UNIVERSIT LIBRE DE BRUXELLES

The Trial dOrson Welles Analyse du film

de

Satnik Gevorkian

01/01/2014

Ce travail porte le film dOrson Welles, une adaptation du roman de Kafka. Lanalyse est faite selon

quelques concepts vus au cours dEsthtique et de Philosophie du cinma dispens par Domnica

Nasta, professeur lULB.

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Introduction:

1. Orson Welles, ce magicien

Le dsir de prendre mdecine est l'un des traits qui distinguent l'homme de l'animal serait la

premire phrase quaurait prononce Orson Welles, depuis son berceau, au mdecin qui la mis au

monde. Au gnie criait alors ce mdecin. Plus que gnie, magicien. Plus que magicien, cinaste.

Ajoute cette combinaison lexprience et est n The trial.

Orson Welles devient clbre prcisment le 30 octobre 1938 20h, lorsquil se met en scne dans La

Guerre des Mondesde H.G Wells quil a adapt pour une mission de la radio amricaine CBS. Le

public amricain, accordant une confiance totale aux mdias, se laisse convaincre par lmission de la

venue dextra-terrestres sur la plante bleue. Affol, le public. Charm, Hollywood. Ne, la carrire de

Welles.

Lanne suivante il crit et ralise Citizen Kane, un chef duvre reconnu de par le monde et auquel

plusieurs grands cinastes font rfrence dans leur propre film. 9 ans plus tard, le succs nest plus de

mise avec La Dame de Shanga (1948). Welles sexile alors en Europe o il ralise La Soif du Mal

(1958). Ce dernier ressemble au Procs en un point : la confrontation entre Homme et Justice. Les

annes qui sparent ces deux films sont pour Welles creusent en termes cinmatographiques. Alors que

le cinaste est en vacances dhiver sur les montagnes autrichiennes, Michel et Alexander Salkind lui

proposent une liste de livres dont ils sont prts financer ladaptation cinmatographique. Parmi les 82

titres figurant sur la liste, lun des moins ralisables tait le Procs, avoue Welles lors dune

confrence filme1.

2. Le Procs de Kafka (1925)

Franz Kafka dcde en 1924, laissant son roman inachev. En 1925, le roman est publi aux ditions

Die Schmiede, Berlin, sous linjonction de lhritier de Kafka et de Max Brod, un ami. Le roman est

trs raliste et plonge le lecteur dans une perte de notions temporelles. Welles reste trs fidle au

roman de lauteur autrichien, en ce que les dialogues thtraliss sont pratiquement repris tels quels et

les scnes sont semblables. Il est vrai, Welles a chang lordre des chapitres et a limin certaines

scnes, mais ces changements naltrent aucunement le sens du film, mais ajoute la personnalit du

cinaste dans le scnario. La modification principale se situe dans le personnage de K. Le personnage

de Kafka est davantage port sur la recherche de la faute, alors que celui de Welles se balance entre

culpabilit et innocence dans un jeu suspect, laissant le spectateur dubitatif. Cette diffrence se

synthtise dans le nom du personnage. Chez le romancier, il sappelle M. le fond de pouvoir Joseph

K, alors que chez le cinaste, il na pas de titre, ni de nom. Cest juste Joseph K. Dans les notions de

vrit et de non-vrit, nous nous situons dans lentre-deux. Le nom de Joseph nest pas connu, ni son

mtier, et son statut social est ambigu chez Welles, tandis que Kafka lintroduit comme banquier ou

travaillant la banque et comme tant un personnage riche. Dans le film, nous savons que K a une

position leve au bureau, mais en mme temps il habite une petite pice dans un quartier non ais. Cet

1Youtube. Filming the Trial (1981) : Rare Orson Welles Documentary. Publie le 10 octobre 2010. [En

ligne]https://www.youtube.com/watch?v=RbUe-bM6bXg , consult le 23 avril 2014.

https://www.youtube.com/watch?v=RbUe-bM6bXg

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anonymat fait de Joseph Monsieur Madame tout le monde . Cest l une diffrence non pas

seulement de contenu, mais galement de forme. Le roman se structure selon la recherche de la vrit,

le film selon le droulement improbable du procs et du point de vue de laccus et de sa trajectoire.

Tout comme dans le roman, Welles introduit une pointe dironie dans le film. Tout comme Joseph

Kafka se croit rebelle, mais qui assez ironiquement obit aux ordres, Joseph Welles sexcute, sans

mme lordre donn, tout en commentant quil ne le ferait pas. Par exemple, dans la scne initiale, K

dit quil na pas pour habitude de shabiller 6h14 du matin, et ce tout en shabillant. A ce stade, il se

situe dans linadquation de la structure tripartite.

3. Le Procs de Welles (1962) :

En mars 1962, dbute le tournage dans les studios de Paris. La production est internationale et impose

donc un casting international. Welles est un cinaste trs cultiv : il est metteur en scne, comdien,

cinaste, il a des notions darchitecture, etc. Bref, il intgre dans ses films tout son hritage faisant de

ceux-ci des sries culturelles. Il en va de mme du Procs-dautant plus quavec Citizen Kane, le

Procs est le seul film pour lequel Welles a eu carte blanche-, pour lequel il intgre non seulement son

exprience Hollywood (Studio RKO), mais aussi du cinma europen.

Le cinma europen des annes 60 est marqu par le modernisme qui frappe les cinastes tels

quAntonioni, Fellini ou Godard. Welles a sans doute t influenc dans ladaptation de The Trial,

roman de Franz Kafka, auteur autrichien du dbut du 20e sicle.

Welles lui-mme avoue que le film suit la logique dun rve, voire dun cauchemar. Il sagit du rve

dangoisse que nous retrouvons notamment dans Les Fraises Sauvages (1957) dIngmar Bergman. En

effet, Le Procs est construit selon la libre-association moderniste qui impose un montage arbitraire.

Le montage ne suit pas une rationalit, ni temporelle, ni spatiale, mais plutt une logique surraliste,

onirique, voire absurde. Les premiers plans du film -des gros plans qui cadrent le visage de Joseph

couch dans son lit, comme si nous entrons dans sa tte- en sont les garants et rappellent, encore une

fois, les plans serrs sur le personnage dormant du dbut des Fraises Sauvages. Cependant, comme le

souligne Welles, il ne sagit pas dune reproduction dun rve, mais dune construction selon un rve,

car telles ont t sa lecture du roman et sa vision du monde kafkaen. Il a, nanmoins, ajout que le

film prte des interprtations multiples. Celle que nous aurons ici est celle de la frontire poreuse

entre ce qui relve de lespace mental (la paranoa de Joseph qui se structure comme un cauchemar) et

ce qui relve de la ralit.

Par ailleurs, Welles intgre la philosophie de la chosification de Lucks qui a, notamment, travaill sur

luvre de Kafka. La chosification, cest lide de la primaut de lobjet par rapport lhumain. Nous

retrouvons cette ide dans plusieurs scnes, notamment chez lavocat o tout objet est prsent en grand

nombre : les bouquins, documents, bougies, etc. Les objets sont alors facteur de sens.

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4. La narration

a. Rcit encadr : narration dlgue

Le rcit est encadr et la narration dlgue au personnage de Joseph K. Ce dernier trace sa trajectoire

travers la recherche dune aide extrieure, quil ne trouvera pas. Ds lors, le croire filmique est limit

aux vcus et dcouvertes (dits de lavocat, dits du peintre, dits de linfirmire, etc.) de Joseph. Quant

au savoir et voir filmique, nous nous situons galement dans le point de vue subjectif de Joseph. Ainsi,

aussi bien la focalisation que locularisation ou lauricularisation sont internes. Ces derniers attestent,

une fois de plus, de la confusion entre espace mental et espace rel, et renvoient la question de vrit

ou de non-vrit.

Dans le triangle de Blher, nous nous situons dans une fonction rfrentielle constamment dlgue.

