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4SemainesdesoumissionVolume3

Lebrouhahaducommissariatdepolicetourbillonnedansmatêteetm’embrouillelesidées.

Machevillemelance.Mesgenouxsaignent.Jetremblecommeunefeuille,assiseàcôtéd’unvieilivrognequiempestel’alcool.

Jeregardeautourdemoi,lesmursgristapissésd’avisderecherche,lesmenottes,lesarmesàfeu,lesordinateurs,lesuniformes...

Ladélinquance,lamisèreetladéchéancesontomniprésentes.

Pourtant,aprèscequejeviensdevivre,jemesensensécurité.

Unpoliciers’approchedemoi.

—Sivousvoulezbienmesuivre,Mademoiselle.Jevaisprendrevotredéposition.

Jemelèveetjesuisl’officierdansunbureausombreetpeuaccueillant.

—Veuillezvousasseoir,medit-ilenm’indiquantunechaise.

J’aienviedepleurer.Jesuiscomplètementperdue.

Devantmondésarroi,lepolicierm’adresseunsouriredecompassion.

—Voulez-vousunverred’eauavantdecommencer,Mademoiselle?

—Non,merci!

—Jevais,dansunpremiertemps,prendrevotreidentité.

—Jem’appelleJaneNovak.

—Pouvez-vousm’épelervotrenom?

—N.O.V.A.K.

L’officiertapesursonclavierd’ordinateuravecassiduité.

—Quelssontlesfaits,MademoiselleNovak?

—Jevoudraisdéposeruneplainte.

—Jevousécoute,Mademoiselle.

—Ilyaenvironuneheure,jesortaisdel’hôpitalpourrejoindrel’arrêtdemonbus.J’airemarquéqu’unhommemesuivait.

—Pouvez-vousmeledécrire?medemandel’officierentraindedactylographiermadéposition.

—Jen’aipasvusonvisage.Ilfaisaitnoiretilportaitunecapuchesurlatête.

—Parlez-moidesataille,desacorpulence.Quelleétaitlacouleurdesesvêtements?

—J’aibeauréfléchir,toutestconfusdansmamémoire!

—Cen’estrien,continuezàm’exposerlesfaits!

—Unhommeencapuchemesuivaitàbonnedistancedanslagrandeartèredevantl’hôpital.Lorsquej’aitournédansuneruemoinsfréquentée,ils’estapprochéplusprèsdemoi.J’aiprispeur.J’aicouruetjesuistombéeenmetordantlacheville.Monsacesttombéparterre.Enunquartdeseconde,l’hommes’estapprochédemoi,ilaramassémonsacets’estenfui.

Jereprendsmarespiration.Lerécitdemonagressionesttrèséprouvantpourmoi.

—J’airessentiungrandsoulagement,lorsquejel’aivus’enfuiravecmonsac.J’aieutrèspeurqu’ilmeviole,oupire,qu’ilmetue,maisilnem’afaitaucunmal.

—J’aibesoindelalistedesobjetssetrouvantdansvotresacpourladéclarationdevol.

Jeréfléchisquelquesminutesententantderassemblermesidées.

—Monportefeuille.

—Yavait-ilvospapiersd’identitésdansvotreportefeuille?—Mespapiersd’identitéssontchezmoi,rassemblésdansundossierquejedoisremettreauserviceexportdemonentreprise,pourmondépartauJapon.Lepoliciermeregardelesyeuxdanslevague.Monexplicational’airdel’ennuyer.

—Trèsbien!medit-il,sansenthousiasme.Aviez-vousdel’argent?—Oui,unpeu.

—Combien?

—Pasgrand-chose!Unevingtained’euros.

—OK,c’estnoté.Continuezl’inventaire.

—Unephotodemesparents,unbaumeàlèvre,unpaquetdemouchoirs…

Lepolicierimpatientmecoupelaparole.

—Aviez-vousvotrecartebleueouvotrechéquier?Ilesturgentdefaireoppositionàvotrebanqueimmédiatement.

—Non,jen’aipasdecartebleueetmonchéquierestrangéàlamaison.

—Parfait!Continuez,jevousécoute.

—Montéléphoneportablepersonneletmonsmartphonepourletravail.Ilestenor.

Lepolicierrelèvelatêtedesonclavier,surpris.

—Unsmartphoneenor?

—Oui,c’estmonpatronquimel’aoffert!Bref,c’estunelonguehistoire!Dis-je,nevoulantpasentrerdanslesdétails.

Lepolicierlèvelessourcilsensignedesurprise.

—Ilvousfaudralafacturedecetobjetpourvousfairerembourserparl’assurance.

—Trèsbien,jeverraiavecmonpatron.

—Aviez-vousencoreautrechosedeprécieuxdansvotresac?

JerepenseaumotdouxdeJohn«touscesvêtementssontpourtoi,maisc’estnuequejetepréfère»quej’aiglissédansmonsac,maisjem’abstiensd’enparler.Jeréfléchisl’espacedequelquessecondespuiscontinuemaliste.

—Oui,unstyloenoretdiamant!

—C’estpareil,ilvousfaudralafacturepourl’assurance!meditlepoliciersansmêmereleverlatêtedesonclavier.

—Trèsbien,jeverraiégalementavecmonpatron.

—Aparcequecelaaussiestuncadeaudevotrepatron,medemande-t-il,indiscret.

—Oui,pourquoi?Est-ceinterditparlaloi?dis-je,enreprenantunpeud’assurance.

—Non,pasdutout!dit-il,constatantqu’iladépassélesbornes.

—Vousaviezautrechoseàdéclarer.

—Oui,j’avaiségalementunmiroirdepochecasséetunmiroirdepochetoutneuf.

—Trèsbien,c’estnoté.Avaient-ilsdelavaleur?

—Delavaleursentimentale,oui.Surl’undesdeux,ilyanoté«àlaplusbelledesfemmes.»

—Unautrecadeaudevotrepatron?medit-il,avecironie.

—Non,lecadeaud’unami.

Lepolicierrelèvelatêteethaussesessourcils.

Ilnemeditrien,maisjecomprendsqu’ilcroitquejesuisunefilleunpeutropfacile.

Jesuisrougedehonte.

Lestressdemonagressionmeprovoqueuneangoissevisible.Lahontemetétanise.

Lepoliciermetendunverred’eau.

—Buvezunpeu!Calmez-vous!Toutvabienàprésent!tente-t-il,demerassurer.

Jeneressensaucunapitoiementdesapart.Ilestcommetotalementdétachédemespetitsmalheurs.

—Vousn’aviezriend’autredansvotresac,medemande-t-il,enrelisantl’inventairedesobjetsvolés.

—Non,jecroisavoirfaitletour!

—Etvosclefs?

—Ellessontdanslapocheintérieuredemaveste.

Letéléphonesonne.L’officierdepolicedécroche.

—Oui,trèsbien.J’arrive,répond-ilàsoninterlocuteur.

Ilselèveetmeregardemalàl’aise:

—Veuillezm’excuserquelquesminutes,jereviens!Détendez-vous,vousnecraignezplusrien,medit-il,d’unevoixmonocordeetfroide.

Ilrefermelaportedesonbureauderrièrelui.

Jemeretrouveseuledanscetteminusculepièce,peuaccueillante.

L’angoisseesttenace.Jetentedemecalmer,maisc’estdifficile.

Soudain,unesonnerieretentitdanslapièce.

Jelareconnais,c’estcelledemonsmartphoneenor.

Unsourireilluminemonvisage.

Monsmartphonen’étaitpasdansmonsac,maisdansmapoche.Dansl’affolement,j’aioubliédevérifiersijenel’avaispassurmoi.

Jedécroche.

—Jane!Ilest20h05.Jesuisdevanttaporte.Oùes-tu?

LavoixinquiètedeJohnmefaitcraquer.Jefondsenlarme.

Entredeuxsanglots,jeluiréponds:

—Jesuisaucommissariat!

—Aucommissariat!meditJohn,lavoixpleined’angoisse.Maisquefais-tulà-bas?Tuvasbien?

—Jemesuisfaitagresserensortantdel’hôpital!

—Comment!Qu’est-cequ’ilst’ontfait?medit-il,lavoixpleinederage.

—Jevaisbien!Nevousinquiétezpas!Ilm’ajustevolémonsac.Jesuistombéeparterreenvoulantluiéchapper.J’aieutrèspeurqu’ilmefassedumal,maisilnem’apastouchée.

—Àquelcommissariates-tu?

—Celuiquisetrouvedanslaruedel’hôpital!

—J’arrive!medit-il,totalementaffolé.

Jen’aipasletempsdeluirépondre.Iladéjàraccroché.

Quelquesminutesplustard,lepolicierrevientdanssonbureauets’installedevantl’écrandesonordinateur,sansmêmemeregarder.

—Alors,oùenétions-nous?medit-il,ensefrottantlespaumesdemains.

—Jeviensdem’apercevoirquemontéléphoneenorétaitdansmapoche.Iln’apasétévolé.

Lepoliciersoupire.

—Bon!Jel’enlèvedeladéclarationdevol!dit-il,mécontentdedevoircorrigersondocument.

Lesdeuxindexdel’officiertapentàvivealluresursonclavier.

—Voilà!C’estmodifié!Avez-vousautrechoseàdéclarer?

—Non!

—Avez-vousvulevisagedevotreagresseur?

—Non.Satêteétaitenfouiesousunecapuche.

—OK.Avez-vousquelquechosed’autreàmefairerajoutersurleprocès-verbaldelaplainte?

—Non,jevousaitoutraconté.

—Trèsbien.J’établisuneplaintecontreXpourvol.Voussereztenuinformédel’évolutiondel’enquête.

—Jevousremercie.

—Sivousn’avezriend’autreàajouter,vouspouvezdisposer.Avez-vousquelqu’unquipeutvenirvouschercher?Sinon,nouspouvonsvousprendreenchargejusqu’àchezvous.

—Jevousremercie,maisj’aiprévenumonami.Ildoitarriverd’uneminuteàl’autre.

—Danscecas,Mademoiselle,aurevoir.

Lepolicierselèveetm’ouvrelaportedesonbureau.

Lorsquejemelève,ladouleurlancinantedansmachevillesetransformeendouleurvive.

Jepousseuncouinementetjeboitillejusqu’àlaporte.

Lepolicierneseretournemêmepasetpartversd’autresoccupations.

J’aperçoisJohnaufondducouloir.Moncœurs’emplitdejoie.Unevaguedebonheurm’électriseetmerassure.

Enboitantlégèrement,jemeprécipitedanssesbras.

Jel’enlacepourchercherduréconfort.

Ilentouresesbrasautourdemoi,dansunegrimacedesouffrance.

—Oh,pardon!Jevousaifaitmalaubras?

JerepenseimmédiatementàlablessuredeJohndontj’ignorel’origine.

—Cen’estrien!Jesuisheureuxdepouvoirtetenirdansmesbras.J’aieusipeurpourtoi.

Cettedéclarationmechavire.Jemesenssibiendanssesbras.

—Pourquoinem’as-tupasprévenuquetuétaisaucommissariat?

—Dansl’affolement,jecroyaisquel’onm’avaitvolémontéléphoneportable!Enfait,ilétaitdansmapoche.Jem’ensuisrenducompte,quandvousm'avezappelée.

Soudain,jevoisquelquesgouttesdesangapparaîtresurletissudelamanchedeJohn.

J’aidûfairesaignerànouveaulaplaielorsquejel’aiserrédansmesbras.

—Allons-y,luidis-je.Nerestonspaslà!

«Uneblessureparballedansuncommissariat,çafaitmauvaiseffet!»medis-je.

Jeneveuxpasqu’onposedesquestionsembarrassantesàJohn.

Jel’agrippeparl’autrebrasetboitillejusqu’àlasortieducommissariat.

—Pourquoiboites-tu?Oùas-tumal?

—Cen’estrien!Jemesuisjustetorduelachevilleentombant.

—Jevaist’emmeneràl’hôpital.

—Horsdequestion!

—Mais,pourquoi?C’estridicule!

Jeneveuxpasluidirequemamotivationestsablessureparballe.Alorsj’inventeuneexcuseàlahâte.

—Jepréfèrerentrerchezmoi.Jen’aimepasleshôpitaux.Jen’aipastrèsmal,çavapasser.

—Trèsbien,jeteramènecheztoi,maisj’appellemonamimédecin.Tusais,celuiquiasoignémonbras.

Jefaisunemouedemécontentement.

—C’estunordre,medit-il.

*

***

DanslavoituredeJohn,lamusiquetourbillonneetm’enivre.Jemesensrassurée.

—Jereconnaiscemorceau!dis-je,fièredemoi.Nousl’avonsentenduàl’opéra.

