THESE DE DOCTORAT DE L’UNIVERSITE PIERRE ET MARIE...

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THESE DE DOCTORAT DE L’UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE Spécialité : Ecologie Impact des pratiques agricoles et de l’urbanisation sur les communautés d’oiseaux agricoles Présentée par Ondine Filippi-Codaccioni Pour obtenir le grade de DOCTEUR de l’UNIVERSITÉ PIERRE ET MARIE CURIE Soutenue le 22 décembre 2008 devant le jury composé de : Mr Romain Julliard Directeur de thèse Mr Jean Clobert Directeur de thèse Mr Félix Herzog Rapporteur Mr Vincent Bretagnolle Rapporteur Mr Olivier Renault Examinateur Mr François Sarrazin Examinateur

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THESE DE DOCTORAT DE

L’UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE

Spécialité : Ecologie

Impact des pratiques agricoles et de l’urbanisation sur les

communautés d’oiseaux agricoles

Présentée par Ondine Filippi-Codaccioni

Pour obtenir le grade de

DOCTEUR de l’UNIVERSITÉ PIERRE ET MARIE CURIE

Soutenue le 22 décembre 2008 devant le jury composé de : Mr Romain Julliard Directeur de thèse Mr Jean Clobert Directeur de thèse Mr Félix Herzog Rapporteur Mr Vincent Bretagnolle Rapporteur Mr Olivier Renault Examinateur Mr François Sarrazin Examinateur

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A la dame âgée qui achetait du lait au supermarché de Bray-sur-Seine (77), un papi demanda :

« Ben alors, y a plus de vaches à Jutigny ?

- Ouh ben ça ! Ca fait longtemps qu’ y en a plus ! Bientôt, y aura même plus de poules pour

manger les déchets ! »

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Résumé

L’agriculture moderne a causé le déclin de nombreuses espèces d’oiseaux. Leur statut de conservation alarmant a amené les hommes à se préoccuper d’avantage de leur protection. Cette thèse s’inscrit dans cette démarche et vise à étudier les impacts différentiels de plusieurs menaces sur les espèces d’oiseaux agricoles. Comme toutes les espèces ne sont pas égales face aux perturbations, et que notamment la spécialisation à l’habitat est un des traits susceptibles de rendre les espèces plus ou moins vulnérables, l’impact de ces menaces a été étudié essentiellement à la lumière du concept de spécialiste-généraliste et des prédictions afférentes à la théorie de la niche écologique.

Je m’intéresse dans une première partie aux menaces anthropiques pesant sur les espèces d’oiseaux agricoles. Plus précisément, je m’interroge sur l’impact du degré de spécialisation des espèces sur leur sensibilité à être influencées par l’intensité des pratiques agricoles et la simplification paysagère qui en découle. Je me pose la même question dans une autre étude sur l’impact de l’urbanisation. Un résultat commun à ces deux recherches est la structuration différente des communautés selon l’intensité des pratiques agricoles et de l’urbanisation, l’abondance des espèces spécialistes agricoles et non-agricoles déclinant selon ce gradient. Enfin, une troisième étude portera sur l’impact de l’urbanisation sur la diversité fonctionnelle des communautés d’oiseaux agricoles via l’utilisation de trois indices proposés dans la bibliographie. L’indice de spécialisation à l’habitat choisi pour le calcul de ces indices permet une nouvelle éclaircie sur les différences de structure d’abondance des espèces spécialistes et généralistes induites par l’urbanisation.

Dans une deuxième partie, je vais m’intéresser aux pratiques et méthodes sensées favoriser la biodiversité dans le milieu agricole. Je m’interroge notamment, sur l’efficacité de certaines méthodes culturales comme l’agriculture biologique et les techniques de labour superficiel comparées aux méthodes conventionnelles quant à la protection des espèces spécialistes. Je regarde également au cours de cette étude les possibles effets différentiels de ces pratiques sur les régimes alimentaires des oiseaux. Dans une seconde étude, plus axée sur un volet sociologique, je m’interroge sur les différences de perception de la biodiversité par les agriculteurs selon leur mode de production, sur leur propension à participer aux programmes agri-environnementaux qui visent à favoriser la biodiversité, et enfin sur le lien éventuel entre ces deux premières questions. Mot-clef : Spécialisation à l’habitat, Biodiversité, programmes agri-environnementaux, Diversité fonctionnelle, Communautés d’oiseaux, Pratiques agricoles, Homogénéisation fonctionnelle, Urbanisation, Agriculteurs. Abstract

Modern agriculture caused the decline of numerous farmland bird species. Their alarming conservation status leaded humans to be more concerned by their preservation. This thesis takes part of this process and aims to study the differential impacts caused by several anthropogenic pressures on farmland birds. As species are not equal when facing disturbances and that habitat specialization is one trait acting on species vulnerability, disturbances’ impact was studies under the light of the specialist-generalist concept and predictions were made according to ecological niche theory.

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In a first part, I focused on anthropogenic pressures imperilling farmland birds. More precisely, I questioned the species specialization level impact on the differential vulnerability of species facing agricultural practices or landscape simplification. I addressed the same question in another study on the urbanization impact. One common result to these researches was the different community structure according to agricultural practices and urbanization intensity. Farmland and non-farmland specialist species’ abundance declined along this gradient. At last, a third study focused on the urbanization impact on the farmland bid communities’ functional diversity. For that, three indexes were used from literature. The species specialisation index used to calculate such indexes allowed further insight in the urbanization induced differences of specialist and generalist abundance structure within farmland communities.

In a second part, I focused on practices and methods likely to benefit biodiversity in farmland. I questioned the efficacy of some farming practices like organic farming or conservation-tillage techniques compared to conventional ones concerning specialist species protection. I also look to the possible differential effects of these practices on bird species diet. In a more sociologic study, I questioned differences in biodiversity perception between the three farmer types, their propensy to participate in biodiversity targeted agri-environmental programmes, and finally, the link between those to questions. Key-words: Habitat specialisation, Biodiversity, Agri-environmental schemes, Functional diversity, Bird communities, Farming practices, Functional homogenization, Urbanisation, Farmers.

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier mon équipe d’accueil, qui m’a permis d’effectuer

cette thèse passionnante au sein de 2 lieux mythiques et foisonnant d’individus

étranges, le Muséum National d’Histoire Naturelle et le CRBPO. Ces trois années ont

sûrement été les plus enrichissantes de ma vie, sur le plan naturaliste, sur celui de la

recherche scientifique mais aussi sur le plan personnel puisque j’y ai acquis

énormément de connaissance et d’indépendance.

Plus particulièrement, je remercie Romain Julliard, mon directeur de thèse pour sa

façon à lui de diriger un doctorant. Cette direction fortement axée sur l’indépendance

intellectuelle et pratique du thésard, permet à celui-ci de très vite prendre conscience

du travail de chercheur, de ce qu’il a de dur, d’accaparant, mais surtout de

passionnant. Merci de m’avoir guidée sans en avoir l’air et de m’avoir laissé toute

liberté dans l’organisation de mon travail et dans mes choix de problématiques à

traiter. Merci de m’avoir fait garder le cap et de m’avoir suggéré pas mal de bonnes

idées.

Un grand merci aussi à mon second directeur de thèse, Jean Clobert, pour avoir

été à l’origine de ce grand projet « Seine-et-Marne » au sein duquel j’ai pu avoir une

place et côtoyer plein de personnes d’horizons différents. Merci pour ses conseils et

sa brillante idée inspirée de la chaîne de Markov lors de mon séjour à Moulis.

Je tiens à remercier Vincent Devictor qui a été un véritable mentor lors de ces

trois années. Merci pour toutes ces discussions enrichissantes sur le métier de

chercheur, les publications, les protocoles d’échantillonnage, les statistiques,

l’écologie, la conservation, le SSI et j’en passe ! Merci aussi d’avoir guidé mes pas

dans l’apprentissage des chants d’oiseaux.

Merci également à ces ornithologues passionnés qui ont participé à la collecte des

données oiseaux, c'est-à-dire Frédéric Vaidie et Laurent Brucy.

Parmi les personnes qui ont égayé mes sorties terrain lors de la pose des pots

pièges, je tiens à remercier Christian Kerbiriou, l’infatigable breton, et sa bonne

humeur. Merci aussi pour la transmission épisodique de tes savoirs naturalistes.

Logiquement, je remercie Isabelle Leviol qui a vécu sa thèse au même rythme que la

mienne et qui a partagé ses angoisses et soucis avec moi dans notre « grande salle

du fond ». Merci à vous deux pour les hébergements quand j’oubliais mes clefs et les

soirées au merle moqueur !

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Merci aussi à l’infatigable (encore un) Jean-Claude Abadie pour ces après-midi où

je n’ai jamais pu apprendre la botanique à côté de lui. Merci de m’avoir laissé faire le

pitre ou dormir dans la parcelle où tu travaillais…

Enfin, et c’est surtout grâce à eux que tout cela s’est fait, je remercie les

agriculteurs qui m’ont accueillie avec la plus grande des gentillesses sur leur

exploitation ainsi que chez eux et ont bien voulu me voir revenir chacune de ces trois

années avec mes jumelles, mes pots-pièges et mes questionnaires. Parmi eux, je

remercie particulièrement monsieur et madame Déchamps pour leur bonne humeur

inébranlable et leur intérêt pur pour les oiseaux et la nature. Merci pour les conseils

photos ! Merci à madame Villette pour ses cafés serrés qui m’ont donné des

capacités surnaturelles sur le terrain ! Merci à tous les agriculteurs de la Bassée, qui

forment un lot assez homogène pour ce qui est de la gentillesse et de la volonté de

remarier agriculture et biodiversité. Merci à messieurs Dhont et Senoble pour leur

dépannage en tracteur lors de mes embourbements répétés! Merci, à madame

Parmentier de Verdelot pour mon premier cours de chant d’oiseaux donné à un

agriculteur et pour le décor superbe de ces pâturages. Parmi tout ces agriculteurs, je

tiens à remercier celui qui ne s’arrête jamais, monsieur Delpech d’Orvilliers, qui a su

garder une agriculture, dite « familiale », et un cadre de travail fantastique, à la fois

pour l’homme et la nature. Merci pour les bouteilles de lait, la leçon de traite et le jus

de pomme ! En parlant de cela, merci à monsieur Boulat de Château-Landon pour sa

bouteille de cidre glacé un jour harassant et caniculaire de pose de pots-pièges.

Merci à tous pour votre apprentissage du métier mal connu et trop facilement

calomnié d’agriculteur. Parole d’écolo !

Je remercie également le Conseil Général de Seine-et-Marne sans qui cette thèse

n’aurait pas vu le jour. Merci de l’intérêt porté par son président aux problématiques

environnementales. Ma participation à la création de l’atlas de biodiversité a été pour

moi une expérience des plus enrichissantes.

Pour finir, je voudrais remercier Rémy qui m’a soutenu tout au long de cette thèse

et même, je pourrais dire de mes études supérieures. Sans toi, je n’aurais peut-être

pas fait les mêmes choix et cette thèse m’aurait sûrement échappée. Merci d’avoir

supporté mes absences, mes sautes d’humeur, mes coups de stress! Merci d’avoir

consolé mes moindres soucis.

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I. Introduction

I.1. Pourquoi s’intéresser aux espèces d’oiseaux agricoles ?

I.2. Les méthodes et pratiques de conservation dans le milieu agricole

I.2.1. Les politiques agri-environnementales

I.2.2. L’agriculture biologique et le non-labour

I.2.3. Le rôle des agriculteurs dans la conservation

I.3. L’urbanisation, menace qui pourrait peser sur le milieu agricole

I-4- La spécialisation à l’habitat

I-5- Problématiques

II. Partie I : Etude de plusieurs menaces anthropiq ues pesant sur les

communautés d’oiseaux agricoles via les concepts de spécialisation et de

diversité fonctionnelle

A - Spécialisation, intensité des pratiques agricol es et simplification du

paysage.

1. Introduction

2. Méthodologie

2.1. Le site d’étude

2.1.2. Les indicateurs d’intensité des pratiques

2.1.3. L’indicateur de simplification du paysage

2.1.4. Les comptages oiseaux

2.1.5. Le calcul de l’indice de spécialisation (cf annexe 1 et introduction)

2.1.6. Les analyses statistiques

3. Résultats

4. Discussion

4.1. Estimation de l’abondance des oiseaux

4.2. Spécialisation et intensité des pratiques agricoles

4.3. Spécialisation et simplification du paysage

B- Urbanisation et homogénéisation taxonomique et f onctionnelle des

communautés d’oiseaux agricoles.

1. Introduction

2. Méthodes

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Sommaire

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2.1. Site d’étude et stratégie d’échantillonnage

2.2. L’âge de l’urbanisation

2.3. L’indice de spécialisation des espèces

2.4. Estimation de l’abondance des oiseaux

2.5. Analyses statistiques

3. Résultats

3.1. Richesse spécifique: Effet de l’intensité et de l’âge de l’urbain.

3.2. Réponses à l’urbanisation des espèces spécialistes versus généralistes

3.3. Similarité taxonomique

4. Discussion

4.1. Effet de l’intensité de l’urbanisation: similarité taxonomique

4.2. Effet de l’intensité de l’urbanisation: Similarité fonctionnelle

4.3. Effet de l’âge de l’urbanisation

4.4. Effet de l’intensité de l’urbanisation: Richesse spécifique

5. Conclusion

C- Urbanisation et diversité fonctionnelle des communa utés d’oiseaux agricoles.

1. Introduction

2. Méthodes

2.1. Calcul de richesse Fonctionnelle, evenness fonctionnelle et divergence

fonctionnelle.

2.2. Analyses statistiques

3. Résultats

3.1. Effet de l’intensité de l’urbanisation sur la diversité fonctionnelle

3.2. Effet de l’âge de l’urbanisation sur la diversité fonctionnelle

4. Discussion

4.1. Le choix de la spécialisation comme caractère fonctionnel

4.2. L’effet de l’urbanisation sur les indices de diversité fonctionnelle

4.3. L’effet de l’âge de l’urbanisation sur les indices de diversité fonctionnelle

5. Conclusion

III. Partie II : Etude de l’impact de pratiques agr icoles sensées être favorables à

la biodiversité : vision écologique et sociale.

A-Spécialisation, régime alimentaire, agriculture b iologique, conventionnelle et

labour de conservation.

1. Introduction

2. Méthodes

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2.1. Echantillon et systèmes d’exploitation

2.2. Traits fonctionnels

2.3. Analyses statistiques

3. Résultats

3.1. Réponses des espèces aux différents systèmes d’exploitation

3.2. Effet du niveau de spécialisation et du régime alimentaire

4. Discussion

B- Perception de la biodiversité et participation a ux programmes agri-

environnementaux des agriculteurs « bio », conventi onnels et en labour de

conservation.

1. Introduction

2. Méthodes

3. Résultats

3.1. Différences entre les caractéristiques des exploitations et le contexte socio-

économique des agriculteurs.

3.2. Différences de perception de biodiversité entre CT, OF et CONV.

3.3. Différences dans les raison de l’adoption d’un PAE entre CT, OF et CONV.

3.4. Différences dans le nombre et la qualité des MAE choisies entre OF, CONV et CT.

3.5. Le lien entre la perception des PAE et de la biodiversité avec le nombre de MAE

adoptées.

4. Discussion

IV. Discussion

IV.1. L’écologie des communautés et la conservation dans le milieu agricole

IV.2. Spécialisation et fonction

IV.3. Est-ce que l’hétérogénéité est vraiment la clef ?

IV.4. Le futur de la conservation dans le milieu agricole

V. Conclusion

Bibliographie

Annexes

Annexe 1 : Historique des mesures agro-environnementales

Annexe 2 : Mesure de la spécialisation

Annexe 3 : Echantillonnage dans le milieu agricole en Seine-et-Marne

Annexe 4 : Echantillonnage pour étudier l’impact de l’urbanisation

Annexe 5 : Une analyse en deux étapes

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I. Introduction

I.1. Pourquoi s’intéresser aux espèces d’oiseaux ag ricoles ?

Les habitats agricoles en Europe accueillent 173 espèces d’oiseaux prioritaires d’un

point de vue de conservation, dont 70% ont un statut défavorable. C’est plus que

pour tout autre grand type d’habitat. D’une part, la grande variété d’habitats agricoles

(arables, steppiques, humides et pâturages de montagne, cultures pérennes, zones

boisées pastorales et rizicultures) est un facteur majeur responsable de ce grand

nombre d’espèces prioritaires, mais d’autre part, cette quantité reflète également les

changements rapides qui ont bouleversé les campagnes. Ces changements peuvent

être caractérisés par l’intensification des zones les plus fertiles et l’abandon à large

échelle des zones les moins productives. L’intensification a pour responsable les

supports financiers liés à l’augmentation de la productivité. En conséquence, la

Politique Agricole Commune (PAC) de l’Union Européenne (UE), mais aussi les

politiques nationales agricoles hors UE ont eu des effets négatifs sur les populations

d’oiseaux agricoles à travers l’Europe (Fig.1).

Figure 1. Impact des changements de l’agriculture guidés par les politiques productivistes sur

5 oiseaux spécialistes des milieux agricoles : European roller Coracias garrulus; lesser grey

shrike Lanius minor; Montagu’s harrier Circus pygargus; stone curlew Burhinus oedicnemus

and white stork Ciconia ciconia (Sanderson et al., 2006).

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De plus, les plus forts déclins de populations d’oiseau concernent les espèces

d’oiseaux des milieux agricoles (Fig.2).

Les corrélations temporelles et spatiales entre le déclin des oiseaux agricoles et

l’intensification de l’agriculture suggèrent que les changements de pratiques sont au

moins en partie responsables (Fuller et al., 1995 ; Pain and Pienkowski, 1997 ;

Campbell et al., 1997 ; Chamberlain et al., 2000 ; Aebisher et al., 2000 ; Donald et

al., 2001,2006). Les pratiques agricoles impliquées dans ce déclin incluent :

- l’augmentation des pesticides et une possible réduction des ressources

alimentaires (Potts, 1997 ; Campbell et al., 1997 ; Donald, 1998 ; Wilson et al. 1999).

- l’augmentation de l’agriculture céréalière à haut niveau d’intrants au dépens des

systèmes arable/prairies à plus faibles niveaux d’intrants (O’Connor and Shrubb,

1986 ; Shrubb, 1997 ; Evans, 1997).

- Un déclin dans la diversité des habitats et une augmentation de la taille des

parcelles comme conséquence des changements précédents et d’une mécanisation

accrues (Súarez et al. 1997 ; Lefranc, 1997).

- La perte des haies et d’autres terres non-productives (Lefranc, 1997 ; Gilings and

Fuller, 1998 ; Chamberlain et al. 2000).

- Les changements de dates de semis et de récolte des céréales et la perte

concomitante des résidus de culture l’hiver (Shrubb, 1997 ; Evans, 1997 ;

Chamberlain et al. 2000 ; Donald and Vickery, 2000).

Figure 2. Indice des variations d’abondance des espèces d’oiseaux nicheurs du Royaume-Uni de

1970 à 2002. Le plus fort déclin est observé chez les oiseaux agricoles (Gregory et al., 2005).

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- Une augmentation de l’intensité des pratiques d’élevage, le remplacement des foins

par des cultures d’ensilage, le drainage des parcelles, la fertilisation abusive

(Ellenberg, 1986 ; Hopkins and Hopkins, 1994).

- L’abandon des terres extensives à forte biodiversité (Diaz et al. 1997 ; Súarez et al.

1997 ; Tucker et al. 1997).

Dans certains cas, il a été possible de montrer un lien direct entre les

changements de pratiques agricoles et la démographie des espèces déclinantes. Par

exemple, le déclin de la population du bruant des roseaux Emberiza schoeniclus, est

dû à une réduction du taux de survie hivernal, résultant de la faible disponibilité en

nourriture dans le milieu agricole (Peach et al., 1999). Le déclin des populations de

Perdrix grises Perdix perdix, est lié à une mortalité accrue des poussins du fait des

ressources réduites en invertébrés, principale alimentation des ceux-ci (Potts, 1997).

Pour d’autres espèces déclinantes, les liens avec les changements de l’agriculture

ont été estimés en comparant les densités et les paramètres démographiques des

oiseaux entre des zones d’agriculture plus ou moins intensive (e.g. Wilson et al.

1997 ; Buckingham et al. 1999 ; Henderson et al. 2000), en estimant les tendances à

long terme des paramètres démographiques et en les reliant aux tendances des

populations (e.g. Peach et al., 1994 ; Chamberlain and Crick, 1999 ; Siriwardena et

al., 2000), en examinant la sélection de l’habitat par les espèces et en la reliant aux

changements de disponibilité de ceux-ci (e.g. González et al., 1990 ; Green and

Stowe, 1993 ; Donázar et al., 1993 ; Gates et al., 1994 ; Evans and Smith, 1994 ;

Sané, 1998 ; Tella et al., 1998 ; Salamonard and Moreau, 1999), en corrélant le

niveau des populations nationales ou leurs tendances à des mesures grossières

d’intensification de l’agriculture (e.g. Green and Rayment, 1996 ; Chamberlain et al.

2000 ; Schifferli, 2000 ; Donald et al., 2001, 2006), et en identifiant et examinant les

périodes critiques des cycles de vie (e.g. Tyler et al., 1998). L’intensification de l’agriculture est en conséquence, au moins en partie, et

probablement entièrement, responsable du déclin des populations d’oiseaux

agricoles dans les quelques pays d’Europe, principalement de l’ouest, où des études

poussées ont été menées. Cependant, l’intensité de l’agriculture à travers l’Europe

varie grandement. La majorité de ces variations viennent des différences d’histoire

politique entre pays, et plus particulièrement, entre pays de l’ouest et de l’est de

l’Europe. Donald et al. (2001) ont montré que l’intensité de l’agriculture varie

grandement entre les groupements politiques en Europe et que cela explique la plus

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grande part des variations entre les pays, des tendances des populations d’oiseaux

agricoles (Fig. 3 et 4). Ils ont conclu que l’intensification de l’agriculture a eu des

effets mesurables et délétères sur les populations d’oiseaux à une échelle

paneuropéenne et qu’elle devrait être considérée comme un danger pour la

biodiversité, à la même échelle que le changement climatique global et la pollution

environnementale, dans ses capacités à affecter de grandes étendues.

L’intensification de l’agriculture représente également un danger majeur pour

d’autres biomes et écosystèmes (Matson et al., 1997).

Figure 3. Exemple des variations d’abondance de l’alouette des champs dans les différentes

parties de l’Europe (Gregory et al., 2005).

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I.2. Les méthodes et pratiques de conservation dans le milieu agricole

I.2.1. Les politiques agri-environnementales

L’enjeu, aujourd’hui, repose sur les alternatives qui s’offrent pour préserver la

biodiversité et continuer à produire suffisamment pour nourrir la population mondiale

sans arrêt croissante (Green et al., 2005). Deux solutions sont proposées : 1-

produire de façon extensive sur de larges surfaces, ce qui permettrait de concilier

agriculture et biodiversité mais qui entraînerait le recul de zones naturelles au profit

des zones cultivées, ou 2-produire de façon intensive sur de plus petit territoires mais

au dépens total de la biodiversité et de l’environnement en général, laissant pourtant

la place aux territoires naturels. Cette question a été traitée par Green et al. (2005) et

illustrée dans la figure 5.

Figure 4. Indicateur multi-espèces des oiseaux agricoles européens. a) Espèces communes

agricoles de l’UE (ligne continue) et des pays en voie d’accession (ligne en pointillés), b)

spécialistes agricoles, même légende que ci-dessus (Gregory et al., 2005).

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Figure 5. Cette figure représente les éléments essentiels du modèle reliant la taille des populations aux rendements agricoles à l’aide de 2 exemples. Dans le premier (A), une province (carte 1), est composée de terre cultivée (jaune) et non-cultivée (vert). L’objectif de production agricole est fixé à 0.2, ce qui peut être atteint par les rendements les plus élevés sur 20% de l’exploitation (x0.1 panneau de gauche) ou en cultivant la terre au plus bas rendement possible (x0.2, panneau de droite). L’organisme montre une fonction densité-rendement concave (courbe rouge dans 2), avec sa plus grande densité de population sur la terre non cultivée (là où c’est fixé à 1) et une bien moindre densité là où les rendements sont les plus élevés par rapport aux moins élevés (comparer els étoiles entre les panneaux de gauche et de droite dans 2). La population totale de toute la province peu être visualisée en fonçant les cartes (3), de façon à ce que pour chaque habitat, l’étendue verticale hachurée soit proportionnelle à la densité relative de population. L’aire sommée de zones hachurées, relative à celle de la province totale, donne alors la taille relative de la population totale qui serait présente si toute la province n’était pas cultivée. Ces tailles de population relatives, pour les aires cultivées et non-cultivées et pour la province entière, sont montrées dans les histogrammes (4). Dans ce cas, la population totale est plus importante avec les rendements les plus faibles. Dans le second exemple (B), la situation est la même, à part que la relation densité-rendement est convexe. Dans cet exemple, la montée brutale de la densité, même à des rendements bas, signifie que l’économie de terre vaut le coup et que la population totale est plus importante avec des rendements plus importants. Green et al. (2005).

La question est loin d’être résolue, mais en tout cas, les politiques européennes

actuelles vont dans le sens de la première solution, où on cherche à établir une

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agriculture durable où biodiversité et respect de l’environnement font bon ménage

avec l’agriculture.

La mise en œuvre de mesures agri-environnementales (MAE) ciblées, sur

l’ensemble du territoire de l’Union, est désormais au cœur de la stratégie

communautaire pour la protection de l’environnement. Du fait qu’elles constituent le

seul élément obligatoire de chacun des plans de développement ruraux conçus par

les États membres, ces mesures jouent un rôle essentiel dans la réalisation des

objectifs communautaires ayant trait à la diversité biologique.

L’application des MAE en Europe a réellement commencé en 1992. Depuis, un

long cheminement et de nombreux changements dans leur mise en place, a permis

d’accroître considérablement l’importance des objectifs environnementaux dans

l’agriculture (Annexe 1). Lors de notre étude, nous étions encore dans le cadre du

Plan de Développement Rural National (PDRN) 2000-2006 qui définissait un

catalogue national de MAE décliné au niveau régional afin de mieux cibler les enjeux

environnementaux spécifiques à chaque région. Ces MAE sont souscrites dans le

cadre de contrat de 5 ans pendant lesquels l’agriculteur s’engage à respecter un

cahier des charges. En contrepartie, il reçoit une rémunération calculée sur la base

des surcoûts et pertes occasionnés par les engagements. Le même type de

programmes agri-environnementaux (PAE) sont mis en place dans tout les pays

européens avec cependant des variantes quant aux mesures et aux conditionnalités

de rémunération. Par exemple, aux Pays-Bas, une mesure appelée « per clutch

payment » comporte une rémunération par nid et couvée d’oiseaux arrivés à terme

sur l’exploitation (Musters et al. 2001). Parmi les PAE célèbres en Europe figurent en

tête de liste ceux instaurés au Royaume-Uni. D’une part, parce qu’ils ont été parmi

les premiers (1987, après le premier encouragement de l’Europe, en 1985, pour

instaurer des PAE dans les Etats membres) à les mettre en place, et d’autre part,

parce qu’ils se sont occupés de l’évaluation de leur efficacité, contrairement à

d’autres pays européens dont la France. Parmi ceux ayant fonctionné avec succès,

on peut citer notamment, le Countryside Stewardship Scheme (CSS) qui a délivré le

bruant zizi de son déclin en augmentant ses populations de 83% sur les terres en

CSS dans le Devon de 1992 à 1998 (Peach et al., 2001) ainsi que d’autres

programmes dans le Royaume-Uni, ayant pour cible Le tétras lyre Tetrao tetrix

(Baines, Warren & Calladine 2002), l’oedicnème criard Burhinus oedicnemus

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(Aebischer, Green & Evans 2000b) et le râle des genêts Crex crex (Aebischer et al.,

2000a).

Cependant, de récentes études à l’échelle européenne, ont remis en cause

l’efficacité des PAE pour la conservation de la biodiversité. Un peu plus de la moitié

des études a montré des effets positifs des programmes sur la diversité et

l’abondance des espèces cibles parmi les plantes, les oiseaux et les arthropodes,

mais le reste des études n’a montré aucun effet significatif, et même des effets

négatifs (Kleijn and Sutherland 2003; Kleijn et al., 2006). Des recherches plus

récentes pour des pays ou programmes non couverts par les études précédentes,

ont aussi montré des effets mixtes (e.g., Feehan et al., 2005; Ottvall and Smith 2006;

Wilson et al., 2007). Une des explications suggérées pour expliquer le manque

d’efficacité des PAE serait la simplification des paysages agricoles due à l’élimination

des espaces non-cultivés (Kleijn et al., 2001; Duelli and Obrist 2003). Dans sa revue

de 2003, Kleijn et al. relevaient le manque d’analyses statistiques (31%) et la

pauvreté des protocoles expérimentaux qui, en plus, étaient souvent biaisés en

faveur des PAE. Ils relevaient notamment que 16% seulement des études étudiaient

des paires de sites programme/contrôle avec les mêmes conditions

environnementales. Cette dernière statistique pourrait expliquer les divergences de

résultat. Tscharntke et al. (2005) ont montré que l’efficacité des PAE était fortement

liée à la complexité du paysage environnant. Dans des paysages simples, la

présence locale d’habitat (e.g. bordures de champs), est supposée avoir un plus

grand effet sur la biodiversité et les processus écologiques dans les champs

adjacents, de façon à ce que les aménagements apparaissent plus efficaces dans

les paysages peu diversifiés que dans les plus complexes (Fig 6).

Figure 6. Efficacité des PAE en fonction du type de paysage (Tschantke et al., 2005). Cleared = minimum de diversité, simple = diversité faible, complex = grande diversité (<1%, 1-20%, >20% d’habitat non-cultivé, respectivement). L’efficacité des PAE est mesurée par l’augmentation de la biodiversité due à un aménagement spécial versus des sites sans aménagement.

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Dans les paysages complexes, avec leur large nombre d’espèces, la colonisation

de nouveaux habitats et les échanges de populations sont facilités. Les

aménagements locaux dans ces paysages, ne résultent pas en une biodiversité

accrue parce que la biodiversité est déjà importante partout.

Enfin, parmi les MAE figurent l’aide à la conversion à l’agriculture biologique et

une aide pour le travail simplifié des sols. Ces pratiques appelées agriculture

biologique (AB) et labour simplifié ou non-labour (NL) sont toute les deux indiquées

dans le cahier des charges des MAE comme ayant des objectifs biodiversité.

I.2.2. L’agriculture biologique et le non-labour

Dans le contexte mondial d’intensification de l’agriculture et de ses effets négatifs

sur l’environnement, plusieurs pratiques alternatives ont vu le jour ou se sont

affirmées. Ainsi, l’agriculture intégrée, raisonnée et biologique (OF) ont été vues

comme des possibilités de réduire les pollutions dues aux intrants chimiques.

L’agriculture biologique étant la plus radicale des méthodes, puisque n’utilisant pas

de pesticides synthétiques, de nombreuses études se sont intéressées à son effet

sur la biodiversité. Beaucoup d’entre elles ont trouvé des résultats positifs

(Bengtsson et al., 2005; Hole et al., 2005), à la fois pour la richesse spécifique

(Fig.7), et pour l’abondance (Fig.8) de nombreux taxa.

Figure 7. Une méta-analyse de l’effet de l’agriculture biologique (OF) sur la richesse

spécifique (Bengtsson et al., 2005). Un effet positif de OF a été trouvé pour tout les groupes

d’organismes excepté pour les insectes non-prédateurs et les organismes du sol.

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Figure 8. Une méta-analyse de l’effet de l’agriculture biologique (OF) sur l’abondance des

organismes (Bengtsson et al., 2005). Effet positif significatif de OF est donné par les

astérisques à côté du Hedges’ g.

