Terroir Bio - Mars 2016

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FILIÈRES Ovins bio : une petite filière qui grandit vite HOMMES Georges Siegenthaler : un vigneron chercheur TERRITOIRE Bourg-en-Bresse : la ville s’est engagée dans le zéro pesticide MARS 2016 LES HOMMES - LES PRODUITS - LES TERRITOIRES DES PERSPECTIVES DE CROISSANCE BOVINS BIO

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FILIÈRES◗ Ovins bio : une petitefilière qui grandit vite

HOMMES◗ Georges Siegenthaler : un vigneron chercheur

TERRITOIRE◗ Bourg-en-Bresse : la ville s’estengagée dans le zéro pesticide

MA

RS 2

016

L E S H O M M E S - L E S P R O D U I T S - L E S T E R R I T O I R E S

DES PERSPECTIVES DE CROISSANCE

BOVINS BIO

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Pratique

RépertoireDes réseaux de conseillerspour vous accompagner

ISÈRE

Chambre d’agricultureClaire Baguet04 74 45 47 10ADABioAntoine Berry06 26 54 38 40

Chambre d’agricultureMarie-Jo Dumas04 79 62 86 98ADABioMaria Muyard06 26 54 41 11

Chambre d’agricultureChristel Nayet04 27 46 47 06AgribiodrômeBrice Lemaire04 75 25 99 75

Chambre d’agricultureLaëtitia Masson04 74 83 25 03ADABioNicolas Ghiotto06 26 54 37 85Chambre d’agriculture

Renaud Pradon04 75 20 28 00Agri Bio ArdècheRémi Masquelier04 75 64 92 08

Chambre d’agricultureJean-Pierre Monier04 77 92 12 12ArdabSandrine Malzieu04 72 31 59 99

Chambre d’agricultureSophie Regal04 78 19 61 49ArdabPauline Bonhomme04 72 31 59 99

LOIRE

RHÔNEAIN

SAVOIE& HAUTE-SAVOIE

DRÔME

ARDÈCHE

2607

42 69

01

3873

74

Dans chaque département de Rhône-Alpes, animateurs et techniciens sont à votre écoutepour vous accompagner dans votre projet : n’hésitez pas à les contacter pour toutes questions sur les techniques de l’agriculture biologique, la réflexion sur votre projet deconversion ou d’installation en bio, les aides spécifiques pour les fermes bio, les dates àvenir des prochaines formations, journées techniques, portes ouvertes, etc.

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Auvergne et Rhône-Alpes sont, depuis le 1er janvier dernier, rassemblées au seind'une seule et même région. Avec plus de 62 500 exploitations (pour3,1 millions d'ha de SAU) dont plus de 4 000 engagées en agriculture

biologique, notre nouvelle région est assurément une région majeure pour l'agriculture,et notamment pour l'agriculture biologique. Elle se place en effet en 2e position sur lecritère des surfaces cultivées en bio dans le palmarès national.

Une nouvelle région implique une modification des équilibres entre modèles agricoles etmodalités d’organisation des filières. De grandes filières très structurées avec un poidséconomique majeur sur la scène nationale, mais aussi, sur certains territoires, de nombreusesexploitations valorisant leur production en circuits courts. Dans ce nouveau contextenaturellement favorable aux échanges, l’agriculture biologique a un rôle à jouer  : nous devonsœuvrer pour que chacun trouve sa place, en s'enrichissant de cette nouvelle proximité et deshorizons dont elle est porteuse.

La crise que traversent actuellement certaines filières agricoles est difficile et complexe. Noussommes convaincus que l'agriculture biologique peut-être une opportunité pour aider desexploitations à la surmonter : à nous de travailler pour en faire quelque chose d'aussi utile quepossible pour les agriculteurs, en lien avec les coopératives et les entreprises, ou encore via lavalorisation en circuits courts, selon le contexte propre à chacun.

Les derniers retours issus des départements semblent montrer que les agriculteurs sontouverts, qu'ils sont prêts à remettre en question le fonctionnement de leur exploitation pours'adapter aux évolutions auxquelles ils sont confrontés, et que l'agriculture biologique est unesolution qu'ils sont prêts à étudier. Nous sommes à leurs côtés pour les accompagner àtravers ces nouvelles mutations de l'agriculture.

● LUDOVIC DESBRUS, président de Corabio GILBERT GUIGNAND, président de la chambre régionale d'agriculture Auvergne-Rhône-Alpes

GÉRARD RODANGE, président de Coop de France Rhône-Alpes-Auvergne

Sommaire

Mar

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16

Terroirs de Rhône-Alpes est édité par la Sept (Sociétéd’édition de presse de nos terroirs) ● Directeur : RomainLongefay ● Rédaction : Apasec (Agence de presse agricoledu Sud-Est) - Gérant : Jean-Pierre Royannez - Rédacteur enchef : David Bessenay, 04 72 72 49 06 ● Réalisation PAO :Apasec (69) ● Imprimerie : Rotogaronne - 47310 Estillac ●Publicité et opérations de partenariat : ARB, Agrapole, 23rue Jean Baldassini, Lyon Cedex 07 - Contact : ChristopheJoret, 04 72 72 49 94 ● ISSN : 2273-4872

Terroirs de Rhône-Alpes est un supplément des journaux suivants...

MARS 2016 / Terroirs Bio DE RHÔNE-ALPES / 3

arbPublicitéAgri Rhône-Alpes Bourgogne

23 rue Jean Baldassini / 69364 Lyon Cedex 07

L’agriculture biologique :une opportunité pourAuvergne-Rhône-Alpes

Ce magazine est réalisé avec le soutien de

Note : le magazine Terroir Bio reste encore, en 2016, diffusé uniquement sur la zone Rhône-Alpes pour des raisons techniques, mais l'élar-gissement de la zone de diffusion est à l'étude.

DOSSIERÉlevage bovin allaitant◗ Bovins bio / Les étapes de la conversion p.4&5

◗ Saveurs limousines / “  Le diagnostic de conversion estprimordial  ” p.5

◗ Technique / Finir ses bovins en bio, un enjeu économiqueimportant p.6&7

◗ SCEA des Grands Prés / L’autonomie alimentaire, une priorité p.8

◗ Fermette des Bourettes / Docile comme un bœuf p.9

◗ Vaches de réforme bio / «  Une démarche globale etcohérente  !  » p.10

◗ Les marchés / Une bonne dynamique de croissance p.11

FILIÈRESVÉGÉTALE ◗ PPAM / L’approvisionnement local, une priorité p.12

◗ Potentiel / Recherche producteurs de PPAM p.13

◗ Sica Viva-Plantes / La filière se développe p.14

ANIMALE◗ Ovins / Copagno veut développer sa filière bio p.15

◗ Gaec Les Délices du berger / Une valorisation en AB et enovin lait bien conduite p.16&17

◗ Ovins bio / Une petite filière qui grandit vite p.17

RÉGLEMENTATION◗ Négociations européennes / Révision de la réglementationbio européenne  : où en est-on  ? p.18&19

◗ Interview Michel Dantin / «  Par le mot agriculturebiologique, tous les pays européens n’entendent pas la mêmechose  » p.19

PORTRAIT◗ Georges Siegenthaler / Un vigneron chercheur p.20&21

BIO&EAU◗ Tech&bio / Préserver l'eau et la dynamique agricole p.22

ENVIRONNEMENT◗ Bourg-en-Bresse / Objectif Zéro pesticide p.23

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Quelle est la première étape à suivre pour les éle-veurs conventionnels intéressés par une conver-sion en bio ?Sébastien Tallotte : « Pour les éleveurs intéressés,nous proposons des formations sur l’initiation à l’agri-culture biologique. Nous prévoyons ainsi une journéeen salle pour expliquer les points de la réglementa-tion. Cela permet de se projeter sur son exploitation,de voir comment résoudre chaque point réglemen-taire. Ensuite, une journée est consacrée à la visited’au moins deux fermes de la production concernéeet qui font partie du réseau des fermes de démons-tration bio de Rhône-Alpes. En général, nous essayonsde montrer deux systèmes d’exploitation différents(vente à la ferme ou en circuit long, finition des ani-maux, choix des races, contexte géographique, etc) ».

Suite à la formation, les agriculteurs intéresséspeuvent demander un diagnostic de conversion.Pouvez-vous apporter des précisions ?S.T. : « Ce diagnostic de conversion n’est pas obliga-toire. Mais cette étude permet de donner des conseilspour orienter les choix de l’agriculteur, voir commentil pourrait gérer sa ferme en agriculture biologique.

Dans la Loire et le Rhône, le diag-nostic est réalisé en binôme par

l’Ardab et la chambre d’agricul-ture qui se répartissent lestâches. L’Ardab pointe ce qu’ilfaudrait changer dans le

schéma initial de l’exploitationen donnant des indications

sur les points réglemen-taires. La chambre

d’agriculture travaille sur le projet de fai-sabilité, les résultats économiques. Pour lediagnostic, nous procédons en deuxtemps : une demi-journée de visite de l’ex-ploitation, puis autour de la table, nouscollectons des informations pour mieuxcerner le projet. Ensuite nous faisons unrendu environ un mois plus tard ».

Pour être en phase avec le cahier descharges de l’agriculture biologique,quels sont les principaux points de vi-gilance en élevage bovin allaitant ?S.T. : « En élevage allaitant, il n’y a pas deproblème particulier au niveau des bâti-ments, ni des soins aux animaux, mis à partquelques soucis avec les jeunes veaux encas de traitements antibiotiques, de vê-lages dans les bâtiments. Il est possible derésoudre les problèmes en gérant autre-ment son élevage, notamment en chan-geant les périodes de vêlages et en dimi-nuant le nombre d’animaux ».

Qu’en est-il des aides liées à l’agriculture biolo-gique ?S.T. : « Les aides bio sont financées par l'Europe via laPac et par l'État. En Rhône-Alpes, il existe une aide àla conversion bio (CAB), avec un montant à l’hectaresur une durée de cinq ans. Le montant de l’aide varieen fonction de différents critères (prairies temporairesou permanentes, cultures annuelles...). Mais globale-ment, l’enveloppe des aides à la conversion sembleactuellement insuffisante pour les agriculteurs. À l’is-

sue des cinq années, l’agriculteur peut bénéficier d’uneaide au maintien de l’agriculture biologique sur cinqans également, avec un montant des aides un peu plusfaible que l'aide à la conversion. La Région Rhône-Alpes apporte une aide aux frais de certification du-rant les trois premières années de conversion ».

Pour les jeunes qui s’installent en démarrant di-rectement en bio, y-a-t-il une démarche spéci-fique ? S.T. : « La démarche est sensiblement la même. Lesjeunes ayant un projet d’installation en bio s’informentgénéralement auprès du point accueil installation dela chambre d’agriculture. Ils suivent la même forma-tion en bio qui s’inscrit dans leur parcours vers l’ins-tallation. Lorsqu’ils reprennent une ferme en conven-tionnel, on peut faire le diagnostic de conversion enlien avec la personne en charge de l’installation à lachambre d’agriculture ».

Une conversionen bio par étape

En élevage bovin allaitant comme dans toute autre production, la démarche de conversion en bio

se prépare en plusieurs étapes. Explications avec Sébastien Tallotte, chargé de mission élevage

à l’Ardab (Association Rhône Loire pour le Développement de l'Agriculture Biologique)

ÉLEVAGE BOVIN ALLAITANTDossier

4 / Terroirs Bio DE RHÔNE-ALPES / MARS 2016

“ Le diagnostic de conversion permet de donner des conseils pour orienter les choix de l’agriculteur. ”

Sébastien Tallotte, chargé de mission élevage à l’Ardab.

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Quelles difficultés doit surmonter la filière viandebovine bio, notamment en circuit long ?S.T. : « Dans les circuits longs, la principale difficultéest de faire coïncider les animaux produits avec lesattentes des acteurs de la filière en termes de confor-mation et de finition des animaux. Tous les abattoirsne sont pas agréés en bio, ce qui est dommage sa-chant que l’agrément bio n’est pas très compliqué àobtenir. Certains animaux ne sont finalement pas va-lorisés en bio mais en conventionnel. C’est le cas no-tamment de jeunes bovins et de broutards qui partentà l’engraissement en Italie. En revanche, dans les cir-cuits courts, les éleveurs n’ont, en principe, pas desouci pour trouver des clients, surtout s’ils sont ins-tallés en zone périurbaine : il y a le potentiel deconsommateurs avec un pouvoir d’achat souvent unpeu plus élevé qu’ailleurs ».

● PROPOS RECUEILLIS PAR C. BOUCHER

MARS 2016 / Terroirs Bio DE RHÔNE-ALPES / 5

En bovin allaitant, il est toujours possiblede résoudre les problèmes en gérant

autrement son élevage converti en bio.

sion  : le système de renouvellement du troupeau.«  Nous l’avions laissé vieillir. Depuis maintenant troisans, nous abattons 10 à 15 génisses par an à l’abattoirde Saint-Romain-de-Popey que nous transformonsdans le laboratoire que nous avons créé en 2001. Noustuons également une dizaine de vaches de réforme.Ainsi, tous les cinq ans, notre troupeau est entièrementrenouvelé », explique Jérôme Crozier. Le Gaec de Fleu-rieux-sur-L’Arbresle vend également une dizaine debroutards pour l’exportation.En termes de valorisation, les deux associés ont faitle choix de la vente directe à la ferme. «  Toutes nosbêtes sont vendues en direct. Nous les découpons dansnotre atelier et vendons trois mardis par mois des co-lis. Nous vendons également au détail. En été, nousproduisons des saucisses et des merguez de bœuf. Nos clients, fidèles pour nombre d’entre eux, précom-mandent sur notre site Internet (www.saveurs-limou-sines.com). Nous préparons les commandes le mardimatin et les acheteurs viennent les chercher sur l’ex-ploitation le soir  », explique l’éleveur. Depuis 2009,les produits de Saveurs limousines sont égalementprésents sur les étals du magasin Au marché à la fermeà Fleurieux. L’estampille bio sur les produits fleurinoisest un plus. En effet, Jérôme reconnaît qu’être labellisébio permet certes de vendre plus facilement, toute-fois, ce label ne justifie pas pour les deux associésune hausse de leurs tarifs. «  Nous avons toujoursvendu en direct et pouvons compter sur une clientèlefidèle. Nous devions rester accessibles », commenteJérôme.