—C’estexact!C’est«unavocepocofa».SurmonCD,ilestinterprétéparMariaCallas.

—Elleaunevoixmagnifique!

—Tun’asjamaisentenduparlerdeMariaCallas?medemande-t-il.

—Non.Est-cequ’ellechantaitdansl’opéraquenoussommesalléesvoir?dis-je,naïvement.

—MariaCallasn’estplusdecemonde!ditJohn,contrarié.

—Oups!J’aiencoreperduuneoccasiondemetaire!dis-je,confuse.

—Effectivement!meditJohn,sévèrement.

Jenedisplusriendepeurdemettreencorelespiedsdansleplat.

Jelaisselamusiqueetlavoixenvoûtantedecette«MariaCallas»m’emporter.

JeregardeJohn.Ilestconcentrésurlacirculationautourdenous.

—Pourtoninformationettaculturepersonnelle,MariaCallasétaitunediva.Elleestdécédéeen1977.

—Jen’étaispasnée!C’estpourcelaquejenelaconnaispas!

—Moinonplus,jen’étaispasnéetpourtant…

Jemesenshumiliée,etcomplètementidiote.Maseuledéfenseestl’attaque.

—Dois-jecomprendrequenousn’avonspaslesmêmesvaleurs?dis-je,horsdemoi.

Johnnerépondrienetfreineàunfeurouge.Ilsouritsatisfait.Lavoitures’immobilise.

Ilmeregardelepluscalmementdumondeetmecaresselajoueavecsonpouce.

—Mapetiteindomptable!medit-il,attendri.

Jesuisdéstabilisée.Jem’attendaisàcequ’ilm’aboiedessus.

Lefeurepasseauvert.

Johnpasselavitesseetavantd’accélérermedit,trèscalmement:

—Nousnesommespasdumêmemonde,c’esttout!Lavaleurn’arienàvoirlà-dedans!

Jeremonteàl’assaut,furieusedemapropremédiocrité.

—Etvousconsidérezquevotremondeestmieuxquelemien!

—Iln’estpasmieux,ilestdifférent.

—Enquoi?

—C’estmoiquidétienslepouvoir!

—Vousdétenezlepouvoirparcequepersonnenevouscontrarie!

—C’estexact!Sauftoi!Etj’aimeça!

—Oui,maisdèsquejem’insurge,vousmeremettezàmaplace.

—C’estlebut!J’aiditquej’aimaisquetumecontraries,maisc’estpourpouvoirmieuxt’apprivoiser.

Lavoitures’arrêteàunnouveaufeurouge.

Sesyeuxseperdentdanslesmiens.Samaincaresseànouveaumajoue.

Cecontactéveilleenmoidespulsionsincontrôlablesdebien-êtreetdedésir.

Sonarrogancemetrouble.Unfrissongrisantmeparcoure.Mesjouess’embrasent.Jedéglutis.

Jesuistotalementàsamerci,soussonempriseérotique.Ilaunesortedepouvoirinvisible,uneattractionàlaquellejenepeuxpasrésister.

Ilaledondemefaireressentirquejesuisunetoutepetitechosefragile,dépendantedelui.

Jerepenseàsesmomentsdedouteàsonsujet,àlavéritéquejevoudraisbienconnaître,àlafaçonqu’ilademefairechavirer,etàcetinstanttragiqueoùj’aicrumouriretoùmespenséessesontimmédiatementenvoléesverslui.

Finalement,qu’ilsoitunparraindelamafiaouundangereuxbanditdissimulésouslacouvertured’unmilliardaire,jem’enmoque.

Cequicomptepourmoiàprésent,c’estd’êtreàsescôtés.

*

***

Nousarrivonschezmoi.

Jeboitillejusqu’aucanapétandisqueJohnappellesonamimédecin.

—Sontéléphoneestsurrépondeur!medit-il,contrarié.Jeluiailaisséunmessageenluiindiquantdeveniràtonadresse.

—D’accord!

—Est-cequetachevilletefaitbeaucoupsouffrir?medemande-t-il,ens’asseyantàcôtédemoi.

—Non,trèspeu!Cen’estrien!Jevousassure.Cequim’inquiètesurtoutc’estvotreblessureaubras.Ellesaigne.

—Cen’estrien.

Sansluidemandersonavis,jeremontesamanchetachéedesangetdécouvreunpansementavecunegrossetacherouge.

—Oh,monDieu!Toutcesang!C’estpasbonsigne!Laplaiedoitêtreprofonde!

—Oui!Unpeu!

—Maisquevousest-ilarrivé?demandé-je,curieuse,enespérantavoirenfinuneexplicationàlaquellejepourraismeraccrocher.

—C’estidiot!J’enaipresquehonte.

—Ilnefautpas!Racontez-moi!dis-je,eninsistant.

—Jemesuisfaitattaquer!medit-il.

—Attaquer!dis-je,surprise.

LetéléphonedeJohnsonneetinterromptnotreconversation.

—Excuse-moi,jedoisrépondre,c’estmonamimédecin!

PendantqueJohnparleautéléphone,unétrangesentimentm’envahit.

«Çayest!Iladécidédetoutm’avouersursesactivitésillicitesetilvamedirequ’ilaétéprisdanscetteembuscadedepolicecetaprès-midi.»

Moncœurpalpite.Jesuisheureusequ’ilmefasseconfianceaupointdetoutmeconfier.

Johnraccroche.

—Monamiestenbas.Ilm’arappelépourconnaîtrel’étagedetonappartement.

Ilm’embrassesurlefrontetselèvepourallerouvrir.

Lemédecinm’auscultetrèsgentiment.Ilsoignemesgenouxsanguinolents,etmedonneunecrèmeanti-inflammatoire.

—Pourundiagnosticprécis,ilfaudraitfaireuneradio,medit-il.Sivotredouleurpersistedanslesjoursàvenir,jevousconseilledevousrendreàl’hôpital.

—Mercidocteur,jesuivraivosconseils!Pouvez-vousregarderlablessuredeMonsieurWarghal?Ellesaignebeaucoup.Celam’inquiète.

Johnmelanceunregardderéprimande.

—Jet’aiditquej’allaisbien,medit-il,sévèrement.

—Non!Tunevaspasbien!luirépondlemédecin.Regardetamanchepleinedesang.Ilfautquejeregardecelaetquejetefassedespoints.Jet’avaisditquelaplaieétaittropprofondeetqu’ilfallaitquejeterecouse.

—J’aicruquevotreamimédecinn’étaitpaséquipépourcela!dis-je,étonnéeàJohn.

—Ilamenti!merépondlemédecin.

Décidément,lesmensongessontomniprésentschezJohn,melamenté-je.

Johnremontesamancheet,sansdireunmot,selaissesoignerparsonami.

Jeluitrouvebeaucoupdecourage.Ilnegrimacepaslorsquel’aiguilleluitransperceseschairsmeurtriesetquelefilglisselentementdanssapeau.

Lespectaclemefaitpresquetournerdel’œil.Jemefaisdel’airavecmonprogrammetélé.

Lemédecinrangesonmatériel.Toutestfini.

Jesuissoulagée.J’aisouffertàlaplacedeJohn.

Jesuisadmirativedevantsavolonté,saforce,soncourageetsadignité.

—Situneveuxpasquetespointssautent,neforcentpassurtonbrasdurantquelquesjours.

—Jeferaiattention.

—Dis-moi,John!Ilyaungarsdansuneberlineenbasdel’immeuble.Ondiraitqu’ilsurveillelesalléesetvenuesdelarue.C’esttonnouveaugardeducorps?demandelemédecin.

Johnsembleennuyé.

—Euh,oui!

—Vousavezungardeducorps?demandé-je,surprise.

—Oui,pourquoi?

—Jesuisétonnée.Jenel’avaisjamaisremarqué.

—C’estparcequ’ilsaitsefairetrèsdiscret.

—Maispourquoiavez-vousungardeducorps?demandé-je,inquiète.

Johnréfléchituninstantettrèscalmementm’explique:

—J’aiungardeducorpsenpermanence,maisceluiquisetrouveenbasdel’immeubleestpourtoi.

—Pourmoi?

—Oui,pourtoi!

—Maisenfin,MonsieurlePrésident,c’estunpeuexcessif!Cen’étaitqu’unvoldesacàmain!

—Jenet’aipasdemandétonavis!Tunedevaismêmepaslesavoir.Parlestempsquicourent,jepréfèreredoublerdeprudence.

J’ailatrèsnettesensationqu’ilneveutpastoutmedire.

—Jevousassurequejen’enaipasbesoin.

—Ohquesi,tuenasbesoin!medit-il,suruntonpeurassurant.

—Quesepasse-t-il?demandé-je,nerveuse

—Jeveuxjusteassurertasécurité!Tun’aspaslechoix!

Jegrommellemonmécontentement,maisj’acceptemalgrémoi.

—Maintenantquetuesaucourant,jeteposesacartedevisiteavecsonnumérodetéléphone.Çapeuttoujoursteservir!

J’écouted’uneoreilledistraite,persuadéequecetteprotectionestexcessive.

—Bon,jevaisvouslaisser,ditlemédecinsesentantdetrop.Àbientôt,John.Àbientôt,Mademoiselle.

Johnleraccompagne.

—Tuneviendraspastravaillerjusqu’àlafindelasemaine,meditMonsieurWarghal,enrevenantausalon.

—Mais,jenepeuxpas,jeviensjustedecommencer.EtpuisnousdevonsallerensembleauserviceexportpourfairelespapierspournotresemaineauJapon.

—Jet’ordonnederestercheztoi.Lespapiers,jem’enoccupe.Toutseraprêtsansquetusoislà.

—Trèsbien,MonsieurlePrésident!dis-je,résignée.

—As-tuundoubledetesclefsd’appartement?Ainsi,jepourraisvenirtevoirsansquetuaiesbesoindetelever.

Cettedemandemetransportedejoie.

—Bienentendu!

JedonneundoubledemesclefsàJohn.J’ail’impressiondelelaisserentrerunpeuplusdansmonintimité.J’ensuiscomblée.

Ilglissesatisfait,lesclefsdanssapoche.

—Allez,medit-il,ensefrottantlespaumesdemains,l’unecontrel’autre.Aprèstoutescesémotions,mangeonsetregardonstonfilm.Jevoisquetuasdresséunebelletableetj’aienviededécouvrirtonunivers.

Jetrottineverslacuisineenboitantpourfairepréchauffermonfour.Jerègleleminuteurpourqu’ilmepréviennelorsquelefourserachaud.

Nousbuvonstranquillementl’apéritif.

Jem’approchedemonordinateurpourlancerlamusique.

—J’aisélectionnépourvousdesœuvresdeLitzaupiano.Jelestrouvetrèsbelles.

—Tum’impressionnes.Jesuisravidevoirquetucommencesàpartagerlamêmepassionquemoi!

J’aibeaucliqueravecmasourissurleboutonlecture.Riennesepasse!Jem’aperçoisenvérifiantmespetitesicônesqu’Internetesthorsconnexion.

—Oh,non!Internetestenpanne,dis-je,déçue.

Uneidéefulgurantemerevientàl’esprit.

JepossèdeunCDdemusiqueclassiqued’ambiance.Onmel’avaitdonnéunjourdepromotiondanslegrandmagasinoujetravaillaisentantquecaissière,ilyaquelquesannées.

C’étaitdesCDensurplus,nondistribuéàlaclientèle.Ladirectionavaitdécidédenousenfaireprofiter.

Peuintéresséeàl’époque,j’aiposéceCDdansmatourderangement,sansmêmel’ouvrir.

Àprésent,jesuisheureusedel’avoir.

—TantpispourLitz,j’aiunCDquiferaparfaitementl’affaire,dis-je,commesij’avaistoutprévu.

JeglisseleCDdanslelecteuraprèsl’avoirenlevédesonemballageencellophane.D’aprèslapochette,ilyadesmorceauxchoisisdeBach,Beethoveen,Chopin,Mozart…quedesclassiques.

CeladevraitplaireàJohn.

Lamusiquecommenceàvirevolter.

—Trèsbonchoix!meditJohn,satisfait.Jevoisquetuasfaitl’acquisitiond’unnouveauCD.

Jerougis,maisnerépondsrien.Jeneveuxpasledécevoir.

Jen’osepasluidirequec’estunCDpublicitairequel’onm’avaitdonnélorsquej’étaiscaissière.

—C’esttrèsagréabledeseposerunpeu,loindetout,entacompagnie,meditJohn.J’ail’impressionderenaître.

—Mercibeaucoup,dis-je,subjuguée.

Leminuteurdemonfourvientinterromprecetinstantmagique.

—Excusez-moi,maisilfautquej’aillemettreledîneràchauffer.

