne d’une famille pauvre reçoit gratuitement une carte d'assurance médicale qui est valable pour une année.

Il existe également des politiques de soutien à l'éducation pour les enfants de familles pauvres, de l’école maternelle au secondaire et à l'enseignement supérieur. Le soutien varie en fonction du niveau de pauvreté de la famille : exonération ou réduction des frais de scolarité, aide pour acheter des livres, bourses d'études. En général, les enfants appartenant à des familles pauvres peuvent aller à l'école grâce à l’exonération de leurs frais d’études.

Tableau 5.5 : Nombre de ménages bénéficiant des politiques de soutien à l'éducation et à la santé dans les deux communes

2007 2008 2009 2010

1. Politique de soutien à l’éducation pour les ménages pauvres

- Nombre de ménages dont les enfants sont exonérés des frais d'études à Tu Ly

455 435 366 327

- Nombre de ménages dont les enfants ont suivi les formations aux nouveaux métiers à Tu Ly

323 328 240 250

- Nombre de ménages dont les enfants sont exonérés des frais d'études à Xuan Phong

- - - 416

2. Politique de soutien à la santé pour les ménages pauvres

- Nombre total de ménages possédant la carte d'assurance médicale à Tu Ly

365 365 296 417

- Nombre total de cartes d'assurance délivrées aux pauvres sur la commune de Xuan Phong

- - - 1813

Source : Bureau des statistiques des deux communes

• Formation des paysans aux techniques d'exploitation agricole et dans la vie quotidienne

La vulgarisation des techniques de production agricole est reconnue par la majorité des scientifiques agricoles comme un élément important du développement agricole. L'investissement dans la recherche, la vulgarisation et l'enseignement agricole se traduisent par une augmentation régulière de la productivité agricole.

La vulgarisation agricole et sylvicole joue un rôle important auprès des ménages pauvres pour sortir de la pauvreté. Les programmes de vulgarisation font partie des programmes de lutte contre la pauvreté au Viet Nam, comme le programme CPRGS, le programme 135 et le programme 30a. C'est pourquoi, il est difficile pour les paysans de reconnaître qu’ils sont les bénéficiaires de tels programmes. D'ailleurs, il n'y a pas de coordination entre les programmes. Les activités sont donc souvent répétées et par conséquent, les ressources pour réduire la pauvreté gaspillées.

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 120 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

Les ménages pauvres (groupe A) comme les ménages non pauvres (groupes B, C, D) participent à ces formations. Ce mélange des classes sociales est positif et permet aux ménages pauvres d’observer et d’imiter les activités des ménages non pauvres.

Au début, les paysans évaluaient positivement ces formations agricoles car elles répondaient à leurs besoins. Par exemple, avant, les paysans ne connaissaient pas le calendrier de culture, mais maintenant ce calendrier est bien construit et diffusé dans les communes. Les formations fournissent souvent les informations nécessaires au début de chaque saison de culture pour aider les paysans dans la production. Toutefois, ces dernières années, il n'y a pas eu de mises à jour des formations et celles-ci ne prennent plus en compte les besoins essentiels des ménages pauvres.

Les tableaux suivants montrent les résultats des formations dans les deux communes étudiées. Ils indiquent seulement des résultats quantitatifs, comme le nombre de formations et de participants, mais il n’y a aucun indicateur sur la qualité des formations. Est-ce qu’après la formation les paysans appliquent les connaissances acquises? Selon les paysans, il est difficile d'appliquer toutes les techniques apprises parce qu’ils n'ont pas assez de ressources financières.

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 121

Tableau 5.6 : Activités de vulgarisation dans la commune de Tu Ly

Type d’activité Année Organisation participante

Total des ménages

participants

Commune de Tu Ly

Projet ADDA du Danemark : transfert de connaissances scientifiques et techniques sur la culture du maïs, des légumes et sur l'élevage

2008 Association des paysans

225

Projet de lutte contre la pauvreté AAV : améliorer l'environnement dans les régions rurales pauvres et les villages bénéficiant du programme 135 (élevage de porcs, de poulets, apiculture, sylviculture, etc)

2009 Association des paysans

30

Projet d'aquaculture de l’association des femmes de la province de Hoa Binh

2005 Association des femmes

32

Sensibilisation aux projets de lutte contre la pauvreté de la Banque des Politiques Sociales pour développer l'économie des ménages

2005 Association des femmes

191

Commune de Xuan Phong

Vulgarisation sur les techniques d'élevage de truies 2007 Union des femmes et service de vulgarisation du district de Cao

Phong

12

Vulgarisation sur les techniques d’élevage de cochons

2007 Union des femmes et service de vulgarisation du district de Cao

Phong

45

Introduction aux femmes sur l'utilisation de leurs ressources financières

2007 Union des femmes 90

Vulgarisation sur la culture des plantes médicinales Médecine orientale 14

Vulgarisation sur les techniques d’élevage et de culture

2004-2009

Union des paysans -

Formation aux techniques d’utilisation de NPK 2003-2006

Union des paysans et entreprise d'engrais de Lam Thao, Phu Tho

-

Projet de culture de la forêt et de reforestation selon le système AR_CDM

2009 Jica -

Source: Rapport de l'union des paysans et des femmes

Les techniques agricoles des paysans sont très influencées par leurs coutumes et leurs habitudes, ce qui rend difficile l’introduction de nouvelles techniques. Selon les paysans, ils ne peuvent pas appliquer la façon de fumer les engrais parce que c'est trop cher et ils ne possèdent pas assez de capital financier.

D'ailleurs, certains paysans participent aux formations de vulgarisation dans le seul but de recevoir des subventions même si les formations ne répondent pas à leurs besoins.

Comme il y a souvent du retard dans l'octroi des budgets, les formations sont parfois organisées seulement pour dépenser l'argent prévu sur l’année.

On constate aussi la participation constante des associations à ces activités. Les associations des paysans et des femmes des deux communes jouent un rôle d’informateur auprès des

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 122 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

participants. Ils participent aux discussions sur le budget ou bien au choix des bénéficiaires pour telle activité, mais ils ne jouent pas de rôle central dans la construction d’un programme se basant sur les besoins et les demandes des paysans.

Parfois, à cause de la confusion des informations dans les activités des projets de lutte contre la pauvreté, les bénéficiaires ne connaissent pas leurs droits, et cela crée des discordances. Par exemple, on organise une formation de broderie. Normalement le cours va durer un mois et est organisé pour 15 participants. Mais les responsables du projet ont seulement donné deux jours de cours : le premier jour et le dernier jour de la formation. Les participants ont reçu une indemnité pour les deux jours de cours mais ont dû signer un acte de présence pour tous les autres jours sans pour autant avoir reçu la formation dans son ensemble. Comment les responsables peuvent-ils agir ainsi? Les paysans, mal informés sur leurs droits et par leur passivité à réclamer ce qui leur est dû, encouragent ce type de comportement. D'ailleurs, comme ce projet vient de l'extérieur, les paysans n’en comprennent pas l’importance. Pour eux, le plus important était l’indemnisation reçue pour ces deux jours de formation mais aussi le temps qu’ils ont perdu pour faire autre chose pour survivre. Par ailleurs les associations paysannes n’ont pas pu intervenir car, coopérant simplement avec les autorités locales, elles n’ont pas été informées par les paysans. Il semble que parfois, les informations de projets de lutte contre la pauvreté sont bloquées pour servir l'intérêt de petits groupes d'élite.

5.1.5. Perceptions des paysans issus des minorités ethniques sur les changements intervenus dans les deux communes étudiées

Dans les deux communes étudiées, il est aisé de remarquer les changements positifs apportés par les stratégies de développement rural en général et de lutte contre la pauvreté en particulier. La perception des gens quant aux changements dans les deux communes après le Doi Moi est illustrée dans le tableau suivant.

Tableau 5.7 : Changements du point de vue des paysans

A dire d'acteur % des personnes d’accord

Amélioration de la circulation 95

Augmentation de la densité de population 68

Cohésion entre les paysans plus importante 68

Plus de facilités pour gagner de l'argent 60

Production agricole plus facile 70

Augmentation des difficultés dans la production agricole 12

Augmentation du nombre de belles maisons 45

Plus de travail 67

Augmentation du taux d’enfants allant à l'école 90

Amélioration de la santé des enfants 57

Diminution des maladies 35

Facilité à trouver un travail 33

Difficulté à trouver un travail 12

Perte de cultures 37

Source: Enquête 2009

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 123

A travers ce tableau, on constate que les conditions de vie dans les deux communes se sont améliorées très nettement grâce aux changements au niveau des infrastructures, de l'éducation et de la santé. Il n’y a pas de doute quant aux avantages apportés par les aides au développement. Celles-ci contribuent à la croissance économique, à la diminution de la pauvreté et au développement social.

5.2. PROBLÉMATIQUE DE L'EXÉCUTION DES AIDES DESTINÉES A LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

5.2.1. Problématique de détermination des bénéficiaires dans les projets de lutte contre la pauvreté

Par défaut, les bénéficiaires des politiques de lutte contre la pauvreté mises en place par le Gouvernement sont les ménages désignés comme pauvres selon le seuil de pauvreté national. Toutefois, dans les deux communes étudiées, la réalité a montré que choisir les bénéficiaires en se basant seulement sur le seuil de pauvreté monétaire n'est pas pertinent car la pauvreté ne peut être réduite à un seul indicateur. En effet, deux ménages peuvent présenter le même niveau de vie financier mais une vulnérabilité très différente, et dans ce cas, ils n'ont pas besoin du même type d'aide.

5.2.1.1. Questions d'identification des ménages pauvres selon la méthode du MTIAS

La méthode d'identification des ménages pauvres dans les deux communes étudiées est la même que celle utilisée dans toutes les communes du Viet Nam (voir chapitre 2). Les listes des ménages pauvres des communes de Tu Ly et de Xuan Phong sont d'abord faites par les chefs des villages. Ces derniers sont chargés de l'enquête pour réviser les ménages pauvres de leurs villages. Suite aux discussions menées auprès des chefs de villages dans les deux communes étudiées, voici les remarques que je peux faire :

Il est indéniable que les chefs des villages connaissent et comprennent bien la réalité quotidienne de leurs villages, mais leur niveau d'éducation est très bas et les données recueillies ne sont pas toujours justes.

D'ailleurs, le calcul du revenu des familles rurales montagneuses n’est pas du tout facile. Comment peut-on demander à une famille rurale de se souvenir de toutes ses recettes et ses dépenses sur une année, surtout quand la source de ses recettes est diverse et très instable ? Beaucoup de paysans travaillent de manière irrégulière. Certains mois, ils travaillent plus ou moins 15 jours, puis d’autres mois ils n’ont pas du tout de travail ou bien le paiement se fait en repas. Il est alors impossible d’avoir un chiffre précis concernant le revenu.

De plus, jusqu’à récemment, le calcul du revenu et des dépenses était basé sur les prix en vigueur dans les communes, tandis que le seuil de pauvreté de 200 000VND/personne.mois était calculé sur le prix moyen en vigueur dans l’ensemble des régions rurales du Viet Nam. C’est pourquoi on peut avoir de sérieux doutes sur la pertinence du taux de pauvreté des communes selon le seuil de pauvreté établi nationalement.

D’autre part, il y a toujours des différences entre les chiffres calculés et les chiffres présentés dans le rapport des communes. Ces différences dépendent du contexte de décision de la politique de la commune qui oriente les évaluations dans des directions opposées. Deux raisons principales peuvent expliquer cette contradiction : l’une est la « maladie du résultat » - le chef de la commune a tendance à diminuer le taux de pauvreté pour montrer que son plan de développement économique et social fonctionne. L’autre raison est le souci d’attirer des

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 124 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

investissements des Organisations Gouvernementales et Non Gouvernementales en proclamant : « nous sommes encore très pauvres, nous avons besoin d’aide ». Cette raison pousse à augmenter le taux de pauvreté par rapport à sa valeur réelle.

Pour toutes ces raisons, il arrive que les ménages reconnus comme pauvres dans les communes ne soient pas vraiment pauvres dans la réalité et inversement.

5.2.1.2. Identification des ménages pauvres selon le point de vue des villageois

En allant sur le terrain, des longues et intéressantes discussions ont été menées avec les chefs des villages sur leur opinion concernant la définition de la pauvreté. Selon eux, les ménages pauvres sont les ménages qui ont des difficultés dans tous les domaines de la vie comme le manque de terres, des maisons en mauvais état, aucun bien de valeur, un membre de la famille malade de façon permanente, etc.

Les villageois, qui n’ont pas de connaissances techniques concernant la mesure de la pauvreté, ont décrit une image très réaliste de celle-ci, influencée par les changements économiques et les progrès dans le développement agricole du pays. Avant, la situation était très homogène et l’image de la pauvreté plus estompée. Tout le monde dans les villages vivait dans les mêmes conditions (famine, manque dans tous les domaines de la vie). Avec le développement économique du pays, les conditions de vie se sont améliorées et l’inégalité entre les familles est devenue de plus en plus nette, de même que l’image de la pauvreté, souvent considérée comme un facteur d’arriération.

Ces discussions sont résumées dans le tableau suivant :

Indicateur Pauvre Moyen Assez riche

Maisons Maison construite en bambou ou en bois de mauvaise qualité, cloison faite à partir de barres de bois et de neohoizeaua40, recouvrement en paille ou en pièces de proxi

Bois de bonne qualité, cloison faite à partir de barres de bois, recouvrement en pièces de proxi

En béton

Fortune/biens Valeurs faibles, objets très vieux, presque rien ; un seul lit

Valeur moyenne, Assez pour une vie normale Une moto

Haute valeur Une voiture Un motoculteur

Personne actives/ travailleurs

Peu de personnes actives Faible capacité à cultiver Paresseux Handicapé

=>2 personnes Connaissance du calendrier de culture, de l’utilisation d’engrais, Travailleur

> 2 personnes Travailleur

Terre/forêt, jardin

Peu et infertile Loin Ne sait pas cultiver

Assez de terres Profite de toutes les terres pour cultiver

Assez de terres Profite de toutes les terres pour cultiver

Tête de bétail Aucune Un bœuf ou un buffle Porc

Beaucoup de buffles ou bœufs ; porcs nombreux

Volaille Aucune ou très peu Oui Oui

Relations sociales Faible Assez bien Bien ou très bien

Source : Enquête 2010

40

Espèce de bambou : nua

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 125

Hormis la discussion avec les groupes cibles, des rencontres avec d'autres individus pendant l'enquête ont été réalisées. Selon M. Xa Van Han, village Chau, commune Tu Ly : « Auparavant, la pauvreté était synonyme de famine, et une famille pauvre était une famille qui n’avait rien, ni argent, ni biens. Une famille pauvre ne pouvait emprunter à personne puisque tout le monde était dans la même situation. A présent, une famille est pauvre mais n’a pas faim, elle a encore des moyens de production et peut surtout emprunter de l'argent à quelqu’un d’autre. Surtout, elle est intéressée par ce que le gouvernement ou d’autres organisations peuvent lui apporter. En résumé, une famille pauvre avant rencontrait plus de difficultés qu’une famille pauvre actuelle ».

Selon Monsieur Han, il y a beaucoup de raisons pour lesquelles une famille peut être pauvre : le manque de terres à cultiver et/ou le manque de travailleurs actifs ; la famille a beaucoup d’enfants et de personnes inactives - personnes fréquemment malades, handicapées ou âgées ; des rentrées financières minimes mais des dépenses élevées ; des travailleurs actifs paresseux. Selon lui, les familles dans le deuxième cas ont toujours l’occasion de sortir de la pauvreté quand leurs enfants grandissent ou que la personne malade est guérie. Dans le dernier exemple, c’est difficile car les familles n’ont pas le courage de sortir seules de leur situation de pauvreté.

Selon Mme Bui Thi Du, chef de l’Union des Femmes de la commune de Xuan Phong : « auparavant, quand le gouvernement n’avait pas encore fixé de seuil de pauvreté, on analysait nous-mêmes l’état de chaque ménage selon l’avis des villageois. Par exemple, il y avait 30 ménages dans le village et chaque famille, sur la base de leur observation personnelle et du quotidien des uns et des autres, désignait sur la liste qui de ces 30 ménages répondait aux critères de pauvreté. Si la famille avait 80-100% de votes, cela signifiait que c’était une famille pauvre ». Selon elle, les ménages pauvres aujourd’hui sont intéressés par les programmes du Gouvernement et des organisations et reçoivent beaucoup d’aides, contrairement à avant où les familles pauvres n’avaient rien. Elle pense qu’au lieu d’aider ces familles qui sont nommées « pauvres » selon le seuil de pauvreté, il faudrait surtout s’intéresser aux familles qui ne sont pas pauvres mais qui ont besoin d’aide pour sortir de leur situation précaire.

En résumé, les familles pauvres des deux communes regroupent des jeunes couples nouvellement installés, des ménages dont le chef de famille est une femme seule avec des enfants en bas âge, des familles « étrangères » au village et n’étant pas intégrées dans les réseaux de connaissances, des familles dont un des membres est handicapé ou malade de façon permanente. On peut aussi constater que présentement, les ménages pauvres très fragiles tendent à suivre une logique de survie et de reproduction à l’identique et offrent en conséquence aux membres de leur ménage une très faible marge de manœuvre pour saisir les opportunités qui se présentent à eux.

Les familles qui profitent des aides sont bien connues des villageois et sont considérées comme paresseuses. D'autres familles sont considérées comme souhaitant réellement améliorer leurs conditions de vie et faisant tous les efforts nécessaires pour que les aides reçues soient efficaces. Ainsi l'avis des villageois dans la sélection des bénéficiaires des programmes de lutte contre la pauvreté devrait être pris en compte et il est nécessaire qu’une association représente les villageois dans le suivi de leurs problèmes au quotidien et dans leur production pour bien informer le Gouvernement localement.

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 126 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

5.2.2. Diagnostic des ménages pauvres et non pauvres : approche en terme de capacité

Dans cette partie, l'approche en termes de capacité est utilisée pour mener l’analyse. A travers la comparaison entre les ménages pauvres et les ménages non-pauvres (selon le seuil de pauvreté) mais très vulnérables, il faut observer que les trois premiers groupes de ménages : A, B et C, rencontrent le même problème pour assurer la sécurité alimentaire du ménage et présentent des conditions de vie similaires. C'est pourquoi, en se basant sur le seuil de pauvreté, seuls les ménages du groupe A sont considérés comme pauvres et reçoivent des subventions du Gouvernement mais ce choix n’est pas pertinent.

5.2.2.1. Capital humain

Le capital humain est l'ensemble des capacités productives acquises grâce à l’accumulation de connaissances générales ou spécifiques, de savoir-faire41, etc. Chaque travailleur a un capital propre qui lui vient de ses dons personnels, innés et de sa formation. Son stock de capital immatériel peut s'accumuler ou s'user. Le capital humain d’un ménage se base sur le nombre de personnes actives, leur âge, leur niveau d'éducation et de santé.

Au Viet Nam, après un boom des naissances dans les années 60, la politique fut d’encourager la mise en œuvre d’un planning familial pour limiter la natalité. Les mariages précoces furent interdits et les méthodes naturelles et médicales (le stérilet) de contraception expliquées à la population. C’est pourquoi, à présent, la taille moyenne des ménages dans les deux communes étudiées est évaluée à 4,6 personnes et la main-d’œuvre moyenne par ménage est de 3 personnes. L’âge moyen du chef de ménage est d’environ 42-43 ans et son niveau d’éducation moyen est l’école primaire. Il n'y a pas de différence notable entre les groupes de ménages.

Tableau 5.8 (I) : Caractéristiques des ménages étudiés

Ind. Tu Ly Xuan Phong

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

Âge moyen du chef de ménage

Ans 40 43 48 52 36 41 37 44

Niveau d’études moyen du chef de ménage

Classe 4 7 7 7 5 5 5 7

Nombre moyen de personnes par ménage

Pers. 4,1 4,7 4,5 4,7 4,3 4,6 4,6 5,2

Main-d’œuvre moyenne par ménage

Pers. 2,3 3,4 2,9 3,3 2,4 2,9 3,1 3,6

Source : Enquête en 2009

41

Gary Stanley Becker, Human Capital, A Theoretical and Empirical Analysis, Columbia University Press for the National Bureau of Economic Research, New York, 1964. http://ses.ens-lyon.fr/a-les-fondements-de-la-theorie-du-capital-humain-68305.kjsp#note8

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 127

Tableau 5.8 (II) : Caractéristiques des ménages étudiés

Nombre moyen de personnes par ménage

Main-d’œuvre moyenne par

ménage

N Moyenne Moyenne

Groupe A 30 4,2 2,37

Groupe B 30 4,67 3,13

Groupe C 30 4,53 3

Groupe D 30 4,97 3,47

Total 120 4,59 2,99

F-Value 3,124**

4,991**

Anova test : ** significative à 5%

Source : Enquête en 2009

Le tableau 5.8 (II) indique le nombre moyen de personnes par ménage ainsi que le nombre moyen d'unités de main-d’œuvre par ménage. L’indice de signification est évalué à 0,05. Il peut donc être conclu qu'il existe des différences significatives entre les 4 groupes. Concrètement, un test post-hoc a été réalisé afin de savoir laquelle des comparaisons de groupes, pris deux à deux, est significativement différente. La colonne Signification (annexe A4.1) indique donc qu'il n'y a pas de différence significative entre les trois premiers groupes comparés deux à deux (Sig.< 5 %), mais il y a une différence significative entre le groupe A et le groupe D concernant le nombre moyen de personnes par ménage. Concernant le nombre moyen d'unités de main-d’œuvre par ménage, il existe une différence significative entre le groupe A et les trois autres groupes B, C et D, mais pas de différence significative entre les groupes B, C et D comparés deux à deux.

