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CONSERVATOIRE DE LAUSANNE NUANCES Certains prétendent que ce sont les étudiants et leur niveau au sortir des études qui sont la carte de visite d’un conservatoire. D’autres, les professeurs et leur aura internationale. La vérité se situe sans doute à mi-chemin. Nous avions donné carte blanche voici deux ans aux étudiants de la maison pour qu’ils nous présentent leur Conservatoire. Aujourd’hui, c’est aux professeurs que nous avons tendu notre micro. En leur demandant, en cette nouvelle année charnière marquée par l’accrédita- tion des masters – nous en reparlerons… – de nous dessiner sans complaisance les contours de l’insti- tution telle qu’ils la vivent au jour le jour et telle qu’ils souhaiteraient qu’elle se développe à l’avenir. Parmi tant de riches individualités, le choix s’est naturelle- ment avéré cornélien… et d’une subjectivité totale ! Disons que nous avons tenté de varier au mieux les instruments, les âges, les sections et les sites, afin de capter un maximum de sensibilités « représenta- tives » du corps enseignant dans sa globalité. Pour être tout à fait franc, j’ai choisi ce sommaire à un moment où je pensais encore que ce numéro de Nuances serait mon dernier en tant que direc- teur général: une façon d’interroger et de rendre hommage en même temps à ces hommes et à ses femmes qui ont fait ce Conservatoire avec moi pendant toutes ces années… de leur demander par journaliste interposé si je ne m’étais pas trop fourvoyé! Je découvre aujourd’hui ces dix-huit por- traits, en même temps que vous. Ils sont comme un point d’orgue à cette année académique, riche une fois de plus en événements et en émotions fortes. Ils sont aussi une source précieuse de nou- velles pistes pour l’avenir, à méditer calmement durant l’été. Que la découverte de ces pages vous soit belle, autant que cette trêve estivale ! Et rendez-vous en pleine forme fin septembre, pour de nouvelles aventures… Pierre Wavre, directeur général LES PROFESSEURS parlent du Conservatoire d’hier, d’aujourd’hui et de demain Paraît 3 fois par année numéro 29, juin 2009 PP. 1000 Lausanne 1 dépôt « Une façon d’interroger et de rendre hommage en même temps à ces hommes et à ses femmes qui ont fait ce Conservatoire avec moi pendant toutes ces années… »

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Certains prétendent que ce sont les étudiants etleur niveau au sortir des études qui sont la carte devisite d’un conservatoire. D’autres, les professeurset leur aura internationale. La vérité se situe sansdoute à mi-chemin. Nous avions donné carteblanche voici deux ans aux étudiants de la maisonpour qu’ils nous présentent leur Conservatoire.Aujourd’hui, c’est aux professeurs que nous avonstendu notre micro. En leur demandant, en cettenouvelle année charnière marquée par l’accrédita-tion des masters – nous en reparlerons… – de nousdessiner sans complaisance les contours de l’insti-tution telle qu’ils la vivent au jour le jour et telle qu’ilssouhaiteraient qu’elle se développe à l’avenir. Parmitant de riches individualités, le choix s’est naturelle-ment avéré cornélien… et d’une subjectivité totale !Disons que nous avons tenté de varier au mieux lesinstruments, les âges, les sections et les sites, afinde capter un maximum de sensibilités «représenta-tives» du corps enseignant dans sa globalité.

Pour être tout à fait franc, j’ai choisi ce sommaire àun moment où je pensais encore que ce numérode Nuances serait mon dernier en tant que direc-teur général : une façon d’interroger et de rendrehommage en même temps à ces hommes et à sesfemmes qui ont fait ce Conservatoire avec moipendant toutes ces années… de leur demanderpar journaliste interposé si je ne m’étais pas tropfourvoyé! Je découvre aujourd’hui ces dix-huit por-traits, en même temps que vous. Ils sont commeun point d’orgue à cette année académique, richeune fois de plus en événements et en émotionsfortes. Ils sont aussi une source précieuse de nou-velles pistes pour l’avenir, à méditer calmementdurant l’été.

Que la découverte de ces pages vous soit belle,autant que cette trêve estivale ! Et rendez-vous enpleine forme fin septembre, pour de nouvellesaventures…Pierre Wavre, directeur général

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pendant toutes ces années…»

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PHILIPPE ALBÈRA

« REPENSERLE CORPUS DES

COURSTHÉORIQUES »

Quand on lui pose la question depuis combiend’années il enseigne au Conservatoire, PhilippeAlbèra est un peu emprunté. «Une dizaine d’an-nées, je dirais. Je ne suis pas un très bon histo-rien pour moi-même ! » Professeur d’histoire de lamusique et d’analyse, il donne également un coursà option sur la musique de 1950 à nos jours –Philippe Albèra est le fondateur de l’EnsembleContrechamps, spécialisé dans la musiquecontemporaine. Parallèlement à ses études réali-sées entre Paris et Genève, ville où il a pris sesquartiers, ce clarinettiste en herbe devenu musi-cologue s’est aussi intéressé à la littérature et auxarts plastiques. D’autres hobbys? «Je ne suis pasun type à hobby, sourit-il. Je déteste ce que l’onappelle les activités de divertissement. »