JeboitilleverslacuisineetJohnmesuit.

Jeposeledînerdanslefour.Johnenprofitepourm’enlaceretm’embrasserdanslecou.

Jesuiscomplètementsouslecharmeetjemelaissealleràlatentation.

Nousretournonsrapidementausalon.Lecanapéestplusconfortable.

—Dis-moi,Jane!Qu’est-cequ’ilt’apluchezmoilorsquetum’asvu?medemandeJohnentredeuxbaisers.

—Votreallureetvotrecharisme!

—Etvous?Qu’est-cequivousapluchezmoi?

—Toncôtéeffronté.J’aimelesgensrécalcitrants.J’encroisesipeu.Celam’ennuie.

—L’autrejour,jevousaidemandécequ’ilm’arriveraitsijerefusaisd’obéiràl’undevos

ordres.Vousm’avezréponduquejeverraibien!Queva-t-ilm’arriver?

—Personnenemerésiste!Jepeuxêtretrèsconvaincant,s’illefaut!D’ailleursàcepropos,jetetrouvemoinsfarouchequelejourdetonembauche.

—C’estparcequejen’avaisrienàperdre,cejour-là!

—Etaujourd’hui?

—Aujourd’hui,jeneveuxpasvousperdre.

—Moinonplus!medit-il,enm’embrassantlangoureusement.

—Àcepropos,puisquenousensommesauxconfidences,dis-je,pensive,ilyaquelquechosequimeturlupine.

—J’aimeraisbiensavoir,quoi?

—Pourquoivotreamimédecinvoustutoie?

—Parcequec’estmonami!

—Etmoi,qu’est-cequejesuis,pourvousvouvoyer?

—Monemployée!

Jemerelèved’unbond.

—Pardon!Jenesuisriendeplusquevotreemployée.Lefaitdecoucheravecvousnem’ouvrepasledroitdeprétendreàuneplacedansvotrecœur?dis-je,encolère.

Johnmeregardeadmiratif.

Jepoursuis.

—Savez-vousquejenesuispasunobjet,niunjouet,quel’onprendetquel’onjettequandilatropservi?Etsic’estainsiquevousmeconsidérez,vouspouvezmedireadieuàtoutjamais.Votreemployéevoussaluebien,MonsieurWarghal.

Jesuisfurax.

Monpatronmeregarde.Ilsouritsatisfaitpuislaisseplanerunlongsilence.

Moncœurpalpitedecolère.Mesmainstremblentd’émotion.

Johnnemelâchepasdesyeux.Ilmemetmalàl’aise.Jenesaisplusquoidire,maisje

soutienssonregard.

Ilsedécideenfinàparler:

—J’aimequandtumontessurtesgrandschevaux!medit-il,trèscalmement.

Ilmesouritsatisfait.Ilaunlégerregardperversquimetétanise.

Ilreprend.

—Tupeuxmetutoyer!Maisattention!Aubureau,c’esttoujours«vous»etMonsieurlePrésident!

Jeluisauteaucou.

—Merci,John!luidis-je,commeunepetitefillequiremercielepèreNoël.

Unenouvellegrimacesedessinesursonvisage.

—Ohnon!Jet’aiànouveaufaitmalaubras.

—Non!Pasdutout!C’estl’odeurdebrûlerquisedégagedetonfourquimefaitgrimacer.J’avaisfaimetjesensquelerepasestfoutu.

—Oh,non!dis-je,encourantàcloche-piedàlacuisine.

J’éteinslefouretregardepourquoimonminuteurn’apasfonctionné,cettefois-ci.J’aioubliédeleprogrammerlorsqueJohnm’embrassait.

Jeconstatelesdégâts.Toutestcramoisi,lesquichescommeleslasagnes.

Johnmeregardeetmeditmoqueur:

—J’espèrequetuesmeilleuresecrétairequecuisinière!

Jesuisrougedehonte.

—Jel’espèreaussi!dis-je,entournantlasituationàladérision.

J’aèremacuisinependantqueJohncommandedesplatschinois.

Nousretournonsmaindanslamainausalon.

—Ilnouslivredansunquartd’heureenviron,medit-il.Dansundélaiaussicourt,onestaumoinscertainquelesplatsneserontpasbrûlés!

—Jesuisvraimentdésolée!dis-je,confuse.

—Cen’estrien!Uneerreurpeutarriveràtoutlemonde!Aprèstoutcequenousavonsvécudedifficileaujourd’hui,cen’estpassigrave.Etpuis,jesuisleplusheureuxdeshommes.Jesuisassissurlecanapéd’unefemmesublimequejetrouvefascinante,avecunbonwhiskyàlamainetunedoucemélodiedeChopin.

Jen’enrevienspas.Ilmetrouvesublimeetfascinante.Jen’aipasdemotspourleremercier.Sescomplimentsmetouchenténormément.Jeluisouris.

Nosregardssecroisent.Uncourantélectriqueagréablecirculeentrenous.Lamélodienousfaitvoyagerdansunmondeenivrant.

Johnporteleverreépaisdewhiskyàsaboucheetboitunegorgée.Ilnemelâchepasdesyeux.

Soudain,enpleinmilieudel’œuvre,unspotpublicitaireromptlamagie.

Johns’étrangle.

—Qu’est-cequec’estqueça!medemande-t-il,surpris.

Jesuisembarrassée.Jeluiavouelavérité,honteuse.

—C’estunCDpublicitairequel’onm’adonnélorsquejetravaillaiscommecaissière,dis-je,enappuyantsurlebouton«off»demonlecteurCD.

LesyeuxdeJohnsontfurieux.

—Tut’esmoquéedemoi!Tum’aslaissécroirequetuavaisachetéceCDalorsquecen’estqu’unvulgaireCDdepromotionpublicitairequitraînaitdanstesplacards.

—Jesuisdésolée.Jen’aipasvoulutedécevoir.Tuparaissaissifierdemoi.

—Jel’étais,maistuveuxquejetedisecequejepenseàprésent.

—Oui,dis-je,penaude.

Sansunmot,Johnfondsurmoi.

Nousnousretrouvonstouslesdeuxallongésl’unsurl’autresurlecanapé.Lecontactdesoncorpscontrelemienmebouleverse.

—Àprésent,jepensequetuesunepetitementeuseetqu’ilfautquetutefassespardonner,medit-il,suruntonautoritaire.Ilfautquetucomprennesquejen’aimepasquel’onsemoquedemoi.

—John,tumefaispeur!Tuvasmefairemal?dis-je,unpeuaffolée.

—Mal?Quelleidée!Toutcequejevaistefaireneseraquepurejouissance.Mêmesijedoismalgrétouttecorrigerunpeu.

—Mecorriger?

Jetentedemerelever,pasdutoutd’accord,maissonpoidsm’enempêche.Jesuisprisonnière.

—Chut,calme-toi!Jet’aiditquetuallaisjouir.Sicen’estpaslecas,tun’aurasqu’àmedired’arrêter.

Ilmeregardedanslesyeux.

—Tumefaisconfiance,ouiounon?

Jerepenseauxphotosdanssonbureau.Jesaiscequ’ilal’intentiondemefaire.Etpourtant,sesyeuxdanslesmiensm’apaisent.

—J’aiconfiance,maissijeveuxquetuarrêtes,leferas-tuvraiment?

—Bienentendu!

Sansattendremonavis,Johnmedéshabilleavecfougue.

—Tuestellementbellequandtuesnue,medit-il,enembrassantmoncorpscommeuntrésor.

Ledésirmonteenmoidansunedoucechaleurtorride.

Ilenlèveavecsensualitélefoulardensoieautourdemoncouetl’entouresurmespoignetsqu’ilattacheàl’accoudoirdemoncanapé.

Johnmesouritsatisfait.Sesyeuxmedévorent.Sesmainsmecaressentavecvirilité.

Lasonnettedelaportevientinterromprecemomentd’uneintensitéérotiquepuissante.

Ilm’embrassesurlefront.

—Cedoitêtreledîner,nebougepas!medit-il,enallantouvrir.

—Commentlepourrai-je?dis-je,entirantsurmesliens.

Johnrevientavecdesboitesalimentairespleinlesbrasquidiffusentuneodeurtrèsappétissantedansmonsalon.

—Tunevaspaspouvoirmanger,lesmainsattachées!meditJohn,avecunaircoquin.

Jesecouelatêtepourapprouver.

—Danscecas,c’estmoiquivaistefairemanger.Jenevaistoutdemêmepastelibérersivite.Tun’aspasencoreétépuniepourtonmensonge.

Jeleregardeinterrogatrice.

Johnouvrelapremièreboiteetattrapelesalimentsavecdeuxbaguetteschinoises.

J’ouvrelabouchesensuellement.

Jesuisàsamerci.

Johndéposesurmalangueunpeuderizcantonais.Jemâcheetavalelentement.

Pendantcetemps,Johnfaitglisseravecdouceurl’extrémitédesbaguettessurtoutel’étenduedemoncorps,autourdesrondeursdemesseins,lelongdemonventre,auxabordsdemonnombril,lelongdemesjambes,prèsdemonintimité.

Desfrissonstrèsagréablesmesecouentdeplaisir.

Johnprépareunedeuxièmebouchée,puisunetroisième,unequatrième…

Jefermelesyeux.Malanguevoluptueuseaccompagneavecdélectationcerepascoquin.

Lespointesdesbaguetteschinoisess’attardentsurmesmamelons.Mestétonssedressentdedésiràcecontactsensuel.

Johnjoueàmefairevibrer.

Jepoussedespetitsgémissements.Latentationestvive,etenflammemonventre.

Seslèvresdélicieusessemélangentauxmiennesdansunepassioninfinie.

Johnpasseunemainbaladeuseentremescuisses.Sesdoigtscoquinsempruntentimmédiatementlecheminquimemèneauplaisir.Aussitôt,lebien-êtrefaitcrispermesmusclesauplusprofondsdemonventre.

Jemetordssousunorgasmeaussipuissant,qu’instantané.

—Tuessiravissantelorsquetujouis!meditJohn.

Lentement,etsansprévenir,ilenserredoucementmontétondroitentreleboisdesbaguetteschinoises.Lasensationesttellementagréable.

Jegémis.

J’aidumalàmecontrôleretàcontenirlevolcanérotiquequiexploseenmoi.

Johnaugmentepeuàpeulapressiondesdeuxbaguettessurmonboutérigé.

Lasensationdedouleurmélangéeàl’orgasmemesubjugue.

Jetrembledetoutmonêtre.

Lapressionsefaitencoreplusforte.

Jemetortilledeplaisir.Mesmainss’agrippentàl’accoudoirauquelellessontattachées.

LesdoigtsdeJohntourbillonnentdansmonintimitéhumide.

Jevacille,ivredejouissance.

Johnpincedeplusbellemontétonentrelesbaguettes.

Jeviensd’atteindrelepointdetolérance.

Jepousseun«Aïe»dedouleur.

Johnlâchelesbaguetteschinoisesetleslaissetomberausol.

Sesyeuxseperdentdanslesmiens.Ilal’airterriblementsatisfait.

Unprofonddésirselitdanssonregard.

Samainglisseentremesseinsetlescaressedoucement.

—Jen’enpeuxplus!J’aiterriblementenviedetoi!meditJohn,surexcité.

Sansménagement,ilmeredresseetmepositionneàquatrepattessurmoncanapé.J’aitoujourslesmainsattachéesàl’accoudoir.Monécharpeensoieenserreterriblementmespoignets.

Jenesuispasdansunepositiontrèsconfortable.

Johnsepositionnederrièremoi.

—Alors,Jane!Tuosesmementir?medemande-t-il,haletantdedésir.

Jel’entendsdégrafersonpantalon.

—Oui,jesuisdésolée.

Maréponseàpeineterminée,jeressensunevivedouleursurlesfesses.

«Cen’estpasvrai,ilvientdemefesser!»medis-je.

—Aïe!dis-je,mécontente.

—Jen’aimepaslespetitesmenteuses!Àl’avenir,tulesauras!

—Oui,pardon,John!

Ilécartemesjambesetm’emportedansuntourbillondeplaisir.Jesavourenotreétreinte

enivrantedansdelongsgémissements.

Moncœurnecessed’accélérer.J’ail’impressionqu’ilvasortirdemapoitrinepourallerenlacerJohndetoutsonamour.

LesmainsvirilesdeJohnm’agrippentleshanchesavecfermeté.Jenepeuxpasbouger.Lasoiedemonécharpe,autourdemespoignets,commenceàmeblesser.

Jemesensprisonnière.Totalementsoussoncontrôle.

Moncorpss’embrase.

Johnmepilonne.

C’estunteldélice.Jesuisauxportesduseptièmeciel.