Les variables « âge du chef de ménage » et « niveau d’éducation du chef de ménage » sont extrêmement importants car elles permettent de comprendre la dynamique d’évolution des exploitations. L’âge du chef d’exploitation permet en effet de cerner l’importance des processus de capitalisation et de décapitalisation qui se jouent en fonction de la position du ménage dans le cycle de vie. Par exemple, la diversité du travail d’un ménage est susceptible de varier selon l’âge du chef de ce ménage et ceci peut avoir une influence sur le revenu familial.

Si on compare la taille moyenne des ménages et la main-d’œuvre moyenne par ménage entre les différents groupes dans les deux communes étudiées, on voit qu’il n’y a pas de disproportion. Toutefois, on peut constater que le niveau d’éducation des chefs de ménage est encore très bas et cela a une influence directe sur les capacités des ménages à appliquer de nouvelles techniques dans leur système de production.

L’accès à l’éducation et à la santé s’est aussi amélioré. 100% des ménages étudiés disent que grâce aux changements au niveau éducatif, leurs enfants ont la chance d'aller à l'école. Les deux communes disposent aujourd’hui d’écoles primaires et secondaires en bon état, réparties entre les groupes de villages pour limiter les déplacements des enfants. Au niveau de l’école primaire et secondaire, l’inégalité d’accès à l’éducation entre les catégories sociales n’est pas trop évidente.

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 128 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

Pour les ménages du groupe A, les enfants ne doivent pas payer les frais d’éducation. Pour les autres groupes, les parents doivent payer tous les frais d'éducation et ils ne reçoivent aucune aide du gouvernement pour l’éducation de leurs enfants.

Comme l’éducation, le secteur de la santé s’est considérablement amélioré ces dernières années. Actuellement, la plupart des enfants sont vaccinés contre les principales maladies. Les familles pauvres disposant d’une attestation de pauvreté ne paient aucun frais d’hospitalisation. Cependant, malgré l’amélioration de la capacité d’accueil du centre de santé de la commune par rapport à avant, celle-ci reste encore très limitée. Seules quatre à cinq personnes y travaillent en permanence (surtout des infirmières) et le centre de santé ne dispose que de quatre à six lits pour une population de 5000 personnes.

On peut distinguer trois types de travailleurs actifs dans les villages des deux communes : les travailleurs actifs au sein du ménage, l’échange de travailleurs actifs entre ménages et les travailleurs actifs recevant un salaire. Les deux premiers types dominent dans les activités agricoles. Les divisions de genre sont reconnues dans les ménages selon le type de tâches. La femme ne s’adonne pas uniquement aux tâches domestiques, elle participe aussi à la production directe comme le repiquage du riz. Néanmoins, pour quelques tâches, la division est moins claire, telles que moissonner, éclaircir la terre, et planter. Celles-ci sont partagées entre les hommes et les femmes dans le ménage. L'échange de travail est un arrangement réciproque. Dans le cas où un travailleur actif d’un ménage travaille pour un autre ménage, il peut faire appel au travailleur actif de ce ménage pour effectuer le même nombre de jours de travail. Cet échange a lieu lorsqu’arrive la saison de semer et de moissonner.

Il existe deux cas de travailleurs actifs recevant un salaire. Le premier cas regroupe les travailleurs recevant leur salaire quotidiennement (45,83% des ménages étudiés). La plupart d’entre eux travaillent dans les activités agricoles. Le deuxième cas regroupe les travailleurs recevant leur salaire mensuellement (14,17%). Ils travaillent pour l’Etat ou dans des usines d’autres provinces. La majorité des personnes qui travaillent dans les usines sont des jeunes avec un niveau secondaire (avant l'entrée à l'université). Il y a donc une migration des jeunes actifs avec un haut niveau d’éducation vers la ville.

Si avant les familles pauvres étaient des familles avec peu de travailleurs actifs et beaucoup d'enfants, maintenant ce n’est pas toujours le cas. Il existe des familles pauvres dont les travailleurs actifs sont paresseux.

Si avant les différences entre les groupes ethniques dans le mode de vie, la culture et aussi dans l’activité de production étaient claires, maintenant c'est l'inverse. Le maintien des traditions culturelles n’est plus flagrant sauf en ce qui concerne les mariages et les obsèques.

En général, les trois premiers groupes rencontrent les mêmes obstacles au niveau du capital humain. Un niveau d’éducation limité, un manque de connaissances dans les activités de production, des doutes et des habitudes ancestrales au niveau de l’activité agricole sont aussi les facteurs qui empêchent le développement des capacités des paysans.

5.2.2.2. Capital physique

Le capital physique accumulé fournit une image globale de l'état des équipements et des infrastructures d'une économie à un moment donné. L'augmentation de la quantité de capital physique permet d'assurer la production de biens et de services dans l'avenir. De plus, elle

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 129

permet de substituer des capitaux économiques à des capitaux humains et environnementaux42 dans les activités de production.

Dans les régions rurales, surtout les régions montagneuses, l’infrastructure est un facteur important dans la contribution et la capacité des communautés en général, et des paysans en particulier. Par le passé, la topographie était trop accidentée et il était très difficile de circuler, alors les villageois des deux communes avaient beaucoup de difficultés à accéder aux services publics. Depuis 2000, grâce au programme 135 du Gouvernement et à d’autres programmes non gouvernementaux, les infrastructures des deux communes se sont développées, les routes principales ont été construites pour faciliter la circulation. L'accès à l'éducation (école primaire et secondaire), l'accès à la santé (centre médical), et l'accès aux services de communication (poste) ont été développés dans les deux communes. C'est pourquoi le niveau éducatif et sanitaire des paysans s’est amélioré. Les paysans peuvent savoir ce qui se passe en-dehors de leur communauté.

Condition de l’habitat des familles

Le tableau suivant liste les équipements possédés par les ménages. Dans les groupes A et B, le taux de ménages possédant la télévision est bas. Il augmente dans les groupes C et D. Les motos et les vélos sont couramment utilisés par les paysans pour circuler. Il n'y a pas de différence notable concernant la possession d’une moto entre les groupes A et B, mais la valeur financière des motos de ces deux groupes est basse.

Seul le groupe D de la commune de Xuan Phong, et les groupes C et D de la commune de Tu Ly possèdent des réfrigérateurs et des cuisinières à gaz.

La plupart des ménages utilisent la cuisinière au bois. Ils profitent des ressources naturelles de la forêt. Deux ou trois fois par semaine, les familles (toujours les femmes) vont dans la forêt ramasser du bois pour le feu.

Tableau 5.9 : Equipements dans la maison

Indicateur : %

Xuan Phong Tu Ly

Biens Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

Télévision 27 33 73 60 33 53 60 80

Ventilateur 13 27 67 47 40 60 47 80

Moto 13 40 53 67 40 47 60 80

Réfrigérateur 0 0 0 7 0 7 7 40

Armoire 0 20 20 40 7 20 0 40

Vélo 7 7 40 60 20 13 27 53

Cuisinière à gaz 0 0 0 20 0 0 0 7

Cuisinière au bois 100 100 100 80 100 100 100 93

Téléphone 13 47 53 60 7 47 47 67

Radio 0 13 7 20 0 0 0 0

Source : Enquête en 2009 42

http://www.plan.be/websites/tfdd_88/fr/r5fr_fichessite745.html

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 130 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

Le tableau suivant nous donne une image de la condition de l’habitat des groupes étudiés. Actuellement, d’énormes changements ont lieu au niveau de l’habitat des familles rurales ou montagneuses. Le nombre de maisons faites de murs en terre (ou de cloisons en bambou) avec un toit en paille a diminué progressivement pour laisser la place à des habitations avec un toit en tuiles ou en tôles. Cependant, de manière générale, l’état des maisons des groupes A et B reste encore très précaire.

Tableau 5.10 : Condition de l’habitat des groupes étudiés

Indicateur : %

Tu Ly Xuan Phong

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

1. Maison

Mur en terre et toit en paille 27 0 0 0 0 0 0 0

Mur en bambou et toit en paille ou en tuile

47 7 13 0 53 7 13 0

Mur en bois et toit en paille, en tôle ou en tuile

13 80 33 0 40 93 53 40

Mur en briques et toit en ciment, en tôle ou en tuile

13 13 53 100 7 0 33 60

2. Type de WC

Fosse traditionnelle et mur en brique

0 7 13 67 60 60 53 100

Fosse traditionnelle sans mur autour

100 93 87 33 40 40 47 0

3. Source principale d’approvisionnement en eau

Pompe aspirante/puits privé 40 60 67 67 20 13 13 0

Puits public protégé 33 13 20 13 80 80 80 87

Etang/Ruisseau/Rivière/Fleuve… 27 27 13 20 0 7 7 13

4. Source financière pour construire la maison

Économies 40 73 73 93 40 40 53 60

Aide d’un parent 7 7 13 0 7 0 20 20

Emprunt 27 27 33 33 27 33 60 47

Aide de la commune 13 0 0 0 20 13 20 0

Source : Enquête en 2009

La plupart des ménages des groupes A, B et C dans la commune de Tu Ly possèdent des toilettes en plein air. Dans la commune de Xuan Phong, les toilettes sont plus modernes qu’à Tu Ly. Elles sont le résultat d’un projet de développement mis en place dans la commune.

La source principale d’approvisionnement en eau pour les groupes des deux communes a progressivement changé. La plupart des gens connaissent l’importance de l’eau dans leur vie quotidienne. Le taux de ménages possédant une pompe aspirante privée dans la commune de Tu Ly est plus élevé que celui dans la commune de Xuan Phong. Dans la commune de Xuan

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 131

Phong, des puits publics protégés et réservés aux communautés ont été construits grâce au projet Childfund.

5.2.2.3. Possession foncière

Le fait de posséder des terres cultivées est très important pour les paysans des deux communes étudiées parce que cela joue sur l'autosuffisance alimentaire des ménages. L'observation au niveau des communes a montré qu’il n'y avait pas d’inégalités dans la redistribution des rizières entre les catégories, surtout entre les groupes A et B, grâce à la loi foncière. Toutefois, il existe actuellement des couples qui ont immigré et qui n'ont pas de terre cultivée à cause de cette politique. Au niveau des terres forestières, la redistribution est plus inégale parce que les ménages des groupes A et B rencontrent toujours des difficultés au niveau du temps et du capital pour investir dans la culture forestière.

Dans les deux communes étudiées, il existe deux types principaux de terres possédés par les ménages : la terre de rizière et la terre de colline et de forêt. En général, la taille moyenne des terres possédées par les ménages des groupes A et B n'est pas significativement différente.

Le tableau suivant montre que la superficie moyenne de terres agricoles possédées par les ménages étudiés est exiguë à cause d’une topographie compliquée dans les deux communes. La capacité d’autosuffisance en céréales des ménages est fortement liée au nombre et à la qualité des parcelles de terres possédées, tandis que la superficie de terres cultivées par les ménages dans les deux communes est très limitée.

Le tableau suivant montre que le nombre de ménages possédant des cultures vivrières dans la commune de Xuan Phong est plus important que dans la commune de Tu Ly. Cela s’explique essentiellement par une population plus importante dans cette commune. Si on compare la superficie moyenne des terres agricoles entre les groupes de ménages, on constate que l’écart n’est pas évident. Toutefois, l’écart entre le minimum et le maximum de cette superficie devient remarquable. La superficie minimum cultivée par ménage dans la commune de Tu Ly est de 0,03 ha et de 0,02ha dans la commune de Xuan Phong et la superficie maximum est de 0,4 ha dans la commune de Tu Ly et 0,47 ha dans la commune de Xuan Phong. L’accumulation des terres cultivées est une pratique courante dans les deux communes étudiées.

Puits public protégé dans la commune

de Xuan Phong

Puits privé dans la commune de Tu Ly

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 132 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

Tableau 5.11 (I) : Caractéristiques des terres cultivées des ménages étudiés

Groupe A Groupe B Groupe C Groupe D

Saisonnier 1 2 1 2 1 2 1 2

Tu Ly

% de ménages ayant des terres de rizière

53 60 73 80 73 60 60 73

Surface moyenne des cultures de rizière par ménage (m

2)

1362,5 1385,6 1363,6 1670,1 1392,7 1524,4 1891,1 1995,3

Minimum 300 200 500 500 500 720 320 320

Maximum 2400 2400 2400 3042 3000 3000 4000 4700

Xuan Phong

% de ménages ayant des terres de rizière

100 87 100 80 100 100 100 93

Surface moyenne des cultures de rizière par ménage (m

2)

840,4 868,7 1086,9 883,0 1152,8 1352,4 2034,5 1815,4

Minimum 100 150 150 150 700 400 740 1000

Maximum 3000 3000 2000 2400 2000 2758 3100 3000

Source : Enquête en 2009 (1: printemps ; 2: été)

Tableau 5.11 (II) : Caractéristiques des terres cultivées des ménages étudiés

N Surface moyenne des cultures de rizière par ménage

Minimum Maximum

1 (Printemps) Groupe D 24 1980,75 320 4000

Groupe C 26 1254,31 500 3000

Groupe B 26 1203,96 150 2400

Groupe A 23 1022 100 3000

Total 99 1363,22 100 4000

F- Value 7,761***

2 (été) Groupe D 25 1894,52 320 4700

Groupe C 24 1416,92 400 3000

Groupe B 24 1276,54 150 3042

Groupe A 22 1080,14 150 3000

Total 95 1429,15 150 4700

F- Value 4,332*

Anova test : *** signification à 1%; * signification à 10%

Le tableau 5.11 (II) montre la surface moyenne des cultures de rizière par ménage au printemps et en été. Au printemps, l’indice de signification est évalué à 0,01. Nous pouvons donc conclure qu'il existe des différences significatives entre les 4 groupes à cette époque de l’année. En été, l’indice de signification est de 0,1 et on constate également une différence significative entre les quatre groupes au niveau de la surface moyenne des cultures de rizière

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 133

par ménage pendant cette saison. Concrètement, nous avons procédé à un test post-hoc afin de savoir laquelle des comparaisons de groupes, pris deux à deux, est significativement différente. La colonne Signification (annexe A4.2) indique donc qu'il n'y a pas de différence significative entre les trois premiers groupes comparés deux à deux (Sig. < 5 %), mais il existe des différences entre le groupe D et les autres groupes A, B et C au niveau de la surface moyenne des cultures de rizière.

Le taux des ménages possédant des terres forestières dans les communes étudiées est important. Cependant, la superficie de terres forestières possédée par les ménages est nettement différente si le ménage appartient aux groupes A, B, C ou au groupe D.

Tableau 5.12 (I): Superficie des terres forestières des ménages étudiés

Groupe A Groupe B Groupe C Groupe D

TL XP TL XP TL XP TL XP

Superficie moyenne des terres forestières par ménage (ha)

1,05 0,88 1,57 0,88 1,58 0,77 3,72 1,75

min (ha) 0,15 0,2 0,3 0,3 0,3 0,2 0,3 0,4

max (ha) 2,5 3 5 2 4 2 14 6,2

% des ménages ayant des terres forestières

80 40 80 60 73 87 87 60

Source : Enquête en 2009

Tableau 5.12 (II): Superficie des terres forestières des ménages étudiés

N Superficie de terres forestières moyennes de ménage (ha)

groupe D 22 2,84

groupe C 24 1,14

groupe B 21 1,27

groupe A 18 0,99

Total 85 1,58

F-Value 3,273**

Anova test : ** signification à 5%

Le tableau 5.12(II) montre la superficie des terres forestières des ménages étudiés. La signification est à 0,05. Il y a donc des différences significatives entre les quatre groupes au niveau de la surface moyenne des terres forestières par ménage. Un test post-hoc a été réalisé afin de savoir laquelle des comparaisons de groupes, pris deux à deux, est significativement différente. La colonne Signification (annexe A4.3) indique donc qu'il n'y a pas de différence significative entre les trois groupes A, B, C comparés deux à deux (Sig.< 5 %). Mais il y a des différences entre le groupe D et les autres groupes A, B et C.

Dans les deux communes étudiées, il est difficile de collecter les données sur la possession foncière des ménages de 1993 à aujourd’hui à cause de la faiblesse du bureau des statistiques de ces communes. Un changement des personnes en charge au cours des années et une

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 134 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

mauvaise conservation des archives, même sur les trois dernières années, ont rendu la recherche difficile. C’est pourquoi l'histoire de la possession foncière sera abordée grâce aux entretiens conduits auprès des habitants des villages.

Il a été demandé aux groupes de paysans de mettre en relation les événements historiques et l’utilisation des terres forestières, en particulier avant et après la réforme agraire mise en place dans les deux communes étudiées. Les avantages et les inconvénients ont été mis en avant grâce à l’avis des paysans. Les avis recueillis ont permis de montrer les droits des paysans dans l'utilisation et l’accès aux terres forestières.

Selon les paysans, la période de 1975 à 1991 a été marquée par une dégradation forestière. A cette époque, les ressources forestières étaient considérées comme infinies. Les paysans exploitaient la forêt de façon massive, et essentiellement le bois pour l'industrie papetière, pour la construction ou comme source d'énergie. La coupe commerciale était réglée par les minorités ethniques pour assurer leurs besoins en revenu supplémentaire. L'essartage était souvent pratiqué pendant cette période. Après la loi de privatisation des terres forestières, la pratique de l'essartage a diminué à cause de la limitation des terres forestières pour chacun et la mise en place de la loi de protection de la forêt naturelle.

Selon les paysans issus des minorités ethniques, la propriété privée a encouragé les individus à investir dans leurs forêts et dans le développement de plantations pérennes. Cependant, les paysans ne pouvaient obtenir de profits individuels que dans la limite de leurs forêts. Les groupes ethniques qui dépendaient totalement de la pratique sur brûlis connaissaient alors beaucoup de difficultés pour s’auto-suffire sur le plan alimentaire car ils avaient peu de rizières et ils manquaient de techniques et de capital pour investir dans la culture en rizière.

Avant la mise en place de cette loi, les gens pouvaient chasser ou pratiquer la cueillette dans les forêts pour se nourrir quotidiennement. Autrefois, les produits non ligneux tels que le bois à feu, les animaux de la forêt, les fruits, les herbes abondaient dans les forêts et assuraient un minimum de sécurité alimentaire dans les périodes de privation. Maintenant, la biodiversité a diminué à cause des nouvelles forêts plantées. Selon les paysans, on ne trouve plus que quelques types de produits non ligneux dans les forêts des communes comme par exemple les champignons noirs, les singes, les cerfs, les chevreuils.

De plus, le pâturage pour le bétail a aussi diminué à cause de la privatisation des terres forestières et des nouvelles forêts, ce qui a entraîné une diminution du bétail. Les paysans doivent faire paître leurs buffles le long des champs ou dans leur jardin près de la maison.

Au moment de la répartition des terres forestières dans les années 90, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) et le programme 327 s'engageaient à fournir des semences et une aide alimentaire aux ménages qui cultivaient les forêts. Les paysans participaient aux programmes dans le seul but de recevoir cette aide alimentaire car ils avaient très faim.

D'ailleurs, la répartition des terres forestières ne s’est pas faite de manière claire et les listes des ménages ayant reçu des terres forestières n’ont pas été publiées dans les communes étudiées. Au niveau des terres forestières, les paysans aisés avaient reçu plus de terres forestières que les ménages pauvres.

L’obtention du certificat de possession de terres forestières évite les conflits et les litiges dans la répartition des terres forestières. Les ménages sont très satisfaits parce qu’ils sont certains que personne ne peut prétendre à l’acquisition de leur terre. Toutefois, on remarque une évolution vers une différenciation croissante au sein des paysans. Une minorité de paysans a pu, par divers moyens, obtenir de grandes concessions et de par ce fait s'enrichir de manière notable. La majorité connaît de grandes difficultés pour tirer des bénéfices de cette réforme

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 135

concernant les terres forestières. C’est une réalité très préoccupante, surtout du point de vue de l’évolution vers de nouvelles formes de pauvreté dans le village.