« J’ai repris goût à mon métier »Après deux ans de conversion et le label décroché,les deux associés ne regrettent en rien leur choix.« Cette conversion a débuté avec une remise en ques-tion de mon système. J’ai aujourd’hui repris goût àmon métier. À tous les agriculteurs qui réfléchissent àfranchir le pas, je leur conseille de visiter plusieurs ex-ploitations, par forcément dans leur filière. Échangeravec des agriculteurs bio et découvrir leur système deproduction m’a aidé à passer le cap », explique Jérômequi a encore des projets plein la tête. Après un diag-nostic alimentaire, un nouveau bâtiment de stockagede céréales et un nouveau laboratoire sont sur lepoint de sortir de terre.

● M.C. S.B.

Jérôme et Sylvie Crozier sont deux passionnés.Passionnés par l’élevage, passionnés par les li-mousines. «  J’ai découvert cette race en 1989

lors d’une visite d’exploitation. Elles m’ont séduit », sesouvient Jérôme. Il reprend l’exploitation familiale en1996. La ferme recense alors 25 vaches et 35 ha desurfaces. Son épouse, Sylvie, le rejoint sur l’exploita-tion en 2012. « Au moment de son installation, nousavons hésité à nous convertir à l’agriculture biolo-gique. Nous étions convaincus par la démarche maisla question de l’autonomie alimentaire se posait. Eneffet, le chantier de l’autoroute en 2010 nous avait pri-vés de surfaces. Les choses étaient compliquées  », seremémore l’éleveur rhodanien. Pourtant, les deux as-sociés décident de sauter le pas, un an plus tard.«  Nous avons fait avec la chambre d’agriculture duRhône et l’association Rhône-Loire pour le dévelop-pement de l’agriculture biologique (Ardab) un diag-nostic de conversion. Cette étape a été déterminantedans notre décision. Il a en effet révélé que techni-quement la conversion devrait passer. Faire ce diag-nostic est à mon sens incontournable. »

Pension et renouvellementLe pas à franchir était effectivement petit pour Sylvieet Jérôme. «  Depuis quelques années, nous réalisionsle déparasitage de nos bêtes grâce à la phytothérapie.Nous n’achetions que très peu de désherbants chi-miques  », énumère l’agriculteur. Par ailleurs, depuis2010, les génisses des Saveurs limousines sont misesen pension pour pallier le manque de surface. « Depuistrois ans, nous les envoyons en estive dans le Jurajusqu’au mois de septembre.  » Cette mise en déléga-tion des plus jeunes permet à l’exploitation d’être au-tonome sur le plan alimentaire. Les deux associés ex-ploitent aujourd’hui près de 80 ha, limitrophes de leurexploitation. Ils achètent simplement un complémentbio. Exception faite cette année. L’été caniculaire,dont le département du Rhône a été l’épicentre, acontraint Sylvie et Jérôme à acheter du foin bio.Seule une ombre au tableau pouvait ralentir la conver-

Saveurs limousines“ Le diagnostic deconversion est primordial ”Les Saveurs limousines, exploitation allaitante à Fleurieux-sur-l’Arbresle près de Lyon, est labellisée bio depuis le mois d’août dernier. Une conversion choisie et réussie.

Carte d’identité

◗ Saveurs limousines◗ Statut : Gaec entre époux◗ Label AB depuis août 2015◗ Troupeau : 40 mères limousines.L’exploitation comptabilise une cinquantainede vêlages dans l’année◗ Surfaces : 78 ha dont près de 15 ha de prairiespermanentes, environ 45 ha de prairiestemporaires et 15 ha de céréales

◗ Pour en savoir plus : les Saveurs Limousines fait

partie du réseau des Fermes de démonstration

bio de Rhône-Alpes. Pour visiter la ferme,

renseignement sur : www.corabio.org, rubrique

Fermes de démonstration.

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6 / Terroirs Bio DE RHÔNE-ALPES / MARS 2016

ÉLEVAGE BOVIN ALLAITANT

Il y a aujourd’hui de la place pour de la viande bo-vine bio sur le marché. « La demande étant orien-tée à la hausse et les éleveurs allaitants bios étant

encore peu nombreux, chaque bovin bio fini trouveun débouché sur le marché français  », indique GuyMuron, conseiller en élevage bovin viande à la cham-bre d’agriculture de la Loire et référent technique biorégional. Il conseille donc aux éleveurs de bovin enbio d’essayer de finir un maximum d’animaux plutôtque de les vendre maigres. «  Pour bien assumer éco-nomiquement sa conversion à l’agriculture biologique,il faut s’organiser pour finir le maximum d’animaux,souligne le conseiller. La valorisation de la démarcheen agriculture biologique ne se répercute que sur lesanimaux finis, c’est 30 à 50 centimes de plus par kilode carcasse. À l’inverse, quand un éleveur bio vend dubroutard ou de la laitonne, il n’y a pas de valorisationsupplémentaire par rapport au conventionnel.  » Pourun éleveur, finir les bovins permet d’aller au bout dupotentiel de ces animaux. Plus les animaux sont finisen France, plus il y aura de viande bio pour le consom-mateur. « Je pense que finir les bovins viande est unchoix d’éleveur, explique Guy Muron, mais parfois, lasituation géographique, les sols, ou la disponibilité desterres labourables peuvent faire en sorte que tous lesanimaux ne puissent pas être finis. »

Viser l’autonomie alimentaireAvant de se lancer dans la finition des animaux il estimpératif d’être auto-suffisant en fourrages pour letroupeau de souche, puis de dégager des surfaces àla pâture ou des stocks pour les animaux en finition.« Il faut également adapter sa production fourragèreafin d’avoir un éventail assez large en fourrages  : foin,enrubannage ou ensilage (récolté tôt) et éventuelle-ment des fourrages riches en protéine comme la lu-zerne ou le trèfle », souligne le technicien.Être autosuffisant en concentrés demande d’avoir desterres labourables qui peuvent rentrer dans une rota-tion pour avoir des céréales voire des protéagineux.Et cela demande une bonne technicité pour réussirces cultures. Après, le choix de la culture est ouvert.Cela peut être des méteils grains (mélange de céréaleset protéagineux) ou des céréales en mélange. Le coûttrès élevé des aliments concentrés impose la plusgrande autonomie possible.

Commencer par finir les femellesSelon Guy Muron, il est relativement facile de finirdes vaches de réforme de moins de 8 à 10 ans. Au-delà, les animaux perdent en potentiel de poids etsont plus difficiles à finir. Aussi, il faut veiller à ne pasgarder trop de vieilles mères. Pour les vaches de moins

TechniqueFinir ses bovins en bio, un enjeu

économiqueimportant

Pour les éleveurs allaitants en bio, réussir la finition des bovins est un vrai plus pour doper les résultats économiques

de l’exploitation. Vendre des animaux maigres n’apporte aucune valorisation par rapport aux animaux

conventionnels, alors qu’engraisser des bovins en bio permet de gagner entre 0,3 à 0,5 euro par kilo

de carcasse, selon les catégories.

Dossier

“ Finir les bovins permet d’aller au bout du potentiel des animaux. ”

Guy Muron, technicien chambre d’agriculture de la Loire.

de 10 ans, la viande est valorisée en filières longuesdans le circuit boucherie de détail ou GMS. Pour lesplus vieilles, il peut être intéressant d’aller vers la fi-lière steak haché de l’Ardab, notamment si on peutfaire de la vente directe. La finition peut commenceraprès le sevrage. Dans tous les cas, il faut compter de100 à 150 jours de finition pour une vache de réformeselon l’état corporel de départ. Pour des animaux àfinir au printemps et en fin d’automne, il est possiblede finir à l’herbe, sous réserve d’avoir de bonnes prai-ries à sa disposition. Au printemps, l’idéal est de lesfaire passer en déprimage sur des parcelles avant lesfoins. Si besoin, il faut prévoir une complémentationen concentrés. Il est également possible de faire unefinition à l’auge. Pour cela, il faut du fourrage de bonnequalité et il est intéressant d’avoir de l’enrubannagerécolté tôt pour privilégier la valeur énergétique etprotéique du fourrage ainsi que prévoir une complé-mentation en concentrés. Une bonne finition corres-pond à une note de gras égale à trois, l’éleveur jugeracet état de finition à partir de maniements (attachede la queue, grasset, côtes…) Pour la finition des gé-nisses, c’est à peu près la même chose que les vachesde réforme mais il y a plusieurs points à surveiller.Pour ces animaux qui seront vendus finis entre 34 et38 mois on recherchera une finition assez longue afinde mettre du muscle et pour éviter les dépôts de grastrop précoces.

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MARS 2016 / Terroirs Bio DE RHÔNE-ALPES / 7

Une marche supplémentaire avec la finition des mâlesAprès les femelles, il est possible de finir progressive-ment ses mâles plutôt que de les laisser partir enbroutard sur les marchés italien ou espagnol, sans va-lorisation supplémentaire liée à la bio. « La filière estpreneuse de bœufs (et de tous les animaux finis) à lacondition que cela soit planifié avec son opérateurcommercial, affirme Guy Muron. Cependant se lancerdans la finition de bœuf  est une démarche enga-geante. » En effet, un producteur de femelles finies etde broutard qui veut finir des bœufs va devoir adapterson cheptel de mères. À chargement égal, il faudradiminuer les vêlages sachant que les bœufs ne serontabattus qu’entre 34 et 40 mois. Si avant, il pouvaittenir 60 vêlages et 100 UGB par an, il va perdre desvêlages du fait du vieillissement des bœufs pour pas-ser à 45-47 vêlages. Pour finir les mâles, il faut les cas-trer. Selon les éleveurs, la castration des mâles peutintervenir soit pendant les 3 premières semaines grâceà la méthode de l’élastique, soit intervenir vers 10-12 mois et être réalisée à la pince à castrer ou par abla-tion chirurgicale. La finition se réalisera avec lesmêmes recommandations que pour les femelles aveccependant une durée plus longue de 150 à 180 jourset davantage de concentrés, les bœufs déposantmoins facilement du gras.

● CAMILLE PEYRACHE

Finir les veaux en bioEn bio, certains éleveurs produisent du veaurosé en agriculture biologique, mais pour qu’ilsoit qualifié de « veau », il faut que l’animalsoit abattu avant 8 mois. La finition des veauxdépend directement des qualités maternellesdes mères (allaitement). Il est fréquent quel’allaitement des veaux soit complété par desvaches laitières (tantes). En finition, unaliment concentré est distribué. La sélection nedoit donc pas exclusivement reposer sur descritères de conformation et de rendementviande. Pour se conformer à la réglementationbiologique, les veaux doivent avoir accès auxpâtures pour une durée minimale correspon-dant à 1/5e de leur vie, si les conditionsclimatiques le permettent. Cela correspond àune durée de 1,6 mois s’ils sont abattus à l’âgede 8 mois. Il est préférable de les laisser sortirau champ avec leurs mères pendant lespremiers mois de leur vie, l’idéal étant de lesplacer sur des zones les plus proches possibledes bâtiments d’élevage. Cependant pour debons résultats en finition, il faut essayer derestreindre l’exercice physique des veaux, enveillant particulièrement à limiter les pertesénergétiques dues au froid qui pénalisent lacroissance et la constitution de graisse intra-musculaire.

En bio, pour qu’il soit désigné “ veau ”, l’animal doit être abattu avant 8 mois.

Paddock 2 Paddock 3

Paddock 1 Paddock 4

Autres parcelles pour les foins,

regains génisses,...

Paddock 5

Paddock 6

▲▲

Schéma de fonctionnement du pâturage tournant

Le pâturage tournant permet d’optimiser l’utilisation de l’herbe etde toujours faire paître les animaux au stade de pousse voulu ce quipermet de finir les animaux plus facilement.

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8 / Terroirs Bio DE RHÔNE-ALPES / MARS 2016

Jean-Claude Garde et sa fille Bénédicte, sont naisseurs-engraisseurs, à Arthun dans la Loire. Pour Jean-Claude Garde, dont l’exploitation est labélisée en bio depuis 2003 : « L’autonomie alimentaire et la gestion très fine de nos prairies, sont les bases de notre système d’exploitation ».