Cest Joseph qui gre la narration par son point de vue et par sa connaissance ; il dose la quantit

dinformations vridiques quil donne, et il faonne sa trajectoire. Cependant, dans cette fonction

rfrentielle, nous retrouvons de lmotivit. Cest le je pronominal de Joseph, omniscient, (P.O.V,

auricularisation et focalisation internes, etc.) en permanence en conflit avec les hommes de loi, les

dcors (architectures de la dmesure qui crasent Joseph ; barreaux), son Destin, etc.

b. Narration non restrictive : cinma en tant quart de lexhaustivit

Le film ne se restreint pas un sens premier, mais permet de comprendre autrement et comporte

plusieurs thmatiques :

i. Dualits

LHomme vs. La Justice corropmue, LHomme vs. Son Destin, Le microcosme vs. Le macrocosme,

dans des rapports de force variants. Nous retrouvons galement un split personality de Joseph dans un

jeu du ddoublement de son image travers son ombre, dans un expressionnisme visible au niveaude

lclairage, ou de son reflet dans une occurrence miroir.

ii. Lhypothse machinique dans une analogie diffrante

Ce thme se retrouve de nombreuses reprises. Tout dabord, dans toutes les scnes du bureau de K,

lhypothse machinique est omnisciente. Nous la constatons travers les dactylographes qui tapent

tous machinalement et un mme rythme, engendrant un boucan collectif qui renvoie au bruit des

machines. Ici, les travailleurs sont compars aux machines crire. Ltre humain doit en faire autant

et aussi bien que la machine. En outre, lentreprise possde de grandes machines de travail, notamment

le dtecteur de mensonge. Ce dernier se rattache la notion de vrit ou de non-vrit qui manerait de

Joseph ou de la machine. Cependant, le test de vrit nest jamais pass (les scnes ont t coupes au

montage) laissant le spectateur sans rponse. Dans ce cas, le dtecteur de mensonge est

anthrpomorphis, renvoyant nouveau une analogie diffrante, mais dans un rapport invers. Cette

fois, cest la machine qui agit comme un tre humain dans une dialectique anthropomorphique.

Ensuite, cette hypothse est prsente dans la scne de la dame handicape dun pied. Cest la machine

(anctre de la gouttire) qui laide se dplacer. Cette machine doit agir comme le pied humain. Dans

ces trois cas, lanalogie naitde la diffrence machine/homme.

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iii. Les Femmes tentatrices et polygames

Kafka entretenait des relations problmatiques avec les femmes. Il a, en effet, connu nombre de

relations amoureuses dsastreuses. La problmatique de la femme comme tentatrice et adultrine est

ainsi tout naturellement prsente dans le roman et, donc, dans le film. Nous la retrouvons chez

Madame Burstner, dont le mtier de serveuse dans une boite de nuit porte croire quelle se prostitue,

chez linfirmire qui fait lamour tout accus, chez Lisa, pouse du greffier, qui entretient des

relations adultrines avec le juge dinstruction.

iv. La thmatique de laide est galement souleve

Un avocat vreux, un huissier qui refuse daccompagner Joseph la sortie du tribunal (mtaphore

de laide dans son procs), un peintre qui lui propose de laide, un oncle qui laide par intrt, etc.

c. Schma fonctionnel ou structure tripartite

Welles installe dabord des critres narratifs classiques qui se situent aussi bien au niveau de la forme

que dans le contenu. Il sagit de la narration (norme, ici la loi), puis de la variation (transgression de la

norme, ici le non-respect de la loi) et enfin la normalisation (retour la norme, ici la justice). Cette

structure se rapporte la Loi. Mais dans le cas de Joseph, la structure est corrompue. En effet, la

normalisation nest jamais faite : il y a abus de pouvoir/de la loi (les raisons de larrestation de Joseph

ne sont jamais explicites, lun des policiers demande un pot-de-vin, etc.), Joseph nest pas

correctement dfendu par un avocat, les juges sont corrompus, Joseph est enfin assassin.

Ensuite, la narration se structure selon les structures fonctionnelle et tripartite. Dans la premire, la

situation initiale est larrestation de Joseph, la transformation, sa prise de conscience de la corruption

de la Justice, et la situation finale, son assassinat. Dans la seconde, linadquation du personnage tient

sa passivit et sa lchet, ladquation correspond son passage dun tat passif un tat actif il

dnonce les deux policiers, mais, ladquation tant encore fragile, revient sur sa dnonciation ; il se

dbarrasse de son avocat vreux ; il va chercher de laide auprs du peintre- et la sur-adquation est le

fait quil affronte ses assassins et, indirectement, son Destin, duquel il rit. Il sagit dun individu, mais

il sagit surtout de la suprmatie du monde, de la loi, du destin que cet individu doit affronter.

Dailleurs, Welles travaille jusquau moindre dtail afin de faire peser ce Destin sur les paules de sa

victime. Un Destin qui crase petit petit sa proie, la rduisant la paranoa, puis ses cendres. Le

cinaste traduit cette force suprieure travers les angles de vue, les dcors gigantesques, lclairage

contrastant, la partition musicale dramatique, etc. Cest le macrocosme qui rprime le microcosme.

Aussi, le titre est isotopique. Le film volue par le travail du procs : Joseph cherche des moyens de

dfense (son oncle, son avocat, le peintre Titorelli, etc.). Et le rcit sorganise sur la trajectoire de K

qui traverse des preuves et qui simpose, mais finit par se retrouver dans des msaventures cres par

les autres (les femmes, lavocat, le patron, etc.).

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d. Vrit et non-vrit

Le film sarticule autour de la notion de (non-)vrit. Chaque personnage donne des parcelles

dinformations sans jamais voquer la raison relle de larrestation de Joseph. Les prtendus

dtendeurs de la vrit sont linspecteur, lavocat Hastler, le peintre Titorelli, linfirmire Lenni, Lisa,

le greffier, Bloch. Ces personnages, chacun leur tour, interviennent comme narrateur synchronique,

puisquils racontent et participent la fois, et unreliable. La question de la vrit est explicite lorsque

Joseph doute de Lisa.

e. Doublesymtrie et autorflexivit sporadique

Le rcit est symtrique. Prologue et pilogue se rejoignent sous la voix over de Welles en tant que

narrateur panchronique, dans un presenationalblocking travers une face-camra sonore, dans la

fonction conative. Dans lpilogue, le narrateur raconte, sans participer, la Parabole Devant la Loi2de

Kafka. Cette parabole, raconte par un prtre Joseph, est une partie que lcrivain a publie part du

Procs, bien quelle en fasse partie.

Nous la retrouvons dans le premier pay off du film. Joseph atterrit dans une cathdrale o il rencontre

dabord un prtre, ensuite son ex-avocat, jou par Welles. Ce dernier lui raconte, en voix in, la

parabole et devient ds lors un narrateur synchronique puisquil raconte et participe la fois. Lavocat

se situe ce moment prcis dans la conativit. Lorsquil sadresse Joseph, il sadresse indirectement

au spectateur, engendrant une duplication de la fable. La face-camra interpellative de lavocat est,

cependant, malmene par des contre-champs sur Joseph sur qui sont projetes les images du prologue.

Est ainsi surligne la mise en abyme des deux rcits : la parabole et lhistoire de Joseph. Cest ici que

se clture la premire boucle du rcit. La seconde symtrie est boucle lorsque le narrateur redevient

panchronique et est visualis par sa voix over, lors de lpilogue. Il conclut le film comme il lavait

introduit. Evidemment, le narrateur synchronique nest pas le mme narrateur que celui panchronique,

bien que jou par le mme acteur, Welles.

Cest dans la rptition et dans la conclusion de cette parabole quintervient le cinaste :

lautorflexivit nest pas systmique, mais sporadique. Cependant, elle devient systmique lorsquil

elle se fait travers les narrateurs synchroniques (avocat, Lenni, Lisa, etc.).

5. Camra et angles de prise de vues

Dans un style propre au cinaste, Welles recourt de fortes plonges et contre-plonges. Lune des

ides est de marquer les rapports de force entre les personnages. Cest notamment le cas dans la scne

inaugurale o des contre-plonges troublantes sont utilises pour montrer linfriorit de K face aux

deux policiers.