A une moindre échelle, et surtout aux Etats-Unis, les pratiques de labour visant à

la conservation du sol (CT) se sont également développées afin de mieux préserver

les sols pour en diminuer l’érosion et augmenter la fertilité. Les économies de fuel

concomitantes assurent à cette pratique un intérêt croissant de la part des

agriculteurs du monde entier. Grâce à la connaissance des interrelations entre sol et

environnement (Fig.9), certaines études se sont alors intéressées aux possibles

effets positifs de cette pratique sur la biodiversité.

Des résultats encourageants pour la diversité et l’abondance de plusieurs taxa ont

alors été montrés (Baguette and Hance, 1997; Robinson and Sutherland, 1999;

Hutcheon et al., 2001; Schmidt et al., 2001, Holand, 2004).

Cependant diverses contraintes sont liées à ces deux systèmes culturaux (OF et

CT) qui peuvent nuire à la biodiversité, comme le désherbage mécanique en

agriculture biologique ou chimique en labour de conservation. De plus, comme pour

l’efficacité des PAE, celle de OF a été mise en cause par quelques auteurs ayant

trouvé qu’elle n’avait d’effet réel positif sur la biodiversité que dans des paysages

homogènes (Roschewitz et al., 2005 ; Rundlöf and Smith, 2006 ; Holzshuh et al.,

2007) (Fig.10).

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Figure 9. Processus interactifs au travers desquels le labour de conservation peut générer des

bénéfices environnementaux (Holand et al, 2004).

Les enjeux concernant ces pratiques sont donc toujours de savoir si elles ont

effectivement un effet bénéfique pour la biodiversité et dans quelle situation cet effet

est le plus significatif pour les espèces. De plus, quand on regarde espèce par

espèce, l’effet bénéfique de OF ne semble pas unanimement bénéfique. Par

exemple, Purtauf et al. (2005) ont trouvé que certaines espèces étaient plus

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1) 2)

3)

Figure 10. Résumé des taxa pour lesquels il a été

trouvé que OF était plus efficace dans un paysage

homogène que complexe.

1 et 2 : Alpha, beta et gamma diversité des plantes

messicoles (a, b , c), de la pluie de graine (d, e, f) et de

la banque de graine (g, h, i) en relation avec le %

d’arable (complexité du paysage) et le système

d’exploitation (OF et CONV). 2 : Résultats d’un

modèle mixte. Les triangles et la ligne en pointillés

représentent les champs en OF et les points et ligne

solide représentent les champs en CONV. 3 : Nombre

d’espèces moyen de papillons (a) et abondance

moyenne (b) par transect de 50m, par visite et par an.

Roschewitz et al., 2005 (1 et 2) ; Rundöf and Smith,

2006 ; Holzschuh et al., 2007 (4).

4)

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abondantes en CONV qu’en OF. Ceci amène à se demander quels sont les traits

communs aux espèces qui font que celles-ci bénéficient plus de l’une ou de l’autre

pratique. L’analyse de l’efficacité de OF ne doit donc pas porter que sur l’abondance

et la richesse spécifique mais aussi sur la fonction des espèces dans l’écosystème à

travers leurs traits et sur la composition des communautés.

I.2.3. Le rôle des agriculteurs dans la conservatio n

A l’opposé de leur fonction traditionnelle de composants de la chaîne de

production primaire, la politique de l’UE a fait des agriculteurs des acteurs centraux

du développement rural et de la conservation de la biodiversité (Siebert et al., 2006).

Il est en effet devenu un truisme que de dire que sans l’intégration de l’agriculture, il

n’y a pas de politique de conservation effective en Europe. En terme de participation,

l’UE a eu un succès assez important avec 20% de la SAU (Surface Agricole

Utilisable) participant à des PAE (Siebert et al., 2006). Néanmoins, la coopération

des agriculteurs avec les politiques faite

pour accroître le niveau de protection de la

biodiversité et l’améliorer, diffère selon les

pays de l’UE (Siebert et al., 2006), à

l’intérieur des pays et surtout selon les

agriculteurs.

En effet, les agriculteurs sont très

hétérogènes et diffèrent dans leur prise de

décision en relation avec leurs biens

(Gravholt Busck, 2002). Leur volonté et

capacité à coopérer en biodiversité n’est

pas réductible à la localisation de leurs exploitations, ni à leurs attitudes et valeurs

envers la nature ou l’autorité. Cette coopération n’est pas non plus une simple

fonction de facteurs économiques. La revue de Siebert et al. (2006) qui reprend 160

études faites dans 6 pays de l’UE montre bien que la réalité est bien plus complexe.

Il s’agit d’une intrication de contingences influencée par des contextes locaux et

spécifiques, comme des facteurs agronomiques, culturels, sociaux et

psychologiques. Ces facteurs affectent la réponse des agriculteurs à ces politiques

agricoles visant à améliorer la biodiversité. Pour l’Europe qui veut recruter « les

nouveaux conservateurs » de la nature (Morris and Potter, 1995), l’importance est

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dans la connaissance de ces facteurs afin de mieux cibler les politiques et de mieux

convaincre les agriculteurs.

Comme de nombreuses études se sont déjà portées sur la désignation de ces

facteurs, nous nous sommes intéressés ici, dans cette thèse à l’engagement dans

les PAE d’un certain type d’agriculteurs, ceux pratiquant le non-labour et l’agriculture

biologique, profitant de l’échantillonnage destiné à l’étude de l’impact de ces

pratiques et des MAE sur les oiseaux. En effet, lors des enquêtes menées auprès

d’eux, il est apparu que ceux-ci semblaient moins impliqués dans les PAE et

prenaient moins de MAE que les agriculteurs conventionnels. Nous avons donc

cherché à le vérifier.

I.3. L’urbanisation, menace qui pourrait peser sur le milieu agricole

Outre les menaces propres au milieu agricole, majoritairement dues aux pratiques

et à l’aménagement du paysage, l’urbanisation via l’accroissement des territoires

urbains sur le territoire agricole et autour de celui-ci, devient une pression de plus en

plus inquiétante. En effet, une large littérature permet de faire état des effets négatifs

de l’urbanisation sur les communautés biotiques 1)- le long de gradients

d’urbanisation (Blair and Launer, 1997; Ishitani et al., 2002; Clergeau et al., 2006) et

2)- dans les habitats jouxtant le milieu urbain (Collinge et al., 2003; Sadler et al.,

2006, Scott, 2006, Veech, 2006). Les premières études montrent souvent un

changement de composition des communautés et une baisse de richesse spécifique

et de diversité le long du gradient ainsi qu’une homogénéisation fonctionnelle et

taxonomique accrue (Olden et al. 2004, Fig.11). Les études sur le milieu adjacent ont

également montré des effets d’homogénéisation biotique, de changement de

composition des communautés et de baisse d’abondance d’individus spécialistes

due à l’urbanisation (Rubbo and Kiesecker, 2005; Holway and Suarez, 2006 ; Scott,

2006) (Fig.12).

Figure 11. L’Homogénéisation Biotique (HB) se définit couramment par le remplacement d’espèces natives par des espèces ubiquistes introduites par l’homme, ce qui provoque une homogénéisation des communautés à l’échelle mondiale (Olden, 2006). HB qu’elle réfère à l’homogénéisation génétique (HG), taxonomique (HT) ou fonctionnelle (HF), est définie comme une augmentation de la similarité spatiale d’une variable biologique particulière dans le temps. HG réfère aux gènes, HT à l’identité des espèces et HF aux traits fonctionnels.

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Figure 12. Exemple d’études montrant des différences de composition taxonomique (a) et

fonctionnelle (c) ainsi que les variations d’abondance et de richesse spécifique (b), le long

d’un gradient urbain-rural/périurbain (a et b) et dans des biotopes adjacents (c). Dans c), E-C

représente une mesure d’homogénéisation biotique qui est l’abondance des espèces

endémiques moins celle des plus cosmopolites, chez les poissons. Ishitani et al., 2002 (a),

Clergeau et al., 2007 (b), Scott, 2006 (c).

a) b)

c)

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McKinney and Lockwood (1999) avaient déjà identifié que l’urbanisation faisait

partie des perturbations sérieuses affectant les populations biotiques et que les

espèces pouvaient être classées en perdants (losers) et gagnants (winners) selon

leur réponse négative ou positive à cette perturbation (Fig. 13).

Figure 13. Proportions estimée d’espèces déclinante (losers) et augmentant (winners) en range

et abondance.

Très vite, grâce à cette notion de gagnants et de perdants ainsi qu’à celle de

« urban exploiters » (espèces exploitant le milieu urbain avec succès), « suburban

adapters » (espèces s’adaptant au milieu suburbain) et « urban avoiders » (espèces

évitant le milieu urbain) (Blair and Launer, 1997) la question s’est posée de savoir

quels traits étaient favorisés par ce milieu urbain (Kark et al., 2007) (Fig.14).

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Figure 14. Résumé de la distribution des traits catégoriques et moyennes des traits continus

parmi les catégories d’habitat le long d’un gradient urbain-naturel (Kark et al., 2007). Pour les

traits catégoriques la proportion des espèces montrant ces traits est présentée. Les corrélations

significatives sont indiquées par *P < 0.05, **P < 0.01.

D’autre part, McKinney et Lockwood (1999) s’étaient déjà penché sur la question

et avaient identifié les traits qui favorisaient l’expansion ou l’extinction des espèces

dans un monde dominé par les hommes (Fig. 15).

Parmi ces traits, apparaît la spécialisation de l’espèce, caractéristique sur laquelle

nous allons focaliser nos 2 études sur l’impact de l’urbanisation, car très proche des

notions de richesse fonctionnelle et d’homogénéisation fonctionnelle. Un assez lourd

bagage bibliographique montre, en effet, que la baisse de richesse fonctionnelle peut

avoir des conséquences importantes sur le fonctionnement des communautés et des

écosystèmes, de même que sur leur stabilité et leur résistance et résilience aux

changements environnementaux en réduisant simplement le panel de réponses

possibles des espèces (Walker 1992; Tilman 1996, Doak et al. 1998 ; Walker et al.

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1999 ; Diaz & Cabido 2001; Fonseca & Ganade 2001; Petchey & Gaston 2002;

Mason et al. 2005; Olden et al. 2004 ; Mouillot et al. 2005). D’où l’intérêt évident qu’il

faut apporter à cette notion (Fig. 16).

Figure 15. Traits pouvant déterminer si une espèce est gagnante ou perdante face à un monde

dominé par les hommes (McKinney and Lockwood, 1999).

Figure 16. Preuves empiriques des relations entre les processus écosystémiques et différents

composants de la diversité des plantes (Diaz and Cabido, 2001).

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I-4- La spécialisation à l’habitat

Selon la théorie de la niche écologique, les différences de largeur de niche entre

espèces (soit la spécialisation) serait le résultat d’un compromis évolutif entre leur

capacité à exploiter un éventail de ressources et leur efficacité à exploiter chacune

d’elle (l’hypothèse du «Jack-of-all-trades is the master of none », Mc Arthur 1972;

Levins 1962, 1968; Futuyama & Moreno 1998; van tienderen 1991; Kawecki 1994).

Comme il a été résumé par Julliard et al. (2006), un tel compromis a été associé à

plusieurs traits d’histoire de vie : Les espèces spécialistes sont supposées avoir des

capacités de dispersion moindres (Brouat et al. 2004), sont plus fortement régulées

par la compétition intra-spécifique (Dall & Cuthill 1997), et sont moins capables de

supporter la stochasticité environnementale (Sol et al. 2002) que les espèces

généralistes. En conséquence, la façon dont les communautés fonctionnent est

vraisemblablement influencée par la proportion relative d’espèces spécialistes et

généralistes (Julliard et al. 2006).

D’après McKinney and Lockwood (1999), il y a des espèces qui bénéficierait de la

dégradation de l’habitat (gagnants) alors que d’autres seraient négativement

affectées (perdants). Ce processus peut mener à l’homogénéisation fonctionnelle

(Olden et al. 2004) des communautés dans laquelle beaucoup d’espèces partageant

quelques traits seraient remplacées par peu d’espèces partageant les mêmes traits.

Une telle homogénéisation fonctionnelle peut être induite par le remplacement

d’espèces spécialistes par des espèces généralistes plus répandues. Ce phénomène

se répand à l’échelle globale et a pour cause différents facteurs comme

l’urbanisation ou les changements climatiques.

Idéalement, la spécialisation devrait être mesurée en considérant toutes les

dimensions d’une niche écologique. Or, en pratique, la quantification de la

spécialisation dépend du type d’espèce considéré. Par exemple, la diversité de

plantes-hôtes chez les papillons (Warren et al. 2001) ou la longueur de la trompe

chez les bourdons (Goulson et al. 2005). Un moyen plus général de quantifier la

spécialisation est de compter le nombre de classes d’habitat dans lesquelles une

espèce est connue pour être présente. Cette mesure permet de classer les espèces

de spécialistes (étant présentes dans peu de classe d’habitat) à généralistes (étant

présentes dans plusieurs classes d’habitat). Cependant, une telle approche dépend

d’avis d’experts (Gregory et al. 2005) et ignore les variations potentielles de densités

entre habitats. Julliard et al. (2006) ont proposé une mesure de la spécialisation des

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espèces d’oiseaux. Ils ont considéré qu’une espèce était plus spécialisée qu’une

autre à certaines classes d’habitat si sa densité était plus importante dans ces

classes qu’ailleurs. A l’inverse, les espèces dont la densité varie peu entre les

classes d’habitat sont considérées comme plus généralistes. La construction de cet

indice est illustrée dans l’annexe 2. Cet indice quantifie le degré de spécialisation à

l’habitat pour une espèce grâce au coefficient de variation (SD/moyenne) des

densités au travers de 18 classes d’habitat groupées à partir de catégories

enregistrées par les observateurs du Suivi Temporel des Oiseaux Communs (STOC)

à chaque point d’écoute en France (Julliard and Jiguet, 2002). Cet indice appelé SSI

(Species Specialisation Index) a été calculé pour les 100 espèces terrestres les plus

fréquentes, en utilisant les carrés STOC suivis au moins une fois de 2001 à 2004 (n

= 1,022, i.e., 10,220 points d’écoute). Pour plus de détails voir Julliard et al. (2006).

Les plus hautes valeurs indiquent les espèces les plus spécialistes et les plus basses

les espèces les plus généralistes. L’avantage de cet indice est qu’il permet

d’abandonner la classification dichotomique spécialiste/généraliste. Comme la

spécialisation est vraisemblablement plus un continuum au sein des espèces (Fridley

et al., 2007), le SSI nous permet de mieux la caractériser.

Ici, l’hypothèse est que la spécialisation à l’échelle de l’habitat permet l’intégration

de tous les paramètres écologiques, abiotiques et biotiques, propres à l’espèce

(comme la température, l’humidité, les cycles saisonniers, le régime alimentaire, les

sites de nidification) qui sont nécessaires au maintien des populations. De plus,

l’habitat permettrait l’intégration de l’ensemble des interactions biotiques présentes

dans un écosystème au sein d’une communauté ou d’un réseau trophique (comme le

cortège de pathogènes et de parasites, les interactions de compétition ou de

facilitation entre espèces). On peut prédire que cet indice de spécialisation à l’habitat

est corrélé à d’autres indices de spécialisation comme ceux à la température ou à la

nourriture. Nous travaillons donc au niveau de la niche réalisée i.e. en prenant en

compte les interactions biotiques de compétition comme de facilitation avec ce SSI.

La spécialisation, apparaît dans beaucoup d’études comme étant un trait

important dans l’explication de pattern d’abondance (Julliard et al. 2006) et de

réponse à des changements environnementaux simples (Andrén et al., 1997, Jonsen

and Fahrig, 1997, Schweiger et al., 2005), comme aux changements globaux

(Devictor et al. 2007, 2008). Au vu des recommandations de certains auteurs

concernant l’utilisation des traits fonctionnels pour rendre ses lettres de noblesse à

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l’écologie des communautés (McGill et al., 2006) et, à la mise en valeur de la

spécialisation elle-même quant à ce qu’elle a à offrir dans les investigations sur le

lien entre diversité et fonctionnement des écosystèmes (Richmond et al., 2005 ;

Finke and Snyder, 2008), nous nous sommes particulièrement penchés sur

l’importance de ce trait lors de nos recherches sur les impacts des différentes

perturbations et pratiques culturales citées précédemment.

I-5- Problématiques

Les différentes problématiques seront développées dans les deux grandes parties

de ce document. Parmi les travaux exposés dans la thèse, ceux ayant fait l’objet de

publications sont résumés sous forme d’encadrés. L’intégralité des manuscrits

correspondants, traduits en français, est disponible à la suite de ces encadrés. Ces

manuscrits contiennent des détails, des analyses et des éléments de discussion qui

ne sont pas mentionnés dans les encadrés, volontairement synthétiques. La

méthodologie utilisée (modèles statistiques, jeu de données, logiciels) est

redondante à plusieurs travaux. J’ai donc choisi de résumer ces principaux points

méthodologiques séparément sous forme d’annexes, dans des pages auxquelles on

peut se référer indépendamment. Je mentionnerai l’utilisation de ces annexes au

cours de l’exposition des travaux.

Une première partie traitera des menaces pesant sur les communautés d’oiseaux

agricoles et une seconde portera plus sur l’étude de l’impact de pratiques agricoles

visant à améliorer le sort de ces communautés, avec un regard à la fois écologique

et social.

1-Spécialisation, intensité des pratiques agricoles et simplification du paysage.

Est-ce que la spécialisation est un trait qui explique les variations d’abondance entre

les parcelles agricoles plus ou moins intensives et les paysages plus ou moins

simplifiés ? (Partie I-A-Manuscrit 1)

2-Urbanisation et homogénéisation taxonomique et fonctionnelle des communautés

d’oiseaux agricoles.

Est-ce que l’urbanisation induit une homogénéisation taxonomique et fonctionnelle

des communautés d’oiseaux agricoles? (Partie I-B-Manuscrit 2)

3-Urbanisation et diversité fonctionnelle des communautés d’oiseaux agricoles.

Quel est l’effet de l’urbanisation sur la diversité fonctionnelle des communautés

d’oiseaux agricoles ? (Partie I-C-Manuscrit 3)

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4-Spécialisation, régime alimentaire, agriculture biologique, conventionnelle et labour

de conservation.

La spécialisation et le régime alimentaire des espèces d’oiseaux agricoles

déterminent-t-ils les bénéfices de l’agriculture biologique et du labour de

conservation ? (Partie II-A-Manuscrit 4)

5-Perception de la biodiversité et participation aux programmes agri-

environnementaux des agriculteurs « bio », conventionnels et en labour de

conservation.

Quelles sont les différences de perception de la biodiversité et de participation à des

programmes agri-environnementaux des exploitants en agriculture biologique, labour

de conservation et agriculture conventionnelle ? Dans quelle mesure les deux

questions sont-elles liées ? (Partie II-B-Manuscrit 5)

.

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Partie I

Etude de plusieurs menaces anthropiques pesant

sur les communautés d’oiseaux agricoles via les

concepts de spécialisation et de diversité

fonctionnelle

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Dans cette première partie , nous avons tenté d’étudier l’impact différentiel de

différentes pressions anthropiques telles que l’intensification de l’agriculture, à

travers ses conséquences sur l’intensité des pratiques à l’échelle de l’exploitation et

sur la simplification de l’habitat à l’échelle locale et paysagère (Fig.17) (Manuscrit 1),

et l’urbanisation à travers son intensité et son âge (Manuscrit 2), sur les espèces plus

ou moins spécialistes des communautés d’oiseaux agricoles. Comme nous l’avons

vu dans l’introduction, l’indice choisi pour mesurer la spécialisation des espèces était

le Species Specialisation Index (SSI) proposé par Julliard et al. (2006) (Annexe 2).

Fig. 17. Exemple de simplification du paysage causé par l’intensification des pratiques. Le

principal changement est la perte de diversité dû à la diminution d’éléments tels que des haies,

des arbres isolés, des bosquets, des clôtures, des mares. La taille des parcelles est bien plus

importante et les cultures plus uniformes.

La première étude a été réalisée après prospection et choix d’une soixantaine

d’exploitations dans le département de la Seine-et-Marne (Annexe 3), territoire

majoritairement agricole à forte proportion de céréaliculture, et s’est faite sur deux

années (2006 et 2007). Ces exploitations variaient selon l’intensité de leurs

pratiques, leurs systèmes d’exploitation, et leurs contextes paysagers. La localisation

des exploitations s’est faite tout d’abord par le biais de l’agronome Mr Deffontaines

qui nous a présenté un groupe d’agriculteurs désireux de connaître l’effet de leurs

pratiques dans la région agricole de la Bassée (sud-est de la Seine-et-Marne), puis

par différentes rencontres avec le personnel de la DDAF, de l’ADASEA et de la

chambre d’agriculture de Seine-et-Marne.

Un protocole standardisé de points d’écoute, inspiré du modèle national du

protocole de suivi des populations d’oiseaux (STOC-EPS), m’a permis d’estimer

l’abondance et la richesse des espèces d’oiseaux dans plusieurs parcelles de ces

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différentes exploitations (Annexe 3). Une enquête menée auprès des agriculteurs

pendant les hivers 2006 et 2007 m’a également permis de recueillir les différentes

informations relatives à leur exploitation me permettant ainsi, par la suite, de

différencier l’intensité de leurs pratiques. Les données paysagères ont été extraites

grâce à une base de données régionale renseignant sur le mode d’occupation des

sols (MOS, IAURIF, 2003) (Fig.18).

Figure 18. Méthode d’extraction des variables d’occupation des sols par système

d’information géographique (SIG).

Les études 2 et 3 sont basées sur le même jeu de données. Le protocole

d’échantillonnage visant à la récolte de celles-ci a été mis en place préalablement

sous SIG. Afin de simuler une augmentation d’intensité de l’urbanisation, un

ensemble de carrés de 1km de côté ont été sélectionnés sur des critères de

proportion variable de territoire urbain sur territoire agricole (Annexe 4). De même, la

base de donnée EVOLUMOS (IAURIF, 2003) qui renseigne sur l’évolution du mode

d’occupation des sols de 1981 à 2003, nous a permis de différencier les carrés selon

l’âge de leur bâti.

C’est aussi grâce à l’utilisation de méthodes d’analyse multivariée que j’ai pu

examiner la question de l’homogénéisation taxonomique dans cette étude.

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Enfin, la troisième étude tentera d’examiner l’effet de l’urbanisation sur la diversité

fonctionnelle des communautés d’oiseaux agricoles grâce à l’utilisation d’indices

proposés dans la littérature.

Les principales questions abordées dans cette première partie étant donc :

1) - Est-ce que le degré de spécialisation des espèces joue un rôle dans leur

sensibilité envers l’intensité des pratiques agricoles et la simplification de l’habitat, à

l’échelle de l’exploitation et du paysage ?

2) - Est-ce que l’urbanisation induit une homogénéisation taxonomique des

communautés d’oiseaux agricoles via une augmentation de la similarité de celles-ci ?

Et, à partie de quel seuil, induit-elle un changement de composition de ces

communautés ? De même, est-ce que l’urbanisation favorise les espèces plus

généralistes et a un impact plus négatif sur les plus spécialistes ?

3) – Est-ce que l’urbanisation induit un changement de diversité fonctionnelle dans

les communautés d’oiseaux agricoles ?

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Partie I A - Spécialisation, intensité des pratiqu es agricoles et simplification du

paysage.

Filippi-Codaccioni, O., Devictor, V., Bas, Y., Clobert, J., Julliard, R. Specialist response to landscape simplification and farming intensity in agricultural landscapes, soumis à Journal of Applied Ecology. L’augmentation de l’intensité des pratiques agricoles et celle de la simplification du paysage sont deux dangers bien connus pour les oiseaux des milieux agricoles. Néanmoins, les effets de ces deux facteurs peuvent différer beaucoup entre ces espèces. Nous proposons ici d’utiliser le concept de spécialiste-généraliste pour estimer quelles espèces sont les plus affectées par ces 2 composantes de l’intensification de l’agriculture. L’intégralité de ce travail est proposée dans les pages suivantes et s’organise comme suit : Hypothèse : Ces travaux reposent sur l’hypothèse de la plus grande vulnérabilité des espèces spécialistes face à la perturbation de leur habitat. Prédiction : Nous prédisons que les espèces les plus spécialistes seront d’autant moins abondantes que l’intensité des pratiques sera forte. A l’inverse, la simplification de la composition du paysage étant corrélée à la proportion de terre arable, habitat favori des espèces agricoles spécialistes, nous prédisons que celles-ci seront d’autant plus abondantes que la simplification sera importante. Méthode : Ces prédictions sont testées en estimant l’abondance des oiseaux et l’intensité des pratiques dans 58 exploitations en Seine-et-Marne, par la méthode des points d’écoute et en utilisant un questionnaire standardisé. La simplification de la composition du paysage a été estimée à partir de la mesure de la proportion d’arable dans le paysage à 2 échelles, une locale à 200m autour des parcelles et une plus large, à 1000m autour des parcelles. L’abondance des espèces agricoles et non-agricoles a été reliée à ces variables dans un modèle permettant de contrôler par l’auto-corrélation spatiales et de tester l’effet de ces variables ajusté l’une à l’autre. Les réponses des espèces, tirées de ces modèles, ont ensuite été reliées à une mesure continue de spécialisation à l’habitat construite indépendamment, le SSI. Résultats : Les espèces spécialistes agricoles ou non-agricoles étaient plus affectées par l’intensité des pratiques que les espèces généralistes, alors que la simplification du paysage avait un impact positif sur l’abondance des spécialistes agricoles à l’échelle locale. Cet effet s’arrêtait toutefois à plus grande échelle suggérant que la sensibilité des espèces spécialistes à la simplification du paysage est dépendante de l’échelle. Quelques espèces non-agricoles étaient également affectées par l’intensité des pratiques et la simplification du paysage, ce qui suggère que ces espèces bénéficieraient également des mesures visant à la réduction de l’intensité des pratiques agricoles et à l’augmentation de la diversité de l’habitat.

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Partie I A - Spécialisation, intensité des pratiques agricoles et simplification du

paysage.

1. Introduction

L’intensification de l’agriculture ces 30 dernières années est une des causes

principales de déclin des espèces en Europe (Krebs et al. 1999; Donald et al. 2001,

2006; Donald and Gregory 2002). En particulier, Donald et al. (2006) ont montré une

corrélation négative entre les tendances des oiseaux des milieux agricoles et les

indices d’intensité des pratiques agricoles à travers l’Europe (Fig.19.).

Figure 19. Relation entre les tendances moyennes par pays et le rendement de blé pour : a)

toutes les 58 espèces d’oiseaux agricoles (r38 = -0.42, P < 0.01) ; b) les 19 espèces déclinantes

significativement (r38 = -0.66, P < 0.0001). Les cercles remplis représentent l’Europe des 15.

Issu de Donald et al. (2006).

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Afin de déterminer les causes de déclin, de nombreuses études se sont penchées

sur les mécanismes démographiques en focalisant sur une ou plusieurs espèces

agricoles (Potts 1980; Evans 2001; Brickle and Harper 2002; Boatman et al. 2004;

Morris et al. 2005). Seulement peu d’études se sont intéressées au déclin de

différentes espèces au niveau de la communauté et en utilisant des mesures

explicites de traits fonctionnels des espèces (mais voir : Siriwardena et al. 1999;

Verhulst et al. 2007). Pourtant cette approche pourrait être particulièrement utile pour

éclairer les différents mécanismes menant au déclin des populations après une

perturbation (McGill et al. 2006). Par exemple, Schweiger et al. (2007) ont recherché

les effets de l’utilisation des sols sur la richesse fonctionnelle chez des espèces de

syrphidées en les classant en différents groupes fonctionnels. Ils ont trouvé que les

utilisations les plus intensives affectaient plus les spécialistes que les généralistes,

qui restaient inaffectés.

En fait, l’indicateur des oiseaux agricoles qui est maintenant, largement utilisé, est

déjà basé sur le concept de spécialiste-généraliste (Gregory et al. 2005). Cependant,

cet indicateur considère les espèces comme étant ou spécialiste ou généraliste,

malgré l’évident continuum de la spécialisation au sein des espèces (Fridley et al.

2007).

Nous proposons dans cette étude, d’affiner cette approche en considérant une

mesure continue de spécialisation à l’habitat (le SSI) proposé par Julliard et al.

(2006) (Annexe 2), qui permet de ranger les espèces le long d’un gradient de

spécialisation. Nous avons aussi considéré le pool entier des espèces rencontrées

dans le milieu agricoles plutôt que de focaliser sur les espèces les plus spécialisées.

En plus des pratiques agricoles intensives, qui sont présentes à l’échelle du

champ, la perte d’habitat non-agricole et la simplification du paysage (Fig.20) avec la

proportion accrue de terres arables, sont d’autres dangers pour la biodiversité (Pain

and Pienkowski 1997; Sutherland 2002; Kleijn and Sutherland 2003). Dans les

paysages à dominance agricole, l’hétérogénéité du paysage et les pratiques

agricoles sont aussi connues pour être des facteurs clefs influant sur la composition

des communautés (Roschewitz et al. 2005; Schmidt et al. 2005; Duelli et al. 1997;

Devictor and Jiguet 2007; Schweiger et al. 2007).

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Cependant, on en connaît peu sur l’effet relatif de la gestion à l’échelle locale ou

du paysage sur la biodiversité dans les paysages agricoles (Tscharntke et al. 2005).

De plus, malgré la récente explosion des papiers incorporant les problèmes

d’échelles dans les analyses portant sur l’impact de l’intensification de l’agriculture

sur la biodiversité locale (Gabriel et al. 2005; Purtauf et al. 2005; Roschewitz et al.

2005; Schmidt et al. 2005; Schweiger et al. 2005; Batáry et al. 2007; Holzschuh et

al. 2007), très peu ont recherché les effets différentiels de ces échelles en fonction

du degré de spécialisation de l’espèce.

Prédictions : Nous nous attendons à ce que toutes les espèces n’aient pas la

même sensibilité vis-à-vis de la simplification de l’habitat. Comme l’augmentation de

la proportion de terres arables dans le paysage est liée à la simplification du paysage

(Pain and Pienkowski 1997), on peut penser que les espèces spécialistes du milieu

agricole seront plus favorisées par la simplification que les espèces généralistes. En

effet, comme ces dernières utilisent divers types d’habitats dans la matrice, elles

devraient être plus affectées par la diversité limitée des patchs que les spécialistes

qui sont plus dépendants d’un ou quelques types d’habitat (Krauss et al. 2003). De

plus, les espèces généralistes peuvent obtenir des ressources de différents milieux

et donc, en conséquence, être plus compétitives dans les paysages hétérogènes que

les spécialistes qui se nourrissent seulement dans des catégories d’habitat

restreintes (Julliard et al. 2006).

Dans cette étude, nous proposons de tester la prédiction que les espèces

spécialistes sont affectées différemment des espèces généralistes par l’intensité des

pratiques agricoles et la simplification du paysage (étudiées ensembles) en utilisant

une mesure continue de la spécialisation des espèces. Nous avons testé cette

Figure 20. Exemple de simplification du paysage.

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7.5 km

hypothèse dans 58 exploitations différant par leur intensité de gestion et leur

structure paysagère. Nous nous attendons donc à ce que plus l’espèce est

spécialiste, moins abondante elle est dans les parcelles gérées intensivement et

l’inverse dans les paysages hautement simplifiés.

2. Méthodologie

Cette méthodologie sera également valable pour l’étude sur la problématique 4

(Spécialisation, régime alimentaire, agriculture biologique, conventionnelle et labour

de conservation) et le lecteur pourra donc s’y référer.