Jenedistingueplusrienautourdemoi.Matêtetourne,mavuesebrouille,unbourdonnementérotiquerésonnedansmesoreilles,unevaguedeplaisirmeterrasse,m’inonde,m’anéantit.

Jejouisethurled’ivresse.

Jenesaisplusquijesuis.Jenesuisplusrien!Jenesuisplusqu’àlui!Jeluiappartiens,corpsetâme,pourtoujours.

Johnsefigeenmoietgeintduplusprofonddesonêtre.

Latêtepleined’étoiles,lecœurremplid’amour,meslèvress’abandonnentaudernierbaiserdeJohn,lorsqu’ilmedétache.

—Considèrequetuasétésuffisammentpunipourtonmensonge!Mais,nerecommencepas!Jesaismemontrerpluscruel!

Sonregardscintille.Jelesensheureux.

Étonnement,jen’aipaspeur.Jesuisprêteàbasculeravecluidanssonmonde.

*

***

Unefoishabillés,nousnousinstallonsdevantlatélévision.

—Alors,tumefaisdécouvrirtonfameuxfilm!Quelestletitre,déjà?

—Prettywoman!C’estplutôtromantique,jenesaispassituvasaimer!

—Ilestvraiquejen’aipasvraimentl’habituded’êtreromantique.Personnenem’ajamaisappris,misàpart…

Ilsetait.

—Misàpart,qui?insisté-je.

—Misàpart,toi!Avectoi,jeressensdesémotionsencoreinconnues.J’aienviedet’offrirdesfleurs,detecouvrirdecadeaux,det’embrasseretd’êtreavectoiàlongueurdetemps.J’ail’impressiond’avoirquinzeans.J’avouequecelamefaittrèspeur.Jenecontrôleplusrienetcelamepanique.

Jerestesilencieusedevantcettedéclarationsurprenante.Moncœurpalpite.Messenssontenémoi.

—Bienvenuedansmonmonde.Tuapprendsvite.Personnenem’avaitjamaisditunechoseaussibelle.

Johnestperturbé.Ilestmalàl’aise.Cettedéconnexionavecsonunivershabituell’amisdanstoussesétats.Ilseraclelagorgeettentedereprendresesesprits.

—Jedétesteperdrepiedcommejeviensdelefaire.Net’habituepastropàcegenredesérénade.

—Net’inquiètepas!Celaresteraentrenous.

Jeluiadresseunclind’œil.

IlrestedroitcommeunI.Jevoisqu’ilserefermecommeunehuître.Sessourcilssefroncent.Sesbrassecroisent.Ilretrouvesonaisanceetsonarrogancehabituelle.

JeserreunautrewhiskyàJohnpourledétendreetnousnousinstallonsdevantlefilm.

Auboutd’unpetitquartd’heure,laglacesebriseànouveau.

—Sais-tuqu’enfant,jen’avaispasledroitderegarderlatélé?Mesparentsconsidéraientquecetteactivitéétaitabrutissante.

—Ahbon!Mêmepasundessinanimé,detempsentemps?

—Non,rien!Masœuretmoi,nousnouscachionspourregarderdesboutsdefilmoudedessinaniméquenotregouvernantevoulaitbiennouslaisserregarder.Quandmesparentsl’ontsu,elleaétérenvoyéesur-le-champetalaissésaplaceàuncerbèredelapireespèce.

—C’esttriste!

—Non,pastantquecela!J’aieuuneenfanceheureuse,loindestracasfinanciersdecertainesfamilles.J’aieubeaucoupd’activitésenrichissantes,maiscesoir,j’avouequejemesenscommedansmonenfance,surexcitéàl’idéederegarderlatélévision.Encoreaujourd’hui,jeconsidèrecetteactivitécommeinterdite.

—Tuneregardesjamaislatélévision.

—Non,jamais.Parmanqued’habitudeetsurtoutparmanquedetemps.

—Tesparentsétaienttrèssévères!

—Oui,surtoutmamère.Monpèretravaillaiténormémentetn’avaitpasletempsdes’occuperdenotreéducation.Mamèrevoulaitquejeréussissecommemonpère.Ellem’ahabituéàtravaillerdur,àétudierencoreetencore,etàencaisserlescoupsdebâton.

—C’estincroyable!Tamèreparaissaitsidouceetfièredesesenfantssurlaphotodefamillecheztoi!

—Elleétaittrèsfièredenous,maisladouceurn’étaitpassonpointfort.Enfin,avecmoi.Jedevaisdevenirungagnant,unbattant,unhommedepouvoir.Selonelle,jen’auraispaspuexceller,sij’avaisétépolluépardessentimentsaffectifstropforts.Jesavaisqu’ellem’aimait,maisellenemelemontraitjamais.Enrevanche,majeunesœuravaittoutesonattentionetsonaffection.Ilfautcroirequesastratégieamarché.Jesuisdevenul’hommepuissantquejesuisetmasœurs’épanouitentantqu’artiste.

—Jenesaispasquoidire!luidis-je,navrée.

—Maisnedisrien!Iln’yarienàdire!C’estmavie!C’esttout!

Nouscontinuonsàregarderlefilm.

Jesuistroubléeparsaconfessionintime.Jecroiscomprendred’oùluivientsonpenchantàcontrôlerlesfemmessexuellement.

Ilmeserretendrementdanssesbras.Ilestredevenumuetcommeuncarpe.

Ilregardelefilmetal’aird’apprécierchaquesecondedeceplaisirsilongtempsinterdit.

—Mamèreavaitlemêmetailleur!medit-il,quandilaperçoitunefigurante,jouantuneclienteguindéed’unhôteldeluxe.

—Trèschic!dis-je,pourluifaireplaisir.

—Mamèreétaittoujourstrèséléganteetportaitdehautstalonsquiclaquaientsurleparquet.Àsafaçondemarcher,jesavaissiellevenaitpourmeféliciteroupourmedonnerdescoupsdebâton.Sesclaquementsdetalonsrésonnentencoredansmatête.

Cesouvenirmeglaced’effroi.

Touts’éclaire.Sonattitudelejourdemonembauchevis-à-visdemestalonshautsetsaphrase«lestalonsc’estquandill’exige»:iltientégalementàcontrôlercettepartieangoissantedesavie.

Commetoutàl’heure,jenesaispasquoidire.Alorsjemetais.D’ailleurs,j’ail’impressionquec’estcequ’ilveut.

Nousnousplongeonsànouveaudanslefilm.Arrivelascènedel’opéra.

Johnmeregardeensouriant.

—Jecomprendsàprésentpourquoitum’asditquetuavaisl’impressiond’êtredans«prettywoman.»

Jeluisourisetmecaleconfortablementaucreuxdesonépaulejusqu’àlafindufilm.

—C’esttrèsromantique,jen’aipasl’habitude,medit-il,lorsdugénériquefinal.Jetrouvelafintrès…

Ilcherchesesmotsetreprend.

—Bizarre!NonpasquelechoixdelaTraviatamedéplaise.«AmamiAlfredo»estparfaitpourclorecefilm.C’estjusteque…C’estcomplètementirréel.

—C’estlebutd’unfilm!Fairerêver!

—Parcequecegenredefilmtefaitrêver?

—Ehoui!Commebeaucoupdefemmes,jerêved’unbeauprincecharmantquimedemanderamamainsurunbeauchevalblancetnousvivronsheureuxensemblejusqu’àlafindenotrevie.Jesaisquec’esttrèsclichéseshistoiresdecontesdefées,maiscelafaitvibrerbeaucoupdefilles,tusais!

Ilm’embrasseavecfougue.

—Tuaspuconstaterquejesuisloind’êtreunprincecharmant!

Ilnemelaissepasrépondreetm’embrasseànouveau.

JesaisqueJohnestentourédemystèreassezsombreetpourtantl’imaginerdanslapeaudemonprincecharmantmeparaituneévidence,tantpispourleromantismeetlechevalblanc.

Jesuisprêteàl’acceptertelqu’ilest.Maispourcela,ilfautqu’ilarrêtedemefairedescachotteries.

Pousséeparmonbesoindesavoir,j’oseluidemanderentredeuxbaisers:

—Parquit’es-tufaitattaquer?

—Crois-tuquec’estlemomentdeparlerdecela?medit-il,d’unevoixautoritaire.N’aimes-tupasquejet’embrasse?

—Ohquesi!J’aimetesbaisers!dis-je,enivrée,enfermantlesyeux.

—Aimes-tuquemesmainscaressenttapoitrine?

Ilaccompagnelesgestesàlaparole.

—Oh,oui!J’adore!

—Aimes-tuquemalangueglissesurtoncou?

—C’estmerveilleux!

—Aimes-tuquemamainpassedanstapetiteculotte?

—C’estdivin.

—Alors,tais-toietapprécie!

Sabouches’approchedelamienne.Ilm’embrasseférocement.Noslanguess’enroulent,s’emmêlent,fusionnent,jusqu’àmefairechavirer.

Unechaleurérotiqueintensemonteenmoietbrûlejusqu’àmonâme.

LesyeuxpétillantsdeJohnmedévorent.L’intensitéérotiquedesonregardmecoupelesouffle.L’émotionestsivivequej’ail’impressionqu’uncourantélectriqueamoureuxmefait

vibrerdelatêteauxpieds.

—J’aimetonodeur,medit-il,entredeuxsouffles.

Sesdoigtscoquinssousmaculotteondulent.Monventrefrémit.Unpremierorgasmem’envahitteluntsunami,aussipuissantquedévastateur.

Aumomentlepluspropice,Johnpincemonclitoris.

Moncorpssecrispe.Unfrissond’extasemesecoueetmebouleverse.

Mabouchebrûlantes’ouvreetlaisseéchapperuncriouplutôtunhurlementdeplaisir.

Jem’effondrem’abandonnantàcetorgasmesublime.

L’incendiequibrûleenmoiestloindes’apaiser.

Johnn’enapasfiniavecmoi.

—Jetedésiretellement!medit-il.

—Moiaussi,jeteveux!

Ilmebasculesurlecanapéetinvitemamainàseposersurlabossedesonérection.

Cecontactàtraversletissum’ensorcelle.

J’aienviedesentirJohnenmoi.

Ledésirm’enfièvreetmedévoredel’intérieur.

Unesonnerievientinterromprecemomenttorride.

—C’estmontéléphone,medit-il.

Jegrimacepourexprimermonmécontentement.

Johnregardebrièvementsurl’écrandesonsmartphonepourvoirquil’appelle.

—Excuse-moi,jedoisrépondre!

Jesecouelatêtedehautenbaspourapprouver.Jen’aipaslechoix.CequeJohndécide,Johnl’obtient.

Ilserelèveetdécroche.

Soudain,sesyeuxdeviennentplussombres.Quelquechoseletracasse.Ilal’airsoucieux.Ilcessesubitementtoutescaresses.

—Jedoispartir.Lasituationestcompliquée.

—Maispourquoi?

—Jesuistropdangereuxpourlemoment!Restecheztoi!Tun’asrienàcraindre!Mongardeducorpsveillesurtoi.

—Maisquesepasse-t-il?

—Jet’expliquerai!Pourl’instant,repose-toietsoignetacheville.Nevienspastravaillerjusqu’àlundi.Jeprendraidetesnouvelles.

Ilm’embrassetendrementsurlefront.

—Netelèvepas,jeconnaislasortie.J’ailesclefs,jefermeraiàdoubletour.

Laported’entréeclaquederrièrelui.

Ilestparti.

Jenecomprendspascequisepasse.Jesuiscontrariée.J’aipeuretjemefaisbeaucoupdesoucis.Lestressmedévoredel’intérieur.

Dessanglotsdouloureuxéclatent.

Jemesensdépasséeparlesévénements.MonespritestembrouilléetJohnmemanqueterriblement.

Jesuisoppressée,j’aidumalàrespirer.

Siseulementjepouvaispleurerunpeupourévacuertoutcestress,maisjen’yarrivepas.Meslarmessontasséchées.

Jeboitillejusqu’àmonarmoireàpharmaciepouravaleruncachetd’anti-anxiolytique.

*

***

Larueestdéserteetsombre.Ilfaitnuit.Jesuistransidefroid.J’avancedansunépaisbrouillard.

Mespiedsmefontmal.Ladouleuràmachevilleestlancinante.Mesjambessontlourdes.J’aidumalàavancer.

Lesolesthumidepresqueglissant.

Lapeurmetordl’estomac.Jemefrayeuncheminparmilespoubellesetlesimmondicesdelaruelle.

Iln’estpasquestionderalentirlamarche.

Jesaisqu’ilestlà.Jesaisqu’ilmeguette.

Ilestprêtàselanceràmapoursuite.Iln’attendqu’unsignal,unefailledemapart.

