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I 38 I n°380 février 2018 RÉUSSIR FRUITS & LÉGUMES technique variétés LA PRODUCTION POUR L’INDUSTRIE exige des matériels spécifiques, en conventionnel comme en bio. Ici, une planteuse de tomates d’industrie. L’ industrie convoite les légumes bio L’essor de la bio touche toutes les filières, et les légumes transformés n’y dérogent pas. Ils nécessitent une maîtrise technique et une démarche de contractualisation. « L a bio a changé d’échelle, elle sort de son milieu historique et touche d’autres clients », annonce Arnaud Brulaire, responsable dévelop- pement durable chez Picard, lors d’une conférence consacrée aux légumes bio transformés durant le Sival. Si l’essentiel des volumes des légumes bio produits en France se destine au marché du frais, la filière bio pour la trans- formation connaît une croissance exponentielle dans un marché très porteur, où l’offre est très inférieure à la demande. « La tendance est là, c’est une lame de fond » , résume Yannick Van Landeghem, directeur de l’OP Uniprolédi, qui regroupe 250 producteurs de légumes destinés à l’industrie dans le Sud-ouest, lors d’une journée technique organisée dans le Lot-et-Garonne en décembre. « Nos partenaires ont des besoins grandissants, indique le responsable. Presque 10 % de nos surfaces étaient en bio en 2017, cette part devrait passer à 15 % assez rapidement » . Dans la filière légumes bio pour la transformation, le système de production est basé sur la contractualisation, avec des prix déterminés à la fin de l’hiver ou au début du printemps. « C’est G. DUBON I 38 I n°380 février 2018 RÉUSSIR FRUITS & LÉGUMES LÉGUMES Origine France recherchée La question de l’origine géographique des produits commence à intéresser également les industriels. « Nos clients sont des industriels et des restaurateurs. Une dizaine s’approvisionnent uniquement en produits bio, et parmi eux certains recherchent une origine France, voire régionale », explique le directeur d’Uniprolédi. Une tendance confirmée lors de la conférence du Sival sur les légumes bio transformés : « Dès 2009, nous avons créé notre logo « Producteurs régionaux – fabriqué en France », qui assure qu’au moins 70 % des ingrédients agricoles sont d’origine France », raconte Marie Rémy, responsable projets filières du groupe Léa Nature. « Nous lançons un projet bio régional, piloté avec la Fédération nationale d’agriculture biologique, pour faire de la régionalisation dans nos magasins », annonce Arnaud Brulaire, de Picard. Mais l’approvisionnement à l’étranger reste encore important. « On est obligés de compléter en allant chercher des produits à l’étranger, comme pour le haricot vert dont la moitié des volumes vient de France, le reste d’Europe », complète Marie Rémy. réconfortant de connaître le prix d’achat avant semis ou planta- tion, mais il faut que ce prix soit rémunérateur » , constate Hervé Aribaud, producteur dans le Loi- ret et fournisseur de l’industriel Maingourd, rattaché au groupe d’Aucy, lors du Sival. La production directement en lien avec l’usine En 2017, les prix de vente des principales productions d’Unipro- lédi ont été de 180 euros/t pour la tomate, 519 euros/t pour le haricot vert et 293 euros/t pour le maïs doux. Pour le petit pois, les premiers volumes ont été payés 825 euros/t en 2017, puis le prix est dégressif en fonction du rendement : 650 euros/t pour la deuxième partie de produc- tion. « Pour la tomate, avec un rendement moyen de 40 t/ha en 2017, les producteurs ont touché environ 7 200 euros/ha, auxquels s’ajoute une aide couplée Tomate industrie de 1 000 euros /ha » , précise Sylvie Crozat, technicienne FEL380-TECH-LegBio-VuSpe.indd 38 26/01/2018 15:11:01

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technique variétésTOMATE

LA PRODUCTION POUR L’INDUSTRIE exige des matériels spécifiques, en conventionnel comme en bio. Ici, une planteuse de tomates d’industrie.

L’industrie convoite les légumes bioL’essor de la bio touche toutes les filières, et les légumes transformés n’y dérogent pas. Ils nécessitent une maîtrise technique et une démarche de contractualisation.

