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  • T. LYSSENKODe lAcadmie des sciences de

    lU.R.S.S.

    AGROBIOLOGIEGENETIQUE, SELECTION ET PRODUCTION DES SEMENCES

    Note de l'diteur

    Le texte franais d'Agrobiologie de T. Lyssenko a t tabli d'aprs la quatrime dition russe, parue Moscou, aux Editionsagricoles d'Etat (Selkhozguiz). Le prsent volume comprend en outre trois nouveaux articles de Lyssenko :

    1. Du nouveau dans la science touchant l'espce biologique.2. La vitalit des organismes vgtaux et animaux.3. La transformation de varits de printemps non hivernantes en varits d'hiver rsistantes au froid.

    Edition lectronique ralise par Vincent Gouysse partir de louvrage publi en 1953 aux Editions enlangues trangres de Moscou. (L'index alphabtique nest pas reproduit dans cette dition.)

    WWW.MARXISME.FR

  • 2Sommaire :Les bases thoriques de la vernalisation (p. 4)

    Introduction (p. 4)Historique du problme de la vernalisation (p. 6)Le dveloppement et la croissance d'une plante de semence ne sont pas des phnomnes identiques (p. 15)Les stades de dveloppement chez les plantes (p. 18)Importance des diffrents facteurs dans le complexe des conditions extrieures indispensables aux plantespour passer par le stade de la vernalisation (p. 23)La succession des stades dans le dveloppement des plantes (p. 25)Les modifications phasiques se produisent chez les plantes aux points vgtatifs des tiges (p. 29)Localisation des modifications phasiques (p. 33)Brves conclusions sur le dveloppement phasique d'une plante de semence annuelle (p. 35)

    La slection et la thorie phasique du dveloppement des plantes (p. 38)Le dveloppement individuel du patrimoine hrditaire des plantes (p. 38)Du choix des couples parentaux, de la loi de la dominance et de la nature de l'htrosis dans la dure de lapriode vgtative (p. 45)Mthodes pratiques de slection fondes sur la thorie du dveloppement (p. 56)

    Comment rorganiser la culture des semences (p. 63)Le croisement intravarital des plantes autogames (p. 82)Deux tendances dans la gntique (p. 95)Les laboratoires kolkhoziens et la science agronomique (p. 116)Le croisement intravarital et la loi mendlienne de la disjonction (p. 129)Le mentor, puissant moyen de slection (p. 136)La thorie de Mitchourine doit tre la base de la culture des semences (p. 142)

    De la production des semences de seigle (p. 146)Principes essentiels dont on doit s'inspirer pour crer une lite chez les crales (p. 148)

    Le crateur de l'agrobiologie sovitique (Pour le 4e anniversaire de la mort de I. Mitchourine) (p. 151)La thorie mitchourinienne l'Exposition agricole de l'U.R.S.S. (p. 158)Comment orienter le dveloppement des organismes vgtaux (p. 165)Nouvelles ralisations dans l'art de diriger la nature des plantes (p. 178)L'organisme et le milieu (p. 190)

    Ce qui diffrencie le vivant du non vivant dans ses rapports avec le milieu (p. 190)L'importance du choix de l'objet des tudes (p. 190)Les causes de la dgnrescence du plant de pomme de terre dans le Midi (p. 191)Vrification de la mthode des plantations estivales l'Institut de Gntique et de Slection et dans leskolkhoz (p. 194)

    Engels et quelques problmes du darwinisme (p. 199)Qu'est-ce que la gntique mitchourinienne ? (p. 206)Timiriazev et les tches de notre agrobiologie (p. 218)L'hrdit et sa variabilit (p. 227)

    Qu'est-ce que l'hrdit (p. 227)Qu'est-ce que la variabilit ? Croissance et dveloppement (p. 229)Le dveloppement individuel de l'organisme (p. 231)L'organisme et le milieu (p. 233)Modification oriente de la nature des organismes (p. 236)Les hybrides vgtatifs (p. 240)Abolition du conservatisme de la nature des organismes (p. 245)Le processus sexuel (p. 250)Catgories, groupes et formes d'hrdit (p. 253)

  • 3Slection naturelle et concurrence intraspcifique (p. 259)Gntique (p. 275)

    Le mendlisme-morganisme (p. 275)Critique de la thorie chromosomique de l'hrdit (p. 278)La gntique mitchourinienne (p. 280)

    Les tches de l'Acadmie Lnine des Sciences agricoles de l'U.R.S.S. (p. 286)

    Elever considrablement le rendement du millet (p. 286)Les plantations estivales et la vernalisation de la pomme de terre (p. 288)Produire plus de semences de luzerne (p. 290)A propos des rasettes (p. 290)Les plantes latex (p. 290)Des semences hybrides (p. 291)Du travail de slection des crales (p. 291)Problmes d'ordre conomique de l'agriculture (p. 295)Dvelopper la science agrobiologique (p. 295)

    Pourquoi la science bourgeoise s'insurge contre les travaux des savants sovitiques (p. 297)

    Sur la situation dans la science biologique (p. 300)

    1. La science biologique, base de l'agronomie (p. 300)2. L'histoire de la biologie, arne de luttes idologiques (p. 300)3. Deux mondes, deux idologies dans la biologie (p. 301)4. Scolastique du mendlisme-morganisme (p. 304)5. L'ide de l'inconnaissable dans la doctrine de la substance hrditaire (p. 307)6. Strilit du morganisme-mendlisme (p. 308)7. La doctrine de Mitchourine, fondement de toute biologie scientifique (p. 310)8. La doctrine mitchourinienne doit tre enseigne aux cadres de jeunes biologistes sovitiques (p. 315)9. Pour une biologie scientifique cratrice (p. 315)

    Discours de clture de la discussion (p. 317)

    Les semis d'essai d'crans forestiers par la mthode des nids (p. 324)

    Du nouveau dans la science touchant l'espce biologique (p. 333)

    La vitalit des organismes vgtaux et animaux (p. 340)

    Transformation de varits de printemps non hivernantes en varits d'hiver rsistant au froid (p. 344)

    Bibliographie (p. 349)

  • 4LES BASES THEORIQUES DE LA VERNALISATIONINTRODUCTION

    La thorie phasique du dveloppement est une thorie applicable l'ensemble de la biologie ; ce titre, elleintresse toutes les branches de la science agrobiologique et trouve une large application dans l'agriculturesocialiste. L'abrviation, chez les crales, de la priode vgtative dans les champs pour neutraliser l'action desvents brlants ; la vernalisation de la pomme de terre et l'emploi des yeux de tubercules vernaliss pourconomiser le matriel de plantation et augmenter la rcolte ; la dcouverte de la rsistance ingale des plantesau froid leurs diffrents stades de dveloppement, et les mesures qui en dcoulent pour prvenir la destructiondes crales d'hiver par le froid ; l'obtention de nouvelles varits d'hiver par slection des populations en semantdes graines incompltement vernalises ; la dcouverte des causes de la dgnrescence de la pomme de terredans le Midi et la plantation estivale de la pomme de terre pour remdier la dgnrescence du plant dans lesrgions sches de la steppe ; l'tablissement des bases thoriques d'un choix conscient des couples croiser pourla cration de nouvelles varits de plantes cultives ; la dcouverte et l'nonc des lois de la disjonction selon ladure de la priode vgtative, comme base thorique de procds nouveaux de triage dans le processus de laslection ; une faon toute nouvelle d'envisager les problmes de la culture des semences : autant de rsultats (etnous sommes loin de les avoir tous numrs) auxquels est arrive la thorie phasique du dveloppement, et quel'agriculture socialiste a dj appliqus ou est en train d'appliquer. L'obtention, grce la thorie phasique dudveloppement et dans le dlai prvu de deux ans et demi, d'une varit de bl de printemps pour la rgiond'Odessa, constitue nos yeux une victoire des plus brillantes l'actif de cette thorie. Il n'empche que toutrcemment encore, de nombreux savants contestaient la justesse des principes thoriques qui ont inspir cetravail. (A la sance de l'Office central de la Culture des Semences, 16 janvier 1934.) Thorie d'un intrtbiologique gnral, la thorie phasique du dveloppement a soumis ses conclusions, et par consquent elle s'estsoumise elle-mme, la vrification la plus rigoureuse de la pratique ; et partout, elle est sortie vainqueur. Cela,malgr l'acclration du rythme des travaux (procds nouveaux de culture des plantes, de multiplication dessemences, etc.), qui est un aspect de l'uvre entreprise sur la base de la thorie phasique du dveloppement.

    L'application de cette thorie biologique gnrale au cur mme de notre activit pratique fait une fois de plusjustice du mensonge bourgeois selon lequel il existerait deux sortes de vrits : l'une thorique, l'autre pratique.

    La solution des contradictions thoriques n'est possible que dans la pratique, grce l'nergie pratique del'homme... C'est pourquoi leur solution n'est pas un problme de connaissance pure, mais un problme de la vierelle... L'hypothse selon laquelle il existerait une base pour la vie et une autre pour la science, est fausse apriori (K. Marx/F. Engels : Gesamtausgabe, Erste Abteilung, Band 3, Berlin 1932, S. 121 u. S. 123.), crivaitMarx. La thorie phasique du dveloppement triomphe dans la pratique et par la pratique. Elle part du fait quetout dans la plante, chaque proprit, chaque caractre, etc., est le rsultat du dveloppement du patrimoinehrditaire dans les conditions concrtes du milieu extrieur. Quant au patrimoine hrditaire, il rsulte de toutel'histoire phylognique antrieure. Un corollaire de cette histoire biologique, qui est l'uvre de la slection desadaptations des conditions d'existence bien dfinies, c'est que l'organisme vgtal, partir du zygote et pendanttoute la dure de sa vie individuelle, exige pour son dveloppement des conditions dtermines. Ces exigencessont l'autre aspect des adaptations qui se sont produites dans le processus historique.

    Mais l'histoire phylognique du monde organique ne s'est pas droule en ligne droite. C'est pourquoi la biologiede l'organisme vgtal individuel n'est pas toujours identique elle-mme dans ses adaptations, donc dans sesexigences. Elle prsente de brusques modifications qui lui sont particulires, ses stades, qui durent un certaintemps. Ces stades sont les phases biologiques les plus gnrales dans le dveloppement individuel des plantes.Concentrs aux points vgtatifs des tiges de la plante, les processus phasiques qui, dans leur spcificit, sont ledveloppement mme du patrimoine hrditaire, constituent les processus les plus intimes de la vie de la plante.Dcouvrir la biophysique et la biochimie des processus phasiques, c'est donc dcouvrir la biophysique et labiochimie des processus les plus intimes de la vie de la cellule vgtale. Cette tche difficile entre toutes serarsolue un jour. Mais il faut, pour y arriver, suivre une voie ardue. Et ils se reprsentent cette tche de faonbeaucoup trop simpliste, les chercheurs qui trouvant ou, le plus souvent, s'efforant de trouver des modificationsdans la raction chimique de la plante tel ou tel stade de son dveloppement, s'imaginent avoir dj dcouvertl' essence mme de la vernalisation, du photostade, etc. Les indicateurs chimiques des stades ne sont que desindicateurs parmi beaucoup d'autres, et bien qu'incontestablement trs importants, ils sont encore loin d'tre l' essence dernire de la vie .