AUJOURD’HUIPour Philippe Albèra, conservatoire rime avant toutavec cours collectifs. « J’essaie d’ouvrir aux étu-diants toutes les fenêtres imaginables sur la mu-sique et son histoire. » Quant aux mutations duesà Bologne, elles n'ont pas suscité de réactions par-ticulières au sein du corps professoral, estime-t-il.Philippe Albèra a dès lors proposé de saisir l’oc-casion pour repenser le corpus des cours théo-riques. « L’une des fonctions de ces cours, c’estde mettre les étudiants en rapport avec le sensmême de la musique qu’ils pratiquent, de les faireentrer dans le langage en profondeur, tout en lereliant au contexte historique et culturel des diffé-rentes époques. Cela n'est plus évident. Le champmusical s’est beaucoup élargi, à l'intérieur commeà l’extérieur de la sphère classique, et cette der-nière n’est pas toujours vécue comme quelquechose de nécessaire, de vital. Il est vrai que pourdes jeunes nés dans un monde d’images, où lamusique n’est qu’un stimulant, ou un bruit de fond,la concentration sur le langage sonore est deve-nue plus difficile. Et les concerts classiques ne sontguère attractifs de ce point de vue. » Philippe Al-bèra s’efforce donc de montrer qu’il y a desenjeux, qu’il faut « dépasser l’artifice, essayer d’en-trer dans les différents langages historiques, se lesrendre actuels ».

DEMAINAutant d’aspects essentiels, qui passent notam-ment par une connaissance et une pratique ap-profondies de la musique ancienne et du répertoirecontemporain. « La notion même de culture musi-cale, de cette unité qu’il peut y avoir entre com-prendre le langage, réfléchir sur le contexte, jouerla musique, l’écouter, la sentir et la vivre, tout celaest actuellement souvent disjoint. Et il est difficilepour les étudiants de faire en sorte que cela de-vienne un tout : c’est notre défi aujourd’hui. » Etredans la musique de son temps signifie aussi avoirun regard vivant sur le passé, faire des liens avecd’autres domaines, comme les sciences ou la phi-losophie. «Tout cela nous aide à nous situer, à pren-dre position sur les grandes questions de notretemps, comme Beethoven l’a fait à son époque.Mais aujourd’hui, la société ne s’intéresse guèreaux enjeux que véhiculent la musique. » (jp)

« Il faut dépasser l’artifice,essayer d’entrer dans les

différents langages historiques,se les rendre actuels. »

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« La musique nous aide àprendre position,comme Beethoven l’a faità son époque. »

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PIERRE AMOYAL

« UNE LIBERTÉD’ENSEIGNEMENT

UNIQUE…ET ESSENTIELLE »

Premier Prix du Conservatoire de Paris à douzeans, Pierre Amoyal étudie pendant cinq ans avecJascha Heifetz à Los Angeles. A vingt-deux ans, ilentame une carrière de soliste qui le conduit à seproduire sur les plus grandes scènes de la planète.Nommé très jeune professeur au CNSM de Paris,il s’installe ensuite à Lausanne où il enseigne le vio-lon depuis vingt-trois ans. On trouve parmi ses pre-miers élèves un certain… Tedi Papavrami. Il fondedans la capitale vaudoise une Académie dédiée aurépertoire de sonates violon/piano, monte en 1992un spectacle avec le clown Buffo et crée en 2002la Camerata de Lausanne. Pierre Amoyal possèdel’un des plus beaux violons du monde : le «Ko-chansky», construit par Antonio Stradivari en 1717.Il fêtera ses soixante ans le 22 juin… dans l’auto-bus qui le conduira à Dax avec la Camerata !

AUJOURD’HUIPour Pierre Amoyal, la réussite du Conservatoire deLausanne est d’abord celle de deux hommes –deux directeurs : Jean-Jacques Rapin et PierreWavre. « Le premier, qui n’est pas une star et quiaime autant Vauban que Beethoven, a su donnercorps à un rêve fantastique ; le second, musiciendans toutes les fibres de son être, connaissant lesjoies et les peines du métier de musicien, a su per-pétuer ce rêve en créant une atmosphère où lesgrands professionnels se sentent à la maison et oùles musiciens de haut niveau souhaitent venir étu-dier. Un examen avec ou sans Pierre Wavre estquelque chose de totalement différent : son intelli-gence et sa sensibilité rayonnent loin à la ronde etc’est sans doute grâce à ces qualités qu’il est par-venu à imposer de nouvelles règles et à transformerla manière de travailler et de penser d’un corpsenseignant par définition peu flexible dans ses habi-tudes. » Les conditions de travail à Lausanne sontaux yeux du violoniste d’une qualité rare. Sonobjectif : offrir aux étudiants ce qu’il a eu la chancede se voir transmettre par l’immense JaschaHeifetz, à commencer par un enseignement engroupe de taille modulable selon le répertoire.« Cette liberté est essentielle. Pour les étudiants,jouer devant leurs collègues, c’est s’ouvrir à la dis-

cussion, à la confrontation, et donc progresser rapi-dement. » Le mode d’emploi est simple : lorsquePierre Amoyal rentre de voyage, les étudiants luitransmettent leurs désirs et disponibilités ; un plande travail est ensuite établi en tenant compte durépertoire et de l’emploi du temps de chacun.