2.1. Le site d’étude

L’étude s’est déroulée du 1ier Avril au 15 juin pendant 2 années (2006 et 2007)

dans 58 exploitations de Seine-et-Marne (France) avec 1 à 6 parcelles prises comme

reliquats, par exploitation, donnant un total de 142 parcelles (Fig.21).

Figure 21. Emplacement des 58 exploitations suivies en Seine-et-Marne. Chaque chiffre

représente le nombre de parcelles suivies à l’intérieur d’une exploitation.

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Le nombre de champs suivis à l’intérieur des 58 exploitations dépendait de l’aire

de celle-ci et de la disponibilité en céréales. En effet, pour des raisons

d’homogénéité, nous nous sommes restreints aux parcelles de céréales (Blé d’hiver,

orge de printemps et d’hiver). Notre échantillon était composé de différents niveau

d’intensité de pratiques avec 12 exploitations en agriculture biologique (31 parcelles)

(sans pesticides ni fertilisant inorganique utilisés) et 46 exploitations conventionnelles

(11 parcelles) gérées de façon plus ou moins intensive, en utilisant des fertilisants

inorganiques et des pesticides.

2.1.2. Les indicateurs d’intensité des pratiques

L’information sur l’intensité de production agricole a été obtenue pour les 58

exploitations en utilisant un questionnaire standardisé. La taille moyenne de

l’exploitation et des parcelles sont de 162.47 ± 76.49ha et 11.49 ± 7.48ha,

respectivement. Les indicateurs d’intensité : azote chimique, longueur de rotation,

nombre d’applications de pesticide sur le blé et rendements de blé ont été notés. Le

blé d’hiver est la culture principale sur toutes les exploitations (couvrant la plus

grande surface) et son rendement à l’échelle de l’exploitation était hautement corrélé

aux rendements des autres cultures (R2 = 63% et 67% pour l’orge d’hiver et de

printemps, respectivement). Nous avons donc estimé que toutes les céréales étaient

cultivées avec la même intensité.

Le nombre d’applications de pesticide sur le blé a été retenu comme indicateur

pour l’intensité des pratiques. En effet, cette variable reflète à la fois la proportion

d’intrants dans le champ (pour augmenter la productivité) et la perturbation causée

par les sessions de pulvérisation avec le tracteur. Cet indice est corrélé aux autres

mesures d’intensité (Tableau 1).

Tableau 1. Résumé statistique des variables d’intensité des pratiques et leurs corrélations

avec le nombre d’applications de pesticides pour les 58 exploitations de l’étude. Le

coefficient de corrélation de Pearson est présenté.

Wheat yield (100Kg/ha) Fertilization (KgN/ha) Rotation length Mean ± SD 73.52 ± 18.18 135.35 ± 81.44 5.05 ± 2.28 Range 32-100 0-225 2-11 Pesticide applications 0.83*** 0.79*** -0.45*** df 56 56 56

KgN/ha= quantité d’azote par ha, longueur de la rotation = nombre de culture dans la rotation,

niveau de significativité: ***p<0001

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On peut également noter que cet indice est le plus digne de confiance à cause de

la facilité qu’ont les agriculteurs à l’estimer. Enfin, cet indice a un impact potentiel

direct sur les communautés d’oiseaux comme cela a déjà été montré (Mineau 1988;

Morris et al. 2005). La moyenne des applications était de 3.85 ± 2.70 (min=0;

max=9).

2.1.3. L’indicateur de simplification du paysage

Chaque champ étudié a été digitalisé à partir de photos aériennes en utilisant le

package d’information géographique ArcView 3.2 (ESRI 2000). Les entités

paysagères ont été obtenues grâce au Mode d’Occupation des Sols (MOS) (IAURIF

2003) qui est une base régionale géoréférencée incluant les habitats principaux pour

la région sous forme de polygones continus classifiés selon 83 catégories. La

résolution spatiale est d’1x1m. Les catégories décrivent différents habitats comme le

naturel, l’arable ou le bâti. Une classification plus simple comprenant 9 types

d’habitats a été faite selon leur sens écologique pour les oiseaux (arable, forêt,

entités verticales (haies et arbres isolés), prairie naturelle, jardins, bâti, vergers,

coupes ou clairière, eau). La structure de l’habitat et sa composition ont été calculées

dans un rayon de 200m et de 200m à 1000m autour des parcelles en utilisant

l’extension Patch Analyst sur ArcView 3.2. (McGarigal and Marks 1995; Elkie et al.

1999) (Fig.22).

Figure 22. Méthode d’extraction des variables d’occupation des sols par système

d’information géographique (SIG).

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Nous avons sélectionné la proportion de terre arable (ARABLE) comme mesure

de simplification du paysage autour des champs en raison de sa haute corrélation

négative avec d’autres métriques du paysages comme la proportion de l’habitat non-

cultivé (forêt+entités verticales+prairie naturelle+eau) ou la diversité des habitats

(SDI) (habitat non-cultivé, échelle locale (200 m): r = -0.91, P <0.001; habitat non-

cultivé, échelle paysagère (1000 m): r = -0.93, P <0.001; SDI, échelle locale (200

m): r = -0.77, P <0.001; SDI, échelle paysagère (1000 m): r = -0.38, P <0.001) (Fig.

23).

Dans le but d’avoir une mesure de la simplification du paysage à 2 échelles

(locale et paysagère), nous avons calculé la proportion de terre arable dans les

200m (ARABLE200) et de 200 à 1000m (ARABLE1000) autour des parcelles.

Figure 23. Corrélation entre la proportion d’arable et l’indice de diversité de Shannon (SDI).

AR

AB

LE

(10

00 m

)

SDI (1000 m)

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

1.2

0 0.5 1 1.5 2 2.5

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

1.2

0 0.5 1 1.5 2 2.5

SDI (200 m)

AR

AB

LE

(20

0 m

)

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2.1.4. Les comptages oiseaux

Le comptage des oiseaux a été mené en 2 sessions séparées de 5 semaines

d’intervalle (une avant et une après le 8 mai) afin de couvrir la période du pic

d’activité de la plupart des oiseaux nicheurs. Cinq points d’écoute de cinq minutes

ont été faits autour des 142 parcelles distribuées dans les 58 exploitations. Les

points étaient situés à une distance approximative de 200m du centre du champ et à

une distance suffisante les uns des autres pour éviter les doubles comptages

(Fig.24). Tous les oiseaux vus et entendus à l’intérieur et hors des parcelles ont été

notés pendant les points d’écoute, pour une session donnée, durant les premières

quatre heures après le lever du soleil. Les observations ont été menées par 2

observateurs la première année et par un seul la seconde. En 2006, les visites ont

été attribuées au hasard à chacun des observateurs.

Figure 24. Méthode des points d’écoute utilisée pour estimer l’abondance des oiseaux sur une

parcelle agricole.

L’estimation finale de l’abondance des oiseaux a été le maximum des deux

visites. Dans le but de limiter les contacts avec des oiseaux éloignés, nous avons

seulement considéré les individus contactés dans les 100m. En effet, ceci devrait

réduire l’hétérogénéité dans la détectabilité des espèces, les contacts les plus

distants étant les plus sensibles aux biais de détectabilité induits par l’habitat. La

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majorité des contacts étaient auditifs (majorité de passereaux) ce qui réduit aussi les

biais dus à l’hétérogénéité dans l’ouverture du milieu et dans la visibilité entre points.

Le nombre total d’espèces détectée est de 91 sur les 2 années. Les espèces étant

présentes dans moins de 10% des parcelles ont été retirées des analyses ainsi que

la perdrix grise Perdix perdix et le Faisan de Colchide Phasianus colchicus. En effet,

l’abondance de ces derniers était sûrement biaisée par des lâchers locaux dans des

buts cynégétiques. Les espèces aquatiques telles que le mouette rieuse Larus

ridibunda et le canard colvert Anas platyrhynchos ont aussi été exclus des analyses.

Finalement, les analyses ont porté sur 41 espèces parmi les 91.

2.1.5. Le calcul de l’indice de spécialisation (cf annexe 2)

2.1.6. Les analyses statistiques (cf annexe 5)

Nous avons défini deux groupes d’espèces (agricole et non-agricole). Les

espèces agricoles ont été définies ainsi quand leur abondance était plus importante

dans les habitats agricoles que dans les autres selon les données STOC. Les non-

agricoles étant les autres espèces. Nous avons ainsi 22 espèces non-agricoles et 19

agricoles dans les analyses.

Dans le but de quantifier les effets de l’intensité des pratiques et de la

simplification du paysage ajustées l’une à l’autre, nous avons fait le modèle suivant

pour chaque espèce :

Model1: Abondance de l’espèce=Observateur+Culture+Taille du champ+nb

applications Pesticide+ARABLE200+ARABLE1000

On peut noter que ARABLE et le nombre d’applications de pesticide ne sont pas

corrélés (Coefficient de corrélation de Pearson: ARABLE200: r = 0.06, P = 0.42;

ARABLE1000: r = 0.08, P = 0.30), alors que ARABLE200 et ARABLE1000 sont

corrélés (Coefficient de corrélation de Pearson: r = 0.67, P<0.001).

Nous avons utilisé des modèles de type GLS (Generalized Least Squares) qui

prennent en compte l’autocorrélation spatiale entre les parcelles.

Nous avons ensuite modélisé les réponses des espèces (la pente de la relation

entre abondance des espèces et la simplification du paysage ou l’intensité) tirées du

modèle 1, en fonction du SSI des espèces selon le modèle suivant :

Model2: Réponse de l’espèce ~SSI +T+T:SSI

T désignant si l’espèce est agricole ou pas.

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Variables df F PIntensity

SSI 1, 37 8.712 0.005T 1, 37 0.281 0.600

SSI:T 1, 37 0.663 0.421Local landscape simplification (200m)

SSI 1, 37 8.952 0.005T 1, 37 5.435 0.025

SSI:T 1, 37 4.758 0.036Landscape simplification (1000m)

SSI 1, 37 0.636 0.430T 1, 37 1.070 0.308

SSI:T 1, 37 0.098 0.756

Chaque estimation de la réponse des espèces a été pondérée par l’inverse de sa

variance. Toutes les analyses ont été faites en utilisant le logiciel R.2.5.1 (R

Development Core Team 2007).

3. Résultats

Une relation négative a été trouvée entre les réponses des espèces agricoles et le

SSI (Tableau 3). LE SSI, le statut de l’espèce et l’interaction entre les deux ont un

effet sur les variations d’abondance liées à la simplification du paysage à l’échelle

locale, mais pas à l’échelle du paysage.

Tableau 3. Effet du niveau de spécialisation, du statut de l’espèce et de leur interaction sur

l’abondance des espèces en réponse à l’intensité des pratiques et à la simplification du

paysage (n = 41) ANOVA (Type II) (Modèle 2).

SSI=log(SSI), T= Statut de l’espèce (agricole ou non-agricole), SSI:T = interaction entre SSI

et T

Nous avons trouvé que l’abondance des oiseaux agricoles et non-agricoles les

plus spécialistes diminuait avec l’intensité des pratiques agricoles (F1,17 = 4.19, P =

0.05, r2 = 0.198 ; F1,20 = 5.17, P = 0.03, r2 = 0.205, respectivement) (Fig.25b). Une

relation positive a été trouvée entre la spécialisation des espèces agricoles et la

proportion de terre arable à l’échelle locale (200m) (F1,17 = 10.65, P = 0.004, r2 =

0.385), alors qu’aucune relation significative n’a été trouvée pour les oiseaux non-

agricoles (F1,20 = 2.43, P = 0.13, r2 = 0.108) (Fig.25b). Aucune relation significative

n’a été trouvée entre le SSI des espèces agricoles et non-agricoles et la

simplification du paysage (F1,17 = 0.008, P = 0.92; F1,20 = 0.60, P = 0.44,

respectivement) (Fig.25c).

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Figure 25. Relation entre les réponses des espèces à l’intensité des pratiques agricoles et à la

simplification du paysage et l’indice spécialisation des espèces (SSI).

Res

pons

e to

farm

ing

pra

ctic

es

inte

nsity

R

espo

nse

to lo

cal l

ands

cape

S

impl

ifica

tion

(200

m)

Species Specialization Index

-1.5

-1

-0.5

0

0.5

1

1.5

2

2.5

-1.5 -1 -0.5 0 0.5 1

-3.5

-2.5

-1.5

-0.5

0.5

1.5

2.5

3.5

-1.5 -1 -0.5 0 0.5 1

-0.12

-0.1

-0.08

-0.06

-0.04

-0.02

0

0.02

0.04

0.06

0.08

-1.5 -1 -0.5 0 0.5 1

Res

pons

e la

ndsc

ape

Sim

plifi

catio

n (1

000

m)

Farmland community

Non-Farmland community

a)

b)

c)

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4. Discussion

4.1. Estimation de l’abondance des oiseaux

Notre estimation de l’abondance des oiseaux repose sur 5 répliquats spatiaux situés

sur une parcelle. Les points d’écoute ayant été faits par 2 observateurs, nous avons

pris en compte l’identité de celui-ci dans le premier modèle. L’estimation finale prise

pour l’abondance des oiseaux était le maximum des deux visites. Pourtant, malgré

les précautions prises (effet observateur), l’utilisation des comptages bruts reste mise

en doute. En effet, Royle (2004) et Kery et al. (2005) ont pointé du doigt le nombre

important d’études qui reposent sur les comptages sans un regard explicite envers le

processus sous-jacent de détectabilité qui génère ces comptages. En effet,

l’hétérogénéité des probabilités de détection parmi les espèces, peut être un

problème dans beaucoup de cas parce qu’elle peut induire des biais dans les

estimations d’abondance.

Cependant, nous pensons que dans notre cas, utiliser les comptages simples

sans tenir compte des probabilités de détection n’affecterait pas nos résultats. En

effet, pour avoir un effet biaisé, les densités de spécialistes et généralistes devraient

être sous-estimées et surestimées chaque fois que soit les doses de pesticides ou la

simplification de l’habitat aient été forte ou faible, respectivement. Cependant, il est

possible que la simplification affecte la détectabilité des espèces à travers sa

corrélation positive avec l’ouverture visuelle. Mais, la façon dont nous avons analysé

les données devrait limiter ce biais. En effet, la simplification du paysage testée était

reliée à des zones de 200m et 1000m autour des parcelles et étaient donc bien plus

éloignées que les 100m de rayon pris pour les points d’écoute. Ainsi, nous pensons

que nos résultats ne sont pas biaisés par l’hétérogénéité dans la détectabilité des

espèces.

4.2. Spécialisation et intensité des pratiques agricoles

Plus une espèce était spécialiste plus elle était affectée par l’intensité des

pratiques agricoles, quelque soit la type de l’espèce, ce qui veut dire que leur

abondance était plus basse dans les fermes les plus intensivement exploitées. Nos

résultats sont en accord avec les prédictions théoriques (Owens and Bennet 2000;

Marvier et al. 2004; Julliard et al. 2006) et les résultats d’autres auteurs sur les effets

des changements globaux (Clergeau et al. 2006; Devictor et al. 2007a; Schweiger et

al. 2007). Nos résultats montrent une augmentation de la proportion des

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communautés avec l’augmentation de l’intensité des pratiques agricoles. La

simplification de la diversité fonctionnelle des communautés d’oiseau pourrait

affecter le fonctionnement de l’écosystème agricole dans son ensemble. En effet, les

oiseaux qui sont à la tête de la chaîne alimentaire dans les zones agricoles

pourraient ne plus continuer longtemps à assurer leurs fonctions écologiques, ce qui

pourrait représenter un danger de perturbation des principaux services

écosystèmiques (Sekercioglu 2006).

Par ailleurs, il semble intuitif que les applications de pesticides affectent les

espèces de manière négative. Cependant, la plupart des généralistes semblent

bénéficier de cela. En conséquence, on pourrait émettre l’hypothèse que les espèces

généralistes pourraient bénéficier de la baisse de compétition des espèces

spécialistes qui sont les plus affectés.

Parmi les oiseaux non-agricoles, certaines espèces (les plus spécialistes)

montrent des réponses négatives aux applications de pesticides. Cela suggère que

d’autres espèces que celles habituellement étudiées dans les études sur les oiseaux

agricoles soient aussi affectées par les pratiques culturales. L’importance d’élargir

l’éventail d’espèces aux espèces non-agricoles lors de l’estimation de l’impact de

l’intensification de l’agriculture a déjà été montrée (Devictor et al. 2007b). Nous

suggérons donc, en conséquence que le choix a priori des espèces sensées être

négativement affectées peut conduire à manquer certains processus important en

écologie des communautés.

4.3. Spécialisation et simplification du paysage

Nous avons trouvé que les espèces les plus spécialistes des milieux agricoles

étaient plus abondantes quand le paysage local était plus simplifié. Cette relation

n’était pas vraie pour les espèces non-agricoles. Ce résultat veut dire que plus une

espèce est spécialiste plus son abondance est importante quand l’aire de son habitat

principal augmente localement. Même si cette relation semble évidente, elle a été

l’objet de nombreuses recherches menant à des résultats différents (Jonsen and

Fahrig 1997; Connor et al. 2000; Steffan-Dewanter and Tscharntke 2000).

Cependant, nous avons trouvé que la relation n’était plus significative à plus large

échelle.

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D’un point de vue de la conservation, cela pourrait vouloir dire que les

communautés d’espèces agricoles ne sont pas sujettes à une homogénéisation

fonctionnelle accrue due à l’augmentation de la proportion de généralistes à cause

de la simplification du paysage. Nous pouvons donc dire que, l’intensification de

l’agriculture à travers son augmentation de la charge en pesticides et la perte en

diversité de son habitat, a des conséquences différentes sur la composition

fonctionnelle des communautés d’oiseaux agricoles.

Comparativement à beaucoup d’étude qui mettent en valeur l’effet négatif de la

simplification du paysage-ou le positif de la diversité du paysage-sur la diversité des

espèces (Purtauf et al. 2005, Roschewitz et al. 2005, Schmidt et al. 2005), nous

avons montré que la simplification du paysage pouvait avoir soit un effet positif soit

aucun effet sur la diversité fonctionnelle selon l’échelle. Augmenter la simplification

de l’habitat local pourrait mener à des communautés plus spécialisées mais plus

pauvres. Ceci ne serait pas une option durable pour les écosystèmes dont la stabilité

augmente avec la richesse spécifique et la diversité fonctionnelle (Tilman 1996, Diaz

and Cabido 2001). En conséquence, un bon équilibre entre homogénéité de l’habitat

local et hétérogénéité devrait être trouvé dans le but de maintenir à la fois la diversité

des espèces et de leurs fonctions. De plus, il est possible que les populations non

agricoles environnantes soient en danger face à la simplification du paysage à cause

de la proportion très importante de réponses négatives vis-à-vis de cette

perturbation, ce qui aurait également un effet déstabilisant pour l’écosystème.

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Partie I B- Urbanisation et homogénéisation taxono mique et fonctionnelle des

communautés d’oiseaux agricoles.

Filippi-Codaccioni, O., Devictor, V., Clobert, J., Julliard, R. Age and intensity of urbanization effects on farmland bird communities. Biological Conservation.

Le développement urbain est un phénomène qui se produit dans le monde entier et est considéré aujourd’hui comme une perturbation à large échelle pour les écosystèmes. En conséquence de ce développement, le territoire urbain remplace d’autres habitats comme les terres agricoles. Comme les communautés biotiques agricoles sont déjà déclinantes du fait des pratiques agricoles elles-mêmes, il semble nécessaire d’estimer l’impact de d’autres pressions comme l’urbanisation, sur celles-ci. L’intégralité de ce travail est proposée dans les pages suivantes et s’organise comme suit : Hypothèse : l’hypothèse de ces travaux repose sur la plus grande vulnérabilité des espèces spécialistes face à la perturbation de leur habitat d’une part, et sur l’effet homogénéisant de l’urbanisation sur les communautés biotiques adjacentes au milieu urbain, d’autre part. Prédiction : Nous prédisons que les espèces les plus spécialistes seront d’autant moins abondantes que l’urbanisation sera forte, de même que la composition des communautés agricoles sera plus similaire dans les milieux les plus urbanisés. Méthode : Ces prédictions sont testées en estimant l’abondance des oiseaux par la méthode des points d’écoute dans 92 carrés de 1km de côté en Seine-et-Marne, différant par leur proportion d’urbain sur le milieu agricole (0, 25, 50, 75%) et l’âge du bâti. L’abondance des espèces agricoles et non-agricoles a été reliée à ces variables dans un modèle permettant de tester l’effet de ces variables ajusté l’une à l’autre. Les réponses des espèces, tirées de ces modèles, ont ensuite été reliées à une mesure continue de spécialisation à l’habitat construite indépendamment, le SSI. La similarité des communautés agricoles et non-agricole a été comparée entre les carrés plus ou moins urbanisés. Résultats : Les espèces spécialistes agricoles étaient plus affectées par l’intensité de l’urbanisation que les espèces généralistes. Les carrés les plus urbanisés et les plus récemment urbanisés abritaient les communautés les plus similaires entres elles. Une grande différence dans la composition des communautés agricoles a été trouvée entre 25% et 0% d’urbain alors qu’aucune différence n’a été trouvée entre 50 et 75%. Nos résultats suggèrent que pour maintenir les communautés d’oiseaux agricoles, il vaut mieux ajouter de l’habitat urbain où il existe déjà plutôt que de le répartir en petits lots à travers le paysage.

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Partie I B- Urbanisation et homogénéisation taxonomique et fonctionnelle des

communautés d’oiseaux agricoles.

1. Introduction

Parmi les perturbations touchant de larges échelles connues pour affecter les

communautés biotiques, l’urbanisation est considérée comme la plus sévère et sévit

dans le monde entier (Vitousek et al., 1997; Pauchard et al., 2006). Une des

conséquences de l’urbanisation est le remplacement de nombreux habitats par des

milieux bâtis et des infrastructures reliées au développement des hommes (ex :

routes, voies de chemin de fer, jardins).

Deux approches sont généralement utilisées pour étudier l’impact de

l’urbanisation sur les communautés végétales et animales. La première porte sur les

changements de composition des communautés, la richesse spécifique et la diversité

le long d’un gradient d’urbanisation (Blair and Launer, 1997; Ishitani et al., 2002;

Clergeau et al., 2006). La seconde focalise sur les habitats originels qui sont

entourés par différents niveaux d’urbanisation (Collinge et al., 2003; Sadler et al.,

2006, Scott, 2006, Veech, 2006). Les études utilisant la première approche ont

généralement conclu que i) l’abondance des espèces, la diversité fonctionnelle et

l’evenness déclinaient avec une urbanisation croissante, et ii) que l’homogénéisation

fonctionnelle et taxonomique augmentait le long de ce gradient du fait de la plus

grande proportion des mêmes espèces réussissant dans les villes. Les études

utilisant le seconde approche, ont démontré le rôle de plusieurs facteurs expliquant

les conséquences de l’urbanisation. Par exemple, une plus longue hydropériode des

zones humides urbaines explique la perte d’espèces spécialistes d’amphibiens

(Rubbo and Kiesecker, 2005), l’irrigation et les écoulements en milieu urbain

expliquent également l’effet direct amplifié des invasions de la fourmi d’Argentine

dans les environnements naturels (Holway and Suarez, 2006). Enfin, les

constructions et la densité de routes expliquent les changements de composition des

assemblages de poissons et une homogénéisation biotique de ces communautés.

Malgré le fait que certaines études aient démontré l’importance du facteur temps

sur la composition présente des communautés, très peu encore tiennent

explicitement compte de l’effet temporel de l’urbanisation (mais voir, Harding, 1998,

Scott, 2006). En effet, l’urbanisation est généralement étudiée dans sa dimension

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spatiale à travers la proportion de territoire urbain ou la densité de population

(Collinge, 2003, Rubbo and Kiesecker, 2005). Cependant, cela semble intéressant

de rechercher l’importance de l’âge de l’urbain sur la composition présente des

communautés en même temps que celle de son intensité. Les recherches sur l’effet

de l’âge de l’urbain peuvent aussi révéler des processus dynamiques de

colonisation.

Dans cette étude, nous nous sommes concentrés sur les communautés d’oiseaux

agricoles. A notre connaissance, aucune étude n’a été menée sur l’impact de

l’urbanisation sur ces communautés bien que celle-ci affecte de manière

disproportionnée le milieu agricole par rapport aux autres habitats (Mason, 2006).

La nécessité croissante de pallier au manque de logement, principalement autour

des grandes villes, entraîne une conversion massive des zones agricoles en habitat

urbain (Mason, 2006). La population mondiale augmentant, il semble évident que ce

mécanisme n’est pas prêt de s’enrailler et touchera la planète entière. De plus, c’est

déjà un fait que les populations humaines habitent les habitats suburbains richement

cultivés avec une diversité florale et animale relativement importante sans avoir

conscience de l’appauvrissement global causé par l’urbanisation (McKinney, 2006).

Comme le destin des oiseaux agricoles est déjà lui-même compromis, comme en

témoigne le déclin massif des populations ces dernières années (Donald et al., 2001,

2006), rechercher les autres perturbations, comme l’urbanisation, pouvant affecter

ces communautés pourrait être d’un grand intérêt pour leur conservation.

Dans cette étude, nous nous posons trois questions : i) est-ce que l’urbanisation

induit un changement dans la diversité et la composition des communautés

d’oiseaux agricoles, ii) quel aspect de l’urbanisation (l’intensité ou l’âge) influence

l’homogénéisation fonctionnelle ou taxonomique des communautés d’oiseaux

agricoles, iii) A partir de quel seuil d’urbanisation la composition des communautés

d’oiseaux agricole change-t-elle ?

La vulnérabilité des espèces spécialistes se base sur cette hypothèse générale :

comme les espèces généralistes utilisent plusieurs types d’habitats dans la matrice,

ils devraient être moins affectés par la dégradation de l’habitat que les espèces

spécialistes, qui dépendent, elles, d’un seul ou de quelques habitats (Krauss et al.,

2003). En conséquence, nous prédisons que les oiseaux les plus spécialistes

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devraient être affectés plus négativement que les généralistes par l’intensité de

l’urbanisation. Ces prédictions théoriques ont également été supportées par des

travaux empiriques montrant que les espèces spécialistes étaient plus négativement

affectées par les changements d’utilisation des sols (Devictor et al., 2007; Schweiger

et al., 2007).

Concernant l’âge de l’urbain, on peut prédire que l’abondance des espèces

généralistes sera plus importante dans les zones les plus récemment urbanisées, à

l’inverse de celle des spécialistes. En effet, les espèces généralistes sont connues

pour avoir de meilleures capacités de colonisation et pour mieux supporter les

perturbations (Devictor et al., 2008a). En conséquence, nous prédisons que

l’abondance des généralistes sera plus importante parmi les carrés les plus

urbanisés de même que dans les plus récents, alors que l’inverse est prédit pour les

espèces spécialistes.

2. Méthodes

2.1. Site d’étude et stratégie d’échantillonnage

Cette étude s’est déroulée du 1ier Avril au 15 juin 2007 dans le département de la

Seine-et-Marne (France). Nous avons d’abord divisé le territoire (5915 km2) en

carrés de 1km de côté et calculé pour chacun la proportion de 3 habitats principaux :

urbain, agricole et naturel, en utilisant le package d’information géographique

ArcView 3.2 (ESRI, 2000) (Annexe 4).

Les éléments du paysages ont été obtenus grâce à la base de donnée sur le

mode d’occupation des sols (MOS) (IAURIF, 2003), qui est géoréférencée et

représente les principaux habitats en polygones continus classés en 83 catégories.

Chaque polygone a été classé dans les 3 catégories d’habitats cité ci-dessus.

L’habitat urbain a été défini comme regroupant toute les zones artificielles (e.g.

zones construites, routes et rails). L’habitat agricole regroupe les terres arables, les

vergers et pépinières alors que l’habitat naturel inclue les zones forestières, les

marais et autre zones de jachère et friche. Quatre-vingt-douze carrés ont été choisis

pour représenter un gradient urbain-agricole avec une proportion croissante de

l’urbain : 0% (n=30), 25% (n=30), 50% (n=17) and 75% (n=15) (Fig.26). Une part

variée mais négligeable d’habitat naturel reste dans les carrés (Tableau 2). La

proportion d’habitat urbain sera nommée ci-après URBAN.

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Figure 26. Emplacement des 92 carrés de 1km de côté sur le territoire de la Seine-et-Marne.

Ils représentent un gradient urbain-agricole avec une proportion croissante de l’urbain : 0%

(n=30), 25% (n=30), 50% (n=17) and 75% (n=15).

2.2. L’âge de l’urbanisation

L’âge de l’urbain dans le paysage a été estimé en utilisant la base de donnée

EVOLUMOS (IAURIF, 2003). Cette base de donnée est similaire à celle du MOS

mais décrit les changements d’utilisation des sols pour chaque polygone pour les

années suivantes (1982, 1987, 1990, 1994, 1999 and 2003). Nous avons calculé

l’âge de l’urbain pour chaque polygone étudié. Nous avons alors pris pour mesure de

l’âge de chaque carré, la moyenne de l’âge de tous les polygones du carré pondérée

par leur surface. Ce calcul n’est pas possible pour les 30 carrés ne comprenant pas

de zone urbaine. Nous avons utilisé cette variable dans les modèles de régression

afin de déterminer l’effet de l’âge de l’urbain sur la richesse spécifique des

communautés d’oiseaux agricoles, de même que sur leur similarité fonctionnelle et

taxonomique.

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2.3. L’indice de spécialisation des espèces (cf annexe 2)

2.4. Estimation de l’abondance des oiseaux

Nous avons échantillonné les oiseaux par la méthode des points d’écoute. Cinq

points d’écoute ont été effectués dans chaque carré de 1km de côté. Dans chacun

chaque oiseau vu et entendu a été noté pendant cinq minutes exactement (cf Partie

I-A-2-4) pour la méthodologie des points d’écoute).

Comme notre but était d’échantillonner les communautés d’oiseaux agricoles

dans des paysages plus ou moins urbanisés, les points d’écoute ont été localisés

dans l’habitat agricole à l’intérieur des carrés définis antérieurement (Fig.27). Les

points étaient situés de 50 à 1000m de distance des zones bâties, mais il n’y a pas

différence entre ces distances parmi les classes d’urbanisation (URBAN) (distance =

422.22 ± 309.48, F3,454 = 0.53, P = 0.66).

Figure 27. Protocole d’échantillonnage des abondances d’oiseaux.

La région est dominée par un type de paysage agricole, l’openfield, avec

quelques rares prairies de petite taille. Le type d’agriculture dominant a été décrit à

chaque point d’écoute parmi une liste de six types (prairie cultivée, prairie non-

cultivée, agricole mixte, openfield, culture permanente, et autres types de cultures).

Parmi les points étudiés, seulement deux types d’agriculture ont été rencontrés

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(agricole mixte (25%) et openfield (75%)) et étaient en proportions similaires parmi

les classes d’urbanisation (F3,88 = 0.12, P = 0.94) (Tableau 2).

Tableau 2. Description des 92 carrés de 1km de côté choisis selon leur proportion d’habitat

urbain/agricole (moyenne ± SE et range).

Classes nb squares %Urban %Farmland %Natural %Culture

0-100 30 0.00 ± 0.00 100.00 ± 0.00 0.00 ± 0.00 Mixt (23%)/BC(77%)

(0-0) (100-100) (0-0)

25-75 30 25.24 ± 8.84 70.47 ± 2.83 4.27 ± 2.67 Mixt (25%)/BC(75%)

(23.62-26.82) (65.40-74.28) (0-9.37)

50-50 17 50.04 ± 1.82 41.56 ± 4.76 8.38 ± 4.40 Mixt (29%)/BC(71%)

(0.46-0.53) (0.31-0.48) (0.20-16.76)

75-25 15 72.98 ± 3.67 19.84 ± 4.98 7.17 ± 4.52 Mixt (22%)/BC(78%)

(64.61-78.22) (13.68-29.82) (0.41-15.64)

Mixt = agricole mixte (prairies et cultures); BC= grande culture caractérisant l’agriculture de

type openfield (céréales, oléagineux, protéagineux et autres).