Pâturage, foin, enrubannage et céréales consti-tuent l’alimentation autoproduite à 100 % del’ensemble du troupeau. « Depuis le début de

ma conversion en bio, mon objectif a été de ne rienacheter à l’extérieur. Sinon, cela n’a pas de sens, ettout d’abord sur le plan économique.  » Pour les cé-réales, le choix s’est porté sur le méteil, dont les se-

mences sont produites à la ferme. Le trèfle et le sor-gho sont, eux, destinés à l’enrubannage pour une meil-leure conservation. Jean-Claude utilise aussi sur lesprairies temporaires un mélange suisse OH, qui resteen place 2 ou 3 ans, et constitue un bon précédentpour les cultures. Pour les prairies naturelles, certainesparcelles sont destinées au pâturage et celles, qui sontplus éloignées ou sans point d’eau, sont réservées àla fauche. «  Nous avons aussi, dès le début, investidans des tunnels qui nous permettent de stocker l’en-semble de notre production dans d’excellentes condi-tions.  » Dans le respect du cahier des charges bio, lafertilisation de l’ensemble de l’exploitation est réaliséeà partir du fumier composté. «  Les animaux sont suraire paillée accumulée, ce qui produit un fumier debonne qualité. » Après compostage, le produit obtenuest semi-sec, facile à épandre sur les pâtures au prin-temps et sur les céréales à l’automne, et directementassimilable. 

Entretien mécanique et pâturage tournant L’entretien des prairies naturelles est réalisé avec uneherse émousseuse, utilisée sur toutes les parcelles, sipossible deux fois dans l’année, au printemps et à l’au-

SCEA des Grands PrésL’autonomie alimentaire, une priorité

Située à Arthun, dans la plainedu Forez dans la Loire.- 2 associés exploitants,Bénédicte Garde, 31 ans, et sonpère Jean-Claude 62 ans. Berna-dette, 62 ans, l’épouse deJean-Claude a le statut deconjointe collaboratrice. JérômeDuret, 21 ans, réalise en cemoment un stage reprise en vuede son installation au sein de laSCEA.

- 200 ha, composés de 2 ensem-bles : 105 ha à Arthun, le siègehistorique, et 95 ha achetés àPommiers en 2014, en cours deremises en état.- Un troupeau de 50 vachesallaitantes et leur suite, majori-tairement en race charolaise,depuis 2 ans introduction de larace salers. Objectif de90 mères d’ici à 2017 afind’atteindre un chargement de

0,9 UGB/ha avec valorisation detous les mâles en bœuf bio de3 ans.- Assolement 2015 : 15 ha decéréales, 10 ha de trèfles et 5 hade sorgho et 170 ha de prairiesnaturelles.- Commercialisation à 70 % envente directe à la ferme, Amapet marchés.

Carte d’identité de la SCEA

tomne  :  «  Là encore, tout dépend de la météo, noussommes sur des terrains plutôt argileux, et si la saisonest humide, il faut éviter que le matériel ne tasse lessols ». L’objectif étant de valoriser les déjections ani-males, la herse émousseuse permet à la fois de lespulvériser et d’aérer le sol. « Je pratique aussi le pâturage tournant, les 170 hasont divisés en 20 parcelles de 8 ha environ et les bêtesy restent par groupe de  30 pendant 1 semaine. Elles yreviennent au bout de 5 à 6 semaines. Les animauxbénéficient aux mieux des jeunes pousses et cela per-met de bien gérer le parasitisme. » L’ensemble des prai-ries est entouré de haies naturelles, là aussi très en-tretenues  : « Les haies sont une protection contre lefroid pour les bêtes, en ce moment, par exemple, oùles animaux en stabulation ouverte peuvent aller etvenir et plus tard au printemps quand tout le troupeauest sorti ».

Une étape cruciale, la période des foinsPour Jean-Claude, la période des foins est celle où ilfaut être très présent et réactif, face à la météo  : « carc’est la seule condition pour rentrer un foin de qualité.S’il faut aller faner une parcelle 2 fois de suite, il faut le faire. Nous ne pouvons pas nous permettre de rater cette étape ! » Cette année, la SCEA a récolté400 tonnes de foin, avec un rendement assez faible àcause de la sécheresse, soit 3,2 t/ha. «  J’ai produit plusde foin que nécessaire, j’en ai vendu à peu près120 tonnes. À terme, avec le développement du trou-peau, nous serons de nouveau à l’équilibre.  » Les sur-faces situées à Pommiers vont terminer leur conver-sion bio en mai 2016, date à partir de laquelle la SCEAva reprendre le développement de son troupeau.«  C’est une période charnière pour l’exploitation quitraverse à la fois, une phase de développement etd’installation de Jérôme. Avant notre départ à la re-traite, un nouvel associé devrait entrer dans la SCEA »,conclut Jean-Claude.

● A.V.

De gauche à droite, Jean-Claude Garde,Bénédicte Garde et Jérôme Duret.

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ÉLEVAGE BOVIN ALLAITANTDossier

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MARS 2016 / Terroirs Bio DE RHÔNE-ALPES / 9

A Haute-Rivoire, aux confinsdu Rhône et de la Loire, Mathieu Razy et Magali Gayet se sont installés progressivement en élevage de bœufs bio de race aubrac. Un projet mûrement réfléchi et calibré.

Un peu hors cadre familial mais pas trop. Magaliet Mathieu sont tous deux enfants d’agricul-teurs du pays Lyonnais, mais ils n’ont pas che-

miné sur les traces de leurs parents dans un premiertemps. Tandis que Magali devenait animatrice rurale,Mathieu vivait une belle expérience dans le marketingde l’agroéquipement. «  On s’était dit qu’on voulait voir grandir nos enfants à la ferme. Quand Lola estarrivée… ».

Objectif autonomieLeur installation s’est faite en plusieurs temps - au 1er

janvier 2012 pour elle, deux ans plus tard pour lui - cequi a permis un lancement progressif de l’activité pourmonter le cheptel, trouver du foncier et des débou-chés commerciaux. Le résultat, une exploitation de75 ha sur deux sites proches, 42 mères et une com-mercialisation en vente directe par trois réseaux (lireci-contre), histoire de ne pas mettre… tous ses bœufsdans le même panier. Car l’objectif initial des nou-veaux éleveurs était clair  : être autonome aussi bienpour l’amont que pour l’aval. Autrement dit, autono-mie alimentaire et maîtrise de la commercialisationcomme clefs de voûte de leur système de produc-tion.Le couple a opté pour la race aubrac « parce qu’on ai-mait la Lozère tous les deux », sourit Mathieu. Plus sé-rieusement, la race est rustique  ; pas trop gourmande,« elle consomme presque un tiers de moins qu’unecharolaise  » estime Mathieu  ; esthétique aussi pourl’accueil à la ferme  ; goûteuse et originale sur un ter-ritoire où dominent limousines et charolaises  ; et puisles petites carcasses sont bien adaptées à la vente directe.

« Le bœuf est plus facile à conduire »Mathieu et Magali ont rapidement décidé de se tour-ner vers la production de bœufs «  même si cela re-présente une grosse immobilisation de capital pendantdeux ans  », plutôt que de jeunes bovins «  Nousn’avions pas assez de foncier pour cela. Il aurait falluproduire des hectares de maïs », souligne l’éleveur.Pour lui, le bœuf représente bien des avantages «  Ilest moins fragile qu’un taurillon, il est plus facile àconduire, à faire pâturer. On apprécie cette docilité

Fermette des BourettesDocile comme un bœuf

ÉLEVAGE BOVIN ALLAITANTDossier

FICHE D’IDENTITÉ

EARL Ferme des Bourettes àHaute-Rivoire (650 m d’altitude)

◗ GérantsMagali Gayet : 33 ansMathieu Razy : 36 ans

◗ Surfaces : 75 ha35 ha de prairies naturelles30 ha de prairies temporaires10 ha de céréales

◗ AlimentationPâtures, foin, enrubannage, ensilage decéréalesRation d’engraissement : 3 kg/jour de méteil

◗ Production12 000 kg de carcasses découpés/an3 gros bovins abattus par moisPoids de carcasses : environ 400 kg demoyenne à 3 ans

◗ Découpe5 à 10 heures semaine : atelier de découpe surl’exploitation avec un boucher salarié via ungroupement d’employeurs

◗ CommercialisationPVC : « Au garde-manger » à Sainte-Foy-les-Lyon (dont produits transformés : tripes,bœuf bourguignon…)AMAP de TarareColis pour particuliersAccueilFerme pédagogique « Bienvenue à la ferme »

Mathieu Razy valorise aussiquelques femelles de trois « veaux ».

car on n’a pas envie de s’embêter avec des bêtes diffi-ciles ou agressives. On tient à travailler sans stress.On passe beaucoup de temps avec eux au sevragepour créer un lien ».Au niveau sanitaire, après avoir un peu tâtonné au dé-marrage, le couple a rectifié le tir en privilégiant lestraitements préventifs  via des compléments alimen-taires  : minéraux, oligoéléments, vitamines, cure deplantes… «  C’est un poste stratégique qui nous coûtequand même 4 000 euros/an », insiste l’éleveur.Les jeunes mâles sont castrés à l’élastique entre 3 et7 jours après leur naissance, une technique qui selonMathieu, permet de faire développer plussûrement  l’arrière de l’animal, un avantage indéniablepour la commercialisation.Les éleveurs peuvent élever mâles et femellesconjointement. Les bœufs ne sont séparés qu’à partirde 28 mois, pour l’engraissement à base de céréaleset des meilleurs fourrages (graminées et légumi-neuses). « Mais globalement, notre alimentationmanque d’énergie. On doit encore améliorer l’équili-bre », reconnaît-il.Le troupeau reste à l’intérieur l’hiver. «  Dehors, ellesmangeraient plus, endommageraient les prés hypo-théquant la repousse du printemps et puis, nous avonsaussi besoin de fumier. » L’été une partie du troupeauest envoyé en estive dans le Jura.Au final, les carcasses s’élèvent entre 370 et 450 kg.«  L’objectif est plutôt d’arriver à une bonne morpho-logie. Je ne cherche pas à faire une viande grasse. Çacoûte plus cher à produire, à préparer et ça ne répondpas à la demande des consommateurs », remarque-t-il.

● D.B.

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Marianne Philit est chargée de mission en éle-vage biologique à l’Ardab qui rayonne surles départements du Rhône et de la Loire :

« Vendre ses vaches de réforme dans la filière bio per-met d’aller au bout de la démarche globale d’une ex-ploitation bio. C’est complètement cohérent mais celadoit se réfléchir. Plusieurs solutions sont possibles.Chacun doit choisir l’option qui lui correspond, touten faisant preuve de souplesse. » Techniquement, se-lon le type de conversion opérée (conversion simul-tanée ou non du cheptel et des cultures), il faut comp-ter deux générations de vaches de réforme avantd’être certifié sur la viande bio dans un élevage laitier.Une fois la certification obtenue, la commercialisationdans le circuit bio plutôt que dans le circuit conven-tionnel apporte un vrai plus économique. «  Cela re-présente en moyenne un gain de 20 à 40 cts d’euro aukilo de carcasse, en faveur du bio et sur tous les typesde classement de l’animal à l’abattoir », explique Ma-rianne Philit. C’est bien sur la demande des consom-mateurs à la recherche de viande bio qui expliquecette différence. « Les consommateurs plébiscitentla viande en label AB. C’est une viande sans OGM etle cahier des charges les rassure. »

Filières longues/filières courtesLa demande du marché en viande bio a tout naturel-lement incité les opérateurs mettre en place et déve-lopper des circuits de transport, d’abattage et detransformation qui leur permettent de valoriser laviande certifiée bio. C’est le cas, par exemple, d’Actisbovins sur la Loire qui fait partie de Sicarev et Sicabadans l’Allier. Après leur conversion, beaucoup de pro-ducteurs ont tout simplement continué à travailleravec leurs négociants qui achètent leurs bêtes surpied. Ces derniers se sont adaptés en obtenant la cer-tification bio. Sur les départements de la Loire et duRhône, on dénombre 4 négociants mixtes. Enfin, desopérateurs ne travaillent que de la viande bio, Bio-coop dans le Rhône, Biovie en Haute-Loire ou encoreUnebio, un des plus gros opérateurs bio au niveau na-tional partenaire de Sicarev. La filière longue com-mercialise 90 % du volume des vaches de réformebio, avec un produit phare, le steak haché surgelé, quipermet la valorisation de l’ensemble de la carcasse etqui correspond à une vraie demande des consomma-

teurs et de la restauration hors domicile (voir enca-dré). Vente directe à la ferme ou sur les marchés,Amap, magasins de producteurs, vente aux cantinesscolaires, de nombreuses solutions sont possibles.

Un plus dans certains cas, la finition Les travaux de Guy Muron de la chambre d’agriculturede la Loire, démontrent l’intérêt économique de lafinition pour amener les bêtes à avoir un bon classe-ment. Quelle que soit la destination des animaux, lafinition des vaches, en améliorant leur poids et leurconformation apporte un vrai gain économique et li-mite la dépendance par rapport au marché du maigreà condition que l’animal soit déjà en bon état. Ce tra-vail impacte aussi le goût et la saveur de la viande etpermet de proposer un produit fini au consommateur.Mais pas à n’importe quel prix  ! Un des facteurs clés

Vaches de réforme bio« Une démarche globale et cohérente ! »Pour accompagner le développement de la production de lait bio, les éleveurs et les opérateurs ont organisé la valorisation des vaches de réforme, elles-mêmes certifiées bio.

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de la réussite est la ressource fourragère de l’exploi-tation. «  Si l’éleveur n’est pas autonome en fourrage,ou si la bête n’a pas un état corporel satisfaisant, ilvaut mieux sortir la vache au plus vite », explique Ma-rianne Philit.

S’adapter au cas par cas« Les éleveurs, s’ils optent pour la commercialisationen filière courte, ont intérêt à mettre en place un sys-tème très souple qui leur permet de choisir le modede valorisation adaptée presque pour chaque ani-mal, explique Marianne Philit. Après avoir mesuré l’in-térêt de la finition, l’éleveur doit prendre en comptel’état sanitaire de sa vache, notamment pour unetransformation en steak haché. C’est une filière sensi-ble et il ne faut pas prendre de risque.  Au moindredoute, il faut opter pour la filière longue. »

● A.V.