DEMAINS’il concède qu’elles ont pu provoquer certainescontraintes, Pierre Amoyal voit dans les réformesde Bologne une réponse nécessaire aux mutationsdu monde musical. « Oui ! Celui qui souhaite deve-nir soliste n’a d’autre solution aujourd’hui commehier que de travailler son instrument six heures parjour. En même temps, notre devoir de professeurest de préparer nos étudiants à la réalité de la car-rière et de ne nourrir chez eux aucune fausse illu-sion. Le disque est en crise et les agents ne rem-plissent plus leur rôle de jadis : le musicien dedemain doit être capable de créer son propre siteInternet et de gérer lui-même sa promotion. » Deuxrêves: disposer de moyens orchestraux encoreplus conséquents pour offrir aux étudiants la possi-bilité de jouer également le Concerto de Brahms oude Tchaïkovski lors de leurs examens… et avoir unConservatoire ouvert régulièrement le dimanche !(as)

« Pour les étudiants,jouer devant leurs collègues,c’est s’ouvrir à la discussion,

à la confrontation,et donc progresser rapidement. »

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« Notre devoir de professeurest de préparer nos étudiantsà la réalité de la carrière. »

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JEAN-FRANÇOISANTONIOLI

« LEDÉVELOPPEMENT

D’UNE AUTONOMIEDE PENSÉE ET DE

DÉMARCHE »

Elève, à Lausanne, de Fausto Zadra (disciple deVincenzo Scaramuzza) puis de Pierre Sancan àParis, Jean-François Antonioli (50 ans) enseigne lepiano au Conservatoire de Lausanne HEM depuis1985. Concertiste mais aussi chef d’orchestre, sonart est documenté par de nombreux enregistre-ments, dont deux se sont vus décerner un GrandPrix international du Disque de l’Académie CharlesCros : l’œuvre pour piano et orchestre de FrankMartin chez Claves et un double album sympho-nique dédié à Jean Cras chez Timpani. Octobre2008 a vu la sortie sous le même label de l’œuvreintégrale pour piano d’Arthur Honegger. Acteur denombreuses créations, Jean-François Antonioli estun serviteur assidu de la musique de son temps,même si Mozart (les 21 concertos) et la musiqueromantique (particulièrement Chopin et Schumann)sont des pans importants de son vaste répertoire.On associe volontiers son nom à la musique deJean Perrin et à celle de Jean Balissat.

AUJOURD’HUIAu-delà des contingences quotidiennes de la viede conservatoire, Jean-François Antonioli tient àreplacer les choses dans leur contexte, à rappelerles valeurs de base de son métier. « On a tendanceà oublier, dans un modèle académique calqué surcelui des hautes écoles techniques, que la spécifi-cité des performing arts va bien au-delà de la seuletransmission d’un savoir. Je persiste à penser quenous devons avoir conscience qu’une exécutionmusicale procède du hic et nunc et qu’une partnon négligeable relève de l’intuition, au sens pre-mier du terme, ainsi que du développement indivi-duel, lequel implique la maîtrise de quantité deparamètres non réductibles à un enseignement detype collectif ou stéréotypé. L’enseignement duprofesseur de branche principale doit tendre versle développement d’une véritable conscience indi-viduelle chez ses élèves, d’une autonomie de pen-sée et de démarche, d’appréciation, et vers un affi-nage du goût. Or cela ne peut se faire sans unesouplesse maximale dans la structure des cours,capable d’épouser les contours de chacun de cescas particuliers. On est au cœur de la distinction

que fait le philosophe Pascal entre l’esprit de géo-métrie et l’esprit de finesse. L’une des difficultés,pour les HEM aujourd’hui, est que les nouvellesgénérations prennent leurs références sur You-Tube, ce qui non seulement est insatisfaisant sur leplan sonore mais encore entrave l’art dans sapleine révélation. Lorsque Joshua Bell joue dans lemétro de New York et que personne ne fait atten-tion à lui, ce n’est pas parce qu’il joue moins bienque sur la scène du Carnegie Hall, mais parce queles conditions de base de la révélation artistique enmatière de musique dite sérieuse – un silenceabsolu, une acoustique réellement propice à lamusique, une disponibilité totale de l’auditeur – nesont pas réunies. »

DEMAINS’il reconnaît dans les compétences individuellesdu corps enseignant et les infrastructures duConservatoire (les studios, la Grande Salle) un véri-table potentiel pour l’avenir, Jean-François Anto-nioli est plus sceptique quant à la capacité du sys-tème de Bologne tel qu’on le connaît à l’heure deses maladies de jeunesse, de répondre aux exi-gences d’une formation artistique complète. « Cerégime – particulièrement la comptabilité qu’ilimplique – astreint les individus – étudiants en tête– à un parcours balisé terriblement chronophage,dont l’utilité ne peut de surcroît être mise en doute.S’il serait injuste de ne pas reconnaître à sesconcepteurs (qui ne sont pas clairement identi-fiés…) de bonnes intentions, il n’en demeure pasmoins que l’une des grandes lois du développe-ment personnel suppose que l’individu apprendmieux lorsqu’il a soif que lorsqu’il est assimilé àune oie que l’on gave à son corps défendant. Jeredoute que le décompte des crédits bolognais nedevienne une fin en soi et que l’importance de l’en-veloppe finisse par éclipser celle du contenu. Il fauttout mettre en œuvre pour empêcher la proliféra-tion des enveloppes vides et freiner l’emballementadministratif de ce qui apparaît de plus en pluscomme une machine infernale. » (as)

« L’une des grandes loisdu développement personnel

suppose que l’individuapprend mieux lorsqu’il s’abreuve

selon sa soif. »

« L’une des difficultés,pour les HEM d’aujourd’hui,

est que les nouvelles générationsprennent leurs références

sur YouTube. »

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MAGALIBOURQUIN

«PLUS DE MUSIQUEDE CHAMBRE »

Professeur de piano et de stages de pédagogie àl’Ecole de Musique depuis une quinzaine d’an-nées, Magali Bourquin commence l’étude de l’ins-trument à l’âge de douze ans. Passionnée dedanse, elle se tourne vers la musique suite à unaccident et y dédie depuis toute son énergie. Elèvede Christian Favre au Conservatoire de Lausanne,elle a vécu la situation coquasse de passer sa vir-tuosité alors qu’elle enseignait déjà dans l’école :«La pression était grande», avoue-t-elle. Travaillerdans l’établissement où elle a fait ses études luidonne l’impression que le conservatoire est undeuxième «chez elle ».