«La bio a changé d’échelle, elle sort de son milieu historique et touche d’autres clients », annonce Arnaud

Brulaire, responsable dévelop-pement durable chez Picard, lors d’une conférence consacrée aux légumes bio transformés durant le Sival. Si l’essentiel des volumes des légumes bio produits en France se destine au marché du frais, la filière bio pour la trans-formation connaît une croissance exponentielle dans un marché très porteur, où l’offre est très inférieure à la demande. « La tendance est là, c’est une lame de fond », résume Yannick Van Landeghem, directeur de l’OP Uniprolédi, qui regroupe 250 producteurs de légumes destinés à l’industrie dans le Sud-ouest, lors d’une journée technique organisée dans le Lot-et-Garonne

en décembre. « Nos partenaires ont des besoins grandissants, indique le responsable. Presque 10 % de nos surfaces étaient en bio en 2017, cette part devrait passer à 15 % assez rapidement ». Dans la filière légumes bio pour la transformation, le système de production est basé sur la contractualisation, avec des prix déterminés à la fin de l’hiver ou au début du printemps. « C’est

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Origine France recherchéeLa question de l’origine géographique des produits commence à intéresser également les industriels. « Nos clients sont des industriels et des restaurateurs. Une dizaine s’approvisionnent uniquement en produits bio, et parmi eux certains recherchent une origine France, voire régionale », explique le directeur d’Uniprolédi. Une tendance confirmée lors de la conférence du Sival sur les légumes bio transformés : « Dès 2009, nous avons créé notre logo « Producteurs régionaux – fabriqué en France », qui assure qu’au moins 70 % des ingrédients agricoles sont d’origine France », raconte Marie Rémy, responsable projets filières du groupe Léa Nature. « Nous lançons un projet bio régional, piloté avec la Fédération nationale d’agriculture biologique, pour faire de la régionalisation dans nos magasins », annonce Arnaud Brulaire, de Picard. Mais l’approvisionnement à l’étranger reste encore important. « On est obligés de compléter en allant chercher des produits à l’étranger, comme pour le haricot vert dont la moitié des volumes vient de France, le reste d’Europe », complète Marie Rémy.

réconfortant de connaître le prix d’achat avant semis ou planta-tion, mais il faut que ce prix soit rémunérateur », constate Hervé Aribaud, producteur dans le Loi-ret et fournisseur de l’industriel Maingourd, rattaché au groupe d’Aucy, lors du Sival.

La production directement en lien avec l’usineEn 2017, les prix de vente des principales productions d’Unipro-lédi ont été de 180 euros/t pour la tomate, 519 euros/t pour le haricot vert et 293 euros/t pour le maïs doux. Pour le petit pois, les premiers volumes ont été payés 825 euros/t en 2017, puis le prix est dégressif en fonction du rendement : 650 euros/t pour la deuxième partie de produc-tion. « Pour la tomate, avec un rendement moyen de 40 t/ha en 2017, les producteurs ont touché environ 7 200 euros/ha, auxquels s’ajoute une aide couplée Tomate industrie de 1 000 euros/ha », précise Sylvie Crozat, technicienne

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CERTAINS MARCHÉS ASIATIQUES, du Moyen-Orient ou d’Amérique Latine demandent à importer des fruits cirés.

GHISLAINE MONTEILS, expérimentatrice Cefel PASCALE WERTERCAMP, ingénieur Ctifl/Cefel