Le Gouvernement vietnamien donne aux paysans le droit de posséder des terres forestières sans prendre en considération le fait que les petits paysans, surtout les pauvres, ne peuvent pas exploiter et gérer convenablement leur forêt à cause d’un accès limité au crédit, aux techniques et aux infrastructures. Cependant, les paysans pauvres doivent faire face aux problèmes alimentaires à cause d’un manque de rizières. C'est pourquoi, le fait de posséder des terres forestières donne aux paysans la possibilité de vendre leur terre pour avoir de l'argent rapidement et ensuite essayer de saisir de nouvelles opportunités sur le marché du travail.

Tableau 5.13: Brève histoire des terres forestières via les discussions avec les paysans issus des minorités ethniques dans les deux communes étudiées

Période Avant 1960 1960-1975 1975-1990 1990 à aujourd’hui

Ressources naturelles

Forêt abondante Terres de bas- fonds

disponibles pour l’agriculture

Forte diversité biologique

Forêt abondante Terres de bas-fonds et vallées exploitées en

totalité Forte diversité biologique

Déforestation rapide des versants

Dégradation des sols dans les zones de collines proches

des villages

Dégradation rapide du couvert forestier

Forte érosion et acidification des

sols sur les pentes Diminution rapide de la biodiversité

Agriculture

Cultures itinérantes dans les montagnes, longues périodes de

jachère Rizières gérées collectivement Agriculture de

subsistance

Fixation de l’agriculture dans les bas-fonds

Gestion collective des ressources naturelles

Intensification rizicole : variétés améliorées,

fumure, engrais chimiques

Saturation foncière des bas-fonds

Gestion collective dans les bas-fonds, individuelle sur les

versants Développement de

l’agriculture sur pentes malgré les

interdictions

Réduction de la période de jachère

sur les versants Gestion des ressources

naturelles au niveau de

l’exploitation familiale

Intensification agricole sur les

versants proches des villages :

terrasses, haies, etc

Environnement socio-économique

Peu de contacts entre les groupes

ethniques occupant les bas-fonds et ceux

des montagnes Faible densité de

population Faible intégration au

marché

Interdiction des défriches et exploitations

forestières à usage privé Densité de population

croissante : les immigrants s’installent

dans les bas-fonds Système coopératif

Cultures sur pentes dans les zones

éloignées du village pour assurer

l’autosuffisance alimentaire Densité de population croissante

Inefficacité du système coopératif

Les bas-fonds ne permettent plus

d’assurer la sécurité

alimentaire Allocation des

terres aux agriculteurs

Nouvelles limites de villages

Source : Enquête 2010

Les produits de la cueillette peuvent grossièrement se classer en deux types : les produits alimentaires et les produits non-ligneux qui servent à générer un revenu familial. Les produits de la cueillette qui s'utilisent comme denrées alimentaires sont les pousses de bambou, les champignons, les légumes sauvages.

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 136 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

La cueillette permet également à la famille de s'approvisionner en matériaux comme le bois pour le feu, et en matériaux ligneux (bois, bambou, rotin).

Mme Ly Thi Lien, 43 ans, habite dans le village de Mit de la commune de Tu Ly : "Avant, quand j'étais petite, on allait dans la forêt pour chasser les singes, les cerf-cochon, les muntjacs et cueillir les champignons noirs pour les vendre ou bien pour nourrir la famille. A présent, on ne les trouve plus. Je vais souvent dans la forêt pour cueillir les pousses de bambou et les végétaux pour l'élevage de porc ou bien pour notre repas. Je ramasse souvent du bois pour le feu".

En conclusion, il existe des incompatibilités entre la politique et les pratiques locales. Beaucoup de petits agriculteurs sont incertains quant à la façon d’exploiter leurs terres forestières. Les terres forestières attribuées à des ménages pauvres sont souvent stériles et sans soutien financier et technique de la part du gouvernement. Dans ces conditions, il est extrêmement difficile pour les agriculteurs de s'engager sur le long terme dans l’exploitation des forêts et de gagner leur vie grâce à cette activité.

Il semblerait que les minorités ethniques les plus pauvres préfèrent une gestion communautaire des forêts afin d'assurer en premier lieu leur sécurité alimentaire. Les minorités ethniques tendent à rassembler une grande variété de productions forestières sur une grande surface, ce qui dépasse la limite d'une parcelle individuelle de terres forestières. Certaines personnes sont réticentes à recevoir des parcelles de terres forestières et à investir dans la sylviculture, de peur que cela les oblige à arrêter de couper les plants d'autres terres issues de culture illégale et situées en-dehors de leurs communes.

La discrimination sociale entre les riches et les pauvres a donc augmenté à cause de la répartition des terres forestières. Les ménages pauvres tendent à vendre leurs forêts aux riches et l'accumulation de terres forestières est une pratique qui a émergé ces dernières années.

Aujourd’hui, il semble que la violence de certaines stratégies de développement, proposées au nom de la lutte contre la pauvreté, peut aboutir à détruire les villages et leur milieu de vie. Les populations traditionnelles, notamment la paysannerie, sont capables d’initiatives de changement qui améliorent durablement les conditions de vie de la collectivité et des familles. Ceci transparait dans la prise en considération des pratiques anciennes des paysanneries, pour gérer les écosystèmes locaux, mettre en place des systèmes de production agricoles permettant de sécuriser l’alimentation, et d’élaborer des coutumes et des normes de comportement qui permettent de gérer les rapports entre la nature et la société, et les conflits engendrés par les tensions inévitables de la vie économique et sociale locale.

Il semble important de prendre sérieusement en considération les connaissances séculaires de la paysannerie qui ont acquis une capacité de gestion de systèmes agro-forestiers très complexes capables d’assurer la subsistance de communautés démographiquement en expansion. Il serait utile que les stratégies de lutte contre la pauvreté partent de ces acquis, afin de les consolider, et afin de leur permettre de continuer un processus de diversification des systèmes complexes, ce qui pourrait contribuer à stabiliser la situation des collectivités et la mise en œuvre d’un processus de développement local durable.

5.2.2.4. Crédit

Via les tableaux, on constate que le taux des ménages appartenant au groupe A et ayant emprunté de l'argent auprès de la banque des Politiques Sociales est le plus important dans deux communes étudiées. Dans la commune de Xuan Phong, la plupart des ménages du groupe A ont emprunté entre 5 et 7 millions de VND pour acheter un buffle. Les groupes qui empruntent de 10 à 30 millions de VND investissent dans des activités de culture de canne à

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 137

sucre. Dans la commune de Tu Ly, la somme d'argent empruntée est plus importante que dans la commune de Xuan Phong. Selon les paysans, l'argent emprunté est investi dans l'élevage ou la sylviculture. L'investissement dans l'élevage est d’environ 10 millions de VND et celui dans la sylviculture est de 20 à 30 millions de VND.

Tableau 5.14 : Taux des ménages ayant un crédit

Tu ly Xuan Phong

Quantité % Quantité %

Nombre de ménages étudiés 30 30

Nombre de ménages empruntant un crédit 22 73 24 80

.... à la Banque des Politiques Sociales 18 82 16 67

- Groupe A 7 39 7 44

- Groupe B 7 39 4 25

- Groupe C 2 11 2 13

- Groupe D 2 11 3 19

.... à la banque Agricole et de Développement rural 4 18 8 33

- Groupe A 0 0 1 13

- Groupe B 1 25 4 50

- Groupe C 2 50 2 25

- Groupe D 1 25 1 13

Source : Enquête 2010

Tableau 5.15 (I) : Somme empruntée par les ménages

Ind.: un million VND

Source financière Tu Ly Xuan Phong

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

Banque des Politiques Sociales

- Somme moyenne empruntée par ménage

14,29 24,29 19 20 8 7,5 12,5 31,67

- Min 10 10 8 15 5 6 10 20

- Max 30 40 30 25 10 10 15 50

Banque Agricole et de Développement rural

- Somme moyenne empruntée par ménage

25 17,5 30 10 10 10,5 10

- Min 25 15 30 10 10 7 10

- Max 25 20 30 10 10 14 10

Source : Enquête 2010

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 138 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

Tableau 5.15 (II) : Somme empruntée par les ménages

N Moyenne

D 7 25

C 8 14,9

B 16 16,6

A 15 11,1

Total 46 15,8

F-Value 3,11**

Anova test : ** signification à 5%

Le tableau 5.15 (II) montre la somme empruntée par les ménages. Le niveau de significativité est à 0,05. Il y a donc des différences significatives entre les quatre groupes. Un test post-hoc a été effectué afin de savoir laquelle des comparaisons de groupes, pris deux à deux, est significativement différente. La colonne Signification (annexe A4.4) indique donc qu'il n'y a pas de différence significative entre les trois groupes B, C et D comparés deux à deux et entre les groupes A, B et C comparés deux à deux (Sig. < 5 %), mais il existe une différence significative entre les groupes A et D .

5.2.2.5. Réseaux sociaux

La cohésion de la communauté est encore très présente dans les deux communes. Dans chaque village, les paysans se connaissent bien. Même certains petits détails de la vie des voisins, tels que les équipements et les parcelles possédés, leurs habitudes sont connus. Les chefs des villages connaissent tous les détails de chaque famille de leur village. Pendant la moisson, se met en place l'échange de travailleurs actifs (doi cong). De cette façon, le problème de manque de travailleurs actifs pendant quelques mois de l'année peut être résolu. Ici les paysans s’entraident gratuitement lors d’occasions importantes comme un mariage, des funérailles, couvrir le toit d’une maison. Le chef du ménage prépare un repas pour remercier toutes les personnes qui sont venues l'aider.

L'information acquise via le réseau social de chaque famille est aussi importante dans le domaine de la production agricole que pour chercher du travail ou bien emprunter de l'argent. Connaître les gens importants de la commune ou du village facilitent l’accès à l’information et aux opportunités. Selon les observation, les familles des groupes A et B ont un réseau social plus limité que les deux autres groupes.

Il existe cinq organisations officielles dans les communes : le Front de la Patrie, l’Association des paysans, l’Association des femmes, l'Association de la jeunesse, l'Association des vétérans et des personnes âgées. Ces associations s’organisent de la même façon que le système administratif vietnamien. En principe, le président de chacune de ces organisations (au niveau national) est un membre du Comité central du Parti. Parmi ces organisations, l’Union des femmes et l’Union des paysans participent directement aux différents programmes de développement et ont certaines influences.

D’autre part, les programmes de formation (sur l’alimentation, la santé, la nutrition des enfants, etc), de planning familial, de création d’emploi, de bourses pour les étudiants pauvres font aussi partie des activités de l’Union des femmes pour lutter contre la pauvreté.

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 139

5.2.2.6. Autoconsommation alimentaire

Les problèmes de production des denrées alimentaires ont longtemps été considérés comme la cause majeure de la famine. En effet, l’accès à la nourriture pour un ménage dépend de ses capacités à produire. C’est pourquoi les facteurs tels que l’accès à la terre et le niveau de revenus sont pris en compte dans l’analyse de la capacité d’un ménage à accéder à la nourriture.

Le tableau suivant montre la capacité d’autosuffisance en céréales des différents groupes de ménages. Le pourcentage de ménages devant acheter du riz supplémentaire pour sa consommation personnelle représente un chiffre important et il n’y a pas de différence majeure entre le groupe le plus pauvre et les autres groupes. Les ménages qui doivent acheter du riz pour les 12 mois de l’année sont les ménages qui ont très peu de terres à cultiver et de rizières. Toutefois, dans l’ensemble, nous constatons que le taux de ménages qui ne s’autosuffisent pas en céréales dans la commune de Xuan Phong est plus important que dans la commune de Tu Ly. Cela s’explique par le fait que la superficie de terres cultivées par ménage dans la commune de Tu Ly est plus élevée que dans la commune de Xuan Phong.

Tableau 5.16 : Niveau d’autosuffisance en céréales des ménages en 2009

Tu Ly % Xuan Phong %

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

% des ménages devant acheter du riz supplémentaire pour leur consommation

93 60 60 67 100 80 100 53

Dont :

- % des ménages devant acheter du riz pour une période inférieure à 6 mois

58 67 36 50 80 100 100 88

- % des ménages devant acheter du riz pour une période supérieure à 6 mois

7 0 20 0 20 0 0 0

- % des ménages devant acheter du riz toute l’année

36 33 44 50 0 0 0 13

Source : Enquête 2009

Les ménages, et en particulier les ménages des groupes A et B, manquent toujours de riz aux mois de mars, avril, septembre et octobre, les produits des récoltes précédentes étant presque terminés durant ces périodes. C’est pourquoi les ménages ont beaucoup de difficultés à assurer leur autosuffisance alimentaire toute l’année.

Deux raisons principales semblent expliquer pourquoi les ménages des deux communes doivent acheter du riz supplémentaire. La première raison est que la superficie moyenne de rizières par ménage est faible. La seconde raison est que la productivité est faible à cause d’un manque de capital, de techniques, de travailleurs et d’une mauvaise qualité de la terre.

La nourriture principale dans le panier des ménages étudiés est représentée dans le tableau suivant.

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 140 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

Tableau 5.17 : Panier d'articles alimentaires des communes de Tu Ly et de Xuan Phong

Type de nourriture

Riz ordinaire Porc Chou Sauce de poisson Gâteau/bonbon

Pain Bœuf Ipomoea aquatica Sel Lait

Nouilles Poulet Bambou Sucre Alcool

Canard Epinard Thé

Poisson

Œuf

Source : Enquête 2009

On mange du riz, des légumes sont consommés tous les jours et de l’alcool et du thé (thé qui vient de la forêt) sont souvent bus. La fréquence de la consommation en viande dépend des types de famille. Souvent, les familles pauvres n’ont pas d’argent pour acheter de la viande fréquemment : « Je vais souvent dans la forêt pour chercher des légumes, des pousses de bambou pour la nourriture. Ma famille mange de la viande de porc et du poisson environ 5 fois par mois. Il n’y a que les légumes que je ne dois pas acheter au marché. Il y a des semaines où nous n’avons pas de viande pour les repas. Quand ma famille n’a plus de riz, je dois emprunter environ 5 kg de riz ce qui est suffisant pour 2 jours. Puis je dois aller dans la forêt pour ramasser du bois pour le feu, des plantes médicinales ou du bambou pour les vendre et avoir de l’argent. Mais nous ne faisons plus partie de la catégorie pauvre et je ne sais pas pourquoi. Dans notre village, il y a beaucoup de familles pauvres qui ont des repas plus riches que les miens. Pourquoi nous ne sommes plus considérés comme pauvres ? Personnellement je ne sais pas ». Femme de M. Bui Quan Dau (groupe C), village de Ru 6

Le tableau suivant montre la capacité d’autosuffisance en nourriture des ménages étudiés. Si on compare les groupes de ménage, on constate que le nombre de ménages appartenant aux groupes C et D ont une capacité d’autosuffisance alimentaire plus importante que les groupes A et B.

Tableau 5.18 : Pourcentage des ménages autosuffisants au niveau alimentaire

Alimentation Tu Ly Xuan Phong

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

1. Légumes

Baselle/épinard 73 80 100 93 93 93 100 100

Ipomoea aquatica (rau muong)

33 60 93 80 80 87 80 87

Bambou 87 80 100 100 80 87 80 100

Chou 33 20 73 53 87 87 87 87

2. Viandes

Poulet 60 87 100 100 73 73 100 80

Source : Enquête 2009

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 141

Pour les ménages pauvres, la capacité à s’autosuffire au niveau alimentaire est très importante. Cela les aide à économiser de l’argent pour pouvoir investir dans d’autres activités. Toutefois, les catégories d’aliments que les ménages produisent ne sont pas variées et fournissent des repas très simples.

Par ailleurs, le tableau ci-dessus manque de sens si la qualité des repas des ménages n'est pas connue. Cependant il est difficile de demander aux ménages de se souvenir de ce qu’ils ont mangé chaque jour pendant un mois. Ils ont donc été interrogés sur la somme d’argent qu’ils ont dépensé quotidiennement pour la nourriture. Mais les chiffres collectés sont seulement relatifs. Dans les dépenses quotidiennes, les dépenses pour la production ne sont pas prises en compte.

Si on compare le niveau moyen des dépenses des ménages des deux communes étudiées, on constate que le niveau des dépenses pour la nourriture quotidienne à Tu Ly est plus haut que celui à Xuan Phong. Il semble que le niveau de vie des ménages de la commune de Xuan Phong soit plus bas que celui de la commune de Tu Ly. Si on compare les dépenses moyennes en nourriture quotidienne par ménage, on constate une différence entre les groupes de ménages étudiés. Mais le chiffre des dépenses minimum et maximum montre que parfois, le montant d'argent dépensé par les ménages du groupe A pour leur vie quotidienne est plus haut que celui des autres groupes. Dans le groupe A de Xuan Phong et de Tu Ly, certains ménages dépensent un minimum de 5000VND à 10000VND par jour pour acheter de la nourriture. Cela montre que la qualité de leurs repas est très basse.

Tableau 5.19 (I) : Dépenses quotidiennes des ménages pour la nourriture et le riz en 2009

Ind. 1000 VND

Tu Ly Xuan Phong

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

Dépense moyenne en nourriture quotidienne et en riz par ménage

9048,23 10450 11888,53 12927 4166,07 12110,47 13138 11728

Maximum 18400 28800 22300 30000 11160 32760 32720 18000

Minimum 3000 3000 2000 7200 1008 3600 3000 5400

Source : Enquête en 2009

Tableau 5.19 (II) : Dépenses quotidiennes des ménages pour la nourriture et le riz en 2009

N Moyenne

D 30 12300

C 30 12700

B 30 11300

A 30 6930

Total 120 10800

F-Value 4,11*

Anove test : * signification à 10%

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 142 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

Le tableau 5.19 (II) montre les dépenses quotidiennes en nourriture et en riz des ménages. La signification est à 10%. Il existe donc une différence significative entre les quatre groupes. Un test post-hoc a été effectué afin de savoir laquelle des comparaisons de groupes, pris deux à deux, est significativement différente. La colonne Signification (annexe A4.4) indique qu'il n'y a pas de différence significative entre les trois groupes B, C et D comparés deux à deux (Sig. < 5 %) mais il existe une différence significative entre le groupe A et les autres groupes B, C et D.

Si les ménages n’ont plus d’argent ni d’aliments, comment font-ils pour survivre ? Le tableau suivant montre les différentes stratégies adoptées par les ménages. La plupart des ménages choisissent d’acheter à crédit. Cela prouve une forte cohésion sociale entre les personnes des régions rurales au Viet Nam. Normalement les ménages peuvent acheter à crédit de la nourriture pendant une à quatre semaines. Peu de ménages stockent des produits pour les vendre. Le taux de ménages qui vont dans la forêt pour rassembler les produits non ligneux se concentre surtout dans la commune de Xuan Phong. Le taux de ménages qui prend des emplois journaliers est plus haut dans la commune de Xuan Phong que dans la commune de Tu Ly.

En fait il n’y a pas de marché dans les deux communes mais seulement des petits magasins privés. Tous les gens se connaissent. Les petits marchands disent que « la plupart des gens ici sont pareils. Si on ne vend pas à crédit, personne ne vient chez toi pour acheter ».

Tableau 5.20 : Stratégies des ménages dans l’achat de produits alimentaires lorsque les revenus réguliers ne sont pas suffisants

Tu Ly % Xuan Phong %

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

Achat à crédit 53 53 53 20 27 0 20 0

Emprunt 20 20 33 7 47 33 47 0

Vente de produits de la forêt

0 0 0 0 13 0 13 0

Vente d'autres produits 0 0 0 20 8 67 0 0

Emploi journalier 53 0 0 0 73 0 87 33

Source : Enquête 2009

Voici un cas très concret : M. Bui Van Chau, village de Nhoi 2 (Xuan Phong), dont le niveau d’éducation est 5/10 (groupe A), compte 3 personnes dans sa famille. Il n’a pas de terres de colline, ni de terre de forêt de production, il ne possède que 120m2 de terres de rizières qui sont l’héritage de sa femme. Lui et sa femme doivent accepter n’importe quel travail pour pouvoir survivre, par exemple désherber un champ d’oranges ou faire des rigoles d’irrigation pour la canne-à-sucre. Avec ces activités, ils gagnent 70 000VND par jour (2,5–3 euros) mais ces travaux ne sont pas fréquents. Parfois, ils ne trouvent pas de travail donc ils doivent emprunter de l’argent pour acheter du riz. Toutes les dépenses quotidiennes de cette famille dépendent de leurs ressources provenant d’aides occasionnelles en échange d’une rémunération.