AUJOURD’HUISa force ? Un enthousiasme passionné ! « Trans-mettre est le plus beau métier du monde, le fairedans une telle maison est un privilège. Bien sûr l’in-frastructure est fantastique, mais le plus enrichis-sant est de côtoyer autant de personnalités diffé-rentes qui partagent le même amour de lamusique. Le Conservatoire n’est plus une maisontournée vers le passé ni une addition de chapelles :on peut y travailler tous les styles, mener des pro-jets conjoints avec d’autres classes, les synergiessont très productives. » Magali Bourquin a unpécher mignon: les auditions-spectacles. « J’adoremélanger les arts – musique et peinture, musique etpoésie, musique et danse… Lors de ma dernièreaudition, baptisée ‹ Musique et humour ›, chaquemorceau était introduit par un sketch : une merveil-leuse façon de détourner le trac et d’apprendre laconcentration. Les concierges me prêtent mainforte pour la réalisation de mes idées les plus farfe-lues. Le moment de partage avec les parents et lesoutien des familles est aussi très important. Bref,le Conservatoire permet d’avoir une réelle exigencepositive avec les élèves. »

DEMAINParmi les souhaits de Magali Bourquin pour l’avenirfigure une intensification de la musique de chambrepour tous dès les premières années d’études.« J’organise avec mon collègue Frank Sigrand desstages d’un week-end. Nous rêvons d’approfondir

cette formule. » Autre aspect à étoffer : l’encadre-ment des jeunes talents. « Il me semble essentiel dedévelopper un enseignement spécifique pour lesjeunes musiciens particulièrement doués. Le projetpilote musique-école est un nouveau défi à releverdans cette direction. » Magali Bourquin estime à cetitre que la cœxistence de la HEM et de l’EM dansle même bâtiment est un élément fondamental.« C’est très enrichissant pour les plus jeunes depouvoir écouter les étudiants avancés. Et pour moide suivre l’évolution de mes anciens élèves! Je suisactuellement un étudiant de Christian Favre enmaster de pédagogie, qui assiste à mes cours eten assure même une partie: encore une plus-valueliée à cette proximité. » Bologne ? « On essaie desuivre tous ces changements, de se tenir au cou-rant. Il est difficile parfois de se procurer une infor-mation claire sur le sujet et de répondre aux ques-tions des élèves qui veulent entrer en classeprofessionnelle. D’un autre côté, l’offre d’enseigne-ments n’a jamais été aussi large qu’aujourd’hui. »(as)

« La structure du Conservatoirepermet d’avoir une réelle exigence

positive avec les élèves. »

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« Il est essentiel de développer unenseignement spécifique pourles jeunes musiciensparticulièrement doués. »

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PETER BURKHARD

« PLUS DERETOURS DE LA

PART DESPROFESSEURS

D’INSTRUMENT »

«Depuis 1979. Ou peut-être est-ce 1981…»Autant dire que Peter Burkhard n’est pas le derniervenu dans la maison. Contrebassiste formé à laMusik-Akademie der Stadt Basel, il a réalisé unelongue carrière au sein du Kammerorchester Baseltout en enseignant parallèlement le solfège à Lau-sanne. Solfège? Il préfère dire « lecture et écoute,parce que les étudiants ont des à priori plutôt néga-tifs face à ce terme». Eclectique par nature, PeterBukhard s’est décidé «assez tard» à embrasser lemétier de musicien : «Au fond, je n’ai jamais su medécider sur ce que je voulais faire. » Il a d’abordcommencé des études de langues (demi-licence),de sports et d’histoire de l’art, autant d’intérêts quisont restés vivaces au fil des années: ces temps-ci,il dévore les œuvres de Philip Roth (in english, ofcourse) et se prépare au ZüriTriathlon.

AUJOURD’HUIPeter Burkhard n’a pas de diplôme de branchesthéoriques. « Ce serait plus handicapant qu’autrechose, estime-t-il. Le solfège est une branche pra-tique, qui doit être orientée vers la pratique instru-mentale et vocale. Tout ce que je fais, je le rap-porte à mes expériences à l’orchestre ou enmusique de chambre, ou alors je m’oriente parrapport à ce que me disent les étudiants ou lesprofesseurs. » Sur ce dernier point, il souhaiteraitd’ailleurs plus de dialogue avec les enseignantsdes sections instrumentales et vocales. « Desretours directs et spontanés seraient bénéfiques.Cela me faciliterait la tâche de savoir ce qu’il fautfaire d’avantage, mieux ou autrement. »

Et Peter Burkhard de souligner que, en tant quecontrebassiste, il ne lui est pas toujours évident deconcevoir les besoins particuliers par exemple d’unflûtiste, d’un pianiste concertiste ou d’un chanteur.« Je dis toujours que je déteste faire du solfègepour le solfège. Quand nous travaillons, j’aimeraisque les étudiants pensent ‹ instrument › ou ‹ voix ›. »D’autant que la durée des études a été raccourciesuite aux adaptations voulues par Bologne. « Troisans, c’est court, et la matière à étudier n’arrête pasd’augmenter. Nous travaillons par exemple les

répertoires anciens et contemporains dès la pre-mière année du Bachelor. » Cela nécessite de nou-veaux outils de lecture et d’écoute, et oblige PeterBurkhard (ou plutôt stimule, aime-t-il dire) à travail-ler de manière encore plus efficace. « En dévelop-pant par exemple des programmes de e-learning(en collaboration avec la Zürcher Hochschule derKünste), qui devraient, entre autres, amener lesétudiants à travailler de manière de plus en plusautonome. »