VU PAR LES SPÉCIALISTES

Le cirage conserve la jutositéPour répondre à la demande de divers marchés à l’export, certaines pommes doivent être cirées. Les cires utilisées font partie des additifs alimentaires autorisés au niveau européen. Nous avons étudié au Cefel l’impact de la cire Xedasol-L sur la qualité des fruits durant quatre à six semaines en froid normal. Cette situation voulait simuler les conditions de grand export. La cire est appliquée après une conservation des pommes en atmosphère contrôlée. Son effet le plus marquant est son impact sur la jutosité des fruits. Que ce soit sur Gala, Pink Lady, Granny Smith ou Rouge américaine, les fruits cirés ont montré une jutosité plus importante en sortie de frigo, mais aussi après neuf jours à température ambiante. L’indice de jutosité est de 1,3 à 2 fois plus important pour les fruits cirés. Ce différentiel est conservé dans une moindre mesure lorsque les fruits ont été traités au SmartFresh. Nous avons aussi observé une tendance du cirage à faire évoluer un peu plus rapidement la couleur de fond des pommes bicolores et la coloration verte de Granny Smith. Ces différences sont parfois statistiquement significatives mais peu visibles à l’œil nu. La fermeté a eu aussi tendance à mieux se maintenir dans certains essais. En revanche, parmi les inconvénients, nous avons pu montrer que la cire accélère l’apparition de l’échaudure de prématurité (scald) lorsque les fruits n’ont pas été traités au SmartFresh. Sur Granny Smith, en 2015 en sortie frigo, un tiers des fruits cirés avait de l’échaudure de prématurité contre un quart des fruits non cirés. En 2016, le résultat était de 10 % contre 5 %. Même constat sur les Rouges américaines, avec 10 % de fruits cirés scaldés en plus en sortie de frigo ou après neuf jours à 19 °C. Dans un seul essai sur Granny Smith, du cœur rosé (maladie de sénescence) est apparu fin juin sur un quart des fruits cirés traités au SmartFresh alors que les pommes traitées mais non cirées n’en avaient pas. Autre observation hors essai: des problèmes ponctuels de «lenticel breakdown». L’application de la cire Xedasol-L nécessite en effet un processus de chauffage des fruits pour la fixer sur l’épiderme. Des problèmes de réglage des fours de séchage à des températures trop hautes sur une ligne de conditionnement peuvent favoriser l’apparition de « lenticel breakdown » sur certains lots ».

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tomate industrie Uniprolédi. Avec des charges opérationnelles estimées au total à 5 748 euros/ha, la marge opérationnelle (hors aides PAC) s’élève en 2017 à 2 452 euros/ha (voir tableau). Dans le cadre de la contractualisation, le plan-ning de production est directement en lien avec le planning de récolte usine. Pour l’ensemble des cultures, les choix variétaux et les dates de semis et de récoltes sont déterminés par l’OP, afin d’avoir une production qui correspond aux besoins des usines. « L’autre raison d’être de l’OP est la mécanisation, à travers notre propre CUMA, souligne Yannick Van Landeghem. Il y a ainsi une mutualisation des machines de récolte et du matériel de semis et de plantation. » En tomate, la plantation a lieu en mai pour une récolte en septembre. Côté maladies, le mildiou est la principale maladie rencontrée. « Même avec des variétés tolérantes, il est nécessaire de traiter les cultures avec une spécialité à base de cuivre », indique Sylvie Crozat. Pour être effi-caces, les traitements doivent être réalisés avant les pluies contaminatrices et renouvelés après lessivage. Contre la noctuelle de la tomate, Bt et spinosad sont efficaces sur larve. La spécialité Success 4 est le plus souvent utilisée en tomate de conserve. Adrien Lasnier

DONNÉES ÉCONOMIQUES 2017 EN PRODUCTION DE TOMATE INDUSTRIE POUR LA COOPÉRATIVE UNIPROLEDI

Produits Prix unitaire Montant total (par hectare)

��VENTE TOMATE 180 €/t 7 200 €/ha��AIDE COUPLÉE tomate industrie 1000 €/ha 1 000 €/ha��TOTAL PRODUITS 8 200 €/ha

Charges opérationnelles Prix unitaire Montant total

(par hectare)

��PLANTS 1 350 €/ha 1 350 €/ha��ENGRAIS/AMENDEMENTS 600 €/ha 600 €/ha��TRAITEMENTS :

•Fongicide à base de cuivre 90 €/ha•Success 4 (2 traitements) 129 €/ha��MÉCANISATION :

•Forfait plantation 400 €/ha 400 €/ha•Préparation du sol (labour + 2 faux semis) 130 €/ha 130 €/ha

•Epandage fertilisation 35 €/ha 105 €/ha•Passage pulvé 10 €/ha 50 €/ha•Passage herse étrille 15 €/ha 15 €/ha•Passage bineuse 45 €/ha 225 €/ha•Récolteuse 35 €/t 1 400 €/ha��MAIN D'ŒUVRE :

•Désherbage manuel 274 €/ha��IRRIGATION

(hors redevance et cotisation) 0,05 €/m3 75 €/ha

��COTISATIONS SPÉCIFIQUES (OP, grêle…) 905 €/ha 905 €/ha

��TOTAL CHARGES OPERATIONNELLES 5 748 €/ha

Marge opérationnelle (hors aide PAC) 2 452 €/ha

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