    La lgret avec laquelle les dcouvreurs de l'essence biochimique des processus phasiques abordent ceproblme, s'explique par le fait qu'ils considrent la vernalisation comme une stimulation , comme unemthode qui introduirait dans le processus normal du dveloppement quelque chose d'htrogne, decomplmentaire, qu'il serait facile d'isoler, d'extraire chimiquement.

  • 5Or, la vernalisation et les autres phases de dveloppement sont des processus ncessaires, normaux, qui sedroulent de faon analogue et similaire, dans des conditions artificiellement provoques (vernalisation degraines germes avant d'ensemencement), aussi bien que dans les champs. Car on peut obtenir, avec n'importequelle varit d'hiver, le droulement du cycle complet (de la semence la semence), tout le processus dedveloppement d'une plante de printemps, aussi bien en vernalisant les semences qu'en leur assurant dans leschamps des conditions adquates (choix d'une rgion et d'une date d'ensemencement convenables).

    Nous sommes pour l'tude des indicateurs chimiques, physiques, morphologiques et autres du dveloppementphasique. L'Institut de Gntique et de Slection a dj enregistr certains succs cet gard (ractions coloresdiffrentes aux sections des points vgtatifs (Travaux de M. Bassarskaa, spcialiste de l'Institut de Gntique etde Slection Odessa.) vernaliss ou non ; diffrenciation du point de croissance considr comme indicateurmorphologique de la vernalisation, etc.). Mais nous nous levons contre ceux qui voudraient ramener tout ledveloppement phasique ces indicateurs.

    Nous sommes avant tout pour l'tude de la biologie du dveloppement ; pour l'tude, dans le dveloppement, dece qui constitue la spcificit des rapports biologiques. S'il est absurde de dire que tant qu'on n'a pas tudi laphysico-chimie du bernard-l'ermite et de l'actinie, on n'a pas tudi l'essence de leurs rapports, il est non moinsabsurde de croire qu'tudier la biologie des processus phasiques, ce n'est pas en tudier l'essence. A la diffrencedes thoriciens de la mcanique du dveloppement , qui ont rompu avec le darwinisme et oprent selon leprincipe : On essaie de tel ou tel facteur, et puis on voit , sans tenir compte du rle de l'adaptation dans ledveloppement (mcanicistes), ou en spculant sur cette adaptation qui serait due, selon eux, l'action d'unprincipe immatriel (vitalistes), nous restons, quant nous, sur les positions du darwinisme en tudiant les tapesbiologiques du dveloppement, tapes caractrises avant tout par de brusques modifications dans les exigencesadaptatives l'gard de conditions d'existence dtermines. Nous n'oublions point ces paroles de K. Timiriazev : Les organismes actuels doivent tre compris en s'appuyant sur l'histoire (. . :UUU, 1939, . VII, . 36-37.), car l'organe, c'est--dire la forme d'adaptation, est lersultat d'un facteur historique : la slection . (K. Timiriazev : Note la p. 57 du livre de G. Klebs,Willkrtiche Entwickelungsnderungen bei Pflanzen, traduction, notes et prface de K. Timiriazev, 1905.)

    A la suite de I. Mitchourine, nous dveloppons plus avant cette ide darwiniste, et non contents de donner unedfinition morphologique de la relation qui existe entre la phylognse et l'ontogense, nous tablissons leurrelation biologique. Car le droulement du processus phylognique, la cration de formes organiques par laslection des adaptations, ne peuvent manquer de retentir avant tout sur la biologie du dveloppement individueldu patrimoine hrditaire en dterminant les exigences de ce dernier vis--vis des conditions d'existence de sondveloppement. Et c'est uniquement selon la manire dont ces exigences sont satisfaites tout au long dudveloppement individuel, paralllement l'action de diffrents facteurs nullement indispensables cedveloppement, que se droulent concrtement le passage du patrimoine hrditaire par ses diffrents stades et,sur la base de ces derniers, l'volution des organes et des caractres.

    Quand on tudie la biologie du dveloppement individuel, il faut y voir l'individualisation, la concrtisation dudveloppement du patrimoine hrditaire constitu dans le temps, et qui dtermine le caractre varital,spcifique, etc., de l'volution de l'individu vgtal. Nous nous levons par l contre le prformationnisme de lagntique moderne, selon lequel les caractres prexisteraient dans le patrimoine hrditaire tels quels,indpendamment des stades biologiques du dveloppement, aussi bien que contre l'pignse mcaniciste de la mcanique du dveloppement , qui ne peut concevoir que le patrimoine hrditaire soit un principe gnriquedans l'individuel. Le patrimoine hrditaire dtermine le canevas gnral, le caractre gnral du dveloppementindividuel de la plante lorsqu'elle accomplit son cycle.

    Il n'existe pas dans l'organisme de caractres donns concrtement ; mais sa forme n'y subit pas non plus demodifications arbitraires. Le caractre plante d'hiver ou de printemps, la rsistance au froid, la densit plus oumoins forte du tallage, le caractre barbu, la coloration, etc. ne sont pas donns dans le patrimoine hrditaire,mais rsultent de son dveloppement dans les conditions dtermines de milieu extrieur qui participent laformation des caractres concrets de l'organisme. D'autre part, les conditions extrieures ne sont pas libresd'orienter le dveloppement dans un sens quelconque, de le faire rtrograder, d'abolir les exigences du patrimoinehrditaire l'gard de telles ou telles conditions de dveloppement une phase dtermine. Le dveloppementindividuel de l'organisme vgtal se droule sur la base des exigences biologiques des diffrents stades dedveloppement du patrimoine hrditaire. Les stades de dveloppement constituent des phases biologiquesgnrales dans le dveloppement individuel du patrimoine hrditaire, et ce titre ils sont la base dudveloppement de chaque caractre de la plante. Le caractre plante d'hiver ou de printemps, la rsistance au gel, la scheresse, aux parasites, la dure de la priode de vgtation, le tallage, etc. ne peuvent tre tudis endehors des stades gnraux du dveloppement, car tous ces caractres se formeront diversement si tels ou telsstades se sont drouls diffremment (par suite de la diversit des conditions extrieures), et ils serontdissemblables aux diffrents stades.

  • 6Mais les stades ne sont, bien entendu, qu'une base gnrale pour le dveloppement des caractres, ces derniers sedveloppant dans les conditions de milieu extrieur o ils se trouvent et sous l'influence des facteurs qui leur sontparticuliers. La biologie du dveloppement est la base thorique de toutes les branches de la scienceagronomique. Le malheur est qu'aujourd'hui encore ces branches sont dtaches de la biologie et isoles l'une del'autre. La biologie du dveloppement doit rattacher ce qui tait pars et fournir un canevas gnral pour l'tudede tout le complexe des lois qui rgissent les organismes vgtaux. Toutes les branches de la scienceagrobiologique, la slection, la gntique, la physiologie, l'agrotechnie, etc. ont donc pour tche de procder une rvision critique de leur bagage scientifique sous l'angle de la thorie du dveloppement.

    Notre agriculture socialiste a besoin de connaissances concrtes. L'conomie planifie exige et entrane undveloppement planifi de la science. Mais on ne peut assurer la science agrobiologique un dveloppementplanifi qu'en s'appuyant sur la mthodologie une et seule scientifique du matrialisme dialectique, thorie deslois gnrales du dveloppement.

    Ce qui fait la valeur thorique des travaux sur la vernalisation, c'est que cette mthode marque le dbut d'une reo l'homme dirige de faon consciente le dveloppement des plantes des champs. Il n'existait jusqu'alors dans lascience agricole aucun moyen de rgler la rapidit du dveloppement de ces plantes. Les espces et les varitsdont le dveloppement ne s'accommodait pas des conditions climatiques et gographiques de la rgion, taienttout simplement cartes. Le point de dpart la prmisse thorique de nos travaux sur la vernalisation desplantes cultives, c'est la loi (dcouverte par nous) du dveloppement phasique des plantes. Ce sont les basesde la loi du dveloppement phasique des plantes, ainsi que quelques exemples de l'utilisation pratique de cetteloi, que l'on trouvera exposs dans ce livre.

    HISTORIQUE DU PROBLEME DE LA VERNALISATION

    Dans la pratique, les varits de plantes cultives annuelles qui, semes au printemps en mme temps qued'autres varits de ces mmes plantes, fructifient et mrissent avant elles, sont dites prcoces. Les varits chezqui la priode allant de l'ensemencement la maturit est plus longue (que chez les autres varits) sont ditestardives. Enfin, il existe des plantes cultives qui, semes au printemps, ne fructifient pas (ne forment pasd'organes de la fructification) mme en automne ; dans la pratique, ces plantes sont dites d'hiver.

    De nombreux chercheurs, tant l'tranger que chez nous, se sont attachs tablir des diffrences entre legroupe des plantes d'hiver et le groupe des plantes de printemps, afin d'lucider les raisons pour lesquelles lesvarits d'hiver semes au printemps ne fructifient pas. Ils ont donn de ce fait diffrentes explications. Les unssont arrivs la conclusion que les plantes d'hiver semes au printemps ne fructifient pas parce qu'elles ontbesoin d'une certaine priode de repos, c'est--dire qu'il leur faut interrompre leur dveloppement pour une duredtermine. Cette priode de repos, les plantes d'hiver semes en automne la trouvent en hiver ; semes auprintemps, elles croissent sans interruption, et c'est pourquoi, au dire de ces chercheurs, elles n'arrivent pas fructifier. Il est assez facile de prouver que cette assertion est errone. Il suffit de semer les graines de certainesvarits de bl d'hiver et de leur assurer pendant un mois et demi ou deux une temprature de +5 +10 ; dansces conditions, les plantes pousseront et formeront des pis sans avoir eu besoin d'une priode de repos, puismriront quand la temprature sera plus leve (figure 1).

    Fig. 1. De gauche droite : froments d'hiver Lutescens 0329 (pot n 191), Siepniatchka (pot n 183) ; seiglesPetkousskdia (pot n 167), Toulounskaa (pot n 175), Elissievskaa (pot n 125) et Viatka (pot n 157).

  • 7On a sem en serre, le 14 dcembre 1929, des graines ordinaires une temprature de 5-10. Les seigles ontpi la fin de fvrier. A la mi-avril, la temprature de la serre ayant t releve, les froments leur tour ontdonn des pis.

    D'autres chercheurs, se fondant sur le mode de culture des plantes d'hiver dans les rgions o il gle, croyaientque pour fructifier les plantes d'hiver doivent passer par une priode de conglation. Cette hypothse s'est, elleaussi, avre fausse. Il suffit, pour la rfuter, d'invoquer les expriences au cours desquelles les plantes d'hiverqui ont pouss en l'absence de toute conglation fructifient nanmoins dans bien des cas. Cela est aussi prouvpar le fait que dans les rgions o il ne gle pas, ou presque pas, en hiver, les plantes d'hiver pient et fructifient,aprs l'hivernage, sur des centaines de milliers d'hectares.