Le nombre total d’espèces détectées a été de 94. Les espèces aquatiques

telles que la mouette rieuse Larus ridibundus, et le héron cendré Ardea cinerea ont

été exclus des analyses. Les espèces présentes dans moins de 10% des carrés ont

aussi été enlevées des analyses, réduisant le nombre d’espèces à 40.

Cependant, dans le but de voir si les espèces rares suivaient la même

tendance que les espèces communes, nous avons fait quatre groupes à l’intérieur de

ces premiers : les espèces rares spécialistes des milieux agricoles, les espèces

rares généralistes des milieux agricoles, les espèces rares généralistes des milieux

non-agricoles, et les espèces spécialistes rares des milieux non-agricoles. Pour

chaque groupe nous avons calculé le SSI moyen, et ensuite divisé les espèces selon

que leur SSI se situait au-dessus ou au-dessous de la moyenne. Nous avons alors

regroupé les abondances des espèces à l’intérieur des groupes dans le but de tester

si leurs réponses envers l’âge de l’urbanisation et l’intensité de celle-ci suivaient la

prédiction basée sur les espèces communes.

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2.5. Analyses statistiques

Nous avons recherché si l’urbanisation dans le temps et dans l’espace avait un

effet linaire ou quadratique sur la richesse spécifique estimée en prenant en compte

toutes les espèces agricoles et non-agricoles. Les analyses ont été menées sur

toutes les espèces non-aquatiques. Les estimations de la richesse spécifique dans

chaque carré, basée sur les modèles de capture-recapture, ont été obtenues à partir

du programme COMDYN (Hines et al., 1999) en utilisant 5 répliquâts spatiaux. Cette

méthodes tient compte de l’hétérogénéité dans la détectabilité des espèces en

utilisant l’estimateur jackknife (Burnham and Overton, 1979; Boulinier et al., 1998).

Nous avons en premier lieu, effectué les modèles suivants pour chaque espèce :

Model(URBAN): Abundance de l’espèce ~ URBAN

Model(age): Abundance de l’espèce ~ URBAN + AGE

Il faut noter que AGE n’était pas disponible pour les carrés 100% agricoles (0%

urbain) puisqu’il n’y avait pas d’artificiel dans ces carrés. En conséquence, nous

n’avons pas testé les effets de URBAN ajustés à AGE. Il n’y avait pas de corrélation

entre AGE and URBAN (Spearman’s rank correlation test: P = 0.97).

Nous avons utilisés des modèles de type GLS pour vérifier s’il y avait une

structure d’autocorrélation entre les résidus des 2 modèles. Comme seulement 5

espèces sur 40 présentaient un modèle qui décrivait mieux les données en tenant

compte de l’autocorrélation spatiale (modèle URBAN) et seulement 1 sur 40 pour le

modèle (age), nous n’avons pas tenu compte de l’autocorrélation spatiale dans nos

analyses.

Nous avons utilisé des modèles de type GLM qui estiment que les individus

représentent une distribution de type poisson et utilisent une fonction log. Dans un

second temps, nous avons modélisé les différentes réponses des espèces (la pente

de la relation entre l’abondance des espèces et l’âge/l’intensité) tirées des modèles

précédents en fonction de leur SSI selon le modèle suivant :

Model2: réponse de l’espèce~SSI +T+T:SSI, weight = 1/SE2

La réponse des espèces étant l’estimateur issu du premier modèle, SE l’erreur

standard associée et T le type d’espèce (e.g. agricole ou non). En cas de

surdispersion (déviance résiduelle > degrés de liberté résiduels), SE2 a été corrigé

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par le facteur d’inflation de la variance (déviance résiduelle/ degrés de liberté

résiduels) (e.g. Julliard et al. 2004).

Cette approche en deux temps a été utilisée plutôt que de traiter toutes les espèces

dans le même modèle (e.g. GLMM) pour tenir compte proprement de la

surdispersion (e.g. espèces sociales vs espèces territoriales). Si traitées dans le

même modèle, les espèces contribueraient proportionnellement à leur déviance et,

en conséquence, cela donnerait plus de poids aux espèces surdispersées.

Nous avons effectué les recherches sur les similarités taxonomiques des

communautés agricoles et non-agricoles à deux niveaux en utilisant l’indice de

Jaccard : parmi les classes d’urbanisation en utilisant des dbRDA (distance-based

Redundancy Analysis) (Legendre and Legendre, 1998) et à l’intérieur des classes

d’urbanisation en utilisant des within-PCA (Within Principal Coordinate Analysis)

(Bouroche, 1975). L’indice de similarité de Jaccard mesure le pourcentage de

recouvrement dans la composition des espèces entre deux sites (Magguran, 1988).

Dans la dbRDA, des analyses en coordonnées principales (PcoA) sont utilisées pour

extraire les coordonnées principales d’une matrice de distances écologiques

(distance de Jaccard ici). Des analyses de variance ont été effectuées pour tester

ensuite le significativité des variables (âge et intensité de l’urbanisation) sur les

données de similarité.

Une double analyse en coordonnées principales (dpcoa) et un calcul de matrice

de distance ont été utilisées pour calculer les distances (ou dissimilarités) entre les

compositions des communautés vivant sur différents niveaux d’intensité et d’âge

d’urbanisation (Pavoine et al., 2004). Plus les distances entre les communautés sont

faibles plus les communautés sont similaires.

La within-PCA a été utilisée pour étudier l’homogénéité taxonomique des

communautés d’oiseaux. Cette analyse multivariée est basée sur cette égalité : 1/n ∑

(Xi-Xmoy)2 = ∑i∑j1/2n2(Xi-Xj)

2, qui dit que les distances moyennes entre le point moyen

et les points du nuage (i.e. variance) est égale à la distance moyenne entre tout les

points du nuage (espace multivarié)). La within-PCA calcule les distances entre les

centres et les points dans chaque classe d’urbanisation (Fig.28) Il est alors possible

de comparer ces distances entre classes avec une analyse de variance (ANOVAs) et

des tests post-hoc. Quand les données n’étaient pas normalement distribuées, un

test de Kruskal-Wallis était utilisé.

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65

Figure 28. Principe de la Within-PCA et application dans notre étude.

Tous les calculs ont été faits sous R2.5.1. (R Development Core Team 2007) avec

les packages ade4 et vegan (analyses multivariées).

3. Résultats

3.1. Richesse spécifique: Effet de l’intensité et de l’âge de l’urbain.

Aucune relation significative n’a été trouvée entre la richesse spécifique des espèces

agricoles et l’intensité de l’urbain ou son âge (Fig. 29a, 29c). En revanche, la

richesse spécifique des espèces non-agricoles varie en fonction de l’intensité et de

l’âge de l’urbain. Elle est différente entre les carrés de classe 0% et les autres (25%,

50%, 75%) mais reste similaire entre ces dernières classes formant un plateau (Fig.

29b). Elle est également différente entre les classes d’âge, jeune (Y) et moyen (M)

mais pas entre les autres.

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Figure 29. Richesse spécifique estimée des espèces en fonction le l’intensité de l’urbanisation

et de l’âge ; a) et c) pour les espèces agricoles, b) et d) pour les espèces non-agricoles.

3.2. Réponses à l’urbanisation des espèces spécialistes versus généralistes.

L’effet de l’intensité de l’urbanisation dépend du groupe de l’espèce (agricole ou

non), de son niveau de spécialisation et de l’interaction entre ces 2 facteurs alors que

l’effet de l’âge ne dépend que du niveau de spécialisation et de l’interaction entre

groupe et SSI (Tableau 3).

a) b)

c) d)

Proportion of urbanized area (%) Proportion of urbanized area (%)

Est

imat

ed s

peci

es r

ichn

ess

E

stim

ated

spe

cies

ric

hne

ss

0

5

10

15

20

25

30

35

0 5 10 15 20 25 30

0

10

20

30

40

50

60

70

0 5 10 15 20 25 30

0

5

10

15

20

25

30

35

0 20 40 60 800

10

20

30

40

50

60

70

0 20 40 60 80

Urbanization age Urbanization age

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Tableau 3. Effet du niveau de spécialisation, du type d’espèce et de leur interaction sur les

réponses des espèces à l’intensité de l’urbain et à son âge.

Variables df F PProportion of urban area

SSI 1,36 18.686 <0.001T 1,36 4.297 0.045

SSI:T 1,36 10.627 0.002Age of urban area

SSI 1,36 0.843 0.365T 1,36 9.906 0.003

SSI:T 1,36 6.067 0.019

SSI = Species Specialisation Index transformé en log, T = Type d’espèce (agricole ou non-

agricole), SSI:T = l’interaction entre SSI et T.

En moyenne, les espèces agricoles étaient plus négativement affectées que les

non-agricoles. Nous avons trouvé une relation négative significative entre les

réponses des espèces spécialistes agricoles et l’intensité et l’âge de l’urbanisation

alors qu’aucune n’a été trouvée pour les non-agricoles (Fig.30).

3.3. Similarité taxonomique

Nous avons trouvé que l’intensité de l’urbanisation expliquait de manière

significative les variations de similarités entre les communautés d’oiseaux agricoles

(F1,90 = 3.27, P<0.001, inertie expliquée = 10%). Une différence dans la composition

des communautés entre les clases class 0 et les autres a été détectée, alors

qu’aucune différence n’est notée entre les classes 50 et 75% (F1,30 = 0.75, P = 0.81)

(Fig. 31). Une différence significative a également été trouvée dans la composition

des communautés d’espèces agricoles entre les carrés récemment urbanisés et

ceux plus anciens (F1,42 = 2.18, P = 0.002).

Les comparaisons de similarité des communautés à l’intérieur des classes

d’urbanisation indiquent que les communautés (agricoles et non-agricoles) sont plus

similaires entre elles dans les carrés les plus urbanisés que dans ceux moins

urbanisés (Agricole: F3,88 = 125.74, P<0.001; Non-agricole: Kruskal-Wallis chi-

squared = 38.98, P<0.001). Les distances étaient plus grandes entre les classes 0%

qu’entre les classes 50 et 75%.

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Urbanization age Proportion of urbanized area

a) b)

ln(SSI) ln(SSI)

Figure 30. Relation entre les réponses des espèces des 2 communautés (agricole et non-

agricole) à l’âge et à l’intensité de l’urbanisation et l’indice spécialisation (SSI). Les ronds

noirs représentent les réponses groupées des espèces rares généralistes et les triangles noirs,

celles des espèces rares spécialistes.

Nous avons également trouvé que les communautés agricoles et non-agricoles

étaient plus similaires entre elles, entre les carrés les plus récemment urbanisés

qu’entre ceux plus anciennement urbanisés (Agricole: F2,59 = 173.35, P<0.001; Non-

agricole: F2,59 = 106.50, P<0.001).

c) d)

Non

-fa

rmla

nd b

irds’

res

pons

es F

arm

land

bird

s’ r

espo

nse

s

-2

-1.5

-1

-0.5

0

0.5

1

-1.5 -1 -0.5 0 0.5 1

-2

-1.5

-1

-0.5

0

0.5

1

-1.5 -1 -0.5 0 0.5 1

-0.12

-0.1

-0.08

-0.06

-0.04

-0.02

0

0.02

0.04

-1.5 -1 -0.5 0 0.5 1

-0.12

-0.1

-0.08

-0.06

-0.04

-0.02

0

0.02

0.04

-1.5 -1 -0.5 0 0.5 1

c)

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a) b)

4. Discussion

4.1. Effet de l’intensité de l’urbanisation: similarité taxonomique

Nous avons trouvé que plus les carrés étaient urbanisés (en proportion) plus les

communautés d’oiseaux agricoles et non-agricoles étaient similaires entre elles. En

conséquence, l’augmentation de l’urbain semble entrainer une plus grande

homogénéité taxonomique. Ceci est en accord avec les résultats d’autres auteurs

(Holway and Suarez, 2006; Scott, 2006; McKinney, 2002; Blair, 2004; Clergeau et

al., 2006; Devictor et al., 2007). Cette étude est donc une autre preuve de l’effet

homogénéisant de l’urbanisation sur les communautés adjacentes, qui met en

danger la biodiversité (Olden et al. 2004).

Une grande différence dans la composition des communautés agricoles a été

trouvée entre 0 et 25% de territoire urbain. Les communautés dans les classes

d’urbain 25% différaient encore des classes 50 et 75% alors que celles des deux

dernières étaient similaires. Ces résultats sont d’un grand intérêt dans une

perspective d’aménagement du territoire. Ils suggèrent que même à un taux

d’urbanisation relativement bas (25%), la composition des communautés adjacentes

est déjà bien différente de celle de la communauté d’origine non perturbée (0%).

Cela peut aussi vouloir dire que concentrer l’urbanisation plutôt que de la répartir en

Figure 31. Dpcoa (double principal coordinate analysis) des communautés d’oiseaux

agricoles en fonction des 4 classes d’urbanisation (0%, 25%, 50% and 75%) (a) et des 3

classes d’âge d’urbanisation (b). Age moyen des classes d’urbanisation: Y = 14.84 ± 4.28

years, M = 21.86 ± 0.88 years, O = 23.86 ± 0.48 years.

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petits lots pourrait moins nuire aux communautés agricoles. Ces résultats montrent

également que passer d’une intensité faible à une intensité moyenne d’urbain

entraine encore un autre changement de composition des communautés d’oiseaux.

Enfin, le fait que les communautés ne diffèrent pas entre 50% et 75% d’urbain,

implique qu’un seuil a été atteint. Ces résultats suggèrent que l’urbanisation ne peut

pas être vu comme un processus qui accroît de façon linéaire la similarité des

communautés (Jokimäki and Kaisanlahti-Jokimäki, 2003).

4.2. Effet de l’intensité de l’urbanisation: Similarité fonctionnelle

Nous avons montré que les espèces agricoles les plus spécialistes étaient les

moins abondantes dans les carrés les plus urbanisés. Ces résultats sont en accord

avec les prédictions théoriques (Owens and Bennet, 2000; Marvier et al., 2004;

Julliard et al., 2006) et de précédentes études (Rubbo and Kiesecker, 2005; Scott,

2006; Sadler et al., 2006; Devictor et al., 2007). La perte de diversité fonctionnelle

dans les communautés de fourmi, trouvée par Holway and Suarez (2006) confirme

que la spécialisation est un handicap quand l’altération de l’habitat crée de nouvelles

pressions sélectives sur les populations (Scott, 2006). Les espèces généralistes

avec de plus larges ressources trouvent souvent les nouvelles conditions favorables

(Scott and Halfman, 2001).

Les communautés agricoles dans les paysages plus urbanisés sont menacées de

perdre de la diversité fonctionnelle à travers le déclin en espèce spécialistes et

l’augmentation en espèces généralistes. Ce phénomène est un aspect de

l’homogénéisation biotique fonctionnelle qui se produit à l’échelle globale (McKinney

and Lockwood, 1999; Olden et al., 2004; Devictor et al., 2007). Comme les espèces

spécialistes des milieux agricoles sont déjà en plus grand déclin que les espèces

généralistes (Gregory et al., 2005; Donald et al., 2006; Schweiger et al., 2007), il

semblerait que l’urbanisation pourrait renforcer ce déclin.

4.3. Age effect of urbanization

Nous n’avons pas trouvé d’effet significatif de l’âge de l’urbain sur la richesse

spécifique des espèces agricoles alors que le nombre d’espèces non-agricoles s’est

trouvé être plus important entre les carrés d’âge moyen qu’entre ceux plus jeunes.

Nous avons également trouvés que les carrés les plus récemment urbanisés étaient

composés de plus d’espèces agricoles spécialistes que de généralistes. L’inverse

semble se passer pour les non-agricoles, où les carrés les plus anciennement

urbanisés semblent composés de plus d’espèces spécialistes que de généralistes.

Ces relations pourraient révéler une certaine inertie de réponse des espèces

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agricoles spécialistes. En effet, il semble qu’après que la perturbation se soit

produite, les spécialistes agricoles ne disparaissent pas immédiatement mais,

progressivement. Ceci pourrait être du à la réorganisation des communautés via un

processus de compétition. Au contraire, un pattern de colonisation semble apparaitre

pour les espèces spécialistes non-agricoles. En effet, ils semblent s’installer

progressivement après la perturbation. Cependant, nous devons noter que cette

dernière relation entre les réponses des non-agricoles et le SSI n’est pas

significative. La tendance contraire des deux communautés pourrait conforter notre

interprétation d’un effet de compétition entre espèces agricoles et non-agricoles via

leur degré de spécialisation.

Les analyses sur la similarité de composition des communautés indiquent que les

communautés d’oiseaux agricoles étaient plus similaires entre elles dans les carrés

plus récemment urbanisés que dans les plus vieux, ce qui suggère un effet

diversifiant de l’âge de l’urbanisation.

4.4. Effet de l’intensité de l’urbanisation: Richesse spécifique

Nous avons trouvé que la richesse spécifique des espèces agricoles ne variait

pas avec le gradient d’urbanisation. Parmi les études focalisant sur les espèces

vivant dans les habitats adjacents, la plupart ont trouvé une baisse de la richesse

spécifique avec l’urbanisation (oiseaux des prairies: Jones and Bock, 2002;

amphibiens: Rubbo and Kiesecker, 2005; Carabids: Sadler et al., 2006), les autres

ne trouvant soit aucun effet significatif (papillons des prairies: Collinge et al., 2003),

soit des tendances différentes entre pays (Carabidés: Niemelä et al., 2002). La

richesse spécifique des oiseaux non-agricoles augmente de 20% à 25% de

proportion d’urbain pour ensuite rester stable. Ceci soit être du à la quasi-absence

d’espèces urbaines dans les classes 0% et à un plus grand nombre quand le

territoire urbain atteint 25%. Ce plateau est intéressant car il signifie que la diversité

des espèces non-agricoles n’augmente plus après le seuil de 25% d’urbain dans le

paysage.

Ici nous avons seulement focalisé sur deux groupes d’espèces (agricoles et

non-agricoles). Une étude plus détaillée des non-agricoles et une autre méthode

d’échantillonnage pourrait aider à affiner ces résultats. En effet, il semble

vraisemblable que les oiseaux urbains et forestiers ne soient pas affectés de la

même manière par l’urbanisation.

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5. Conclusion

Notre étude illustre un autre danger pour les populations d’oiseaux agricoles déjà

menacées : la pression d’urbanisation. A travers la preuve d’un effet

d’homogénéisation taxonomique et fonctionnelle de l’urbanisation sur les

communautés biotiques adjacentes, nos résultats confirment l’impact négatif du

développement urbain dans l’espace et ajoute des résultats intéressant quant à la

compréhension des effets induits par l’âge de l’urbanisation. Les priorités de

conservation doivent être menées sur les espèces agricoles spécialistes qui sont le

plus affectées par l’urbanisation. Les résultats sur les changements de composition

des communautés agricoles en fonction de différents seuils d’urbanisation, nous

permette de dire que concentrer le bâti plutôt que de l’éparpiller affecterait moins les

communautés d’oiseaux agricoles.

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Partie I C- Urbanisation et diversité fonctionnelle des communa utés d’oiseaux

agricoles.

Filippi-Codaccioni, O., Clobert, J., Julliard, R. Urbanisation effect on the functional diversity of avian agricultural communities. Soumis à Acta Oecologica.

L’urbanisation affecte les communautés biotiques à travers le monde. Cependant, son effet sur les oiseaux des milieux agricoles a très peu été étudié malgré son impact très important sur les habitats agricoles. Considérant le statut déjà alarmant des espèces d’oiseaux agricoles, des recherches sur l’impact d’autres pressions comme l’urbanisation sur ces communautés semblent d’un grand intérêt pour leur conservation. De nombreuses études mettent aujourd’hui en avant l’importance primordiale de la diversité fonctionnelle quant au fonctionnement des communautés et des écosystèmes. De plus, les études sur l’impact de l’urbanisation utilisant des indices écologiques classiques, ont donné des résultats plus homogènes que ceux liés à des aspects fonctionnels. C’est pourquoi nous avons choisi d’étudier les effets de l’urbanisation sur la diversité fonctionnelle des communautés d’oiseaux agricoles en utilisant des indices bâtis dans un but de standardisation.

Hypothèse : l’hypothèse de ces travaux repose sur la plus grande vulnérabilité des espèces spécialistes face à la perturbation de leur habitat par rapport aux espèces généralistes et donc, sur les vraisemblables variations de proportion de ces espèces dans les communautés agricoles adjacentes au milieu urbain en réponse à des différents niveaux d’intensité de l’urbanisation. Prédiction : Nous prédisons que la diversité fonctionnelle (FD) des communautés d’oiseaux agricoles diminue avec l’urbanisation. Dans le détail des trois indices utilisés pour décrire FD, nous pensons que la richesse fonctionnelle diminue avec l’urbanisation, du fait de la disparition des espèces spécialistes avec l’urbanisation, que l’evenness fonctionnelle décroît également, du fait de la plus grande abondance d’espèce dominantes le long du gradient d’urbanisation, et que la divergence fonctionnelle augmente, du fait d’une plus forte sélection pour les traits extrêmes. Des variations de ces indices sont également prévues par rapport à l’âge de l’urbain, du fait d’événement d’extinction et de colonisation différents entre spécialistes et généralistes. Méthode : Ces prédictions sont testées en utilisant un indice continu de spécialisation à l’habitat comme caractère fonctionnel pour le calcul des indices de FD, le SSI. Les données utilisées sont celles issues du protocole de la partie I-B sur les 92 carrés de 1km de côté en Seine-et-Marne stratifiés selon la proportion d’urbain sur le milieu agricole. Les trois indices de FD ont été comparés entre les différents niveaux d’intensité et d’âge de l’urbanisation. Résultats : La richesse fonctionnelle diminuait avec l’urbanisation alors que l’evenness et la divergence fonctionnelle augmentait d’une manière non-linéaire le long du gradient. Aucune différence n’a été observée concernant la richesse fonctionnelle et l’evenness en fonction de l’âge de l’urbain alors que les âges extrêmes (jeunes et vieux) présentaient la plus grande différenciation de niche concernant la spécialisation et en conséquence, la compétition la moins importante pour les ressources et l’état le plus vulnérable pour les écosystèmes. Un tel usage des indices de diversité fonctionnelle basé sur la spécialisation comme caractère

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fonctionnel a permis une meilleure vision des conséquences de l’urbanisation sur le fonctionnement des relations diversité/écosystèmes-communautés, ce qui est d’un grand intérêt face à la menace des changements globaux.

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Partie I C- Urbanisation et diversité fonctionnelle des communautés d’oiseaux

agricoles.

1. Introduction

A notre connaissance aucune étude n’a porté sur l’impact de l’urbanisation sur les

communautés d’oiseaux agricoles même si cette perturbation touche de manière

disproportionnée le milieu agricole par rapport aux autres (Mason, 2006). Le besoin

croissant de compenser le manque futur de logements, principalement autour des

grandes villes, entraîne une conversion massive des territoires agricoles en habitats

urbains (Mason, 2006). Comme le sort des oiseaux agricoles est déjà menacé

d’après le déclin massif des populations durant les 30 dernières années (Donald et

al., 2001), rechercher si d’autres pressions peuvent les affecter, comme

l’urbanisation, pourrait être d’un grand intérêt pour leur conservation. C’est pourquoi

nous nous sommes concentrés sur les communautés d’oiseaux agricoles dans cette

étude.

Comme étant un des dangers majeurs de notre ère, l’impact de l’urbanisation sur

les communautés biotiques a été le sujet de nombreuse études (Blair and Launer

1997; Clergeau et al. 2006, Collinge et al. 2003; Sadler et al. 2006, Scott 2006,

Veech 2006). Une des principales conséquences de l’urbanisation est

l’homogénéisation biotique qui est capable de causer des impacts négatifs de type

génétiques, fonctionnels et évolutifs sur les communautés (Olden et al. 2004).

Beaucoup d’études rapportent la preuve de changement de composition des

communautés, de la richesse spécifique et de la diversité le long de gradient urbains

(Blair and Launer 1997; Haire et al. 2000; Germaine and Wakeling 2001; McKinney

2002; Collinge et al. 2003; Jokimäki and Kaisanlahti-Jokimäki 2003; Rubbo and

Kiesecker 2005; Clergeau et al. 2006; Holway and Suarez 2006; Mason 2006; Veech

2006), alors que celles rapportant des preuves de changements de diversité

fonctionnelle ou d’homogénéisation focntionnelle sont moins nombreuses (mais voir :

Kitahara et al. 2000; Rubbo and Kiesecker 2005; Holway and Suarez 2006; Scott

2006; Devictor et al. 2007). Dans ces dernières études, les auteurs voulant étudier

les changements de diversité fonctionnelles (Kitahara et al. 2000; Scott 2006;

Devictor et al. 2007) se réfèrent souvent au concept de spécialiste-généraliste ou au

concept de guilde d’espèces. Ceci a pour conséquence que différentes preuves de

changements de diversité fonctionnelle ont été apportées, mais de façon plus

hétérogène que quand il s’agit de tester l’homogénéisation taxonomique avec des

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indices plus connus et plus utilisés tels que les indices de Jaccard ou de Sorensen.

Comme il a été dit par de nombreux auteurs, cela pourrait être du au manque

d’indices de diversité fonctionnelle (Petchey and Gaston 2002; Fonseca and Ganade

2001; Von Euler and Svensson 2001; Mason et al. 2003, 2005; Mouillot et al. 2005).

Même si la diversité fonctionnelle a été identifiée comme une mesure-clef dans la

compréhension du fonctionnement des écosystèmes et des communautés, sa nature

et sa mesure sont encore peu compris, et ceci dû au manque d’une définition

appropriée (Mouillot et al., 2005).

Mouillot et al (2005) et Mason et al. (2005) ont proposé 3 indices comme

composants principaux de la diversité fonctionnelle, qui sont basés sur la définition

existante de la diversité spécifique. Comme cette dernière peut se scinder en

richesse spécifique et evenness, la diversité fonctionnelle peut être décomposée en

richesse fonctionnelle et evenness fonctionnelle. A ces indices, Mason et al. (2005)

ont ajouté la divergence fonctionnelle, amenant à la définition suivante de la diversité

fonctionnelle: La distribution de l’abondance des espèces d’une communauté dans

l’espace de niche, incluant :

a) La proportion d’espace de niche rempli par une espèce dans la communauté

(richesse fonctionnelle)

b) l’evenness de la distribution de l’abondance dans l’espace rempli (evenness

fonctionnelle) et

c) le degré auquel la distribution d’abondance dans l’espace de niche, maximise la

divergence dans les caractères fonctionnels à l’intérieur de la communauté

(divergence fonctionnelle).

Cette dernière approche a l’avantage d’être théoriquement supérieure à celle plus

communément utilisée des groupes fonctionnels, car elle mesure la diversité sur une

échelle continue, évitant la perte d’information (Fonseca and Ganade 2001; Mason et

al. 2005). Cette dernière approche répond également à la proposition d’Olden et al.

(2004) de mesurer l’homogénéisation fonctionnelle avec la fréquence de distribution

des traits dans une communauté. Comme de nombreux mécanismes proposés

derrière les relations diversité/ fonction des écosystèmes-communautés sont basées

sur les patterns de distribution des espèces dans l’espace de niche/fonctionnel, cette

approche permet de faire le lien entre les théories de complémentarité, redondance

écologique et niche fonctionnelle (Walker et al. 1992; Tilman et al. 2001; Rosenfeld

2002).

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Une autre théorie qui pourrait être facilement reliée à ces dernières est celle de la

niche écologique (Hutchinson 1957; Futuyama and Moreno 1998; Kassen 2002). En

effet, Rosenfeld (2002) a pris la niche hutchinsonnienne comme référence pour

définir la niche fonctionnelle. La théorie écologique dit que les différences de largeur

de niche parmi les espèces sont le résultat d’un compromis évolutif entre la capacité

à exploiter un panel de ressources et l’efficacité à utiliser chacune (l’hypothèse du

“Jack-of-all-trades is the master of none”, McArthur 1972; Levins 1962; Futuyama

and Moreno 1998; van tienderen 1991). Comme revu par Julliard et al. (2006), un tel

compromis peut être associé à différents traits d’histoire de vie : les espèces

spécialistes sont censées avoir des capacités de dispersion plus faible (Brouat et al.

2004), sont plus fortement régulés par la compétition intra-spécifique (Dall and Cuthill

1997), et sont moins capable de supporter la stochasticité environnementale (Sol et

al., 2002) que les espèces généralistes. En conséquence, la façon dont les

communautés fonctionnent est très vraisemblablement influencée par la proportion

relative d’espèces spécialistes et généralistes (Julliard et al. 2006).

C’est pourquoi nous avons choisi d’utiliser la spécialisation comme caractère

fonctionnel pour étudier les différences de diversité fonctionnelle le long du gradient

d’intensité et d’âge d’urbanisation en utilisant les trois indices de Mason et al. (2005).

Prédictions: Comme certaines études ont montré une perte d’espèces spécialistes

le long du gradient d’urbanisation (Kitahara et al. 2000; Rubbo and Kiesecker 2005;

Scott 2006; Devictor et al. 2007), nous prédisons une baisse de la richesse

fonctionnelle avec l’urbanisation. Ces études rapportent également une abondance

plus grande des espèces dominantes le long du gradient d’urbanisation, de telle

sorte que l’evenness fonctionnelle pourrait décroitre également. Habituellement, les

conditions extrêmes de perturbation augmentent la sélection naturelle sur les traits.

En conséquence, il est plus facilement prévisible que la divergence fonctionnelle

augmente avec le niveau d’urbanisation plutôt qu’elle ne décroit. En effet, il est moins

probable que l’abondance d’espèces à des niveaux intermédiaires d’urbanisation

soit favorisée, plutôt que l’inverse.

Les prédictions sur l’effet de l’âge de l’urbanisation sont plus difficiles à faire,

cependant, comme Devictor et al. (2007) ont trouvé un taux d’extinction et de

turnover supérieurs pour les espèces spécialistes que pour les généralistes avec

l’urbanisation, on peut prédire des variations des indices causés par les évènements

d’extinction et de colonisation.

2. Méthodes

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79

Tout le protocole d’échantillonnage, la localisation de l’étude et le calcul des

variables d’âge et d’intensité de l’urbanisation correspondent à ce qui est décrit dans

la méthodologie de la partie I-B.

2.1. Calcul de richesse Fonctionnelle, evenness fonctionnelle et divergence

fonctionnelle.

La mesure de la richesse fonctionnelle dépend de la connaissance de la

distribution de l’abondance de chaque espèce dans l’espace de niche. Si le range

absolu d’un caractère est connu, la quantité d’espace de niche rempli pour le

caractère sera exprimé comme une proportion de celui-ci :

FRci = SFci/ Rc

où FRci = la richesse fonctionnelle du caractère fonctionnel c dans la communauté i,

SFci = L’espace de niche rempli par les espèces à l’intérieur de la communauté i,

Rc = Le range absolu du caractère (Mason et al. 2005).

Comme proposé par Mason et al. (2005), le range absolu peut être pris comme le

range le plus large dans le pool de communautés étudiées, ce qui rendra le calcul

constant au cours de l’étude. C’est ce qui a été fait, ici. Le range absolu était entre la

plus faible et la plus haute valeur de SSI parmi les 40 espèces d’oiseaux agricoles

rencontrés dans les communautés. FR correspond donc au range des valeurs du

trait à l’intérieur de la communauté, standardisé par le range global.

Comme pour la richesse fonctionnelle, la mesure de l’evenness fonctionnelle

requiert la connaissance de la distribution de l’abondance de chaque espèce dans

l’espace de niche. Elle peut être mesurée en divisant l’espace de niche occupé en

plusieurs petites catégories et en appliquant un indice d’evenness (Mason et al.