L’Ardab, l'association desagriculteurs biologiques duRhône et de la Loire, a mis enplace, en 2005, une filière steakhaché bio surgelé. C’estaujourd’hui un service utilisé parplus de 55 éleveurs (bio etconventionnels). Cela repré-sente 8 à 20 bêtes par mois, 10à 11 mois par an. L’Ardab

travaille en partenariat avecl’abattoir certifié bio de Saint-Romain-Popey dans le Rhône,un façonneur certifié bio, l’éta-blissement Carrel, et destransporteurs. « C’est unsystème très souple pour leséleveurs qui ne s’occupent quede la commercialisation. Maisattention, les frais de filière

sont importants. Il faut bienréfléchir à sa stratégie de ventepour qu’elle prenne le moins detemps possible. C’est uneactivité complémentaire quipeut bien fonctionner avec unegamme de produits fermiersdéjà existante sur la ferme, parexemple. »

Zoom sur la filière steak haché bio surgelé

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La visite de l’atelier de fabrication desteaks hachés des établissements Carrel.

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vent ». Mais l’accessibilité reste encore un frein à l’acted’achat de viande bio. En province, 17 % des personnessondées consomment de la viande bio dès qu’ellesen trouvent contre 11 % en région parisienne. À noter,que la région Sud-Est est la plus consommatrice deviande bio en France (19 %).

Unebio, un opérateur d’envergure nationale Créée il y a une douzaine d’années pourregrouper l’offre de viande bio1, Unebio(union des éleveurs bio) est un acteurimportant sur le marché national. Déte-nue exclusivement par des éleveurs biorépartis sur tout le territoire, Unebiogère l’offre en animaux bio et organiseles plannings d’abattage. Elle s’appuie surles structures locales (coops, négociants,abattoirs) pour le transport et l’abattageet se pose comme l’interlocuteur privi-légié entre ses producteurs et les autresacteurs partenaires de la filière. « Pourla filière bovine, Unebio assure la valori-sation des bovins bio issus du troupeau

allaitant, mais aussi du trou-peau laitier, explique Samuel Delobbe,coordinateur filière. Nous sommes présentsà tous les stades de la filière pour offrir lemeilleur débouché possible à la productiondes éleveurs et répondre au mieux aux de-mandes et attentes du marché, en assurantun approvisionnement régulier en quantitéet qualité. » Unebio propose aux éleveurs une grille deprix d’achat déconnectée du conventionnelpour « garantir une valorisation stable et li-sible dans le temps », précise-t-il. Sur le ter-rain, Unebio assure l’achat des animaux etune mission d’information et de conseil aux

La filière viande bio est dans une réelle dyna-mique positive, et tout particulièrement la fi-lière bovine. Incités par la crise et les prix bas

en conventionnel  ; encouragés et plébiscités par lesconsommateurs, les producteurs de viande bovine sesont tournés vers l’agriculture biologique. Selon l’in-terprofession bétail et viande (Interbev), la filière bo-vine a vu ses abattages en bio croître de 15 % en 2014par rapport à 2013. « Un chiffre qui s’explique par labonne disponibilité en bovins bio, ce qui a permis auxopérateurs de répondre aux attentes du marché et derelancer le développement de la viande bio dans lespoints de vente », analyse Interbev. Les animaux abat-tus sont surtout des vaches, avec toutefois un fortdéveloppement de la production de veaux et uneprogression des ventes de bœufs, une catégorie bienadaptée à la bio (croissance lente, à l’herbe). «  Cettebonne disponibilité des animaux se justifie par l’aug-mentation de 6 % des élevages certifiés bio en 2014 etsurtout par le maintien des prix bio, quand ceux duconventionnel ont diminué  », commente encore l’in-terprofession. La demande des consommateurs est là.D’après un sondage Ifop de mars 2015, près de sixconsommateurs sur dix ont déjà mangé de la viandebio et 16 % disent en consommer « dès qu’ils en trou-

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Les marchésUne bonne dynamique de croissanceLa filière viande bovine est une des filières animales qui se développe le plus en bio, portée par un marché dynamique et une vague de conversion. Selon Interbev,l’interprofession bétail et viande, les abattages de bovins biologiques ont progressé de 15 %, entre 2013 et 2014.

éleveurs pour que leur production soit en adéquationavec les besoins de la filière. Grace à ces partenaires,Unebio organise la collecte et l’acheminement desanimaux bio vers les sites d’abattage. La valorisationcommerciale est diversifiée et passe par l’ensembledes circuits de distribution  : GMS, magasins spécialisésen bio, restauration hors domicile, boucheries tradi-tionnelles, grossistes. «  Ce qui est important pournous, souligne le coordinateur d’Unebio, c’est de pré-

voir, de pouvoir anticiper et gérer l’offretout au long de l’année. C’est pourquoinous insistons et incitons les éleveurs, parl’octroi d’une prime, à planifier et annon-cer au plus juste et au plus tôt ( minimumtrois mois avant l’abattage) les sortiesd’animaux.» Actuellement, l’Union des éleveurs biofrançais abat 17 000 bovins bio par an,soit 300 à 350 bovins par semaine dont58 % issus du troupeau allaitant et 42 %du troupeau laitier. En Rhône-Alpes Au-vergne, en 2015, ce sont 1 150 bêtes quiont été abattues dans la filière Unebio,un volume en progression de 20 % parrapport à 2014. 950 bêtes provenaient

d’Auvergne dont 80 % de races à viande, tandis que200 bêtes étaient issues de Rhône-Alpes, dont 60 %du troupeau laitier. Samuel Delobbe est plutôtconfiant et positif concernant les perspectives d’ave-nir pour la filière bovine bio  : « avec les nouvellesconversions en bio, des disponibilités vont arriver surle marché et il va falloir développer et trouver des dé-bouchés. S’il y a un conseil que je pourrais donner auxéleveurs qui voudraient se convertir, c’est de ne pasattendre d’être certifiés en bio pour se rapprocherd’une structure de commercialisation, mais de le pré-voir bien en amont, dans leur projet de conversion. »

● C. DÉZERT

1 Unebio a une activité multi-espèces en viande bio  : bovins,veaux, ovins, porcs, volailles.

18 000

16 000

14 000

12 000

10 000

8 000

6 000

4 000

2 000

02005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

Nombre de têtes

16 240

10 895

5 366

4 471

1 810

Évolution du nombre de têtes de bovinsallaitants bio abattus

Jeunesvaches/vaches adultes

Veaux

“ Avec les nouvelles conversions en bio, des disponibilités vont arriver sur le marché. ”

Samuel Delobbe, coordinateur filière Unebio.

Barons/Jeunesbovins/Taureaux

Génisses

Sour

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Bœufs

Samuel Delobbe

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Marielle Richter a rejoint depuis 6 ansl’équipe du Baraban avec pour objectif ledéveloppement de l’approvisionnement

local du magasin bio, situé dans la banlieue stépha-noise. «  J’ai tout d’abord travaillé sur les produits frais,et particulièrement le rayon fruits et légumes. Celamarche bien avec aujourd’hui entre 35 et 40 % de no-tre chiffre d’affaires réalisé en local sur les fruits et lé-gumes. Et comme dans tout magasin bio, nous avionsun espace herboristerie. Mon objectif a été, là aussi,d’y développer l’approvisionnement local, c’est-à-direque les plantes soient non seulement transforméesmais produites au plus près de chez nous. » Aujourd’hui, Le Baraban s’approvisionne pour sonrayon herboristerie auprès de 25 producteurs deplantes médicinales, qui sont aussi souvent cueilleurs,et d’une coopérative, la SICARAPPAM, située à Aubiatdans le Puy-de-Dôme. Parmi eux, beaucoup assurentla transformation en huile essentielle ou macérât. En-suite, le magasin se fournit principalement auprès de4 laboratoires ou distilleries locales qui ont accepté

de se fournir auprès de producteurs locaux. Le rayonappelé «  L’herboristoiredeplantes » propose mainte-nant une gamme très étendue, avec plus de240 plantes différentes. Il représente 10 % du chiffred’affaires total du magasin, en moyenne sur 4 ans.

Un partenariat étroit avec les producteurs«  Notre façon de travailler a pu surprendre, car ellen’est pas habituelle  ! Premier principe  : nous ne remet-tons jamais en cause le prix proposé par un produc-teur. Et le plus souvent, pour une même plante nousavons plusieurs fournisseurs. D’un côté le consomma-teur fait son choix et chez les agriculteurs cela pro-voque plutôt du partenariat et de la mutualisationdans le but d’avancer ensemble  ! » Marielle Richter aaussi mis en place une planification des cultures, pargroupe de producteurs. «  C’est un vrai engagementréciproque sur l’année, un partenariat gagnant-ga-gnant.  » Une organisation qui revêt plusieurs avan-tages  : un échelonnement des cultures chez les agri-culteurs et de l’approvisionnement pour le magasin  ;la diversification des cultures à la fois pour répondreà la demande des consommateurs et élargir la gammepour les agriculteurs, en les orientant vers des pro-ductions nouvelles et le plus souvent plus rémunéra-trices.

Une production localePour Marielle Richter, l’important est le lieu de pro-duction de la plante qu’elle soit ensuite commerciali-sée sous forme de tisane, eau florale, hydrolat, huileessentielle, macérât d’huile et de plante… «  Consom-mer local est une évidence, c’est un des principes de

Le magasin Biocoop, Le Baraban, à Villars dans la Loire, a développé un espace herboristerie en privilégiant l’origine locale des plantes. Un travail de longue haleine basé sur le partenariat et l’engagement au quotidien aux côtés des producteurs et des transformateurs. Rencontre avec Marielle Richter, responsable des achats de plantes et du pôle phyto-conseils du magasin.

“ Mon travail, c’est aussi la mise en réseau entre tous les acteurs de la filière. ”

Marielle Richter.

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VÉGÉTALEFilière

soin écologique. Tout ce qui est produit autour de cheznous est adapté et encore plus efficace dans le do-maine du soin.  » Des transformateurs sont implantésà proximité de Saint-Étienne mais tout l’enjeu pourMarielle Richter a été de les faire travailler à partird’une matière première locale. «  Bien sûr, économi-quement ce n’est pas la même chose, une plante peutarriver de l’étranger à un tarif 2 fois moins élevé quesi elle est produite ici  !  » Le pari semble gagné pourl’équipe du magasin Le Baraban car l’approvisionne-ment s’effectue aujourd’hui à 80 % en local et 20 %en national. « Reste aussi quelques plantes qui nepoussent pas sous nos latitudes mais je n’en comptepas plus de 5. J’ai pu atteindre ce résultat en remettantau goût du jour des plantes anciennes produites loca-lement. Elles ont les mêmes indications que d’autresvariétés que nous avions pris l’habitude d’importer,comme le desmodium pour lequel le chardon marie,produit en France, a des propriétés similaires  ! »

Quel développement possible ?« La demande des consommateurs est forte. Ils sont àla recherche de solutions alternatives et surtout deconseils. Dans notre magasin, nous assurons une forteprésence auprès des clients pour les conseiller, les ac-compagner dans leur démarche. Un lien de confiances’établit, ce qui explique aussi la fidélité de notre clien-tèle bien que nos prix soient parfois plus élevés quedans d’autres circuits  », explique Marielle Richter. Lemarché est donc toujours demandeur d’une produc-tion locale bio, notamment pour la distillation et pourdu petit plant. « Chaque projet doit être étudié au re-gard de la ou des parcelles disponibles, de la distancevis-à-vis des transformateurs. L’objectif est la viabilitééconomique pour l’agriculteur. Cela peut être, parexemple, une diversification intéressante pour un ma-raîcher. »

● A.V.

◗ Contact : Marielle Richter ,[email protected]

◗ En savoir plus : www.baraban.fr

PPAML’approvisionnementlocal, une priorité

Le desmodium importé a été remplacépar le chardon marie qui a les mêmes

propriétés et qui est produit localement.

Marielle Richter.

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les producteurs locaux puissent bénéficier d'une partiede cette croissance », explique Laurent Quadrio. Pas sisimple. «  En 30 ans, les acheteurs de matière quiétaient des ingénieurs agro sont parfois devenus descommerciaux multilingues qui négocient des contai-ners auprès d'intermédiaires. Cependant, en achetantà l'étranger, les entreprises peuvent avoir de désagréa-bles surprises quant à la qualité sur le bio. La questiondu prix n'est pas toujours déterminante  ». Ainsi lachambre d'agriculture de la Drôme, qui conseille auxagriculteurs de ne pas démarrer de culture de PPAMsans être assurés d'un marché, tant celui-ci peut êtreétroit pour certaines espèces, propose un service auxentreprises de mise en relation avec des producteurs  ;elle s'implique entre les deux parties pour « coacher »des contrats basés sur des volumes et des prix.