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 143

Chez les ménages étudiés, les revenus proviennent de trois sources principales : la culture, l'élevage et les activités extra-agricoles43. Le tableau ci-desous montre le nombre de ménages ayant des revenus provenant de différentes sources. Via ce tableau, on peut constater que la plupart des familles obtiennent un revenu grâce à la production de leur culture (100% des ménages) et leur élevage (89%). Les petits commerces constituent une partie considérable du revenu d’une minorité des familles étudiées. Le taux de ménages ayant des revenus provenant de la forêt (comme la culture du bois et le rassemblement de produits non ligneux) est de 41%. Les travaux non réguliers dépendent totalement des besoins sur le marché. Toutefois, le taux des ménages qui gagnent de l’argent grâce aux activités saisonnières ou journalières est remarquable et atteint 46%.

Tableau 5.21 : Ressources financières en 2009 et rôle de chaque activité dans sa contribution au revenu total des ménages (indicateur : %)

Origine du revenu dans le ménage

% de la source

de revenu

L'importance de chaque activité dans sa contribution au revenu total des ménages

1* 2 3 4

Production issue des cultures 100 73 20 7 0

Élevage 89 24 56 18 2

Forêt 41 0 12 53 35

Petit commerce 8 0 60 20 20

Aide occasionnelle moyennant une rémunération

46 15 35 31 20

Salaires 14 12 12 53 24

Source : Enquête 2009 (*1, 2, 3, 4 correspondent à l’ordre d’importance dans les revenus des familles)

5.3. POURQUOI DES MÉNAGES ARRIVENT-ILS À SORTIR DE LA PAUVRETÉ ET D’AUTRES NON MALGRÉ LES AIDES DU GOUVERNEMENT ?

5.3.1. Raisons pour lesquelles des ménages pauvres sortent de la pauvreté dans les communes de Tu Ly et de Xuan Phong

Pour mieux comprendre la situation des communes et surtout les raisons pour lesquelles les ménages issus des minorités ethniques pauvres arrivent à sortir de la pauvreté, les ménages ont été choisis au hasard et ont été interrogés et les avons interrogés sur cette situation.

Monsieur Bui Van Thu est Muong. Il habite dans le village de Ru 1, commune de Xuan Phong. Avant il était pauvre, sa femme étant décédée jeune, il a du s'occuper de leurs trois enfants en bas âge. Il a dû changer plusieurs fois de lieu d’habitation, et pour cette raison et n'eut donc pas le temps de s'occuper de la production agricole. Il n'était donc pas autosuffisant au niveau alimentaire. Il a laissé ses terres en friche pour aller chercher du travail ailleurs. Mais grâce aux aides du gouvernement, il a pu reconstruire sa maison, emprunter de l'argent pour investir dans la culture du riz et élever des porcs. Sa vie s’est améliorée. Sa fille aînée

43

Les activités extra-agricoles sont : petits commerces, main-d'œuvre agricole pour d’autres exploitations ou pour la construction, employés dans des entreprises, fonctionnaires du gouvernement dans la commune, etc.

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 144 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

s'est mariée et son deuxième enfant va à Hanoi pour travailler. Leur revenu moyen était de 7 à 8 millions de VND par an en 2008 ce qui les a fait sortir de la catégorie « pauvre ». (Enquête 2010)

M. Bui Van Tan est Muong, Il habite dans le village de Nhoi 6 dans la commune de Xuan Phong. Il y a quatre personnes dans sa famille, et parmi elles deux personnes actives. Il n'est plus pauvre parce qu’il a travaillé et a su planifier des activités pour gagner de l'argent. Il cultive du riz, du maïs, de la canne à sucre, élève des porcs et des buffles. Ses ressources financières sont très diverses. Il n'est plus pauvre depuis 2005. Le revenu moyen par personne de sa famille est de 300 000 VND/perssonne.mois. (Enquête 2010)

M. Bui Quang Phuc est Muong, Il habite dans le village de Nhoi 3, dans la commune de Xuan Phong Il y a quatre personnes dans sa famille. Quand les enfants étaient petits, il n’avait pas assez de terres cultivées pour que le ménage soit autosuffisant. Maintenant les enfants ont grandi et sont actifs. Ils sont partis en ville pour chercher du travail. Par ailleurs, comme il a emprunté de l'argent à la BSP pour investir dans l'élevage de porcs, son revenu s’est amélioré. Sa famille n'est plus pauvre depuis 2008. (Enquête 2010)

M. Dang Van Tien appartient au groupe Dao. Il habite dans le village de Tay Mang, dans la commune de Tu Ly. Il y a quatre personnes dans sa famille, dont 2 personnes actives. Selon lui, sa famille n'est plus considérée comme pauvre parce que selon les responsables locaux, son revenu est au-dessus du seuil de pauvreté de 200 000 VND/personne mois. (Enquête 2010)

M. Ha Van Dan appartient au groupe Tay, il habite dans le village de Dong Chanh, dans la commune de Tu Ly. Il n'est plus pauvre depuis 2008 parce qu'il a emprunté de l'argent à la BPS pour investir dans l’élevage de bœufs, de porcs et de volailles et dans l’apprentissage des techniques agricoles. Comme il a acquis de l'expérience dans la production, son élevage s’est développé et ses conditions de vie se sont améliorées. (Enquête 2010)

Mme Xa Thi Hue est Muong. Elle habite dans le village de Chau, dans la commune de Tu Ly. Il y avait quatre personnes dans sa famille, dont une seule personne active. Sa famille n'est plus considérée comme pauvre depuis que les enfants ont grandi et sont devenus à leur tour actifs. (Enquête 2010)

En résumé, trois raisons principales expliquent la sortie de la pauvreté :

- les enfants grandissent et travaillent et le revenu de la famille s’améliore

- les chefs de ménage sont actifs et travailleurs. Pour cette raison, lorsqu’ils ont l'occasion d'emprunter de l'argent à un taux d’intérêt bas à la BPS ou d’apprendre des nouvelles techniques grâce à la vulgarisation, ils peuvent développer diverses activités de production pour gagner de l'argent

- le revenu de la famille est passé au-dessus du seuil de pauvreté suite à la révision effectuée par le chef de village

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 145

5.3.2. Raisons pour lesquelles des ménages pauvres restent pauvres dans les communes de Tu Ly et de Xuan Phong

Monsieur Bui Van Quynh est Muong. Il habite dans le village de Ru 3, dans la commune de Xuan Phong. Il y a cinq personnes dans sa famille dont deux personnes actives. Il est devenu pauvre depuis que sa famille s’est séparée de la famille plus étendue. Comme il a peu de terres cultivées, il est difficile pour lui d’assurer l'autosuffisance alimentaire du ménage. (Enquête 2010)

Monsieur Bui Van Tien est Muong. Il habite dans le village de Ru 4, dans la commune de Xuan Phong. Il y a quatre personnes dans sa famille dont deux personnes actives. Il est pauvre depuis longtemps. Il n'a pas investi dans la production agricole malgré qu’il ait emprunté de l'argent à la BPS pour acheter des buffles. Il a d'ailleurs aussi reçu de l'argent pour reconstruire sa maison. Il a préféré aller dans une autre commune dans le district de Cao Phong pour chercher du travail agricole et gagner l'argent tout de suite (60 000VND/jour) plutôt que de prendre du temps pour développer sa propre production agricole. C'est difficile pour lui de sortir de la pauvreté car il n'est pas travailleur. D'ailleurs il boit beaucoup d'alcool. Il a reçu beaucoup d'aides du Gouvernement et de son village mais il n'a toujours pas réussi à sortir de la pauvreté. (Enquête 2010)

Monsieur Bui Van Dua appartient au groupe Muong. Il habite dans le village de Nhoi 2 dans la commune de Xuan Phong. Il y a huit personnes dans sa famille dont trois personnes actives. Ses parents sont malades tout le temps. Ses enfants ne peuvent pas aller à l'école. Il a dû emprunter de l'argent et n'a pas la capacité de rembourser ses dettes. Il a bénéficié d’une subvention pour reconstruire sa maison ou pour cultiver mais il n'a pas pu sortir de la pauvreté. (Enquête 2010)

Monsieur Ban Van Luong appartient au groupe Dao. Il habite dans le village de Mit, dans la commune de Tu Ly. Il y a quatre personnes dans sa famille dont une personne active. Il est sourd. Ses parents sont pauvres, et lui aussi depuis qu’il s'est marié et a eu deux enfants. Il possède 700m² de terres rizicoles et 1200m² de terres forestières de production. Malgré cela, il a des difficultés à sortir de la pauvreté car sa femme, travailleur principal de la famille, n'a pas d'expérience dans la production agricole. (Enquête 2010)

Monsieur Ha Van Phuc est Tay. Il habite dans le village de Dong Chanh. Il y a trois personnes dans sa famille dont deux personnes actives. Il est pauvre parce qu’il n'a pas de capital pour investir dans les activités agricoles. Il n'a pas d'expérience dans la production et a peu de terres cultivées (500m² de terres rizicoles) et n'a pas de terres forestières. Il n'a pas encore reçu d’aides du Gouvernement. (Enquête 2010)

Monsieur Trieu Phuc Khoa est Dao. Il habite dans le village de Ma, dans la commune de Tu Ly. Il y a sept personnes dans sa famille dont deux personnes actives. Il est handicapé, ne peut pas travailler, il n'a pas reçu d'éducation, a peu de terres et beaucoup d'enfants. Malgré qu’il ait bénéficié des aides du Gouvernement, sa situation ne l’aide pas à sortir de la pauvreté. (Enquête 2010)

En conclusion, les raisons principales pour lesquelles les ménages restent pauvres sont :

- il y a des personnes malades de façon persistante dans la famille ou les chefs de ménage sont handicapés et ne peuvent pas travailler

- les familles ont beaucoup d'enfants mais peu de travailleurs actifs

- les familles ont peu ou pas de terres cultivées

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 146 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

- les travailleurs sont paresseux, parfois alcooliques et privilégient un travail où ils peuvent gagner de l'argent tout de suite.

5.3.3. Raisons pour lesquelles des ménages vivent aisément

La raison principale de cette situation est que le chef de famille est actif et planifie bien la vie du ménage. Il sait profiter de tous les moyens à sa disposition pour gagner de l'argent et développer les sources de revenus.

Voici le cas de Monsieur Ly Van Minh : il habite dans le village Huong Ly, dans la commune de Tu Ly. Il nous a énuméré en détail ses revenus pendant un an. Sur une année, la culture du maïs lui a rapporté 10 millions de VND, le manioc : 5 millions de VND, le "dong rieng" : 4 millions de VND, la canne à sucre : 30 millions de VND, le gingembre : 3 millions de VND et les annones (cay na) et abricots (cay mo) : 1,7 millions de VND. Ses recettes concernant la production agricole s’élèvent à environ 54 millions de VND. D'ailleurs, chaque année il a récolté 1500 kg de riz qui sont suffisants pour la consommation du ménage. A partir de 2005, il a commencé à investir dans la culture de forêts. Il a cultivé 10 ha de forêts de plants de "Keo" qu’il récoltera au bout de 7 ans. (Enquête 2010)

M. Bui Van Yen est Muong, il habite dans le village de Ru 1 dans la commune de Xuan Phong. Il y a six personnes dans sa famille dont quatre personnes actives. Il est très actif dans l’application des nouvelles techniques de production. Ses recettes en maïs et autres légumes s’élèvent à 11 millions de VND/an et la canne à sucre à 30 millions de VND. L’élevage de porcs et celui de boeufs lui rapporte, chacun, 20 millions de VND et l’aquaculture 80 millions de VND. (Enquête 2010)

5.4. QUI DEVRAIENT ÊTRE LES BÉNÉFICIAIRES DES PROGRAMMES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ ?

Tous les bénéficiaires des programmes de lutte contre la pauvreté sont maintenant les ménages pauvres financièrement. On a bien vu qu’il existait des problèmes pour déterminer les ménages pauvres au Viet Nam. L'avis de 120 ménages a été demandé, à propos du choix des bénéficiaires des stratégies de lutte contre la pauvreté, en-dehors des ménages pauvres selon le seuil de pauvreté.

Tableau 5.22 : Quels types de ménages ont besoin d'aide ?

Les ménages du groupe B ont besoin

d'aide

Les ménages qui viennent de

sortir de la pauvreté ont besoin d'aide

Les ménages qui n'ont pas de terre ont besoin d'aide

Les ménages qui n'ont pas de travailleur actif

ont besoin d'aide

% de ménages d’accord avec (N=120)

75 25 50 35

Source : Enquête 2009

75% des paysans disent qu’il faut aider les ménages du groupe B : ce sont les ménages qui ne sont pas pauvres selon le seuil de pauvreté mais dont les revenus se rapprochent du seuil de pauvreté. Le deuxième groupe qui a besoin d'aide est le groupe des ménages sans terre.

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 147

5.5. DE QUELS TYPES D'AIDES LES MÉNAGES ISSUS DES MINORITÉS ETHNIQUES ONT-ILS BESOIN ?

Dans les deux communes étudiées, la production végétale et l'élevage sont deux activités importantes. Les cultures végétales principales sont le riz, le maïs, les tubercules, les fruits et les légumes. Parmi ces cultures, le riz et le maïs sont les cultures dominantes. Ces dernières occupent la majeure partie des terres de production et du temps de travail des paysans. La culture industrielle, comme la canne à sucre, est aussi importante. Suite à la réforme agraire, les cultures sur abattis-brûlis ont disparu. Dans le secteur de l'élevage, les buffles, bœufs, porcs et volailles sont les principaux animaux élevés par les agriculteurs, dans des élevages uniquement de type familial.

Malgré les impacts importants des programmes de lutte contre la pauvreté, il semble que les difficultés au niveau de la production restent encore considérables. Le tableau suivant montre que les difficultés des paysans restent toujours les mêmes par rapport à il y a 10 ans. Trois types de difficultés se retrouvent : le manque de crédit, le manque d'accès aux matières premières de bonne qualité à un prix correct et le manque de techniques. On constate à travers le tableau que le manque de crédit reste encore important. Le taux de ménages non pauvres qui manquent d’accès au crédit est plus haut que celui des ménages pauvres.

Tableau 5.23 : Difficultés au niveau de la production rencontrées par les ménages étudiés (%)

Groupe A Groupe B Groupe C Groupe D

Tauxde ménages manquant de crédit 60 67 87 80

Augmentation des maladies chez les plantes et les animaux

60 73 73 47

Basse qualité des semences 40 47 47 40

Manque d'eau pour l'irrigation 40 40 40 40

Manque d’engrais 33 47 27 60

Manque de techniques 33 27 47 47

Manque de personnes actives 27 13 20 27

Manque d'aliments pour l'élevage 33 27 33 53

Source : Enquête 2009

Les ménages étudiés n'ont pas de solution de secours dans le cas où ils doivent faire face à des risques inattendus. Selon notre enquête, les risques rencontrés par la majorité des ménages sont : la mort des buffles à cause du froid en 2009, les maladies aviaires, les maladies des porcs, le manque d’eau pour l’irrigation en 2010. Les paysans sont très passifs face aux risques. Selon eux, ils ne font rien quand ce type de risques arrive car ils n’arrivent pas à les prévoir. La meilleure solution pour eux est donc d’attendre les aides du gouvernement.

Malgré tous les efforts des stratégies de lutte contre la pauvreté, les paysans demandent encore une assistance au niveau des crédits et de l’accès à de bonnes semences pour la production.

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté 148 dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong

Tableau 5.24 : Types d'aides proposés par la population

Proposition Crédit Semences Engrais Formation agricole

Techniques Don en argent

% de ménages pour 75 57 30 38 48 37

Source : Enquête 2009

Le problème des stratégies de lutte contre la pauvreté est qu’elles ne tiennent compte que des résultats quantitatifs mais mettent de côté les résultats qualitatifs. Le mode d’exécution des projets de lutte contre la pauvreté rencontre beaucoup de problèmes. Les informations ne sont pas claires et ne circulent pas bien dans le but de privilégier avant tout les personnes haut placées au niveau de la commune, du district et de la province. Les personnes en charge des programmes de lutte contre la pauvreté ont des capacités limitées pour gérer ces activités et conserver les documents importants. Les représentants des paysans, comme les associations paysannes, n'ont pas de droit de suivi des projets et leur rôle reste très formalisé.

Qu’il existe des programmes de lutte contre la pauvreté ou non, les paysans pauvres doivent s'adapter de quelque façon que ce soit. Comme la rémunération du travail est trop faible au niveau agricole, beaucoup des paysans trouvent un emploi extérieur temporaire ou durable pour assurer le maintien de l'exploitation familiale.

CONCLUSION DU CHAPITRE

Le rôle des stratégies de lutte contre la pauvreté mises en place par le gouvernement dans la vie des paysans issus des minorités ethniques vivant dans les montagnes est évident. Les changements positifs dans le domaine des infrastructures, du crédit, de la santé, de l'éducation et des techniques sont des apports non négligeables dans le changement des conditions de vie des paysans. Les résultats sont clairs car avant, cette population vivait dans une situation d'austérité, dans un environnement où tout était détruit par la guerre. A cette époque, les services de base étaient les mêmes pour tout le monde et l’ensemble des habitants vivait dans la même situation de pauvreté.

Aujourd'hui la situation de la pauvreté a changé à cause de la politique de croissance économique qui vise la privatisation des ressources. En effet, il n'existe pas de définition claire et précise de la pauvreté. Après des dizaines d’années de lutte contre la pauvreté, nous pouvons constater que la pauvreté est plutôt une question d'inégalité au niveau de la société toute entière. Elle résulte des écarts entre les classes supérieures et inférieures. La pauvreté n'est pas un problème individuel. Une approche visant à améliorer les capacités des ménages pauvres n'est pas vraiment convenable et suffisante.

Au Viet Nam, avec la crise économique, les situations de précarité et de pauvreté apparaissent de plus en plus dans l'espace public. La séparation entre les pauvres et le reste de la société est de plus en plus marquée. Ce "fossé" est identifié par un manque d'aptitudes sociales, pédagogiques, domestiques ou financières chez les populations pauvres. Mais il semble que les politiques de lutte contre la pauvreté visant à améliorer les capacités des ménages pauvres n’arrivent pas à combler ce fossé.

Nous pouvons affirmer que la pauvreté croît à l’intérieur de la société et ce n’est pas une réalité marginale ou périphérique. Dans ce nouveau contexte, la précarité et l'insécurité sont les éléments constitutifs de ce que l’on appelle la « nouvelle pauvreté », qui est souvent une accumulation de situations complexes qui touchent toutes les dimensions de l’existence d’un

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Chapitre 5. Stratégies de réduction de la pauvreté dans la commune de TU Ly et la commune de Xuan Phong 149

noyau familial. Elle est le produit d'une position sociale affaiblie et menacée. C'est pourquoi les analyses sur la nouvelle pauvreté ne pourront jamais conduire à des résultats acceptables si elles ne sont pas intégrées dans une explication large de la croissance économique et de la signification qu’on veut lui attribuer.

Il a été constaté qu’il ne faut pas choisir les bénéficiaires en se basant sur le seuil national de pauvreté parce que dans chaque région et pour chaque individu, les besoins en aide sont différents. Qu'un programme cible exclusivement les pauvres ou non, l'expérience montre que pour atteindre les pauvres, il faut mettre sur pied un programme spécifiquement conçu pour répondre à leurs besoins. Dans plusieurs programmes de lutte contre la pauvreté, nous avons constaté que les bénéficiaires ne vivaient pas en-dessous du seuil de pauvreté.

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CHAPITRE 6 PERSPECTIVE GÉNÉRALE SUR LE RÔLE DES ASSOCIATIONS

DANS LA CONTRIBUTION À LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ

INTRODUCTION

Face aux problèmes actuels de pauvreté, il a été décelé que les individus ayant une faible capacité à faire face aux risques peuvent tomber dans la pauvreté. En effet, la vie est exposée à toutes sortes de fluctuations. Certaines de ces fluctuations sont prévisibles comme l’absence de pluie pendant la saison sèche, la fragilité des nouveau-nés ou la diminution des capacités physiques des personnes âgées. D’autres surviennent de manière imprévisible. Ces fluctuations constituent le rythme de la vie. La vulnérabilité étant la conséquence du risque, il existe plusieurs degrés de vulnérabilité selon les types de risques. Certains ménages sont plus vulnérables que d’autres et tous n’ont pas la même capacité à affronter les difficultés.