2005). Cependant, cette méthode induit que des choix subjectifs soient faits. De plus,

la valeur trouvée peut varier avec le nombre de catégories faites. Pour ces raisons,

l’indice d’evenness fonctionnelle choisi est le FRO (l’indice de régularité fonctionnelle

de Mouillot et al. (2005) basé sur l’indice O de Bulla de l’evenness spécifique),

calculé sur des valeurs continues de trait (SSI). Même si FRO ne suit pas

exactement la définition conceptuelle de l’evenness, il donne une approximation très

proche. FRO utilise les valeurs du trait fonctionnel des espèces, pondérées par

l’abondance. Il mesure combien les communautés diffèrent de la régularité

fonctionnelle maximum. La formule utilisée pour FRO et la même que dans Mouillot

et al. (2005) :

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où S est le nombre d’espèces et PEWi,i+1 le pourcentage de différence pondérée

dans les valeurs de trait pour l’espèce i and i+1:

avec

EWi,i+1 = |Ci+1-Ci| / (Ai+1 + Ai)

où Ci et Ai sont respectivement la valeur du trait et l’abondance pour l’espèce i, avec

les espèces rangées par valeur croissantes de Ci.

Une haute divergence fonctionnelle indique un haut degré de différentiation de

niche, et en conséquence une compétition faible pour les ressources (Mason et al.,

2005). Un méthode pour calculer la divergence fonctionnelle a été présentée par

Mason et al. (2003) basée sur l’abondance pondérée par la somme des carrés. Elle

utilise la valeur moyenne du caractère pour chaque espèce de la communauté

(Mason et al., 2005). La divergence fonctionnelle est calculée en utilisant les valeurs

du caractère et les abondances comme proposé par Mason et al. (2005) en suivant

cette formule :

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81

La Figure 32 est proposée pour une meilleure compréhension des indices mais le

lecteur peut aussi se référer à Mason et al. (2005).

Figure 32. Richesse fonctionnelle, evenness fonctionnelle et divergence fonctionnelle. Les histogrammes indiquent l’abondance sommée des espèces présentes dans chaque catégorie de trait fonctionnel.

2.6. Analyses statistiques

FR, FRO et FDvar ont été calculés pour chaque communauté menant à 30 valeurs

de chaque indice pour les communautés agricole avec 0% d’urbain, 30 valeurs pour

les classes de 25%, 17 valeurs pour la classe 50% et 15 valeurs pour la classe 75%.

Les différences de FR, FRO et FDvar entre les classes d’urbanisation ont été testées

par analyse de variance sur des modèles linéaires.

L’effet de l’âge a été testé sur les classes 25, 50 et 75% puisqu’aucune donnée

d’âge n’était disponible pour la classe 0%. Nous avons utilisé le pourcentage

d’urbanisation (URBAN) comme variable contrôle. Pour détecter de potentielles

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82

relations non-linéaires entre le diversité fonctionnelle et les classes d’urbanisation ou

l’âge, nous avons utilisé des modèles de type GAM (Guisan et al. 2002).

3. Résultats

3.1. Effet de l’intensité de l’urbanisation sur la diversité fonctionnelle

Les différentes valeurs des indices sont présentées dans le tableau 3.

Tableau 4. Valeurs moyennes des indices (± SD) de la richesse fonctionnelle (FR), de

l’evenness fonctionnelle (FRO) et de la divergence fonctionnelle (FDvar) pour les 4 catégories

d’urbanisation.

URBAN

"0%" 0.933 ± 0.060 0.290 ± 0.050 0.229 ± 0.083

"25%" 0.879 ± 0.121 0.311 ± 0.047 0.317 ± 0.131

"50%" 0.910 ± 0.082 0.329 ± 0.042 0.292 ± 0.102

"75%" 0.908 ± 0.096 0.322 ± 0.064 0.383 ± 0.132

FRO FR FDvar

Une corrélation négative significative a été trouvée entre FR et la proportion d’urbain

(Rho = -0.23, P = 0.02) alors qu’une relation positive linéaire relie FRO à cette

dernière (F1,90 = 6.45, P = 0.01). Une différence entre classes existe, FRO étant

différent entre la classe 0% et les autres mais pas différent entre les classes 25, 50

et 75%. La classe des 75% d’urbain a un indice FDvar supérieur que dans les autres

classes. Les classes 25% et 50% ont également des valeurs plus importantes que la

classe 0%. FDvar n’est pas différent entre les classes 25% et 50%.

Les variations d’abondance des espèces selon leur SSI sont représentées figure 33.

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83

Figure 33. Variation des abondances moyennes des 40 espèces de la communauté d’oiseaux

agricoles pour les différentes classes d’urbanisation. Le SSI de chaque espèce est pris comme

trait fonctionnel.

Species Specialisation Index (SSI)

URBAN "0"

0.00

5.00

10.00

15.00

20.00

25.00

0.28

10.49

50.58

60.65

40.69

30.70

00.71

10.75

30.84

60.91

01.01

41.14

11.25

11.37

51.46

41.52

41.70

41.89

72.05

72.10

6

URBAN "25"

0.00

5.00

10.00

15.00

20.00

25.00

0.28

10.49

50.58

60.65

40.69

30.70

00.71

10.75

30.84

60.91

01.01

41.14

11.25

11.37

51.46

41.52

41.70

41.89

72.05

72.10

6

URBAN "50"

0.00

5.00

10.00

15.00

20.00

25.00

0.28

10.49

50.58

60.65

40.69

30.70

00.71

10.75

30.84

60.91

01.01

41.14

11.25

11.37

51.46

41.52

41.70

41.89

72.05

72.10

6

URBAN "75"

0.00

5.00

10.00

15.00

20.00

25.00

0.28

10.49

50.58

60.65

40.69

30.70

00.71

10.75

30.84

60.91

01.01

41.14

11.25

11.37

51.46

41.52

41.70

41.89

72.05

72.10

6

Abu

ndan

ce v

aria

tion

s

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84

3.2. Effet de l’âge de l’urbanisation sur la diversité fonctionnelle

Aucun effet de l’âge de l’urbanisation n’a été trouvé ni sur l’indice de richesse

fonctionnelle ni sur celui de l’evenness fonctionnelle des communautés d’oiseaux

agricoles (Kruskal-Wallis chi-squared = 61, P = 0.475, F1,59 = 0.01, P = 0.89,

respectivement). Une relation non-linéaire significative a été trouvée entre FDvar et

l’âge de l’urbanisation (r2adj = 14, 2%, P = 0.01) (Fig.34).

Figure 34. Indice de divergence fonctionnelle (FDvar) en fonction de l’âge de l’urbanisation.

4. Discussion

4.1. Le choix de la spécialisation comme caractère fonctionnel

Le caractère fonctionnel choisi pour étudier les changements de diversité

fonctionnelle induits par l’urbanisation, est la spécialisation de l’espèce. Une des

utilités de la création des indices de diversité fonctionnelle est d’aider à avancer dans

la recherche des relations entre fonctionnement des écosystèmes et diversité (Diaz

and Cabido 2001; Petchey and Gaston 2002; Mason et al. 2005; Mouillot et al.

2005). Cependant, comme il a été résumé par Sekercioglu (2006), les traits

fonctionnels majeurs ayant un impact sur le fonctionnement des écosystèmes sont

liés au régime alimentaire des oiseaux. Néanmoins, même si les effets fonctionnels

d’une espèce sur les processus écologiques sont seulement indirectement

représentés par la niche hutchinsonnienne- et en conséquence par la spécialisation

de l’espèce (Rosenfeld, 2002), ce lien existe, et, comme il a été dit par Rosenfeld

(2002), les effets fonctionnels d’une espèce - l’influence d’un taxon sur des

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85

processus particuliers - sont les conséquences des traits des organismes et de

l’utilisation des ressources. Nous pouvons également rappeler que Fonseca and

Ganade (2001) ont argumenté pour une classification des espèces selon leur

groupes d’espèces en relation avec leurs effets sur le fonctionnement des

communautés et des écosystèmes (Walker 1992; Walker et al. 1999). Or, comme il

est rappelé par Julliard et al. (2006), à la vue des différents traits fonctionnels et des

différentes réponses environnementales fournies par les espèces spécialistes et

généralistes, il est assez vraisemblable que la proportion de ceux-ci dans les

communautés joue un rôle dans le fonctionnement de ces dernières.

Dans cette étude, nous avons fait plus qu’étudier les quantités différentes de

spécialistes et généralistes selon le niveau d’urbanisation, nous avons recherché

quelles étaient les variations d’espace de niche rempli (par les espèces d’une

communauté sur le range absolu de l’indice de spécialisation) par les espèces le

long d’un gradient d’urbanisation, les variations de distribution de l’abondance des

espèces le long du gradient de spécialisation, et la variation du degré de

différentiation de niche (selon la spécialisation) le long d’une urbanisation croissante.

4.2. L’effet de l’urbanisation sur les indices de diversité fonctionnelle

Nous avons trouvé que la richesse fonctionnelle des communautés d’oiseaux

agricoles déclinait avec l’urbanisation. Une plus grande richesse fonctionnelle, si le

caractère fonctionnel représente la sensibilité au changement environnemental – ce

qui est le cas de la spécialisation – permettrait une plus grande variété de réponse

aux conditions environnementales, de façon à ce que la complémentarité de niche

aide les processus écosytémiques à lutter contre les fluctuations environnementales

(i.e. increase ecosystem reliability; Tilman 1996, Doak et al. 1998) (Mason et al.

2005). En conséquence, il semblerait que les communautés d’oiseaux agricoles

soient moins capables d’endurer la stochasticité environnementale quand le niveau

d’urbanisation augmente.

On peut aussi noter que les valeurs de richesse fonctionnelle étaient très hautes.

On peut en conclure qu’il y a des généralistes et des spécialistes dans chaque

communauté le long de l’axe d’urbanisation. Ceci implique qu’il y a très peu de

niches vides.

Nous avons trouvé que l’evenness fonctionnelle augmentait le long du gradient

d’urbanisation. Ce résultat est surprenant parce que nous aurions pu nous attendre

à ce que de hauts niveaux de pression d’urbanisation entraine une diminution de

l’evenness de la distribution des espèces le long du gradient de spécialisation, du fait

du déclin plus important de l’abondance des espèces spécialistes avec l’urbanisation

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(Kitahara et al. 2000; Rubbo and Kiesecker 2005; Devictor et al. 2007) et de la plus

grande abondance des espèces spécialistes due à la possible relaxation de

compétition des spécialistes.

D’un autre côté, le pattern observé pourrait être du au fait que les espèces

spécialistes sont plus abondantes dans les classes à 0% d’urbanisation. En

conséquence, quand l’urbanisation augmente, l’evenness augmente aussi.

Cependant, les différences ont seulement été trouvées entre les classes 0% et 50 et

75%, alors que la courbe se terminait par un plateau. D’après Fonseca et Ganade

(2001), les communautés montrant des indices d’evenness fonctionnel les plus bas,

présenteraient moins de redondance fonctionnelle que les communautés dans

lesquelles les espèces sont distribuées de façon égale parmi les groupes

fonctionnels.

Ces communautés seraient capable d’endurer bien moins d’extinctions d’espèces

au hasard avant de perdre un groupe fonctionnel que les autres, ce qui est tout

particulièrement intéressant d’un point de vue de conservation. Cela pourrait vouloir

dire que les communautés d’oiseaux agricoles face à l’urbanisation pourraient

présenter une meilleure redondance fonctionnelle, mais cette capacité resterait

inchangée entre les classes d’urbanisation. Cependant, on peut noter que une telle

augmentation d’evenness était assez faible (13% d’augmentation depuis la classe

0% à 50% sur les moyennes).

Nous avons trouvé que la divergence fonctionnelle augmentait avec la pression

d’urbanisation, ce qui signifie que l’abondance des espèces devient plus importante

pour des valeurs hautes et basses d’urbanisation quand l’intensité de l’urbanisation

augmente. Ce pattern de distribution des espèces signifie que les communautés

agricoles entourées par un haut niveau d’urbanisation ont seulement des espèces

très spécialistes ou très généralistes, tous les niveaux intermédiaires de

spécialisation étant les plus affectés.

Ce déséquilibre pourrait être une crainte pour la stabilité des écosystèmes et leur

résilience parce qu’il induit une diminution de la redondance écologique ou du

pouvoir de compensation fonctionnel des espèces (Walker et al. 1999). En effet, il a

été suggéré que, même si la majorité des dynamiques de ressource des

écosystèmes dépendait de quelques espèces dominantes, la présence d’espèces

mineures dans chaque type fonctionnel, ayant le même rôle en terme de dynamique

de ressource, mais avec des réponses différentes au climat et aux perturbations –

comme les espèces le long du gradient de spécialisation - peut aussi avoir

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d’importantes implications pour la stabilité des écosystèmes (Grime 1998; Walker et

al. 1999, Diaz and Cabido 2001).

Cependant, une haute divergence fonctionnelle indique un haut degré de

différentiation de niche et en conséquence, une faible compétition pour les

ressources. Ceci pourrait avoir pour conséquence une augmentation de la

fonctionnalité de l’écosystème comme résultat d’une meilleure utilisation des

ressources. Cela semble être le cas pour les écosystèmes agricoles dans les zones

plus urbanisées quand on regarde la divergence fonctionnelle des communautés

d’oiseaux.

4.3. L’effet de l’âge de l’urbanisation sur les indices de diversité fonctionnelle

Nous avons trouvé que les indices de richesse fonctionnelle et d’evenness ne

changeaient pas avec l’âge de l’urbanisation. Devictor et al. (2007) ont trouvé une

plus grande instabilité des espèces spécialistes comparée à celle des espèces

généralistes, avec de plus forts taux d’extinction et de turnover pour une urbanisation

croissante. Ceci pourrait mener à une différence croissante de la distribution

d’abondance des espèces le long du gradient de spécialisation avec l’urbanisation.

La divergence fonctionnelle avait à peu près la même relation avec l’âge de

l’urbain qu’avec l’intensité de l’urbanisation. Comme les espèces spécialistes sont

moins enclines à l’extinction locale suivie de recolonisation (Devictor et al. 2007),

cela pourrait expliquer les variations de la courbe. Les deux phases où la divergence

fonctionnelle augmente semblent apparaitre quand l’urbanisation est récente (0 à 10

ans), et quand elle est plus vieille que 20 ans. Une phase décroissante semble

exister entre 13 et 20 ans. Les phases croissantes pourraient correspondre à une

plus grande différentiation de niche des espèces, due à la disparition progressive des

espèces spécialistes et à la colonisation progressive des espèces généralistes, qui

induirait ce pattern de haute abondance d’espèces à chaque extrémité de l’espace

de niche.

La phase décroissante pourrait correspondre à la création de niche pour les

espèces spécialistes due à la modification de l’environnement avec le temps, menant

les espèces placées au milieu du gradient de spécialisation à s’installer

progressivement. En conséquence, les situations extrêmes (urbanisation vieille et

jeune) induit une plus grande différenciation de niche et, en conséquence, une

compétition pour les ressources moins importantes.

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88

5. Conclusion

Cette étude met en lumière l’impact de l’urbanisation sur la diversité fonctionnelle

des populations d’oiseaux agricoles. Grâce à l’utilisation d’un caractère fonctionnel

qui représente la sensibilité aux changements environnementaux (e.g.

spécialisation), nous avons été capables de discuter des possibles conséquences

des variations de richesse fonctionnelle, d’evenness fonctionnelle et de divergence

fonctionnelle sur la stabilité des écosystèmes.

La richesse fonctionnelle des communautés d’oiseaux agricoles diminue avec des

hauts niveaux d’urbanisation, ce qui peut induire une plus faible capacité des

écosystèmes à supporter les fluctuations environnementales. L’evennes

fonctionnelle s’est trouvée être plus importante à des niveaux important

d’urbanisation comparée au niveau 0, ce qui est surprenant compte tenu de la

littérature qui fait état d’une baisse d’abondance des espèces spécialistes avec

l’urbanisation. Ceci pourrait avoir un impact assez positif sur les communautés

agricoles. La divergence fonctionnelle des communautés d’oiseaux agricoles

augmente avec le niveau d’urbanisation ce qui pourrait diminuer la redondance

fonctionnelle et par là, la stabilité et la résilience de l’écosystème. Cependant, ces

communautés seraient moins compétitives pour les ressources, ce qui améliorerait le

fonctionnement de l’écosystème.

La richesse et l’evenness fonctionnelle restaient stables avec l’âge de

l’urbanisation, alors que les âges extrêmes présentaient une plus grande

différentiation de niche concernant la spécialisation et, en conséquence une moins

importante compétition pour les ressources et un état plus vulnérable pour les

écosystèmes.

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En conclusion de cette première partie , nos résultats montrent que la

spécialisation est une caractéristique qui compte quant à la vulnérabilité des espèces

vis-à-vis de la perturbation de leur habitat, que ce soit par une intensité accrue de

l’usage de celui-ci ou par une perturbation voisine. Plus la perturbation sera

importante, plus l’abondance des espèces spécialistes agricoles sera faible. De

même, plus l’espèce sera spécialiste plus son abondance diminuera avec l’intensité

de la perturbation. Seul un indice continu de spécialisation pouvait nous permettre de

mettre en évidence une telle relation, d’où la supériorité de cette approche par

rapport à celle dichotomique du concept de spécialiste-généraliste.

Nous avons également pu montrer que, plus le niveau d’urbanisation était important

plus les espèces sélectionnées dans les communautés d’oiseaux agricoles et non-

agricoles étaient similaires. Il en était de même quand l’urbanisation était la plus

récente. Alors que la majorité des études a témoigné de l’effet homogénéisant de

l’urbanisation sur les communautés biotiques urbaines, très peu ont montré cet effet

sur les communautés des milieux adjacents. Notre étude est donc intéressante dans

ce contexte car elle permet de rajouter une pierre à l’édifice des preuves qui

témoignent de cet effet-là.

Enfin, les résultats montrant une nette différence de la composition des

communautés agricoles dès 25% d’urbanisation sur le territoire, nous ont permis

d’émettre des conclusions quant aux conséquences négatives d’un aménagement

urbain éparpillé (reflet de la configuration de l’urbain pour ces proportions) sur les

oiseaux. Au vu de l’ensemble des résultats il semblerait que la disparition des

espèces les plus spécialistes soit responsable de ce pattern. Un deuxième effet de

filtre pourrait avoir lieu lors du passage de 25 à 50% d’urbain, les communautés

étant encore différentes, alors qu’un effet seuil semble être atteint à 50% puisque les

communautés agricoles ne diffèrent plus avec une urbanisation plus importante.

Enfin, les résultats de la troisième étude suggèrent que l’urbanisation joue

effectivement un rôle dans la répartition des abondances des espèces spécialistes et

généralistes. Or, comme il est rappelé par Julliard et al. (2006), à la vue des

différents traits fonctionnels et des différentes réponses environnementales fournies

par les espèces spécialistes et généralistes, il est assez vraisemblable que la

proportion de ceux-ci dans les communautés joue un rôle dans le fonctionnement de

ces dernières. Nous avons trouvé que la richesse fonctionnelle des communautés

d’oiseaux agricoles déclinait avec l’urbanisation. Or, une plus grande richesse

fonctionnelle, si le caractère fonctionnel représente la sensibilité au changement

environnemental – ce qui est le cas de la spécialisation – permettrait une plus grande

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variété de réponse aux conditions environnementales, du fait de la complémentarité

des niches (Tilman 1996, Doak et al. 1998) (Mason et al. 2005). En conséquence, il

semblerait que les communautés d’oiseaux agricoles soient moins capables

d’endurer la stochasticité environnementale quand le niveau d’urbanisation

augmente. L’augmentation de la divergence fonctionnelle trouvée avec

l’augmentation de l’urbanisation pourrait signifier que les communautés agricoles

entourées par un haut niveau d’urbanisation abriteraient seulement des espèces très

spécialistes ou très généralistes, tous les niveaux intermédiaires de spécialisation

étant les plus affectés. Ce déséquilibre pourrait être une crainte pour la stabilité des

écosystèmes et leur résilience parce qu’il induirait une diminution de la redondance

écologique ou du pouvoir de compensation fonctionnel des espèces (Walker et al.

1999). En contrepartie, une haute divergence fonctionnelle indique un haut degré de

différentiation de niche et en conséquence, une faible compétition pour les

ressources. Un même résultat a été trouvé pour les âges extrêmes de l’urbanisation

(jeune et vieux). En effet, la divergence fonctionnelle variait de façon non-linéaire

avec l’âge de l’urbanisation. Les phases croissantes pourraient correspondre à une

plus grande différentiation de niche des espèces, due à la disparition progressive des

espèces spécialistes et à la colonisation progressive des espèces généralistes, ce

qui induirait ce pattern de haute abondance d’espèces à chaque extrémité de

l’espace de niche. La phase décroissante, quant à elle, pourrait correspondre à la

création de niche pour les espèces spécialistes due à la modification de

l’environnement avec le temps, menant les espèces placées au milieu du gradient de

spécialisation à s’installer progressivement.

Enfin, après avoir étudié l’effet de pressions anthropiques connues pour leurs

effets négatifs sur la biodiversité, je me suis penchée sur l’impact de pratiques

agricoles alternatives à effets positifs plus vraisemblables sur les espèces. Tout

d’abord d’un point de vue écologique, en étudiant cet impact selon le degré de

spécialisation des espèces puis, d’un point de vue social, en comparant les opinions

et engagements de ces agriculteurs « alternatifs » avec celles et ceux de plus

conventionnels en matière de biodiversité et de programmes agri-environnementaux.

.

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93

Partie II

Etude de l’impact de pratiques agricoles sensées

être favorables à la biodiversité : vision écologiq ue

et sociale

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95

Cette deuxième partie comprend deux études axées sur la comparaison de deux

pratiques agricoles, l’agriculture biologique et le labour de conservation avec des

pratiques plus conventionnelles. La première porte sur le même jeu de données que

l’étude 1 (Manuscrit 1, Annexe 3) et la méthode statistique utilisée est la même

Annexe 5). Il s’agissait de tester si les variations d’abondances des espèces entre

les différentes pratiques étaient dues au niveau de spécialisation de celles-ci ainsi

qu’à leur régime alimentaire. En effet, des différences d’intensité de ces pratiques

existant, l’hypothèse pouvait être émise d’une plus grande sensibilité des espèces

spécialistes agricoles pour les pratiques les plus intensives. De plus, l’agriculture

biologique, comme le labour de conservation, étant connu pour leurs effets positifs

quant à leur plus grande disponibilité en ressources alimentaires comparé aux

systèmes conventionnels, nous pouvions espérer une différence dans les

abondances de certaines espèces via leur régime alimentaire.

La seconde étude s’est faite à partir du jeu de données de la Seine-et-Marne plus

sur celui d’autres exploitations en Ile-de-France afin d’augmenter la taille de

l’échantillon. Ainsi, une soixantaine d’exploitants ont été questionnés sur leurs

pratiques, leurs engagements dans les programmes agri-environnementaux (PAE),

le nombre et l’identité des mesures agri-environnementales (MAE) prises, ainsi que

sur leur perception de la biodiversité.

Cette perspective de recherche vient de l’impression que j’ai eue, au fil des

interviews, que la perception de la biodiversité et des MAE ainsi que l’attitude des

agriculteurs envers celles-ci variaient selon leurs pratiques. En effet, il m’avait

semblé que les agriculteurs « bio » et en labour de conservation étaient

particulièrement sûrs d’eux quant à la bonne santé de la biodiversité sur leur

exploitation ; les uns de par la « propreté » de leurs pratiques » et les autres de par

leur propre observation d’une faune du sol accrue depuis leur conversion au non-

labour ou labour superficiel. Ainsi la perception restreinte de la biodiversité par les

agriculteurs en labour de conservation m’a fait émettre l’hypothèse que cela pouvait

jouer sur les mesures qu’ils pourraient prendre dans leur PAE. Enfin, malgré le fait

que de nombreux facteurs peuvent influer sur la perception de la biodiversité et des

MAE et sur l’attitude vis-à-vis de celles-ci (Siebert et al., 2006), il m’avait semblé

détenir assez d’informations dans mes questionnaires pour pouvoir étudier et tenir

compte de ses facteurs qu’il soient économiques, culturels ou sociaux.

Les différentes questions abordées lors de cette deuxième partie sont donc :

1) - Est-ce que le degré de spécialisation à l’habitat et le régime alimentaire des

espèces sont deux traits permettant d’expliquer les variations d’abondance des

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espèces entre les pratiques d’agriculture biologiques, de labour de conservation et

les méthodes culturales plus conventionnelles ?

2) – Est-ce qu’il existe une différence de perception de la biodiversité et des PAE

entre agriculteurs « bio » en labour de conservation et conventionnels? Y a-t-il une

différence d’engagement des ces agriculteurs vis-à-vis des MAE « biodiversité » et si

oui, ceci a-t-il un lien avec leur perception de la biodiversité ?

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Partie II A- Spécialisation, régime alimentaire, a griculture biologique,

conventionnelle et labour de conservation.

Filippi-Codaccioni, O., Devictor, V., Clobert, J., Julliard, R. Effects of organic and soil conservation management on specialist bird species. Agriculture, Ecosystems and Environment.

Dans le contexte mondial d’intensification de l’agriculture, l’agriculture biologique a été vue comme une solution potentielle face à la perte de biodiversité. Plus tard, les écologues se sont également demandé si les pratiques de labour de conservation pouvaient augmenter la diversité et l’abondance des espèces. Cependant, si beaucoup d’études de sont focalisées sur ces derniers aspects, très peu ont posé le problème d’un point de vue fonctionnel. En effet, si ces pratiques agricoles induisent des variations d’abondance, cela vaut la peine de rechercher quels traits fonctionnels sont responsables de ces variations. C’est la question que nous nous posons en orientant nos recherches sur 2 traits susceptibles d’avoir un rôle dans ces variations d’abondance. L’intégralité de ce travail est proposée dans les pages suivantes et s’organise comme suit : Hypothèse : l’hypothèse de ces travaux repose sur la plus grande vulnérabilité des espèces spécialistes face à la perturbation de leur habitat. Prédiction : Nous prédisons que les espèces les plus spécialistes seront moins abondantes en système conventionnel qu’en système d’agriculture biologique du fait de la plus grande intensité des pratiques dans ce premier système. Il en serait de même pour la comparaison labour de conservation (CT)/agriculture conventionnelle (CONV) et biologique (AB), du fait de l’intensité supérieure des pratiques en labour de conservation. AB et CT serait plus enclin à favoriser les régimes granivores et insectivores par rapport au système conventionnel, du fait de la non-utilisation de produit phytosanitaires pour le premier et de la meilleure disponibilité des graines et plus forte abondance de la faune du sol, pour le second. Méthode : Ces prédictions sont testées en estimant l’abondance des oiseaux par la méthode des points d’écoute dans les 58 exploitations (cf Partie I-A) de Seine-et-Marne (12 AB, 27 CONV et 19CT), et en reliant ces variations d’abondance entre les trois pratiques aux deux traits fonctionnels étudiés : la spécialisation à l’habitat et le régime alimentaire. L’impact de ces 2 traits sur les variations d’abondance des espèces par rapport à la durée des pratiques en AB et CT a également été testé. Résultats : Les espèces les plus spécialistes étaient favorisées par l’agriculture biologique par rapport à l’agriculture conventionnelle alors que le contraire a été observé concernant le labour de conservation. Les espèces insectivores étaient plus abondantes en CT qu’en CONV par rapport aux espèces omnivores mais aucune différence n’a été trouvée par rapport aux espèces granivores. Les espèces granivores tendaient à augmenter avec la durée de CT, et en particuliers, les espèces spécialistes.

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Partie II A- Spécialisation, régime alimentaire, agriculture biologique,

conventionnelle et labour de conservation.

1. Introduction

Un grand nombre de preuves désignent maintenant l’intensification de l’agriculture

comme une des principales causes du déclin massif des populations d’oiseaux

agricoles (Donald et al. 2001, 2006; Krebs et al. 1999) et de la réduction

d’abondance et de diversité de nombreux taxa (Donald, 1998; Preston et al., 2002;

Wilson et al., 1999) au cours des 3 dernières décennies.

Dans ce contexte, la durabilité des pratiques intensives actuelles a été de plus en

plus remise en question. Les pratiques agricoles telles que l’agriculture biologique, et

plus tard, dans une moindre mesure, le labour de conservation, on été vues comme

des solutions potentielles à cette perte continue de biodiversité. De plus, face à une

crise économique et écologique, les agriculteurs sont devenus de plus en plus attirés

par ces systèmes d’exploitation. En conséquence, de nombreuses études sont

apparues dans le but d’estimer si ces pratiques agricoles attiraient, effectivement ou

pas, plus de biodiversité (toutes espèces: Holand, 2004; Bengtsson et al., 2005; Hole

et al., 2005; oiseaux: Chamberlain et al., 1999; Freemark and Kirk, 2001; Beecher et

al., 2002; Martin and Forsyth, 2003; Field et al., 2007; Piha et al., 2007: plantes:

Frieben and Kopke, 1995; Moreby et al., 1994; Derksen et al., 1996; Hald, 1999;

athropodes: Moreby et al., 1994; Berry et al., 1996; Baguette and Hance, 1997;

Reddersen, 1997; Andersen, 1999).

La plupart de ces études se sont attachées à déterminer si l’abondance ou la

diversité des espèces était plus ou moins importante en agriculture biologique ou en

labour de conservation par rapport aux systèmes plus conventionnels sans chercher

à définir quels traits fonctionnels des espèces étaient responsables de la plus ou

moins grande abondance des espèces dans ces systèmes d’exploitation. Seulement

quelques études ont adopté directement cette approche par les traits (Döring and

Kromp, 2003; Gabriel and Tsharntke, 2007). Les études sur les oiseaux se réfèrent

dans ces cas-là aux guildes basés sur les régime alimentaires ou sur les familles

d’oiseaux afin d’estimer l’impact différentiel des systèmes agricoles sur les densités

d’oiseaux (Cunningham et al., 2003; Field et al., 2007). Puisque de telles études sur

les oiseaux axées sur une approche traits-centrés manquent, nous avons décidé de

nous concentrer sur ce groupe dans notre étude.

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D’après les caractéristiques de l’agriculture biologique et du labour de

conservation, nous avons identifié 2 traits fonctionnels qui pourraient être impliqués

dans les variations de densité entre ces systèmes et de plus conventionnels: la

spécialisation à l’habitat et le régime alimentaire. En effet, l’agriculture biologique est

caractérisée par la non-utilisation de pesticides, d’herbicides et de fertilisants

inorganiques. De telles pratiques sont connues pour augmenter la diversité en

plantes et arthropodes. En conséquence, le régime alimentaire des oiseaux devrait

donc déterminer une part de la variation d’abondance de ceux-ci entre systèmes

conventionnels et organiques. Le labour de conservation est également connu pour

augmenter les abondances en scarabées, araignées, vers de terre et plantes, ainsi

que leur disponibilité (Baguette and Hance, 1997; Robinson et Sutherland, 1999;

Hutcheon et al., 2001; Schmidt et al., 2001). En conséquence, le régime alimentaire

devrait être aussi déterminant pour différentier les densités des espèces entre

exploitations en labour modifié et exploitations en conventionnel.

En considérant plusieurs indices d’intensité des pratiques agricoles, comme les

quantités de pesticides et de fertilisants, les rendements des cultures et la taille des

champs (Herzog et al., 2005), on s’aperçoit que des différences d’intensité de

pratiques existent entre ces 3 systèmes de culture. De plus, et en accord avec la

théorie, des études ont mis en évidence que les espèces spécialistes étaient plus

affectées par les pratiques intensives que les plus généralistes (Aviron et al., 2005;

Schweiger et al., 2007). En effet, la prédiction de la vulnérabilité des espèces

spécialistes vis-à-vis des perturbations se réfère souvent à l’hypothèse suivante :

comme les espèces généralistes utilisent plusieurs habitats dans la matrice, elles

devraient être moins affectées par la dégradation de l’habitat que les plus

spécialistes, qui eux, ne dépendent que d’un seul ou de quelques habitats (Krauss et

al., 2003).