J’avancetoujourshaletante.Laterreurm’aprisenotage.Jevoudraiscrier,maisaucunsonnesortdemabouche.

Lesténèbresm’entourentdesesredoutablestentacules.

J’avanceencoreetencore.Laforcememanque,maisjepuisedansmonacharnementàsurvivre.

J’entendsunsoufflederrièremoi.

Ilestlà.Toutprès.Jelesens.Jelesais.

Prêtàbondirtelleunebêtesauvage,prêtàm’attraper,prêtàmecapturer.

L’effrayanterespirationgagneduterrain.

Jenedoispasralentir.Jedoiscourir,maisladouleuràmachevillem’enempêche.

Jesensunemainseposersurmonépaule.Monsangseglace.

Jesaisquejenedoispasmeretourner,pourtant,c’estplusfortquemoi.

J’aibesoindevoircemonstrequimetraque.

Unhommeencapenoireavecunecapuchesansvisagesejettesurmoi.

Jehurle.

Soudain,jeprendsunegrandeinspirationetj’ouvrelesyeux,haletante.

L’éclatdelalumièredemalampedechevetm’agresse.

Jerefermeimmédiatementlespaupièresetlesrouvrentdoucementpourm’habitueràla

lumière.

—Làdoucement!Calme-toi!Tuasfaituncauchemar!meditJohn.

Jemeredressesurprise.

—Quefais-tuici?

—J’ailedoubledetesclefs,tunetesouvienspas?

—Si,si!Biensûrquejem’ensouviens!Jevoulaisdire,quefais-tuici?Celafaitdeuxjoursquej’attendsquetupassesmevoir.Jen’aieuaucuncontactavectoidepuisquetuespartil’autresoirenmedisantquetuétaisdangereux.

—J’aiprisdetesnouvellesparl’intermédiairedeStanislasquej’aienvoyétouslesjourscheztoipourt’apporterdequoimanger.

—Àcepropos,jeteremercie.Merciégalementpourlesfleursetlespetitscadeaux.Ilsm’ontfaittrèsplaisir,maisn’ontpasremplacétaprésence.J’aiessayédetejoindrepartéléphone,tuétaisconstammentsurmessagerie.J’étaisterriblementinquiète.

—Jesuislà,àprésent!medit-il,enmecaressantlajoue.

Jebaisseleregard.Ilmetroubletoujoursautant.

—Commentvatonbras?

—Mieux!Beaucoupmieux!

—Quit’aagressé?

Iléclatederire.

—Quandtuasquelquechosedanslatête,toi!medit-il,amusé.Jetel’aidit.Jen’aipasvraimentenvied’enparler.

Devantmapetiteminesuppliante,ilcraque.

—Tuveuxvraimentquejet’explique?

—S’ilteplait!J’aimeraissavoirquiavoulutefairedumal.

—Cen’estpas«quiavoulumefairedumal»,maisplutôt«avecquoijemesuisfaitmal»!

—Pardon?

—Mercrediaprès-midi,j’aidécidédefaireuntouràchevaldanslesbois,avecmonamimédecin.J’avaisbesoindedécompresser.Jemesuisrendudansmapropriétéàlacampagne,oujepossèdeunharas.Monamim’alancéundéfi,ettusaisquej’aimereleverlesdéfisetquejen’aimepasperdre.Ils’agissaitderejoindrelepremierunecollinesituéeàl’autreboutdemapropriétéàcheval.Pourcefaire,ilfauttraverserunbois.J’étaisaveugléparmasoifdegagner.

C’estalorsqu’unebranchem’aattaqué.

Ilsemetàrireetreprend:

—Ellen’étaitpascommode.Crois-moiunebranchedelapireespèce,medit-il,entournantàladérisionsonrécitpourcachersahonte.Ellem’adéchirélebras.J’aiperdubeaucoupdesang,maisj’aigagnélacourse.Monamim’aposédespansementsenguisedepointsdesuturepourrefermerlaplaielorsquenoussommesrevenus.Cen’estpastrèsglorieux!

—Aucontraire!Tuasbeaucoupdecourageetdedétermination.Rienquepourcela,tuesadmirable.

LesyeuxdeJohnbrillent.Sonégoestflatté.

Johnatellementl’aird’êtresincèrequejeveuxessayerdecroireàsonhistoire,maisellemeparaît,toutdemême,tellementextravagante.J’aidumalàimaginerJohnsipeuprudent,luiquicontrôletoutettoutlemonde.

—Donc,tun’aspasétéblesséparballe?

—Parballe!Queldrôled’idée!Pourquoimedemandes-tucela?Es-tuaucourantdequelquechose?

—Aucourantdequoi?

—Nefaispasl’innocente!C’estStanislasquit’aditquelquechose?

—Stanislasnem’ariendit!Quemecaches-tu,John?

—Tunedoisriensavoir!C’estpourteprotéger!

—Maismeprotégerdequoi?

Johnselèvedemonlit.Ilprendunairdur.

—MademoiselleNovak!Jecroisquenousdevonsenresterlà.Notrerelationintimenepeutpasdurer.C’esttropdangereux!

—Maisqu’est-cequiestdangereux?

Johnmeregardeavecdureté.

—Jevousattendslundimatinaubureau.Moinsvousensaurez,mieuxceserapourvous!

—Non!Attends,John!

—Désormais,c’estMonsieurlePrésident.Monprénomn’estréservéqu’àmesintimes.

Ilmeregarde,implacable,maisjedécèleunepartdetristesseaufonddesonregard.

MonsieurWarghalsortdemachambre.

Jemelèveàlahâteetjelesuis,maisilclaquelaportederrièremoisansunregard.

Jefondsenlarme.

*

***

J’aipleurétoutesleslarmesdemoncorps.J’ailesyeuxbouffisetunmaldecrâneterrible.JeressassesansarrêtlesparolesdeJohn.

Assisedansmacuisine,enloque,devantunetassedecafé,moncœurmefaitbienplussouffrirquemacheville.

Pourquoitantd’attentionsàmonégard,tantdeconfessions,tantdecomplicités,pourfinalementrompresansuneexplicationvalable.

Jemelamente.

Qu’est-cequejecroyais?Jenesuisqu’unpiondansl’universmystérieuxdugrand,duTout-Puissant,del’arrogant,MonsieurWarghal.

Derage,j’attrapematasseetlajettecontrelemur.

Lecafédégoulinelelongdelatapisserie.Matassesebriseenmillemorceaux.Quelquesgouttesdecafégiclentsurmonpeignoir.

—Jenemesenspasdutoutsoulagéeetmaintenantilvafalloirquejenettoietoutça!medis-je,àvoixhaute.T’esvraimentqu’uneidiote.

Jecollemonvisageentremesmains.Montourmentestterrible.Insurmontable.J’ail’impressionquel’onm’aarrachélecœur.

Meslarmes,quejecroyaistaries,coulentànouveau.

Montéléphonesonne.

Moncœurpalpite.J’espèrequec’estJohn,maisjemefaispeud’illusions.S’ilveutmejoindre,illeferasurletéléphoneenorqu’ilm’aoffertetnonsurmaligneprivée.

Jedécrochelecombiné.

—Allo?

Iln’yaaucuneréponse.

J’insiste.

—Allo?

J’entendsunerespirationàl’autreboutdufil.

Jeraccrocherefusantdemelaisserintimiderparcegenredeplaisanteriedouteuse.

Jemerassiedsetmontéléphonesonneànouveau.

—Allo?dis-je,d’unevoixdéterminée,essuyantmeslarmesaveclapaumedemamain.

J’entendslamêmerespiration.

—Vousnem’impressionnezpas!dis-je,encolère,avantderaccrocher.

Jeprendsunmouchoirdansmapochepouressuyermeslarmes.

Lasonneriedemontéléphoneretentitencore.

—Allo?dis-je,nerveuse.Arrêtezdem’importuner!Jen’aipasqueçaàfaire!

—Maiscommenttuparlesàtasœur?meditlavoix,àl’autreboutdufil.

—Jessica?C’esttoi?

—Non,c’estlavoisine!Biensûrquec’estmoi!Tunereconnaispasmavoix?

—Excuse-moi!As-tuessayédemejoindre?

—Mais,tuasbuouquoi,cematin?medemandemasœur.

—Non,jeveuxdire,as-tuessayéd’appelerdeuxfoisavantcecoupdefil?

—Non,jet’aieudirectement?Pourquoi?

—Jeviensderecevoirdeuxappelsanonymes?Jen’entendaisqu’unerespiration!J’avouequej’aiunpeupeur.

—Arrête!Tusaistrèsbienquecegenred’appelestfaitpardesgaminsquiontenviederigolerdeuxminutes.

—Oui,tuasraison!Etpuis,jen’airienàcraindre.J’aiungardeducorpsenbasdechezmoi.

—Ungardeducorps?

—Oui,c’estuneidéedeJohn.C’estunpeuexcessif,toutdemême.

—Moi,jetrouvequec’estrassurant.

—Maisenfin,cen’étaitqu’unvoldesacàmain!Descentainesdegenssefontagresserchaquejoursurnotreplanète,cen’estpaspourcetteraisonqu’ellessepromènenttoutesavecungardeducorps.

—Jesais,Jane.MaisJohnestmilliardaire.Ilnefaitpasdanslamodération.Cegesteprouvequ’iltientàtoi.

J’ailagorgenouée.Jeretiensunsanglot.Jenerépondsrien.Jen’enaipaslaforce.

Devantmonsilence,masœurreprend:

—Siçapeutterassurer,prévienstongardeducorps!Ilredoublerad’attention.

Jeravalemapeine.

—Oui!Jevaisfaireça.

—Tuveuxquejeviennetetenircompagnie?

—Non,Jessica.C’estgentil,maistunevaspastraversertoutelavilleavectonbébésouslebras,justepourrassurertagrandesœurquiareçudeuxappelstéléphoniquesdegaminsfarceurs.

—Commetuveux!Maissituchangesd’avis,dis-le-moi!

—Sansproblème.

—Commentvatacheville?

—Mieux!Net’inquiètepas.Jeneboitepresqueplusetladouleurestmoinsvive.

—Tantmieux!

—J’aieudesnouvellesdenotrefrangin.Toutvabienpourlui.Iln’aplusdeforfaittéléphonique,ducoup,ilm’ademandédet’appelerpourtedirequ’ilt’embrasseetqu’ilpensebienàtoi.

—C’estgentil!

—Jevaistelaisser,grandesœur.Lapucevientdeseréveilleretelleréclamesonbiberon.Embrassetonbeaumilliardairepourmoi!medit-elle,d’unevoixespiègle.

—T’esbête!luidis-je,enretenantmeslarmes.Jen’aipaslecœurnilecourage,deluiavouerquetoutestfinientrenous.

—Bisous,Jane.Prendssoindetoi.

—BisousJessica.Embrassemonpetitcœurdelapartdesatatie.

Jeraccrochelecombinéetéclateensanglots.

Johnmemanquetellement.J’ail’impressiondevivreunvéritablesupplice.

Jenettoielatachedecafésurmatapisserieetramasselesmorceauxdematassecassée.Jechangedepeignoir.

Jememouchebruyamment.Jemesenstotalementvidée.

Montéléphonesonne.C’estsansdoutemasœurquiaoubliédemedirequelquechose.Çaluiarrivesouvent.

—Allo?

J’entendslamêmerespirationquetoutàl’heure.

Jeraccrocheentremblant.Apeurée,jemedisqu’ilfautquejepréviennelegardeducorpsenbasdechezmoi.

Jem’accrocheàcetteidéepournepaslaissermesnerfsprendreledessus.

Glacéeparlapeur,jecherchelacartedevisitequeJohnm’alaissée.

—Lavoilà,dis-je,triomphante.

Lesdoigtstremblotants,jecomposelenuméro.

—Allo!merépondunevoixmasculine,sècheetrauque.

—Allo!Bonjour!JesuisJaneNovak!

—Bonjour,MademoiselleNovak!Quepuis-jefairepourvous?

—J’aiunproblème.Jeviensderecevoirtroiscoupsdefilanonyme.Lapersonneauboutdufilcherchevisiblementàmefairepeur,parcequej’entendstrèsnettementsaforterespiration.Jepensequec’estunjeuneplaisantinquis’amuse,maispuisquevousêteslà,j’aipréférévousprévenir.

—Mepermettez-vousdemonterchezvous?

—Bienentendu!

—J’arrive.

J’avouequ’uneprésencemasculinevamerassurer.

J’attendsfébrilementderrièremaportequecemonsieursonne.

Auboutdequelquesminutesd’attente,j’ouvreàuneimposantearmoireàglace.

—Mais,jevousreconnais,vous!dis-je,surprise.