DEMAINC’est que les exigences qui attendent les futursmusiciens se transforment, deviennent toujoursplus difficiles à satisfaire : « A mon époque, sesouvient Peter Burkhard, celui qui souhaitaitgagner sa vie en jouant – par exemple en entrantdans un orchestre – et qui en avait les moyens,finissait tôt ou tard par y arriver. Ce n’est de loinplus le cas pour les étudiants d’aujourd’hui. Anous, professeurs, de leur ouvrir des voies nou-velles. » (jp)

« Trois ans, c’est court,et la matière à étudier n’arrête pas

d’augmenter. »

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« A nous, professeurs,d’ouvrir des voies nouvellesaux étudiants. »

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JEAN-LOUISCAPEZZALI

« SE PROJETERSUR SCÈNEDÉJÀ DANS

LE TRAVAIL »

Nouveau venu à Lausanne, Jean-Louis Capezzalienseigne au Conservatoire depuis le mois de sep-tembre dernier. Une arrivée à haute valeur ajoutée,au vu du parcours de ce hautboïste d’origine fran-çaise. «J’ai commencé par le piano étant enfant, lehautbois est venu très tard, vers 15 ans. Quatreans plus tard, j’obtenais le diplôme de professeurau Conservatoire de Versailles. Je n’ai jamais suivide formation supérieure, ni à Paris ni à Lyon. Lehasard de la vie m’a finalement amené à enseignerdans ces deux établissements ! » C’est que Jean-Louis Capezzali se considère «un peu comme unautodidacte», et sera très tôt confronté aux exi-gences des orchestre professionnels. Après sesétudes, il devient premier hautbois solo à l’Orches-tre Lamoureux de Paris. Quatre ans, plus tard, l’Or-chestre philharmonique de Radio France lui ouvreles portes du même poste. Ce qui ne l’empêchepas d’enseigner à l’Ecole normale de Paris, avantde devenir assistant de Maurice Bourgue, auConservatoire national supérieur, et de reprendre saclasse lorsque celui-ci quittera ses fonctions.«Durant dix ans, j’ai tenu de front conservatoire etorchestre, ce qui s’est avéré très fatiguant. » Jean-Louis Capezzali est ensuite nommé à Lyon, avantd’être séduit par Lausanne et son «magnifiqueconservatoire».

AUJOURD’HUIC’est le temps pédagogique, surtout, qui va lepousser à s’installer à mi-temps au bord du Léman,tout en continuant de faire les trajets vers Lyonchaque semaine. « Ici, chaque étudiant bénéficie dedeux heures de cours avec le professeur, ce quin’est pas le cas en France, où l’une des deuxheures est passée avec un assistant. Cela permetde faire un travail beaucoup plus approfondi sur lelong terme.» Et si Jean-Louis Capezzali a saisi l’oc-casion pour mettre un terme à trente ans d’orches-tre, afin de se consacrer à l’enseignement et à desprojets ponctuels, il fait désormais profiter ses étu-diants de cette immense expérience. « A l’orches-tre, j’ai dû faire des progrès immédiats. On fait sou-vent l’erreur de faire passer le contenu avant lecontenant, c’est-à-dire la forme, le son, l’intonation.

Il ne faut bien évidemment pas perdre de vue le butexpressif pour autant. C’est cette relation entrel’objectif et comment y arriver que j’essaie de trans-mettre à mes étudiants. »

DEMAINPour ce faire, Jean-Louis Capezzali insiste sur l’ex-tériorisation du jeu. « Dans le travail, il faut imaginerla scène, s’y projeter, jouer déjà pour les autres. Encontrepartie, il y a aussi des séances de travailcomplètement intimes, recueillies sur soi-même,pour fabriquer la force, la solidité, ce que l’on vatransmettre au public. » Créer un double, un per-sonnage de scène, qui est en fait une forme denaturel travaillé, comme c’est le cas pour un grandcomédien. «Souvent, les étudiants sont dans le tra-vail, mais pas dans cette projection-là. C’est pourcela qu’ils mettent longtemps à éclore. C’est quandils sont plongés dans une situation de responsabi-lité vitale – puisque parfois il s’agit de garder sonjob – que soudain en un an la fleur est complète-ment épanouie. » (jp)

« On fait souvent l’erreurde faire passer le contenu

avant le contenant,c’est-à-dire la forme, le son,

l’intonation. »

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« Créer un double,un personnage de scène,qui est en fait une formede naturel travaillé,comme c’est le cas pourun grand comédien. »

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JOSÉ-DANIELCASTELLON

« S’ADAPTERENCORE PLUS

À CHAQUEÉTUDIANT »

Cela fait vingt-cinq ans que José-Daniel Castellonexerce le métier de musicien. Il a d’abord été pic-colo solo à l’Opéra de Lyon sous la direction deJohn Elliott Gardiner, puis flûte solo à l’OrchestreNational de Lyon sous Emmanuel Krivine, avantd’être engagé par l’Orchestre de Chambre de Lau-sanne, où il occupera pendant quinze ans la placede flûte solo, d’abord sous la baguette de JesúsLópez Cobos puis celle de Christian Zacharias. Ilpartage alors son temps avec un poste d’ensei-gnement pré-professionnel au CNR de Lyon. S’ilquitte l’OCL «qui marche si bien» en 2004, c’estqu’il sent une réelle opportunité dans le postequ’on lui propose au Conservatoire de Lausanne :la direction d’une classe professionnelle complète.«La maison se trouvait dans un élan auquel je pen-sais pouvais contribuer.» A aucun moment jusqu’iciil n’a regretté son choix.

