Texte 1 - Cité du livre d'Aix en Provence

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Texte 1 Bibliothèque, avez-vous dit bibliothèque ? Arrivé ce matin, il déborde d’espoir. D’anonyme égaré dans une multitude, il a été choisi, élu, désiré même. Grisé, plein de fol espoir, fort de son unicité il rêve d’une relation passionnelle, fusionnelle, intime et puis, à peine sorti de son emballage, son ticket de libération encore entre les dents, enfin entre les pages, la désillusion. Là où il pensait n’être en compétition qu’avec quelques rares rivaux, il se trouve face à des échafaudages de confrères, concurrents même. Devant l’ampleur de la déception, il tomberait presque la jaquette. Quel devenir pour lui ? Son abattement est total. Elle l’identifie tout de suite le petit nouveau à peine sorti de son sac. Bien propret sur lui, les pages impeccablement serrées pour ne pas faire négligé, le code-barre bien visible, l’étiquette encore collée sur la quatrième, il semble tout hébété et totalement désorienté. Bienvenue l’ami ! Allez, on va le prendre en main celui-là ! Par contre, où le caser ? Ohé ! Les copines, il y a un petit nouveau, il va falloir resserrer les rangs ! Comme d’hab quoi ! Bon, voyons l’auteur; tiens, un inconnu du répertoire, un petit orphelin donc, ça va être plus simple de le caser. Alors, voyons voir, un polar. Donc en haut à gauche. Ah ! Polar historique, alors c’est chez la collègue, là-bas dans le couloir au- dessus des encyclopédies, sous les biographies historiques, à côté de la littérature étrangère. Comment ça polar historico philosophique ? C’est que ça change tout. Bon, réfléchissons. J’hésite. Et si on se simplifiait les choses en utilisant l’initiale du nom de l’auteur, alors, D. Non, les D il y en a déjà trop et elle n’arrivera jamais à le retrouver vu que c’est un nouveau nom. Je la connais, elle est capable de tout révolutionner si elle ne se souvient que vaguement du titre et pas de l’auteur. Voyons, voyons ; il y a bien éventuellement mon cousin, le petit meuble d’appoint qui tend à se prendre pour moi, enfin, pour une bibliothèque je veux dire alors qu’il n’est qu’une vulgaire salle d’attente pour naufragés encombrants que l’on ne sait où caser. Ca va, ça vient, ça déborde, ça s’empile… ! Entre nous, devinez le surnom qu’on lui a trouvé avec les copines. « Le joyeux petit bordel en mouvement. »

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Texte 1

Bibliothèque, avez-vous dit bibliothèque ?

Arrivé ce matin, il déborde d’espoir. D’anonyme égaré dans une multitude, il aété choisi, élu, désiré même. Grisé, plein de fol espoir, fort de son unicité ilrêve d’une relation passionnelle, fusionnelle, intime et puis, à peine sorti deson emballage, son ticket de libération encore entre les dents, enfin entre lespages, la désillusion. Là où il pensait n’être en compétition qu’avec quelquesrares rivaux, il se trouve face à des échafaudages de confrères, concurrentsmême. Devant l’ampleur de la déception, il tomberait presque la jaquette. Queldevenir pour lui ? Son abattement est total.

Elle l’identifie tout de suite le petit nouveau à peine sorti de son sac. Bienpropret sur lui, les pages impeccablement serrées pour ne pas faire négligé, lecode-barre bien visible, l’étiquette encore collée sur la quatrième, il sembletout hébété et totalement désorienté. Bienvenue l’ami ! Allez, on va le prendreen main celui-là ! Par contre, où le caser ? Ohé ! Les copines, il y a un petitnouveau, il va falloir resserrer les rangs ! Comme d’hab quoi !

Bon, voyons l’auteur; tiens, un inconnu du répertoire, un petit orphelin donc, çava être plus simple de le caser. Alors, voyons voir, un polar. Donc en haut àgauche.

Ah ! Polar historique, alors c’est chez la collègue, là-bas dans le couloir au-dessus des encyclopédies, sous les biographies historiques, à côté de lalittérature étrangère. Comment ça polar historico philosophique ?