D’ordinaire, les études se concentrent uniquement sur les espèces associées

strictement au milieu agricole, en ne portant que peu d’intérêt aux espèces

environnantes non-agricoles (e.g. Piha et al., 2007). Et quand le contraire arrive (e.g.

Chamberlain et al., 1999), aucune séparation n’est faite pour détecter les réponses

différentielles des 2 groupes. Ainsi, nous avons choisi de définir les espèces comme

appartenant à 2 groupes : les agricoles et les non-agricoles.

Comme la durée de la gestion en agriculture biologique ou en labour de

conservation peut avoir de l’influence sur l’abondance des espèces (DEFRA report,

2004), nous avons également recherché si les traits étudiés jouaient un rôle sur les

variations d’abondance des espèces selon la durée de gestion.

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Objectifs: Déterminer si: i) le niveau de spécialisation de l’espèce de même qu’un

régime alimentaire particuliers peut prédire les variations d’abondance des oiseaux

parmi les 3 systèmes d’exploitation (OF, CT and CONV) et ii) la durée de CT et OF

pourrait avoir un effet sur les abondances des espèces via les 2 traits étudiés.

2. Méthodes

La méthodologie et le lieu d’étude sont les mêmes que dans la partie I-A.

2.1. Echantillon et systèmes d’exploitation

L’échantillon des 58 exploitations a été divisé en 3 systèmes d’exploitation (OF

(12 exploitations, 31 parcelles), CT (19 exploitations, 48 parcelles), and CONV (27

exploitations, 63 parcelles), ainsi appelés pour des raisons de commodité, même si

ceux-ci ne représentent pas un système d’exploitation per se. La description des

pratiques culturales permet de mieux définir le procédé entier depuis la préparation

du lit des graines jusqu’à la protection des cultures utilisées dans chaque système

d’exploitation. OF et CONV opèrent avec le même type de labour conventionnel. Il

est défini comme un système de labour où un premier passage profond, comme

avec un labour à la «charrue», et est suivi par un second passage pour créer le lit de

semence (Holland, 2004). Cette méthode de labour induit une inversion du sol. CT

induit des pratiques de gestion du sol qui minimise la perturbation de la structure, la

composition et la biodiversité naturelle de celui-ci (Anonymous, 2001). Il rassemble

tous les travaux du sol qui visent à atteindre ce but, en incluant le semis direct et le

labour superficiel (Holland, 2004). Le labour conventionnel implique généralement

une perturbation du sol dans les 20-25 premiers centimètres, alors que CT a des

profondeurs avoisinant 5-10cm. En CT, les « mauvaises herbes » sont contrôlées

par des pesticides chimiques alors que OF opère sans aucun produit phytosanitaire

chimique ni fertilisant inorganique. Les différences entre systèmes sont représentées

dans le tableau 5.

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Tableau 5. Variables de paysage et d’intensité des pratiques en agriculture conventionnelle

(CONV), agriculture biologique (OF) et labour de conservation (CT).

Variables Conventional Farming Organic Farming Conservation-Tillage Significant Different PairsLandscape compositionFOREST 0.13 ± 0.14 0.16 ± 0.12 0.11 ± 0.11 -FOREST200 0.08 ± 0.10 0.10 ± 0.10 0.10 ± 0.15 -ARABLE 0.83 ± 0.18 0.78 ± 0.17 0.82 ± 0.17 -ARABLE200 0.81 ± 0.15 0.77 ± 0.15 0.81 ± 0.20 -SEMINAT 0.02 ± 0.03 0.02 ± 0.03 0.02 ± 0.03 -SEMINAT200 0.01 ± 0.04 0.02 ± 0.04 0.02 ± 0.04 -BUILT 0.04 ± 0.05 0.03 ± 0.02 0.04 ± 0.02 -BUILT200 0.04 ± 0.06 0.03 ± 0.02 0.02 ± 0.03 -Landscape structureSDI 1.47 ± 0.37 1.41 ± 0.41 1.19 ± 0.52 CT-CONVSDI200 0.65 ± 0.47 0.74 ± 0.44 0.66 ± 0.49 -ED 158.24 ± 67.61 154.81 ± 42.10 151.75 ± 54.74 -ED200 177.42 ± 86.14 220.72 ± 108.60 186.08 ± 89.50 OF-CONVMPS 5.84 ± 4.49 4.45 ± 1.50 5.66 ± 3.73 -MPS200 9.21 12.38 4.95 ± 6.88 7.46 ± 8.67 -FIELD SIZE 11.19 ± 7.77 10.09 ± 4.11 15.04 ± 8.37 CT-OF, CT-CONVFarming intensityPESTICIDE 4.44 ± 2.35 0 5.55 ± 1.19 OF-CONV, CONV-CT, OF-CTPESTICIDEQTY 1.63 ± 0.70 0 1.81 ± 0.75 OF-CONV, OF-CTYIELD 80.11 ± 11.11 43.27 ± 5.85 84.39 ± 4.96 OF-CONV, CONV-CT, OF-CTNITROGEN 212.16 ± 50.29 39.66 ± 15.23 210.52 ± 23.25 CONV-OF, OF-CT

Les valeurs présentées sont les moyennes ± SD. ANOVAs et test Tukey HSD ont été utilises

pour tester la significativité de la différence des valeurs entre systèmes d’exploitation. Les

variables de paysage suivies par 200 ont été calculées dans les 200m autour des parcelles,

alors que les autres ont été calculées dans les 1000m autour des parcelles. FOREST (ha),

ARABLE (ha), SEMINAT (ha), BUILT (ha), ED (m/ha), MPS (ha), Field Size (ha),

PESTICIDEQTY (L/ha), YIELD (100kg/ha), NITROGEN = (Kg/ha).

2.2. Traits fonctionnels

Les traits fonctionnels choisis sont l’indice de spécialisation des espèces (Julliard

et al. 2006) (cf annexe 2 et introduction) et leur régime alimentaire. Les informations

sur ce dernier sont tirées de Cramp et al. (1998). Nous avons classé les espèces en

4 groupes : les omnivores (11 espèces), les insectivores (22 espèces), les carnivores

(2 espèces) et les granivores (9 espèces) (Tableau 6). Une espèce était attribuée à

un groupe si son régime comprenait plus de 50% de ce type de nourriture pendant la

saison de reproduction, les omnivores étant ceux qui ne pouvaient pas être classés

dans une des 3 autres catégories.

2.3. Analyses statistiques

Dans le but de déterminer l’impact de la gestion sur les espèces, nous avons

effectué un modèle testant les différences d’abondance d’espèces entre les

systèmes d’exploitation. Le modèle utilisé est un modèle de type GLS (cf Partie I-A).

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Model1: Species abundance = OBS+SDI+ED200+FOREST+SEMINAT+CROPTYPE

+ FIELDSIZE + FarmSyst, où,

OBS désigne l’identité de l’observateur, SDI, l’indice de diversité de Shannon,

ED200, la densité de bordure entre polygones dans un rayon de 200m, FOREST, le

pourcentage de forêt dans un rayon de 1000m, SEMINAT, le pourcentage de

jachères, prairies et eau dans les 1000m, CROPTYPE, le type de culture,

FIELDSIZE la taille du champ et FarmSyst, le système d’exploitation.

De la même façon que dans la partie I-A (Annexe 5), nous avons alors modélisé les

réponses des espèces en fonction du SSI, du régime alimentaire, du type d’espèce

(agricoles, non-agricoles) et de l’interaction entre ces facteurs.

L’effet de la durée de la gestion en agriculture biologique ou labour de conservation a

été testé avec un modèle similaire au modèle 1 (modèle 1bis) en remplaçant la

variable FarmSyst par la variable AGE. Cette première étape est aussi suivie par un

modèle 2 pour tester l’effet du SSI et du type d’espèce sur les réponses des oiseaux

issues du modèle 1bis.

3. Résultats

3.1. Réponses des espèces aux différents systèmes d’exploitation

OF comparée à CONV favorise l’abondance de 2 espèces agricoles (Alauda

arvensis and Emberiza calandra) et d’une non-agricole (Streptopelia decaocto), alors

que 4 autres espèces non-agricoles sont moins abondantes en OF qu’en CONV

(Parus caerulus, Phylloscopus collibyta, Sitta europeae, Sylvia atricapilla) (Tableau

6). Une espèce agricole est plus abondante en CT qu’en CONV de façon

significative (Buteo buteo) et une de façon marginalement significative (Sturnus

vulgaris) (Tableau 6). Une espèce agricole est moins abondante en CT qu’en CONV

(A. arvensis). Quand on compare CT à OF, 5 espèces non-agricoles sont plus

abondantes en CT qu’en OF (S. atricapilla, Trogodytes troglodytes, Picus viridis, T.

philomelos, S. decaocto) et 2 sont moins abondantes (Columba palumbus, S.

decaocto) (Tableau 6).

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Tableau 6. Réponses issues du modèle 1 comparant les abondances des espèces entre les 3

systèmes d’exploitation (CT, OF et CONV). Le régime alimentaire (DIET) des espèces est

indiqué. Celles-ci sont rangées par ordre de SSI croissant au sein des groupes agricoles (F) ou

non-agricoles (NF).

3.2. Effet du niveau de spécialisation et du régime alimentaire

Nous avons trouvé que les espèces spécialistes étaient plus abondantes en OF

qu’en CONV (F1,34 = 7.09, P = 0.01). En tout le modèle expliquait 37% de la variance.

Aucun effet du régime alimentaire ni du groupe de l’espèce ou de leur interaction

(agricole ou non-agricole) n’ont été trouvé (Tableau 7).

Type Common name Scientific name DIET SSI

F Carrion crow Corvus corone 0.29 ± 0.18 0.14 ± 0.19 -0.14 ± 0.21 OMNI -1.27

F Turtle Dove Streptopelia turtur 0.15 ± 0.13 0.10 ± 0.12 -0.05 ± 0.14 GRAN -0.92

F Golden Oriole Oriolus oriolus -0.06 ± 0.13 -0.12 ± 0.13 -0.06 ± 0.15 INV -0.75

F Buzzard Buteo buteo 0.03 ± 0.08 0.18 ± 0.07* 0.15 ± 0.09. CARN -0.70

F Common starling Sturnus vulgaris 0.36 ± 0.24 0.43 ± 0.22. 0.08 ± 0.25 OMNI -0.56

F Cirl Bunting Emberiza cirlus -0.02 ± 0.08 -0.08 ± 0.08 -0.06 ± 0.09 INV -0.54

F Common Whitethroat Sylvia communis -0.19 ± 0.12 0.09 ± 0.11 0.28 ± 0.13* INV -0.42

F Kestrel Falco tinnunculus 0.05 ± 0.07 0.03 ± 0.06 -0.02 ± 0.07 CARN -0.38

F White Wagtail Motacilla alba 0.02 ± 0.10 -0.02 ± 0.09 -0.04 ± 0.10 INV -0.37

F Linnet Carduelis cannabina 0.13 ± 0.17 -0.03 ± 0.17 -0.16 ± 0.19 GRAN -0.36

F Melodious Warbler Hippolaïs polyglotta -0.08 ± 0.10 0.02 ± 0.09 0.10 ± 0.11 INV -0.36

F Goldfinch Carduelis carduelis -0.07 ± 0.13 0.04 ± 0.12 0.11 ± 0.14 GRAN -0.35

F Yellowhammer Emberiza citrinella 0.16 ± 0.17 0.15 ± 0.15 -0.01 ± 0.18 INV -0.34

F Swallow Hirundo rustica 0.02 ± 0.24 0.12 ± 0.23 0.11 ± 0.26 INV -0.33

F Stonechat Saxicola torquata 0.06 ± 0.07 0.01 ± 0.06 -0.06 ± 0.07 INV -0.25

F Rook Corvus frugilegus -0.11 ± 0.14 -0.10 ± 0.13 0.01 ± 0.15 OMNI -0.17

F Tree Pipit Anthus trivialis 0.04 ± 0.09 -0.03 ± 0.08 -0.07 ± 0.09 INV -0.09

F Skylark Alauda arvensis 0.27 ± 0.15. -0.31 ± 0.15* -0.58 ± 0.17*** OMNI 0.14

F Corn Bunting Emberiza calandra 0.50 ± 0.17** -0.26 ± 0.17 -0.76 ± 0.19*** OMNI 0.38

F Common quail Coturnix coturnix 0.16 ± 0.10 -0.01 ± 0.09 -0.17 ± 0.10. GRAN 0.42

F Yellow Wagtail Motacilla flava -0.08 ± 0.17 -0.08 ± 0.17 0.00 ± 0.19 INV 0.74

NF Blackbird Turdus merula 0.00 ± 0.14 -0.12 ± 0.13 -0.13 ± 0.15 INV -1.45

NF Chaffinch Fringila coelebs -0.12 ± 0.14 0.16 ± 0.14 0.28 ± 0.16. GRAN -1.30

NF Great Tit Parus major -0.10 ± 0.13 0.16 ± 0.12 0.26 ± 0.14 OMNI -1.22

NF Wood Pigeon Columba palombus 0.21 ± 0.20 -0.23 ± 0.18 -0.44 ± 0.21* GRAN -1.20

NF Blackcap Sylvia atricapilla -0.29 ± 0.15. 0.15 ± 0.15 0.44 ± 0.17* OMNI -1.15

NF Blue Tit Parus caeruleus -0.23 ± 0.12* -0.10 ± 0.11 0.12 ± 0.12 OMNI -1.05

NF Wren Troglodytes troglodytes -0.12 ± 0.12 0.11 ± 0.11 0.23 ± 0.12. INV -0.99

NF Green Woodpecker Picus viridis -0.16 ± 0.14 0.18 ± 0.14 0.33 ± 0.16* INV -0.96

NF Song Thrush Turdus philomelos -0.10 ± 0.14 0.22 ± 0.12. 0.33 ± 0.14* INV -0.91

NF Eurasian Cuckoo Cuculus canorus -0.04 ± 0.13 -0.19 ± 0.12 -0.15 ± 0.14 INV -0.84

NF Jay Garulus glandarius -0.11 ± 0.10 -0.09 ± 0.09 0.02 ± 0.10 OMNI -0.81

NF Chiffchaff Phylloscopus collybita -0.40 ± 0.13** 0.02 ± 0.12 0.42 ± 0.14*** INV -0.78

NF Nightingale Luscinia megarhynchos -0.07 ± 0.18 -0.11 ± 0.17 -0.04 ± 0.20 INV -0.75

NF Robin Erithacus rubecula -0.05 ± 0.09 -0.10 ± 0.08 -0.05 ± 0.10 INV -0.73

NF Great Spotted-Woodpecker Dendrocopos major 0.07 ± 0.07 -0.03 ± 0.07 -0.10 ± 0.08 INV -0.45

NF Greenfinch Carduelis chloris 0.00 ± 0.12 -0.09 ± 0.11 -0.10 ± 0.12 GRAN -0.42

NF Magpie Pica pica 0.00 ± 0.08 -0.02 ± 0.08 -0.02 ± 0.09 OMNI -0.35

NF Wood Nuthatch Sitia europea -0.23 ± 0.11* -0.18 ± 0.10. 0.05 ± 0.12 INV -0.08

NF Collared Dove Streptopelia decaocto 0.45 ± 0.16** 0.08 ± 0.14 -0.37 ± 0.16* GRAN -0.01

NF Black Redstart Phoenicurus ochruros 0.01 ± 0.09 0.02 ± 0.08 0.01 ± 0.09 INV 0.11

NF Tree sparrow Passer domesticus 0.12 ± 0.26 -0.28 ± 0.24 -0.40 ± 0.27 OMNI 0.23

NF Common House-Martin Delichon urbica 0.13 ± 0.09 0.00 ± 0.08 -0.12 ± 0.10 INV 0.24

NF Feral Pigeon Columba livia 0.15 ± 0.14 0.06 ± 0.13 -0.09 ± 0.15 GRAN 0.71

CT/CONV CT/OFOF/CONV

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105

Species Group Variables df F P

All species OF vs CONVSSI 1, 34 7.093 0.012T 1, 34 1.057 0.311

DIET 3, 34 1.405 0.258SSI:T 1, 34 1.423 0.241

SSI:DIET 3, 34 0.886 0.458CT vs CONV

SSI 1, 34 2.358 0.134T 1, 34 0.297 0.589

DIET 3, 34 0.934 0.435SSI:T 1, 34 0.776 0.385

SSI:DIET 3, 34 2.080 0.121CT vs OF

SSI 1, 34 10.156 0.003T 1, 34 0.151 0.700

DIET 3, 34 0.726 0.543SSI:T 1, 34 0.102 0.752

SSI:DIET 3, 34 2.510 0.075Farmland OF vs CONV

SSI 1, 13 0.357 0.561DIET 3, 13 2.139 0.145

SSI:DIET 3, 13 0.003 1.000CT vs CONV

SSI 1, 13 5.350 0.038DIET 3, 13 1.484 0.265

SSI:DIET 3, 13 2.708 0.088CT vs OF

SSI 1, 13 3.721 0.076DIET 3, 13 2.114 0.148

SSI:DIET 3, 13 1.001 0.423Non-farmland OF vs CONV

SSI 1, 17 5.251 0.035DIET 2, 17 1.529 0.245

SSI:DIET 2, 17 0.318 0.732CT vs CONV

SSI 1, 17 0.143 0.710DIET 2, 17 0.065 0.938

SSI:DIET 2, 17 0.522 0.602CT vs OF

SSI 1, 17 3.993 0.062DIET 2, 17 0.591 0.565

SSI:DIET 2, 17 0.742 0.491

Tableau 7. Effet du SSI, du régime alimentaire(DIET) et du groupe de l’espèce (T) ainsi que

de l’interaction entre ces derniers sur les variations d’abondance des espèces entre systèmes

d’exploitation. Les variables ont été testé pour toute la communauté, pour celle agricole et

celle non-agricole.

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106

Concernant les espèces agricoles seules, aucun effet du SSI, du régime

alimentaire ou de leur interaction n’a été trouvé pour expliquer les variations

d’abondance entre OF et CONV quand les effets étaient ajustés les uns aux autres.

Aucune différence entre les insectivores et les granivores n’a été trouvée (Tukey

HSD test : P = 0.11), alors que les omnivores étaient plus abondants que les

insectivores quand le régime était traité seul (Tukey HSD test : P = 0.03).

Concernant toute la communauté, aucune différence n’a été trouvée entre les

champs en CT et ceux en CONV pour l’abondance des espèces spécialistes

(Tableau 7). Les espèces omnivores tendaient à être moins abondantes que les

insectivores en CT comparé à CONV, et ceci d’autant plus que les espèces étaient

plus spécialisées.

Concernant les espèces non-agricoles, plus de spécialistes ont été trouvées dans

les champs en OF qu’en CONV (F1,17 = 5.25, P = 0.03). Aucun effet du régime ni de

l’interaction entre régime et SSI n’a été trouvé (Tableau 7, Fig.35).

Moins d’espèces spécialistes agricoles ont été trouvées en CT qu’en CONV (F1,13

= 5.35, P = 0.03) (Tableau 7, Fig.35).

Nous avons trouvé que l’abondance de 2 espèces non-agricoles (P. collybita and

P. caerulus) décroissait avec la durée de la gestion en OF, alors que celle de 2

autres (P. collybita and T. troglodytes) croissait avec la durée en CT. Une espèce

agricole (S. communis) et une non-agricole (P. domesticus) tendait à décroître en

abondance avec la durée en CT.

Nous n’avons pas trouvé que le SSI, le régime alimentaire ou le groupe de

l’espèce aient un impact sur les variations d’abondance dues à la durée de gestion

en CT ou OF. Cependant, la durée en CT tendait à diminuer l’abondance des

espèces spécialistes non-agricoles. Une interaction marginalement significative a

également été trouvée entre le SSI et le régime alimentaire. L’abondance des

espèces granivores tend à augmenter avec la durée de CT et ce d’autant plus si

l’espèce est spécialiste.

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107

Est

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es o

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com

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of s

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CT

com

pare

d to

OF

Est

imat

es o

f spe

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abu

ndan

ce in

C

T c

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ON

V

-0.5

-0.4

-0.3

-0.2

-0.1

0

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

0.6

-1.5 -1 -0.5 0 0.5 1

-0.4

-0.3

-0.2

-0.1

0

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

-1.5 -1 -0.5 0 0.5 1

-1

-0.8

-0.6

-0.4

-0.2

0

0.2

0.4

0.6

-1.5 -1 -0.5 0 0.5 1

Species Specialisation Index Figure 35. Différences d’abondance des espèces entre OF, CONV et CT en fonction du SSI. La

ligne continue représente la tendance des espèces non-agricoles et celle en pointillés celle des

espèces agricoles.

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108

4. Discussion

Une grande part de la variation d’abondance entre les systèmes d’exploitation s’est

trouvée être expliquée par le niveau de spécialisation de l’espèce. Nous avons

trouvé que OF favorisait ce trait et que CT le désavantageait. Nos résultats sont en

accord avec les prédictions théoriques (Owens and Bennet, 2000; Marvier et al.,

2004; Julliard et al., 2006) et les résultats d’autres auteurs sur les effets des

changements globaux (Clergeau et al., 2006; Devictor et al., 2007; Schweiger et al.,

2007) démontrant que les espèces les plus spécialistes souffraient plus des

perturbations de leur habitat. Nous pouvons penser que l’effet homogénéisant de CT

au travers de la réorganisation des communautés vers une plus grande proportion

d’espèces généralistes au détriment des espèces spécialistes, pourrait affaiblir la

résilience de l’écosystème en réduisant la variabilité des fonctions des espèces.

OF peut être considérée comme une cause de perturbation pour l’environnement

à cause du désherbage mécanique utilisé. Cependant, nos résultats suggèrent que

le perturbation réduite due à l’absence de pesticides a plus d’impact sur l’abondance

des espèces spécialistes et que, globalement, OF n’a pas beaucoup d’effet négatif

sur les spécialistes.

Quand nous avons comparé l’abondance des espèces en CT par rapport à celle

en CONV, il est apparu que les insectivores tendaient à être plus abondant que les

omnivores et que cette relation était d’autant plus forte quand les espèces étaient

plus spécialistes. L’effet opposé a été trouvé quand nous avons comparé OF à

CONV. Nous pouvons conclure que si OF bénéficie aux espèces les plus

spécialistes de l’habitat, elle avantage aussi les moins spécialistes dans leur régime

alimentaire, alors que CT a l’effet contraire. Le contrôle mécanique régulier des

« mauvaises herbes » aurait un effet négatif sur certaines espèces de carabes

(Büchs et al., 1997). Ceci pourrait être une explication pour le fait que les

insectivores ne soient pas plus abondants en OF qu’en CONV.

La majorité des études ont trouvé un effet positif de CT sur les espèces granivores

en hiver. A notre connaissance, ceci est la première étude qui montre que CT

pourrait aussi augmenter l’abondance des insectivores comparée à CONV dans la

saison de reproduction. C’est également une autre preuve apportée que l’alouette

des champs bénéficie de OF. Cependant, un impact négatif de OF sur l’abondance

de S. atricapilla a été trouvé alors que CT bénéficiait à B. buteo, S. vulgaris et T.

philomelos comparé à CONV (cf. Lokemoen and Beiser, 1997; Martin and Forsyth,

2003).

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110

Partie II B- Perception de la biodiversité et part icipation aux programmes agri-environnementaux des agriculteurs « bio », conventi onnels et en labour de conservation. Filippi-Codaccioni, O., Devictor, V., Clobert, J., Julliard, R. Organic and conservation-tillage farmers are the bad pupils of Agri-environmental Programs (AEPs) in France: comparison of biodiversity and AEPs perception as well as AEPs adoption with conventional farmers. Soumis à Agriculture, Ecosystems and Environment.

La conservation dans le milieu agricole est considérée maintenant comme un problème majeur face au déclin global de la biodiversité dans ce milieu. La mise en œuvre des programmes agri-environnementaux (PAE) a pour but de rendre les pratiques plus en accord avec l’environnement. En parallèle, des méthodes agricoles alternatives telles que l’agriculture biologique (AB) et le labour de conservation (CT) peuvent aussi avoir un rôle dans les stratégies de conservation. Même si beaucoup d’études rapportèrent que AB et CT attirent effectivement plus de biodiversité, très peu étudièrent la participation de ces agriculteurs aux PAE, à travers leur adoption de mesure agri-environnementales (MAE) visant à augmenter la biodiversité, en comparaison avec les agriculteurs conventionnels. L’intégralité de ce travail est proposée dans les pages suivantes et s’organise comme suit :

Hypothèse : Ces travaux reposent sur l’hypothèse que les agriculteurs AB et CT, se faisant une très bonne opinion de leur impact sur la biodiversité, ne s’investissent pas dans les PAE, ou moins que les agriculteurs conventionnels qui sont vivement critiqués par la société. Nous pensons également que la perception de la biodiversité par ces agriculteurs est différente, et cette perception peut avoir un lien avec leur niveau d’adoption des MAE. Prédiction : Nous prédisons que les agriculteurs AB et CT contractualisent moins de MAE dans leurs PAE que les agriculteurs conventionnels. Nous pensons également que la biodiversité est perçue différemment par les agriculteurs CT, AB et CONV, du fait des indicateurs qu’ils utilisent au jour le jour pour l’estimer. Ces différences existeraient également dans l’estimation de l’évolution de la biodiversité. Nous pensons que cette perception générale de la biodiversité pourrait avoir un lien avec leur investissement dans l’adoption des MAE. Méthode : Nous avons conduit une enquête chez 61 agriculteurs comprenant des agriculteurs CT, AB et CONV. Comme l’adoption des PAE peut être influencée par la perception des PAE et de la biodiversité, nous avons étudié les deux et tenter de trouver un lien entre ces perceptions et le nombre et la qualité des MAE adoptées. Résultats : Nous avons trouvé que les agriculteurs AB et CT adoptaient généralement moins de MAE que les agriculteurs conventionnels, quelque soit leur contexte sociodémographique et l’économie de l’exploitation. Leur perception des solutions susceptibles de réduire le déclin de la biodiversité différaient en comparaison avec les agriculteurs conventionnels. Les agriculteurs OF et CT avaient des raisons propres de contractualiser un PAE, qui différaient de celles des agriculteurs CONV, la conservation de la biodiversité n’étant pas leur principal but. Quelque uns des indices liés à l’estimation de l’évolution de la biodiversité étaient lié à la qualité et au nombre de MAE adoptées par les agriculteurs.

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111

Partie II B- Perception de la biodiversité et participation aux programmes agri-

environnementaux des agriculteurs « bio », conventionnels et en labour de

conservation.

I. Introduction

Depuis la seconde moitié du 20ième siècle, la modernisation rapide de l’agriculture a

résulté en une utilisation intensifiée du paysage agricole en Europe et en de

multiples effets négatifs sérieux sur la biodiversité (Krebs et al., 1999; Bignal and Mc

Cracken, 2000; Tilman et al., 2001). Les pratiques agricoles telles que l’agriculture

biologique (OF) et, plus tard, dans une moindre mesure le labour de conservation

(CT), ont alors été vus comme des solutions potentielles pour remédier à une telle

perte de biodiversité. De plus, face à une crise économique et écologique, ces

pratiques ont séduit de plus en plus d’agriculteurs (Holand, 2004). Dans le même

temps, afin de résoudre les mêmes problèmes, l’Europe proposait un système de

compensation financier aux agriculteurs en échange de pratiques agricoles plus

respectueuses de l’environnement : les programmes agri-environnementaux (PAE).

Même si beaucoup d’études ont rapporté que les méthodes culturales citées plus

haut attiraient plus de biodiversité (Holand, 2004; Bengtsson et al., 2005; Hole et al.,

2005), très peu d’entre elles se sont penchées sur l’attitude de ces agriculteurs

envers les PAE et sur leurs perceptions de la biodiversité (mais voir Jacobson et al.,

2003 pour la comparaison entre agriculteurs « bio » et conventionnels).

En France, les PAE sont composés de différentes mesures agro-

environnementales (MAE) choisies à l’échelle de la région dans le but de répondre à

des enjeux prioritaires locaux. Quand un agriculteur volontaire adopte un PAE pour 5

ans, il doit choisir un nombre libre de MAE dans un panel de plusieurs.

Comme OF et CT sont déjà vus comme des pratiques bonnes pour

l’environnement du fait, pour la première, de sa plus grande diversité en culture, de

l’absence de pesticides et de la priorité donnée aux interactions biologiques, et pour

la seconde, de la vie du sol, de la fertilité et de la protection accrue, il est possible

que le panel de mesures agri-environnementales choisies par ces agriculteurs soit

plus restreint que celui des agriculteurs conventionnels.

De plus, malgré le fait que ces pratiques soient notées parmi les MAE, comme

des mesures favorisant la biodiversité dans les PAE français, il n’est pas évident que

les agriculteurs qui prennent ces mesures (conversion à l’agriculture biologique et

labour de conservation), veulent vraiment la favoriser, et que ce soit cette raison là

qui guide leur choix.

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Comme la perception de la biodiversité a un impact vraisemblable sur le choix des

mesures visant à améliorer la biodiversité (Herzon and Mikk, 2007), il semble

important d’étudier ces différences de perception entre les différents types

d’exploitant.

Comme beaucoup d’auteurs citent l’importance de facteurs tels que les facteurs

physiques de la ferme, les caractéristiques de l’agriculteur et d’autres variables

décrivant l’entreprise agricole (Wilson, 1992, 1996; Wynn et al. 2001; Mante and

Gerowitt, 2007, Defrancesco et al. 2008) dans le processus de prise de décision et

d’acceptation de politiques bonnes pour l’environnement, nous avons d’abord tenté

d’estimer les différences entre ces facteurs parmi les 3 systèmes agricoles.

Ensuite, nous avons essayé d’estimer les différences de perception de la

biodiversité et des PAE entre ces exploitants. Puis, nous avons recherché s’il existait

des différences dans le nombre et la qualité des MAE choisies au sein d’un PAE

régional français.

Finalement, nous avons tenté d’estimer s’il y avait un lien entre la perception de la

biodiversité et le choix des mesures prises par les 3 différents types d’agriculteurs.

2. Méthodes

Une interview en 2 temps a été effectuée sur 61 agriculteurs de la région Ile-de-

France. Cela été fait dans le cadre d’une étude de 3 ans portant sur l’impact des

pratiques culturales sur les oiseaux agricoles. La première interview avait pour but de

récolter des informations sur les caractéristiques des exploitations, les pratiques et

leur contractualisation d’un PAE en focalisant sur le contenu des mesures si cette

dernière existait. La seconde avait pour but d’estimer les perceptions des

agriculteurs vis-à-vis de la biodiversité et des pratiques agri-environnementales.

Les questions de la première partie étaient classées en catégories et les agriculteurs

avaient juste à choisir parmi celles-ci, alors que les questions concernant la seconde

partie étaient ouvertes et ont été rassemblées en catégories dans un second temps

pour l’analyse.

Le contexte socio-démograpique des agriculteurs ainsi que les caractéristiques

physiques et économiques de l’exploitation ont été étudiés au travers des questions

suivantes sur: le sexe, l’âge, le niveau d’éducation, un éventuelle autre activité, les

perspectives futures pour la ferme, les revenus de la ferme, sa taille et le rendement

en blé (le blé étant la principale culture des exploitations). L’âge était classé en 3

catégories : 25-35, 35-45 et 45-60, le niveau d’éducation a été classé en 5

catégories : AGRI : diplôme agricole, AGRO : diplôme agricole, AGRIandOTHER:

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diplôme agricole ou autre, OTHER : autre diplôme, NOONE : pas de diplôme. L’autre

activité potentielle a été classée en 2 parties : YES et NO qui signifiait si YES que les

agriculteurs s’étaient diversifié afin d’augmenter leurs revenus, soit en développant

des services de types gardiennage de chevaux ou chauffeurs de bus, soit en étant à

des postes politiques. Les perspectives futures étaient classées en 3 catégories :

SELL : s’ils comptaient vendre la ferme, DONTKNOW : s’ils ne savaient pas si les

enfants allaient reprendre la ferme, CHILDREN : si les enfants reprenaient la ferme.