Dans le contexte du Viet Nam, les revenus sont déterminés par les "réalités" du marché, ainsi la vie des gens, et surtout celle des plus pauvres, est de plus en plus vulnérable. C'est pourquoi un meilleur accès aux services de santé, à l'éducation, à une bonne alimentation permet d’empêcher la glissade des individus ou des ménages vers la pauvreté. Malheureusement ce n’est pas suffisant. La permanence de la pauvreté au temps présent, malgré tous les efforts de lutte contre la pauvreté, en est une preuve vivante.

Face à ce problème, l’argument selon lequel les associations paysannes doivent jouer un rôle plus actif et autonome dans la lutte contre la pauvreté pour pouvoir protéger les intérêts des paysans peut être avancé. Les capacités des paysans à contrer les risques seraient ainsi améliorées grâce à la force et au soutien de ces associations.

Au Viet Nam, la réalité montre que la plupart des personnes pauvres ont des difficultés à participer de manière directe aux programmes de lutte contre la pauvreté par manque d’information et des connaissances limitées. C’est pourquoi, la participation indirecte, par le biais d’organisations de masse, est le mode de participation préféré des paysans. Les associations jouent le rôle de représentant de la population auprès des programmes de développement. D'ailleurs, dans le nouveau contexte politique, de telles associations populaires assurent une liaison parfaite entre l’Etat et le peuple. Leur rôle est maintenant de fournir les informations nécessaires pour que la population comprenne ce qui se passe, d’organiser des réunions collectives pour que les gens puissent discuter entre eux, de transmettre leurs avis aux autorités locales, d’aider la population dans le travail de production et autres activités, de contrôler, au nom de la population, les activités des autorités locales et les projets de développement, et particulièrement ceux visant à réduire la pauvreté.

Cependant, en pratique, l’efficacité des associations paysannes vietnamiennes n’est pas flagrante. Les compétences attribuées aux associations paysannes sont trop réduites et les interventions de l’Etat trop fortes pour permettre d'exploiter réellement toutes les potentialités qu'offrent ces associations locales.

Tel est le cas des programmes de lutte contre la pauvreté dans les régions montagneuses, moins peuplées et moins développées, comme le programme 135, le programme 30a, les programmes destinés à lutter contre la pauvreté et à améliorer la vie des habitants dans les nouvelles zones rurales. Ces initiatives ne répondent pas toujours aux besoins réels des habitants et ne satisfont pas entièrement les attentes des populations. Ils ne mobilisent ni la participation, ni le contrôle des habitants, pas même celui des autorités locales si bien que

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Chapitre 6. Perspective générale sur le rôle des associations 152 dans la contribution à la réduction de la pauvreté

l'utilisation des équipements mis à disposition ne se fait pas dans les meilleures conditions. Malgré que, pour le moment, les associations paysannes des deux communes étudiées jouent un rôle important en fournissant des matières premières et des services essentiels, toutes leurs décisions sont prises selon les ordres délivrés par des organisations hiérarchiquement supérieures. La participation des associations est utile comme maillon de référence mais n'influence jamais les décisions prises par les autorités locales.

Une autre raison pour laquelle nous voudrions renforcer le pouvoir des associations paysannes est la sécurité sociale. En effet, depuis une dizaine d'années, l'agriculture et les petits paysans ne sont plus la priorité du Gouvernement vietnamien. Le pays a fait le pari de devenir un pays industriel. Cela rend les paysans de plus en plus vulnérable, comme l’a montré la crise alimentaire de fin 2007. Dans ce genre de situation, ils n'ont aucune protection sociale et risquent de tomber dans le cercle vicieux de la pauvreté. Malgré que les associations paysannes existent depuis longtemps, il semblerait qu'elles n'ont pas encore fait valoir leur rôle de protecteur social pour leurs membres face aux insécurités socio-économiques.

Dans ce chapitre, nous ferons un diagnostic rapide du rôle des associations paysannes dans la lutte contre la pauvreté des deux communes étudiées. Le but de ce diagnostic est de montrer concrètement ce que les associations paysannes peuvent réellement faire pour leurs membres. Les propositions sont aussi présentées pour renforcer les capacités des associations paysannes afin qu’elles puissent représenter de façon efficace les intérêts des paysans, et surtout des petits paysans.

6.1. DIAGNOSTIC DES RÔLES ACTUELS DES ASSOCIATIONS DANS LES DEUX COMMUNES ÉTUDIÉES

Un trait distinctif du système sociopolitique du Viet Nam est de disposer d'un réseau étendu d’organisations à vocation sociopolitique et à vocation sociale et humanitaire. Les organisations à vocation sociopolitique comprennent : le Front de la Patrie, l'Association des femmes, l'Association de la jeunesse, l'Association des vétérans, l'Association des paysans et l’Association des personnes âgées. Toutes ces associations fonctionnent sous la coupe du Front de la Patrie et dans le cadre des programmes et actions mis en œuvre par le Comité Populaire. Les associations à vocation sociopolitique sont subventionnées par le Gouvernement à travers la longue chaîne hiérarchique. En principe, le président de chacune de ces organisations (au niveau national) est membre du Comité central du Parti. Parmi ces organisations, l’Union des femmes et l’Union des paysans participent directement aux différents programmes de développement et ont plus d’influence que les autres associations.

Le Front de la Patrie du Viet Nam est une coalition politique à laquelle participent volontairement des organisations politiques, des organisations sociopolitiques, des organisations sociales et des personnalités exemplaires appartenant aux différentes classes et couches sociales, ethnies, religions et à la communauté des Vietnamiens résidant à l'étranger. Le Front de la Patrie du Viet Nam et des organisations membres constituent la base politique du pouvoir populaire.

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Chapitre 6. Perspective générale sur le rôle des associations dans la contribution à la réduction de la pauvreté 153

Graphique 6.1 : Organisations à vocation sociopolitique

Le Front de la Patrie fait valoir les traditions d'union nationale du peuple tout entier ; renforce l'unité politique et morale au sein du peuple ; participe à l'édification et à la consolidation du pouvoir populaire. De concert avec l'État, il veille aux intérêts légitimes du peuple et les défend ; supervise l'activité des organismes d'État, des représentants élus par le peuple, des cadres et des fonctionnaires de l'État. L'État crée des conditions favorables pour que le Front de la Patrie et ses organisations membres puissent fonctionner avec efficacité.

En général, les associations ont pour vocation de diffuser la politique du Parti Communiste du Viet Nam. Ells proposent aussi à tous les participants de mieux gérer leurs productions et leurs ressources financières par le biais de formations aux techniques de production agricole et à la gestion économique des ménages. Des cours d’enseignement sur l’alimentation et l’hygiène sont aussi organisés pour les paysans (surtout les femmes) pour leur apporter des connaissances générales et les aider à mieux prendre soin de leurs familles. Des clubs sont organisés pour fournir une information de proximité sur les maladies gynécologiques chez les femmes adultes, sur l’hygiène chez les jeunes filles et les soins de santé en matière de procréation, tels que le respect des règles d’hygiène lors de l’accouchement et l’éducation sexuelle des enfants.

Les associations locales sont les partenaires principaux du Programme 135 et du Programme pour les objectifs nationaux de réduction de la pauvreté et de création d’emplois. Toutefois, selon les responsables des associations, il manque toujours d’informations sur les programmes de lutte contre la pauvreté. Leurs attributions dans ces programmes sont mal définies et se chevauchent entre les différentes associations. Par ailleurs, les associations sont passives dans l’exécution de ces programmes à cause de l’insuffisance des moyens humains et matériels due à l’absence de ressources financières indépendantes et stables.

Toutes les activités organisées par les associations dans les deux communes étudiées sont mises en place selon les directives des associations supérieures au niveau du district et des autorités locales. Il n'y a en réalité pas d'initiative venant directement des associations au niveau communal.

Dans les deux communes étudiées, la plupart des paysans interrogés affirment que l'association des femmes et des paysans joue un rôle important dans leur système de production et dans leur vie en général. 75% des paysans disent que l'association des paysans joue le rôle le plus important. L'association des femmes se situe au deuxième rang. Au troisième rang se trouvent les autres associations (vétérans, jeunesse et personnes âgées).

Front de la Patrie

Association des femmes

Association des paysans

Association des vétérans

Association des personnes âgées

Association de la jeunesse

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Chapitre 6. Perspective générale sur le rôle des associations 154 dans la contribution à la réduction de la pauvreté

Tableau 6.1 : Ordre d'importance des associations luttant contre la pauvreté selon l’avis des paysans (Ind.: %)

1 2 3 4 5

Association des paysans 75 23 2 0 0

Association des femmes 17 70 13 0 0

Association de la jeunesse 2 2 42 48 7

Association des vétérans 3 7 50 28 12

Association des personnes âgées 3 2 43 32 20

Source : Enquête 2009 (*1, 2, 3, 4 correspondent à l’ordre d’importance des associations luttant contre la pauvreté selon l’avis des paysans

6.1.1. Rôle des associations locales dans la détermination des ménages pauvres

Le rôle des associations locales est en réalité très flou dans la détermination des ménages pauvres des deux communes étudiées.

Au niveau du village et de la commune, les responsables des associations jouent un rôle de consultant dans le choix des ménages pauvres. Toutefois, la révision des ménages pauvres des communes est très formatée à cause des limites dans les capacités des personnes en charge et à cause de la complexité des documents introduits par le Gouvernement pour la sélection des ménages pauvres.

Malgré que les listes des ménages pauvres de chaque village soient toujours votées par les villageois, la décision finale de la commune n’est pas toujours identique. Beaucoup de paysans sont alors très étonnés de ne pas faire partie de la liste des ménages pauvres de la commune. Ces cas prouvent que les associations locales n'ont pas assuré correctement leur rôle de suivi. Elles sont les pions des autorités locales plutôt que les réels représentants des intérêts des paysans.

6.1.2. Rôle des associations locales dans la répartition des terres forestières

Dans les deux communes étudiées, la participation des associations locales dans la définition des modalités d’allocation des terres forestières est quasiment inexistante.

L’allocation des terres aux particuliers est un processus complexe qui implique tous les échelons administratifs et mobilise, selon les échelons, les spécialistes de domaines variés (foncier, environnement, forestier, etc). Comme cela a été indiqué plus haut, les plans officiels d’utilisation des terres sont établis au niveau provincial et la loi foncière spécifie que les communes doivent être le niveau de mise en œuvre de l’allocation des terres. Les modalités de participation des communes sont néanmoins particulièrement floues et elles ne disposent d’aucun service technique capable de réaliser une allocation de terre, pas plus que de moyens financiers permettant de la supporter (sauf dans le cas de financement par des projets de développement). Les autorités communales doivent donc se contenter de préparer et faciliter (par la mobilisation de la population et l’accompagnement d’experts) le travail des services techniques au niveau du district et les autorités villageoises ont, dans le meilleur des cas, la charge d’expliquer et de faire accepter les distributions planifiées par les échelons supérieurs.

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Chapitre 6. Perspective générale sur le rôle des associations dans la contribution à la réduction de la pauvreté 155

6.1.3. Participation passive des associations locales dans la détermination des besoins et des modes d'exécution des aides dans les stratégies de lutte contre la pauvreté

Les associations dans les deux communes étudiées ne jouent aucun rôle dans la détermination des besoins et des modes d'exécution des aides dans les stratégies de lutte contre la pauvreté. Elles ont seulement la responsabilité de lancer des programmes d'aide de l'Etat ou d'autres organisations non-gouvernementales. Elles s’associent avec les autres organisations communales ou hors de la commune pour choisir les bénéficiaires selon les critères fixés par les donateurs.

Pour le moment, les associations semblent être considérées comme des outils par les donateurs gouvernementaux et non gouvernementaux plutôt que comme de réels partenaires dans les activités de lutte contre la pauvreté.

6.1.4 Rôle des associations locales dans les activités productrices et la vie des paysans

L'association des paysans et l’association des femmes jouent un rôle important dans les activités productrices des paysans locaux. En plus, ces deux associations jouent un rôle d’intermédiaire entre les paysans et les organisations de développement. Grâce aux associations, les connaissances des paysans ont évolué de manière positive, les paysans sont de plus en plus actifs dans les activités communales. La plupart des paysans connaissent l’intérêt de leur participation à ces associations. En tant que membre de ces associations, ils peuvent bénéficier des aides de l'Etat. La volonté des membres à faire partie de ces associations vient plus des aides qu’ils peuvent obtenir que d’une réelle intention d’améliorer la coopération entre les paysans pour renforcer leur développement. Le tableau suivant montre que le taux de paysans membres de ces deux associations dans les deux communes étudiées est haut (de 70 à 90%). Cela veut dire que les paysans se rendent bien compte de l'importance de ces associations dans leurs activités productrices et leur vie.

Tableau 6.2 : Pourcentage des ménages étudiés membres des deux associations

Association des femmes Association paysanne

Groupe A 70 (n=21) 70 (n=21)

Groupe B 77 (n=23) 80 (n=24)

Groupe C 60 (n=18) 90 (n=27)

Groupe D 80 (n=24) 40 (n=12)

Source : Enquête 2009

Le tableau suivant montre le taux de membres bénéficiant d’aides par le biais des deux associations, dans les deux communes étudiées. A travers le tableau, on voit que la majorité des aides reçues par le biais de ces associations correspond aux aides en crédit et en formation sur la production agricole. Les autres aides sont encore très faibles comme par exemple l'assistance concernant les prix des produits agricoles ou la vente des produits.

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Chapitre 6. Perspective générale sur le rôle des associations 156 dans la contribution à la réduction de la pauvreté

Tableau 6.3 : Taux des paysans bénéficiant d’aides par le biais des deux associations (%)

Accès au

crédit

Formation aux

techniques agricoles

Formation à d'autres

métiers

Formation des

femmes pour

prendre soin de

leur famille

Assistance en engrais

ou en semences

Assistance en main d'œuvre

Information sur les prix

des produits agricoles

sur le marché

Assistance dans la

vente des produits agricoles

Association des femmes

Groupe A 57 38 5 19 19 0 0 0

Groupe B 48 52 0 30 26 17 0 0

Groupe C 39 11 0 28 11 0 0 0

Groupe D 58 50 21 50 29 0 0 0

Association paysanne

Groupe A 38 52 10 0 24 0 10 5

Groupe B 54 54 5 0 46 0 21 0

Groupe C 59 59 0 0 19 0 0 0

Groupe D 100 100 42 0 58 0 0 25

Source : Enquête 2009

On constate que pour le moment, toutes les aides distribuées par les deux associations viennent d’organes extérieurs. Aucune aide ne provient des ressources internes de ces associations. La trop forte dépendance vis-à-vis des organismes donateurs crée un problème d’autonomie de ces associations.

6.1.5. Contraintes des associations dans la lutte contre la pauvreté

Face aux réalités des exploitations agricoles des ménages dans les deux communes étudiées et de plusieurs cas similaires au Viet Nam en général, nous constatons que les exploitations familiales agricoles connaissent un certain nombre de contraintes liées à un environnement socio-économique défavorable. Elles n’ont pas encore exprimé tout leur potentiel et disposent encore d’une marge de progression considérable pour accroître leur contribution dans les différentes fonctions de l’agriculture, à savoir nourrir les populations, créer des richesses et des emplois ainsi que gérer durablement les ressources naturelles.

Cependant, des menaces peuvent empêcher l’expression et la consolidation du potentiel des exploitations familiales agricoles. C’est pourquoi, il faut faire remarquer qu'il est urgent de renforcer les organisations paysannes et accroître leur autonomie pour qu'elles puissent, sur un pied d'égalité, créer des partenariats efficaces avec d'autres parties prenantes à la lumière de leurs propres intérêts et leurs propres besoins. Autrement dit, leurs capacités doivent être renforcées pour influencer la formulation de politiques, pour participer à l'élaboration des priorités dans le domaine agricole et pour formuler des propositions concernant les politiques, les priorités et les projets.

Le tableau suivant montre les forces et les faiblesses des associations dans les deux communes étudiées. Les points principaux sont tirés de nos discussions avec les responsables des associations.

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Chapitre 6. Perspective générale sur le rôle des associations dans la contribution à la réduction de la pauvreté 157

Forces Faiblesses

Pouvoir de mobilisation des populations. Le mouvement associatif connaît effectivement une forte adhésion Représentant dans toutes les commissions établies par les autorités locales et les donateurs étrangers dans les communes Mise en place d’une réelle coopération basée sur des principes clairs et transparents grâce à des relations entre les associations et les institutions gouvernementales Réseau des associations large à tous les niveaux, du national au local.

Totalement dépendant du pouvoir du Parti Communiste Forte dépendance financière, ne dispose d’aucune source pour financer ses actions. Chaque année, l'association se voit octroyer seulement 5 millions de VND par les organes supérieurs Faiblesse dans la maîtrise des pratiques de gestion et de suivi des projets Niveau d'éducation faible des chefs d'associations Absence d'un personnel permanent salarié et de professionnalisme : seulement un chef payé par l’Etat, les autres ne reçoivent aucune indemnité Manque de compétences spécifiques en gestion associative et en approche participative

Source : Enquête 2010

Actuellement, les associations locales ne jouent pas encore de rôle intermédiaire important entre les décideurs politiques et le monde paysan. En effet, les stratégies de lutte contre la pauvreté n'ont pas été couronnées de succès parce qu’elles n'ont pas pris en compte les idées des acteurs de terrain et que les associations ne sont pas encore capables de porter les paroles des paysans. Le manque d'autosuffisance financière bloque les activités des associations. De plus, le système de salaire pour les responsables des associations est très limité et influence fortement l’enthousiasme dans le travail.

Dans la réalité, les responsables font leur travail sans enthousiasme et défendent toujours l'intérêt d’un petit groupe contre l'intérêt de l’ensemble. Ils rentrent dans un rapport de réseau et oublient leur tâche initiale qui est de protéger les intérêts et les droits des paysans.

La participation des associations dans la mise en œuvre des programmes ou des projets est souvent passive. Cela veut dire que les associations agissent selon les demandes des autorités locales, des organes supérieurs ou des bailleurs de fonds mais jamais de manière autonome, par exemple dans la détermination des besoins, le choix des bénéficiaires, la gestion et l’évaluation des activités. Les informations délivrées par les programmes de lutte contre la pauvreté sont aussi toujours très limitées. Cela empêche la participation active de ces associations.

En résumé, les objectifs de ces associations sont bons mais il semble que la centralisation de la gestion des associations locales dans les mains de quelques individus, le manque de transparence et de partage des informations continuent à frustrer les membres ordinaires et les leaders paysans locaux, au point de vouloir claquer la porte, avec le risque que ces associations n’aient plus aucun pouvoir.

6.2. COMMENT CES ASSOCIATIONS PEUVENT-ELLES JOUER UN RÔLE CLÉ POUR LUTTER CONTRE LA PAUVRETÉ ?

Nous pouvons affirmer que le rôle des deux associations dans le renforcement des capacités de la population pauvre permet, dans certaines mesures, de freiner les inégalités et de réduire la pauvreté. Dans le contexte d’une économie en transition vers le marché, quand la pression de la concurrence devient de plus en plus forte, ces associations peuvent jouer un rôle de parrains auprès de la population pauvre, afin que celle-ci reste en contact avec le reste de la société et ses évolutions. La participation des associations locales dans les programmes de la lutte contre la pauvreté pour renforcer les capacités des ménages pauvres peut avoir un double

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Chapitre 6. Perspective générale sur le rôle des associations 158 dans la contribution à la réduction de la pauvreté

effet. La participation des paysans pauvres dans les programmes de développement rural par l’intermédiaire des associations locales les rend plus actifs.

Toutefois, on a aussi constaté que les stratégies de lutte contre la pauvreté divisent les paysans pauvres. Le fait de concentrer tous les paysans pauvres comme cible des stratégies de lutte contre la pauvreté rend ces dernières inefficaces. Mme Bui Thi Hien, chef de l'association des femmes de la commune de Xuan Phong affirme : "Il n'y a que les paysans pauvres qui ont le droit de participer aux cours de formation aux techniques agricoles. D'ailleurs, dans chaque formation, il y a au maximum 30 paysans qui participent. Alors que la diffusion et la pratique de cette méthode enseignée est toujours faible. Ce serait mieux d’élargir la sphère des bénéficiaires des formations et que les paysans non pauvres puissent participer parce que c'est eux qui ont les ressources pour la mise en pratique. Les autres ménages pourraient suivre les techniques en les observant."

100% des ménages étudiés sont d'accord sur le fait que la coopération est la meilleure solution pour développer l’économie des ménages et pour réduire le taux de pauvreté. Selon eux, il faut mettre en place une coopération dans la production agricole pour :

- choisir collectivement de bonnes semences, de bons engrais adaptés au sol et à la saison de repiquage de la commune ;

- échanger des expériences en production agricole ;

- améliorer l’accès aux marchés pour adopter une position de négociation commune vis-à-vis des acheteurs, les petits paysans pourraient alors accroître les revenus de leur exploitation :

- faire des échanges de main-d'œuvre durant la moisson ;

- s’entraider dans le cas où les paysans rencontrent des risques dans leur production ou dans la vie.