C’est que ça change tout. Bon, réfléchissons. J’hésite. Et si on se simplifiait leschoses en utilisant l’initiale du nom de l’auteur, alors, D. Non, les D il y en adéjà trop et elle n’arrivera jamais à le retrouver vu que c’est un nouveau nom.Je la connais, elle est capable de tout révolutionner si elle ne se souvient quevaguement du titre et pas de l’auteur.

Voyons, voyons ; il y a bien éventuellement mon cousin, le petit meubled’appoint qui tend à se prendre pour moi, enfin, pour une bibliothèque je veuxdire alors qu’il n’est qu’une vulgaire salle d’attente pour naufragésencombrants que l’on ne sait où caser. Ca va, ça vient, ça déborde, ças’empile… ! Entre nous, devinez le surnom qu’on lui a trouvé avec les copines.« Le joyeux petit bordel en mouvement. »

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Mais, ne le lui répétez pas, il serait bien capable de se venger en s’écroulant. Ill’a déjà fait par le passé et du coup pour nous autres, ça a été la révolution.Étripées, vidées de notre substance, démontées et réaménagées pourcertaines, déplacées pour d’autres. La seule épargnée, celle des BD, maisc’est facile aussi presque tous ses locataires sont au même format ; tricheuse !

Nos chers habitués, complètement perdus eux aussi, ils ne savaient plus oùdonner de la page ; ils se trouvaient brusquement séparés de leurs anciensvoisins, voire de leurs frères d’histoires ou d’époque. Ils devaient s’adapter àde nouvelles relations, passaient du rez-de-chaussée à l’étage supérieur ouinversement.

Un mois ça a duré ! Un mois de cache-cache avant de retrouver une stabilitéd’ordre incertaine et je ne vous parle pas du poids des mots déplacés !

Donc ce petit nouveau on va le... Ah !

Miracle ! Sauvées, nous sommes momentanément sauvées, il est partis’installer sur… la table de nuit !

Marie-Hélène Gilanton

Texte 2

Les livres sont des pierres précieuses, des rubis, des jades, des diamantsnoirs, des saphirs, des quartz roses que, comme le Petit Poucet, elle pose surson chemin de rêves, à côté de son lit, à côté du lit de la Belle au Boisdormant.

Il y a dans une panière-table de nuit...

le livre en cours...

qui court dans le coeur de la belle...

celui du moment...

celui qui s'endort avec elle...

le livre aimé...

L'aventureuse des nuits solaires et incertaines... tel un vampire... s'est

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accrochée à son cou de carton... à son cou de cuir...

Elle boit son sang.

Elle boit ses paroles.

Elle boit ses lignes vagabondes.

C'est une aventureuse goulue et insatiable.

Elle ne le quitte pas. Le jour elle attend la nuit, la nuit...? ..."Mes nuits sont plusbelles que vos jours"... La nuit où elle se métamorphose de nouveau enrevenant pour boire jusqu'à la lie, l'essence de son âme de papier. Parfois luivient l'idée, qu'un jour, elle le laissera là sur le chemin, l'abandonnera àd'autres yeux, à d'autres mains. Peut-être le posera-t-elle un peu plus loin surune étagère noire, quelque part là. Il vivra sa vie, seul, car dans la panière-table de nuit, d'autres rubis, jades, diamants noirs, saphirs, quartz rosesattendent d'assouvir la vorace passion de la belle.

Pour satisfaire ses rêves étoilés, la belle se déplace. Elle va à la rencontre decelui, qu'un temps, elle va cannibaliser. Elle va se rendre dans un nid desilence sacré où patiemment elle sait qu'"il" l'attend, lui... le prochain... qu'àl'avance elle déguste...

De nouveau... la folle passion... de nouveau un temps... et puis de nouveau unjour elle le quittera... Il retournera dans son repaire muet...

Parfois, la belle, rien qu'au titre, a des envies de possession, celui-là...

La petite femelle de Philippe Jaenada.

Celui-là....

La Délicatesse de David Foenkinos, celui-là...