La premire contre-plonge (deuxime plan) introduit le plafond dans le champ visuel, plaant

demble Joseph dans un espace clos et claustrophobe. Ainsi, les angles sont employs par le cinaste

2 Kafka Franz, Vor DemGesetz, 1915. In : Le Procs, Chapitre IX, A la Cathdrale. Editions Gallimard, 1925, 384

pages.

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pour crer une atmosphre oppressante et recrer lenfermement des cellules travers un surcadrage. Il

recourt aussi une camra qui resserre les plans clturant doublement lespace physique des

personnages.

Welles montre en gnral Joseph en contre-plonge dans ses rapports avec, notamment, lavocat, les

policiers, le prtre, afin dillustrer son infriorit et son impuissance face aux Hommes de loi. Au

contraire, il est en position dominants, et donc en plonges (moins marques) dans les champs/contre-

champs, face aux personnages moins importants au vue de la loi (Irmie, Bloch ou la secrtaire).

Ce rapport de force est galement traduit dans les dcors architecturales dmesurs du palais de Justice

(ou autres) crasant lindividu Joseph. Outre les multiples mouvements de camra et angles dcentrant

lgrement les personnages, ainsi que dcor charg en prsence humaine et matrielle, Welles recourt

la courte focale pour permettre une profondeur de champ nette, avec point de fuite, qui permet de

dmultiplier les personnages et objets prsents dans le champ visuel du spectateur et optimisant

lespace filmique et du dcor. Ce procd permet de rendre claustrophobe un espace immense, comme

la maison de lavocat (livres). Ce qui angoisse Joseph et le spectateur dans cette omniprsence de

personnes et dobjets (Entreprise de K, tribunal, etc.).

Enfin, la camra est tantt subjective, dans lmotivit : elle devient oppressante, voire oppresse ; elle

tangue lorsque Joseph a un malaise ; elle montre le point de vue de K, etc. Par moments dans cette

subjectivit, la confusion ralit/rve est prsente, et se confond avec une camra onirique. Elle est

tantt objective mais dans une ocularisation interne secondaire dans la fonction rfrentielle.

6. Dcors et clairages

Welles opre une dualit syntaxique et stylistique. Il tourne le film, dun ct, en extrieur, et dun

autre, dans des dcors construits, truqus. Aussi bien pour les dcors rels que pour ceux construits,

nous retrouvons son got pour la dmesure qui sest fortement exclam dans Citizen Kane. Ces

connaissances en architecture lui permettent de tracer les dcors3 du Procs lui-mme et de les imposer

au dcorateur du film, Jean Mandaroux, qui doit combiner son travail selon les croquis de Welles.

Ces croquis sont influencs par une production internationale, alliant une quipe franaise, italienne et

allemande. Dans les dcors, baroqueset teints dexpressionnisme, se retrouvent une rcurrence de

lignes horizontales, verticales, obliques qui rythment les scnes. Ces dcors lignes rappellent tout

dabord les uvres de Mondrian, artiste peintre nerlandais reconnu

comme un des pionniers de

labstraction. Labstraction

renvoyant non seulement aux

dcors, lclairage, mais aussi

la construction abstraite du

film (rve).

3 Nous pouvons retrouver les croquis des dcors ici : http://www.museedeslettres.fr/public/sous-

thematique/liste-oeuvre/84?PHPSESSID=2526824b8b9dd0fc378db5ca362f86d6

http://www.museedeslettres.fr/public/sous-thematique/liste-oeuvre/84?PHPSESSID=2526824b8b9dd0fc378db5ca362f86d6http://www.museedeslettres.fr/public/sous-thematique/liste-oeuvre/84?PHPSESSID=2526824b8b9dd0fc378db5ca362f86d6

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En outre, dans une isotopie avec le titre du film, certaines lignes sont utilises pour illustrer

lenfermement dans laquelle se trouve le personnage dAnthony Perkins ; et cest notamment en cela

que transparait lexpressionnisme psychique allemand. Ces lignes deviennent alors des barreaux dune

cellule de prison,

et/oudes barreaux

sparant Joseph des

femmes ; mais

aussi des barreaux

enfermant Joseph

dans sa tte, son

cauchemar, son

ddoublement.

Nous retrouvons galement des cercles qui rappellent la circularit, les cycles : les injustices se

rptent (fable de lHomme et du Garde), symtrie du rcit, etc. Jean Mandaroux a galement introduit

un contraste entre architectures immenses vides et huit clos chargs, ou linverse entre grands

espaces chargs et espaces confins vides. Limmensit des architectures est propre la dmesure de

Welles.

Enfin, Jean Mandaroux dpeint la diffrence de personnalit et de mode de vie de MarikaBurstner, la

voisine, et de Joseph K dans la dcoration charge de la chambre de lune, et la simplicit du dcor de

la chambre de lautre. Par ailleurs, larchitecture dcorative de certaines scnes est trs gomtrique,

carre (Mondrian). Cest le cas de la scne de lglise, la scne du tribunal, la scne avec la cousine,

les scnes de bureau, etc.

En ce qui concerne lclairage, nous retrouvons un jeu dombres et de lumires, et un contraste entre le

noir et le blanc expressionnistes, un clairage en demi-teinte ou en claire-obscur, et des lueurs

blafardes, dun ct. Et dun autre ct, un clairage blanc et neutre est de mise. Dans le premier cas,

cest vers un clairage psychologisant que tend Welles. Cet clairage se retrouve notamment dans les

scnes incluant lavocat, dans la scne finale, chez le peintre et le couloir de la folie . Ce sont les

scnes qui sont le plus configures comme tant un cauchemar ou relevant de lespace mental/de la

paranoa de Joseph. Il sagit de scnes o les Autres sopposent Joseph dans un simulacre de

justice. Tandis que les scnes initiales ou celles avec la cousine Irmie devant le palais de Justice sont

claires dun blanc neutre.

7. Bande son

a. Gnrique programmatique et musique comme lexie sonore

Sur le gnrique joue le G minor dAlbinoni que Ledrut se rapproprie. De fosse, il est associ au

Destin de Joseph. Ainsi, ds le gnrique- qui est programmatique-, le spectateur entre directement

dans lune des thmatiques du film. Cette partition, agissant comme lexie sonore, intervient dans

lanamnse, la rminiscence du spectateur et contribue la cognition de ce dernier. Dans les codes

S/Z de Barthes, il sagit du code connotatif. En effet, un lment du film, ici de la bande son, est en

rapport avec le personnage principal. Les musiques associes aux femmes sont jazzy et sexy. Comme

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celle de MarikaBurstnerqui illustre la lgret du sexe fminin et de ses murs. En outre, le gnrique

sonore annonce un film avec trs peu de silence, aussi bien musicale que verbale. Lun des seuls brefs

moments o la musique laisse place au silence est lors du discours de K dans la commission denqute.

8. Montage linaire et montage scalaire

Le montage du film est continu suivant une logique temporelle linaire mais qui implique des ellipses.

Et ce bien que le spectateur perd toute notion de temps. Par ailleurs, Welles joue sur lchelle des plans

-fortes (contre-)plonges classiques et non classiques, plans serrs, angles dcentrs, etc.- afin de

gnrer du sens dans un montage arbitraire, cest--dire qui ne suit pas une logique mais contribue

signifier. Cest le montage scalaire des plans de chaque scne et non des scnes entre-elles.

Au niveau de lclairage, cest aux montages tonal, par moment, et supra-tonal, par dautres, auxquels

nous sommes confronts. Chacun vhiculant un message diffrent.

Analyse:

1. Prologue

Le prologue dbute avec une fable o nous nous situons dans la fonction conative dun narrateur. Ce

dernier est panchronique, puisquil raconte la parabole mais ne participe pas au rcit.