Le revenu de l’exploitation était classé en 4 catégories : <0€/ha, 0-100€/ha, 100-

200€/ha, >200€/ha; et finalement, les catégories de taille de la ferme étaient :

>200ha, 120-200ha, <120ha; et celles du rendement de blé: <7000kg/ha, 7000-

8000kg/ha, >8000kg/ha.

Les questions concernant la perception de la biodiversité par les agriculteurs

portaient sur la définition de concept de biodiversité, la perception de son évolution

(si elle a augmenté ou diminué depuis leur enfance, par exemple), les indices qu’ils

utilisent pour estimer cette évolution, les solutions qu’ils proposent pour augmente rla

biodiversité sur leur exploitation, et enfin, les services que pourrait rendre la

biodiversité sur leur exploitation.

Les services fournis par la biodiversité étaient pas la suite classés selon les

catégories du Millennium Ecosystem Assessment (MEA) : REGULATION (par

exemple: control des ravageurs, pollinisation), SUPPORT/PRODUCTION (qualité du sol,

biomasse), PROVISIONING (diversité des cultures), CULTURAL (plaisir esthétique des

couleurs des champs).

Les questions portant sur la perception des PAE par les agriculteurs portaient sur

les raisons pour prendre un PAE ou pas, les MAE qu’ils choisissaient et les raisons

de leur choix, ainsi que leur perception de l’efficacité des MAE ciblant la biodiversité

et la mise en œuvre des PAE en France.

Un seul chercheur a conduit les 2 interviews afin d’assurer une homogénéité dans

l’interprétation des réponses. Une attention particulière a été donnée à l’attitude

impartiale de ce chercheur vis-à-vis des questions portant sur la conservation de la

biodiversité ou sur les pratiques agricoles pendant tout les contacts avec les

agriculteurs.

L’échantillon était composé de 28 agriculteurs conventionnels, 12 en agriculture

biologique et 21 en labour de conservation.

Des statistiques descriptives sont été utilisées pour déterminer les fréquences.

Nous avons utilisé des tests non-paramétriques (Test exact de Fisher) pour

comparer les réponses entre agriculteurs CONV, OF et CT, de même que pour relier

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les perceptions de la biodiversité et des PAE au nombre de MAE prises. Des GLM

ont été utilisés pour modéliser le nombre de MAE en fonction du mode gestion (OF,

CT et CONV) suivi d’ANOVA pour déterminer les différences significatives.

3. Résultats

3.1. Différences entre les caractéristiques des exploitations et le contexte socio-

économique des agriculteurs.

L’ensemble des 61 agriculteurs a répondu à toutes les questions, à l’exception de

celles concernant le résultat de l’exploitation et l’éducation, qui ont été répondue par

50 et 41 exploitants, respectivement. Tous les agriculteurs étaient des hommes. Les

majeures différences entre les trois types de pratiques étaient la taille de

l’exploitation et le rendement de blé, avec aucune ferme biologique appartenant à la

catégorie des plus de 200ha et toutes appartenant à la catégorie des 7000kg/ha de

blé. On peut aussi noter qu’aucune des exploitations en CT appartenaient à cette

dernière catégorie.

3.2. Différences de perception de biodiversité entre CT, OF and CONV.

Des différences significatives existent entre les agriculteurs OF, CT et CONV

concernant la définition donnée au terme biodiversité (Fisher exact test: P = 0.03).

La majorité des agriculteurs ont donné une bonne définition (GOODDEF) de la

biodiversité, qui était définie comme bonne quand elle comprenait les termes

« diversité » et « nature » ou «êtres vivants» associés (Fig.36). On peut noter que la

définition qui met en valeur l’équilibre entre les différents groupes d’êtres vivants a

été donnée majoritairement par les agriculteurs « bio » (66.66%) et que la définition

restreinte à la diversité des cultures a seulement été donnée par les agriculteurs

conventionnels (Fig.36).

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115

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

CROPDIVERSITY

SCORN

GOODDEF

PLEASURE

ENVIRONMT

CONSERVE

EQUIL

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

MONEY

BIODIV

OFFICIALISE

CHALLENGE

HEALTH

Percent of respondents

OF

CONV

CT

BIODIV15%

OFFICIALISE15%

CHALLENGE2%

HEALTH7%

MONEY61%

HUNTERMANAGMT7%

GOODAEPs22%

CLIMATE4% CT

15%

PROTECTIONSP4%

BETTERAGRIPRAC-TICES48%

GOODDEF33%

PLEASURE4%

ENVIRONMT35%

CONSERVE6%

EQUILIBIUM18%

CROPDIVERSITY0% SCORN

4%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

CT

PROTECTIONSP

BETTERAGRIPRACTICES

HUNTERMANAGMT

GOODAEPs

CLIMATE

a)

b)

c)

Figure 36. Différences significatives entre les perceptions de la biodiversité et les raisons pour adopter un AEP entre agriculteurs OF, CONV et CT (à gauche), avec la proportion des réponses pour tout les agriculteurs réunis (à droite): a) différence de définiton donnée entre OF, CONV et CT : EQUIL : équilibre, CROPDIVERSITY : diversité des cultures, CONSERVE : action de conserver, SCORN : mépris envers le terme de biodiversité, GOODDEF : bonne définition, ENVIRONMT : environnement en général, PLEASURE = plaisir ; b) différences dans les causes pensées être responsables de l’augmentation de la biodiversité entre OF, CT et CONV : CLIMATE : changement climatique, GOODAEPs : PAE efficaces, CT= labour de conservation, PROTECTIONSP : bonne protection des espèces, BETTERAGRIPRACTICES= meilleurs pratiques des agriculteurs, HUNTERMANAGMT= bonne gestion des chasseurs, c) différences dans les raisons pour être engagé dans un PAE entre CT, OF et CONV : CHALLENGE = le goût du challenge, HEALTH = pense que l’adoption du PAE (comme OF) leur certifie une meilleure santé ainsi qu’aux autres, MONEY= pour gagner plus d’argent grâce aux aides, BIODIV = pour des raisons de conservation de la biodiversité, OFFICIALISE = pour rendre officiel ce qu’ils faisaient déjà.

Aucun agriculteur “bio” n’a exprimé de mépris envers le terme de biodiversité, ce qui

a été le cas pour 66.66% des agriculteurs en CT qui reniaient ce terme “scientifique”.

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116

(Fig.36). De façon surprenante, 22% des agriculteurs ont défini la biodiversité

comme un verbe qui a une signification d’action de conservation (i.e. conserver,

protéger). Les agriculteurs CONV étaient 64.28% à la définir comme cela (Fig.36).

Parmi les 11% des agriculteurs qui pensaient que la biodiversité avait augmenté

depuis leur enfance (30% pensaient qu’elle avait décliné, 38% qu’elle avait changé

sans tendance spéciale, 19% qu’elle avait déclinée globalement mais pas sur leur

exploitation, 2% qu’elle n’avait pas changé), 48% des agriculteurs pensaient que

c’était grâce aux meilleurs pratiques des exploitants (BETTERPRACTICES), alors

que 22% pensaient que c’était grâce à l’efficacité des PAE (GOODAEPs) (Fig.34).

Aucune différence n’existait dans la perception de l’évolution de la biodiversité entre

CT, CONV et OF (Fisher exact test: P = 0.57). Cependant des différences

significatives ont été trouvées entre les causes citées pour l’augmentation de la

biodiversité entre les 3 types d’agriculteurs (Fisher exact test: P = 0.01). On peut

noter que l’opinion concernant les meilleures pratiques des agriculteurs a été

partagée de façon presque égale entre les exploitants OF, CONV et CT, alors que

celle sur le changement climatique (CLIMATE), les PAE efficaces et l’efficacité de la

protection des espèces (PROTECTIONSP) ont été mentionnées seulement pas les

agriculteurs CONV (Fig.34). Le labour de conservation, qui représente 15% des

réponses parmi les causes d’augmentation de la biodiversité, a seulement été cité

par les agriculteurs en labour CT (Fig.36).

La cause majeure de déclin de la biodiversité citée par les agriculteurs était

l’intensification de l’agriculture (66%), suivie par le cours naturel des choses (23%),

le développement de la société (11%) et la chasse (1%). Aucune différence n’a été

notée entre les agriculteurs CT, OF et CONV (Fisher exact test: P = 0.67).

Parmi les indices utilisés pour évaluer les changements de biodiversité, le groupe

des invertébrés a été le plus cité (31%), suivi par les plantes (22%), le gibier (21%),

les oiseaux (15%), le paysage (7%), les cultures (3%) et les senteurs (1%). Il n’y

avait pas de différence de réponse entre CT, OF et CONV (Fisher exact test: P =

0.32).

Aucune différence n’a été trouvée non plus concernant les solutions données pour

arrêter le déclin de la biodiversité dans le milieu agricole parmi 8 classes de réponse,

même si seuls les agriculteurs CT ont donné celle de l’aide d’experts (Fisher exact

test: P = 0.09).

Parmi les services rendus par la biodiversité, ceux de régulation (REGULATION)

ont été les plus cités (68%) alors que 13% des agriculteurs pensent que celle-ci ne

rend aucun ou de limités services (Fig.36). Aucune différence n’a été trouvée dans

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117

ces réponses entre les 2 types d’agriculteurs (Fisher exact test: P = 0.91), même si

les services culturels (CULTURAL) et d’approvisionnement (PROVISIONING) n’ont

pas été cités par les exploitants en OF et que 55.55% des agriculteurs CONV

pensent que la biodiversité ne rend pas de services ou alors de très limités. La moitié

des réponses citant les services de support/production ont été faites par les

exploitants en CT qui se référaient le plus souvent à la qualité et la fertilité du sol.

3.3. Différences dans les raison de l’adoption d’un PAE entre CT, OF and CONV.

La majorité des exploitants (61%) citaient l’argent des aides comme raison pour

l’adoption des PAE. Les secondes plus importantes raisons étaient pour augmenter

la biodiversité (BIODIV) (15%) et pour officialiser leur travail (OFFICIALISE) (15%)

(Fig.34). Seulement 2% des agriculteurs ont exprimé cette adoption comme un

challenge (CHALLENGE) et 7% l’ont adopté pour des raisons relatives à la santé

humaine. Une différence marginale existait parmi ces raisons entre les agriculteurs

OF, CT et CONV (Fisher exact test: P = 0.06). Seulement les agriculteurs OF étaient

concernés par ces deux dernières raisons alors que celle de rendre leurs pratiques

officielles ne les concernait pas du tout. 50% des agriculteurs « bio » et 33.33% des

CT adoptent des PAE pour des raisons de conservation de la biodiversité.

Aucune différence n’existait entre les trois types d’agriculteurs concernant leur

perception des PAE français parmi neuf classes de réponses, qui étaient

majoritairement négatives, exprimant leur inefficacité, le manque d’argent, les

changements incessants et les contraintes trop nombreuses et trop lourdes (Fisher

exact test: P = 0.63).

3.4. Différences dans le nombre et la qualité des MAE choisies entre OF, CONV et

CT.

Des différences significatives ont été trouvées concernant le nombre de MAE

adoptées (sans compter celle de conversion à l’agriculture biologique et l’adoption de

méthode de labour de conservation) entre les agriculteurs CT, OF et CONV quand le

mode de gestion était ajusté au rendement et à la taille de l’exploitation (Tableau 8).

Les agriculteurs CT et OF adoptent significativement moins de MAE que les autres

(P = 0.03 and P = 0.03, respectivement). Il existe également une différence dans le

nombre de MAE adoptée concernant les jachères (amélioration de la localisation du

gel PAC, implantation de jachères faunes sauvages, jachères fleuries) (Tableau 8),

avec les exploitants en CT qui adoptent moins de ce type de MAE que les autres

(Tableau 8).

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Des différences significatives ont également été trouvées entre les types

d’agriculteurs concernant les mesures visant à diminuer les intrants, avec les

agriculteurs « bio » qui en prenaient moins que les autres (Tableau 8).

Les résultats restent identiques quand l’effet du type de gestion est ajusté au

rendement (YIELD), à la taille de l’exploitation (FARMSIZE), aux perspectives future

pour la ferme (FUTURE) et à l’âge (AGE). L’éducation et les revenus n’ont pas été

pris en compte à cause du nombre de données restreint. On peut également noter

que le rendement est également une variable explicative pour le nombre de MAE

adoptée (F2,45 = 3.80, P = 0.02).

Tableau 8. Différences dans le nombre de MAE “biodiversité” prises par les agriculteurs OF,

CONV et CT.

Response Variables df F PAll AEMs 2,55 4.15 0.01Landscape diversity AEMs 2,55 0.82 0.43Crop diversity AEMs 2,55 1.92 0.14Hedges AEMs 2,55 0.78 0.45Fallows AEMs 2,55 7.94 <0.001Low-input AEMs 2,55 4.32 0.01

3.5. Le lien entre la perception des PAE et de la biodiversité avec le nombre de MAE

adoptées.

Aucun lien significatif n’a été trouvé entre la perception des PAE et de la biodiversité

avec le nombre de MAE « biodiversité » adoptées, excepté concernant les opinions

sur les facteurs ayant causé le déclin de la biodiversité (Fisher exact test: P = 0.007).

On peut noter que le nombre de mesures « réduction d’intrants » adoptées était lié à

l’opinion des agriculteurs concernant les facteurs impliqués dans le déclin de la

biodiversité (Fisher exact test: P = 0.01).

De façon surprenante, les agriculteurs qui pensent que l’intensification de

l’agriculture est la cause du déclin de la biodiversité adoptent aussi moins de MAE

« réduction d’intrants ». Le nombre de MAE visant à augmenter la diversité du

paysage était lié aux indices utilisés par les agriculteurs dans leur évaluation de

l’évolution de celle-ci, avec beaucoup plus de MAE adoptées quand les indices

étaient le paysage.

4. Discussion

Nous avons trouvé des différences concernant la définition de la biodiversité parmi

les agriculteurs, les exploitants « bio » attachant une plus grande importance à la

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119

notion d’équilibre que les autres agriculteurs. Leur définition semble liée de façon

évidente à leur majeure préoccupation dans l’exercice de leurs pratiques.

Nous avons également trouvé des différences dans les solutions qui peuvent être

apportées pour augmenter la biodiversité, les agriculteurs CT étant les seuls à

penser que le labour de conservation pourrait être une solution. Même si le lien n’a

pas pu être démontré, il est possible que ceci soit du à leur vision de la biodiversité

se réduisant majoritairement à la faune du sol.

Des différences dans les raisons pour contractualiser un PAE ont également été

trouvées entre les types d’exploitants, seuls les agriculteurs « bio » mentionnant les

raisons de santé et de challenge. On peut conclure que ces raisons sont propres aux

agriculteurs « bio ». Elles sont aussi les plus importantes pour ces agriculteurs, avant

les raisons de biodiversité. En effet, contre intuitivement, il semble que les

agriculteurs « bio » ne soient pas autant préoccupés par le destin de la biodiversité

que par les effets directs de la pollution liés à l’agriculture intensive sur la santé

humaine. Toma & Mathijs (2007) tiraient la même conclusion dans leur étude sur les

facteurs agissant sur la participation des agriculteurs “bio” aux PAE. De la même

façon surprenante, les agriculteurs CT exprimaient plus de mépris envers le concept

de biodiversité que les autres, alors qu’ils reconnaissent son utilité. Nous pensons

que ceci pourrait être lié au terme scientifique plutôt qu’a leur préoccupation vis à vis

de la conservation de la nature, ce qui doit rappeler aux scientifiques d’être prudent

en utilisant ce mot (Toogood et al. 2004). En effet, les agriculteurs CT de même que

les OF adoptent plus de MAE “biodiversité” que les conventionnels.

Nous avons trouvé que les agriculteurs CT et OF adoptaient moins de MAE

“biodiversité” que les agriculteurs conventionnels. Une possible explication de ce

comportement peut résider dans l’auto-évaluation qu’ils font de leur impact sur la

biodiversité. En effet, des résultats empiriques venant d’autres études suggèrent qu’il

y a une tendance générale des agriculteurs à surestimer la qualité et l’efficacité de

leurs pratiques (Crosson & Miranowski 1982; Duvel 1994). Un exemple d'étude sur

l'auto-évaluation des agriculteurs concernant la qualité de leur exploitation pour

l’habitat des oiseaux (Jacobson et al. 2003), suggère que ceux qui surestiment leur

ferme par rapport à cette qualité ne perçoivent seulement qu’un besoin limité pour la

protection des oiseaux. Cela pourrait être le cas pour les agriculteurs OF et CT, les

premiers prenant plus de PAE pour des raisons de conservation de la biodiversité

que les autres agriculteurs (leur PAE ne comprenant majoritairement que des

mesures «conversion à l’agriculture biologique », signifiant qu’ils pensent que

l’agriculture biologique suffit pour la conservation de la biodiversité), et ce dernier

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120

considérant que le labour modifié pourrait être une solution pour stopper le déclin de

la biodiversité.

Cependant, quand Jacobson et al. (2003) ont questionné les agriculteurs sur la

capacité de leurs fermes à abriter les oiseaux, ils ont trouvé que 93% des

agriculteurs pensaient que leur exploitation fournissait déjà un bon habitat pour les

oiseaux, mais aucune différence n’a été trouvée entre les agriculteurs « bio » et

conventionnels.

Alors, cette adoption réduite de MAE « biodiversité » pourrait être due à d’autres

facteurs comme des facteurs économiques ou du désintérêt. Cependant, même si le

résultat économique de la ferme n’a pas été pris en compte dans l’évaluation de

l’effet du type de pratique sur le nombre de MAE prises, aucune différence n’a été

notée pour cette variable entre les trois types de pratiques. De la même façon, la

cause du désintérêt pourrait être invalidée puisque les agriculteurs avaient un taux

plus important de réponses invoquant une motivation dans la conservation de la

biodiversité comme but pour l’adoption d’un PAE que les agriculteurs CONV.

Une cause potentielle qui pourrait alors être impliquée dans l’adoption de MAE

pourrait être liée à la communication et à l’entourage de l’agriculteur. En effet, les

agriculteurs « bio » et CT peuvent former des communautés plus fermées et plus

proches que celle des agriculteurs conventionnels, à l’intérieur desquelles les MAE

ne seraient peut-être pas un sujet de discussion et même si c’était le cas celles-ci

pourraient souffrir d’une mauvaise réputation. Cependant, nous n’avons pas pu

trouver de différence de perceptions de PAE entre les trois systèmes de pratiques.

Nos résultats ont révélé une faiblesse dans le recrutement pour les PAE. Des

efforts doivent être faits concernant les agriculteurs « bio » et CT. Ceci pourrait se

révéler être une tâche plus facile que pour convaincre les autres types d’agriculteurs,

comme la plupart d’entre eux ont déjà contractualisé un PAE. Le travail pour les

chambres d’agriculture ou d’autres entités administratives en charge de la mise en

œuvre des PAE devrait juste consister à augmenter le taux d’adoption de MAE

« biodiversité » chez ces agriculteurs. En effet, même si les effets bénéfiques de

l’agriculture biologique ont été montrés, son efficacité a été remise en cause en étant

réduite aux paysages homogènes, signifiant que les pratiques biologiques, seules,

ne font pas la différence et que la mise en place d’éléments du paysages-comme

ceux conseillés dans les MAE-sont aussi importants pour la biodiversité (Benton et

al. 2003; Roschewitz et al. 2005; Rundlöf & Smith, 2006).

Dans la même idée, les bénéfices pour la biodiversité liés au labour de

conservation ont également été mis en cause ; les pratiques liées à cette méthode

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culturale ayant des effets négatifs sur les espèces spécialistes (Filippi-Codaccioni et

al. in press). Même si les agriculteurs CT ont des problèmes avec la gestion des

plantes messicoles, il pourrait être important de tenter de les persuader de prendre

plus de MAE visant à la réduction d’intrants pour contrebalancer ces effets négatifs.

Même si nous avons fait l’hypothèse que la perception de la biodiversité et des

PAE pouvait influencer l’engagement dans les PAE au travers du nombre de MAE

adoptées, nous n’avons pas réussi à trouver un lien fort entre ces facteurs.

Il semble que le lien le plus fort entre perception et engagement soit celui lié à la

perception de l’évolution de la biodiversité. En effet, les agriculteurs qui se référaient

au paysage comme indicateur pour déduire un baisse de biodiversité prenaient plus

de MAE visant à améliorer la diversité du paysage.

Nowak (1983) notait que cela avait peu de sens d’attendre d’un exploitant qu’il

adopte une nouvelle technologie avant qu’il ne reconnaisse un besoin, soit

économique, soit environnemental pour cette technologie (Jacobson et al. 2003).

Peut-être que pour ces agriculteurs, la constatation du manque de diversité dans le

paysage a fait son chemin depuis l’observation au besoin.

Cependant, même si beaucoup d’agriculteurs ont reconnu l’intensification de

l’agriculture comme responsable majeur du déclin de la biodiversité, ceux-ci n’étaient

pas les plus nombreux à prendre des MAE « réduction d’intrants », qui visent à

réduire l’intensité de la gestion agricole. Il a déjà été reconnu que les régions

intensives ont le plus bas taux d’adoption de MAE « réduction d’intrants », même si

elles ont à résoudre les problèmes les plus sérieux en matière de conservation et

d’environnement (Mante & Gerowitt 2007); ce qui est le cas dans notre région

d’étude.

De plus, toutes les études liées aux éléments motivant le comportement ont

montré que la décision d’agir d’une certaine façon est affectée par l’estimation du

poids de nombreuses influences (Beedell & Rehman 1999), ce qui renforce l’idée

que le lien entre la perception de l’état de la biodiversité et l’action de la préserver

n’est sûrement pas direct et simple. Par exemple, le facteur qui a été mis en valeur

pour avoir le plus d’influence sur l’adoption des MAE « « réduction d’intrants », était

la relation des agriculteurs avec l’institution en relation avec le paiement des MAE et

la personne en contact au sein de cette institution (Mante & Gerowitt 2007).

.

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123

En conclusion de cette seconde partie, nos résultats montrent que l’agriculture

biologique favorise les espèces les plus spécialistes, qu’elles soient strictement

agricoles ou pas, par rapport aux systèmes conventionnels et que le contraire est

observé pour le labour de conservation, et ceci quelque soit la diversité du paysage

autour des parcelles. Ceci est un résultat fort pour trois raisons, d’une part, les

espèces spécialistes agricoles sont en fort déclin dans toute l’Europe, et l’agriculture

biologique permettrait donc d’enrayer ce déclin en augmentant leur abondance,

d‘autre part, parce que même les espèces spécialistes non-agricoles voisines qui

dépendent plus ou moins du milieu agricole sont favorisées par cette pratique, or,

dans le contexte global de déclin des espèces spécialistes, cela ne peut être que

bénéfique. Enfin, le fait que ce bénéfice existe quelque soit la diversité du paysage

est un plus pour l’agriculture biologique dont l’efficacité avait été mise à mal par des

études montrant que le bénéfice tiré en terme de biodiversité, mesuré avec des

variables comme la richesse spécifique, n’était vérifié qu’en paysage homogène

(Roschewitz et al., 2005 ; Rundlöf and Smith, 2006 ; Holzshuh et al., 2007).

L’importance du régime alimentaire comme trait impliqué dans les différences

d’abondance des espèces était moins marquée, avec cependant, une agriculture

biologique qui semble bénéficier aux omnivores plutôt qu’aux insectivores, sans

toutefois montrer aucune différence avec les granivores, et un labour de

conservation qui semble bénéficier aux insectivores. Il est donc possible que nous

ayons pu déceler l’impact direct d’une faune du sol accrue en labour de

conservation, comparé à un labour traditionnel, via la chaîne alimentaire. En

revanche, plus la durée en labour de conservation augmentait plus les espèces

granivores semblaient être plus abondantes qu’en système conventionnel. Ces effets

n’étant que des tendances, nous ne spéculerons pas beaucoup sur ces résultats, de

plus, la classification des espèces dans les différents régimes alimentaires peut

varier selon les auteurs, ce qui prouve que ce travail mériterait d’être approfondi.

Concernant les résultats de l’étude 2 (Manuscrit 5), nous montrons que les

agriculteurs « bio » et en labour de conservation s’impliquent moins dans les MAE

qui visent à favoriser la biodiversité. En effet, ceux-ci en contractualisaient moins que

les agriculteurs conventionnels. Très peu d’indices tendaient à prouver que cela

pouvait avoir un lien avec leur perception de la biodiversité ou des PAE, malgré

l’hypothèse faite. Nous pensons que ce résultat pourrait être dû au fait que les

agriculteurs survalorisent la biodiversité sur leurs exploitations, de part leur propre

observation mais aussi du fait de la bonne réputation de leurs pratiques (et donc

sous l’influence sociale). En conséquence de ce résultat, nous conseillons aux

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institutions en charge de persuader les agriculteurs de prendre des MAE, de

rehausser un peu plus leurs efforts concernant les agriculteurs « bio » et pratiquant

le labour de conservation. En effet, même si ces résultats s’appuient sur un

échantillon modéré et à la seule échelle d’une région, dans un cas de culture

restreint à la céréaliculture majoritaire, nous sommes assez confiants quant à la

valeur de généralisation de ceux-ci, du moins si la cause invoquée pour ce résultat

est bien la bonne.

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IV. Discussion

IV.1. L’écologie des communautés et la conservation dans le milieu agricole

Comme mon travail de thèse s’est beaucoup déroulé au niveau des communautés

d’oiseaux et non pas sur une espèce spécifique, en danger, je me suis souvent

posée les questions suivantes :

Est-ce efficace ou pertinent en écologie de la conservation de partir des

communautés ? Est-ce que l’approche traits-centrés prônée par McGill donne lieu à

des décisions de conservation faisables et efficaces ?

En effet, j’ai souvent été enthousiasmée lors de colloque sur l’agriculture et la

biodiversité par les travaux des britanniques pour la conservation de leurs espèces

agricoles. Les prestations du Dr Peach sur les programmes agri-environnementaux

ayant délivré le bruant zizi du déclin ainsi que sur les petites astuces d’aménagement

dans les champs de blé pour augmenter l’efficacité de la reproduction de l’alouette

des champs ne peuvent que séduire. Clairement, le message est : si on fait cela,

cela marche. Seulement au bout de quelques unes de ces présentations au cas par

cas, on en vient à se demander si tout cela ne devient pas du jardinage et la

désagréable sensation du chercheur qui se débat avec un bout de carton et une

ficelle contre la surpuissance des raisons économiques et politiques vient peu à peu

s’immiscer. Tant d’efforts, tant d’études, tant de cas spéciaux. Bien sûr et

heureusement, il existe des espèces parapluie, et le scientifique ne manquera pas de

dire que si l’on protège cette espèce, c’est plein d’autres ayant les mêmes besoins,

que l’on protégera aussi. Et c’est vrai. Je pense notamment au cas de l’outarde

canepetière en France et des oiseaux de plaines qui bénéficient sûrement des

mesures de protection de celle-ci.

Toutefois, l’envie de trouver un facteur commun à toutes ces espèces, qui

permettrait de conserver non pas celles-ci au cas par cas, mais la communauté

entière d’un coup, est tenace. Si l’on arrive à comprendre ce qui influe sur la richesse

spécifique, la composition ou encore l’abondance, on se trouve alors avec des outils

plus généraux mais plus plaisants, qui ont plus de chance de marcher à long terme,

à la fois pour les politiques qui ont besoin d’indicateurs, pour les agriculteurs qui

rechignent à devenir jardinier et pour qui la multiplication des mesures est mal vue

et, pour les scientifiques qui se voient moins confrontés aux problèmes des

exigences différentes et souvent opposées des espèces. Toutefois, est-on vraiment

arrivé à prouver qu’une mesure ayant été prise au niveau de la communauté avait

réussi ? Hormis les exemples basés sur la richesse spécifique, où l’on a souvent

montré que les haies, le couvert naturel et la diversité augmentait la richesse

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spécifique (voir Hinsley and Bellamy, 2000, pour une revue et Benton et al. 2003),

très peu d’autres indices intéressants ont été testés (mais voir Devictor et al. 2007

pou un estimateur de stabilité des communautés en relation avec l’hétérogénéité

locale et paysagère).

Là, où l’approche de l’écologie des communautés devient intéressante c’est

quand elle devient traits-centrée (Mc Gill, 2006). En effet, cette nouvelle tendance qui

vise à redonner un sens fonctionnel aux espèces permettrait de faire le lien, à mon

sens avec l’écologie de la conservation. L’importance des traits fonctionnels est, en

effet, évidente dans un contexte de conservation : l’enjeu est bel et bien de prédire

l’impact de la dégradation des habitats sur les communautés et cela nécessite de

comprendre comment les espèces sont affectées par et dans l’environnement en

fonction de caractéristiques mesurables (Devictor, 2008). Ainsi, étudier les

communautés au travers de guildes, de groupes fonctionnels, de régimes

alimentaires et, dans notre cas de spécialisation, permet de trouver des groupes

d’espèces répondant de la même façon à certaines perturbations d’origine

anthropiques et de mettre en place des mesures de conservation valables pour ces

mêmes groupes d’espèces. Ainsi, certains auteurs britanniques ont mis en évidence

petit à petit, l’importance des résidus de culture pour les espèces d’oiseaux

granivores hivernantes (Wilson et al., 1996; Buckingham et al., 1999; Bradbury and

Stoate, 2000; Gillings and Fuller, 2001; Peach et al., 2001; Moorcroft et al., 2002).

Beaucoup d’études en sont venues à des recommandations pour laisser ces résidus

(Henderson et al., 2000; Moorcroft et al . 2002; Bradbury et al., 2004; Henderson et

al., 2004 ; Siriwardena et al., 2004) et cela fait aujourd’hui parti des mesures agri-

environnementales au Royaume-Uni (Vickery et al., 2004), mais aussi dans

beaucoup d’autres pays d’Europe. Dans le cas de la spécialisation, l’alarme sur les

spécialistes agricoles avait déjà été données (Siriwardena et al. 1998 ; Gregory et al.

2005).

On peut dire que notre apport concernant cette alerte est un meilleur focus sur les

espèces spécialistes grâce à un indice continu objectif et non à une dichotomie

basée sur un avis d’expert. Aujourd’hui, si l’on raisonne vraiment à partir du fait que

plus l’espèce est spécialiste plus elle est affectée par les pratiques agricoles

intensives, nous pourrions bâtir une échelle des priorités (Fig.37). Evidemment,

l’exemple de la figure 37 n’est pas complet. On pourrait rajouter des espèces comme

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Figure 37. Classement de 19 espèces agricoles de la plus spécialiste à la moins

spécialiste (ln(SSI)).

le busard cendré, la caille des blés, le tarrier des prés etc…Le classement des

espèces en agricole ou non-agricole pourrait être également sujet à révision et être

perfectionné. Celui choisi dans notre étude était la fréquence de l’espèce dans le

milieu agricole moins la fréquence de celle-ci dans le milieu non-agricole sur le

maximum des deux fréquences ; la référence des habitats étant les données habitat

remplies par les observateurs du STOC-EPS en France. Le fait que le loriot

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d’Europe, se retrouve classée comme espèce agricole peut surprendre, par exemple,

et peut venir du fait qu’il se situe le plus souvent en lisière de forêt dans un habitat

majoritairement agricole. Toutefois, si une classification rigoureuse avec toutes les

espèces agricoles que l’on peut rencontrer en France ou en Europe était faite, nous

pourrions avoir un sens des priorités de conservation selon le niveau de

spécialisation qui n’aurait rien d’absurde puisque les espèces spécialistes sont belle

et bien celles qui souffrent le plus de l’intensité des pratiques et on retrouverait à

coup sûr celles faisant l’objet de protection spéciale en haut de cette échelle.