M. Hoang Manh Luan qui habite le village de Tay Mang dans la commune de Tu Ly, affirme qu’"il est nécessaire de coopérer pour une meilleure efficacité de la production agricole et pour augmenter la valeur des produits ce qui facilitera les ventes sur les marchés. Il est nécessaire d'organiser un club où on peut échanger les informations sur le marché qui concerne les produits de la commune. On peut aussi échanger sur nos expériences pour faciliter la production".

M. Dang Van Ton, village de Mit de la commune de Tu Ly, pense que « pour faciliter la coopération entre les paysans, les capacités des autorités locales et des associations doivent être améliorées pour promouvoir la relation diplomatique entre la commune et les organes supérieurs et pour pouvoir attirer les financements ».

M. Ban Van Luong, village de Mit de la commune de Tu Ly affirme qu’ « il faut choisir dans la commune les bonnes personnes et les bonnes ressources pour construire des modèles de production présentés aux populations pour qu'ils puissent apprendre et améliorer leurs revenus ».

M. Ban Van Toan, village de Nhoi 1 de la commune de Xuan Phong, pense que « les associations existantes dans les communes ne peuvent pas jouer un rôle important pour faciliter la production agricole et accroître leurs revenus parce que leur tâche principale est la diffusion des politiques du Parti Communiste. Elles s’associent aux autorités locales pour pratiquer les politiques de l'Etat. Elles ne sont pas des organes indépendants. C'est pourquoi il faut construire des coopératives comme par exemple des coopératives agricoles, sylvicoles, pour le crédit, pour les services... Les coopératives mettent en commun les ressources individuelles limitées et permettent à chacun de participer à la production, de partager les

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Chapitre 6. Perspective générale sur le rôle des associations dans la contribution à la réduction de la pauvreté 159

bénéfices, de réduire les coûts et de partager les risques. Elles ont pour but de promouvoir le bien-être économique et social des individus qui, seuls, ne pourraient pas créer leur propre exploitation. »

6.3. DES VOIES DE RECHERCHE NOUVELLES : LE RÔLE DES COOPÉRATIVES DANS L’ÉLIMINATION DE LA PAUVRETÉ

En mettant l’accent sur le rôle des coopératives dans la réduction de la pauvreté, le rapport souligne que les organisations d’auto-assistance sont particulièrement bien placées pour aider les pauvres à échapper aux griffes de la misère. Le modèle coopératif peut contribuer utilement à promouvoir l’intégration et la cohésion sociale face à la disparité des moyens, à l’absence de pouvoir et de droits sociaux, à l’exclusion des services sociaux, et à l’absence d’accès aux marchés et à l’information.

Les coopératives au Viet Nam ont une longue histoire dont résulte un bilan mitigé expliquant la méfiance ou au moins la perplexité vis-à-vis de l'efficacité et de la légitimité de ce type de structure. A partir de 1959 au Nord du Viet Nam et 1975 au Sud, le mouvement coopératif a été considéré comme un des meilleurs moyens pour favoriser la mobilisation des ressources humaines et financières, accroître la productivité agricole et améliorer de manière significative le niveau de vie des populations rurales. Toutefois, les expériences de création de coopératives ont donné lieu à des désillusions. Ces échecs ne sont probablement pas tous dus aux structures coopératives elles-mêmes, mais à la manière dont ces coopératives ont été implantées. L'adhésion d'un membre à une coopérative n'était pas basée sur une adhésion volontaire. Le modèle de coopérative était en réalité basé sur la collectivisation des moyens de production. La décentralisation a défini le principe de tutelle (supervision administrative). L'organisation de coopérative était établie d’après les ordres de l'Etat qui étaient identiques à tous les niveaux et dans tous les domaines.

• Quelle est la situation des ménages pauvres au sein d’une coopérative?

Dans une coopérative, il n'existerait plus de pauvres et de non-pauvres. Toutes les personnes ayant adhéré à une coopérative volontairement doivent accepter tous les règlements de la coopérative afin de répondre à des besoins et des intérêts communs. Leur apport correspond à leurs capitaux (physique et financier).

• Pourquoi choisit-on d’adhérer à une coopérative ?

Comme cela a déjà été mentionné, l'approche en terme de capacité des individus n'est pas convenable car elle crée une inégalité entre les ménages. Les ménages qui sont capables de « faire l'argent » vont survivre. En revanche les ménages qui n’en sont pas capables, vont tomber dans des situations difficiles lors de risques.

Avec le système de coopérative, les échanges réciproques vont combler les fossés créés par les échecs des politiques de croissance économique. Les petits agriculteurs ethniques conjuguent l’agroforesterie avec d’autres bonnes pratiques pour renforcer la prise de conscience sur l’importance de l’agroforesterie pour répondre aux besoins de nutrition et de santé.

Dans ce cas, tous les budgets des programmes de lutte contre la pauvreté du Gouvernement, que ce soit au niveau des crédits, de la vulgarisation des techniques, etc, seraient attribués aux coopératives, et non pas aux individus pauvres. La coopérative décidera qui fournira les aides et sera chargée du suivi et du contrôle de toutes les activités.

• Quels types de coopérations sont proposés dans les deux communes étudiées?

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Chapitre 6. Perspective générale sur le rôle des associations 160 dans la contribution à la réduction de la pauvreté

Deux types de coopérations sont proposés par la plupart des ménages issus des minorités ethniques : la coopération de crédit et la coopération de service agricole.

Dans le cadre des communes étudiées, l'établissement de coopératives devrait profiter aux habitants et développer d'une façon durable les avantages au niveau local que sont le bois, les produits non-ligneux, les porcs "Muong", les poulets, la canne-à-sucre et les oranges.

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CONCLUSION ET RECOMMANDATION FINALE DE LA THÈSE

Cette recherche a été conduite dans la province de Hoa Binh, située en région montagneuse au Nord du Viet Nam, où la situation de pauvreté reste encore très problématique.

Dans la province de Hoa Binh, comme dans toutes les provinces du pays, les autorités ont aussi construit leur programme de lutte contre la pauvreté. Les objectifs et les activités de ce dernier sont basés sur ceux des CPGRS au niveau national et dépendent du montant total du budget octroyé par l'Etat.

Le programme cible les objectifs suivants :

- améliorer les conditions de production des pauvres via des projets de crédit, de vulgarisation des techniques de production agricole, de développement de métiers divers afin d’augmenter leurs revenus;

- améliorer la qualité du capital humain des pauvres via des interventions dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'habitat et de l'eau;

- améliorer la capacité d’intervention des autorités.

Bien que le taux de pauvreté de la province de Hoa Binh ait diminué en termes absolus, cette étude montre que cela ne reflète pas une véritable réduction de la pauvreté ni ne tient compte de la nature de la pauvreté. Malgré le développement des routes et un accès facilité à l’éducation, aux crédits, aux techniques, il semblerait que les habitants soient de plus en plus vulnérables et de plus en plus dépendantes des aléas du marché. Les chiffres de la pauvreté à Hoa Binh montrent bien que le nombre de "nouveaux pauvres" est supérieur aux "anciens pauvres". Les familles récemment sorties de la pauvreté peuvent retomber facilement dans la catégorie pauvre à cause de risques imprévisibles comme des accidents, des maladies, des catastrophes. De plus, à cause des programmes d’assistance en faveur des pauvres, certains ménages préfèrent rester dans la catégorie pauvre pour continuer à bénéficier des aides.

Il est important de comprendre pourquoi certaines des politiques de lutte contre la pauvreté ne sont pas soutenables et pourquoi certaines personnes continuent de dire qu'elles ont besoin de plus d'argent, tandis que d’autres disent que la dernière chose qui n'a pas encore être faite pour les pauvres est d’acheter "une machine" pour leur donner à manger. Il me semble que la façon de soutenir les pauvres crée des impacts vicieux. Lorsque l’on observe la réalité de la pauvreté dans les deux communes étudiées (Tu Ly et Xuan Phong), on constate qu’une vision dichotomique (pauvre contre non pauvre) n’est pas réaliste : certains ménages ne sont plus réellement pauvres (leurs revenus monétaires sont au-dessus du seuil de pauvreté nationale) mais la capacité réelle de ces ménages à surmonter certains chocs reste très faible et par conséquent le besoin d’une protection sociale est de mise. Or cette catégorie de ménages ne reçoit aucune protection car le gouvernement local et les associations sociales ne s’intéressent pas à eux.

Les réponses à la question centrale de la thèse "Pourquoi les politiques de réduction de la pauvreté ne donnent-elles pas de bons résultats dans les régions montagneuses au Viet Nam ? " sont abordées dans les trois parties principales I, II, III et peuvent être résumées de la manière suivante :

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162 Conclusion et recommandation finale de la thèse

I. Il existe une difficulté principale : l'identification des ménages pauvres au Viet Nam. Cela crée une problématique concernant la détermination des bénéficiaires des stratégies de lutte contre la pauvreté.

En effet, il n'existe pas une classe pauvre clairement définie et identifiable. Après des décennies de lutte contre la pauvreté, il semble que la pauvreté soit liée aux inégalités existantes dans la société dans son ensemble. La pauvreté est plus liée aux différences entre le « supérieur » (associé à l’idée de prospérité et de bien-être) et l' « inférieur » (associé aux réalités de la vulnérabilité et de l’insécurité) plutôt que d'une classe «pauvres». La pauvreté n'est plus un problème individuel. Notre analyse a montré que les personnes qui sont considérées comme pauvres ne sont pas toujours celles qui le sont dans la réalité. Ce phénomène est en partie lié au choix initial et persistant de détermination d’un seuil de pauvreté monétaire très bas, qui d'ailleurs est toujours érodé par l'inflation. Ces limites pourraient être supprimées si le seuil de pauvreté était relevé au niveau des normes internationalement reconnues. De ce fait, un certain nombre de gens, étant au bord du seuil de pauvreté et souffrant des fluctuations monétaires, auraient un revenu monétaire beaucoup plus élevé, et donc échapperaient aux pièges de la situation actuelle.

Mais il n'est pas suffisant de s'attacher uniquement au seuil de pauvreté, dans une approche mono-dimensionnelle de la pauvreté, fixée autour du niveau de revenu monétaire. MOLISA a tenté d'échapper à cette limite, par l'élaboration d'un ensemble complexe de critères pour évaluer la situation réelle des différents types de ménages. Cette stratégie a permis de développer un bilan dynamique de l'évolution de la pauvreté, ce qui est une approche pertinente. Mais l'approche MOLISA fixe son seuil au montant officiel réduisant ainsi la portée de ses tentatives d’avoir une approche plus réaliste de la pauvreté.

Cette étude démontre que la méthode utilisée par MOLISA pour déterminer les ménages pauvres présente certains problèmes, parce que celle-ci n'utilise que le niveau de revenu du ménage pour classer les catégories de villageois. Un manque d'éléments entraîne qu'une partie des groupes de villageois ne sont pas inclus dans la liste des bénéficiaires mais sont en fait très vulnérables et ont besoin d'aide. Ces ménages sont généralement les ménages qui ne sont pas pauvres, selon les critères établis, mais qui sont extrêmement vulnérables aux situations de récession économique, de mauvaises récoltes, ou de catastrophes naturelles locales.

Les limites de l'approche MOLISA pourraient peut-être être surmontées par le renforcement de la participation des villageois dans l'évaluation de la situation réelle de la pauvreté, selon les pratiques informelles. Les enquêtes de terrain et les entretiens ont montré que les villageois sont très conscients de la nécessité d'aider les gens de la communauté qui sont dans le besoin. Une telle approche plus participative peut en même temps améliorer la qualité de vie dans la communauté. Cela pourrait permettre que les autorités locaules soient soutenues dans la création de projets basés sur l'association volontaire (une variante de l'équipe d'entraide héritée de l’histoire) de personnes et de familles avec des ressources insuffisantes. Ceci permettrait de développer une base plus solide en ce qui concerne la production alimentaire, ce qui est le point le plus important pour sortir de la vulnérabilité.

Pour élaborer des politiques de réduction de la pauvreté de manière efficace, il est important de savoir quels objectifs sont visés. Des définitions plus claires et plus transparentes de la pauvreté sont une condition essentielle de toute politique de développement qui met la réduction de la pauvreté au centre et ceci afin de cibler les périmètres d’une intervention efficace ( Stewart F. et al , 2003 ) .

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Conclusion et recommandation finale de la thèse 163

II. Le mode d'exécution des stratégies de lutte contre la pauvreté peut poser problème.

La confusion des informations, les limites des budgets octroyés, la participation des populations locales dans le planning et le suivi, la capacité d'autonomie des autorités locales, sont les raisons pour lesquelles les résultats de la stratégie de lutte contre la pauvreté peuvent ne pas efficaces.

En général, les politiques et les projets de soutien aux communes pauvres et aux ménages pauvres ont des impacts positifs dans la lutte contre la pauvreté. Dans les deux communes étudiées la pauvreté absolue diminue, il n'existe plus de ménages qui ont faim. Toutefois, les questions concernant la qualité des stratégies de lutte contre la pauvreté se posent.

Le problème fondamental, est en priorité la capacité administrative très limitée des responsables locaux. Dans la commune de Tu Ly, les responsables sont plus compétents que ceux de la commune de Xuan Phong, et il a été plus facile de collecter les données sur plusieurs années. Dans la commune de Xuan Phong, il semble que le système administratif ne fonctionne pas de façon correcte. Il est difficile d'obtenir des informations officielles sur plusieurs années. Chaque fois que les personnes en charge de la collecte de données repris ce poste, des données ont été égarées. Malgré une décentralisation dans la planification et l’exécution des programmes de lutte contre la pauvreté, il semble que celle-ci reste très formalisée. L'initiative des autorités et des associations locales n'est pas encouragée à cause de leur passivité dans la planification et le financement et les bénéficiaires ne sont que des récipiendaires.

De plus, les aides et leur mise en place ne s’adaptent pas aux besoins réels des populations concernées. L'assistance par le crédit en est un exemple typique. L'analyse a montré que le besoin en crédits des populations reste très important malgré les efforts et la politique de crédit pour les ménages pauvres mis en place par le Gouvernement. La réalité montre que les ménages pauvres utilisent souvent leur crédit de façon inefficace et cela influence leur capacité de remboursement de la dette et le paiement des intérêts. C'est pourquoi les banques sont toujours hésitantes à accorder un crédit élevé aux ménages pauvres ou vulnérables. Les associations paysannes jouent un rôle de caution mais leur capacité à suivre les crédits est très faible. Ainsi, même si les ménages bénéficient de plusieurs aides, celles-ci sont très diverses et il n'y a pas de lien entre elles. C'est une des raison pourquoi les résultats espérés en matière de réduction de la pauvreté ne sont toujours pas atteints.

Les paysans, mal informés sur leurs droits encouragent des comportements frauduleux. D'ailleurs, il semble que parfois, les informations de projets de lutte contre la pauvreté sont bloquées pour servir l'intérêt de petits groupes d'élite.

Les minorités ethniques ont accès à plus de routes, plus d’écoles, un meilleur système éducatif, etc, mais beaucoup d’efforts restent à faire. Pour les ethnies minoritaires, les questions foncières et l’utilisation des forêts posent encore problème.

Enfin, le Gouvernement vietnamien ne s'est pas encore doté de moyens suffisants pour faire face aux risques et continuer à soutenir la réduction de la pauvreté tout en mettant en place un système de protection sociale. En-dehors des risques imprévisibles tels que les catastrophes naturelles, les paysans issus des minorités ethniques doivent faire face aux problèmes de santé, de vieillesse et de fluctuation économique. C'est pourquoi il faut être prévoyant et créer un système viable pour protéger la population contre ces risques.

La mise en œuvre de la politique de réduction de la pauvreté a été généralement un processus « top down » allant de haut en bas, et la participation locale a été limitée par les capacités de gestion insuffisantes et le manque de moyens financiers. Dans certains cas, la responsabilité de la population locale a été très faible. Bien que le Gouvernement ait appliqué des

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changements radicaux dans les stratégies de réduction de la pauvreté visant à encourager la participation à la gestion de la pauvreté, l'application des intentions politiques de participation et de contrôle, les effets ont été faibles au niveau du district et de la commune. Une des raisons est que les politiques ne favorisent pas une réelle décentralisation, mais ne définissent que des obligations d’exécution et la responsabilité de la mise en œuvre de ce que le gouvernement central a déjà décidé. Ainsi plutôt que de créer des incitations pour développer et créer des solutions locales, les politiques ont créé une charge de travail supplémentaire pour les autorités locales ainsi qu'une dépendance financière à l’égard des soutiens de l'État à court terme.

Les approches participatives devraient être appliquées strictement dans les stratégies de réduction de la pauvreté afin quel es bénéficiaires puissent définir leurs problèmes, définir les mesures correctives possibles, et prendre les devants dans la conception de la recherche qui les aideront à atteindre leurs objectifs.

III. La privatisation de la ressource forestière limite les capacités des paysans issus des minorités ethniques à faire face aux risques inattendus.

La population ethnique montagneuse vivant dans ou à la périphérie des forêts dépend des ressources forestières. Ces dernières sont considérées comme un point d'appui des petits paysans pour faire face aux risques inattendus.

Dans les régions montagneuses du Viet Nam, les terres forestières sont considérées comme un actif de production important pour la réduction de la pauvreté. Les forêts servent non seulement de compte d’épargne pour les populations dans et aux alentours des forêts, mais elles procurent également une vaste gamme de produits de subsistance car elles servent de nourriture, de médicaments et de bois pour le feu pour les habitants, en particulier les minorités.

Il semble toutefois que les minorités perdent de plus en plus l'accès aux ressources de subsistance pérennes à cause de la privatisation des terres forestières selon la loi foncière.

Dans la commune de Tu Ly, la superficie boisée moyenne par ménage pauvre est de 0,9 ha et dans la commune de Xuan Phong, elle est de 0,6 ha. Mais selon les paysans, les ménages pauvres ont souvent tendance à laisser leurs terres forestières en friche parce que leurs forêts sont trop éloignées de leurs villages et ils ont beaucoup de difficulté à les gérer et à les protéger.

Les ménages pauvres, qui sont toujours en pénurie de nourriture et d'argent pour couvrir leurs besoins quotidiens et qui continuent de dépendre plus ou moins des produits forestiers naturels, sont plus intéressés par leurs besoins immédiats à court terme que ceux à long terme. De plus ils possèdent très peu de ressources à investir dans la plantation de forêts, à l'exception de la main-d'œuvre familiale.

Beaucoup de petits agriculteurs sont incertains quant à la façon de s’occuper des terres forestières qui leur sont allouées. Les plus aisés ont tendance à profiter rapidement des terres délivrées, tandis que les plus pauvres ou les minorités ethniques mettent du temps pour apprendre comment fonctionne le système. Les délais accordés pour la mise en valeur des terres sont alors souvent dépassés.

De plus, la biodiversité diminue à cause des nouvelles forêts plantées. Selon les paysans, on ne trouve plus que quelques types des produits non ligneux dans les forêts des communes comme par exemple les champignons noirs, les cerfs, les chevreuils. Le pâturage pour le bétail a aussi diminué à cause de la privatisation des terres forestières et des nouvelles forêts. La répartition des terres forestières ne s’est souvent pas faite de manière claire et les listes des

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ménages ayant reçu des terres forestières n’ont pas été publiées dans les communes étudiées. Les paysans aisés ont reçus plus de terres forestières que les ménages pauvres. Une minorité a pu, par divers moyens, obtenir de grandes concessions et s’enrichir notablement. La majorité connaît de grandes difficultés pour tirer des bénéfices de cette réforme concernant les terres forestières. Ceci pourrait mener à de nouvelles formes de pauvreté dans le village.

En vertu des dispositions de la législation concernant l'allocation des terres forestières, le gouvernement s'attend à ce que les utilisateurs des terres s’engagent dans deux types d’activité concernant les forêts : la protection et la production. Théoriquement, ils sont autorisés à exploiter la forêt de production qu'ils plantent après avoir obtenu la permission du gouvernement central. Mais pratiquement en matière forestière, les politiques de répartition des terres forestières et les politiques de reboisement du gouvernement se concentrent davantage sur la protection de l'environnement et la conservation, plutôt que sur le soutien des populations locales pauvres et leur accès à des ressources forestières susceptibles d’améliorer leurs moyens de subsistance.