Charlotte du même auteur, la belle vampire le veut... Elle va aller dans unautre refuge de papier. Elle va aller monnayer son âme. Elle va l'acheter...Comme elle le fera plus tard pour

Double nationalité de Nina Yargekov pour

Ouragan de Laurent Gaudé.

Ils seront donc toujours là, juste à portée d'yeux, à portée de mains,

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languidement allongés sur le rayon noir, devant tant d'autres livres de papier,de cuir, de tissu, endormis là, chevaliers en garnison, dressés là, guindés dansleur étroite armure glacée, pour un temps incertain, peut-être oubliés pourtoujours, ou... la belle titillée par une appétence soudaine...

découverts ou redécouverts...

.... à l'aube d'un jour....

Marie-Agnes Bigorgne

Texte 3

Des livres et nous, délivrez-vous ?

D'abord les romans à l'eau de rose, avec le PQ rose.Les livres de cuisine, zou à la cuisine.Au rebut les dicos, avec Google le robot,ainsi que les guides et atlas à la ramasse.Les livres qu'on adore, je les offre.Les ouvrages de poèmes se baladent et jouent les bohèmes, ça leur fera lespieds...Voilà, la place est faite.Pour la science-fiction, tout en haut dans les constellations.Les biographies, évidemment avec les échographies !Les contes qui se la racontent, avec les romans noirs, bien fait pour leur poire.Les livres historiques, avec les hystériques, et les ésotériques sur l'étagèremystère, et boule de gomme.Enfin les livres de philosophie , quels casse-têtes...C'était le bal des livres, délivrez-nous du bal.

Pierre

Texte 4Ordre. Désordre. Plus, un goût de collectionneuse ! Quel dilemme ! Impossibleà résoudre ! Impossible solution ! Un casse-tête qui est « le comment gérerl’organisation, ou pas, d’une bibliothèque » ?Il y a deux sortes d'ordre disait Bergson, en montrant son bureau, l’ordrehorizontal et l’ordre vertical. Pour mon bureau, comme lui, je me débrouille très

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bien avec l’horizontal ! Mais pour les livres ? ?

Une bibliothèque devrait donc procéder, si j’en crois Bergson, de l’ordrehorizontal et de l’ordre vertical. D’où la nécessité d’étagères pour l’horizontal,de superpositions d’étagères pour le vertical. Soit : des meubles possiblesappelés bibliothèques.

Dans la pièce bibliothèque, il a fallu trouver une organisation. La bibliothèque,meuble, est celle que l’on peut montrer, visiblement organisée. C’est uneimage de soi ! Le visible. Ici, par genre. A gauche : pour le cinéma une étagèrecomplète, les polars de la collection ancienne de la Série Noire, au-dessusdonc une étagère complète. Les écrivains aimés dont Marguerite Yourcenar,etc., les romans, les collections, etc.

Le plus à droite poésies, philosophies Histoire, Cultures du monde.

Pour les deux autres murs dont celui près de la fenêtre, je ne vois que lapossibilité de procéder, par métrage, comme dans les sous-sols des Archivesdépartementales ! ! Il y en a trop et c’est un rangement anarchique. Commepour mon bureau et son rangement !

Nous sommes à contre jour c’est la partie cachée, c’est mon intime. La partieinvisible que l’on n’exhibe pas. En font partie aussi ceux qui sont dans machambre.

Par contre il existe les livres bien rangés par catégories fonctionnelles (cuisine,atelier peinture, couture). Mais aussi, les livres, des petites piles en cours delectures en attente sur la table basse devant les fauteuils. Ceux qui avec leconfinement ont été sortis, étalés, commencés, lus en partie, en entier ou pas.

Je n’imagine pas déménager ! Pourtant « il te faut les trier », m’ont dit mesenfants.

J’en ai partout des livres ! Et sur plein sujets ! Des qui éveillent ou ont éveilléma curiosité.

Je me suis même acheté des livres pour enfants ! Mais où les ranger ?