Indispensables contratsCette démarche n'a pas été nécessaire pour le sitedrômois du groupe international Elixens qui vend des

compositions parfumées et aromatiques. Elixens a re-pris en 2010 le modèle initié par Sanoflore, puisl'Oréal, dont il a acquis l'activité. L'entreprise qui pro-duit 30 tonnes de tisanes, 7 à 8 tonnes d'huiles essen-tielles et 150 tonnes d'eaux florales a noué un parte-nariat exclusif avec la Sica bio plantes (45 producteurs)à qui elle achète la totalité des matières produites àdes prix discutés en amont de la saison. « Nous faisonscultiver 35 espèces en Drôme, soit 80  % de notre ap-provisionnement. Nos produits sont plus chers (troisfois plus pour la menthe qui viendrait d'Inde), mais il ya une demande de produits français de qualité et lesexigences réglementaires en matière de traçabilité ontaugmenté  », commente André Hyvrier, responsabledu site Elixens. L'entreprise a voulu compléter le logoAB par le label Bio solidaire (référentiel ESR : équitable,solidaire et responsable) afin de rejoindre des préoc-cupations éthiques de certains clients et les fidéliser.Alors que le marché explose, affirment les observa-teurs, est-il aisé de convaincre des producteurs d'aug-menter leurs surfaces de culture ou des nouveaux àse lancer dans des cultures peu attractives a priori  ?Question d'autant plus cruciale que les surfaces dePPAM en conversion ont diminué depuis 2014 notam-ment dans la Drôme. « Nous recherchons de nouveauxagriculteurs afin d'augmenter les surfaces, mais sansdéstabiliser ce qui existe déjà. Nous démarchons desproducteurs de végétaux qui cherchent à se convertirou se diversifier. Cependant, nous ne cachons pas lesdifficultés  ; les PPAM requièrent beaucoup de maind'œuvre pour le désherbage peu mécanisé et un in-vestissement technique, les rendements sont encoremal connus et les revenus variables selon les espèces »,reconnaît Laurent Quadrio. Une situation qui néces-site un encadrement technique soutenu et aux pro-ducteurs d'être impliqués dans des réseaux afin dedévelopper leur expertise et l'intelligence collective.

● LOUISETTE GOUVERNE

Dans un marché mondialisé en croissance,

les producteurs français de plantes à parfum,

aromatiques et médicinales (PPAM) doivent miser

sur les signes de qualité - notamment le bio - pour

valoriser leurs plantes. Dans la Drôme, la filière

continue à s'organiser.

La filière est encore jeune et le marché desplantes à parfum, aromatiques et médicinales(PPAM) totalement mondialisé s'est développé

rapidement sur divers segments. La parfumerie re-cherche la qualité bio pour lavande, lavandin et saugesclarée, notamment. « Le marché a explosé égalementpour les plantes aromatiques et médicinales qui vien-nent remplacer des molécules de synthèse pour lescompléments alimentaires, par exemple. La cosmé-tique, dont l'activité s'est accrue en Europe et en Asie,a besoin de plantes de qualité et l'image de la lavandepour la France reste un atout », souligne Laurent Qua-drio, responsable d'équipe PPAM, grandes cultures etlégumes à la chambre d'agriculture de la Drôme. L'ori-gine France et la qualité bio ou encore AOC et IGPtraçables doivent donc être valorisées au mieux parles producteurs et la filière hexagonale. « Les entre-prises de transformation, dans le Sud-Est et la Drômecomme ailleurs, se développent et font appel à l'im-portation, mais nous faisons notre possible pour que

PotentielRecherche producteurs de PPAM

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VÉGÉTALEFilière

En 2014, la surface cultivée en PPAMbio en France a atteint 5 057 ha pour1 912 exploitations (certifiées et enconversion). Une surface en progres-sion de 6,8 % par rapport à 2013.Cette production a augmenté depuis2007 (+ 60 % de hausse dessurfaces). En 2014, la part des exploi-tations bio par rapport à la surfacetotale de PPAM en France(41 808 ha) représentait 12,1 %. Deux régions dominaient la produc-tion bio de PPAM (70 % des surfacesde l'hexagone) : Paca avec 1 966 haet Rhône-Alpes avec 1 613 ha puis

venaient ensuite LanguedocRoussillon, Pays de la Loire, Corse,Midi-Pyrénées. Le département leader : la Drômeavec 1 364 ha cultivés sur 254 exploi-tations. Près de 150 variétés de PPAM sontcultivées en France. La lavandereprésente 34 % des surfaces en bio,les lavandins 32 % ; dans de bienmoindres proportions viennentensuite les sauges et le thym,mélisse, romarin. Une filière dite longue : 26 groupe-ments de producteurs PPAM bio

dans neuf régions qui traitent avecdes entreprises de première transfor-mation ; puis le produit passe par demultiples opérateurs avant d'être« packagé », et distribué.La filière PPAM (non bio et bio)génère 30 000 emplois directs etindirects.Marges brutes des productions enPPAM : lavande 2 500 €/ha/an ;plantes aromatiques :2 300 €/ha/an ; plantes médici-nales : 2 200 €/ha/an. (chiffres donnés à titre indicatif, étude réaliséepour la chambre d'agriculture de la Drôme)

Au-delà de la culture des PPAM, desplantes sauvages cueillies sontcommercialisées en bio. La cueillettesauvage est surtout pratiquée sur lesmassifs montagneux. Peu dedonnées, hormis pour le Massifcentral : 257 cueilleurs pour370 espèces.

Source : www.agencebio.org/les-donnees et FranceA-griMer

◗ Des références technico-économiques : http://rhone-alpes.synagri.com /portail/fiches-bio

Une production en hausse

La mélisse, comme le thym, compte parmi lesplantes avec un potentiel de développement.

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d'ancêtre avec ses presque 30 ans d’existence. Elle re-groupe une centaine d'adhérents producteurs cueil-leurs d'environ 120 espèces sauvages et cultivées. Autitre des variétés sauvages, on retrouve la violette, leframboisier sauvage, la gentiane jaune ou encore l'au-bépine. Les plus grosses productions ont pour nomsla bardane (environ 6 tonnes), l'hysope (2 tonnes), lacamomille matricaire, le cassis (feuilles), la vigne rouge,le pissenlit... la liste du «  catalogue  » de l'entreprisecontient une centaine de noms de plantes dont sontrécoltés la fleur, les feuilles, les racines, les graines,l'écorce, le fruit, la partie aérienne ou même la totalitéde la plante. Certaines subiront une première trans-formation en farine ou en brisure, toutes sont contrô-lées, transformées à 38°c puis conditionnées. La pro-duction est certifiée bio et tous les producteurs sontsoumis à déclaration auprès d'un organisme decontrôle.Sauf qu'aujourd'hui, Viva-Plantes est à l'étroit. L'an-cienne scierie de Mercuer, bien qu'adaptée au fil dutemps au stockage (en chambre froide ou en sec), à lacoupe, au broyage et au séchage, n'est plus très fonc-

tionnelle. Aujourd'hui un projet de déménagementest à l’étude. La surface de l'entreprise de 400 m2 ac-tuellement devrait largement s’agrandir, ce qui per-mettra de développer la production en un lieu situéau cœur de la zone de production. Voilà qui va offrirla possibilité à l'entreprise de développer certainesproductions pour lesquelles ses 150 clients sont trèsdemandeurs  : pissenlit, bardane, piloselle, millepertuis,vigne rouge et achillée, entre autres. Des clients quiont pour activité l'homéopathie (laboratoires), l'agroa-limentaire, la cosmétique, la distillation ou même lagémmothérapie (thérapie par les bourgeons).Pour les agriculteurs ardéchois, les plantes aroma-tiques sont une solution parmi d'autres de diversifi-cation. Elles demandent peu d'interventions, craignentpeu les aléas climatiques et peuvent être cultivéesdans de petites parcelles inutilisées (du fait souventde la nature du terrain). De plus, le bio a largement levent en poupe et les surfaces en PPAM augmententde l'ordre de 20 % chaque année.

● H.B.

La culture des plantes à parfum, aromatiques et médicinales, en Ardèche, s'est énormément développée ces dernières années. Confidentiel au début du siècle, le secteur affiche désormais plus d'une centaine d'entreprises déclarant cette activité comme activité principale.

Située à Mercuer (à l'ouest d'Aubenas), la coo-pérative Sica (société d'intérêt collectif agri-cole) Viva-Plantes pourrait presque faire figure

14 / Terroirs Bio DE RHÔNE-ALPES / MARS 2016

Sica Viva-PlantesLa filière se développe

VÉGÉTALEFilière

Installée à Vals-les-Bains depuis1994, PAM Ardèche (plantes aroma-tiques et médicinales) est, avecViva-Plantes, l'autre opérateur dudépartement. Installé dans unbâtiment communal, PAM Ardèchecommercialise en sec, frais oucongelé des plantes médicinales etaromatiques issues de l’agriculturebiologique ou de la cueillette deplantes sauvages. Annuellement,l’établissement collecte, conditionneet redistribue de 80 à 100 tonnes deplantes ou de baies sauvages.32 cueilleurs et 6 agriculteurs appor-tent leurs produits cueillis ou cultivés

loin de toute pollution dans des sitesprivilégiés des Cévennes et de lamontagne ardéchoise. Avant d’êtrelivrées aux entreprises qui les trans-forment ou les intègrent à leurspréparations : établissements agroa-limentaires, herboristeries,laboratoires de cosmétiques etlaboratoires pharmaceutiques, cesplantes peuvent selon les cas, êtrecongelées ou séchées, coupées,tamisées et conditionnées en vrac ouen sachet. Le séchage est soitnaturel soit effectué au four. Cettedernière méthode, très délicate,demande une grande connaissance

du produit, car la température dedessiccation doit préserver de toutealtération ou destruction les huilesessentielles des feuilles ou desfleurs. Suivant la nature physico-chimique de la plante, cettetempérature peut varier d’unedizaine de degrés à une trentaine dedegrés. La majorité de ces feuilles etfleurs (reine des prés, aubépine,olivier, saule, millepertuis, ortie...près d’une centaine d’essences),trouve un débouché en France et enBelgique. S’appuyant sur la qualitéet la pureté des plantes qu’ellecommercialise, Danièle Balaye désire

développer, sous la marque LaSerpette, la vente directe aux parti-culiers : « Le consommateur esttoujours plus désireux de produitsnaturels qu’il peut utiliser en toutesécurité. Nous avons la chance enArdèche de disposer d’une floresauvage variée, préservée de toutepollution. Grâce à la diversité dessols, des climats et de l’altitude nousproposons une multitude de produitstout au long de l’année. C’est unformidable atout pour notre filière ».

Zoom sur PAM Ardèche

La cueillette de l'arnica a lieu fin mai.

Page 15: Terroir Bio - Mars 2016

garder son volume actuel et recruter de nouveauxéleveurs. « Les éleveurs bio sont toujours les bienvenus.Il y a réellement deux périodes de production. De Noëlà Pentecôte, nos produits sont faciles à vendre car iln'y en a pas beaucoup. En revanche, de l'été à l'au-tomne, il y en a partout en France. Nous pouvonscompter sur nos races rustiques qui se désaisonnent :les blanches du Massif central, la noire du Velay, larava ou encore la bizet », poursuit-il. Des actions sontmenées auprès des éleveurs pour les aider lors del’installation ou pour simplement acquérir des ani-maux. « La coopérative, les fabricants ou encore lesabattoirs peuvent apporter un soutien financier. Lemontant peut aller jusqu'à 22,50 euros par tête. C'estun vrai plus », ajoute-t-il. Copagno accompagne aussitous les éleveurs au quotidien. « Nous travaillons surla qualité des agneaux avec eux et intervenons aussisur les aspects sanitaire et prévention. Ainsi, il y auraplus d'agneaux. C'est gagnant-gagnant. Le contrat estfort entre un éleveur et sa coopérative », conclut letechnicien.

● AURÉLIEN TOURNIER

mat (Lot) pour y être abattus », explique VincentCuoq.

Diverses actions menées pour recruterDepuis cinq ans, les résultats de la coopérative Copagno sont positifs. Lors de la dernière assembléegénérale, Henri Tamain, le directeur de la structure,notait que le volume d’activité s’établissait à 102 002 ovins, soit une progression de 1,19 %. Pour au-tant, le budget reste serré et l'heure est aux écono-mies. Copagro a ainsi rejoint Feder. L'organisme ras-semble au total cinq coopératives animales associées.Des services sont ainsi mis en commun, tels la comp-tabilité. L'organisme se veut aussi être un interlocuteurqui pèse davantage en termes de forces commercialeet technique. « Cela nous permet de diluer nos fraisfixes. Nous sommes aussi en mesure d'apporter un grosvolume régulier », précise Vincent Cuoq. Malgré cela,il n'en reste pas moins que la filière ovine connaît desdifficultés en France. Copagno se doit néanmoins de

Une coopérative se doit de rendre service àl'ensemble de ses adhérents. Ainsi, lorsque lelycée de Brioude (Haute-Loire) s'est lancé

dans l'agriculture biologique, la coopérative a choiside le suivre. « Ce sont les élèves qui nous ont poussésà nous y intéresser. Ces générations sont l'avenir et ilsont été des pionniers », explique Vincent Cuoq, tech-nico-commercial à la coopérative, chargé plus spéci-fiquement du bio. Aujourd'hui, cette activité ne re-présente toutefois que de petits volumes, à savoirseulement 2 % du chiffre d'affaires global. Car si lacoopérative compte au total 318 éleveurs (environ91 000 brebis), seuls 11 d'entre eux ont choisi l'agricul-ture biologique (près de 3 500 animaux). Pour autant,Copagno souhaite continuer de développer ce seg-ment. La coopérative mise en effet sur les produitssous signes de qualité (label rouge pays d’Oc, labelrouge Tendragneau, agneaux bio…), gage de meilleurerémunération.