Nul ne doit ignorer la loi ! Pourtant, Joseph lignore bel et bien, et il ny a pas accs. Dans la scne

du tribunal vide, Lisa lui dit You cannottouchthose books . Ce quoi Joseph rplique

Imgonnabecondamnedwithoutknoing the law . Il sagit dun double bind qui renvoie la parabole.

a. Mta-film

Il sagit de la parabole raconte par un prtre Joseph K. Welles en fait un intertexte qui deviendra

par la suite un mta-texte du film. Par ce commentaire, le cinaste intgre le macrocosme au

microcosme du film, une ontognse de la loi et de la justice. Ce mta-texte fonctionne par une double

autorflexivit (et/ou une ontognse), prsente deux niveaux. La premire est systmique et

correspond au devenir du personnage dans sa confrontation avec son destin, la loi, le monde

(omniscience de Joseph), ainsi que lintervention des narrateurs synchroniques ; la seconde est

sporadique et se traduit par lintervention, dans le prologue et lpilogue, de Welles en narrateur

htro-digtique, au travers dune voix over.

Outre cette parabole, le cinaste introduit dautres intertextes qui deviennent des mta-textes, cest--

dire des commentaires sur le film. Il sagit notamment dune citation de la Bible protestante qui

mentionne limpuret de lhomme Mmes les Saints sont impurs .

b. Hypothse structuraliste

Une mise en abyme du personnage masculin idal, cest--dire beau, grand, que toute femme dsire,

riche (position au bureau) et honnte, mais qui est victime dune Justice corrompue/de personnages

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occupant une position leve dans la socit totalitariste, et de malentendus, sera dveloppe et

conjugue plusieurs niveaux du film.

c. Les codes S/Z de Barthes :

Le code hermneutique, avec la combinaison de la fonction conative et celle rfrentielle, stale dans

plusieurs scnes du film. Joseph recherche la vrit au travers dune enqute quil mne auprs de

personnages quil croit dtenir cette vrit ou du moins des informations qui pourraient lintresser

propos de son procs et de la manire dont il pourrait sen sortit. La fonction conative est visible

notamment lorsque la camra est subjective (un POV). Cest le cas, par exemple, avec lavocat ou le

peintre Titorelli qui interpelle indirectement le spectateur.

Le code rfrentiel/culturel se retrouve dans les mta-textes du film, comme la parabole du prologue et

la citation biblique protestante que nous dvelopperons davantage dans la suite de cette analyse. Ces

intertextes renvoient dautres composantes de la digse.

Le code connotatif, quant lui, est visible dans la fonction motive. Jean Ledrut associe une

composition musicale (constamment de fosse) Joseph, ou du moins sa dtresse, son dsespoir, la

fatalit de son Destin. Cette illustration musicale devient alors une lexie auditive qui rappelle au

spectateur la prsence dun Destin fatal.

2. Scnes du film

Scnes initiales :

Il y a un fondu enchain des plans de lpilogue au premier plan du film. Une musique de fosse installe

une ambiance dramatique et un sentiment dtranget, et est rvlatrice de la suite des vnements.

Remarquons quun clairage contrastant noir et blanc expressionniste du cinma allemand des annes

20 est utilis dans le dbut de cette scne. Il nen sera pas de mme dans la suite de la scne, o une

lumire blanche dominera la gamme chromatique ds que les rideaux seront tirs.

Le premier plan est un gros plan en contre-plonge oblique sur le visage de Joseph, invitant le

spectateur entrer dans sa tte. Welles offre demble le foyer dnonciation Joseph. Ce plan serr

est indicatif de locularisation interne primaire qui va se mettre en place : nous entrons dans la tte de

Joseph. Lauricularisation est galement interne maissecondaire. En effet, le spectateur nentend que

ce que Joseph entend du monde extrieur. Dans ce plan, lou justifie le rveil de K. Le son de la porte

qui souvre est dabord hors-champ et est visualis dans le plan suivant, devenant un son in. Quant la

focalisation, elle est interne secondaire, le savoir spectatoriel ntant aliment que par les images

prsentes lcran.

Le deuxime plan est un plan moyen en points de vue et sonore subjectifs. Il sagit dun P.O.V. mais

non classique. La contre-plonge, incluant sol et plafond, ainsi que les murs, est facteur de sens. Elle

contribue renfermer lespace, dj confin la base. Ce confinement rend la scne claustrophobe

travers un sur-cadrage cre par les murs, le sol et le plafond.

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La camra pivote sur Joseph, vu de dos, lobscurit dessinant sa silhouette ; tandis que le policier est

vu de face dans la lumire. Cette mise en scne confirme quil sagit dune camra subjective. Lorsque

Joseph se met bouger, locularisation interne redevient secondaire.

Le rideau tir est une utilit, au-del stylistique et scnaristique, pleine de sens. Il ne sagit pas

uniquement dclairer la pice, mais aussi de jeter la lumire sur K afin de confirmer sa mainmise sur

lnonciation. Aussi, cet clairage naturel permet un jeu avec lombre de Joseph sur les murs. Il en

va de mme pour la petite lampe que Joseph allume : la lumire quelle engendre projette lombre de K

sur le mur. Cette ombre omniprsente atteste deux lments. Dune part que Joseph, dstabilis, nest

plus que lombre de lui-mme, quil nest plus entier. Dailleurs, le jeu frntique de lacteur

accompagne cette affirmation. Dautre part, dune ventuelle culpabilit de Joseph dans un

ddoublement de son image. Ce ddoublement pose la premire limite la frontire entre espace rel

et espace mental du personnage, et lui confre une ambigut consubstantielle.Le personnage

dAnthony Perkins est tellement important que son ombre couvre mme, certains moments, le

policier. Tout ceci installe la fonction motive dans la rfrentialit, du je pronominal de Joseph :

I am a man of regular habits () .Une motivit illustre par une camra oppressante et engendrant

de la tension.

Lombre du policier nest projet uniquement partir du moment o son collgue ouvre la porte du

couloir. Les deux policiers sont clairement des personnages secondaires, leur prsence nest motive

que par une utilit scnaristique.

Une horloge se fait entendre dabord en hors-champ et ensuite en in, une fois visualise. Les clics clacs

des aiguilles croissent la tension et ajoutent une dimension supplmentaire la pression faite sur

Joseph : les autres lments sont les angles de prise de vue de la camra, lclairage, le confinement de

la chambre et les policiers. Le sonde lhorloge est une mtonymie du temps qui stresse le personnage.

Remarquons dans ce plan le contraste entre la chemise blanche de

Joseph, incarnant linnocence, et les tenues fonces des deux

policiers, sinistres personnages, en arrire-plan. Aussi, Joseph est

clair, alors que les policiers sont dans la pnombre. Ce qui

engendre une ambigut dans le chef du spectateur en ce qui concerne

la culpabilit ventuelle de Joseph. Cette ambigut tient au fait que

tout converge vers linnocence de K, mais son attitude le trahit.

Welles choisit un plan en contre-plonge sur les trois collgues de Joseph alors quils se trouvent la

mme hauteur que lui (Joseph est entour par lennemi, encercl).Cette contre-plonge est le gage de

la fonction motive dans la rfrentialit. Lide est de transmettre au spectateur une ambiance

pesante,le malaise que ressent Joseph. Le regard des collgues -car leur regard individuel sunissent

pour ne former quun,

alourdissant le jugement

(procs)- opprime Joseph.

Cest donc un Joseph oppress,

nerveux que Welles veut voir

transparaitre lcran. Cela se

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vrifie dans les premiers plans (-squence) et dans les mouvements de camra qui suit Joseph, ainsi

que le jeu dacteur. En effet, la camra filme Joseph avec une longue focale, ayant le personnage dans

des (gros-) plans caractrisant, et les mouvements de camra sont psychologisant. La camra coince

Joseph prt du miroir, espace qui parait troit. Les contre-plonges sont aussi les garants dun rapport

de force entre les personnages.