AUJOURD’HUIL’enseignement est une passion de toujours pourJosé-Daniel Castellon : il donne ses premièresheures de cours dans une petite école de la ban-lieue lyonnaise alors qu’il n’a que seize ans. C’estdonc tout sauf sur un coup de tête qu’il a décidé àLausanne de troquer le frac contre le bâton depèlerin du professeur. « L’orchestre est sans douteune activité moins fatigante. Si l’on veut bien faireson travail de professeur, par contre, on est littéra-lement aspiré. Les étudiants professionnels – etc’est bien normal s’ils souhaitent en faire leur métier– sont extrêmement demandeurs. Certains vousaccapareraient toute la semaine s’il n’y avait pas decadre horaire ! » Comme ses collègues, le Françaisse sent bien dans la maison. « En Suisse – j’ai déjàpu le constater à l’Orchestre – les gens travaillentdans le calme, le respect de l’autre. Les contactsentre professeurs sont bons, de même qu’avec ladirection, qui prête toujours une oreille attentive ànos propositions. Lorsque nous suggérons desmasterclasses, nous sommes souvent entendus.En cinq ans, les flûtistes ont ainsi pu travailler avecEmmanuel Pahud, Maxence Larrieu et MichelDebost, ce qui est proprement fantastique. Grâce àPierre Wavre, les étudiants ont aussi la chance de

travailler régulièrement avec de très grands chefs,comme Ton Koopman ou Jesús López Cobos: cesrencontres tirent toute la maison en avant. »

DEMAINPour l’avenir, José-Daniel Castellon a un souhait etdeux rêves. «Je trouve important d’abord que l’ins-titution s’adapte davantage à la personnalité dechaque étudiant. Bologne a de bons côtés, maistend aussi à enfermer les gens dans des cases demême dimension. Il faut faire attention à ce que lescours théoriques ne prennent pas l’ascendant surl’instrument, qui demeure une priorité absolue. Lalangue est aussi une question délicate, en particu-lier pour les étudiants asiatiques : la plupart desprofesseurs font un effort, il serait bon que l’institu-tion dans son ensemble en prenne conscience. »Les rêves: «Je souhaiterais pouvoir bénéficier d’en-core plus de temps avec chacun de mes étudiants.Je sais que par rapport à la plupart des établisse-ments équivalents, nous sommes gâtés avec nosdeux heures de cours hebdomadaires. Mais dansl’absolu et pour répondre aux nouvelles exigences,la préparation d’un projet de master ou le mémoirede recherche en troisième année de bachelornécessiteraient davantage. On ne peut régler celaen deux minutes à la fin d’une leçon: il faut discuteravec l’étudiant et l’accompagner dans sadémarche. Mon autre rêve serait de pouvoir com-mander chaque année une nouvelle œuvre à uncompositeur vivant pour servir de morceau imposéà tous les flûtistes lors de l’examen, comme cela sefaisait autrefois à Paris, ce qui a occasionné nom-bre de pièces majeures de notre répertoire. Mais jesais qu’ici à Lausanne on tient à une liberté absoluedans le choix du programme – ce qui a aussi desavantages. Un jour peut-être… » (as)

« Si l’on veut bien faireson travail de professeur,

on est littéralement aspiré. »

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SSEURS

« Je souhaiterais pouvoirbénéficier d’encore plus de temps

avec chacun de mes étudiants. »

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PATRICKDEMENGA

« FORMER DESARTISTES

ET NON DESFONCTIONNAIRES »

Après des études à Berne et le prix du meilleurSolistendiplom, Patrick Demenga traverse l’Atlan-tique pour se perfectionner à New York avec Har-vey Shapiro, véritable légende du violoncelle qui ajoué sous la baguette de Toscanini. Une fois acquisle «son américain» capable de transcender levolume des plus grandes salles, retour en Suisseoù le chef Mario Venzago lui demande d’être sonvioloncelle principal à Winterthour. «Une expériencequi m’a permis de connaître l’univers de l’orchestrede l’intérieur, chose fort utile pour un soliste. »Patrick Demenga se rend toutefois compte quel’environnement de travail collectif ne lui convientpas : «J’ai besoin d’espace pour une expressionplus personnelle. » Il se tourne vers la musique dechambre et joue pendant cinq ans au sein du NeueZürcher Quartett. A 25 ans, le directeur du Conser-vatoire de Berne lui offre une classe professionnelle;il enseigne pendant cinq ans avant de se lancerdans une carrière freelance, qui le conduira à dirigerle Festival de Meiringen (qui fêtera en 2010 sa50e édition) et à créer avec son épouse une sériede concerts dans la ravissante Eglise de Blumen-stein. Cela fait une dizaine d’années maintenantqu’il dirige une classe professionnelle au Conserva-toire de Lausanne, tout en poursuivant ses activitésde concertiste.