Madame Le Lapin Blanc : Pourquoi elle est toujours en retard ? Le féminismey est abordé ! Mon sujet de prédilection. L’ourson de Fred de Iris Argamen,que je ne peux lire sans pleurer ! Il y est question d’étoile jaune, « del’importance d’avoir une grande et belle amitié dans la vie ».

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Ah ! J’avais oublié de vous dire je ne sais absolument pas ranger.

Ah ! Je ne vous ai pas confié que je ne sais pas résister à la tentation.

Vous savez, vous, entrer dans une librairie et en ressortir sans livre ?

Vous savez, ne pas entrer, du tout, dans une librairie ?

Pérec au secours ! !

J.R.

Texte 5

Bibliothèque : endroit dans lequel on range ou pose des livres,.

Bon, c'est dit.

Un endroit... ça peut être dans un coin de pièce, sur un tabouret, une table denuit, sur une étagère, dans une caisse, sur un radiateur, dans un meuble, unearmoire, dans une valise, sur une branche d'arbre ou un nuage...

Ça c'est dit aussi.

Des livres.

Des petits, des moyens, des gros, des lourds, des tout légers, des qui sententbon quand on les ouvre et les renifle, des qui respirent le vieux papier jauni,d'autres qui ont pris l'humidité et que le moisi a envahi...

Des livres.

Des recettes de cuisine, des policiers, des romans d'amour ou d'aventure, unecentaine de BD, des sur les plantes et leurs vertus, des albums pour enfants,des contes, des qui font rêver, des que je relis, des que je donne, des quej'entasse sans les avoir ouverts, des compliqués à peine lus (peut être unjour), des livres aussi qui m'ont suivi depuis l'enfance et que je garde là, surl'étagère de la grande armoire.

Des livres qui font mon histoire et trouvent une place comme ils peuvent, enessayant de ne pas écraser le voisin, Ils sont là pour me rassurer, un peucomme une famille,

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Céline

Texte 6

Enfin, j’ai le temps de prendre le temps de ranger ma bibliothèque. Il y a tantde livres chez moi. Comment les ranger ? D’abord les déranger, les retirer desétagères et les trier par catégories. Livres pour enfants, romans, albums.Bandes dessinées, pour enfants pour adultes ce sera utile. Les livres pourapprendre. Certains ouvrages scolaires comme les Lagarde et Michard. Ilm’arrive de les feuilleter. Les Que sais- je ? La phonétique, la psychologie del’enfant, le son, l’histoire de l’éducation, l’utopie, Cathares et Albigeois... Tousces thèmes me renvoient à différentes étapes de ma vie, études, passionspartagées durant la vie de couple, reprise des études, études du fils... C’estincroyable ce que des livres peuvent évoquer de notre parcours de vie. Leslangues étrangères. Chez nous, surtout du côté de mon père on estpassionnés par l’apprentissage des langues. Alors, à sa mort, on s’estpartagés ses livres. J’ai emporté méthodes et dictionnaire pour apprendre lerusse, le chinois, l’hébreu. J’ai aussi dictionnaires et grammaires et méthodespour apprendre l’italien, l’allemand, le grec moderne,l’arabe et le polonais.Comme mon père était professeur d’anglais, j’ai des anthologies de poésieanglaise, des précis des grammaire, des guides de prononciation, desouvrages d’histoire et de civilisation anglaise et américaine et de nombreuxromans en anglais. J’ai aussi conservé mon Gaffiot et mes ouvrages de latin etde grec ancien. J’ai regroupé aussi tous les classiques, ceux que l’on étudieau collège et au lycée. Molière, Racine, Voltaire, Merimee, Anouilh, LaBruyère, Rousseau... Il y en a qui sont encore couverts avec une étiquette etle prénom et la classe d’un de mes enfants ou même d’un de mes frères. J’enai même retrouvé en double. Ils ont tous à peu près la même taille, ce serapratique pour les disposer sur les étagères. Parce que les ouvrages de langueétrangère sont dans des formats très disparates et c’est ennuyeux parfois. Lesromans policiers. Il y en a beaucoup aussi et de différentes générationsAgatha Christie, Patricia Highsmith, Fred Vargas Jean- Claude Izzo et lespolars islandais et autres. Il y a les ouvrages d’art, peinture, photographie,histoire de l’art, d’architecture, les catalogues d’expositions, les éditionsillustrées par Gustave Doré, les encyclopédies, les collections reliées desromans de Jules Verne. Ceux- là seront dans la vitrine. Il y a les romans enlivres de poche. Jusqu’à présent je les avais rangés par format et collection