—Oui,MademoiselleNovak.Nousnoussommesdéjàcroisés.

—Jem’ensouvienstrèsbien.Jevousaiconduitavecdeuxautreshommesdanslebureaude

MonsieurWarghal.

—C’estexact!Jem’ensouviens.VousavezmêmeététémoindelasignatureducontratquenousavonspasséavecMonsieurWarghalpourlaprotectionrapprochéelorsdevotrevoyageauJapon.

«Cequiexpliquel’alluredeCaïdsdecestroismessieursetl’armeàfeu!»medis-je.«Direquej’aiéchafaudétoutuntasdesuppositionsàleursujet,parraindelamafia,espion,tueur,alorsquecesontdesgardesducorps».

Sijen’étaispasaussitristedemaruptureavecJohn,j’enrirais.

—Jevaispatienterunmomentavecvous.Siletéléphonesonneànouveau,jerépondrais.Sic’estunplaisantin,unevoixmasculinelesdissuadera.

—Merci,c’estgentil.

—Non,c’estmontravail.Àcepropos,j’aiprévenuMonsieurWarghaldecetincidentetilm’ademandédevousdirequ’ilvousinterdisaitd’ouvrirvotreported’entrée.

—Maispourquiseprend-il?

—Pourvotrepatron,MademoiselleNovak.MonsieurWarghalneplaisantejamais.

Jemetais,nevoulantpasébruitermarelationintimeavecJohn...Enfin,monex-relationintime.Jepensequ’iln’apprécieraitpas.

Jerumineintérieurement.

«J’ouvremaporteàquij’aienvieetcen’estpasJohnWarghalquivamedictercequejedoisfairechezmoi,àprésentqu’ilarompu.»

J’offreuncaféaugardeducorpsetauboutd’unebonneheure,letéléphonen’atoujourspassonné.

—Jepensequeleplaisantins’estlassé,medit-il.Jevaisvouslaisser.Sivousavezbesoindequoiquecesoit,appelez-moi.Jesurveillelesalentours.

Jerefermelaportederrièremoi.Jesuisparfaitementrassuréeàprésent.

*

***

Jedécidedeprendreunedouche.J’aibesoindemerafraîchirlesidées.

J’ouvremonpeignoiretlefaisglisserlelongdemoncorps.

Nue,j’entredansmacabinededoucheetjetournemontoutnouveaurobinetthermostatique.L’eauchauderuissellesurmoncorpsetmeréchauffel’âme.

Lasonnettedemaporteretentit.

—Eh,merde!Quiest-ce?

Jesorsdemadoucheàlahâte.

Lasonnetteretentitànouveau.

—Oui,oui,j’arrive!Deuxpetitesminutes!

Jecherchedansmonplacarduneserviettedebain.Jemarchedoucementsurlecarrelageglissantdemasalled’eau.Jen’aipasenviedemefairemal.Machevilleetmoncœurs’enchargentbienassez.

Soudain,j’entendsdescrismasculinsderrièremaported’entrée.J’ail’impressionquedeuxhommessedisputent.

J’enroulemagrandeserviettedebainautourdemoncorps.Jen’aipasletempsdemesécher.Enboitillant,jemedirigeversmaported’entréeetregardecequ’ilsepasseparleJuda.

JecroisreconnaîtremonamieTometlegardeducorpsenpleinediscussionhouleuse.

J’ouvrelaporte.

—MaispuisquejevousdisquejesuisunamideJane!ditTom,enluttantcontremongarde

ducorpsquiletireparlebras.

—Quesepasse-t-il?dis-je,interloqué.

—Jeneconnaispascemonsieuretvuquevousnem’avezpasprévenuquevousalliezavoirunevisite.

—C’estparcequejenelesavaispas!Lâchezmonami,s’ilvousplait.

—Veuillezm’excuser,maisjenefaisquemontravail.

—Jecomprends!dis-je,àmongardeducorps.

JeregardeTom,visiblementhorsdeluietl’inviteàentrer.

—Maisquesepasse-t-il,ici?C’estquoicecomitéd’accueilmusclé?medemande-t-il.

—Cen’estrien!Jet’expliquerai!C’estungardeducorps!

Tomal’airsurpris,maisnecherchepasàensavoirpluspourlemoment.Ilmetendunbouquetdefleurs.

—Merci,Tom.Ilnefallaitpas.

—Biensûrquesi!Cesquelquesmodestesfleurspourlaplusbellefleurdumonde!

—Merci,Tom.Maistumemetsmalàl’aise.

—OK,j’arrête!medit-il,enriant.

—J’aiappris,cematin,enallantvoirmasœurquetuavaisétéagresséemercredisoir!Jel’aiapprisparhasardparcequejel’aisurprisengrandeconversationavecAnna,lorsqu’ellel’aappelépourprendredesesnouvelles.

—Ah!Merde!CaroleenaparléàAnna.Jeneluiavaisrienditpouréviterqu’ellesefassedusoucipourmoi.Pourl’instant,elledoitseconcentrersursaguérison.

—Tuconnais,masœur.Ellenepeutpastenirsalangue.Tuauraispumeprévenir.Jesuistonami,medit-il,avecsonpetitairdechienbattu.

—J’aiessayé,maisjenet’aipastrouvédansl’annuaireetjen’aipastontéléphoneportable.Etétantdonnéqu’ilnefautpasquetasœursachequenoussommesamis…Jen’aipastrouvéd’autrepossibilitépourtejoindre.

—Jetedonneimmédiatementmonnumérodetéléphoneportable,medit-il,engriffonnantsurunpetitcalepinqu’ilvientdesortirdesapoche.Commecela,tun’aurasplusd’excuses!

—Merci,jevaislegarderprécieusement,Tom.

Jeleregardeennuyée,carjepenseaumiroirdepochequ’ilm’aoffert.

—Tusais,Tom.Lecadeauquetum’asdonné!Jemelesuisfaitvoler!dis-je,ennuyée.

—Rassure-toi!Cen’estpasgrave!Jet’enoffriraiunautre.L’importantc’estquecesalopnet’apasfaitdemal.J’aicrucomprendrequetut’étaistordulacheville.

—Oui,cen’estrien.Çavadéjàbeaucoupmieux.

—Bon,c’estparfait!Jevenaisjusteprendredetesnouvellesett’apportercesquelquesfleurs.Jevaisyaller.Jesuismaltombée,tuétaissousladouche.

—C’esttropgentil!dis-je,enprenantlesfleurs.Non,reste!S’ilteplait!J’aienviedepasserdutempsavectoi.J’aivraimentbesoind’unami.

—D’accord,maistuvasd’abordfinirdetelaveretdetepréparer.Moi,j’aideuxoutroiscoursesàfaireetjereviensd’iciuneheure.Ensuite,jeteconsacreraitoutletempsdonttuasbesoin.

—C’estvraimentsympa,Tom.

Jeluidéposeunbaisersurlajoueetils’enva.

Jedisposelesfleursdansunvaseetjeretournedansmasalledebainpourfinirdemepréparer.

Jesuiscontente.L’objectifdenepaspassermajournéeseulem’égaye.J’aibesoindemechangerlesidéesetderemettredel’ordredansmespensées.Jemesenstellementperdue.

Unefoisprête,j’appellemongardeducorpspourluiexpliquerquemonamivarevenir.

Jefaiscoulerunautrecaféetjedisposequelquespetitsfourssuruneassiettepourrecevoir,Tom.

Ilestsigentil.JegardeuntrèsbonsouvenirdenotrepetiteescapadeàlasandwicherieenfacedubâtimentWarghal,l’autrejour.J’aivraimenthâtedemieuxleconnaître.

Jefinisdeposerlestassessurmatabledecuisine,lorsquel’onsonne.

—Déjà!medis-je.Super.Ilauramismoinsdetempsqueprévu!

J’ouvre.

Moncœursemetàbattretrèsfort.Mesmainstremblentlorsquejevoisquisetientdansl’encadrementdemaporte.

—John?Enfin,jeveuxdire,MonsieurlePrésident.Quefaites-vousici?

—Mongardeducorpsm’atenuaucourantdesappelsanonymes!Jesuisvenuvoirsitoutallaitbien!

—Oui,çava!dis-je,sèchement.

—Jet'avaisinterditd’ouvrirtaported’entrée!

—Sivousnevouliezpasquejel’ouvre,ilnefallaitpasvenirmevoir!

—Jesuisvenuparcequejem’inquiétaispourtoi!

Troublée,jevacillelégèrementetmeretiensàmapoignéedeporte.

—Çava?medit-il,inquiet.

—Oui,oui!Trèsbien!

—Tuessûrquetoutvabien?insiste-t-il,devantlapâleurdemonvisage.

—Misàpartlefaitquevousavezrompuavecmoipourlaseuleetuniqueraisonquevousêtessoi-disantdangereux,quevousm’aveztraitécommeunemoinsquerien,aulieudem’expliquervosréellesmotivations,alorsquejesuiséperdumentamoureusedevousetprêteàcourirtouslesrisquespourvousgarder…misàpartcela…çava!Sivousêtesrevenupourvoiràquelpointjesouffre,soyezsatisfait!Vousavezréussiàfairedemoi,unevraieloque!

—Jane,c’estpourteprotéger!

—Meprotégerdequoi?Vousrendez-vouscomptequevousmefaitesplusdemalquedebien?Etpuisarrêtezdem’appeler,Jane.Jenesuisquevotreemployée,aprèstout!

Jeretiensunsanglot.Jeveuxêtrefortedevantlui.

—J’espèrequebientôttucomprendras.

—Maisj’aidéjàcomprisquevousavezbienprofitédemoietquemaintenantvousnevoulezpasquecelas’ébruite.Maisnevousenfaitespas,MonsieurlePrésident.Vousavezembauchéunedocilepetitesecrétaireminablequisauratairenotrerelation.Vousn’avezpasàvousenfaireàcesujet.

—Tutetrompes,maispourl’heurejen’aipaslechoix,sijeveuxteprotéger.

JeregardeJohndroitdanslesyeux.J’aiunefurieuseenviedeluisauterdanslesbras,delesupplierdemegarder,delesupplierdem’aimer,maisj’aimafierté.Alors,jerestedroitecommeunI,digne,etjeluidisd’unevoixmonocorde:

—Jecroisquenousnoussommestoutdit,MonsieurlePrésident!

Johncomprendquemalgrétoutelaprestanceetlepouvoirdontildisposehabituellement,iln’aaucuneemprisesurcequiestentraindesepasser.

Sesyeuxseremplissentd’unetristesseprofonde.Sonvisageentierrespireleregret.Ilm’al’airanxieux,soucieux,ettrèsmalàl’aise.

—Bientôt,tucomprendras!répète-t-il.Enattendant,onsevoitlundimatin,aubureau.

—Oui,c’estça,dis-je,dansunprofondsoupirededégoût.

—N’ouvrepastaporteàn’importequi!

—MonsieurlePrésident!Noussommessamedimatin!Jepenseavoirledroitdenepasobéiràvosordresleweek-end.

LesyeuxdeJohndeviennentplussombres.Ilfaitunpasenavantetentredansmonappartement.Ilclaquelaportederrièrelui.

Ilm’agrippefermementlespoignetsetmeplaquecontrelemur,lesbrasenl’air.

Soncorpsemprisonnelemien.Jenepeuxplusbouger.

Sonregardtranspercemonregard.

—Quandvas-tucomprendrequej’agispourtasécurité!

Ilsepenchesurmoietm’embrasseavecunetellefouguequejerésisteàpeine.Jesuisemportéeparl’amouretledésirquej’éprouvepourluietjefondslittéralementsoussesbaisers.

Noslanguestourbillonnentets’agitentdansunedanseérotiqueintense.

Ledésirmonteenmoi,inexorablement.Marespirations’accélère.Moncœurs’affole.

—S’ilteplait,John!Explique-moicequ’ilsepasse.

Ilrelâchesonemprisesurmoi.

—Jenepeuxpas.Jen’aipaslechoix.Jesuisdésolé.

Ilm’al’airtourmenté.

—Considèrecebaisercommeunbaiserd’adieu!medit-ilsansmeregarder.Àlundiaubureau!bredouille-t-il.

Ilouvrelaporteets’enva.

Jesuiseffondrée.

Jeglisselelongdumur.Accroupieparterre,jepleuretotalementtétaniséeparlasouffrance.

*

***

J’attendsseuledanslacuisinequeTomrevienne.Mespenséessebrouillent.Jemesenstellementmal.

J’aidanslamainlepetitboutdepapiersurlequelilagriffonnésonnumérodetéléphone.J’aienviedel’appelerpourluidiredevenirseulementdansl’après-midi.

J’aibesoinderesterseuleunmomentpourremettremesidéesenplace.