AUJOURD’HUIS’il salue la diversification des cours offertsaujourd’hui aux étudiants, Patrick Demenga met engarde face au risque de dispersion que ce mouve-ment sous-tend. « A mon époque, le travail étaitpresque exclusivement focalisé sur l’instrument.Quand je vois aujourd’hui l’éventail de disciplinesproposées aux étudiants du Conservatoire deBerne – multimédia, performance… – je medemande si l’on ne fait pas courir à ces derniers lerisque de se perdre. Il est en effet des chosesessentielles à apprendre auxquelles ont ne peutpas couper. Bologne ou pas, mon travail restetendu vers le même but : former des artistes. Sivous souhaitez entrer dans un orchestre, on vousjuge aujourd’hui comme hier sur un concerto deHaydn, non sur vos connaissances en informa-

tique… Cela dit, je suis tout à fait favorable à l’en-seignement de compétences qui peuvent servirdirectement dans la conduite d’une carrière, àl’image des cours de management mis sur piedcette année. » Le Conservatoire de Lausanne ?« Comment ne pas trouver ce lieu magnifique ? Lesstudios sont d’un confort incomparable avec ceuxde Zurich ou de Bâle. J’apprécie aussi la taille rai-sonnable de l’établissement : on ne se sent pascomme dans une usine. Quant aux relations entrela direction et les professeurs, elles sont excel-lentes, grâce au souci de communication de PierreWavre. Il est fondamental pour le climat de travailque l’on puisse en tout temps dire ce qui va et cequi ne va pas. »

DEMAINLe rêve de Patrick Demenga ? « Que le Conserva-toire demeure solidement attaché à sa vocationpremière : celle de former des artistes et non desfonctionnaires. Il faut tout faire pour rester vivant,créatif : la communication est à ce titre très impor-tante. De même que l’exigence : être artiste, c’estune concentration de tous les instants, beaucoupde boulot, le talent seul ne suffit pas. La majeurepartie d’entre nous ne sommes pas nés géniaux :nous devons apprendre à cultiver les germes quisont en nous. » Enfin, comme professeur, le violon-celliste se dit très attentif au parcours intérieur par-fois difficile qui conduit à l’émancipation d’une per-sonnalité artistique : « Il faut prendre des risques, semettre en danger. Je me sens comme un homéo-pathe pour mes étudiants: je les accompagne surla durée dans la quête de leurs racines… et évite laprescription hebdomadaire d’aspirines ! » (as)

« Si vous souhaitez entrerdans un orchestre,

on vous juge aujourd’hui commehier sur un concerto de Haydn,

non sur vos connaissancesen informatique… »

HEM

LES

PROFE

SSEURS

« Je me sens commeun homéopathe pourmes étudiants. »

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ANGELOLOMBARDO

« UNCONSERVATOIRE

QUI NE FASSE PASQUE

CONSERVER »

Sa vie est un poème! Professeur de solfège pour lesnon professionnels et doyen des branches théo-riques de l’Ecole de Musique, Angelo Lombardo(45 ans) voit le jour à Messine, en Sicile. Autour delui, tout le monde chante, mais il est le premier de lafamille à imaginer dédier sa vie à la musique. S’ilchante lui aussi, «son» instrument est la guitare. Adix ans, il pousse déjà la sérénade aux quatre coinsde la cité; on l’appelle sous les balcons, l’engagepour animer des fêtes… Les années passent, vien-nent les premières distinctions, le conservatoire, et àdix-sept ans, face à une impasse administrative, legrand saut vers la Suisse: sa sœur vient de s’y ins-taller, la « légende» José de Azpiazu enseigne àGenève, pourquoi ne pas y terminer ses études?Seulement voilà, une fois sur place, il apprend que lemaître est décédé. Sa sœur habitant Lausanne, iltente sa chance au Conservatoire de la capitale vau-doise. Il ne parle pas un mot de français. Qu’à celane tienne: il passe son diplôme avec brio, obtient unpremier prix de virtuosité avec félicitations ainsi quela licence de concert et rencontre dans la foulée lafemme de sa vie – une Italienne… de Messine! Ildécroche aussi son premier poste d’enseignement:deux périodes hebdomadaires de solfège, que luioffre le directeur d’alors Jean-Jacques Rapin.«Comme dans un rêve!» Les choses ensuite s’en-chaînent très vite. Il succède à Etienne Bettens audécanat des branches théoriques, tout en conti-nuant à mener de front une carrière de soliste. L’arri-vée de ses deux filles le pousse à orienter sa carrièrevers davantage d’enseignement. Sans regret: «Celane m’empêche pas de demeurer un musicien.»

AUJOURD’HUIContrairement à beaucoup de ses collègues, AngeloLombardo affectionne le volet administratif de safonction. « Il me met en contact avec des personnesque j’estime et qui font beaucoup pour le Conserva-toire. Il me permet aussi d’avoir une vision globale dela musique et de participer au futur de la maison, enprenant part notamment à l’engagement des nou-veaux enseignants.» En bon professeur de théorie, ilfait précéder l’énoncé de sa vision du Conservatoired’une plongée dans le dictionnaire. La première défi-

nition rencontrée est celle de l’adjectif juridique: «Quia pour but de conserver. Acte, mesure conserva-toire.» La seconde – celle du nom masculin enquestion – propose deux entrées: «1° Conservatoirede musique et de déclamation, et absolt. Le Conser-vatoire, fondé à Paris en 1789 pour maintenir la tra-dition des arts dramatique et musical. — Par ext.Ecole qui forme des musiciens, des comédiens.2° Conservatoire des arts et métiers : établissementfondé en 1794, pour conserver des collectionsconcernant l’histoire des sciences et des techniques,et qui dispense un enseignement.» Conserver: si lamusique, comme les autres arts, doit bien être «pro-tégée» face à une tentation naturelle des hommes àcéder aux sirènes du matérialisme, cette notionseule est loin de satisfaire Angelo Lombardo. «Au-delà des inévitables soucis du quotidien, le Conser-vatoire tel que je le vis est d’abord un lieu magique,où l’on partage et l’on transmet une passion: cellede la musique.»