Mais cela transparait galement dans le choix des dcors (huis clos/enfermement), de lclairage

(expressionniste, contrast, dialectique entre ombres et lumires oppresseurs et oppress -), de la

bande son, etc. Bref tout converge vers une ide et la renforce : le Destin contre lhomme, la Justice

contre lHomme, le macrocosme contre le microcosme.

Toute la problmatique de la femme adultrine, incarnation de la tentation, prsente durant tout le film

se rsume dans le lapsus de K : au lieu de phonograph , il dit pornograph . Ce lapsus associ

MarikaBurstnerest significatif. Un double-bind qui renvoie une thmatique judo-chrtienne.

Cette premire scne se compose de plusieurs lments paradigmatiques dautres facteurs se droulant

dans le film. Des malentendus (phonograph/pornograph ; ovulaire ; la voisine, etc.) qui, fonctionnant

par anticipation dans lanamnse du spectateur, vont tre assimils dautres mprises (son patron le

croit pdophile) ayant lieu dans le parcours du personnage.

Lorsque Joseph va dans la cuisine, les policiers sont en hors-champ et leur voix sont alors

dsacousmatises. Lauricularisation reste interne secondaire mais avec des voix devenues hors-

champ.Le fait que K coute les policiers depuis la cuisine est typiquement rfrentiel et confirme

Joseph comme dtenant la rfrentialit.

Le rapport de force Justice corrompue/Homme se rsume dans cette phrase du policier : if

hereallythinkshes not guiltythanheshouldkeepit for himself () This kind of thingsgives a verylousy

impression. Cette scne est une obligatoryscene permettant de valider cette thse.

Scne du balcon :

Dans la structure bi-plex, nous retrouvons laffrontement entre

le dtective et Joseph. Lquivalence est rquilibre par la

prsence de madame Grubach dans cet affrontement. En effet,

le dtective a une position suprieure au vu de la loi par rapport

Joseph. La propritaire, vue comme une allie, rehausse la

position de Joseph. Cela transparait notamment dans les

costumes, claires pour le couple Joseph/Grubach et fonc pour

le dtective. Aussi, leur tenue claire sont assorties au balcon, de couleur claire aussi, faisant du

dtective un intrus dans ce dcor.

Un triangle amoureux est dcrit dans cette scne. Madame Grubach, est amoureuse de Joseph. Joseph

lui est amoureux de MarikaBustner, sa voisine. Madame Grubach, jalouse, perscute Marika (elle

la dloge). Ce que font les deux policiers avec Joseph. Et ce que Joseph fait avec les autres, plus

faibles que lui (notamment sa cousine Irmie). Il sagit dune srie demboitement.

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Scne MarikaBurstner :

Je me sens coupable mme quand je suis innocent. Cet aveu de Joseph Madame Burstnerconfirme

dune part linnocence de Joseph aux yeux du spectateur son comportement tch de culpabilit au

dbut sexplique par cet aveu - ; et dautre part la problmatique de la tentation de la femme polygame.

A moins que nos penses soient pures. () Mme les Saints connaissent la tentation. Cette phrase,

de K, est une citation de lglise vanglique protestante. Un intertexte qui devient un mta-texte, un

commentaire sur un des thmes du film : son attirance pour sa voisine.

Notons que la musique, de fosse, un peu jazzy laisse place une illustration musicale pathtique qui

accompagne le monologue du personnage. Ce changement marque lentre de lmotif dans la fonction

rfrentielle. Joseph parle de lui, de son pre, de son pass avec un je pronominal.

Le fait queMarika lui dit tre fou replonge le spectateur dans lide dun ddoublement chez Joseph.

Il faut sen tenir au fait. Jai toute ma raison. Je nai commis aucun crime et je suis innocent .

Poursuis laccus. Vous tes sr vous tiez rveill ? , rplique la voisine qui rappelle la structure

de rve du film, mais aussi lide moderniste du rve dangoisse.

Scne du bureau/Deputymanager:

Welles confronte tout au long du film des lieux architecturaux immenses remplis de prsence humaine

des huit clos dpeupls ; et des lieux immenses dpeupls des espaces confins chargs en prsence

humaine. Dans cette scne, le cinaste charge, dun ct, la gare dOrsay de bureaux et de travailleurs

par centaines ; et de lautre, isole Joseph dans un chemin quasi vide. La confrontation des deux sopre

par le passage de Joseph dans cette masse de travailleurs, qui deviennent une machine de travail (bruits

des machines taper).

Joseph a un poste lev : son bureau se positionne en hauteur, a son propre bureau, et il a une

secrtaire, tandis que les autres travailleurs sont en bas et travaillent, non pas dans la collectivit, mais

tous en un mme lieu immense. Mais, structure bi-plex oblige, il y a une quivalence par la position

leve de Joseph dun ct et par la masse de travailleurs de lautre.

Dailleurs, Joseph nestjamais seul. Au dbut de la scne, il tient en main un gteau danniversaire

quil a achet pour MarikaBurstner dont il est amoureux. Cette dernire accompagne Joseph travers

une prsence mtonymique qui sopre via ce gteau, qui la caractrise. Ensuite, la secrtaire de

Joseph le rejoint. Enfin, cest son patron qui quilibre la structure.

Cette structure bi-plex est double, ou se retrouve plusieurs niveaux, par un procd demboitement.

Dans tout le film, le cinaste opposeJoseph une masse. Cette

masse est tantt humaine, tantt architecturale, tantt objectuelle.

Mais dans cette opposition ou confrontation, il nest jamais seul

face ladversit. Il est toujours accompagn par quelquun ou

quelque chose, dans un rapport de force nul, galitaire. Nous

avons, au premier plan, la dualit patron/Joseph dans laquelle il

ny a pas dquivalence, mais une supriorit du patron sur

Joseph, une main mise. Cela se traduit par le fait que le patron est plus grand que Joseph ; par sa

position de chef ; par le noir de la veste du costume du patron en opposition celle, grise, de

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Joseph (comme la ceinture noire au karat) ; par la main du patron su lpaule de Joseph (je te

domine) ; par lombre du deputy manager sur Joseph (tant il est suprieur, il lui fait de lombre) ; et

enfin par le sous-texte, lunderstatement : There is a place for everything, right K? () Youre a

bright man. One of the brightest.On the way up.Dont spoil things for yourself.Alors que Joseph parle

de sa cousine de 15 ans, le patron insinue quelle est sa maitresse et quelle est trop jeune pour ltre. Il

le juge sur une supposition, sans rellement couter Joseph crier son innocence. Cest toute lhistoire

du film. La structure bi-plex se maintien sur un malentendu.

Lquivalence de la structure bi-plex se retrouve au second niveau. La masse de clients attendant et la

prsence fminine dun ct, et Joseph renforc par la prsence de son patron de lautre.Les deux

groupes spars par des barreaux . La balance estquilibre.A nouveau, ds que le patron part, la

structure bi-plex est maintenue par larrive immdiate de la secrtaire.

K refuse de recevoir sa cousine et les clients qui

lattendaient cause du malentendu avec le Deputy

Manager. Il la perscute , tout comme Marika la

perscut sur un malentendu. Welles a voulu illustrer

cette perscution dont Joseph ne semble pas prendre

conscience dans ce plan joliment construit. Une camra en

contre-plonge positionnant K, au premier plan, en hauteur

- lui confrant du pouvoir- ; des rectangles de lumire

accrochs au-dessus des dactylographes qui tapent la machine en arrire-plan. Ces rectangles de

lumire symbolisent le pouvoir, la grandeur, etc. Il en va de mme pour cette masse de travailleurs qui

fait de Joseph un homme important : il a du poids derrire lui.

Lacontre-plonge signifie le destin, les charges

daccusation qui psent sur lui. Cest lui, seul, se frayant un

chemin (chemin trac pour lui tout comme son destin) par

cette masse de travailleurs, et cette continuit de lampes,

rythmant la scne et lui procurant une grille de lecture. La

profondeur de champ est, dans ce plan, travaill afin

dillustrer le trajet de Joseph, le chemin quil doit parcourir

pour russir son procs. Le plan se configure avec un point

de fuite qui aboutit un mur, une nullit, un non-lieu, lchec, la mort.