    Plusieurs chercheurs ont encore donn d'autres explications des raisons pour lesquelles les plantes d'hiver semesau printemps ne forment pas d'pis. Enfin, la suite de travaux dont il a publi les rsultats en 1918, leprofesseur allemand Gassner est parvenu la conclusion que les varits d'hiver ont besoin d'une priode defroid durant la premire phase de leur dveloppement. De l la pratique de la germination froid des plantesd'hiver : on fait germer les semences des plantes d'hiver (froment, seigle) une temprature lgrementsuprieure 0C ; cette temprature est maintenue jusqu' ce que les radicelles aient atteint 2,5-3 centimtres.Les plantes issues de ces semences peuvent, dans certains cas, former des pis aprs repiquage. En U.R.S.S.,cette mthode a t l'objet d'une vrification au laboratoire de physiologie de l'Institut pour l'Etude de la Culturedes Plantes de l'U.R.S.S. (Lningrad) de la part des professeurs Maximov et Poarkova, qui ont effectu leursexpriences en serre pendant l'hiver. Ces expriences leur ont montr que dans les cas de semis tardifs en serre(au mois de mai), autrement dit quand Lningrad (o taient menes les recherches) on commence semer enpleine terre les bls de printemps, l'piage n'est ni gnral ni complet chez les plantes d'hiver, qu'elles aientgerm au froid ou au chaud. Seul le semis en serre au dbut du printemps, lorsqu'il y a encore de la neige dansles champs, avantageait, sous le rapport de l'piaison, les plantes issues de semences ayant germ au froid.

    Les faits observs ont amen ces chercheurs conclure que la germination froid des plantes d'hiver n'a pastoujours un effet adquat et n'entrane l'piaison que lorsque les semailles ont t effectues une poquedtermine. Ces expriences semblent donc infirmer l'opinion du professeur Gassner selon lequel les plantesd'hiver ont besoin d'une priode de froid.

    Les recherches que nous avons effectues autorisent par contre affirmer que les faits observs par Maximov etPoarkova tmoignent uniquement contre la mthode de la germination froid , mais non contrel'interprtation donne par Gassner, selon lequel les plantes d'hiver ont besoin de basses tempratures durant lapremire phase de leur dveloppement. On ne saurait contester en principe qu'il faille aux plantes d'hiver debasses tempratures une certaine phase de leur dveloppement, comme l'assure Gassner. Mais la mthode de lagermination froid, comme telle, est errone. On ne peut, par cette mthode, obliger chaque fois les varitsd'hiver semes au printemps pier normalement en serre, et le rsultat est presque toujours ngatif quand onsme en pleine terre par temps chaud.

    Outre les explications donnes plus haut de la diffrence qui existe entre plantes d'hiver et plantes de printemps,et des raisons pour lesquelles les plantes d'hiver semes au printemps ne forment pas d'pis, on pourrait encoreciter celles qui ont t proposes par d'autres chercheurs. Mais aucune, tant l'tranger que chez nous, n'a fait lalumire sur les raisons pour lesquelles les plantes d'hiver semes au printemps ne donnent pas d'pis. Pas un deces chercheurs n'a t mme de proposer une mthode obligeant pier toute varit d'hiver seme auprintemps. Aucune mthode n'a t mise au point, qui permettrait aux plantes d'hiver semes au printempsd'pier non seulement dans les conditions de la culture vraie, mais mme sur un seul mtre carr en pleine terre,dans les tablissements de recherches.

    Le dfaut le plus grave de la plupart des travaux mens dans ce domaine, c'est que leurs auteurs suivaient unefausse piste. Ils s'assignaient pour tche principale non d'obliger pier les plantes d'hiver semes au printemps,mais d' expliquer pourquoi ces plantes n'piaient pas. Ils partaient de cette thse errone que partout, danstoute rgion, les plantes comme le froment, le seigle, etc. se divisent en deux groupes bien tranchs : les varitsd'hiver d'une part, celles de printemps de l'autre. Alors qu'en ralit les varits qui se sont formes dans leprocessus de dveloppement du genre et de l'espce constituent souvent, ne considrer que le caractre planted'hiver ou de printemps, non pas des groupes bien tranchs, mais une srie transitionnelle allant de celles o lecaractre plante d'hiver est le pins accus celles o il l'est le moins, c'est--dire aux varits de printemps. Deplus, ces chercheurs considraient le caractre plante d'hiver ou de printemps comme une proprit appartenantou, ce qui revient au mme, inhrente au patrimoine hrditaire de l'embryon de la semence, et non comme uneproprit rsultant du dveloppement ontognique de la plante.

    Les chercheurs n'ont pas vu que l'embryon ou le patrimoine hrditaire (gnotype) peut, en se dveloppant,produire dans certaines conditions la proprit plante de printemps et, dans d'autres conditions, la propritplante d'hiver.

  • 8Le terme de vernalisation est apparu au milieu de l'anne 1929, aprs que le bl d'hiver Oukranka, dont lesgraines traites de faon approprie avaient t semes au printemps dans les conditions de la culture vraie (parD. Lyssenko dans la rgion de Poltava), eut donn pour la premire fois dans l'histoire de la science agricole unpiage complet et gnral. Oukranka sem au printemps a fourni un rendement de 24 quintaux l'hectare. Lefait d'obtenir non seulement des pis, mais encore une bonne rcolte d'un bl d'hiver sem au printemps, semblait premire vue paradoxal, incompatible avec la nature des plantes d'hiver. En U.R.S.S., ces plantes qui, par leurnature, ont toujours t dans nos rgions des plantes d'hiver et qui, semes au printemps, se comportent alorscomme des plantes de printemps (forment des pis), sont dites vernalises. La mthode de traitement appliqueaux graines de plantes d'hiver destines tre semes au printemps, a reu le nom de vernalisation. On appellegalement vernalisation des plantes cultives nos travaux en vue d'tudier les facteurs de la dure de la priodevgtative chez les plantes cultives, travaux qui sont la base de la mthode de la vernalisation.

    Nombreux sont les chercheurs qui s'imaginent que l'essentiel, dans nos travaux consacrs l'tude des facteursde la dure de la priode vgtative chez les plantes cultives, c'est uniquement qu'ils ont rendu des graines deplantes d'hiver propres tre semes au printemps. Cette ide qu'on se fait de nos travaux thoriques et pratiquesest incomplte et inexacte, aujourd'hui que les travaux inspirs par la thorie phasique ont pris une assez grandeextension ; mais mme en 1929, elle ne correspondait nullement l'tat de nos recherches. Le terme devernalisation n'existe que depuis 1929, mais c'est ds 1926 que j'ai entrepris, la station de slection deKirovabad (Gandja), en Azerbadjan, mes premiers travaux afin d'tudier les facteurs qui rglent la dure de lapriode vgtative des plantes cultives. Ces travaux ont marqu le dbut de nos recherches sur la vernalisation.

    Fin 1925, je fus charg d'effectuer la slection de lgumineuses fourragres et fixatrices d'azote la stationexprimentale nouvellement cre Kirovabad. Dans les parties basses de la R.S.S. d'Azerbadjan, l'irrigationartificielle est ncessaire aux plantes cultives. En t le manque l'eau, entre autres, limitait la culture deslgumineuses du Midi (Phaseolus aureus, vigna, etc.) appeles nitrifier les champs. Ces plantes, qui requirentdurant leur phase vgtative de hautes tempratures, ne peuvent pousser qu'en t, quand le cotonnier, principaleculture de ces rgions, exige d'tre arros et absorbe toute l'eau disponible. De septembre au dbut d'avril, lebesoin d'eau d'irrigation se fait beaucoup moins sentir. Nous avons donc dcid de choisir, dans la famille deslgumineuses, des espces susceptibles de se dvelopper et de fournir la masse feuille ncessaire durant lapriode automne-hiver et au dbut du printemps, c'est--dire quand il y a de l'eau d'irrigation disponible. Celanous semblait d'autant plus ralisable que maintes rgions d'Azerbadjan jouissent d'un automne prolong et d'unhiver relativement chaud. Bien que les froids atteignent 6 et mme 12, on n'y compte pas plus de 10jours dans l'anne o la temprature moyenne descend au-dessous de 0.

    En automne 1925, on sema un assortiment de diffrentes varits de lgumineuses. Nous avions choisi desplantes qui n'exigeaient pour vgter qu'une temprature relativement peu leve et taient capables de supporterle gel. C'tait, dans l'essentiel, des cultures comme le pois, la vesce, la gourgane, la lentille. Nous fondionssurtout nos espoirs sur les varits prcoces, et non sur les varits maturation tardive ou moyenne. Le rsultatfut assez bon. Dans l'ensemble, les pois et les vesces se dvelopprent bien. Nos suppositions se trouvaientconfirmes. Il ne nous restait plus qu' choisir des varits propres au but que nous poursuivions et les amlio-rer ; mais ici notre attention fut attire par un fait qui nous sembla alors paradoxal. Certaines varits de pois qui,semes au printemps comme d'ordinaire, Bilaa Tserkov (R.S.S. d'Ukraine) par exemple, taient les plusprcoces, se comportaient comme les plus tardives quand on les cultivait en automne ou en hiver Kirovabad.La varit Victoria ( maturation semi-tardive dans des conditions de culture normales) se rvla ici la plus pr-coce. Sa mise fleur commena de bonne heure et elle donna une masse feuille propre tre fauche ouenfouie. Les faits observs nous incitrent tudier la dure de la priode vgtative chez les plantes cultives. Iltait indispensable d'lucider cette question pour pouvoir slectionner et obtenir une varit de pois susceptiblede pousser durant la priode automne-hiver.

    L'tude de la dure de la priode vgtative chez les plantes cultives a permis d'tablir exprimentalement quecette dure dpend tant de la varit que du milieu extrieur. La preuve a t faite plusieurs reprises quecertaines varits sont prcoces dans certaines conditions de culture, et tardives dans d'autres ; qu'inversement,certaines varits tardives deviennent prcoces si l'on modifie leurs conditions de culture.

    Il tait dsormais vident pour nous que les diffrentes varits d'une seule et mme espce cultive peuventavoir besoin, pour crotre et se dvelopper, de conditions extrieures diffrentes. Moins les conditions du milieuextrieur correspondent la nature des plantes d'une varit, et plus ces plantes mettront longtemps parcourir lecycle de leur dveloppement, plus la priode qui spare l'ensemencement de la maturation des nouvelles grainesse prolongera. Si les conditions extrieures ne correspondent d'aucune manire la nature des plantes de lavarit considre, les plantes ne pourront achever leur dveloppement, elles ne fleuriront ni ne fructifieront.Dans la pratique, les plantes (froment, seigle, orge, vesce, colza, etc.) qui, semes au printemps, lvent,produisent des feuilles, mais sans procder, mme en automne, la formation d'organes de la fructification, sontdites plantes d'hiver.

  • 9Nous fmes ainsi amens conclure que le problme de la printanit ou de l'hivernalit fait partie du problmeplus gnral de la dure de la priode vgtative des plantes.

    La question de l'hivernalit et de la printanit venait donc forcment s'inscrire dans notre tude des facteurs de ladure de la priode vgtative chez les plantes cultives.

    Nous sommes parvenus dmontrer exprimentalement que toute varit de froment peut se comporter commeune varit de printemps prcoce ou tardive, et mme comme une varit d'hiver, c'est--dire qui ne donne quedes feuilles, sans former da la paille ni pier : cela dpend des conditions dans lesquelles elle est cultive.