J’essaiedemecalmeretd’arrêterdepleurer.

Jeprendsmontéléphoneetcommenceàcomposerlenuméro.

06.18…

Lasonnettedansl’entréem’interrompt.

«Eh!Merde!medis-je.Tomestlà»

Jeraccrocheetjemesècherapidementlesyeux.

—Oui,j’arrive!dis-je,àtraverslaporte.

J’ouvreenarborantunsouriredecirconstance.

—Merevoilà!meditTom,joyeusement.Etcettefois-ci,jen’aipasétéagresséparlabêtefurieusequisurveilletonappartement.

Jesouris

—Entre,jet’enprie,luidis-je,amicalement.

—Merci!Tongardeducorpsn’estpluslà?

—Si,mais,jeluiaidemandédetelaisserentrersanstemalmenercettefois!

Tomsourit.

—Tusais,ilnem’apastantmalmenéquecela!Ilyaquelquesmusclesd’aciersouscet-shirt,medit-il,surletondelaplaisanterie.

Ilmemontresesbiceps,toutensemoquantdelui-même:

—Bond’accord!Ilyaquelquesmusclessouscet-shirt,maisilssontloind’êtreenacier.

J’aimebeaucoupsadérisionetjesouris.

—Trêvedeplaisanterie!Jecomprendsquetuaieseupeuraprèstonagressionetquetuaieslouélesservicesd’ungardeducorps.

—Jen’airienlouédutout.J’aieupeur,c’estcertain,maisl’idéedugardeducorps,c’estmonpatronquil’aeu.Jet’avouequejetrouvecelaunpeuexcessif.Cen’étaitqu’unvoldesacàmain.

—Ahcesmilliardaires!Ilssonttousunpeuparanos!

—Oui,c’estsûr!

—Ilestpeut-êtreparano,maisc’estsympadesapart!Peudepatronssontaussiattentionnésauprèsdeleursemployés,meditTom.

Jesensunsanglotmonterlelongdemagorge.Jefaisuneffortsurhumainpourleravaler.

—Ah!Cesmilliardaires,commetudis!Vasavoircequileurpasseparlatête!dis-je,enfaisantminedemedésintéresserdusujet.Ilapeut-êtrepeurqu’uneautreagressionsurmapersonneluifassedelamauvaisepublicité!

—C’estpossible!Mais,dis-moi!Tuaslesyeuxtoutrouges!Tuaspleuré?medemande-t-il.

—C’estunelonguehistoire!Net’inquiètepas!Çavaaller!Jesuiscontentequetusoislà!luidis-je,pourlemettreàl’aise.

Jen’enpensepasunmot.J’auraisvraimentpréféréêtreseulequelquesheures.Maisjeneveuxpasluifairedelapeine.Tomesttellementgentil.

Ilentrelesbraschargésdepaquets.

—Mais,qu’est-cequec’estquetoutcela?demandé-je,gentiment.

—Despetitscadeaux,pouruneamiequiabesoindesoutien.

—Mais,Tom!Ilnefallaitpas!

Jeboitillejusqu’àlacuisine.

—Posetoutçalà!luidemandé-je,enluimontrantlatable.

—Jet’aiapportéungâteauauchocolat!C’estpourteremettredetesémotionsduesàtonagression.

—Merci,j’adorelechocolat.

—Génial!Etpuis,j’aiégalementcesquelquesmodestescadeauxpourtoi.

Ilmetendlepremierpaquet.

—Ouvre,medit-il,heureux.

—Mais,Tom.Jesuisconfuse.Tum’asdéjàoffertdesfleurs,legâteau.C’étaitlargementsuffisant.Jemesuisremisedemafrayeur,tusais!Etpuis,monagresseurnem’afaitaucunmal.C’estmonsacquil’intéressait.Detoutefaçon,ilnes’enestpasprisàlabonnepersonne.Jedevaisavoirunevingtained’eurosenliquideseulement.

—J’aibiencomprisqu’ilnet’avaitpasagresséphysiquement,maistut’estoutdemêmefoulélacheville.Alors,entantqu’ami,jemedoisdeteréconforterent’offrantsespetitscadeaux.

Jemesensextrêmementgênéepartantd’attention.

—Mais,Tom…

Ilmecoupelaparole.

—Iln’yapasde«mais»!Ouvretescadeaux!medit-il,ensouriant.

J’ouvrelepremierpaquet.

—Cemiroirestmagnifique!dis-je,àTom.

—Jesuisraviqu’ilteplaise.C’estpourremplacerceluiquetut’esfaitvoler.Jen’aipaseuletempsdefairegraverquelquechosedessus,c’estpourcelaquej’aiglissécepetitmotàl’intérieur.

—J’ouvrelemiroirdepocheetdécouvreunpapierpliéenquatre.

Jelisàvoixhaute:

—Tuespourmoicommeunangetombéduciel,tonamiTom.

Jerougis.C’esttellementmignon.SiseulementJohnarrêtaitdemehanter,jepourraisapprécieràsajustevaleurlagentillessedeTom.Maisrienn’yfait!Sonsouvenirtourbillonnedansmatête.Sonvisage,sonodeurnemequittentpas.

—Merci,Tom!C’estadorable!

—Allez,ouvrecelui-là!medit-il,enjoué.

Jedéchirelepapiercadeauetdécouvreunportefeuilleencuirtrèschic.

—C’estunefolie,Tom!Ilnefallaitpas!

Jesuisterriblementconfuse.Tomn’aqu’unsalairedelivreuretceportefeuilleaétéconfectionnéparunegrandemarquedemaroquinerie.

—Est-cequ’ilteplaît?

—Ilesttrèsbeau,merci.

J’embrasseTomsurlajouepourleremercier.

Ildevienttoutrouge.Jeletrouveattendrissant.

—Cen’estpasfini!Ouvreledernierpaquet.

—Cebraceletestmagnifique!

—Cen’estpasunbracelet,maisunechainedecheville.Tulaporterasquandtachevilleiramieux.Considère-lacommeunsymbole.Ainsi,elleterappelleraqu’ilfauttoujoursêtreprudente,lavilleestunejungle,etqu’encasdecoupdur,tuasunamisurquicompter.Jeseraitoujourslàpourtoi.

—Commec’estgentil,Tom.Cetteattentionmetoucheparticulièrement.Jelaporteraijouretnuit,dèsquemachevilleseraguérie.

JemepenchesurlajouedeTometl’embrasseànouveaupourleremercier.

Sonbrasentoureimmédiatementmataille.

Jereculelentementpourmedéfairedecetteétreinte.Jeneveuxpasqu’ilcroiequejesuis

intéressée.

Ilrougitànouveau.

—Tusais,Tom,sij’acceptetouscescadeauxcelaneveutpasdirequej’accepte…

Ilmecoupelaparole.

—Jesais.C’estentouteamitié.Net’inquiètepas!

Unefoiscettemiseaupointeffectuée,jel’inviteàs’asseoir.

—Veux-tuuncafé?

—Avecplaisir!

Nousdiscutonsdelonguesheures.Jenevoispaspasserletemps.

Lescafésdéfilent.Nousengloutissonsl’énormegâteauauchocolat,aupointd’enêtreécœurés.

Tommefaitquelquestoursdemagiedontilalesecret.Ilm’épate,ilmesurprend,ilm’amuse.

Jeretrouvemêmelesourire.

Tomregardesamontrepourlapremièrefoisdepuissonarrivée.

—Bonsang,ilestdéjà16heures.Jen’avaispasvuqu’ilétaitsitard.

J’ail’impressionqu’ilsesentobligédepartir,maisjen’enaipasenvie.Alors,jetentedeleretenirparuneboutade.

—16heures!C’estl’heuredugoûter!Ilresteunepartdegâteauetlespetitsfoursdansl’assiette.Àtoil’honneur!

—Ohquenon!Jeviensderayerlechocolatdemalisted’ingrédientspréférés!medit-ilenriant.J’avouequej’ailégèrementabusé.Magourmandisemeperdra.

—C’estpareil!J’aipresqueenviedevomir!Jenesaispasm’arrêterlorsqu’ils’agitde

chocolat.Etjeleregrettetoujoursaprès.

—Jevaistelaisser,carjeneveuxpasabuserdetonhospitalité.

—Maistun’abusespas.Reste!

—Etsitonpetitamiarrive.Jenevaispasavoirl’airidiot,avecmonbouquetdefleursetmespetitscadeaux.C’estuncoûtàsefairedémolirpourmoinsqueça!medit-il,enriant.

Jetentedegarderlesourire,maisunelarmecoulelelongdemajoue.

—Quesepasse-t-il?

—Rien,net’enfaispas!

—J’aicruquej’étaistonami.Jesaisquenousnousconnaissonsdepuispeu,maissitunevaspasbien,tuasenfacedetoiuneoreilleàtonécoute.

Jesaisqu’ilnefautpasquejeluiparledemarupture.Jeneveuxpasqu’ilcroiequec’estunechancepourluidemeconquérir.

Jeneveuxsurtoutpasluilaisserdefauxespoirs.Jenesuisabsolumentpasprêteàcelapourlemoment.

—J’aijustequelquessoucis.Riendegrave!luidis-je.

—Ehbien!Tupeuxm’enparler.Sijepeuxt’aider.

—Ohnon!Tunepeuxrienpourmoi.

—Celaconcernetonpetitami,n’est-cepas?insiste-t-il.Tesyeuxsesontremplisdelarmeslorsquej’aiparlédelui.

J’ailagorgeserrée.Jeretiensunsanglotviolent.

Jenerépondsrien.

Devantmonmutisme,Tomreprend.

—J’aitouchédanslemille.Tuasdesennuisavectonpetitami!

—Jeneveuxpasquetucroiesquejesuisprêteàpasseràautrechose,luidis-je.

—Pourquoi?Vousavezrompu?

Ilcacheàpeineungrandsouriredecontentement.

—Oui,dis-jeenbaissantlesyeux.

—Net’inquiètepas!Jenem’enréjouispas!Toutcequejeveux,c’esttonbonheur!Avecousansmoi!

—Merci,Tom.Pourl’instant,jesuisdanslefloutotal.Cetterupturemedévaste.

—Jecomprends.Cen’estjamaisagréable,cegenredesituation.

—Jeteremerciedetacompassion.Sicelanetedérangepas,jepréfèreparlerd’autreschoses.

—Pasdeproblème.C’estcommetulesens.

—Situmefaisaisundetestoursdemagiedonttuaslesecret.

Auboutdequelquesminutes,Tommefaitsourireànouveau.

Ilal’airsatisfaitdemechangerlesidées.Jevoisdanssesyeuxunesortedepassionàmonégard.C’esttouchant.

Jevoudraistellementnepasluifairedepeine.Ilneleméritepas.

Nouspassonslerestedel’après-mididansmacuisine.

À19heures,onsonneàmaporte.

—Excuse-moi!Jevaisvoirquic’est!J’espèrequelegardeducorpsnevapastenterdetuermonvisiteur,dis-jeenriant.

—Bonsoir,Jane!

—Bonsoir,Stanislas!

—Commentvavotrecheville,aujourd’hui?

—Beaucoupmieux!Jevousremercie!Jeneboitepresqueplus.

—Tantmieux!

—Jevousapportevotredîner,commechaquesoir.J’aiprislalibertédemettrevotrerepasdedemain.Nousseronsdimanche.Jeneseraispasdeservice.

—C’esttrèsgentil!Vouspouvezleposersurmonplandetravaildecuisine.

JeprésenteStanislasàTom.

IlseserreunefranchepoignéedemainetStanislasrepart.

Jeleraccompagneetlesuisjusqu’àl’ascenseur,pourqueTomn’entendepasmaconversation

Discrètement,jeluidemande:

—JesuisétonnéequeMonsieurWarghalmefasseencorelivrermesrepas.Ilnevousariendit?

—Non,pourquoiaurait-ildû?Detoutefaçon,jen’aipasvuMonsieurWarghaldelajournéeetjedevaisvouslivrertousvosrepasjusqu’àdemainsoir.Chosefaite!

—Ah,d’accord!Laisseztomber!

—JevaiscertainementvoirMonsieurWarghalpourlerepasdevingtheures.Dois-jeluifaireparvenirunmessage?

—Non,non!MerciStanislas.

—Trèsbien,Jane!Bonnesoirée.

—Bonnesoirée,également.

Jerefermemaported’entrée,derrièremoi.

—Gentil,cebravehomme!meditTom.Assezguindé,maissympathique.

—Oui,c’estmontraiteur!Depuisquej’aimalàlacheville,c’estpluspratiquepourmoi.

JemensdélibérémentàTom.Jeneveuxpasqu’ilcomprennequemonex-petitamiestJohnWarghal.