Ainsi, rien que par un changement dangle Welles modifie le sens de cette scne et inverse la position

de supriorit quoccupait son personnage. Dailleurs toute la scne est construite sur des

renversements de position constants. Tantt K est dominant, tantt il est domin. Nous pouvons aller

plus loin et considrer le film entier construit comme tel, dans des rapports de force qui vont

dfavoriser Joseph -linspecteur, les deux policiers corrompus, lavocat, le patron, les juges, la Justice

et le Destin - et dans ceux qui vont au contraire le favoriser la propritaire, sa cousine, les autres

travailleurs/sa secrtaire, les deux policiers une fois dnoncs, etc. En ce qui concerne la relation

Homme/Femme, elle est toujours quilibre dans une structure bi-plex qui rgit la mise en scne.

Welles travaille donc tous les lments du film (filmiques, objectuels, dcoratifs, humains,etc.) afin de

construire cette structure bi-plex et pour mettre en valeur le fait que Joseph a la rfrentialit. Cette

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rfrentialit ngocie la part de vrit travers la mise en scne (nous ne saurons jamais pourquoi

Joseph est sous arrestation, ni si il est rellement coupable ou pas).

Cela renvoie un paradoxe : dun ct, vu que Joseph est le foyer dnonciation, cest lui qui gre tout

au niveau de la matire film et du point de vue (celui de Joseph). Le savoir, lentendre et le voir

filmique sont conditionns et structurs travers le personnage de Joseph. Ceci sapplique la forme

filmique. Le personnage faonne sa trajectoire (ce qui est propre la fonction rfrentielle). Mais dun

autre ct, Joseph ne gre rien dans sa vie. Nous sommes alors dans le contenu.

Scne de la Statue de la justice :

La statue de la justice, ct du lieu o sige la commission denqute dans laffaire K, est masque

par un drap gris. La justice nest pas respecte, il ny a pas dquilibre dans le totalitarisme.

En face de la statue, des prisonniers dans un tat pitoyable se tiennent pniblement debout, silencieux,

regard perdu dans le vide laiss par le manque de justice. Ces prisonniers rappellent les fantmes des

gens dcds dans les camps de concentrations et de tous les innocents condamns. Cest la raison

pour laquelle ils ne sont vtus qu moiti, par des tenues de prisonniers. Ils sont vtus dune moiti

pour signifier quils sont (ce sont de vrais prisonniers) ; et ils sont nus de moiti pour signifier quils ne

sont plus, quils sont des fantmes, mais aussi pour signifier leur innocence. Les matricules accrochs

leur cou ne font que souligner le nombre de victimes de la socit totalitariste et de linjustice. Enfin,

la musique rappelle celles funraires.

Sur ce plan, nous retrouvons dabord la structure bi-

plex : dualit prisonniers et Joseph vs. Injustice ; ensuite

une relation triangulaire entre les prisonniers,

reprsentant le destin invitable de Joseph, et Joseph

entre deux prisonniers au premier plan, et la statue de la

justice larrire-plan. Joseph est, ce moment prcis

du film, dans le mi-chemin, entre son Destin qui le

poursuit.

Le fait que Joseph passe entre les prisonniers symbolise son combat/sa dfense/son plaidoyer, et la

statue voile en arrire-plan figure lchec de son procs. Il a perdu davance, quoi quil fasse.

Cette scne rintroduit la confusion entre rve et ralit que nous avons voque plus haut. Nous

hsitons alors entre une camra onirique ou une rfrentialit propre au cinaste, comme grand-

imagier, qui a le point de vue dun Dieu qui dcide du destin de sa marionnette.

Scne de la commission denqute :

La camra subjective montre une ocularisation interne dmultiplie : plusieurs membres du public

regardent laccus traverser le tribunal.

Larchitecture spatiale du tribunal est gigantesque. Comme lest la porte du tribunal que Joseph

referme en quittant le tribunal, alors quen y entrant, cette mme porte avait des dimensions

normales(ce sont bien sr les plans choisis qui montrent la totalit ou non de la porte). Au dbut de la

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commission, Joseph tait dominant, prenait les choses en main, se dfendait. En quittant le tribunal, il

est nouveau dpass par les vnements. La rplique du prsident de commission : () vous avez

irrmdiablement corrompu les avantages quun accus peut esprer dans un interrogatoire en bonne et

due forme montre ce retournement de situation. Une musique de fosse intervient pour exprimer

auditivement ce changement de position dominant domin.

La scne intgre galement le microcosme (Joseph) dans le macrocosme (Justice) non seulement de la

narration, mais aussi de lHistoire.

Cette obligotaryscene valide la phase adquation de la structure tripartite. Le personnage passe

dentit passive une entit active, il nest plus lche, mais dcide de se dfendre. Mais ladquation

est encore fragile. Cette fragilit est visible dans la scne suivante o Joseph quitte le dbarras o deux

policiers se font fouetter, refusant dassister davantage cette scne.

Scne du fouetteur :

Ce huit clos rappelle le dbut du film o la camra filme serr, dans un espace dj confin la base.

Ces angles serrs non seulement crent un malaise chez le spectateur qui sidentifie Joseph (ce

malaise est galement engendr par le jeu dacteur de Perkins et des deux policiers), mais invitent

galement le spectateur assister une scne intimiste, aux coulisses de la corruption de la Justice ,

aux mthodes non admises par cette mme Justice. Cette lumire, qui balance avec les coups de fouet

et ensuite dans une continuit du mouvement, contribue intensifier le mal tre de Joseph et,

indirectement, du spectateur. Nous sommes alors dans le pathtique de lmotivit. Ce sont les

policiers qui sont fouetts mais cest Joseph qui est tourment.

Il sagit galement de re-ponctuer lhypothse dune Justice corrompue. Lun des policiers dit bien :

si nos suprieurs lavaient appris (la tentative dobtention de pot-de-vin) rien ne serait arriv . Cest

parce que Joseph a mis en lumire cette corruption des membres policiers en public que la punition a

bien lieu, bien quil ne sagit pas dune correction admise par la loi. Aussi, le second policier pointe le

fait que lhomme en cuir, si dnonc, naurait pas eu tre confront une telle punition. Cela renvoie

aux rapports de force que nous retrouvons dans pratiquement toutes les scnes du film (notamment

dans celle du peintre Titorelli). Les lois ne sont pas respectes lgard de Joseph ; elles ne le sont pas

pour les petits policiers dont les erreurs sont explicites officiellement ; elles ne sont pas dapplication

pour les grands hommes de la socit (pour la scne du peintre, cela se conjugue ainsi : les petits

juges influenables par le peintre ; les grands juges corrompus ; et les juges de la cour suprme

influenables que par eux-mmes). Cest la pyramide du pouvoir comme celle de Maslow (besoins).

Aussi, nous retrouvons nouveau lironie du cinaste et de Kafka. Cette ironie est, cependant, double

dans cette scne. Elle est prsente, dune part, dans le contenu lorsque le second policier corrompu,

dans les scnes initiales, et opprimant Joseph, dit ce dernier : Whatkind of justice do you call

that ? Celui qui commettait une injustice trouve que ce quil lui arrive nest pas juste ! Et dautre

part, dans la forme. Les deux policiers bourreaux au dbut sont dsormais victimes dune mme

Justice (si toutefois nous pouvons parler de justice) ! Une deuxime ironie est que Joseph, qui avait

dnonc les demandes de pot-de-vin des policiers, offre un pot-de-vin lhomme en cuir pour

sauver ces deux mmes policiers. Et enfin, une troisime ironie existe dans la scne, nouveau

chez K. Ce dernier dit quil ne peut rester sans rien faire et fermer les yeux sur la maltraitance des deux

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individus, mais finit par quitter le dbarras, se battant pour fermer la porte. Fermer la porte est la

mtaphore de fermer les yeux .Son adquation dans la structure tripartite est encore fragile.