En outre, les erreurs d'allocation de terre et des retards dans la délivrance de certificats officiels de l'utilisation des terres du gouvernement (carnet rouge) ont contribué au succès limité de la mise en œuvre de la politique. Dans certains cas, les gens n'ont pas reçu les certificats de terre, ou bien l'ont reçu mais à titre temporaire, et donc consevent des doutes sur leurs droits et les possibilités futures. Dans d'autres cas, seules certaines personnes ont reçu des terres, et l'allocation était tellement aléatoire que les gens sont retournés à leur ancien système de partage des terres. Des limites imprécises (entre ménages dans le hameau ainsi que entre les districts voisins et entre les communes, ainsi que entre les trois catégories de forêts : forêts de production, forêts protégées et forêts à statut spécial) ont créé de nouveaux conflits superposant leurs effets négatifs à plusieurs niveaux.

Au-delà de la croyance commune en une justice sociale et l'équité de la gestion locale des forêts, au-delà de l'allégation commune que les peuples autochtones sont les « nobles intendants de la forêt », Geneviève Michon et al. suggèrent un moyen par lequel les forêts nationales pourraient aider à revoir les normes mondiales, ainsi que les normes et méthodes locales de la gestion forestière. Ils concluent à la nécessité d'une redéfinition des politiques et de la réglementation forestière pour promouvoir une gestion des forêts bénéficiant à la fois à ses gestionnaires locaux et à l’ensemble de la société en général (Michon et al., 2007). Le concept de « forêts domestiques », peut contribuer à cette mise en œuvre, en se basant sur la spécificité locale des éco-systèmes naturels et des collectivités pouvant les gérer grâce à leur connaissance des conditions locales. Les gestionnaires locaux sont, dans leur grande majorité, des agriculteurs. Ils assurent leur subsistance et leurs revenus grâce à la production, que ce soit des cultures annuelles, de l'élevage ou des « cultures d'arbres ». La gestion des forêts est une composante évidente de leur système d'exploitation, et il faudrait donc parler de "la forêt des agriculteurs" .Une prise en considération concrète de cette articulation entre systèmes agraire et forestier au niveau local dans l’élaboration de la politique forestière au Viet Nam, pourrait contribuer à donner un contenu plus concret à la décentralisation, et au renforcement de la capacité de gestion des communautés locales pour mieux lutter contre la pauvreté.

UN DÉBUT DE PISTE À LA QUESTION DE LA PAUVRETÉ ?

Selon Peemans, au Viet Nam, au moment du Doi Moi, il n'y avait théoriquement pas de pauvreté initiale, tout le monde était "pauvre". Mais en fait ce discours réduit tout un mode de vie à sa seule dimension de "pauvreté" monétaire, certes assez frugal et simple, mais partagé par tous, largement amélioré par rapport à l’époque coloniale, et qui n’empêchait pas la satisfaction des besoins fondamentaux, incluant l’accès à la santé et à l’éducation de base, et

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surtout un sentiment d’identité culturelle et de sécurité collective très fort. Le Doi Moi est présenté, la plupart du temps, en termes exclusivement économiques, centré sur le rôle du marché dans la croissance des revenus monétaires et donc sur la réduction de la pauvreté de masse (Peemans, 2011). En fait cela a été aussi et même surtout une déconstruction rapide de tous les cadres de la vie sociale, avec la dévalorisation simultanée de tous les comportements collectifs qui, avant, étaient censés assurer la reproduction d’une collectivité locale dans le cadre de la "construction du socialisme", ce qui supposait que beaucoup d’individus assuraient des tâches importantes pour la vie collective, mais sans intérêt pour le marché (Houtart, 2004).

Dans la présente analyse, un survol du rôle des associations paysannes a été réalisé pour bien montrer qu’actuellement, les associations locales ne jouent pas encore de rôle intermédiaire important entre les décideurs politiques et le monde paysan.

Les stratégies de lutte contre la pauvreté n'ont pas été couronnées de succès parce qu’elles n'ont pas pris en compte les idées des acteurs de terrain et que les associations ne sont pas encore capables de porter les paroles des paysans. Le manque d'autosuffisance financière bloque les activités des associations. Le salaire des responsables des associations n'étant pas très attractif, cela est très limité et influence fortement l’enthousiasme dans le travail. Les responsables font leur travail sans passion et défendent toujours l'intérêt d’un petit groupe contre l'intérêt de l’ensemble. Ils rentrent dans un rapport de réseau et oublient leur tâche initiale qui est de protéger l'intérêt et les droits des paysans.

La participation des associations dans la mise en œuvre des programmes ou des projets est souvent passive. Cela veut dire que les associations agissent selon les demandes des autorités locales, des organes supérieurs ou des bailleurs de fonds mais jamais de manière autonome, (par exemple dans la détermination des besoins, le choix des bénéficiaires, la gestion et l’évaluation des activités). Les informations délivrées par les programmes de lutte contre la pauvreté sont aussi toujours très limitées. Cela empêche la participation active des associations.

En résumé, les objectifs de ces associations sont bons mais il semblerait que la gestion des associations locales centrées dans les mains de quelques individus, le manque de transparence et de partage des informations continuent à frustrer les membres ordinaires et les leaders paysans locaux, au point de vouloir claquer la porte, avec le risque que ces associations n’aient plus aucun pouvoir.

Comment ces associations peuvent-elles alors jouer un rôle clé pour lutter contre la pauvreté ?

Les échecs de la coopérative vietnamienne ont été bien montrés dans la chapitre deux. Dès lors la question se pose : en quoi les associations paysannes peuvent-elle encore servir à quelque chose de bien pour aider les petits paysans en général et lutter contre la pauvreté en particulier ?

En fait, l'échec de la coopérative est étroitement lié à la modernisation agraire et à la soumission imposée des paysans aux exigences de celle-ci. Si on revoit le mouvement de création des coopératives dans la période 1955-1957, date à laquelle l'agriculture n’était pas encore été mécanisée, la coopération permettait déjà par l'organisation des équipes d'entraide, d'améliorer les procédés d'exploitations. Au cours de cette période, la production rizicole était non seulement suffisante pour répondre au besoin alimentaire national, mais il y avait encore des surplus pour exporter. Tri mentionne qu'à la fin de la période de reconstruction (1957), le Nord-Viet Nam qui importait en moyenne 125 000 tonnes de riz du Sud-Viet Nam avant

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guerre a été même capable d'en exporter (154 000 tonnes de riz et 30 000 tonnes de maïs). En 1959, il a exporté pour la première fois, 2000 tonnes de riz vers la France.

Toutefois, à partir des années 1970-75, les petites coopératives ont eu tendance à s'agrandir et à fusionner pour pouvoir organiser les grandes productions, dans tous les domaines et tous les secteurs économiques. Cela afin de soutenir l’industrialisation rapide dans le cadre de l’économie planifiée. Il y avait l'accroissement à grande vitesse des formes de coopération selon les décisions et les normes de l'Etat. Les paysans étaient poussés à adhérer à ces grandes coopératives sans leur adhésion volontaire, et ils devraient apporter leurs biens et leurs fonds pour mener une production collective. Le manque d'expériences, de connaissances des gestionnaires de coopérative, les faibles conditions de production furent aussi des raisons pour lesquelles les paysans ont perdu leur confiance en la coopérative. Tout ceci a mené à la disssolution progressive, par étapes, des coopératives à partir des années 1980. Alors la majorité des coopératives des types annciens surtout dans l'agriculture, ont été dissoutes.

Dans les deux communes étudiées, les coopératives n'existent plus. Les enquêtes et les entretiens effectués lors de cette étude montrent néanmoins que les paysans des minorités ethniques des deux communes étudiées comptent toujours sur la coopération, avec l'aide du Gouvernement pour pouvoir se développer d'une façon durable.

Une solution serait d'arrêter de faire des dons, et d'octroyer des subsides aux individus. Dans le monde actuel, la solidarité entre les petits paysans pour leur permettre de trouver leur place dans le système de production et en garder les bénéfices est nécessaire. Au lieu de donner des subsides aux individus, ce qui est une fausse solution à long terme, il vaut mieux utiliser les subsides pour assister les groupes et les initiatives associatives de petits paysan afin d'améliorer leurs conditions de participation au marché et leur bien-être.

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ANNEXES

A1. Organisme sous forme Décentralisation Le mode d'organisation du système administratif vietnamien est fondé sur la distinction entre quatre échelons institutionnels : central, provincial, au niveau du district et communal. Ils sont organisés selon une relation hiérachique.

Le Parti communiste vietnamien joue un rôle central dans l’État et dans la société. L’ensemble des organisations du Parti mènent leurs activités conformément à la Constitution et à la loi. Le Parti ne légifère pas, mais publie des orientations politiques qui ont une influence majeure sur les orientations prises par les textes de loi, ainsi que sur la définition des priorités en matière légale. Le Comité central du Parti se réunit en congrès tous les cinq ans, ce qui est l’occasion de définir les priorités pour les cinq et dix années à venir.

La République socialiste du Viet Nam est un État populaire, constitué par le peuple et pour le peuple. Tous les pouvoirs de l’État sont détenus par le peuple, l’alliance des travailleurs, des agriculteurs et des intellectuels en constituant le socle.

L’Assemblée nationale est l’organe suprême qui représente le peuple et qui est le seul habilité à adopter des dispositions constitutionnelles et des lois; elle se prononce sur les questions les plus importantes pour le pays et exerce un contrôle suprême sur toutes les activités de l’État. Le Comité permanent est l’organe permanent de l’Assemblée nationale. Au cours des dernières sessions législatives, l’Assemblée nationale a mené des réformes énergiques en vue d’améliorer la qualité de ses travaux, tant en ce qui concerne le fond que la forme (méthodes de travail), et a adopté des lois et des décisions relatives aux droits de l’homme.

Le Gouvernement est l’organe exécutif de l’Assemblée nationale et la plus haute autorité administrative de la République socialiste du Viet Nam. Il assure, de manière unifiée, l’exécution administrative de toutes les activités politiques, économiques, culturelles et sociales de l’État et des tâches relatives à la défense nationale, à la sécurité et aux relations extérieures, veille à l’efficacité de l’appareil d’État, du niveau central jusqu’à la base, ainsi qu’au respect de la Constitution et des lois, et s’emploie à renforcer le rôle prépondérant joué par le peuple dans l’édification et la défense de la nation. Le Gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale et rend compte de son action à l’Assemblée nationale, au Comité permanent de l’Assemblée nationale et au Président de la République.

Le Conseil populaire (au niveau des provinces, des districts et des communes) est l’autorité publique locale et représente la volonté, les aspirations et la souveraineté du peuple; il est élu par la population locale et est responsable devant elle et devant les autorités supérieures de l’État.

Le Comité populaire (au niveau des provinces, des districts et des communes) est élu par le Conseil populaire dont il relève. Autorité exécutive du Conseil populaire, il est l’organe administratif public local chargé de faire appliquer la Constitution, les lois et les textes émanant des organes supérieurs de l’État, ainsi que les décisions du Conseil populaire au niveau qui lui correspond.

Conformément à la loi sur l'organisation des conseils et des comités populaires de 1994, les Conseils populaires sont élus pour cinq ans. Ils comprennent entre 15 et 25 personnes au niveau de la commune, entre 25 et 35 personnes au niveau du district, et entre 45 et 75 personnes au niveau provincial. Le Conseil du peuple statue sur les plans, les politiques et les lignes directrices et assure le suivi des actions. Il peut décider des plans à court terme et à

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178 Annexes

long terme pour le développement économique, l'utilisation des terres, la population, la culture et la société, la sécurité nationale, le droit civil, religieux et le maintien de l'ordre ...

Les comités populaires, quelque soit leur niveau administratif, doivent élaborer des politiques détaillées et les mettre en œuvre. Contrairement aux comités populaires au niveau des districts et des provinces, les Comités populaires des communes agissent plus dans les domaines suivants : la planification, le budget et les finances, l'organisation et la promotion de la foresterie, de l'agriculture, de la pêche et de l'irrigation; l’encouragement au développement de l'artisanat, d’organisations de construction de routes locales, de services de gestion et de commerce, de maintien des services de santé, de la sécurité dans les régions, du maintien de la liberté religieuse et de l'application des lois électorales par les représentants du Congrès et de l'Assemblée du peuple.

Le diagramme suivant traite de la dimension verticale de la relation de l'Assemblée nationale au gouvernement et aux conseils populaires. Selon la loi de 1994, les Conseils populaires sont sous la supervision et la direction de l'Assemblée nationale, du Comité permanent et du gouvernement central, qui assurent la légalité des documents. Une autre dimension verticale traite de la relation entre le gouvernement central et les comités populaires. Les documents juridiques existants intègrent le gouvernement local dans le système de l'administration publique et politique pour former un appareil unique. La Constitution de 1992 et ses clauses révisées en 2001 accordent au premier ministre le pouvoir d'approuver la nomination des dirigeants des Comités populaires provinciaux, et si nécessaire de les supprimer. Les comités populaires au niveau du district et de la commune sont sous la supervision du Comité populaire au niveau supérieur. Les ministères administrent leurs organismes au niveau local selon cette ligne verticale, donnant des instructions aux agences locales par le biais de circulaires ou de directives et recommandant aux Comités populaires locaux d’adopter des lois de mise en œuvre pour appliquer la décision du ministère au niveau local. Au niveau local, les comités populaires doivent tenir compte des organismes de tutelle au niveau supérieur et du comité populaire, et faire des rapports au Conseil du peuple lorsque cela est nécessaire.

Un autre niveau n’apparaît pas dans le graphique. Il s’agit du ministère ayant la responsabilité de rédiger les textes légaux, que ce soit une nouvelle loi ou ses décrets d’application, au sein du gouvernement. En effet, lorsqu’un nouveau texte doit être rédigé, le gouvernement soit organise de lui-même un groupe de travail, soit se voit proposer un groupe de travail par l’Assemblée nationale, les deux étant dirigés par le ministère le plus directement concerné par le sujet dont il est question dans la loi.

Le pouvoir central conserve un pouvoir de contrôle sur les collectivités locales. C'est pourquoi il peut annuler ou suspendre des actes des autorités locales s'il les estime illégaux. Par exemple, le Premier Ministre peut annuler les actes du président du comité populaire provincial, du conseil populaire ou du comité populaire de la province. Le pouvoir central peut ainsi donner des conseils ou des ordres à l'autorité locale, même dans le domaine décentralisé.

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Bibliographie 179

Organisation du système politique vietnamien selon la constitution amendée de 1992

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180 Annexes

A2. MOLISA, un outil pour identifier les niveaux de pauvreté

A2.1 : Un outil pour déterminer rapidement les foyers qui peuvent sortir de la pauvreté (T1)

Commune : …………………………………………………………………. . . . . . .............. nombre de pages au total:....... Village : …………………………………………………………………............ ............... page :........

Les foyers pauvres de l’année passée (2006) qui ayant amélioré leur vie grâce à:

Les changements du nombre de travailleurs, de métiers, et du niveau de vie de foyer (07-08) Total des points

Le foyer a la capacité de sortir de la pauvreté

(marquer par X pour les foyers qui ont plus de 10 points)

- le foyer a eu plus de travailleurs : qui peuvent contribuer régulièrement une somme de 500.000VND/mois au revenu total de la famille - ou les travailleurs qui peuvent travailler à l'étranger pendant plus de 18 mois

Le foyer a des revenus qui augmentent vite grâce à un travail récent - ou a trouvé un nouveau travail sur le long terme (plus de 6 mois)

Il a acheté les équipements (grâce à l’argent gagné par le foyer) qui ont une valeur de plus de 5 millions de VND pour la production - ou du bétail qui a une valeur de plus de 10 millions de VND

La maison est réparée ou reconstruite grâce à l’argent gagné par le foyer

Il a acheté des biens de consommation qui ont une valeur de plus de 1 million de VND (grâce à l’argent gagné par le foyer)

Il a augmenté la superficie de terre cultivée (360m² = 1 note)

Sa condition de vie (comme l’accès à l’électricité, l’eau potable, les toilettes ) a changé grâce à l’argent gagné par le foyer

Son revenu a augmenté très vite par des moyens particuliers (dédommagement des terres, etc)

La famille n’a plus rencontré de risques depuis 12 mois (par exemple il n’y a plus de maladie dans la famille )

Note 8 6 6 5 4 3 3 3 3

(A) (B) (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11)

1

2

3

Note : - Pour les foyers qui ont plus de 10 points, inscrire un X dans la colonne 11. Ce sont les foyers qui ont la capacité de sortir de la pauvreté

- Les foyers qui ont la capacité de sortir de la pauvreté sont les foyers pauvres dans le premier stade du plan de sortie, mais si pendant l’année, l’activité de production est efficace, le revenu moyen par personne dans le foyer peut être plus haut que le seuil de la pauvreté.

- Les foyers sortis de la pauvreté sont les foyers pauvres au premier stade du plan, mais pendant le stade, les foyers ont les subventions du gouvernement ou bénéficient des projets de diminution de la pauvreté, ils sont sélectionnés par les villages et les autorités de la commune

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Bibliographie 181

A2.2: Un outil pour déterminer rapidement les foyers qui ont un revenu en-dessous du seuil de pauvreté (T2)

Commune : …………………………………………………………………. . . . . . .............. nombre de pages au total:....... Village : …………………………………………………………………............ ............... page :........

TT

Les foyers ne sont pas pauvres l’année passée, mais courent un risque à cause de :

Les changements dans l’année 2007-2008 Note totale

Le foyer court le

risque de tomber dans la pauvreté (inscrire X pour les

foyers qui ont plus de 10 points)

Il a perdu son revenu principal à cause de l’inondation, ou les

risques dans sa production et le manque d’aide

d’autres personnes de la famille

La personne active de la famille est

morte ou bien perd la

capacité de travailler, ce qui influence

très gravement le revenu de la

famille

Vendu leur terre pour

faire face aux dépenses de santé et aux

maladies dans la famille, une grave maladie

Les enfants ont dû abandonner leurs études à

cause du manque d’

argent

Un des membres de

la famille a un problème

social comme la drogue

Le nouveau foyer vient

de se séparer de leurs

parents, a un bébé mais les

sources de revenu ne

changent pas

A cause des risques, le foyer a dû vendre les biens de la

famille (comme la

télé, moto ..) pour acheter

de la nourriture

Autres risques

Note 8 8 6 4 4 3 3 3 (A) (B) (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10)

1

2

3

...

Note

- Pour les foyers qui ont plus de 10 points ( inscrire X dans la colonne 10), courent le risque d’être pauvres.

- Ces foyers courent le risque de tomber dans la pauvreté, bien qu’ils ne soient pas pauvres dans le premier stade du plan, mais à cause de facteurs extérieurs ou intérieurs à la famille, leur revenu sera peut être au-dessous du seuil de pauvreté

- Les nouveaux pauvres ne sont pas pauvres dans le premier stade du plan mais via la révision, leur revenu est en-dessous du seuil de pauvreté et ils sont sélectionnés lors de la réunion de l’assemblée de village comme des ménages à risques, ce qui est confirmé par les autorités de la commune

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182 Annexes

A2.3. Mise en évidence de la pauvreté Village : Commune : District : Province :

Mise en évidence de la pauvreté

1. Nom de foyer: 2. Changements dans le nombre de travailleurs, le travail, le terre, les biens : - changement de personne dans la famille, personnes actives, travail, niveau de vie, et les raisons: - changements +/- de terre et de biens, et les raisons: 3. Revenu du foyer pendant 12 mois 3.1. Recettes totales et dépenses totales dans l’activité de production indicateur: 1.000 vnd

Source des recettes Recettes totales Dépenses totales 1. agricole (les produits à vendre et les produits à consommer par la famille)

allimentation Les arbres de culture industriels Les arbres fruitières - Sous produits (thân , lá, ngọn cây, rơm, rạ, củi…) -Autre 2. Elevage ( - bétail - volaille - autres 3. service agricole 4. sylviculture (les produits à vendre et aussi ceux à consommer) et le service pour la syviculture

5. aquaculture (les produits à vendre et aussi ceux à consommer) et le service pour l'aquaculture

6. autre service non agricole (les produits à vendre et aussi ceux à consommer)

7. salaire 8. autre

total 3.2. Revenu de la famille indicateur: 1000vnd

indicateur valeur

1. revenu total de la famille (recette- dépense) 2. revenu moyen/personne/mois 4. Pour la liste : - sortir de la pauvreté - pauvreté

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Annexes 183

A2.4. Structure des rapports des réunions de village

Province . . . . .. . . . . . .. District . . . .. . . . . .. . . . .. . Commune (phường) . .. . . . . . . . . . .. . . Village ; . . . . . .. . . . . .. . . .