—Jevaistelaissermangerpendantquec’estchaud.

—Non,tupeuxresterencoresituveux!Tupeuxmêmemangeravecmoi!Onpartagera!

—Jeteremercie,maiscesoir,jenepeuxpas.Jesuisattenduchezmasœurpourledîner.

—Trèsbien.J’aiétéravidepasserlajournéeavectoi.

—Moiaussi,Jane.

NousnousembrassonsamicalementetToms’enva.

Levidedemonappartementmeglace.Jemesenssiseule.

Johnmemanque.

*

***

Jecomposelenumérodetéléphonedelachambred’hôpitald’Anna.Avectoutessesémotions,jen’aipaseuletempsdeprendredesnouvellesdemonamie,aujourd’hui.

—Allo,Anna,c’estJane!

—Jane,commentvas-tu?Carolem’adit,cematin,quetut’étaisfaitagresseretquetut’étaistordulacheville.

—Oui,c’estexact.Maisçava!Net’inquiètepas!Jenet’airienditpourquetunetefassespasdesoucis.JevaisdisputerCaroled’avoirmouchardé.

—Caroleabienfaitdem’enparler.Lesamissontlàdanslesbonsmoments,commedanslesmauvais.Mêmesijesuisàl’hôpital,jesuistoujourslàpourtoi.Mais,dis-moi!Lorsquetum’asdit,cesdeuxderniersjoursautéléphone,quetunevenaispasmevoir,cartuterminaistroptardchezWarghal,c’étaitfaux?

—Oui,Anna.Excuse-moidenet’avoirriendit.Pardondet’avoirmenti.Çafaitdeuxjoursquejemereposechezmoi.Jenepouvaispasconduireetjemarchaisavecdifficulté.Aujourd’hui,çavabeaucoupmieux.Jen’aipresqueplusmal.Sidemain,jesuisrétabliecomplètement,jeviendraitevoir.

—Envoiture?

—Biensûr!Pourquoi?

—Jure-moidevenir,sietseulementsi,tachevilleesttotalementrétablie.Jeneveuxpasquetuconduisesavecunechevilledouloureuseetqu’ilt’arrivelamêmechosequ’àmoi.

—C’estpromis!

—Bon,jepréfèrecela!

—Tuessiprotectriceavecmoi!Cen’estpasAnnaqu’ilfautquejet’appelle,maismaman!luidis-je,moqueuse.

Annarit.

—Cen’estpasparcequej’aiperduuneinfimepartiedemamémoirelorsdel’accidentquejenemesouviensderien.Jemerappelleencorequetuesmameilleureamie.Ilfautquetutefassesàmoncôtémèrepoule!dit-elleenriant.Ilnes’estpasenvolédansl’accident.

Jesuiscontente.Lavoixd’Annaestmeilleuredejourenjour.Ellem’annoncemêmequ’ellepeutseleveretqu’ellesedéplaceenbéquille,malgrésesplâtresauxdeuxjambes.

Jesuisraviepourelle.Annaestunebattante.Jesaisqu’ellevavites’enremettre.

Laseuleombreautableauestquesamémoireesttoujoursaussivacillanteetcelalacontrariebeaucoup.

—Gardeespoir!luidis-je.Tessouvenirsperdusvontterevenir.

—Jel’espèrebien!Jemetorturel’espritàmedemandercequej’avaisdesiimportantàtedirelejouroùj’aieumonaccident.

—Tecreuserlatêtenesertàrien.D’aprèslesmédecins,toutreviendraunjouroul’autre.Cen’estqu’unequestiondetemps,luidis-je,pourlarassurer.

Nousnoussaluonsetjeraccrochepourmeretrouverànouveaufaceàmoi-même.

Unsamedisoirdéprimant!

*

***

Lasonnettedel’entréeretentitetmeréveilleenfanfare.

Jemelèveprécipitamment.Jesuisheureusedeconstaterquemachevillenemefaitpresqueplussouffrir.Jemarchesansboiter.Quellejoie!

JeregardeparleJuda.

—Quipeutbiensonneràmaporteundimanchematinà9heures?grommelé-je,demauvaise

humeur.

C’estTom.

Jesuiscontentedelevoir.

Jeluiouvreavecunlargesourire.

—Bonjour,Tom!Quellebonnesurprise!

LesjouesdeTomrougissent.Sesyeuxmefixentcaptivés,avecunelégèrepointededésir.Ilseraclelagorge.

—Bonjour,Jane.Jet’amènelescroissants!Jenepensaispas…

Ilneterminepassaphraseetmeregardeavecinsistance,unsourirelubriqueaucoindeslèvres.Jen’avaisjamaisvuTomsouscetangle.

Ilal’aird’unhommeassoiffédesexe.

L’espritencoreembuéparlesommeil,jemedemandepourquoiTomréagitainsiaujourd’hui.

Finalement,jemerendscomptequejeporteunenuisetteunpeutropsexy.

Jesuisrougedehonte.

Jem’éloigneaussitôtdelaporteetjecoursdansmachambre,chercherunpeignoir.

Danslemêmetemps,jedisàTom:

—Entre,installe-toi!Jereviens!

J’attrapeunpeignoirmolletonnédansmonarmoireetl’enfilerapidement.

JemeretourneetaperçoisTomdansl’entrebâillementdemaportedechambre.

—Jetepréféraisavectanuisette!medit-il,lavoixpleinededésir.

—Tom,jeneveuxpasquetuteméprennes!Cen’étaitpasuneinvitationausexedemapart.Lorsquetuassonné,jedormais,etjesuisvenuet’ouvrirsansmeméfierdematenue.J’étaisencoretropendormiepourréfléchir.

LaflammeardentedanslesyeuxdeToms’éteintimmédiatementpourlaisserplaceàunregardsombre,l’espacedequelquessecondes.

—Jesuisdésolée,Tom.Jenevoulaispasnousmettredansunepositionindélicate.

—Cen’estrien!medit-il.Jevoisqu’ilchercheàcontrôlerunesortedefureuraufonddelui.

—Tusaisquejeneveuxsurtoutpasjoueravectessentiments.Laruptureavecmonex-petitamiestencoretropfraîche.Pourl’instant,jenesuispasprêteàpasseràautrechose.

—Jecomprends,tul’aimesencore!

—Pourêtretoutàfaithonnêteavectoi,jel’aimeencoreetj’espèreintimementqu’ilmereviendra.

Tombaisselesyeuxausol,attristé.

—Trèsbien!Commeça,c’estclair!Jemesuisfaitdesidéesemportéesparl’amourquej’aipourtoi.Jepensaispouvoirconquérirtoncœur.Ilfautquejemerendeàl’évidence.C’estpeineperdue.Restertonmeilleuramiseramaseuleconsolation,maiscommejetel’aidéjàdit,jet’attendraitoutemavie.

Jemesensgênéeetjenerépondsrien.

Subitement,Tomreprendlesourire.

—Bon,allez!Onnevapassepourrirlajournéepourunvulgairemalentendu!Viensdoncmangertescroissants!Jevaisteprépareruncafé!

Perplexe,jelesuisàlacuisine.Jetrouvequ’ilaunecapacitéimpressionnanteàencaisserlesmauvaisesnouvelles.

Peut-êtrequec’estl’espoirquil’anime!Exactementcommemoi,avecJohn!

Ducoup,j’aiencoreplusdepeinepourlui.

Nousdiscutonsunlongmomentdanslacuisineautourd’unbonpetitdéjeuner.

Tomfaitcommesiriennes’étaitpassé.J’enfaisdemême.C’estbeaucoupmieuxainsi.

À11h30,ilm’annoncequ’ildoitpartir.

—Jerepasseraitevoirdanslasemaine!medit-il.

—Trèsbien!Passequandtuveux!Tueslebienvenu!

Ilm’embrassesurlefrontets’enva.

*

***

Letéléphonemeréveilleensursaut.Jesuisensueur.

Jedécrochelavoixéraillée.

—AlloJane?C’estAnna!

—BonjourAnna!

—Jetedérange?

—Non,pasdutout!J’étaisentraindefaireunesiesteavantdevenirtevoiràl’hôpital,commejetel'aidithierautéléphone.Tuasbienfaitd’appeler.J’étaisenpleincauchemar.Depuismonagression,jedorsdifficilement.Jerêvesanscessedecethommeencapuchequis’approchedemoipourmetuer.

—Jecomprends!Tuasététraumatisée!Çavapasseravecletemps!

—Commentvas-tu,Anna?

—Demieuxenmieux!Jerécupèretrèsvited’aprèslesmédecins!

—Génial!

—Tum’asditquetuvenaismevoir!Est-cequetachevillevabien?

—Oui,çava!Jepeuxreprendrelevolant!

—Etbien,c’estparfaitparcequej’avaisquelquechoseàtemontrer!

—Ahbon!Quoi?

—Jem’ennuyais,alorsjemesuislevéeetj’aimarchéavecmesbéquillesjusqu’auplacarddemachambre.

—C’estbien,tufaisd’énormesprogrès.

—Oui,jevoulaismedégourdirmesdeuxjambesdansleplâtre!medit-elle,enironisant.

Jel’entendssourireàsespropresmalheurs.

—Etbien,jeseraiheureusedevoirça!dis-jeàmonamie.

—Non,Jane!Cen’estpasmacapacitéàmedéplaceravecdeuxjambesplâtréesquejevoulaistemontrer.

Sontons’assombrit.

—C’estbienplusgrave!

—Jet’écoute!dis-je,lecœurbattant.

—Dansleplacarddemachambred’hôpital,ilyavaituncartonremplidesaffairesquejeportaislorsdel’accident.J’aivoululestrierpourm’occuperettenterderaviverquelquessouvenirs.

—Cen’estpasbien,Anna!Tutefaisdumal!Laisse-toialler!Tessouvenirsreviendrontunjouroul’autre!

—Net’inquiètepaspourmoi!Tumeconnais,ilfauttoujoursquej’ailledel’avant.Jenepeuxpasmerésoudreàabandonner.Jeveuxquemessouvenirsreviennentetj’yarriverai,medit-elle,déterminée.

—C’esttoutàtonhonneur!

—Merci!Donc,jetedisais,jetriaismesaffairestachéesdesang.C’estalorsquejesuistombéesurunarticledejournal,pliéendeux,danslapochedemonchemisier.J’aitentédeledépliersansledéchirer,carilaétéimbibédesangetd’unautreliquidecollantetsombre,dontjeneveuxpasconnaîtrel’origine.

Bref,l’articleestenmauvaisétat.L’encreabeaucoupcouléetdemultiplestachescaviardentcertainspassagesdel’article.Impossibledelelireenentier.Maisj’aipucomprendrequ’ilétaitquestiond’unvioleur.

Jenepeuxpasl’affirmer,maisjepensequejevenaisteparlerdecettedécouverte,lejourdemonaccident.

—Quoi!John!Unvioleur!Cen’estpaspossible!

Laterresedérobesousmespieds.

—Écoute,Jane.Netirepasdeconclusiontrophâtive.Ilvautmieuxquetuviennesvoirpartoi-même!

—J’arrive!

Nousraccrochonsetjemeprépareàlahâte.

Enquelquesminutes,jesorsdemonappartement.

J’attendsl’ascenseursurlepalier,lorsquej’entendsunevoixgravederrièremoi.

—Vouspartez,MademoiselleNovak!

Jesursaute,lorsquejereconnaismongardeducorps.

—Vousm’avezfaitpeur!Oui,jemerendsàl’hôpitalvoirmonamie!

—D’accord,jevousyconduis!

Jen’émetsaucuneobjection.J’appréciemêmecetexcèsdesécurité.Jemesensprotégéeetrassurée.

Aumoins,jenemeferaipasattaquerunesecondefois!

Nousdescendonsaubasdemonimmeuble,parl’ascenseur.

Mongardeducorpsestsilencieux.

—Vouspermettezquejerelèvemaboiteauxlettres.Jenel’aipasfaitdepuislejourdemonagressionetjevoisqu’elledéborde.

—Maisbienentendu,Mademoiselle.

Legardeducorpsseplantedevantlesboitesauxlettresetm’attendpatiemment.

Jenepeuxm’empêcherdecommentermestrouvailles.

—Despubs,despubs,etencoredespubs,mafactured’eau,pfff,uneautrepub!Tiens,qu’est-cequec’estquecetteenveloppenoire?C’estbizarre!

L’attentiondugardeducorpsredouble.

Jedécachettel’étrangeenveloppe.

Unesueurfroidemeglacelessangs.Jesuisterrifiée.

Jerestefigée,totalementtétanisée.

—Merde!C’estquoiça!

Àsuivre…

4semainesdesoumission-Volume3:SortieprévueleSamedi2Juillet2016.