A nouveau, le spectateur hsite entre cauchemar/espace mental et ralit. La camra est-elle

onirique ?Dans lhypothse de la ralit, la camra est parfois subjective (plan de lhomme en cuir

lorsque K tente dacheter la punition des policiers), parfois objective. Quand elle est subjective, le

spectateur sidentifie Joseph et ressent le vertige ressenti par le personnage. Quand elle est objective,

le spectateur sloigne de Joseph, lche et corrupteur.

Lorsque K se bat pour fermer la porte du dbarras, la musique implicative, qui avait commenc un peu

plus tt,augmente au fur et mesure pour sachever une fois la porte referme. La musique associe

Joseph, devenue lexie sonore, remplace le dpart de lautre.

Scne chez lavocatHastler :

La scne dbute sur un insert des yeux de linfirmire Lenni(Romy Schneider).Elle est en blanc,

reprsentant faussement la puret. A nouveau, nous retrouvons, mais cette fois le trait tant forc, la

thmatique judo-chrtienne du pch quest linfidlit.

Nous constatons une ventuelle influence de lsotrisme chez Kafka qui encombre la maison de

lavocat, outre de bouquins de droit et de dossiers de justice, de bougies. En sotrisme, la bougie est

un tmoin entre le monde rel et le monde spirituel. Ainsi, les nombreuses bougies parpilles chez

lavocat sont lintermdiaire entre Joseph et son

Destin dans ce procs. La bougie est alors le

substitut mtonymique de lavocat cens

dfendre Joseph. Cest lide de la chosification

de Lukcs.

Observons, dans ce plan, la fois la prsence de

laccus, du juge (en peinture) et de lavocat,

reprsent par les multiples bougies. Le plan est

mis en scne comme un procs au tribunal :

laccus se tient debout face au juge. Lavocat se

tient ses cts. Les personnes qui soutiennent laccus (son oncle) sont galement prsentes.

Notons galement que le portrait du juge rappelle explicitement le Pape Innocent X de Vlasquez

(1650), repris par Francis Bacon dans une tude en

1953. Le Pape de Bacon semble emprisonn. Comme

lest Joseph. En entrant dans la maison de lavocat,

Joseph sest enferm lui-mme. Dailleurs, la maison

se compose de lignes rappelant des barreaux,

enfermant les individus dans une cellule. Aussi, la

position du Pape sur ce sige renvoie au condamn

mort sur la chaise lectrique. Cette blancheur des

lignes horizontales corrobore cette ide : son me

quitte le corps. Rappelons que Joseph meurt la fin. En outre, Bacon dpeint son Pape dans une folie

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qui le ddouble. Nous avons vu plus haut que Joseph dgageait une thmatique du double, dans un

split personality inquitant le spectateur quant son innocence. Ce Pape, cach dans le Pape de

Vlasquez, est la mtaphore de ltat aussi bien psychologique que physique du personnage de Perkins.

Enfin, le nom du portrait Pape Innocent X confirme cette thse. Tout comme Joseph, ce pape est la

fois innocent et emprisonn. Emprisonn physiquement et emprisonn mentalement. Aussi, nous

pourrons considrer que X nest pas le chiffre romain 10, mais reprsente lanonymat. Un anonymat

que nous retrouvons chez Joseph K. En ce qui concerne le Pape de Vlasquez, celui-ci reprsente le

juge, en position de force dans son sige royal.

La maison est surcharge de lignes (horizontales et verticales), de livres, de classeurs (mini casiers), de

bougies, etc. Les lignes sont multiplies par leur reflet. La pluie et le grognement dehors ajoute une

dimension dramatique la scne.La scne est claire aux seules lumires des bougies et de la foudre

qui frappe de temps en temps. Ainsi, Welles joue sur une dialectique des ombres et des lumires,

confrant lespace une caractristique contraire celle dun avocat dfenseur.

Lorsque lavocat se lve de son lit, une fois inform quil sagit du procs de Joseph K, son ombre se

projette sur le mobilier. Ce ddoublement de limage de lavocat exprime non pas un split personality

psychique, mais plutt un personnage double face. Lavocat utilise laffaire K pour son propre

avantage, et non pas pour tirer Joseph de ses tracas. Do son intrt soudain. Dailleurs une musique

extra-digtique sveille en mme temps quelintrt de Hastler. Une illustration musicale de

vipre qui sera associe lavocat dans le code connotatif des codes S/Z. Citons un extrait du pome

de Mireille Ballero4 pour expliciter nos propos :

() la vipre dit tout et son contraire,

ment, dsinforme, calomnie,

sme l'ivraie, la zizanie,

manie vrai-faux, faux-semblant, mdisance,

parle en sous-entendus, use de double sens,

mne son double jeu, montre une double face,

sur la vrit fait l'impasse ()

Dans les rapports de force, nous remarquons la position

leve de lavocat vis--vis de Joseph. Cette supriorit est

galement visible dans la masse corporelle des deux

personnages : lune grande et costaud, lautre paraissant

petite et frle. Nous la retrouvons galement dans

limmensit de la maison de Hastler. Joseph entre dans un

univers qui le dpasse, le microcosme entre dans le

macrocosme (le droit).

4Mireille Ballero. Langue de Vipre. Publi le 6 mars 2012. En [En ligne] http://www.hadrien2000-

vaisontheatreantique.net/telechargements/langue_de_vipere.pdf, consult le 30 avril 2014.

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La prsence de la Justice/loi est omnisciente. Nous la retrouvons dans cette scne intimiste entre Lenni

et Joseph, qui sembrassent, travers cet talement de millier de dossiers et livres de droit. Le fait que

ces derniers soient prsents en grand nombre impose le poids de la Justice, et donc du Destin.

Les propos que tientLenni propos du juge dinstruction qui sest fait peindre en grand homme et de

toutes personnes occupant la maison ( Hes vain. Of course, likeeverybodyelsehere. ) montre quil

sagit dune socit du paratre. Un avocat qui parat puissant, mais qui ne gagne plus de procs depuis

longtemps. Un monde o tous les hommes sont vtus de costard cravate sombre paraissant tous gaux

mais pour lesquels les gardiens de la Loi font une diffrence dans leur traitement.

Scne de la cousine Irmie:

Larchitecture gigantesque du palais de justice et lnormit des statues crasent lindividu. Cest la

Justice contre lHomme, le macrocosme contre le microcosme.

Nous retrouvons les lignes droites, parallles, engendrant des

perpendicularits, et une continuit dans la surcharge de

lignes qui rythment la scne. La projection des ombres des

deux personnages est porteuse de sens, tout comme le contre-

champ en contre-plonge sur Irmie alors quelle se trouve

plus bas que Joseph. La continuit des rectangles lumineux et

des colonnes rappellent, dans la rminiscence du spectateur,

le plan du bureau (il va vers son Destin). Enfin, la scne se

compose de plusieurs ellipses temporelles et spatiales.

Scne bis chez lavocat :

La seconde scne chez lavocat est une obligatoryscene validant deux thmatiques : linfidlit de la

femme et labus de pouvoir. Lune se fait travers la voix (rvlation de Hastler propos deLenni), et

lautre travers une mise en scne o lavocat traite Bloch comme un chien.

Avocat K: To be chained is sometimes better than to be free! Joseph estdevant un choixcornlien:

soitilesttraitcomme Bloch et son procssternise, ilestalors pseudo-libre; soitil se dfait de son

avocatmaisperd son procs.

Scne chez le peintre:

Suite aux rvlations du peintre (latelier appartient la cour ; le juge y entre quand il veut ; le peintre

peut demander lacquittement de Joseph mais pour une dure non dfinie, etc.), Joseph se sent mal, il a

chaud, il se sent oppress. Dailleurs la camra devient opprimante. Les angles de vue sont de fortes

plonges ou contre-plonges, les plans sont serrs. Nous comprenons mieux les motivations du

dcorateur tracer un atelier qui ressemble une cellule avec toutes ces planches qui, dj

nombreuses, sont de plus dmultiplies par leur ombre, dans un jeu dombres et de lumires. En effet,

Joseph est prisonnier, il est enferm, il est enchan son Destin. Il ny a pas dissues possible. Quoi

quil fasse, lissue du procs sera la mme : sa condamnation.