    Nous avons observ au cours de nos expriences que les plantes d'une seule et mme varit peuvent, dans desconditions de culture diffrentes et suivant ces conditions, tre des plantes d'hiver, de printemps prcoces ou deprintemps tardives, et que le comportement des plantes de varits diffrentes peut diffrer dans des conditionsde culture identiques et bien dtermines. Certaines varits de froment peuvent se comporter comme desvarits d'hiver, d'autres comme des varits de printemps tardives, des troisimes comme des varits deprintemps prcoces. Les rsultats obtenus la suite de nos expriences de 1927 nous ont amens conclure quela dure de la priode vgtative des plantes, depuis le semis des graines jusqu' la maturation de nouvellesgraines, est sous la dpendance de l'action corrlative de l'organisme vgtal et des conditions du milieuextrieur. En modifiant les conditions extrieures, on peut modifier le comportement des plantes d'une mmevarit. Les varits tardives peuvent devenir prcoces, les varits d'hiver des varits de printemps, et lesvarits de printemps des varits d'hiver.

    Ds avant 1929, nous avions observ dans nos expriences que certains groupes de varits ne peuvent secomporter comme des varits d'hiver ou de printemps que s'ils sont sems dans des conditions dtermines demilieu extrieur. Ainsi, des expriences ont t entreprises en pleine terre pour tablir l'influence de la date del'ensemencement sur le comportement de diffrentes varits de crales (seigle, froment, orge) mises en terre des intervalles de dix jours, du 24 aot 1926 au 27 aot 1927 et du 1er octobre 1927 au 1er juin 1928 ; elles ontmontr que dans les conditions de Kirovabad (Azerbadjan) on ne pouvait fixer une date partir de laquelletoutes les varits qui, dans d'autres rgions, se comportent comme des varits d'hiver, commenceraient semanifester comme des plantes d'hiver, c'est--dire cesseraient de caulifrer, alors que les varits de printempscontinueraient au contraire former des tiges. Les diverses varits ont commenc manifester les propritsdes plantes d'hiver selon l'poque o elles avaient t semes et, pour les deux annes 1927-1928, des datesdiffrentes. En 1928 le mois de mars fut plus froid qu'en 1927 ; aussi, nombre de varits donnrent-elles en1928 des pis aprs avoir t semes des dates plus tardives qu'en 1927. Dans le tableau 1 on trouveraindiques, pour les diffrentes varits, les dates d'ensemencement aprs lesquelles chacune cessait de tuyauter.

    Tableau 1

    Date d'ensemencementVarits

    1927 1928

    Seigle 3Koopratorka 963Tr. erythrosp 1325/6H. pallidum 133/2H. nigrum 174/2H. pallidum 419Tr. barbarossa 70/1Tr. nigrobarbatum 1345/1Tr. niloticum 1229/1Tr. ferrugineum 1338/1Tr. erythrospermum 2627Tr. speciosissimum 1348/5Tr. coerulescens 60/2Tr. apulicum 35/1Tr. apulicum 44/1Tr. leucurum 1273Tr. leucurum 160/5Tr. apulicum 2634Av. griseaAv. brunnea 569Av. byzantina 952

    12/II22/II

    12/III

    3/III

    1/IV

    1/IV

    3/III3-10/III

    3/III10/III10/III10/III10/III19/III

    9/III19/III19/III27/III27/ III27/ III

    4/IV4/IV

    11/IV11/IV11/IV23/IV23/IV

  • 10

    On voit par ce tableau qu'un mme assortiment de varits, sem des dates diffrentes, se rpartit diffremmententre le groupe des plantes d'hiver et celui des plantes de printemps. Chaque varit a son comportementparticulier. Chez certaines varits les proprits d'hivernalit se manifestent, si la date de l'ensemencement a ttardive, chez d'autres dans le cas contraire.

    Avec le grand assortiment de crales semes au cours de nos expriences des dates diffrentes, depuis l'hiverjusqu' l't, on pouvait constituer toute une srie illustrant de faon frappante le passage graduel des formes deprintemps aux formes d'hiver. Si l'on ignorait la date de l'ensemencement, on n'aurait pu distinguer dans unesrie de ce genre o finissaient certaines formes (celles d'hiver) et o commenaient les autres (celles deprintemps), tant donn que suivant l'poque de l'ensemencement, les mmes varits pouvaient tre soit deprintemps soit d'hiver.

    Fig. 2. Leucurum 160/5. Sem le 15 avril 1929 Gandja ; 20 jours de vernalisation pralable ont tncessaires pour permettre un piage normal ; si la priode de vernalisation est plus courte, les plantes neforment pas d'pis, ou bien l'piage est retard.

    Fig. 3. Nigrobarbatum 1348110. Sem le 15 avril Gandja ; la vernalisation pralable dure 36 jours, aprs quoi lefroment pie normalement.

    Il suit de l que les varits de froment, de seigle et d'orge qui existent dans la nature ne peuvent tre rpartiesentre deux groupes nettement tranchs : un groupe d'hiver et un autre de printemps. Ces deux groupes sontrattachs l'un l'autre par des sries transitionnelles qui vont des formes o l'hivernalit est le plus accuse celles o elle l'est le moins, c'est--dire aux formes de printemps. Les formes d'hiver, reprsentes par une sriede varits choisie de faon adquate, passent graduellement aux formes de printemps et, inversement, lesformes de printemps aux formes d'hiver. Certains groupes de varits ne peuvent tre d'hiver ou de printempsque s'ils sont sems dans certaines conditions. On ne peut dire d'une varit qu'elle est d'hiver ou de printempssans signaler le rapport qui existe entre ses proprits naturelles et les conditions climatiques concrtes de largion (ou plutt les conditions de la priode qui suit l'ensemencement) o pousseront les plantes de cettevarit. Aujourd'hui que nous avons tendu nos recherches sur la vernalisation 7.000 varits runies l'Institutpour l'Etude de la Culture des Plantes de l'U.R.S.S. et provenant de presque tous les pays du globe, il est faciled'indiquer des milliers de varits qui, semes au printemps dans certaines rgions de l'U.R.S.S., se comportent

  • 11

    comme des varits de printemps (montent en pi). Semes la mme anne dans d'autres rgions, ces mmesvarits se comportent comme des varits d'hiver (n'pient pas). Ainsi, des 1.427 chantillons de fromentsazerbadjanais que nous avons sems au printemps 1932 dans le Kazakhstan, 79,9% ont donn des pis (sansavoir t vernaliss avant l'ensemencement) ; autrement dit, dans les conditions de cette rgion 79,9% de tous lesfroments azerbadjanais sems par nous se sont comports comme des varits de printemps, et 20,1% seulementcomme des varits d'hiver. Au sovkhoz Guigant , dans le Caucase du Nord, ces mmes chantillons defroments ont donn, toujours en 1932, un tableau trs diffrent : 4,8% seulement se sont comports comme desvarits de printemps (au lieu de 79,9%), et 95,2% (au lieu de 20,1%) comme des varits d'hiver.

    De mme pour la prcocit ou la tardivet. Cultiv dans certaines rgions, un groupe de varits peut se montrerprcoce, c'est--dire mrira plus vite que les autres. Dans d'autres rgions, ces mmes varits peuvent secomporter comme des varits de printemps tardives. On trouvera, par exemple, dans le tableau 2 un certainnombre de varits de froments originaires de Finlande et de l'Inde, dont le comportement, sous le rapport de laprcocit, change sensiblement suivant le lieu o elles ont t ensemence. D'une faon gnrale, les froments del'Inde pient Kirovabad 11-19 jours avant ceux de Finlande ; Odessa, 2-11 jours seulement. A Khibiny, laplupart des froments de Finlande pient en mme temps ou mme plus que ceux de l'Inde (parfois 5 jours avant).Partant de l, on est facilement amen conclure qu'on ne saurait diviser toutes les varits de froments (oud'autres plantes) en groupe d'hiver et en groupe de printemps, en groupe prcoce et en groupe tardif, en faisantabstraction des conditions concrtes de la rgion o ces varits seront cultives.

    Tous les caractres, proprits et qualits, y compris naturellement l'hivernalit, la printanit, la prcocit, latardivet, etc., sont, nous l'avons dj indiqu, le rsultat concret de l'action rciproque de l'organisme vgtal etdes conditions du milieu extrieur. Le fait qu'il est impossible de diviser les varits en formes d'hiver et deprintemps, prcoces et tardives, sans rattacher cette division aux conditions concrtes de la rgion (c'est--direaux conditions de culture), ne signifie nullement que toutes les varits sont, par leur nature, au mme titreprcoces ou tardives, d'hiver et de printemps. Les diffrentes varits (de froment par exemple) sont de naturediffrente. Les conditions de culture diffrent, elles aussi, dans les diffrentes rgions. Quant l'hivernalit et la printanit, la prcocit et la tardivet, elles rsultent de l'action rciproque de la nature de la plante et desconditions du milieu extrieur. C'est ce qui fait que pour des conditions dtermines de culture (pour des rgionsdtermines) toutes les varits peuvent et doivent tre divises en varits d'hiver et de printemps, prcoces ettardives, etc.

    Pour savoir si dans telle ou telle rgion une varit sera d'hiver ou de printemps, il faut en tudier la natureexprimentalement. Ce travail, nous l'avons dj effectu pour la plupart des varits de crales.

    L'tude des facteurs qui rglent la dure de la priode vgtative chez les plantes cultives, tude quiembrasse, il va sans dire, le problme de l'hivernalit et de la printanit, de la prcocit et de la tardivet, a toriente en vue de trouver une mthode de traiter les semences susceptible de modifier le comportement desplantes de transformer les varits tardives en varits prcoces, les varits d'hiver en varits de printemps.

    En 1928, la station de slection de Kirovabad, nous avons procd une srie d'expriences dans ce sens, tanten laboratoire qu'en pleine terre, avec diffrentes varits de froment, de seigle et d'orge. Nous avons tabli quel'piaison tardive de nombreuses varits de ces cultures et l'absence d'piage chez toute une srie d'autresvarits semes au printemps sur le terrain, sont trs souvent des phnomnes du mme ordre. Ces phnomnesconstats aprs des semis printaniers en pleine terre, taient dus au fait que la temprature, durant la priode quisuivait l'ensemencement, tait trop leve pour que la plante passt par une phase dtermine de sondveloppement. Les diffrentes varits peuvent passer par cette phase (ce stade) de dveloppement en un lapsde temps diffrent et des tempratures diffrentes (suivant la varit). En outre, il est apparu que les plantespeuvent passer par ce stade de leur dveloppement, mme lorsqu'elles sont encore l'tat de semences, c'est--dire quand le germe commence seulement se dvelopper et n'a pas encore perc son enveloppe. Il faut seule-ment assurer ces semences des conditions extrieures convenables (temprature, humidit, aration) pendant untemps dtermin, selon la varit. Semes au printemps en pleine terre les plantes de varits tardives issues deces semences peuvent devenir prcoces, et les varits d'hiver des varits de printemps. Une conclusionfondamentale laquelle ces expriences ont permis d'aboutir, c'est que le traitement pralable des semences devarits qui diffrent par leur nature (leur hrdit) demande une dure et des conditions (humidit ettemprature) diffrentes ; autrement dit, il est apparu que les plantes de varits diffrentes sont des plantesd'hiver des degrs diffrents. Dans des conditions appropries, 5 jours de traitement suffisent pour lessemences de certaines varits ; les semences d'autres varits exigent 10, 15, 20, 25 et jusqu' 60 jours (selon lavarit), pour que leurs plantes, compares celles qui sont issues de graines ordinaires de ces mmesvarits semes au printemps en mme temps qu'elles, se comportent comme des formes de printemps et nonpas d'hiver. Par consquent, dans nos expriences, le problme de l'hivernalit et de la printanit des plantes, demme que celui de la prcocit ou de la tardivet des varits, dcoulait du problme de la dure de la priodevgtative.