Au plus près des éleveursForte d'une quinzaine de salariés, la coopérative estprésente sur l'ensemble des quatre départements au-vergnats : le Puy-de-Dôme, le Cantal, la Haute-Loireainsi que l'Allier. Il faut dire que Copagno est née parle passé de la fusion de deux autres structures situéessur ces territoires. Mais les adhérents viennent égale-ment d'autres départements, tels la Loire, la Creuseou encore l'Ardèche. Les ovins sont ensuite commer-cialisés en circuit long. « C'est toutefois un peu moinslong pour le bio. Les abattoirs se trouvent en effet àBrioude ou Yssingeaux. Par ailleurs, nous nous ap-puyons sur Biovie, un opérateur local, pour ce qui estde la commercialisation. Cet intermédiaire supplémen-taire vend directement aux bouchers et aux restau-rants locaux. Nous sommes sensibles sur ce dernierpoint, par rapport au bilan carbone. En ce quiconcerne les autres animaux, nos chauffeurs vont leschercher dans les fermes et les rassemblent à nos cen-tres d'allotement, situés à Villefranche d’Allier ou en-core Saint-Beauzire. Ils sont ensuite transportés chezBigard à Castres (Tarn) ou encore chez Destrel à Gra-

OvinsCopagno veut développer sa filière bioLa coopérative Copagno, implantée principalement dans les quatre départements auvergnats, est spécialisée dans le commerce d'agneaux et de brebis. Depuis les années 1990, elle s'est aussi tournée vers le bio.

Copagno cherche à recruter de nouveaux éleveurs.

MARS 2016 / Terroirs Bio DE RHÔNE-ALPES / 15

ANIMALEFilière

La coopérative compte au total 318 adhérentsdont seuls 11 d’entre eux sont en bio.

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16 / Terroirs Bio DE RHÔNE-ALPES / MARS 2016

pâture. Ce qui diminue considérablement la pressiondu parasitisme  ». Cela fait neuf ans qu’il n’y a eu au-cune utilisation de vermifuges allopathiques et lefonctionnement en AB correspond tout à fait à l’ap-proche préventive et très attentive assurée par le cou-ple d’éleveurs. Les méthodes naturelles employéesen hygiène et nutrition animale par plantes médici-nales, huiles essentielles et homéopathie (GentianaPhyto Labo et Symbiopôle) fonctionnent parfaite-ment.

Une production laitière bien valoriséeLe troupeau, démarré en 2010 avec la race thône-et-marthod, a été petit à petit complété avec de la la-caune pour augmenter la production laitière. Au-jourd’hui, le cheptel est composé de thône-et-mar-thod, lacaune et croisées. Son effectif actuel est de55 brebis laitières, moitié moins important à ce jourque ce qu’il était initialement dans la structure enGaec car Stéphane, contraint par ses problèmes ré-currents de mal au dos et par une opération subie àl’automne 2014, doit se ménager. Le couple transformela totalité de la production laitière, soit annuellementaujourd’hui 8  000 litres de lait, valorisés à 6,87 eurosle litre. La gamme des produits proposés est vraimentétoffée  : beaucoup de lactiques, yaourts et pannacotta, nature ou aux fruits, crème brûlée et tommesde brebis. L’intégralité de la production est vendue

mier, commente Stéphane Dupraz, était en fait de réa-liser la transformation à partir du lait de nos brebisici même à Marlioz, puis dans un second temps, sur lesite de la ferme amie du Crêt Joli, elle aussi en AB maisen bovin lait. Or les services sanitaires n’ont pas ac-cepté, ce qui explique pourquoi nous avons dû nousrabattre sur la solution d’installer l’atelier de fabrica-tion à Minzier, au premier niveau de notre maison quenous avons équipé selon les normes et où la confor-mité par les services sanitaires a été validée sans pro-blème ». Si objectivement assurer l’élevage et la fabri-cation sur deux sites différents n’est pas le plus facile– «  Chaque matin, je ramène donc le lait de la traitede Marlioz à Minzier », précise Stéphane -, les chosesse coordonnent cependant avec efficacité.

Un troupeau choyéAu bâtiment du Gaec Les Délices du berger à Marlioz,le troupeau est dans un environnement remarquableet son comportement autant que son état sanitaireen attestent. Stéphane et Cathy sont très attentifs àleurs bêtes, ils les choient en permanence et elles leleur rendent bien. Cette performance au plan sanitaireà ses explications. «  Le soin aux animaux, le respectenvers eux et le bien-être animal font partie de mesfondamentaux, commente Stéphane Dupraz. Ainsi,notre troupeau a le choix d’entrer et sortir de l’étableà tout moment. La ration des brebis comporte toutel’année du fourrage sec, même lorsqu’elles sont à la

Située à Minzier, en ce qui concerne le siège so-cial et l’atelier de fabrication, et à Marlioz, com-mune distante de trois kilomètres en ce qui

concerne le bâtiment d’élevage des brebis laitières, leGAEC Les Délices du berger compte deux associés,Stéphane Dupraz et sa compagne Cathy Dupuit. C’esten janvier 2014 que la structure en associés a étécréée, date à laquelle Cathy a rejoint Stéphane pourconduire ensemble cette activité d’élevage en ovinlait avec fabrication fermière et vente en circuitscourts de la production. Stéphane Dupraz est éleveurdepuis longtemps. Il a débuté en bovin lait en 1986lorsque, titulaire d’un BEPA en conduite d’élevage enproduction laitière, il rejoint l’exploitation familialede Minzier. Sorti du Gaec en 2003 pour des raisonsde santé (problèmes de dos), Stéphane a été ensuitedurant deux ans éleveur avicole mais la première criseaviaire le contraindra à arrêter. C’est avec son fils qu’ildémarre en 2007 un élevage de brebis laitières. Sonfils ayant opté en 2010 pour un nouvel horizon pro-fessionnel, Stéphane continue alors en individueljusqu’à l’arrivée de Cathy quatre ans plus tard.

Un choix du bio très cohérent Dans ce parcours, l’année 2010 a constitué une étapeimportante dans le choix de l’AB. Un choix déterminépar le fait que l’élevage des brebis, jusqu’alors installéà Contamine Sarzin dans un vieux bâtiment bovin lait,rejoignait un nouveau bâtiment beaucoup plus fonc-tionnel à Marlioz, une ferme bio en bovin lait ayantproposé à Stéphane de placer ses brebis dans ladeuxième partie de l’étable. Un site également parfaitquant aux hectares de prairies qui l’entourent, où lesbrebis peuvent pâturer à leur guise. « L’objectif pre-

Gaec Les Délices du bergerUne valorisation en AB et en ovin lait bien conduiteAux portes du Genevois, Stéphane Dupraz et sa compagne Cathy Dupuit sont les deux associés du Gaec Les Délices du berger. Ils élèvent un troupeau de thônes-et-marthod, lacaune et croisées, transforment le lait en une gamme diversifiée de lactiques et tommes qu’apprécie beaucoup la clientèle locale. La commercialisation est totalement réalisée en circuits courts.

ANIMALEFilière

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MARS 2016 / Terroirs Bio DE RHÔNE-ALPES / 17

Entre 2010 et 2013, les exploitations d’ovinsviande en bio ont progressé de près de 30 %, passant de 938 à 1 210  ; et le cheptel

est passé de 83 700 brebis en 2006 à plus de 131 000 en 2013. Et en 2014, la filière ovine a aug-menté de + 15 % ses abattages en ovin bio. Des chif-fres qui révèlent le dynamisme de la filière.«  Dynamisée par le travail du Casdar agneau bio -dont l’objectif est de faire progresser la filière tech-niquement grâce au développement de référencesadaptées à la production d’agneaux bio, et commer-cialement grâce à une meilleure connaissance descircuits de vente et de distribution des animaux -,les abattages en ovins bio ont progressé de 15 % en2014 », note Interbev bio dans son observatoire desviandes bio.Le chiffre d’affaires de la viande d’agneau bio est38 millions d’euros en 2013, il était de 26 millions en2007, soit une progression de près de 50 % en 6 ans,d’après l’Agence bio. Avec 16 030 ovins viande bio (+ 61 % par rapport à 2006) en Rhône-Alpes et 13 774 (+ 56 % par rapport à 2006) en Auvergne, lanouvelle grande région se trouve dans le trio detête des effectifs en ovins bio.

● C.D.

Ovins bio Une petite filière qui grandit vite

Évolution du cheptel ovins allaitants bio en France

99 762 104 438113 133

128 595 131 097

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

140 000

120 000

100 000

80 000

60 000

40 000

20 000

0

78 43483 707

98 790

1 2101 1511 032

2010 2011 2012 2013

Évolution des exploitations d’ovins allaitants bio en France

1 500

1 000

500

0

294 T

294 T

30%

29%10%

10%

21%

99 T

101 T

209 T

GMS

BoucherieMagasinspécialisé

RHD

Vente directe

Distribution des viandes d’ovinsallaitants bio (en tonnes)

938

Observer les animaux, les élever dès le départdans la proximité humaine est très important,

commente Stéphane. Tout ceci est bénéfiqueet se vérifie en termes de santé animale ».

en circuits courts dans une région économiquementporteuse qui est celle des portes du Genevois. Lesventes sont ainsi réalisées via deux magasins de pro-ducteurs, l’un, «  Terre Ferme  » situé à Cruseilles (Sté-phane est le président de l’association des produc-teurs), l’autre « Ô Champs Paysans » à Collonges-sous-Salève, ville frontière à deux pas de Genève dont Ca-thy en a la responsabilité. Les produits sont aussi dis-ponibles pour les consommateurs passant commandeau Drive Fermier de Cruseilles. Les marchés locaux,dans l’immédiate proximité géographique de l’exploi-tation, complètent cette commercialisation très bienmenée. «  Nos clients recherchent avant tout des produits aulait de brebis, explique Stéphane, pas forcément dubio mais, comme nous concilions ces deux critères,c’est un argument global fort  ». La clientèle, grande-ment composée d’acheteurs fidèles, connaît et ap-précie les produits des Délices du berger, réputés pourleur grande qualité.

● ARMELLE LACÔTE

◗ Pour en savoir plus : les Délices du berger fait

partie du réseau des Fermes de démonstration

bio de Rhône-Alpes. Pour visiter la ferme,

renseignement sur : www.corabio.org, rubrique

Fermes de démonstration.

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Le Casdar agneaux bio

est un projet de recherche et de développe-ment multipartenarial piloté par l’Itab(Institut technique de l’agriculture biolo-gique) qui vise à développer la productiond’agneaux biologiques grâce à des actionsconcertées et durables sur l’ensemble de lafilière.

Le chiffre d’affaires de la viande d’agneau bio a progressé de 50 % en 6 ans.

Page 18: Terroir Bio - Mars 2016

Nous sommes actuellement dans la phase des«  trilogues  », où les trois instances euro-péennes doivent se mettre d’accord sur une

version finale, qui deviendra le nouveau règlement del’agriculture biologique.

Pourquoi une révision de la réglementation bio ? Actuellement, le mode de production en agriculturebiologique doit respecter des règles de production,qui sont définies dans plusieurs règlements euro-péens  : - un «  règlement cadre  » qui fixe les règles de l’agri-culture bio à tous les stades  (production, transforma-tion, distribution, conditions de contrôles et d’éti-quetage)  ;- plusieurs règlements d’applications qui définissentles modalités de mise en œuvre de ce «  règlementcadre  ». La Commission européenne a mis en œuvre une révi-sion afin d’avoir un seul texte et de renforcer les exi-gences de la réglementation bio, en cohérence avecles attentes exprimées par les organisations de pro-ducteurs et les consommateurs européens.

Comment se déroulent les « trilogues » ? En décembre 2015, deux trilogues ont eu lieu, notam-

ment pour discuterde la question ducontrôle des opéra-teurs. La Commissionavait proposé la findu contrôle obliga-toire en se basant surune analyse derisque  ; le Conseil aretenu un contrôlepar an, avec une dé-rogation pour les opérateurs à faible risque  ; et le Par-lement a réintroduit un contrôle obligatoire par opé-rateur et par an. Pour l’instant, aucune issue n’a ététrouvée, chaque institution campant sur sa position.En revanche, sur la question de la mixité bio/non biosur une même ferme, un compromis semble se déga-ger, le Conseil et le Parlement ayant réintroduit la pos-sibilité de mixité dans les mêmes conditions que lerèglement actuel.

Qu’est-ce qui peut évoluer par rapport à la réglementationactuelle ? De nombreux sujets sont en cours de discussion, dontl’issue n’est pas encore connue. Néanmoins, voiciquelques points qui peuvent évoluer dans la nouvelleréglementation par rapport à la réglementation actuelle.

Le principe en agriculture biologique est de cultiverdans le sol. Cependant, certains États membres inter-prètent la réglementation bio comme laissant la pos-sibilité de cultiver en bac, notamment les pays duNord de l’Europe. Or, le Parlement a réaffirmé l’obli-gation de la culture liée au sol, avec une dérogationpour les plants maraîchers et les plantes vendues enpots.Au niveau de l’alimentation animale, les éleveurs biodoivent se procurer principalement des aliments pro-venant de l’exploitation ou d’autres exploitations dela même région, avec un pourcentage minimum enfonction des animaux. Mais la notion de région n’estpas définie dans le règlement, chaque État membreayant sa propre interprétation. En France, c’est la ré-gion administrative ou à défaut, le territoire national.Dans son projet, la Commission a proposé des tauxplus élevés (60 % pour les monogastriques et 90 %pour les herbivores), mais sans définir la notion de ré-gion. Le Conseil est revenu sur le texte actuel et leParlement a retenu une position intermédiaire  : 30 %pour les monogastriques et 60 % pour les herbivores,en définissant la notion de région, qui équivaut à un

La Commission, le conseil et le Parlement européensdoivent se mettre d’accord sur un nouveau réglement

de l’agriculture biologique.