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La chemise du peintre, qui fait penser une tenue de prisonnier de par ses rayures, non seulement

saccordent aux planches de la cabane pour les multiplier davantage, mais en plus fait la fois de lui le

prisonnier des petits juges, et de Joseph celui des grands Juges (de la cour).

Dans cette scne, nous nous situons dans le croire. Le spectateur accorde toute sa confiance au peintre

qui devient un narrateur synchronique, puisquil raconte et participe la fois. Nous lui faisons

confiance comme narrateur reliable et lui accordons la dtention de la vrit. Ce narrateur dose les

quantits et la quotit de vrit/dinformations quil accepte de concder. En effet, son discours est

plein de contradictions, de dits et de non-dits.

Limpartialit de la Justice est confirme dans ses peintures de la statue de la justice : elle a des ailes

aux talons et nest donc pas stable et quilibre. La Justice est corrompue ! Le peintre le dit:

lacquittement dfinitif ne se fait que sous influence.

Nous sommes dans la fonction motive du je pronominal de Joseph, avec une focalisation interne

secondaire, o le savoir spectatoriel devient le savoir de Joseph, car le spectateur devient Joseph. Ce

qui est visible dans les plans et angles de la camra. Camra qui devient subjective.

La prsence des enfants ajoute une dimension supplmentaire cette oppression, ce sentiment

denfermement. Les filles ont dj investi lespace filmique avant larrive de Joseph dans le cadre.

Elles marquent dentre le poids de leur prsence. Doffice elles entourent Joseph, lenfermant et

violant son espace personnel. La claustration se poursuit dans la cage descalier o elle saccrot aussi

bien par la multiplication des fillettes que par le resserrement de lespace physique. Les escaliers sont

tournants : Joseph a le tournis (coenurose). Ensuite, les filles encerclent latelier renferm, doublant la

claustration, voire la triplant (les lignes faisant penser des barreaux).Les regards des filles sur K

donnent le ton dun jugement, touffant Joseph davantage.

Lorsque Joseph quitte latelier du peintre, il se retrouve dans les bureaux qui se trouvent contigut

de latelier. L, K croise les autres accuss. Il pte un plomb. Nous sommes alors dans le pathtique de

la fonction motive, o locularisation interne est primaire. La camra transmet le malaise que ressent

Joseph dans sa manire de tanguer lgrement.

A la fin de cette scne, Joseph se retrouve dans un couloir troit, comportantune multitude de lignes

horizontales couples par leur reflet, o il est poursuivi par les filles, dont les cris attestent dune

prsence fminine dcuple.

Cette partie nest pas prsente dans le livre de Kafka.

Cest ce qui me donne croire quelle est pleine de sens.

Et il en est ainsi. Ce couloir labyrinthique o se retrouve

coinc K est la mtaphore de son procs. Un procs tout

aussi incertain, pesant et accablant duquel Joseph tente

vainement de schapper.

Welles superpose un plan de grandes fentres (longues

en hauteur) et qui se composent de lignent horizontales.

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Scne de la cathdrale :

De cet espace confin, Joseph atterrit (aprs une ellipse illustre par un fondu enchain) dans une

cathdrale vide de prsence humaine. Nous retrouvons le prtre de la parabole de Kafka. Larrive de

lavocat renvoie la symtrie du rcit, qui se duplique dans cette premire conclusion.

Welles procde une mise en abyme audiovisuelle de la parabole par le procd de stimmung. Sur un

cran blanc, sur la silhouette de Joseph, il projette les images de lpilogue, quun narrateur

synchronique, quest lavocat, commente avec une voix balanant entre in et hors-champ dans un

champ/contrechamp.

Welles joue aussi sur la notion de voix acousmatique. La voix de Hastler, dabord hors-champ (puis in

dans les contrechamps) est visualise travers la prsence de son ombre sur lcran, ct de Joseph

(devenu une silhouette) et des images de la parabole.

Welles veut dmontrer le dispositif du cinma : insert sur le projecteur et cran blanc. Il sagit dune

autorflexivit non systmique qui rappelle quil sagit dun film.

Scne finales :

Symbole du rve du chasseur (A

symbolhuntersdream) : cest le symbole qui illustre

quune personne rve de quelque chose ou de quelquun

ou dun objectif quil voudrait atteindre dans la vraie vie

(un chasseur qui rve de sa proie). Si la personne chasse

un animal, par exemple, et le tue, cela signifie que cette

personne rprime certains aspects de sa personnalit. Ne

serait-ce pas ici la socit/le tribunal qui se dbarrasse

de ses points noirs , de ses faiblesses (peintre

Titorelli : la justice nadmettrait jamais ses torts) ?

Il sagit aussi de la statue de la justice, avec les deux bras (balance) qui sont quilibrs, reprsentant la

justice impartiale. Une justice que Joseph recherche en vain.

Joseph retire sa veste, chemise et cravate. Tout le monde porte toujours des tenus de villes. Ds lors,

retirer ses vtements signifie ne plus avoir le droit dtre considr comme un citoyen de la socit.

Ctait la deuxime conclusion du film.

3. pilogue

Dans lpilogue, Welles clture la parabole, avec une voix over, en narrateur panchronique, dans un

montage symtrique suivant une linarit temporelle bien que truffe dellipses.

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Conclusion :

Ladaptation par Welles du Procs de Kafka est une conjugaison du point de vue kafkaen et du point

de vue wellesien de la place de lHomme ordinaire au sein dune socit totalitariste. Cette fusion se

traduit lcran par un mariage du biggerthan life de Welles et du smallerthan life de Kafka, selon les

mots de Truffaut (Bazin, p. 45).Donc, lecinaste transmet lcran la fois une dmesure

architecturale au niveau de plusieurs dcors, crasant lindividu, et un personnage, non plus singulier

comme Citizen Kane, mais plutt banal. Une banalit transmise notamment par un anonymat et une

lchet. Une conclusion magique et onirique de la vision du romancier et de la vision du gnie du 7e

art.

Un gnie qui steint en octobre 1985. Ainsi, le mdecin qui criait au gnie ne se trompait pas. Si

ses premiers mots ont t pour la mdecine, ses derniers ont sans doute t pour le cinma.

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Bibliographie :

Sources primaires :

- Sources DVD :

Welles Orson, The trial. Mercury Productions, Paris Europa Productions, FICIT, Hisa Films GmbH.

1962. 120 minutes.

- Sources papiers :

Rasmussen Randy, Orson Welles: Six Films Analysed, Scene by Scene. McFarland& Co., Californie du

Nord, 2006, 268 p.

Sources secondaires :

- Sources papier :

Bazin Andr et Franois Truffaut, Orson Welles. Coll. La petite bibliothque, Paris, 1958, 192

pages.

- Sources en ligne :

Mariam Prdictions, Les Bougies : gnralits. Publi en 2007. [En ligne]

http://www.marionpredictions.fr/Bougies.html, consult le 30 avril 2014.

Mireille Ballero. Langue de Vipre. Publi le 6 mars 2012. [En ligne] http://www.hadrien2000-

vaisontheatreantique.net/telechargements/langue_de_vipere.pdf, consult le 30 avril 2014.

Youtube, Filming the Trial (1981) : Rare Orson Welles Documentary. Publie le 10 octobre 2010.

[En ligne] https://www.youtube.com/watch?v=RbUe-bM6bXg , consult le 23 avril 2014.

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Tables des matires :

Introduction1

Orson Welles, ce magicien1

Le Procs de Kafka2

Le Procs de Welles......2

Narration2

Camra et angles de prise de vues.5

Dcors et clairage....6

Bande son......7

Analyse.7

Prologue.7

Scnes........8

Epilogue20

Conclusion..20

Bibliographie...21