  • 12

    Le rsultat de ces recherches a t expos au Congrs de Gntique de l'U.R.S.S. qui s'est tenu Lningrad(janvier 1929).

    Tableau 2

    Date de l'piage ; retard (+), acclration (), exprims enjours de l'piage des froments de Finlande par rapport ceuxde l'Inde sur les lieux d'ensemencementPays

    d'origine Varit

    Numro sous lequel elle figure dansle catalogue de l'Institut pour l'Etudede la Culture des Plantes del'U.R.S.S.

    Gandja Odessa Khibiny

    FinlandeInde

    FinlandeInde

    FinlandeInde

    FinlandeInde

    FinlandeInde

    FinlandeInde

    FinlandeInde

    FinlandeInde

    FinlandeInde

    FinlandeInde

    ferrugineumturcicum

    ferrugineumerythroleucon

    erythrospermumerythroleucon

    erythrospermumgraecum

    lutescensgraecum

    milturumalborubrum

    erythrospermumturcicum

    lutescenserythroleucon

    lutescensanglicum

    erythrospermumerythroleucon

    551224406

    1331326586

    569426598

    538225715

    569625715

    2570223731

    569424406

    569326598

    569623842

    570226586

    21/V7/V

    + 1423/V

    4/V+ 1918/V

    4/V+ 1416/V

    4/V+ 1221/V

    4/V+ 1723/V

    4/V+ 1918/V

    7/V+ 1121/V

    4/V+ 1721/V

    4/V+ 1721/V

    4/V+ 17

    24/VI19/VI

    + 525/VI20/VI

    + 521/VI18/VI

    + 327/VI16/VI+ 11

    21/VI16/VI

    +525/VI17/VI

    + 821/VI19/VI

    + 223/VI18/VI

    + 521/VI17/VI

    + 424/VI20/VI

    + 4

    18/VII21/VII

    320/VII19/VII

    + 116/VII21/VII

    519/VII16/VII

    + 316/VII16/VII

    021/VII18/VII

    + 316/VII21/VII

    518/VII21/VII

    316/VII19/VII

    319/VII19/VII

    0

    La communication relative nos recherches sur les causes de la non-piaison des plantes d'hiver semes auprintemps, et au rapport qui existe entre cette question et celle de la dure de la priode vgtative, n'apporta riende prcis ni de nouveau dans l'esprit des membres du congrs.

    Comme nous avons dit, on avait dj donn pas mal de raisons de la non piaison des plantes d'hiver semes auprintemps ; dans le meilleur des cas, notre communication n'tait qu'une explication, aprs tant d'autres, propose la science.

    Il tait bien difficile nos auditeurs de dcider laquelle de ces explications tait la bonne.

    L'une des principales objections qu'on faisait nos thses, c'est que les conclusions auxquelles nous tionsparvenus dans une station de slection d'Azerbadjan auraient pu tre toutes diffrentes en d'autres contres, demme que dans les expriences du professeur Maximov la mthode de la germination froid ne s'taitmontre efficace (en ce qui concerne l'piaison) que si l'ensemencement avait lieu certaines poques.

    Nous poursuivmes nos travaux dans ce domaine au cours du printemps et de l't de 1929 la station deslection d'Azerbadjan sur une base suffisamment large, en reliant cette question celle plus gnrale de ladure de la priode vgtative chez les plantes cultives.

    Durant l't de cette mme anne 1929, la presse (les journaux) sovitique annona qu'en Ukraine, du bl d'hiversem au printemps dans des conditions d'exploitation normales, avait pi entirement et simultanment. [Cesemis n'a pas t fait par hasard. Il fut excut ma demande par mon pre D. Lyssenko dans son exploitation.]

  • 13

    Tableau 3

    BLES D'HIVER VERNALISES SEMES AU PRINTEMPS 1930 (ODESSA)

    Numro d'ordre Nom de la varitNombre de jours de

    vernalisation ncessaires,temprature de 0 + 1C *

    123456789

    101112131415161718

    Bl d'hiver 808 (1/26) de la station de VerkhniatchkaNovokrymka 0204KoopratorkaErythrospermum 917 de la station de KharkovOukrankaStepniatchka 0464Hostianum 237Lutescens 329 de la station de SaratovLutescens 1060/10Drabl de la station IvanovskaaBl d'hiver 037 de la station de Blaa Tserkov Minkhardi N 15 U.I.S.N 14 U.I.S.Arist blanc 040Bl d'hiver 564/115 (1/26) de la station de VerkhniatchkaN2 U.I.S.Bl d'hiver Erythrospermum 132/5 de la station de Gandja

    163636364141464646464646525252535757

    * A Odessa, le printemps de 1930 a t frais et prolong. Quand le printemps est plus chaud et plus court, ilconvient de vernaliser avant l'ensemencement les graines de chaque varit 5 jours de plus qu'il n'est indiqudans ce tableau.

    Ce semis effectu dans des conditions de culture normales a confirm les conclusions essentielles de nosrecherches, qui ont ainsi acquis droit de cit. L'opinion, en U.R.S.S., a pris parti pour l'interprtation que nousdonnions de la dure de la priode vgtative chez les plantes. Le Commissariat du peuple de l'Agriculture adcid qu'un laboratoire spcial, puis une section pour l'tude de ce problme seraient crs l'Institut deGntique et de Slection d'Ukraine (Odessa). De plus, des centaines de kolkhoziens exprimentateurs et detravailleurs des sovkhoz nous ont aids, en 1930, vrifier et dvelopper l'ide, formule par nous, qu'il estpossible de rgler la dure de la priode vgtative des plantes cultives. Sans cela, non seulement les recherchesseraient restes confines dans les murs de notre laboratoire, n'auraient pas t transfres dans les champs, maisl'laboration mme de la thorie relative ce problme n'aurait pas enregistr les rsultats qu'elle compteaujourd'hui son actif.

    En 1935, plus de 40.000 kolkhoz et sovkhoz ont, titre d'essai, ensemenc dans les conditions de la culture vraie2.100.000 hectares de crales de printemps en recourant des graines vernalises. La pratique a montr que lesexpriences sur la vernalisation effectues dans les kolkhoz et les sovkhoz, si elles sont coordonnes avec lestravaux d'un tablissement de recherches, fournissent des rsultats thoriques et pratiques qu'il serait vaind'attendre des seuls tablissements de recherches.

    Les expriences ralises en 1930 dans les kolkhoz et les sovkhoz ont prouv qu'on peut obliger toutes lesvarits d'hiver de froment, de seigle, de colza, de vesce, etc., semes au printemps, fructifier dans desconditions d'exploitation normales, mais encore que ces semis donnent souvent d'assez belles rcoltes. Au coursdes expriences portant sur les bls d'hiver sems au printemps de 1930 dans l'ex-circonscription de Marioupol,l'Oukranka a donn la commune Ilitch 29,5 quintaux sur 1,1 ha (27,3 quintaux l'hectare) ; l'artel BatrakOukrany, 32,6 quintaux sur 1,5 ha (21,4 quintaux l'hectare) ; la commune Pervo Maa, 6,9 quintaux sur-0,4 ha (17,2 quintaux l'hectare) ; dans l'ex-circonscription de Stalino, au sovkhoz Oktiabrskaa Rvolutsia, 13,3quintaux l'hectare. On pourrait encore citer maints exemples tirs des kolkhoz et des sovkhoz qui, au printempsde 1930, ont sem titre d'essai des bls d'hiver et obtenu de bonnes rcoltes. Mais il importe de bien soulignerque tous ces exemples ne signifient pas qu'en semant dans une rgion une varit quelconque de bl d'hiververnalis, on obtiendra de bonnes rcoltes. Une varit d'hiver, prise au hasard, ne donnera pas ncessairementune bonne rcolte dans n'importe quelle rgion. La rcolte dpendra de la varit choisie pour tre vernalise,aussi bien que des conditions dans lesquelles cette varit est cultive.

  • 14

    Fig. 4. Ferrugineum 138811. Sem le 15 avril Gandja ; la vernalisation pralable dure 51 jours, aprs quoile froment forme des pis.

    Fig. 5. Vesce d'hiver seme au printemps Gandja. Les plantes vernalises ont donn des fleurs ; les plantesnon vernalises n'ont pas commenc fleurir.

    En rapportant les exemples ci-dessus de rcoltes de bl d'hiver Oukranka vernalis et sem au printemps, noustenons uniquement souligner que la science sovitique a lucid sur les champs des kolkhoz et des sovkhoz,c'est--dire dans des conditions pratiques, les causes pour lesquelles les bls d'hiver sems au printemps neformaient pas d'pis, question de principe trs importante au point de vue scientifique. En procdant lavernalisation des semences dans les conditions de la culture vraie, on a mis au point une technique du traitementde ces semences permettant de transformer les varits d'hiver en varits de printemps. Cette technique, on peutdj l'appliquer des fins pratiques. La mthode de vernalisation des plantes d'hiver, applique pour la premirefois (par D. Lyssenko) en 1929 (les graines juste germes taient recueillies dans des sacs et enfouies sous laneige) et propose en 1930, a t depuis fortement modifie. Aujourd'hui, la vernalisation des semences s'oprenon plus dans des sacs ni sous la neige, mais dans de simples remises, des greniers, sous un auvent. (Voir plusbas, un bref expos de la technique de la vernalisation.)

    Paralllement l'laboration des mthodes et de la technique de la vernalisation des plantes d'hiver, on a mis aupoint une technique de la vernalisation des crales de printemps.

    Grce aux nombreuses expriences effectues dans les sovkhoz et les kolkhoz, on a pu non seulement laborerune technique de la vernalisation des bls d'hiver et de printemps, mais encore faire progresser considrablementla thorie du rglage de la dure de la priode vgtative chez les diffrentes plantes cultives.

    Beaucoup n'ignorent plus aujourd'hui qu'on peut vernaliser les varits d'hiver, mais aussi les varits deprintemps du seigle, du froment, de l'orge, de la vesce, du colza et d'autres plantes cultives. De plus, on peutvernaliser des plantes comme le millet, le cotonnier et plusieurs autres qu'on n'a jamais considres dans lapratique comme des plantes d'hiver. Aprs un traitement appropri des semences (vernalisation), on peut obtenirnombre de plantes dites de climat froid en les semant par un printemps chaud, et cultiver des plantesthermophiles dans des rgions o les hautes tempratures leur font dfaut ; on peut faire pousser des plantes dejour court dans les conditions de jour long. Tout cela n'est devenu possible que grce l'initiative cratrice deskolkhoziens exprimentateurs, jointe aux travaux d'un tablissement de recherches charg de l'tude dudveloppement de l'organisme vgtal (de l'ensemencement des graines la maturation des nouvelles graines).