NÉGOCIATIONSEUROPÉENNES

Réglementation

18 / Terroirs Bio DE RHÔNE-ALPES / MARS 2016

Révision de laréglementation

bio européenne :où en est-on ?

La révision de la réglementation bioeuropéenne est un long processus :

la Commission européenne a proposé un texte en mars 2014, sur lequel le Conseil

puis le Parlement ont apporté des modifications, afin d’adopter

leur propre texte, respectivement en juin et en octobre 2015.

Page 19: Terroir Bio - Mars 2016

rayon de 150 km autour de l’exploitation (mais qui vaêtre difficile à vérifier…). Enfin, concernant l’attache des bovins, sujet importanten Auvergne-Rhône-Alpes dans les zones de montage,il semblerait que la dérogation soit maintenue pourles « micro-entreprises » et à la condition que les ani-maux sortent au moins 2 fois par semaine. Le Conseila apporté une nuance  : l’attache serait interdite, pourles fermes de plus de 50 UGB adultes.

Quand sera appliqué le texte final ? Une fois que l’accord est trouvé, la Commission devrarédiger les actes délégués et d’exécution, pour les rè-gles plus techniques. La Commission et le Parlementtablent sur une application de la nouvelle réglemen-tation bio pour le 1er juillet 2017, alors que le Conseilenvisage le 1er janvier 2018. Cependant, si l'accord enpremière lecture n'est pas trouvé, il y aura une phasede deuxième lecture, où le Parlement et le Conseilrepartent de zéro, ce qui assure qu'il n'y aura pas d'ap-plication pour 2017. ●

MARS 2016 / Terroirs Bio DE RHÔNE-ALPES / 19

alors que pour tous les autres pays européens, on n’enest pas du tout là au niveau de cette précision duconcept. Tous les autres pays considèrent l’agriculturebiologique comme un itinéraire technique, c’est tout.Un autre exemple qu’on peut donner est celui descoopératives  : en France, les coopératives bio existentet fonctionnent de manière totalement séparée, alorsque dans les autres pays européens, le bio est une desactivités des coopératives conventionnelles. On voitbien que la place accordée à l’AB et la conceptionmême de celle-ci ne sont pas les mêmes  ».

Vous l’avez exprimé à plusieurs reprises : les no-tions de territoire et de production locale font par-tie des fondamentaux de l’agriculture biologique.Est-ce une conception partagée par tous les payseuropéens ? Les députés européens vous rejoi-gnent-ils sur ce point ?M.D. : « Le territoire, la région, le lien entre le sol et laproduction bio font partie des fondamentaux de l’agri-culture biologique. La définition de l’AB, telle qu’on laconnaît, et particulièrement de la part des Français,qui sont vraiment à la pointe sur ce sujet, suscite desinterprétations différentes de la part des États mem-bres. C’est le cas sur la question d’autoriser ou nonl’agriculture biologique hors sol, que les pays d’Europedu Nord voudraient adopter alors que les pays du Sud,mettant en avant le lien indispensable au sol, s’y op-posent. Ces clivages sont présents. De même que despoints majeurs de l’agriculture bio vue à l’échelle in-ternationale et des relations avec des pays tiers, nour-rissent de grands sujets de débat, particulièrement surle point de la reconnaissance des standards  ».

Le texte définitif de la nouvelle réglementationbio européenne est attendu pour le 1er juillet2017, voire le 1er janvier 2018. Pensez-vous quecette échéance pourra être tenue ?M.D. : «  Je pense que ces échéances sont réalistes car,une fois tous les trilogues terminés et l’accord trouvé,les phases de traduction des textes s’engageront, quinécessiteront quatre mois environ. Donc si un accordintervient à l’automne 2016, on peut tabler sur une ap-plication de la nouvelle règlementation bio euro-péenne pour le premier trimestre 2017  ».

● PROPOS RECUEILLIS PAR ARMELLE LACÔTE

Au niveau de l’Union européenne, le travail d’éla-boration du nouveau règlement de l’agriculturebiologique est entré dans sa phase active à partirde mars 2014. Qu’est-ce qui est précisément àl’origine de l’engagement de cette réflexion au ni-veau de l’Europe ?Michel Dantin : « Le début de la réflexion a été ef-fectivement engagé en mars 2014 et c’est le commis-saire européen Dacian Ciolos qui a mis cette proposi-tion de révision sur la table. L’élaboration d’un nou-veau règlement a été motivée par une démarche per-sonnelle de Dacian Ciolos qui s’est montré très sensi-ble à la question de l’agriculture biologique alors qu’auniveau des instances européennes, il faut bien le re-connaître, le sujet ne revêtait pas forcément la mêmeacuité ou la même nécessité de le régler  ».

Les 28 pays membres de l’UE n’ont pas tous lamême vision de l’agriculture biologique. Le travailaccompli jusqu’à présent par les trilogues –Conseil, Commission et Parlement européens –permet-il d’espérer, selon vous, que seront levésles points d’achoppement ? Un règlement favo-rable à tous les pays européens, à toutes les ré-gions européennes et à toutes les filières enga-gées dans l’agriculture biologique, est-ce possi-ble ?M.D. : « À travers ce travail d’élaboration d’un nouveaurèglement, on voit bien qu’il n’existe pas à l’heure ac-tuelle une conception unanime ou univoque de l’agri-culture biologique. En effet, les pays européens neprêtent pas tous la même considération à l’AB et nelui accordent pas tous la même signification dans sadéfinition. Et il y a effectivement un certain nombrede désaccords entre le Conseil et le Parlement, no-tamment sur trois points majeurs que l’on a pu consi-dérer effectivement comme des points d’achoppe-ment jusqu’à présent  : c’est la question du maintiendes exploitations mixtes en bio, c’est-à-dire faut-il ounon les garder  ; celle des contrôles à effectuer  ; etcelle qui révèle aussi un clivage entre les pays euro-péens du Nord et ceux du Sud, à savoir la possibilitéou non de faire une agriculture bio hors sol. Ces pointsrévèlent que par le mot agriculture biologique, tousles pays européens n’entendent pas la même chose.Les Français placent en ce mot un concept très précis,défini clairement, un concept très pointu et avancé,

L’élaboration du règlement de l’agriculture biologiquese poursuit au niveau des instances européennes. Un travail

long, qui révèle aussi des différences d’approche et de conception de l’AB de la part des 28 États membres. Dans ce contexte, la France apparaît d’ailleurs comme le pays sans doute le plus avancé et le plus pointu sur la question, témoigne Michel Dantin, député européen.

« Par le mot agriculturebiologique, tous les payseuropéens n’entendentpas la même chose »

Michel Dantin, député européen

Page 20: Terroir Bio - Mars 2016

20 / Terroirs Bio DE RHÔNE-ALPES / MARS 2016

Notre temps est à celui des interrogations, lesvraies, les valables, les utiles… pour aller versdes changements, vers du «  mieux » pour

l’humanité. Parce que l’homme, à force de perfection-nements amenant au bout de certains systèmes, seheurte aujourd’hui à des limites de plus en plus expli-cites, celle de la Nature qui lui dit «  stop ». Des vigne-rons, il y en a quantité, des chercheurs et des scienti-fiques de métier, idem. Mais des vignerons chercheurs,c’est beaucoup plus rare. Georges Siegenthaler en faitpartie. On pourrait énumérer, à son endroit, unelongue liste d’inédits  tant il aime nourrir son chemi-nement d’expériences et d’initiatives atypiques. Lepremier de ses inédits  survient au début des années2000, au moment où ce biochimiste, maître d’ensei-gnement et de recherche à la faculté de médecine de

l’Université de Genève, installé à Seyssel àla faveur d’une retraite anticipée, entamesa seconde partie de vie professionnelle.L’homme est passionné par le vin « depuistoujours ».

Faire des vins bio de Savoie en haut de gamme Les méthodes alternatives de la culture de la vigne,les fermentations, les arômes, tout ceci l’intéresse auplus haut point. Il décide alors de remettre en vignele coteau de Vens-le-Haut surplombant Seyssel et lesrives du Rhône et qui est alors pratiquement voué àl’abandon. Dès 2003, le voilà à l’œuvre. Le Domainede Vens-le-Haut (DVH) est lancé. Avec l’objectif déjàclairement énoncé d’élaborer des vins bio de Savoiehaut de gamme et selon le concept, deuxième inédit,de « garage wine », développé en France et aux États-Unis et consistant à réaliser des micro-cuvées de vinsd’exception, comme on le ferait dans un laboratoire. En 2006, le cépage blanc, dit molette, vinifié par leDVH, obtient la distinction du Bettane & Desseauve.À peine 500 bouteilles d’un vin magnifique élaboré àpartir d’une parcelle de 1  400 m² au rendement trèslimité, après un tri intense et un pressage opéré dansun tout petit pressoir. Les exigences drastiques duDVH sont désormais en place. Le succès se poursuitavec, très vite, la distinction de la mondeuse, l’emblé-matique cépage rouge autochtone savoyard que ledomaine fait entrer dans la cour des grands vins. En 2010, Jean-Marie Loriaud, vigneron expérimentéde la Chautagne, région immédiatement voisine deSeyssel, rejoint Georges Siegenthaler et conforte ledomaine par son savoir-faire et l’apport de vignes sup-plémentaires. Le DVH compte aujourd’hui 7 hectaresen AB (certification Ecocert) dont 4 hectares sont vi-nifiés en micro-cuvées d’exception. De faibles rende-ments (03 – 0,4 l/m²), vendange verte, vendange ma-nuelle à complète maturité de la peau et des pépins,

raisin trié avec une extrême rigueur et éraflé. « Lesbois de rafle n’apportent rien et ils ne se mangent pas,souligne le vigneron. Nous ne mettons dans nos cuvesque les raisins parfaitement bons. Comment imaginerélaborer un très bon vin à partir d’une matière pre-mière qui n’est pas elle-même de grande qualité  ? »

De rigoureux protocoles de vinificationL’extrême attention portée aux protocoles – spéci-fiques – de vinification du DVH est l’une de ses autresdistinctions. Ceux-ci ne modifient ni les arômes, ni lastructure en bouche des cépages et du terroir. L’unde ces principes distinctifs est rappelé par l’intéressé  :« Nos vins sont élevés sans oxygénation volontaireafin de conserver les arômes de fruit tels qu’ils étaientdans les raisins  ». Des protocoles que Georges Sie-genthaler n’hésite pas à commenter avec ferveur etsens de la pédagogie et qui ont su emporter l’adhésionde plus d’un acheteur professionnel, connaisseur pas-sionné, œnologue, sommelier…Le DVH produit 8 vins mono-cépages typiques de laSavoie  : en rouges, la mondeuse noire bien sûr maisaussi le gamay et le pinot noir  (en AOP vin de Savoie) ;en blancs, l’altesse (ou roussette) et la molette  (enAOP Seyssel); la jacquère (en AOP vin de Savoie crude Chautagne), l’aligoté  (en AOP vin de Savoie) et laroussanne bergeron (en IGP vin de pays d’Allobrogie).La vendange des 3 autres hectares est vendue à lacave de Chautagne pour ses cuvées bio. La philoso-phie de cette aventure est en parfaite adéquationavec le caractère même du biochimiste, alliant objec-tivité, humilité, rigueur dans l’observation et la com-préhension des phénomènes du vivant. Le tout

Georges SiegenthalerUn vigneron

chercheur Le parcours en agriculture biologique de Georges

Siegenthaler pourrait se résumer en une quête humaniste du meilleur pour le sol, la vigne et le vin en

prenant appui sur la science et la compréhension des phénomènes du vivant. Rencontre avec un vigneron

chercheur passionnant.

MÉTIER EXPÉRIENCEPortrait

En un peu plus d’une décennie, leconcept de « garage wine » initiépar Georges Siegenthaler, en vins

bio de Savoie haut de gamme aconfirmé son succès.