Pour conclure, je pense que l’on ne peut pas se passer de la protection des

espèces une à une car elle est un moyen efficace et rapide de répondre à l’urgence

de la situation. En comparaison, l’approche par l’écologie des communautés pourrait

être plus durable car plus facilement acceptée et mise en place par les différents

protagonistes aux différentes échelles mais elle a du retard quant aux indices utiles

et informatifs qu’elle doit utiliser pour mettre en place des mesures « de masse ».

IV.2. Spécialisation et fonction

Au cours de ce travail de thèse et des différentes remarques faites lors des

révisions de mes articles, j’ai été amenée à me poser de plus en plus la question du

lien entre spécialisation et fonction. Alors que la plus grande importance des espèces

spécialistes par rapport aux espèces généralistes me semblait évidente, au tout

début, des éléments de bibliographie ainsi que mes quelques pas dans le monde de

l’écologie fonctionnelle (manuscrit 3), m’ont vite fait douter. En effet, pourquoi cette

certitude qu’une espèce spécialiste vaut mieux qu’une généraliste ? A quel niveau ?

Une espèce n’est-elle pas importante que par sa fonction dans l’écosystème ? Alors

quel est ce lien entre spécialisation et fonction ? Est-ce que 2 espèces généralistes

peuvent remplir les mêmes fonctions que 6 espèces spécialistes ? Plusieurs

éléments de réponses m’ont été fournis par l’article de Richmond et al. (2005) qui a

étudié le rôle des généralistes dans le fonctionnement des écosystèmes en

comparaison avec la performance des spécialistes dans des conditions similaires. Il

a effectivement trouvé, via des modèles écologiques, que les généralistes peuvent

contribuer de manière disproportionnée au fonctionnement de l’écosystème

(quantifié comme biomasse de la communauté, coexistence des espèces, résilience

et résistance). De plus, la présence de généralistes peut promouvoir la coexistence

de plus d’espèces, à la fois dans des conditions environnementales stables ou

fluctuantes. Une communauté constituée de généralistes peut également surpasser

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une communauté de même richesse spécifique, constituée seulement de

spécialistes, sous des conditions environnementales très variables.

Dans le contexte des changements globaux, la question peut alors vraiment se

poser de savoir s’il est si important de sauver les espèces spécialistes en déclin à

tout prix. Pourtant, évidemment, il est assez difficile de seulement juger par des

simulations mathématiques ce qui se passe vraiment dans la nature, n’ayant jamais

toutes les cartes en main en modélisation et se référant souvent à des postulats ne

reposant que sur nos seules connaissances.

D’autre part, les travaux de Tilman et Loreau, ont bien montré que le

fonctionnement d’une communauté ou d’un écosystème est d’avantage lié à la

complémentarité de niches ; le système fonctionne mieux si "l'espace de niche" est

bien rempli (donc s’il y a de nombreuses espèces spécialistes complémentaires). Or,

si nous avons dans un champ agricole, des espèces spécialistes (alouettes,

bruants...) mais qu'elles ont toutes la même fonction, nous aurons une mesure de

niveau de spécialisation de la communauté (CSI= moyenne des SSI) forte mais aussi

une redondance fonctionnelle qui n’est pas intéressante pour la stabilité de

l’écosystème. On peut donc en conclure qu’il est difficile de dire si une communauté

vaut mieux qu’une autre parce que son niveau de spécialisation est plus élevé, ou,

parce qu’elle a plus d’individus spécialistes que de généralistes.

Cependant, si l’on revient à nos 2 généralistes qui remplissent la même fonction

que 6 spécialistes, dans le contexte des changements globaux, (climatiques,

intensification de l’agriculture, urbanisation etc…) il y a quand même un problème.

C’est qu’il semble que ce soit toujours les mêmes espèces généralistes qui

remplacent les différentes espèces spécialistes. Nous avons alors

homogénéisation du vivant. Là, la situation est grave et alarmante puisque cette

homogénéisation est quand même synonyme d’une perte de diversité qui est la clef

de la stabilité et du bon fonctionnement des écosystèmes.

De plus, il semble également que l’on écarte trop souvent l'argument patrimonial

ou éthique. Les espèces spécialistes participent beaucoup à "l'identité des gens".

Clairement, un printemps sans alouette ni hirondelle serait plus triste et inquiéterait

énormément la population.

Notre alarme face à la diminution des espèces spécialistes face à l’intensité des

pratiques agricoles et à l’augmentation des espèces généralistes n’aurait donc une

véritable importance écologique que si ce phénomène est accompagné d’une

homogénéisation taxonomique. C’est ce que nous avons pu montrer dans le cas de

l’effet de l’urbanisation sur les communautés agricoles.

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130

Cependant, une récente étude a apporté la preuve empirique d’une meilleure

exploitation des ressources par des communautés d’espèces spécialistes comparée

à des communautés d’espèces généralistes (Finke and Snyder, 2008). Elle supporte

aussi l’argument qu’il vaut mieux conserver les espèces qui remplissent des rôles

fonctionnels spécialisés plutôt que la diversité per se, pour préserver le

fonctionnement de l’écosystème. Ainsi, si de futures études montrent des résultats

similaires, l’opinion pourrait alors pencher vers la plus grande importance des

espèces spécialistes sur les espèces généralistes, dans les communautés, vis-à-vis

des fonctions de l’écosystème. C’est donc une question primordiale à creuser d’un

point de vue de la conservation.

On peut également noter que l’étude conjointe de la spécialisation et de la

fonction est possible aussi, comme dans le manuscrit 4 où l’on a étudié l’effet de

l’urbanisation sur la diversité fonctionnelle en prenant la spécialisation comme

caractère fonctionnel, et apporte aussi un éclairage intéressant sur la relation

diversité fonctionnelle/fonctionnement des écosystèmes. Richmond et al. (2005)

relevait déjà que l’utilisation de la spécialisation comme caractère fonctionnel

indicateur de tolérance environnementale était à prendre en considération dans ce

genre de problématique.

IV.3. Est-ce que l’hétérogénéité est vraiment la clef ?

Au cours de ce travail, j’ai également été amenée à me poser de nombreuses

questions quant au rôle de l’hétérogénéité du paysage. Face à un article de taille qui

est une référence, dans lequel Benton et al. (2003) exposent toutes les études dans

lesquelles l’hétérogénéité serait la clef de l’arrêt du déclin des communautés

biotiques en milieu agricole, mes résultats axés sur le trait de spécialisation qui

disent que ce n’est peut-être pas vrai pour toutes les espèces, détonnent. A l’échelle

du paysage, comme à celle « entre parcelles » et celle « dans les parcelles », les

auteurs citent des publications dans lesquelles l’abondance ou la diversité des

espèces augmente avec l’hétérogénéité. Cependant, est-ce que ces mesures de

biodiversité veulent vraiment dire quelque chose et renseignent sur la qualité de

l’écosystème ? Je parle en particulier de la richesse spécifique qui est beaucoup

utilisée à l’échelle du paysage ainsi que l’abondance de certaines espèces. Prenons

l’exemple simple d’une forêt domaniale. Si l’on construit une

décharge en plein milieu, un lotissement avec des jardins, un bassin de

décantation, nous aurons plus d'hétérogénéité et plus d'espèces. Va t-on

dire pour autant que le site est "mieux"? D’autre part, on voit bien que dès que l’on

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s’intéresse aux traits des espèces, les réponses aux perturbations ne sont pas les

mêmes. Par exemple, Devictor et al. (2007) ont pu montrer que, selon un caractère

donné (cycle de vie pérenne ou annuel), les espèces de plantes ne subissaient pas

les pratiques agricoles de la même façon. De même, dans les communautés

d’oiseaux, souvent l’ensemble des espèces est considéré, sans expliciter l’utilisation

différente de la matrice paysagère par les espèces (e.g. Devictor and Jiguet, 2007).

Or, une espèce strictement spécialiste des grandes cultures ouvertes est a priori

moins sensible aux éléments adjacents des parcelles agricole qu’une espèce

dépendante des lisières ou capable d’exploiter plusieurs milieux. En somme, il

semble que l’hétérogénéité ne fasse pas l’unanimité quant aux réponses

d’abondance des espèces. Dans notre cas, les espèces les plus spécialistes

agricoles sont plus abondantes quand la proportion d’arable augmente autour d’elles

alors que cette mesure est corrélée négativement avec la diversité des habitats.

Parmi les apports de l’écologie du paysage, celui de faire la distinction entre

structure et composition a été très important et a donné lieu à de nombreuses

recherches. Il est vrai que dans mon étude, l’utilisation du seul indicateur de diversité

d’habitat de Shannon (SDI) ne reflète pas la complexité du paysage qui peut être

indiquée par d’autres indices qui fleurissent aujourd’hui. Ma vision de l’hétérogénéité

était donc assez simpliste puisque seulement à l’opposée de la surface d’arable.

Seulement, pour avoir manipulé ces indices au cours d’autres recherches, je me suis

aperçue que ceux-ci étaient tous quand même assez corrélés dans le milieu agricole.

Et, il est fort à parier qu’un indice de complexité du paysage aurait été fortement

corrélé négativement avec ma mesure de la proportion d’arable dans le paysage,

aux deux échelles utilisées. Du fait que l’augmentation d’abondance des espèces

spécialistes cessait à l’échelle de 1km, nous pouvons penser, que pour les oiseaux,

l’hétérogénéité de l’habitat est sûrement quelque chose de bon car elle permet

d’abriter un plus grand nombre d’espèces aux traits différents qui peuvent être

complémentaires, mais que celle-ci serait peut-être plus bénéfique au niveau du

paysage qu’au niveau de l’alentour immédiat des parcelles, dont la diversité est

défavorable aux espèces les plus spécialistes et les plus en déclin du milieu agricole.

D’autre part, beaucoup d’auteurs pensent que la diversité des habitats est une

solution car elle permet l’existence de population sources et la dispersion des

individus. Dans ce cas-là, la diversité permettrait de contrecarrer les effets de

l’intensité des pratiques à l’échelle locale du champ et de l’exploitation (Tscharntke,

2005). Cette idée est issue de la théorie des métacommunautés et des populations

sources-puits mais aussi de résultats empiriques montrant que l’agriculture

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biologique ne serait plus efficace que l’agriculture conventionnelle pour la biodiversité

que dans des paysages homogènes (Roschewitz et al., 2005 ; Rundlöf and Smith,

2006 ; Holzshuh et al., 2007). Cependant, encore une fois mes résultats semblent

dire aussi que quelque soit la diversité (puisque SDI est pris comme variable contrôle

dans le modèle 1 du manuscrit 1 et 4), certaines espèces souffrent de l’intensité des

pratiques au niveau de la ferme, que ce soit via le nombre d’applications de

pesticides ou le système d’exploitation entier ; et ces espèces sont les plus

spécialistes. Encore une fois, dans les études citées ci-dessus, la variable servant à

décrire les réponses des communautés était la richesse spécifique, en majorité.

Nous pensons donc pour conclure, qu’un regard tourné vers les traits des

espèces, sans toutefois se perdre dans le détail, puisque nous avons besoin

d’indicateurs pour agir vite et de manière efficace, permettrait de mieux cibler les

mesures de conservation concernant la diversité de l’habitat au niveau des espèces

et des échelles. Cette méthode permet de rajouter un « oui mais » à toutes les

études générales étudiant la biodiversité à partir de la richesse spécifique

seulement ; un « oui mais » constructif qui peut peut-être éviter des généralités

abusives.

IV.4. Le futur de la conservation dans le milieu agricole

Ce jardinage, ces haies que l’on plante, ces mares que l’on restaure, ces carrés

sans culture que l’on fait dans les champs, ces bordures de champs que l’on laisse

enherbée sont sûrement bonnes pour la diversité et l’abondance des espèces de

manière générales, mais est-ce que cette façon de faire est durable ? Clairement, les

mesures agri-environnementales qui visent à augmenter la diversité à l’échelle de

l’exploitation et à réduire les intrants, ont-elles un avenir ? Ces réponses, je n’ai pu

chercher à les avoir qu’à travers l’œil de ceux qui les appliquent, les agriculteurs eux-

mêmes. Seulement, il est également édifiant d’avoir l’avis de ceux qui les font

appliquer aussi et de ceux qu’on appelle en tant qu’expert pour choisi de mettre en

place ses mesures.

Malgré quelques irréductibles optimistes, très peu de ces trois classes de

protagonistes n’étaient enthousiastes vis-à-vis des programmes agri-

environnementaux (PAE). Les agents de la chambre d’agriculture de Seine-et-

Marne, de l’ADASEA, de L’ENITA de Bordeaux, ou encore de l’association

SOLAGRO etc…sont plus qu’en proie au doute de l’efficacité de ces mesures pour

plusieurs raisons. D’une part, les décisions peuvent se prendre dans l’urgence, pour

des raisons de calendrier ou d’organisation, sans consultation d’aucun expert en

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problématique environnementale de la région. Le manque évident d’un lien entre

recherche et gestionnaires est encore mis en lumière dans ce contexte de mise en

place des MAE. Et quand ce lien se fait c’est un grand décalage qui existe entre les

deux mondes, comme on peut le voir souvent lors de colloque les réunissant ou de

formations données à ces différents organismes en charge de la mise en place de

ces mesures. D’autre part, même si le budget européen pour les PAE est

faramineux, il se subdivise en pays, puis en région. Par la suite, même si la région

finance aussi ces MAE (à 50%), c’est une enveloppe dérisoire qui reste aux régions

pour agir. Dans le cas de la chambre d’agriculture de Seine-et-Marne, le choix final,

parmi les priorités environnementales du département, essentiellement basée sur

l’eau, laisse la place à seulement quelques mesures à priorité biodiversité. Le

sentiment d’impuissance est palpable chez ces personnes toutefois motivées qui

cherchent des appuis, encore une fois, auprès des scientifiques pour axer le mieux

possible leurs choix restreints.

Du point de vue des scientifiques, malgré la connaissance d’une très grande

partie de la bibliographie, des résultats, et de ce qui est bon ou pas pour l’ensemble

des espèces ou certaines, le passage à la prise de décision immédiate semble un

pas infranchissable pour beaucoup dont ce n’est pas le métier, et qui sont en proie

au doute de par leur profession elle-même. Il serait réellement nécessaire de créer

un métier à part entière, une structure d’experts scientifiques travaillant sur le

passage des résultats scientifiques à l’applicabilité sur le terrain. Or, les

groupuscules qui s’en occupent sont inconnus de la grande majorité des acteurs

dans le cadre des MAE en France. Je pense notamment au CORPEN qui est un

organisme travaillant sous la double tutelle du ministère de l’écologie et de

l’agriculture. Le CORPEN est une instance d'analyse, d'expertise et une force de

proposition fondée sur la validation scientifique et technique qui devrait se

développer beaucoup plus et se faire mieux connaître afin d’être plus efficace. On

peut également ajouter que la communauté scientifique, elle-même n’est pas

persuadée à l’unanimité de l’efficacité des MAE à but biodiversité (Kleijn et al. 2003).

Les MAE ayant été lancées avant la mise en place d’un système d’évaluation

préalable ou conjoint, l’évaluation des MAE a pris un retard assez important en

France comparé à d’autres pays d’Europe tels que le Royaume-Uni, la Suisse, les

Pays-Bas, l’Espagne etc…. Quasiment aucune étude jusqu’à ce jour n’est parue en

France sur l’évaluation de l’efficacité de certaines mesures à but biodiversité. Bien

qu’ayant été le premier objectif de mes recherches dans cette thèse, j’ai moi-même

été confrontée à la très grande difficulté d’estimer cette efficacité. Alors que le

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protocole le plus juste serait de comparer dans un environnement proche la

biodiversité dans une exploitation avec ou sans la mesure que l’on veut tester, le

panel de MAE était tellement variable et multiple et les effets inhérents tellement

différents et opposés, que la tâche m’a semblé assez hasardeuse. De plus, le

nombre de MAE à réel enjeu biodiversité était assez restreint malgré l’assez grand

nombre d’exploitations visitées. La seule MAE que j’ai pu tester est celle favorisant la

mise en place du labour de conservation. Toutefois, nombreux étaient les

agriculteurs qui ne labouraient pas sans toutefois que cette mesure soit

contractualisée ; c’est pourquoi, j’ai plutôt considéré cet aspect comme une pratique

et non une MAE.

Enfin, le point de vue des agriculteurs, est, comme on l’a vu dans le manuscrit 5,

majoritairement négatif quant aux MAE en général. Un doute assez fort est

également émis sur leur efficacité. Souvent, la seule raison qui les fait accepter ces

mesures sont les compensations financières qui vont avec. Encore plus inquiétant, la

plupart du temps, hormis chez les agriculteurs vraiment motivés et amoureux de la

nature, les agriculteurs contractualisent ses MAE sans toutefois que cela change

leurs pratiques antérieures, la seule différence qui en résulte étant les sous

dépensés pour les uns et l’argent empochés par les autres. Aux chercheurs qui

émettent cet argument pour dire qu’il n’est pas possible d’évaluer si le bénéfice en

biodiversité vient de la mesure elle-même ou de la biodiversité antérieure, je

répondrais qu’il est assez facile toutefois, de le savoir de la bouche des agriculteurs

eux-mêmes qui sont assez honnêtes sur le sujet. Je dirai même qu’au contraire, ils

sont souvent assez contents de pouvoir prouver que le système des MAE est mal

fait.

Alors quel avenir pour ces MAE ? Face aux faibles résultats et au contexte de

production qui se veut croissant d’ici 2050, comment concilier les MAE visant à

désintensifier les pratiques et le besoin de produire plus ? N’est-il pas plus honnête

de prendre une réelle décision, qui certes ne sera pas sans passer par un réel

bouleversement, soit de l’économie, soit de la biodiversité, mais qui au moins nous

sortira de cet entre-deux à l’arrière goût de gâchis. Surtout qu’aujourd’hui, déjà,

disparaissent les acquis d’hier avec l’exemple des jachères obligatoires qui ne le

sont plus. Comme nous l’avons vu en introduction, ce genre de grandes questions

commence à émerger dans le monde scientifique de la conservation (Green et al.

2005), mais qu’en est-il dans le monde économique et politique ? La biodiversité fait-

elle le poids par rapport au commerce mondial ?

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Enfin, j’espère avoir contribué à éveiller la curiosité des chercheurs quant aux

méthodes culturales émergentes comme le labour de conservation en Europe avec

le manuscrit 4. En effet, surtout connu aux Etats-Unis, le labour de conservation

semble prendre de l’ampleur en Europe pour plusieurs raisons. D’une part, il est bon

pour la faune et la fertilité du sol, et pour lutter contre l’érosion, et d’autre part, il

permet aux agriculteurs de faire des économies d’essence. Cependant, malgré les

nombreux résultats sur le côté positif pour la biodiversité de cette méthode, mes

résultats montrent qu’il y a un bémol concernant les espèces spécialistes, et ceci

étant sûrement dû aux pratiques trop intensives liées à ce mode cultural parmi les

agriculteurs conventionnels. En effet, plus de produits phytosanitaires sont passés

pour éliminer les cultures qui sont éliminés mécaniquement par le labour, d’habitude.

Au lieu d’un labour, même de surface, les agriculteurs préféreront souvent un

passage de glyphosate. On est tenté de se poser la question de savoir si le bénéfice

du non-labour contrebalance cette pratique, mais les résultats sur les individus

sensibles comme les spécialistes semblent indiquer que non. Une solution pourrait

peut-être régler ce problème. En effet, les agriculteurs faisant du semi-direct, sèment

sur la récolte précédente. Leurs rendements sont inférieurs à ceux des agriculteurs

conventionnels et à ceux qui labourent de manière superficielle. Une solution, donc

serait de labelliser les produits issus du non-labour, ce qui aurait le même effet que

pour les produits issus de l’agriculture biologique. Les produits vendus auraient un

coût supérieur qui permettrait de compenser le manque à gagner dû au plus faible

rendement. La différence de rendement étant inférieure à celle entre agriculture

biologique et conventionnelle, le coût de ces produits ne serait toutefois pas très

élevé et pourrait tenter les consommateurs qui seraient prévenus des effets positifs

pour la biodiversité, l’érosion des sols, et pour la qualité de l’eau et de

l’environnement en général de cette pratique.

Pour finir, l’agriculture biologique reste selon moi une des meilleures façons de

concilier nature et production agricole. En effet, dans notre étude, j’ai pu comparer

les résultats financiers des exploitations fournis par les agriculteurs lors des

questionnaires, et il est apparu qu’ils avaient des résultats supérieurs aux

agriculteurs conventionnels, constatation qui a été appuyé par d’autres spécialistes

en la matière. De plus, nous connaissons les résultats positifs de ce système de

production pour la biodiversité, l’environnement et la santé. Souvent plus tournés

vers le commerce de proximité, les producteurs « bio » qui font du maraîchage sont

plus prêts de la société et sont complètement réhabilités dans la société, en tant

qu’agriculteurs, par rapport aux conventionnels qui en sont plutôt exclus. Les seuls

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bémols que j’ai trouvés dans cette pratique viennent du manque de souci apparent

des agriculteurs « bio » pour la biodiversité. Il en résulte certes, un faible taux de

contractualisation de MAE « biodiversité » mais aussi un faible investissement dans

l’aménagement de leur exploitation pour un milieu plus propice à la faune sauvage.

De plus, souvent opposés à la chasse ou désintéressés, peu d’agriculteurs « bio »

font parti d’un comité de chasse et sont impliqués dans la plantation de haies ou de

bosquets et dans l’installation d’agrainoirs dans leur exploitation, en comparaison

aux agriculteurs conventionnels. Je tiens, toutefois, à souligner que ces conclusions

sont tirées de ma seule expérience en Seine-et-Marne, département où il y a assez

peu d’agriculteurs « bio » céréaliers, les seuls que j’ai contacté.

Sur le terrain, j’ai cru sentir une confiance illimitée des agriculteurs bio pour leur

effet positif sur la biodiversité. J’ai mis cela sur le compte de leur réputation positive

pour l’environnement, en général, qu’ils associeraient à la biodiversité par extension.

Seulement, le point de vue récent d’un géographe m’a donné une deuxième

explication possible à ce comportement : « La réticence des agriculteurs « bio » vis-

à-vis des MAE viendrait du contexte politique et institutionnel. Il y a une forte

institutionnalisation de l'agriculture bio en France (la plus forte en Europe sans doute)

qui est historiquement venue par défaut, en quelque sorte. Les institutions du bio

(type FNAB, ITAB ou centres de certification) ont été créées à l'initiative des

agriculteurs bios eux-mêmes pour contrecarrer le manque de structures étatiques de

formation et d'encadrement. Du coup, il y a sans doute une question qu'il faut se

poser : n'y a-t-il pas une "culture de la méfiance" des bios vis-à-vis des mesures

"venues d'en haut" ». Il ne resterait plus donc, dans ce cas, qu’un effort à faire pour

renouer des liens de confiance entre Etat et institutions du « bio » afin de les

encourager à garder une certaine diversité sur leur exploitation, même si elle est de

toute façon déjà souvent supérieure à celle des exploitations conventionnelles, leurs

parcelles étant plus petites.

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IV. Conclusion

L’étude des menaces qui pèsent sur les communautés d’oiseaux agricoles via les

concepts de spécialiste-généraliste et de diversité fonctionnelle a été très

enrichissante. D’une part, elle a permis de mettre en valeur l’importance du trait

fonctionnel de spécialisation comme facteur explicatif des variations d’abondance

des espèces face à des pressions telles que l’intensité des pratiques agricoles, la

simplification du paysage ou l’urbanisation, et d’autre part, elle a permis de mettre en

lumière les mécanismes cachés derrière les changements de distribution

d’abondance des espèces le long de ce trait avec les indices de diversité

fonctionnelle et les implications possibles sur le fonctionnement des communautés et

des écosystèmes. Nous avons pu tirer des conclusions assez importantes du point

de vue de la conservation, concernant les espèces spécialistes agricoles, mais aussi

concernant les espèces non-agricoles également affectées par certaines de ces

pressions anthropiques. Nos recommandations visaient essentiellement à mettre

l’accent sur la protection des espèces spécialistes qui souffrent plus de l’intensité des

pratiques agricoles et de l’urbanisation que les autres espèces. De plus, l’étude sur

l’impact de l’urbanisation a également permis de découvrir que les populations

d’oiseaux adjacentes étaient affectées à hauteur de l’intensité de cette pression et

que la composition des communautés était fortement remaniée dès les plus faibles

taux d’urbanisation dans le paysage agricole. Nos recommandations ont alors porté

sur un aménagement urbain moins dangereux pour les communautés d’oiseaux

agricoles, ce qui se résumerait à construire de manière moins morcelée et donc plus

en bloc. Evidemment, nous ne sommes pas aveugles à la réalité et il est fort

probable que les désirs humains ne se portent pas vers l’agglomérat mais plus vers

la liberté d’espaces privatifs.

Nous nous sommes ensuite penchés sur l’impact positif possible des hommes sur

la biodiversité dans le milieu agricole, haut lieu des enjeux en matière de

conservation. D’un point de vue tout d’abord écologique, l’étude des effets de

l’agriculture biologique et du labour de conservation sur l’abondance des espèces

selon leur régime alimentaire et leur niveau de spécialisation, a donné lieu à des

résultats intéressants concernant l’influence négative du labour de conservation sur

les espèces spécialistes, l’agriculture biologique ayant plutôt la tendance inverse à

favoriser les espèces spécialistes agricoles. Face à la problématique de déclin des

espèces spécialistes agricoles, ces résultats apportent un nouveau regard sur le

labour de conservation et une mise en garde quant à sa pratique de plus en plus

étendue.

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Comme il est évident que derrière ces pratiques se cache un homme, ses besoins

et ses convictions, aborder la problématique de la conservation du point de vue des

agriculteurs nous a semblé inévitable. Nous avons pu mettre en évidence que la

possible bonne auto-évaluation des agriculteurs biologiques et pratiquant le labour

de conservation, influencée par leur perception de la biodiversité, pouvait avoir une

influence sur leur implication dans les programme agri-environnementaux, outil phare

de la conservation dans les milieux agricoles. En effet, ceux-ci adoptent moins de

mesures visant à améliorer la biodiversité dans leurs exploitations que des

agriculteurs conventionnels. Les recommandations faites alors, issues de ces

résultats, ont été d’accroitre l’attention sur ces agriculteurs aux pratiques alternatives

lors du recrutement pour les contractualisations de mesures dans les contrats agri-

environnementaux par les entités administratives comme les chambres d’agriculture

en charge de cela.

En effet, nous sommes fortement convaincus, de part notre travail et de par la

bibliographie, que la diversité du paysage et à l’intérieur des exploitations est la clef

d’une baisse du déclin de la biodiversité dans le milieu agricole, et les programmes

agri-environnementaux peuvent permettre cela s’ils sont bien mis en œuvre et

accompagnés de pratiques agricoles à intensité raisonnable.

Evidemment, le sujet de cette thèse peut prendre une ampleur bien plus

philosophique concernant l’avenir de l’homme et de la nature, mais ceci, si cela

devait être développé donnerait lieu à une autre

thèse. Elle porterait sur le récent sentiment de

responsabilité mondiale de l’homme pour son

espèce, d’altermondialisme, de nouvelles

technologies, d’OGM, de brevets de semence, de

pollution, de services écosystémiques, et de bien

d’autres choses…

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Annexes

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Annexe1

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Annexe 2

*CV= coefficient de variation = SD/mean La spécialisation d’une espèce est ici définie comme la dépendance de l’espèce vis-à-vis de classes d’habitats. Nous faisons l’hypothèse implicite que cette dépendance se traduit par une différence dans l’abondance relative de l’espèce dans les habitats. Dans cet exemple, la mésange charbonnière ne présente pas de différence marquée dans sa fréquentation des différents habitats. Au contraire, l’alouette des champs semble marquer une nette préférence pour les habitats agricoles, notamment les grandes cultures.

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Annexe 3

Echantillonnage dans le milieu agricole en Seine-et -Marne

a)- Emplacement des 58 exploitations suivies en Seine-et-Marne. Chaque chiffre représente le

nombre de parcelles suivies à l’intérieur d’une exploitation. b)- Méthode des points d’écoute

utilisée pour estimer l’abondance des oiseaux sur une parcelle agricole.

7.5 km

a)

b)

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Annexe 4

Echantillonnage pour étudier l’impact de l’urbanisa tion

a)

b)

a)- Emplacement des 92 carrés de 1km de côté sur le territoire de la Seine-et-Marne. Ils

représentent un gradient urbain-agricole avec une proportion croissante de l’urbain : 0%

(n=30), 25% (n=30), 50% (n=17) and 75% (n=15). b)- Protocole d’échantillonnage des

abondances d’oiseaux.

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Annexe 5

Une analyse en deux étapes

Dans les manuscrits 1, 2 et 4, nous avons utilisé la même méthode d’analyse des données en deux étapes afin de définir si la réponse des espèces à l’intensité des pratiques et à la simplification du paysage, mais aussi à l’intensité de l’urbanisation et à son âge, dépendait de leur niveau de spécialisation. Un modèle simplifié explique la démarche ci-dessous : 1) Etape1 : Ai ~ intensité + simplification Dans ce modèle, on cherche à estimer un effet de l’intensité des pratiques au niveau de l’exploitation et de la simplification du paysage sur la répartition spatiale de chaque espèce. Ai représente l’abondance de l’espèce i. Ce premier modèle peut tenir compte de l’autoccorrélation spatiale ou pas en faisant un GLS. Si oui, le fait que les points les plus proches aient une abondance plus similaire que les points les plus éloignés sera pris en compte dans le modèle. Un autre type de modèle est également possible, qui est le modèle mixte qui tient compte de l’effet niché des parcelles, qui sont nos réplicas, à l’intérieur des exploitations. Un modèle linaire généralisé simple peut également être utilisé quand aucun signe d’autocorrélation spatiale n’est décelé ou qu’il n’y a pas d’effet niché dans les données (cas pour le manuscrit 2). 2) Etape2 : Réponse intensité ~ SSI et Réponse simplification ~ SSI Dans ce modèle, on cherche à mesurer quantitativement si la réponse des espèces à l’intensité des pratiques et à la simplification du paysage dépend de son niveau de spécialisation. Les estimations de la réponse sont issues de l’Etape1 qui fournit également, pour chaque espèce, les erreurs associées à chaque effet qui sont utilisées dans cette deuxième analyse comme poids. Dans le cas de surdispersion (residual deviance > residual df), SE2 est corrigé par le facteur d’inflation de la variance (residual deviance/residual df) (e.g. Julliard et al., 2004). Cette approche en deux temps a été utilisée plutôt que de traiter toutes les espèces dans un même modèle (e.g.GLMM) pour tenir compte de la surdispersion de façon pertinente (e.g. espèces sociales vs espèces territoriales). Si traitées dans le même modèle, les espèces contribueraient de manière proportionnelle à leur déviance et, en conséquence, cela donnerait plus de poids aux espèces surdispersées. Les résultats pour les espèces agricoles (ligne continue) et non-agricoles (pointillés) sont présentés ci dessous.

Rep

onse

to la

ndsc

ape

si

mpl

ifica

tion

Rep

onse

to In

tens

ity

-0.12

-0.1

-0.08

-0.06

-0.04

-0.02

0

0.02

0.04

0.06

0.08

-1.5 -1 -0.5 0 0.5 1

-1.5

-1

-0.5

0

0.5

1

1.5

2

2.5

-1.5 -1 -0.5 0 0.5 1

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