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pour l’aspect esthétique. Mais je vais réfléchir... Ce pourrait être comme dansles librairies ou les bibliothèques, par genre et par ordre alphabétique, pour lesretrouver plus facilement. Mais j’aime bien aussi que ce soit esthétique etfinalement j’aime aussi parcourir les rayons de mes étagères et par hasardtomber sur un livre que je n’ai pas encore lu ou que je voudrais relire. Enrangeant mes livres j’ai retrouvé La petite Fadette, L’histoire d’Helen Keller, Legrand Meaulnes, mon adolescence, La maison de Claudine que j’ai aimé par-dessus tout, Les plus qu’humains de Sturgeon ma période Sciences Fiction,mais je n’ai pas retrouvé tous les Zola la collection des Rougon-Macquart quej’ai dévorée au lycée, Multiple Spendeur de Han Suyin, Les Misérables... Jen’aurais pas oublié un carton de livres à la cave ?

Anne D.

Texte 7

La bibliothèque ? Depuis sa plus tendre enfance, elle rêvait d’en avoir unemais cela n’avait jamais été possible.

Et puis, elle s’est mariée et les livres sont devenus ses meilleurs amis. Elle adonc commencé par acheter des petites étagères.

Seulement, voilà ! Les nouveaux amis ne cessaient de venir visiter et raconterleurs vies, leurs voyages, enseigner, philosopher… Alors, surtout les garder etne pas les laisser partir.

Elle a donc commencé à s’organiser. Dans son petit bureau, elle aimait y allerse ressourcer spirituellement et ses livres tels la Bible et autres y ont pris unegrande place.

Puis sont arrivés les cuisiniers avec leurs belles recettes, ceux-là trouveraientleur place dans la cuisine, dans un coin bien aménagé. Ils changeraientd’endroit plus tard vu que les grands chefs du monde venaient les visiter et lesaccompagner.

De fil en aiguille, la maison elle-même s’est transformée en une bibliothèque.La chambre, ou plutôt celle rénovée en atelier de peinture conserve les beauxlivres de collections, les encyclopédies, les livres aux merveilleuses photos…Et puis, il y a la chambre, celles aux plusieurs départements afin que tous lesautres y règnent. Les livres de cuisine sont classés selon les pays. Les sportifs

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trouveront facilement comment faire leur gym, leur marche, leur chi gong, etc.Pour les rêveurs, les romans vont les aider à s’évader. On y trouvera aussi,bien rangés, tous les livres de connaissances, les dictionnaires de toutessortes : rimes, synonymes, proverbes… Les scolaires afin d’y apprendre deslangues, faut bien pour s’aventurer à les parler si on veut partir dans un de cespays où l’on a voyagé en silence.

Viennent ensuite tous les poètes qui sont là afin de l’amener dans denouvelles sphères. La plus belle de ses vitrines laisse déambuler tous sesamis poètes et écrivains dont elle a fait connaissance et dont chacun lui aadressé un petit mot personnel et gentil. Ce sont les seuls qu’elle ne prêterapas. Ce sont ses trésors. Elle seule peut y toucher… et puis… et puis…

Sa chambre, sa petite étagère auprès du lit, sa table de nuit… ils sont là, jouret nuit, ils se promènent d’un côté à l’autre. Sur sa couette, on peut y voirtraîner les mêmes bouquins pendant plusieurs semaines. Elle ne peut seséparer de ses amis.

Il faut reconnaître que chez elle, personne n’étant amateur de lecture, chacunse trouve envahi mais qu’à cela ne tienne ! Elle a su tenir ferme bien que… ilfaudrait penser à enlever tous les livres récemment achetés et non lus.