Page 21: Terroir Bio - Mars 2016

MARS 2016 / Terroirs Bio DE RHÔNE-ALPES / 21

foliaire. C’est lors de ce travail souterrain, grâce à sonsystème racinaire et ses mycorhizes, que le cep trouveses nutriments. Tout un fonctionnement déterminantse joue sous la surface de la terre au profit de laplante. Par ailleurs, l’enherbement total et sa gestion permet-tent de créer in situ, entre les vignes, la matière orga-nique, donc l’engrais nécessaire, le tout gratuitementgrâce à l’énergie solaire. L’enherbement total participedonc pleinement à la stratégie développée en faveurdu sol et de la vigne. «  Lorsqu’il paraît culpabilisantde laisser pousser l’herbe en plein été, à tel point quecertains pourraient penser qu’il s’agit là d’un manqued’entretien flagrant, je réponds  qu’il ne faut pas en-tretenir exagérément ce milieu en coupant l’herbe tropsouvent car ce qui se passe au niveau du sol, grâce àce couvert, est fondamental  ». Un enherbement quiagit comme un milieu vivant en soi et une gangue à lafois vitale et protectrice pour la vigne. Le Domaine de Vens-le-Haut est également à lapointe de la recherche et des expérimentations en cequi concerne les traitements phytosanitaires naturelsalternatifs au cuivre. Il est ferme de référence du ré-seau DEPHY dans le cadre du plan Ecophyto 2018. LeDVH affiche un indice moyen des IFT totaux (herbi-cides, phytosanitaires, fumures) qui est le plus bas enRhône-Alpes, voire au niveau national. Preuve s’il enest que, selon Georges Siegenthaler, «  quand on esten bio, on peut même faire mieux que bio  ». Et deconclure en souriant  : «  Si l’on est trop vite satisfait,on ne progresse plus »…

● ARMELLE LACÔTE

◗ www.domainedevens.com

CommercialisationDes Américains à Seyssel

Un nouvel « American way of wine » est-il entrain d’apparaître ? En tout cas, de fins palaiset grands connaisseurs des vins français deterroir traversent chaque année l’Atlantiquepour se rendre à Seyssel, au Domaine de Vens-le-Haut. Les collaborateurs de Rosenthal WineMerchant, Ltd (New York City, USA), grandimportateur et distributeur de vins, présentdans 35 états américains, achètent depuisplusieurs années une grande partie de laproduction du DVH. « L’année dernière, ce sont5 000 cols du DVH qui sont partis aux États-Unis, achetés chez nous au prix fort et revenduslà-bas quelque 50 dollars la bouteille »,explique Georges Siegenthaler. Au DVH, onsavoure surtout l’immense marque de recon-naissance qui lui est ainsi faite. « Ce sont desclients qui s’intéressent vraiment à nos vins,qui apprécient la minéralité, la fraîcheur de nosvins de terroir alpins. Ils adorent la mondeuse,la molette, la jacquère et l’altesse et ils ontpour nos pratiques vitivinicoles une sincèreadmiration. C’est absolument formidable ».

conforté et complété par la même ambition et legrand professionnalisme de Jean-Marie Loriaud. Tousdeux s’accordent évidemment à dire qu’un bon vin«  se fait dans la vigne et non dans la cave  », leur ob-jectif n’étant pas de «  fabriquer »  un vin à l’aune d’unquelconque forcing humain, mais de le révéler tel qu’ildoit être. Et tout commence à la vigne, c’est-à-direpar le sol.

Précieuse vie du solQu’il parle du sol justement, de la vie du sol, de l’im-portance du microbiote du sol, ou de ce qui se passeensuite, biochimiquement, dans les cuves une fois lavendange rentrée, Georges Siegenthaler livre des ex-plications toujours parfaitement logiques et convain-cantes. « Côté culture de la vigne, il s’agissait de déve-lopper et appliquer, insiste-t-il, les sciences de la bio-logie végétale et du sol au vignoble savoyard pourproduire des raisins de premier ordre et sortir du sys-tème d’agriculture conventionnel, rendement-engrais-pesticides. Car si la géologie est importante dans laspécificité des vins, sans la biologie du sol, il n’y auraitpas de vraie notion de terroir dans nos verres  ». Lesconsidérations du vigneron chercheur ne sont pas sansinterpeller  : « En viticulture traditionnelle, le vigneronne s’occupe que de la partie verte de sa vigne, doncque d’un millième de son vignoble, ce qui est dérisoire.Or tout ce qui se passe au niveau de la biodiversité dusol (faune et flore) est d’une importance considérableafin d’assurer un développement harmonieux de lavigne et sa résistance contre les maladies et produireun raisin goûteux  ». Georges Siegenthaler rappelleainsi que la surface d’un cep est mille fois plus impor-tante à l’intérieur du sol qu’en surface, en son niveau

L’an dernier, 5 000 cols du Domaine sont partis aux États-Unis.

Selon Georges Siegenthaler : « un bon vinse fait dans la vigne et non dans la cave ».

La gamme des vins du Domaine de Vens-le-Haut.

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22 / Terroirs Bio DE RHÔNE-ALPES / MARS 2016

BIO ET EAU

L'édifiante histoire de la Sica Terragr'Eau n'estpas aisément reproductible. Toutefois, elletémoigne d'une démarche de progrès et de

gouvernance positive au bénéfice d'une meilleurequalité de l'eau. Elle pointe les conditions d'une réus-site  : organisation des éleveurs, aides aux exploitationspour répondre à des normes environnementales exi-geantes, revenu satisfaisant pour des élevages non biomais liés par des cahiers des charges stricts1, volontéd'un territoire de montagne de défendre son agricul-ture. «  Il est facile d'accuser les agriculteurs de polluerl'eau, mais il faut plutôt leur donner les moyens d'amé-liorer leur fertilisation. Nous avons la chance de noustrouver sur l'impluvium des eaux d'Évian et d'avoir l'ap-

pui de la communauté decommunes », souligne Phi-lippe Gillet président de laSica Terragr'Eau qui regroupe41 exploitations sur le pla-teau de Gavot au bord du lacLéman. « Notre partenariat avec Evian dure depuis1992, date à laquelle a été créée l'association pour laprotection de l'impluvium de l'eau minérale d'Evian(APIEME). Nous travaillons en binôme avec l'industriel,c'est le seul endroit où Danone a pu établir une rela-tion de confiance avec les agriculteurs. Ailleurs, c'estplus tendu », confie l'éleveur. Evian effectue des rele-vés piézométriques et surveille la qualité des eaux.Les éleveurs de vaches, moutons, chèvres, cochons,chevaux et volailles appliquent pour la plupart descahiers des charges stricts liés aux AOC, AOP abon-dance et reblochon, ou IGP tomme de Savoie… Surles 1 600 ha concernés, les animaux se nourrissent surdes prairies naturelles, et 100 ha de céréales sont des-tinés à la consommation des troupeaux. Ces éleveursn'ont pas jugé utile de « passer au bio » estimant leurspratiques culturales raisonnées et n'étant «  pas prêtsencore à soigner leurs bêtes sans recourir aux antibio-tiques  ». Avec l'aide de Danone, ces petites exploita-tions s'étaient déjà dotées d'équipements de stockagede lisier équivalents à 4 mois.

Fertilisation sous contrôleToutefois, pour améliorer l'efficacité de leur fertilisa-tion organique et éviter de vider les fosses en novem-bre au risque de pollution diffuse, les éleveurs ontcherché une alternative depuis 2007. Augmenter en-core leurs capacités de stockage n'était pas subven-

tionnable. Ils ont réalisé des essais de compostage,puis pensé à un méthaniseur collectif. «  Nous avonsbeaucoup négocié avant de créer notre coopérativeen 20142. Déjà 70 % des éleveurs se sont engagés à unapport total d'effluents et à récupérer les 30 000tonnes de digestats pour les épandre au prix de 2 €/t.Une contribution qui nous assure un plan individuelde fumure prévisionnel et un cahier réglementaire re-gistre des épandages », explique Philippe Gillet. La Sica n'a pas investi dans le méthaniseur (9,3 millionsd'euros, financés notamment par Evian (40 %), la com-munauté de communes (20 %) et des aides publiques)et elle a confié sa gestion à un délégataire. Les fientesde volailles sont hygiénisées au préalable et les di-gestats analysés systématiquement avant épandagedans un rayon de 15 km, afin d'éviter toute contami-nation. « Pour réaliser la fertilisation au bon moment,la Sica va gérer le plan d'épandage prévisionnel et em-baucher une personne pour cela, alors qu'elle a délé-gué la collecte des effluents à l'industriel », précise leprésident. « L'épandage sera réalisé avec du matérielperformant et notre bilan carbone reste positif  ». Leméthaniseur doit être achevé en juillet prochain.

● L.G.

1 Le prix du lait AOC abondance livré en coopérative est fixé à490 €/t.2 La Sica a été reconnue en février 2015 comme l'un des premiersgroupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) enFrance.

Qualité de l’eau

Tech&bioPréserver l'eau

et la dynamiqueagricole

Le Salon Tech&Bio 2015 a présentédes solutions alternatives et bio pour réduire

les fuites de nitrates et la pressionphytosanitaire dans les eaux. Parmi

les témoignages, celui du président de la SicaTerragr'Eau en Haute-Savoie, qui construit,avec l'aide de Danone et de la communauté

de communes, un méthaniseur collectif.

Le fil bleu de Tech&Bio 2015

Tech&Bio a décliné la thématique « Préserverl'eau : solutions alternatives et bio » dans sonprogramme, comme fil bleu. Outre les démonstrations (système irrigationgoutte à goutte enterré, test de buses de pulvé-risation, etc) plusieurs études scientifiques surl'impact des systèmes agricoles sur l'eau ontété présentées et des échanges avec desagriculteurs impliqués dans des actions depréservation de l'eau en zones de captageprioritaire ont été organisés.

◗ Liens utiles / www.tech-n-bio.com/fil-bleu-2015.html ; www.eco-epandage.com/

Philippe Gillet, président de Terragr’Eau.

Page 23: Terroir Bio - Mars 2016

d’approche. » Dès 2011, les équipes d’agents des espaces verts ontsuivi diverses formations, dont celle d’Écophyto, quiest qualifiante, afin d’appréhender ces nouvelles mé-thodes. Parallèlement, un plan de désherbage a étéréalisé par une entreprise d’insertion. Des essais ontété menés au cimetière. On a dressé un bilan pouridentifier les zones sensibles comme l’aérodrome oule golf, par exemple. En 2012, l’action a été généraliséeà l’ensemble du territoire de la commune.

… et communicationLa population n’a pas tardé à se manifester constatantle manque de soin, dénonçant des négligences. « Lesévolutions de mentalités demandent du temps. Nousavons choisi la pédagogie et la communication deproximité », poursuit la maire adjointe. Des panneauxaux abords des espaces signalent cette nouvelle ges-tion. Des articles sont parus dans la presse locale etle bulletin municipal. Après quelques années de fonc-tionnement, on constate que les attitudes ont changéet qu’il y a même une adhésion de la part des habi-tants. « Financièrement parlant, on peut déjà mesurerles effets de ces pratiques. C’est une opération ga-gnante, avec la diminution des quantités de produitsphytosanitaires employées qui sont passées de 500 à

MARS 2016 / Terroirs Bio DE RHÔNE-ALPES / 23

50 litres, affirme Isabelle Maistre. Il faut bien sûr pren-dre en compte le temps de désherbage qui a doublépassant de 400 à 800 ha par an. Ce chantier est tou-jours confié à une entreprise d’insertion. Cette dé-marche reçoit une aide sous forme de subvention del’Agence de l’eau. Il faut bien savoir que même si l’opé-ration ne présentait pas des comptes positifs, elle se-rait prolongée pour la santé de tous. »

Nature en villeEn parallèle de l’opération Zéro phyto, la municipalitéde Bourg-en-Bresse a décidé d’élargir encore sa dé-marche environnementale en lui apportant une di-mension plus globale, plus politique avec la mise enplace de Nature en Ville. Cette action vise à permettreà la nature de reconquérir des espaces et des lieux devie de la cité burgienne. Plusieurs initiatives sont déjàbien installées comme les Incroyables comestibles.Ce potager urbain et participatif a été établi près dela Maison de la vie associative. Des jardins pédago-giques ont déjà été créés dans six écoles, d’autres sontà venir. Il est prévu également la végétalisation decertains murs et des trottoirs, la création de jardinséphémères sur la place de la Comédie  : un espace na-ture pour accueillir les pique-niques de la belle sai-son. ●

C ette démarche Zéro pesticideenglobe plusieurs enjeux d’en-vergure  », explique Isabelle

Maistre, maire adjointe, déléguée à laproximité, aux travaux et à l’environne-ment. Celui de l’environnement, de lasanté et de la sécurité des agents des es-paces verts et des Burgiens bien évidem-ment et celui de la reconfiguration des es-paces verts en ville. Cela représente aussiun enjeu financier par le biais de la réduc-tion des achats de produits phytosani-taires  ». Cet objectif du zéro pesticide passe par lasuppression totale des produits phytosanitaires, là oùc’est possible, avec la mise en place d’une gestion dif-férenciée des espaces verts de la ville suivant leur si-tuation, leur attrait et le résultat recherché. Celle-cis’articule autour de quatre notions  : ornementales,classiques, champêtres et naturelles. L’ornementaleprévaut pour le centre-ville, parce qu’il faut lui pré-server son aspect soigné. Les autres types desoins peuvent s’adapter à d’autres espaces . Par exem-ple, les arrières du monastère Royal de Brou commele carré Aubry, ont été classés en champêtre. L’herbea été fauchée et on a récolté des balles de foin. Legolf municipal reste, lui, un des espaces qui continueraà être traité pour répondre aux mêmes exigences queles golfs privés.

Concertation, formation …Le zéro phyto révèle la végétalisation spontanée, laverdure reprend ses droits, ce qui surprend car l’onest habitué à ce que nos villes offrent un aspect trèsaseptisé. Ainsi, une telle démarche sous-entend unchangement de pratiques et une modification desétats d’esprit qui nécessitent des explications et uneadhésion de ceux qui vont mettre en action ces nou-velles méthodes. « Nous avons lancé cette opérationaprès la consultation des membres de l’équipe des es-paces verts de la ville et nous avons constaté unegrande ouverture d’esprit  et une capacité à remettreen cause des pratiques employées de longues dates »,relate Isabelle Maistre. « Ce fonctionnement peut eneffet apparaître comme contraire aux exigencesd’avant et s’apparenter à du laisser-aller. Les herbesfolles ne font pas propres, pas soignées. Il faut changer

Lancée au printemps 2011 par la ville de Bourg-en-Bresse, l’opération Zéro pesticide pour l’entretien des espaces, s’inscrit dans le programme d’actions de l’Agenda 21.

ENVIRONNEMENTParoled’expert

Bourg-en-BresseObjectif Zéro pesticide

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Les espaces fleuris, ronds points, parterressont désherbés manuellement.

IsabelleMaistre,

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5 JUIN 2016

www.fete-du-lait-bio.frUn événement organisé

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