    Nos recherches sur la vernalisation des plantes cultives n'ont donc pas commenc en 1929 (anne o le motvernalisation est apparu). Elles se rattachent directement nos travaux antrieurs (1926-1927) en vue detransformer, dans les conditions de plein champ, les varits tardives de diffrentes plantes en varits prcoces.

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    L'ensemencement en plein champ d'Oukranka vernalis par D. Lyssenko en 1929 a apport une confirmationprcieuse aux travaux excuts par nous depuis trois ans la station de slection d'Azerbadjan pour l'tude duproblme de la dure de la priode vgtative.

    Nous exposerons prsent, dans leurs grandes lignes, les principaux facteurs gnraux du dveloppement desplantes annuelles de semence, tel que nous nous le reprsentons actuellement.

    LE DEVELOPPEMENT ET LA CROISSANCE D'UNE PLANTE DE SEMENCE NE SONT PAS DESPHENOMENES IDENTIQUES

    On considre souvent, quand on parle d'une plante, les mots croissance et dveloppement comme dessynonymes, des termes dsignant un seul et mme phnomne dans la vie de la plante. Or, les observationsrelatives la vie des plantes montrent que la croissance et le dveloppement d'une plante ne sont pas une seule etmme chose, mais constituent des aspects distincts de la vie de la plante.

    Les plantes de seigle ou de froment qui ont pouss au bord de la route et proviennent de grains tombs l parhasard, peuvent avoir atteint leur maturit, c'est--dire avoir compltement parcouru le cycle de leur dve-loppement, tout comme les plantes de la mme varit qui ont pouss dans un champ bien cultiv, bien travaill.Mais la taille et la vigueur de ces plantes, le montant et la qualit de la rcolte peuvent tre trs diffrents. Ilarrive que la taille des premires de ces plantes ne dpasse pas 10-15 cm; leur pi nain ne contiendra qu'une oudeux graines rabougries ; la maturit de ces graines atteste que le dveloppement le cycle vital ordinaire des plantes est termin. Sur le champ bien cultiv, la taille des plantes de la mme varit peut atteindre 200 cmet plus, au lieu de 10-12 cm. Les graines, dans l'pi, seront au nombre de 60-80, et non pas de 1 ou 2. La durede la vie des plantes peut tre la mme dans les deux cas.

    Fig. 6. Sainfoins sems Gandja au printemps 1929. A gauche, sainfoin issu de graines ordinaires ; n'a pasdonn de fleurs. A droite, sainfoin provenant de graines vernalises ; a fleuri normalement.

    Il est assez facile, dans un milieu exprimental, d'obtenir dans certaines conditions des plantes parvenues maturit qui sont cent fois infrieures par la taille et par le poids (c'est--dire par la vigueur) des plantes de lamme varit qui se sont dveloppes durant la mme priode, mais dans d'autres conditions. Par consquent, auterme du dveloppement des plantes, la taille, la grandeur et la vigueur de ces plantes (d'une mme varit), ainsique le montant et la qualit de la rcolte, peuvent prsenter des diffrences considrables.

    Par dveloppement d'une plante de semence, nous dsignons le cycle des transformations qualitatives de lasubstance cellulaire, le cycle des processus de formation des organes, que la plante parcourt ncessairementdepuis la mise en terre de la graine jusqu' la maturation de nouvelles graines. On observe que telle ou telle plan-te, place dans certaines conditions, est incapable de donner des semences mres ou mme de former les organesde la fructification. En l'occurrence, cela peut tre d au fait que tel ou tel organe de la plante ne s'est pas dve-lopp, ou bien que la substance de ses cellules n'a pas acquis une qualit sans laquelle la plante ne peut, dans sondveloppement, arriver former tels ou tels organes et, par suite, des graines.

    Par croissance de la plante, nous dsignons dans nos travaux ce qu'on entend d'ordinaire par ce mot dans lapratique, c'est--dire l'augmentation du poids et du volume de la plante, abstraction faite des phnomnes mor-phologiques. Par croissance, nous dsignons l'augmentation de la masse de la plante, sans nous proccuper dudveloppement des organes ou des caractres qui a entran cette augmentation de la masse de la plante. Lacroissance est l'une des proprits du dveloppement de la plante. Cette proprit peut tre plus ou moinsaccuse suivant la nature de la plante, les conditions du milieu ambiant, et aussi le stade de dveloppement de laplante.

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    Fig. 7. Mas (Morelos tepoxtean). Sem Odessa en 1931. Les plantes n'ont pu passer par le photostade (lejour tant trop long pour elles Odessa). Les pieds ont atteint 3m de haut, mais n'avaient pas les organesmme embryonnaires de la fructification.

    Dans l'exprimentation, mais aussi dans la pratique, on peut observer :

    a) une croissance rapide de la plante (augmentation de la masse) et son dveloppement lent, la plantes'acheminant avec lenteur vers le point final : la formation des graines ; b) une croissance lente de la plante et sondveloppement acclr ; c) une croissance et un dveloppement rapides de la plante ; d) une croissance et undveloppement lents.

    En d'autres termes, la rapidit du dveloppement d'une plante, c'est--dire le rythme du dveloppement de laplante toute entire, de la semence aux nouvelles graines, de mme que le rythme du dveloppement desdiffrents organes de la plante, ne dpend pas uniquement de la rapidit avec laquelle se produit l'augmentationde la masse de cette plante. La rapidit du dveloppement, ainsi que celle de la croissance de la plante, unstade dtermin de son dveloppement, sont sous la dpendance troite des conditions du milieu ambiant.Souvent, les complexes de conditions extrieures ncessaires au dveloppement tant de la plante toute entireque de ses diffrents organes, ainsi qu' la croissance de la plante, c'est--dire l'augmentation de sa masse par ledveloppement de ses diffrents organes et parties, sont loin de concider. Et cela, non seulement en ce quiconcerne le dosage des facteurs indispensables la croissance, d'une part, et au dveloppement, de l'autre ; pourde nombreuses plantes, il n'y a pas non plus concidence des facteurs qui entrent dans les complexesdveloppement et croissance. Dans un milieu extrieur appropri, les plantes peuvent grandir, augmenter enpoids et en volume pendant une dure indtermine, tout en restant au mme stade de dveloppement, sanspasser au stade suivant. Ainsi, les crales d'hiver et autres plantes d'hiver semes au printemps, quand elles ontcommenc se dvelopper, croissent sans arrt, accumulent (dveloppent) une masse feuille, mais ne fructifientpas mme en automne. En l'occurrence, les plantes restent au stade initial de leur dveloppement et ne passentpas au stade suivant en raison de l'absence de modifications vernalisatrices, due la temprature trop leve duprintemps et de l't. Nombre de varits de millet, de soja et d'autres plantes de jour court , cultives dans unclairement continu et dans des conditions de temprature favorables (20-25), ne peuvent cependant pasfructifier par suite du manque d'obscurit (dure de la nuit), ce qui contrarie les processus d'un des stades dudveloppement de ces plantes (photostade). Mais celles-ci n'en poursuivent pas moins leur croissance. Dans lapratique, on observe assez souvent que les conditions de plein champ, dans telle ou telle rgion, necorrespondent pas aux besoins du cycle de dveloppement complet des plantes (de la semence la semence). Ledveloppement des plantes de semence s'interrompt alors au seuil du stade pour lequel les conditions externesfont dfaut, bien que leur croissance puisse se poursuivre. Les plantes dont le dveloppement a t interrompu nedonneront pas de graines tant qu'elles n'auront pas trouv les conditions ncessaires pour poursuivre leurdveloppement. De l vient que nombre de plantes peuvent pousser dans les conditions climatiques de telle outelle rgion, mais non fructifier. D'ordinaire, les exploitations de la rgion s'abstiennent de les semer.

    Fig. 9. Pelletage d'un tas de froment en train de se vernaliser.

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    Dans telle ou telle rgion, diffrents facteurs ncessaires au dveloppement de certaines plantes peuvent fairedfaut : tempratures plus ou moins basses ou leves, dure adquate du jour ou de la nuit au printemps et ent, etc.

    Nous avons dj signal que les plantes d'hiver semes au printemps ne fructifient pas parce qu'il leur faut, pourune priode dtermine de leur dveloppement (le stade de la vernalisation) des tempratures infrieures + 10.Pour elles, la temprature optima variera de + 3 0 pendant un temps assez long (qui dpend de la varit). Lesplantes d'hiver semes dans un champ en automne bnficient de basses tempratures pendant tout le temps dontchaque varit a besoin. Aprs que les plantes d'hiver se seront dveloppes pendant un certain temps de bassestempratures, c'est--dire aprs qu'elles auront pass par le stade de dveloppement qui requiert de bassestempratures, celles-ci ne seront plus ncessaires leur dveloppement ultrieur.

    De nombreuses varits de cotonnier poussent dans le sud de la R.S.S. d'Ukraine, mais leur fructification estretarde, car il leur faut, pour se dvelopper, des tempratures suffisamment leves au printemps et au dbut del't. Si les cotonniers ne se trouvent soumis, pendant un temps dtermin, aux tempratures relativement leves(20-30) que rclame leur dveloppement, ils ne pourront fructifier. Par contre, si la temprature est maintenuesuffisamment haute pendant un certain temps, le cotonnier pourra former des boutons et fructifier, mme si par lasuite la temprature a baiss (15-20).

    Fig. 8. Cotonnier. Les plantes ont pouss dans des conditions diffrentes. Celles du pot de droite ont eu unecroissance lente mais se sont dveloppes rapidement en donnant des fleurs et des capsules. Celles du potcentral ont grandi et se sont dveloppes rapidement en donnant des rieurs et des capsules. Celles du pot degauche ont eu une croissance rapide mais se sont dveloppes lentement ; elles ne sont pas encore en tat deformer des boutons et des fleurs.

    Connaissant les conditions ncessaires au dveloppement rapide ou lent d'une plante, ainsi que celles d'unecroissance rapide ou lente, on peut obliger cette plante se dvelopper de faon plus ou moins rapide tout enralentissant ou en stimulant plus ou moins sa croissance.

    Ainsi donc : a) dveloppement et croissance d'une plante ne sont pas des notions identiques. La croissance estune des proprits du dveloppement ; le degr de croissance dpend des phases de dveloppement de la planteet des conditions du milieu extrieur ; b) les complexes de conditions extrieures ncessaires d'une part, audveloppement, et d'autre part, la croissance de la plante, ne concident pas chez nombre de plantes. La rapiditdu dveloppement de la plante ne dpend pas toujours de la rapidit de sa croissance.

    Telle a t l'une des prmisses thoriques de la mise au point d'une mthode permettant de vernaliser lessemences de toute une srie de plantes. Pratiquement, pour procder la vernalisation, on cre dans un milieuartificiel les conditions dans lesquelles les plantes (embryons dont la croissance vient juste de commencer)traversent un des stades de leur dveloppement (celui de la vernalisation), paralllement une croissance auralenti, presque indcelable l'il nu (germination des semences).