Elle se promet toujours de tout lire avant d’en acquérir d’autres mais quandelle sort et revient chez elle, elle en a de nouveaux… c’est plus fort qu’elle.

Nicole

Texte 8

Comment s’en débarrasser en douceur?

Mon petit livre que j’aime tant, que j’adore plus que tout. Tu me vois venir.Comme d’habitude, je ne te laisse pas placer un mot. Mon petit livre tu assuffisamment vécu. Tu es tout à fait en mesure d’encaisser ce que je te dis.Nous passons beaucoup de temps ensemble, peut-être trop. Je ne suis pas unlecteur assidu, voir régulier. Tu t’en es rendu compte. Tu es assez malin etmon comportement avec toi, t’a mis sur la voie sur le sort que je te réserve.Dans le même le temps, je brouille les pistes et j’ai pris soin et fait en sorteque tu ne croises pas tes petits camarades.

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Regarde, nous sommes ensemble pratiquement tous les soirs sauf quand il ya théâtre, il y a quelques infidélités. Les soirs de complicité, tu es passé entremes doigts, entre mes mains, nous avons échangé le bruit des pages qui setournent, les sons, les mélodies sous la lampe et cette lumière tamisée. Nousne faisons qu’un, n’est-ce pas? Écoute, dans le même n’as-tu pas voyagé?J’ai ici une liste de souvenirs. Tu as côtoyé les vases, les pinces, lesrécipients, les fruits secs, la télévision, enfin bref tu as vu du pays. Toi, tu asbénéficié de largesses, tu n’es pas resté immobile comme certains autres, quieux ont pris la poussière. Ne crie pas, ne proteste pas. Tu ne restes pas à lamaison, que cela te fasse plaisir ou pas. Je te réserve un sort particulier. Tu esdestiné à l’adoption. Tu vas aller vivre chez C. Il faut dire que tu lui as tapédans l’œil. Ne te mets pas en colère. Sinon, il risque de t’arriver des bricoles.Comme par exemple rejoindre la Maison du Numérique ou encore lesétagères extérieures du centre social des Amandiers. Oui parfaitement, tuseras en accès libre. Surtout ne dis rien, tu m’énerves. Suffit d’être sympaavec toi, je peux encore te laisser sur un banc public. On ne sait où? On nesait avec qui? Chez moi, c’est minuscule et je suis certain que tu t’ennuieraisavec les livres techniques dans le réduit entre la caisse à outils et les casiersdes papiers administratifs. Parfaitement je suis d’accord avec toi, cela nedonne pas envie. Ça n’a rien de sexy. Quoique tu en dises, tu seras bien chezelle, chouchouté etc. Et si le hasard est bienveillant, il se peut que ton nom soitcité ou quelques lignes lues lors d’une prochaine proposition d’écriture. C’est‘y pas merveilleux. La gloire, la célébrité. Vraiment laisse toi faire, c’est mieuxainsi. Crois moi tu feras l’objet de toutes les attentions. Et puis chaque livre estdestiné à l’oubli pour le prochain. C’est comme cela et pas autrement. Nerends pas les choses plus dures. Au revoir mon petit livre.

Christophe R.

Texte 9

La bibliothèque. Ce terme polysémique évoque plusieurs significations suivantqu'il désigne le contenant c'est-à-dire l'étagère réceptacle des livres ou lecontenu de l’étagère à savoir l’ensemble des livres qui y sont rangés ouencore par métonymie le lieu dans lequel on peut les lire, les chercher ou lesemprunter. Par analogie, le café désigne la boisson chaude ou le lieu où l'onboit le breuvage si souvent associé à l'activité de lecture ou d'écriture maisaussi de rencontres. Car il s'agit bien de cela, de rencontre, puisque chaque

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livre est doué d’une personnalité propre et trouve notre sympathie suivantnotre personnalité ou notre humeur. Une bibliothèque personnelle est ainsicomposée d’ouvrages sélectionnés et rangés selon les affinités du momentcar elle évolue régulièrement. Elle reflète d'ailleurs à la fois une part de noscroyances, de nos valeurs et de nos affects.