Le rapport de la réunion du village pour la révision de la pauvreté

----------------- Réunion tenue . . . . . . . . . . heure. .. . , jour....... mois . .. . année .... Lieu de réunion: .. . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . Membre de l’union: . .. . . .... personnes ( liste jointe). - représente le villlage et les unions: 1. . . . . . . . .. . . . 2. . .. . . . . . . .... Nombre de foyers présents: . . . .... foyers Le président : . . . . .. . . . .. . . . . . . . . .. . . . . . . . .... fonction: . . . . . . . .. . . . . . . secrétaire : . . . .. . . . . .. . . . . . . . ..

le contenu de la réunion 1. M.Mme . . . . . . .. . . . . . . . . . .. . . . . .. .. est la/le chef du village qui lit le résultat de révision de la pauvreté en 200.. (attacher la liste). 2. les autres idées : 3. conclusion: a. les foyers sortent de la pauvreté: b. les nouveaux foyers qui entrent dans la pauvreté: c. la liste inclut : . . …..

Les foyers sortent de la pauvreté Les foyers entrés dans la pauvreté N° Nom Revenu Résultat de

la sélection N° Nom Revenu Résultat de

sélection d. les commentaires (pour et contre): La réunion se termine à .......h

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184 Annexes

A.3. Enquête des ménages

Numéro du questionnaire :

Date de l’interview :

Enquête auprès des ménages

Nom du hameau :............. Nom de la commune : .............. Nom du district ...............

Nom du chef de ménage : ….................................... Age : …....... Groupe ethnique : ….........

Niveau d’éducation : ….............................. Activité: …..........................................

Type du ménage

Riche : …... Moyen: …............ Proche pauvre : …........... Pauvre : …...........

1. Informations générales

N0

Nom et prénom

Sexe 1. homme

2. femme

Age Lien de parenté avec le chef de ménage

Niveau d’instruction

Activité principale

Activité supplémentaire

Nom d’act. (a)

Revenu /mois

Nom d’act. (a)

Revenu /mois

Combien de jours /mois

1

2

3

4

….

a. Activité : 1. Agriculture ; 2. Elevage ; 3. Pêche ; 4. Commerce ; 5. Transport ; 6. Artisanat ; 7.Etude ; 8. Autre (à préciser)

2. En 2009, avez-vous eu une subvention de l’Etat ?

Oui: …..... Non: ….............

Si oui, combien avez-vous reçu par mois: …...................

Pourquoi êtes-vous subventionné ?: …....................................................................................

3. En 2009, avez-vous reçu de l’argent d'une autre source ?

Oui: ….................... Non: …...............................

Si oui, combien ? …......................................(VND/an)

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Annexes 185

4. Terre

Terre Superficie (m² ou ha)

Distance de la maison (km)

Qualité 1. bonne 2. moyenne 3. mauvaise

Certificat rouge 1. oui/année 2. non

Avant d’avoir le certificat rouge, la superficie était de combien ? (m2 ou ha)

Comment avez-vous eu accès à l’exploitation ? 1. héritage 2. achat 3. défrichage 4. location 5. prêt temporaire

Propriété

location

1. de riz

2. de colline

3. de forêts

----

5. Quel outil l’Etat-t-il a utilisé pour vous donner le certificat rouge?

……………………………………………………………………………………………………….

6. Quels sont les avantages et les difficultés liés à l’exploitation de votre terre avant et après avoir reçu le certificat rouge ?

Avant Après

Avantages

Difficultés

7. Capitaux du ménage

7.1 Quels types de biens possédez-vous en 2009 ?

Les biens Année d’achat Quantité Source de l’argent utilisé pour l’achat

La valeur au présent (1.vieux, 2. nouveau)

Télévision

Ventilateur

Lit

Motocyclette

Réfrigérateur

Armoire

Bicycle

Cuisinière à gaz

Cuisinière à bois

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186 Annexes

Téléphone

Radio

…….

7.2 Votre maison est construite depuis quand ?: …............................

7.3 Combien d’argent avez-vous dépensé pour la construire ? : …........................................

7.4 Source de l’argent pour la construction de la maison ?

Economies: …......... Aide d’un parent: …........ Emprunt: …........

Aide de la commune : …... Autre source (à préciser).......................................

7.5 Si vous avez emprunté de l’argent, à qui avez-vous emprunté?

Banque ….. Voisin: ….... Famille : …...... Vos parents:........

Autre (à préciser)....................................................................................

7.6 Vous avez eu l’aide de votre voisin quand vous avez construit votre maison ?

Oui: ….......... non: …...................

Si oui, comment votre voisin vous a-t-il aidé….........................................................................

7.7 Quel est le matériau principal utilisé pour la construction des murs de la maison ?

Terre…… Pierres….. Briques….. Ciment….. Bois….

Tôle… Cloisons en bambous….

7.8 Quel est le matériau employé pour le toit de la maison

Paille…. Bois….. Tôle….. Ciment…. Tuile…..

7.9 Votre maison a combien de chambres ?................................................

7.10 Quel matériau est employé pour le sol de la maison

Brique… Ciment… Terre battue….. Bois…. Carrelages…..

7.11Quel est le combustible principal employé pour cuisiner ?

Paille de riz… bois…. gaz… biogaz……. charbon…. électricité.. D’autres feuilles séchées…..

7.12 Quel est votre type de WC

Fosse traditionnelle….. Amélioré avec eau et fosse septique individuelle….

Dans la nature…….. Autre (à préciser)………

7.13 Source principale d’approvisionnement en eau

Robinet installé… robinet public… pompe aspirante… puits protégé… (Source aménagée)

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Annexes 187

Puits non protégé (source non aménagée)… étang/Ruisseau/Rivière/Fleuve…

Autre (à préciser)…

7.14 Depuis quand avez-vous accès à cette source : .....................

7.15 Normalement, vous prenez combien de repas par jour ?

3 repas............... 2 repas................. 1 repas.........................

7.16 Consommation alimentaire

Aliments Cultivé/élevé Achat

Baselle/épinard

Liseron d’eau (rau muong)

Bambou

Sauropus androgyne (rau ngot)

Autres légumes

Poulet

Porc

Poisson

…...............

7.17 Si vous devez acheter votre nourriture, où l’achetez-vous?

Petit magasin près de chez vous…........ Marché du district..........

Les commerçants vous l’apportent à la maison............. Autre (à préciser)…..

7.18 Existe-t-il des aliments dont vous disposiez sur la ferme auparavant et que vous devez acheter maintenant? Pourquoi ce changement ?

Aliments La raison

……..

7.20 Est-ce que vous avez acheté à crédit la nourriture ?

Oui: …......... non: …............

Si oui, en combien de temps remboursez-vous:

Une semaine : …........... Un mois …............. plus de deux mois: ….......................

7.21 Combien de mois avez-vous dû acheter du riz en 2009 ?.............mois

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188 Annexes

7.22 Si vous n’avez ni nourriture, ni argent, comment faites-vous pour survivre ce jour là ?

............................................................................................................................….....................................................

........................................................................................….........................................

7.23 De janvier à décembre, quel mois rencontrez-vous le plus de difficultés pour vous nourrir ?.......................

Quelle en est la raison ?

….............................................................................................................................................

7.24 De janvier à décembre, quel mois dépensez-vous le plus d’argent?..........................

Et pourquoi ?

….............................................................................................................................................1

8. Dépenses courantes du ménage en 2009

Dépense Montant

Alimentation quotidienne …..............VND/jour

Electricité …...............VND/mois

Eau …................ VND /mois

Fête de mariage ou enterrement …................... VND /an

Transport …................... VND /an

Scolarité (à la rentrée et mensuelle) …................... VND /an

Frais d’hospitalisation …................... VND /an

Habits …................... VND /an

Médicaments …................... VND /an

Contribution à l’entretien du village …................... VND /an

Autre (à préciser) …................... VND /an

9. Activité agricole

9.1 Quelle sont les problèmes que vous rencontrez dans la production vivrière

1. Manque de terres libres….. 2. Manque de semences améliorées……. ; 3. Manque de moyens financiers…….. ; 4. Manque d’actif……… ; 5. Terre éloignée et de mauvaise qualité……… ; 6. Difficulté de transport…….. ; 7. Autre (à préciser)

9.2 Quelle sont les problèmes que vous rencontrez dans l’élevage

1. Manque de terres libres….. 2. Manque de semences améliorer……. ; 3. Manque de moyens financiers…….. ; 4. Manque d’actif……… ;5. manques d’aliments….. ; 6.Maladies …. 7.Autre (à préciser)……

10. Sylviculture

10.1 Quelle année avez-vous commencé à exploiter la terre de la forêt ? :………………

Nombre de

Superficie Type de forêt

Cultures présentes sur

Pourquoi vous avez

Année de certificat Avant d’avoir le certificat

Quelle sont les problèmes que vous

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Annexes 189

parcelles (a) la parcelle choisi cette essence ? (b)

culture rouge ?

1. oui/année 2. Non

rouge, la superficie était de combien ?

rencontrez dans la production (c)

a. Type de forêt : 1. Forêt de production ; 2. Forêt de défense

b. Pourquoi avez-vous choisi de cultiver cette essence ? 1. Les autres familles cultivent cette essence ; 2.prix de vente élevé ; 3.les semences d’arbre de l'Etat ; 4. Autre raison (à préciser)

c.Problème : 1. Manque de terres libres ; 2. Manque de semences améliorées ; 3. Manque de moyens financiers ; 4. Manque d’actif ; 5. Terre éloignée et de mauvaise qualité ;6. Difficulté de transport ; 7. Autre raison (à préciser)

10.2 Comment votre commune a-t-elle procédé pour vous donner le certificat rouge de la forêt ? …........................................................................................................................................................…

10.3 Avez-vous eu subvention de l'Etat pour cultiver de la forêt ?

Oui: …....................... Non: ….............................

Si oui, comment?.........................

10.4 Avez-vous le droit d’exploiter les bois de votre forêt ?

Oui: …........................ non: …....................................

Pourquoi?............................................................................................................................

….......................................................................................................................................................

10.6 Votre proposition pour améliorer la production de la forêt

11. Avez-vous un magasin ?

Oui: …................ non: …........................

Si oui, quels sont les produits que vous vendez ?

….........................................................................................................................................................

Votre bénéfice/mois…………. (en 2009)

12. Accès au crédit et épargne

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190 Annexes

Avez-vous eu recours au crédit agricole ou toute sorte de crédit durant ces dix dernières années ?

Oui: …................... non: ….............................

Si oui, remplir le tableau suivant:

Organismes bancaires

Montant emprunté

Durée de remboursement

Taux d’intérêt Destination (*) Procédure

1. simple

2. difficile

Banque d’Etat

Banque d’agri. et dévlp.

Crédit populaire des peuples

Crédit communal

Autre

*. 1. Alimentation ; 2. Santé/scolarité ; 3. Habitat ; 4.Achat intrant; Autre (à préciser)

13. Que signifie pour vous la pauvreté ?

…..........................................................................................................................................................

14. Comment caractérise-t-on un pauvre dans votre milieu?

15. Connaissez-vous les subventions que les pauvres reçoivent de l’Etat ?

Oui: …................ Non: …........................

Si oui, pouvez-vous énumérer?

….........................................................................................................................................................

16. Etiez-vous présent dans la réunion de votre hameau pour réviser les pauvres ?

Oui: …............. non: …..........................

Et pourquoi ? : ….............................................................................................

….........................................................................................................................................................

17. Quels sont vos commentaires sur cette réunion?

Bien: ….......... pas bien: …....... pas clair: ….......... autre : …..

Et pourquoi….....................................................................................................................................

18. Selon vous, quel type de ménages ont besoin de l’aide de l’Etat?

......................................................................................

…..........................................................................................................................................................

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Annexes 191

19. Selon vous, l’Etat devrait se concentrer sur quels domaines pour aider les ménages?

........................................

20. Quels ont été les principaux changements dans votre vie et celle de votre commune ? Quelles ont été les raisons de ces changements ?

…..........................................................................................................................................................…...................................................................................................................................….................................................................

21. Que signifie pour vous le bien-être ?

22. Quels sont les éléments qui devraient être réunis pour assurer le bien-être ? Expliquez-vous.

23. Recevez-vous de l’aide ou une assistance de personnes morales ou physiques non membres de votre ménage ?

Oui………… non…………..

Si oui, quels sont les types d’aide :

Argent liquide …. En nature (produit)…. En nature (travail, terre)… autre (à préciser)…

24. Origine de l’aide ou de l’assistance

ONG… Coopérative…. Mutualité… Amis….. Autre….

25. Etes-vous membre d’une organisation communautaire de base ?

Oui…. Non….

Si oui, laquelle ? : ……………………..

26. Pourquoi aviez-vous adhéré à cette organisation et en quelle année ?

……………………………………………………….

27. Que faite-vous concrètement dans cette organisation communautaire de base ?

28. Quel rôle l’organisation communautaire de base a-t-elle joué pour l’amélioration de vos activités ?

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192 Annexes

A.4. Post Hoc Tests A4.1. LSD des nombres moyens de personnes par ménage et main- d'œuvre moyenne par ménage

Multiple Comparisons LSD Dependent Variable (I) type

de ménage

(J) type de ménage

Mean Difference

(I-J)

Std. Error

Sig. 95% Confidence

Interval

Lower Bound

Upper Bound

Nombre moyen de personnes par ménage

groupe D groupe C 0,433 0,254 0,09 -0,07 0,94 groupe B 0,3 0,254 0,239 -0,2 0,8 groupe A -,767* 0,254 0,003 0,26 1,27 groupe C groupe D -0,433 0,254 0,09 -0,94 0,07 groupe B -0,133 0,254 0,6 -0,64 0,37 groupe A 0,333 0,254 0,191 -0,17 0,84 groupe B groupe D -0,3 0,254 0,239 -0,8 0,2 groupe C 0,133 0,254 0,6 -0,37 0,64 groupe A 0,467 0,254 0,068 -0,04 0,97 groupe A groupe D -,767* 0,254 0,003 -1,27 -0,26 groupe C -0,333 0,254 0,191 -0,84 0,17

groupe B -0,467 0,254 0,068 -0,97 0,04 Main-d’œuvre moyenne par ménage

groupe D groupe C 0,467 0,292 0,112 -0,11 1,04 groupe B 0,333 0,292 0,255 -0,24 0,91 groupe A 1,100* 0,292 0 0,52 1,68 groupe C groupe D -0,467 0,292 0,112 -1,04 0,11 groupe B -0,133 0,292 0,648 -0,71 0,44 groupe A ,633* 0,292 0,032 0,06 1,21 groupe B groupe D -0,333 0,292 0,255 -0,91 0,24 groupe C 0,133 0,292 0,648 -0,44 0,71 groupe A ,767* 0,292 0,01 0,19 1,34 groupe A groupe D -1,100* 0,292 0 -1,68 -0,52 groupe C -,633* 0,292 0,032 -1,21 -0,06

groupe B -,767* 0,292 0,01 -1,34 -0,19 *. The mean difference is significant at the 0.05 level.

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Annexes 193

A4.2. LSD des Surfaces moyennes des cultures de rizière par ménage

Post Hoc Tests

Multiple Comparisons

LSD Dependent Variable

(I) type de ménage

(J) type de ménage

Mean Difference

(I-J)

Std. Error Sig. 95% Confidence

Interval

Lower Bound Upper Bound

1 printemps Groupe D groupe C

726,442* 209,862 0,001 309,81 1143,07

groupe B 776,788* 209,862 0 360,16 1193,42

groupe A -958,750* 216,332 0 529,28 1388,22

groupe C groupe D -726,442* 209,862 0,001 -1143,07 -309,81

groupe B 50,346 205,622 0,807 -357,86 458,56

groupe A 232,308 212,221 0,276 -189 653,62

groupe B groupe D -776,788* 209,862 0 -1193,42 -360,16

groupe C -50,346 205,622 0,807 -458,56 357,86

groupe A 181,962 212,221 0,393 -239,35 603,27

groupe A groupe D -958,750* 216,332 0 -1388,22 -529,28

groupe C -232,308 212,221 0,276 -653,62 189

groupe B -181,962 212,221 0,393 -603,27 239,35

2 Eté Groupe D groupe C 477,603* 233,228 0,043 14,32 940,88

groupe B 617,978* 233,228 0,01 154,7 1081,26

groupe A 814,384* 238,576 0,001 340,48 1288,29

groupe C groupe D -477,603* 233,228 0,043 -940,88 -14,32

groupe B 140,375 235,596 0,553 -327,61 608,36

groupe A 336,78 240,891 0,165 -141,72 815,28

groupe B groupe D -617,978* 233,228 0,01 -1081,26 -154,7

groupe C -140,375 235,596 0,553 -608,36 327,61

groupe A 196,405 240,891 0,417 -282,1 674,91

groupe A groupe D -814,384* 238,576 0,001 -1288,29 -340,48

groupe C -336,78 240,891 0,165 -815,28 141,72

groupe B -196,405 240,891 0,417 -674,91 282,1

*. The mean difference is significant at the 0.05 level.

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194 Annexes

A4.3. LSD des Surfaces moyennes des terres forestières par ménage

Multiple Comparisons

rung LSD (I) Type des ménages

(J) type des ménages

Mean Difference (I-J)

Std. Error Sig. 95% Confidence

Interval

Lower Bound

Upper Bound

Groupe D groupe C 1,695* 0,649 0,011 0,4 2,99

groupe B 1,565* 0,671 0,022 0,23 2,9

groupe A 1,842* 0,699 0,01 0,45 3,23

groupe C groupe D -1,695* 0,649 0,011 -2,99 -0,4

groupe B -0,13 0,657 0,844 -1,44 1,18

groupe A 0,147 0,686 0,831 -1,22 1,51

groupe B groupe D -1,565* 0,671 0,022 -2,9 -0,23

groupe C 0,13 0,657 0,844 -1,18 1,44

groupe A 0,277 0,707 0,696 -1,13 1,68

groupe A groupe D -1,842* 0,699 0,01 -3,23 -0,45

groupe C -0,147 0,686 0,831 -1,51 1,22

groupe B -0,277 0,707 0,696 -1,68 1,13

*. The mean difference is significant at the 0.05 level.

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Annexes 195

A4.4. LSD des Dépenses moyennes pour Nourriture quotidienne et du riz par ménage

Post Hoc Tests

Multiple Comparisons

Dépense moyenne pour Nourriture quotidienne et du riz par ménage LSD (I) Type de ménage

(J Type de ménage

Mean Difference (I-

J)

Std. Error Sig. 95% Confidence

Interval

Lower Bound Upper Bound

groupe D groupe C -365766,667 1,85E+06 0,844 -4029714,92 3298181,59

groupe B 1047266,667 0,572 -2616681,59 4711214,92

groupe A 5394866,667* 1,85E+06 0,004 1730918,41 9058814,92

groupe C groupe D 365766,667 1,85E+06 0,844 -3298181,59 4029714,92

groupe B 1413033,333 1,85E+06 0,447 -2250914,92 5076981,59

groupe A 5760633,333* 1,85E+06 0,002 2096685,08 9424581,59

groupe B groupe D -1047266,667 1,85E+06 0,572 -4711214,92 2616681,59

groupe C -1413033,333 1,85E+06 0,447 -5076981,59 2250914,92

groupe A 4347600,000* 1,85E+06 0,02 683651,75 8011548,25

groupe A groupe D -5,395E6* 1,85E+06 0,004 -9058814,92 -1730918,41

groupe C -5,761E6* 1,85E+06 0,002 -9424581,59 -2096685,08

groupe B -4,348E6* 1,85E+06 0,02 -8011548,25 -683651,75

*. The mean difference is significant at the 0.05 level.

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196 Annexes

A4.5. LSD des Sommes empruntées par les ménages

Post Hoc Tests

Multiple Comparisons

Somme empruntée LSD (I) Type de ménage

(J) type de ménage

Mean Difference (I-J)

Std. Error Sig. 95% Confidence

Interval

Lower Bound Upper Bound

groupe D groupe C 1,01E+07 5,21E+06 0,059 -383708,93 20633708,93

groupe B 8437500 0,071 -763873,37 17638873,37

groupe A 1,393E7* 4,61E+06 0,004 4639081,45 23227585,21

groupe C groupe D -1,01E+07 5,21E+06 0,059 -2,06E+07 383708,93

groupe B -1687500 4,36E+06 0,7 -1,05E+07 7104716,69

groupe A 3808333,333 4,41E+06 0,392 -5081037,87 12697704,54

groupe B groupe D -8437500 4,56E+06 0,071 -1,76E+07 763873,37

groupe C 1687500 4,36E+06 0,7 -7104716,69 10479716,69

groupe A 5495833,333 3,62E+06 0,136 -1801647,67 12793314,34

groupe A groupe D -1,393E7* 4,61E+06 0,004 -2,32E+07 -4639081,45

groupe C -3808333,333 4,41E+06 0,392 -1,27E+07 5081037,87

groupe B -5495833,333 3,62E+06 0,136 -1,28E+07 1801647,67

*. The mean difference is significant at the 0.05 level.