    Les mthodes et la technique de la vernalisation des bls d'hiver et d'autres plantes d'hiver, de mme que cellesde la vernalisation des bls de printemps sont dj suffisamment au point pour pouvoir tre appliques dans lessovkhoz et les kolkhoz aprs qu'on aura fait choix pour chaque rgion d'une varit approprie. En 1933, lavernalisation a dj t applique aux bls de printemps, dans les sovkhoz et les kolkhoz, sur une superficied'environ 200.000 ha. En 1934, plus de 500.000 ha ont t ensemencs avec des graines vernalises dans leskolkhoz et les sovkhoz de l'U.R.S.S. ; en 1935, 2.100.000 ha ; 4.900.000 ha le seront en 1936 (d'aprs les prvi-sions du plan).

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    Les mthodes et la technique de la vernalisation des plantes de climat chaud (cotonnier) ne sont pas aussiavances ; et, enfin, celles de la vernalisation des plantes de jour court , exception faite pour le millet, le sontmoins encore.

    Voici, brivement, quelle est la technique de la vernalisation des bls d'hiver et de printemps, applique dans leskolkhoz et les sovkhoz. [Pour la vernalisation en grand, consulter la brochure de T. Lyssenko :UUU, 1936, qui indique comment procder la vernalisation du froment, de lavoine et de lorge.]On verse en trois fois sur les graines rpandues en tas sur le sol une quantit d'eau gale 37% de leur poidspour les varits d'hiver, 33% pour les varits de printemps tardives, 31% pour les varits de printempsprcoces. Aprs qu'elles ont t humectes, les graines des varits de bl d'hiver sont maintenues unetemprature de 0 + 3 pendant une priode qui oscille entre 35 et 50 jours, suivant la varit. Les semences debls de printemps sont soumises, aprs l'humectation, une temprature de + 5 + 12 pendant 5 15 jours. Lenombre de jours et la temprature ncessaires la vernalisation des bls de printemps, dpendent de la varit dufroment. Qu'il s'agisse de bls d'hiver ou de printemps la vernalisation des semences s'effectue sous un toit, dansdes remises, des greniers ou autres lieux o l'on garde les graines. La temprature ncessaire est rgle parl'paisseur de la couche de grains, ainsi que par le pelletage de ces derniers.

    La vernalisation termine, si les conditions climatiques ne permettent pas encore d'ensemencer les champs(pluies, printemps tardif), ou s'il faut transporter les graines des distances considrables, on doit scher l'airlibre les semences vernalises. En rgle gnrale, il faut procder la vernalisation de faon qu'on puisse semerdans les champs aussitt que cette opration est termine, directement, sans avoir scher ni conserver lesgraines. Le schage et la conservation des semences aprs la vernalisation influent plus ou moins tant sur lafacult que sur la vigueur germinatives des graines. On doit procder la vernalisation des bls de printemps 2ou 3 jours au plus avant le dbut des travaux dans les champs. Pour vernaliser les varits d'hiver, il faut s'yprendre de 30 50 jours (suivant la varit) avant le dbut des travaux. Les graines vernalises peuvent trs bientre mises en terre l'aide de semoirs habituels, en recourant notamment la distribution par en dessus.

    Fig. 10. Tas de froment en train de se vernaliser.

    LES STADES DE DEVELOPPEMENT CHEZ LES PLANTES

    Les plantes ont besoin, pour se dvelopper, d'un complexe de facteurs comprenant, outre l'alimentation minrale,la temprature, la lumire, l'humidit, une certaine dure de l'clairement diurne ou de la nuit, etc. Si toutes cesconditions, ou mme une partie d'entre elles, ne conviennent pas la nature du dveloppement, des plantes,celles-ci ne pourront donner une bonne rcolte. C'est pourquoi on observe souvent que certaines plantes poussentassez bien, mais procdent tardivement la floraison et la fructification, ou mme ne fleurissent ni nefructifient.

    Les diffrentes plantes ont besoin, pour crotre et se dvelopper normalement, de conditions climatiquesdiffrentes. Celles qui sont indispensables aux crales d'hiver ne conviennent nullement des plantes qui ai-ment la chaleur, tel le cotonnier. Voil pourquoi on sme les bls d'hiver en automne, et le cotonnier, ainsi quebeaucoup d'autres plantes, au printemps, quand il fait chaud dans les champs. De plus, des plantes d'hiver commele seigle et le froment sont aussi cultives dans le Nord, alors que le cotonnier l'est seulement dans le Midi.

    La plupart des plantes rclament, au cours de leur vie, de l'ensemencement des graines la maturation denouvelles semences, des conditions externes diffrentes. Ainsi, des plantes comme nos bls de printemps, et plusencore nos bls d'hiver, demandent au dbut de leur dveloppement des tempratures plus basses qu'au terme dece dveloppement (lors de la maturation des semences). Si les bls d'hiver croissent tout le temps une temp-rature relativement leve (suprieure 10-12), de nombreuses varits de ces bls ne pourront fructifier. Ellesne fructifieront pas davantage si, partir de l'ensemencement, la temprature est constamment infrieure 10-12. Pour nos varits d'hiver, la temprature doit tre, au dbut de leur dveloppement, de 0 10 pendant unepriode dtermine (de 20 50 jours suivant la varit) ; il faut ensuite ces plantes une temprature plus levepour continuer se dvelopper (fig. 11 et 12).

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    Fig. 11. Dans les trois pots de gauche : froment Koopratorka ; dans les trois pots de droite : Hoslianum0237. Les plantes des pots de gauche des deux varits (nos 121 et 152) ont t tout le tempscultives une temprature de 2-8. Les plantes se sont vernalises, mais n'ont pas procd l'piage en raison de la temprature trop basse. Les plantes des pois du milieu (nos 118 et 150) des deuxvarits ont t tout le temps cultives une temprature de 8-15. Elles se sont vernaliseset ont procd l'piage. Les plantes des pots de droite (nos 116 et 148), cultives tout le temps unetemprature suprieure 15, n'ont pu se vernaliser et n'ont pas donn d'pis. Date d'ensemencement :14 dcembre. Hoslianum 0237 et Koopratorka ont pi le 25 mars. Toutes ces plantes ont tcultives un clairement continu.

    Fig. 12. Plantes de bls d'hiver Lutescens 0329 (dans les trois pots de gauche) et Oukratnka (dans les troispots de droite). La culture et le comportement de ces plantes sont analogues celles de la fig. 11.

    La premire priode peut s'couler indiffremment dans les conditions de jour long ou de jour court, pourvu quela temprature soit comprise entre 0 et 10 (bien entendu, s'il y a suffisamment d'air et d'humidit). La phasesuivante peut habituellement se drouler une temprature plus leve (suprieure 5-10), et uniquement dansdes conditions de jour long ; quand la journe est courte, les plantes de la plupart des varits de froment, d'orge,de seigle, etc., interrompent leur dveloppement, c'est--dire le cycle des transformations qualitatives quiaboutissent la formation (au dveloppement) chez la plante des organes de la fructification.

    Le cotonnier demande beaucoup plus de chaleur au dbut de son dveloppement qu' la fin, quand les capsulesachvent de mrir. La succession des exigences prsentes au milieu extrieur par la plante qui se dveloppeindique que le dveloppement de la plante de semence annuelle, de la germination de la graine la maturationdes nouvelles graines, passe par des tats dissemblables, prsente des diffrences qualitatives. Le dve-loppement de la plante se compose de phases, de stades qui diffrent qualitativement. Pour parcourir les diversstades de leur dveloppement, les plantes ont besoin de conditions externes (nourriture, clairement, temprature,etc.) diffrentes. Les stades sont des phases dtermines, ncessaires dans le dveloppement de la plante, sur labase desquelles se dveloppent toutes ces formes particulires que sont les organes et les caractres. Tels ou telsorganes et caractres ne peuvent se dvelopper qu' certains stades. Diffrents organes et caractres de la plantepeuvent se former sur la base d'un stade dtermin, mais pas tous ceux que nous lui connaissons, loin de l.

    Les modifications morphologiques qu'on observe chez une plante ne rsultent pas toujours du passage de cetteplante un stade nouveau de son dveloppement. Ces modifications peuvent aussi se produire jusqu' un certainpoint sur la base d'un stade plus ancien. Quand elles passent J un stade nouveau, les plantes peuvent ne pas

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    subir d'emble des modifications morphologiques externes, visibles l'il nu. C'est seulement par la suite quepeuvent se dvelopper, sur la base de ce nouveau stade, les organes et les caractres qui lui correspondent.

    Ainsi donc, par stades de dveloppement nous dsignons non pas la formation (le dveloppement) des diffrentsorganes et parties de la plante telles que feuilles, tiges, etc., mais les phases et les moments qui marquent unebrusque modification qualitative (s'oprant aux points vgtatifs de la tige) dans le dveloppement des plantes,phases et moments sans lesquels est impossible un dveloppement normal aboutissant, par la formation dediffrents organes et caractres, la fructification. C'est sur la base de ces modifications qualitatives (ou plutt partir d'elles), autrement dit des stades, que se dveloppent les diffrentes parties et les diffrents organes desplantes, leurs proprits et leurs qualits. Certains rsultent d'un seul stade de dveloppement ; d'autres sontpropres plusieurs, et mme tous les stades.

    Nous n'avons encore pu mettre en vidence, dans le cycle du dveloppement d'une plante de semence annuelle,que les deux premiers stades, que deux phases de dveloppement qualitativement diffrentes.

    Un des premiers stades, dit stade de la vernalisation, peut commencer ds que l'embryon de la semence s'est mis crotre, et ds qu'existent les conditions de milieu extrieur ncessaires son droulement (corrlation desfacteurs temprature, air et humidit l'intrieur d'une marge de variabilit assez prcise). A dfaut de cesconditions, la plante ne passera pas par le stade de la vernalisation, bien que sa croissance, l'augmentation de sonpoids et de son volume puissent s'effectuer normalement. La plante qui n'a point pass par le stade de lavernalisation ne pourra poursuivre son dveloppement (celui qui doit la conduire la formation de graines) ; parsuite, les organes correspondants et leurs caractres ne pourront se dvelopper, et il n'y aura pas fructification.

    Les modifications qui s'oprent dans l'embryon lors de la vernalisation des semences ne sont pas quelque chosede spcifique, qui ne peut se produire chez la plante que quand cette plante, par son aspect extrieur, rappelleencore la semence. Ou plutt, comme nous le verrons par la suite, elles sont spcifiques, mais elles ne sont pasl'apanage de l'embryon qui commence germer. Elles ont ceci de spcifique que sans elles les plantes d'hiver et, croyons-nous, les autres plantes de semence ne sauraient fructifier. Les transformations qui se produisentdans l'embryon des semences au moment de la vernalisation ne peuvent s'oprer que dans des conditionsappropries de milieu extrieur. Si ces conditions font dfaut, les processus de vernalisation n'auront pas lieudans les semences. Les plantes d'hiver issues de ces semences ne fructifieront pas si elles sont semes auprintemps.

    Fig. 13. Froment d'hiver Oukranka sem au printemps : gauche, les graines n'ont pas t vernalises ; droite, les graines ont t vernalises. Les plantes de la premire touffe n'ont pu passer le stade de la ver-nalisation et n'ont pas donn d'pis.