Lorsque je suis invitée chez des amis, j'avoue être toujours attirée par leurbibliothèque, avec parfois une impression de pénétrer outrageusement dansleur intimité. La sélection des ouvrages ainsi que la manière de les ranger, deles classer dévoile souvent presque plus qu’un échange de conversation. Ainsije pourrais presque faire le portrait de mes amis à travers leur bibliothèque. Ilest intéressant de constater comment la manière de ranger ou de présenterostensiblement parfois une mise en scène de leurs lectures révèle une imageréfléchissante de leur être pensant. Aussi ces temps-ci, plusieurs journalistestélévisuels ou experts interviewés pendant le confinement par téléconférencese mettaient en scène, semble-t-il, au côté ou devant leur bibliothèque.Certains semblaient être submergés par les livres entassés dans tous les sensgénérant alors une impression de fouillis de désordre créatif voire d'uneeffervescence non contrôlée. D'autres brandissaient une bibliothèque idéale,miraculeuse, rangée au cordeau, sans aucune reliure qui dépasse presquecomme un tableau. Ces étagères étaient de surcroît ornementées savammentde toutes sortes de bibelots et d'objets artistiques avec le souci d'offrir uneharmonie esthétique en contrepoint de l'espace occupé par les livres. Labeauté attrayante de ces bibliothèques semblait être aussi au diapason avecl'ensemble du mobilier de l'appartement mais aussi avec l'aspect vestimentairede l'intervenant. En effet, celui-ci avait pris soin d’agrémenter sonaccoutrement de bijoux et d'accessoires savamment créatifs.

En ce qui me concerne, j'ai toujours eu plus de mal à maintenir lesbibliothèques dans un ordre aussi parfait à tel point que lorsque je cherche unlivre j'ai beaucoup de mal à le retrouver. Ainsi les bibliothèques avec vitrinespour échapper à la poussière côtoient celles qui vivent à l'air libre accueillantles ballets incessants des lectures les plus courantes. Dans un débarras,s’amoncellent aussi quelques cartons blancs contenant les livres non encoredéballés depuis le déménagement faute de place sur les étagères, sanscompter les livres manquants à l'appel qui ont été abandonnés fauted'acheminement possible à cause de leur poids. Je range les ouvrages soitpar auteur soit par la maison d'édition ou encore par leur taille toutsimplement. D'autre part, faute de place, le livre commence par adopter une

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position verticale avant de se coucher sur d'autres à l'horizontale instaurantainsi une importance supérieure relative à sa mobilité récente. Rangés parfoisà la va-vite, ils trahissent notre géographie mentale comprenant plusieurscouches de sédimentations actives qui animent notre esprit. Ainsi les rangéesse superposent pour voiler ou délivrer notre inconscient dans un jeu de cache-cache diabolique. Allez savoir ce que signifie cette double superposition desvolumes qu'on a oublié le plus souvent ! Quelle aventure pour retrouver unouvrage qui se cache pour me narguer et faire en sorte que je passe en revuepratiquement tous les rayonnages des différentes étagères. Dernièrement j'aieu envie de relire Madame Bovary mais celle-ci n'a pas daigné me recevoir.Me renvoyant à ma propre bibliothèque mentale et fantasmagorique à traversla réminiscence partielle de ma mémoire sublimée.

Enfin, que dire de la concurrence entre les volumes qui se donnent à voir deface affichant leur première de couverture plaquée devant ceux dont tu on nevoit que les tranches. Serait-ce un signal d’importance ou plutôt un souciesthétique dans la combinaison entre les jaquettes et les bibelots ? Lacohabitation parfois logiques ou étranges de certains titres leur confère unnouveau statut. Electro-sensibles, les livres se supportent, se câlinent ou aucontraire se fuient lorsqu’ils sont fatigués d’être lus ou mis au rebus. AinsiJulien Sorel en portrait entre en conversation avec l’Olympia de Manet quiillustre les Fleurs du mal de Baudelaire. Qu’auraient-ils pensé de cettecontiguïté ? Composition ou position, là est la question !

Esther Schwambach