    Les varits d'hiver semes en automne sans avoir t vernalises au pralable procdent, aprs avoir hivern, l'piaison au dbut de l't et fructifient. Il est bien vident qu'en automne, surtout lorsqu'on a sem de bonneheure, les plantes d'hiver ne peuvent se vernaliser avant l'apparition des pousses ni, par la suite, durant unepriode encore assez longue, car la temprature dans les champs est alors suprieure 10. Or, les plantessemes en automne fructifient aprs avoir pass l'hiver. C'est donc que la vernalisation des plantes d'hiver avantl'ensemencement ne s'impose que si elles sont semes au printemps. Alors que les plantes semes en automnefructifient aprs avoir pass l'hiver sans qu'il soit besoin d'une vernalisation pralable.

    Les plantes d'hiver semes en automne peuvent-elles fructifier sans avoir subi les modifications qualitatives quis'oprent au moment de la vernalisation pralable dans les embryons en train de germer ? Une exprience

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    effectue cet effet montre que les plantes d'hiver, qu'elles aient t semes au printemps ou en automne, nepeuvent fructifier sans tre passes par les processus de la vernalisation.

    Dans nos rgions, toutes les varits d'hiver de plantes comme le seigle, le froment, l'orge, le colza, etc., si ellessont semes au printemps, donnent des leves drues, dveloppent beaucoup de feuilles au printemps et en t ;mais d'ordinaire, elles ne forment pas d'organes de la fructification tiges et pis jusqu' la fin de la priodevgtative dans les champs (sauf aux annes o le printemps a t froid et prolong).

    De nombreuses expriences attestent que des plantes comme le chou ou la betterave et autres plantes-racines,transplantes de pleine terre en serre chaude au dbut de l'automne, puis de nouveau en pleine terre au printemps,continuent de pousser (dveloppent de nouvelles feuilles, des racines comestibles), mais ne peuvent procder lafructification. Ces mmes plantes, si elles ont pass l'hiver non pas en serre, mais dans des caves ou des piceso la temprature tait infrieure celle d'une serre, fructifient normalement quand elles ont t semes auprintemps.

    Ces faits prouvent que les plantes d'hiver ne peuvent fructifier si elles j n'ont subi les transformations qui seproduisent, lors de la vernalisation des semences, dans les embryons des graines qui commencent germer. Lafructification n'a lieu ni chez ces plantes semes au printemps, ni chez les bls et beaucoup d'autres plantesd'hiver semes en automne si, aprs l'ensemencement, ces plantes poussent des tempratures leves (15-20).

    Une srie d'expriences nous a prouv que les modifications survenues au moment de la vernalisation desgraines (semences) sont identiques aux modifications qui se produisent dans les plantes vertes. Nous avons cons-tat que pour obliger le froment, le seigle, l'orge ou toute autre culture d'hiver fructifier au printemps ou en t,il faut soumettre ces plantes pendant un certain temps (qui dpend de la varit) une basse temprature (de 0 +10, et mieux encore de 0 +2). Aprs quoi, elles peuvent fructifier des tempratures plus leves, c'est--dire dans les conditions du printemps et de l't, la dure du stade de la vernalisation ne dpendant ni de la tailleni de l'ge des plantes exprimentes. La rapidit avec laquelle se droulent les processus de la vernalisation nedpend que de la varit (gnotype) et des conditions du milieu ambiant. Dans nos expriences, des embryons debl d'hiver Koopratorka, dont le dveloppement venait juste de commencer et qui n'avaient pas encore perc letgument, et des plantes de cette mme varit ges de 3 4 mois, dj fortement talles, mais n'ayant pointsubi les processus de la vernalisation (ces plantes avaient t cultives en serre chaude), ont eu besoin pourpasser par le stade de la vernalisation de conditions extrieures et d'un laps de temps identiques. Le temps n-cessaire la plante pour parcourir le stade de la vernalisation peut changer si les conditions extrieures viennent se modifier, et il changera dans la mme mesure pour la plante-embryon et pour le pied tall. Au point de vuepratique, cette constatation est essentielle pour la vernalisation des plantes cultives : les plantes peuvent passerpar le stade de la vernalisation, sans lequel les crales ne sauraient fructifier, non seulement en plein champ, l'tat vert, mais aussi l'tat de semences qui commencent juste germer.

    Fig. 14. Hybride de chiendent et de froment. Les plantes du pot de gauche ont t cultives un clairementcontinu. Elles ont, en 30 jours, termin leur photostade et donn des pis. Les plantes du pot de droite,cultives pendant deux ans un clairement quotidien de 10 heures, n'ont pu passer leur photostade ni, parsuite, donner d'pis.

    Il a t tabli exprimentalement que si les semences ont gonfl sans que les embryons aient commenc sedvelopper, les processus de vernalisation ne peuvent se produire. Il faut obliger l'embryon commencer sondveloppement, mme si peu qu'il ne percera pas encore le tgument. Aprs quoi, les processus de vernalisationpeuvent se drouler dans les mmes conditions extrieures et avec la mme rapidit que chez la plante verte.

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    Nous avons donc tout lieu de supposer que les graines dont les embryons se sont mis grandir cessent d'tre dessemences pour devenir des plantes aussi aptes que la plante verte passer par le stade de la vernalisation. Le faitque les plantes peuvent passer par le stade de la vernalisation 1 l'tat d'embryons, et 2 indpendamment durythme de croissance de la plante, permet d'appliquer pratiquement le procd de la vernalisation. Ce tait, nousl'avons vrifi exprimentalement sur le bl et d'autres plantes d'hiver, aussi bien en laboratoire que dans leskolkhoz et les sovkhoz. Les expriences effectues sur le cotonnier ont montr que l encore, une des priodesprparatoires la fructification le stade de la vernalisation peut se drouler non seulement chez la planteverte, mais aussi chez une plante dont l'aspect extrieur est encore celui d'une semence. Nous avons citl'exemple du cotonnier uniquement pour montrer que si le stade de la vernalisation est une phase ncessaire dudveloppement des plantes d'hiver (froment, trfle, sainfoin et autres) et des crales de printemps que dj onvernalise pour les semis d'essai et dans les exploitations, il existe aussi chez des plantes de climat chaud, tel lecotonnier.

    Les plantes qui n'ont point pass par le stade de la vernalisation (modifications qualitatives spcifiques) nepeuvent fructifier par la suite. Elles peuvent parcourir le stade de la vernalisation lorsque leur aspect est encorecelui de semences ; autrement dit, les modifications caractristiques du stade de la vernalisation peuvents'effectuer dans les embryons dont la croissance a tout juste commenc, qui n'ont pas perc ou viennent de percerle tgument. Si, par suite de l'absence des conditions ncessaires, les plantes n'ont point pass par le stade de lavernalisation l'tat d'embryons dont la croissance a juste commenc, elles peuvent le faire lorsqu'elles sont djvertes quand les conditions requises se trouvent runies. Elles peuvent entre temps continuer crotre plus oumoins rapidement, c'est--dire augmenter leur masse ( dvelopper des feuilles, des racines, des rosettes).

    La vernalisation pralable de telle ou telle plante, c'est donc une action rciproque de l'organisme vgtal (desembryons des semences passs l'tat de vie active) et des conditions du milieu extrieur qui conviennent cetteplante. Cette action rciproque dtermine dans les embryons des semences les modifications qualitatives sanslesquelles la plante ne peut poursuivre son dveloppement jusqu' la formation et la maturation des graines. Chezcertaines plantes, ces modifications ne peuvent s'oprer dans les conditions de plein champ de telle ou tellergion, ou s'oprent trop lentement, selon que les conditions du milieu ambiant se prtent plus ou moins lavernalisation de cette varit. Si les plantes n'ont point pass du tout par le stade de la vernalisation, elles secomporteront comme des plantes d'hiver (et par suite ne fructifieront pas). Si le droulement du stade de lavernalisation s'opre lentement, les plantes seront tardives.

    La technique de la vernalisation pralable des bls d'hiver et de printemps a t expose plus haut titred'exemple. Soulignons seulement que lorsqu'on vernalise diffrentes varits et espces de plantes, il faut assurer chacune les conditions de milieu extrieur qui conviennent sa nature. Les conditions ncessaires au passagede telle ou telle plante par tous les processus de la vernalisation seront celles qu'elle exige pour passer par cesmmes processus quand elle est l'tat vert, dans les champs ou en serre chaude. C'est pourquoi si l'on veutassurer telle ou telle plante le complexe des facteurs indispensables sa vernalisation, il importe avant toutde connatre les conditions de milieu extrieur dont cette plante a besoin au cours de son dveloppement afin depasser par le stade de la vernalisation.

    Au dbut, quand on met au point des mthodes pour la vernalisation pralable de telle ou telle plante, force estbien de prendre comme point de dpart les conditions du milieu extrieur dans lesquelles cette plante estgnralement cultive. Mais on ne doit pas oublier que si cette plante fructifie (est donc passe par le stade de lavernalisation) dans des conditions dtermines de milieu extrieur, naturelles ou artificielles, cela ne veut pasencore dire que ce milieu soit le meilleur et le seul o le stade de la vernalisation puisse s'accomplir. Il n'est pasncessaire de reconstituer intgralement ce milieu pour vernaliser les semences. Le milieu extrieur dans lequelse dveloppe la plante considre, et les conditions ncessaires la plante pour parcourir le cycle entier de sondveloppement aussi bien que les diffrents stades de ce dveloppement, sont loin d'tre identiques. Ainsi, lemilieu extrieur o les plantes passent, dans les champs, par le stade de la vernalisation, comprend, outre lecomplexe des conditions ncessaires pour que les plantes parcourent cette phase de dveloppement, bien d'autresfacteurs nullement indispensables. De plus, la corrlation des facteurs indispensables pour que ces plantespuissent passer dans les champs par le stade de la vernalisation, est loin d'tre toujours la corrlation optima. Onarrive souvent crer artificiellement une corrlation beaucoup meilleure. C'est pourquoi le milieu extrieurnaturel o une plante passe par le stade de la vernalisation, ne doit tre pour le chercheur qu'un point de dpart. Ilfaut tablir exprimentalement, par l'analyse, quelles sont les conditions de ce milieu extrieur rellementncessaires pour que la plante puisse passer par le stade de la vernalisation.

    Le besoin que les plantes ont de telles ou telles conditions extrieures pour parcourir aussi bien les diffrentsstades du dveloppement que le cycle tout entier de ce dveloppement, de la semence la semence, estdtermin par la nature (le gnotype) de cette plante. Pour passer par le stade de la vernalisation, les diffrentesvarits de froment ont besoin de tempratures diffrentes. Si l'on divise les varits de froments existantes enbls d'hiver, bls alternatifs et bls de printemps, on constatera que pour passer par le stade de la vernalisation,

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    les varits d'hiver ont besoin, toutes autres conditions acquises, d'une temprature comprise entre 2 et +10 ;les bls alternatifs, de +3 +15 ; les bls de printemps de +5 +20 et plus. Dans chacun de ces groupes, lesconditions de temprature exiges pour le passage du stade de la vernalisation diffrent de faon assez sensibleselon les varits ; les amplitudes de temprature signales plus haut sont des moyennes (c'est--dire qu'elless'appliquent la plupart des varits de chaque groupe, mais non toutes), et si nous les avons mentionnes, c'estuniquement afin de montrer que pour passer par un seul et mme stade de dveloppement, les diverses varitsde froment ont besoin d'un dosage diffrenci de certains facteurs.

    Nous avons dj indiqu qu'on ne saurait diviser toutes les varits existantes tant de froment que d'autresplantes (comme cela se pratique ordinairement dans la