DEMAINUn mot d’ordre général : ouverture. «J’ai souffertdurant ma vie de musicien de l’étroitesse d’esprit decertains professeurs, qui estimaient qu’il n’y avaitqu’une seule musique: le classique. Pour moi quidès l’enfance ai fait dialoguer les styles, c’était parti-culièrement humiliant. Heureusement, les choseschangent: on s’ouvre au jazz, aux musiques popu-laires, à la pop, au rock… Avec des élèves du projetmusique-école, on vient d’arranger le tube bossanova A Garota de Ipanema d’Antonio Carlos Jobim.Il faut poursuivre et assumer cette évolution; ne pasavoir peur non plus d’avouer ses limites: tout lemonde n’est pas capable d’intégrer le hip-hop ou ler’n’b à son enseignement. Je souhaite un conserva-toire qui ne fasse pas que conserver!» Pour AngeloLombardo, cette ouverture doit se faire également àl’intérieur de la maison: «Les relations entre les pôlespré-professionnel et professionnel sont encore beau-coup trop verticales, hiérarchisées: on a tout àgagner à travailler main dans la main. Il en va denotre responsabilité vis-à-vis du cadre de travailexceptionnel qui nous est offert et surtout de nosélèves.» (as)

« Le Conservatoireest d’abord un lieu magique,

où l’on partage et l’on transmetune passion :

celle de la musique. »

EM

LES

PROFE

SSEURS

« Il faut poursuivre et assumerce grand mouvement d’ouverturevers d’autres styles de musique. »

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GARY MAGBY

« SE REMETTREEN QUESTION

À CHAQUESECONDE »

Gary Magby (58 ans) a fait ses premières appari-tions au Conservatoire de Lausanne en 2001,d’abord comme directeur de l’Atelier lyrique, puis,en sus l’année suivante, comme professeur dechant et doyen de la section vocale. C’est peu direque cet Américain d’origine a déjà expérimentétoutes les facettes du métier : «Après une doubleformation de chant et de piano à Boston, j’ai tra-vaillé comme répétiteur dans des maisons d’opéra,tout en enseignant parallèlement. » Il remplace deschanteurs au pied levé, se forme aussi sur le planadministratif, touche un peu de la baguette face àl’orchestre : après ces années d’activité à Juilliardet Chautauqua notamment, les ressorts d’unebonne distribution n’ont plus de secret pour lui.«Mon parcours m’a permis de savoir commentproposer aux jeunes chanteurs un répertoire quileur convient, de prendre en compte leurs tempé-raments, et pas seulement leur instrument. » Unparcours qui s’est définitivement tourné vers l’en-seignement lorsque Gary Magby se voit proposerla responsabilité des chanteurs de la troupe et del’Atelier lyrique, au niveau de la technique vocale, àl’Opéra de Lyon. «J’avais 42 ans. J’ai fait les trajetsentre les Etats-Unis et la France chaque mois pen-dant deux ans, avant de décider de m’installerdéfinitivement en Europe.»

AUJOURD’HUIEtabli à Lausanne, il donne le plus clair de sontemps à ses étudiants, tout en se proclamantouvertement « anti-pédagogue ». « Aujourd’hui, per-sonne ne prend le temps de mûrir, d’attendred’être prêt pour supporter toutes les émotions dumétier. Mais il faut accepter que le résultat ne soitpas immédiat, parce qu’il n’y a pas de résultat :c’est ça, être anti-pédagogue. » Et Gary Magby derappeler que, même si la jeunesse d’aujourd’hui vitdans une société qui évolue toujours plus vite, lesimpératifs du corps humain n’ont pas changé pourautant. « Une grossesse dure encore neuf mois,comme il y a 3000 ans ! On se trouve face à desjeunes qui ont des blocages physiques juste àcause du stress, du manque de connexion avecleurs émotions. Ce n’est pas leur faute, c’est la

pression sociale ! Les étudiants vivent en apnée, ànous de les aider à respirer. »

DEMAINGary Magby plaide donc pour l’ouverture du dia-logue entre professeurs et étudiants, ainsi qu’ausein du cénacle enseignant. « Je souhaiterais sen-tir d’avantage de solidarité par rapport à ce quinous réunit dans cette école. En tant que profes-seurs, nous devons nous remettre en question àchaque seconde, et éviter à tout prix d’enseigneraux élèves notre propre stress, nos propres peurs,visions, ou désirs. La confiance n’est pas unechose qui se mérite. Elle se gagne. » Et Bologne,une contrainte de plus ? « Oui, mais il y a toujoursmoyen de s’adapter. Prenons cet exemple : un pia-niste avec de petites mains qui joue magnifique-ment les concertos de Rachmaninov en arpé-geant, il ‹ triche ›. Rachmaninov, lui, n’arpégeaitpas. Est-ce donc interdit de jouer sa musique sil’on a de plus petites mains ? Je ne crois pas ! » (jp)

« De plus en plus de jeunesont des blocages physiques dus

à la pression sociale. »

HEM

LES

PROFE

SSEURS

« Je souhaiterais sentird’avantage de solidaritépar rapport à ce qui nous réunitdans cette école. »

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MARCPANTILLON

« CULTIVERLA LECTURE

AUTANT QUE LATECHNIQUE »

Issu d’une famille de musiciens neuchâtelois bienconnue, Marc Pantillon (51 ans) a grandi dans unmilieu baigné de musique, et c’est tout naturelle-ment qu’il aborde dès son plus jeune âge l’étudedu piano sous la houlette de ses parents – il n’aurad’ailleurs pas d’autre professeur jusqu’à son exa-men de diplôme, qu’il passe à l’âge de vingt ans. Ilse perfectionne ensuite à Vienne auprès de HansPetermandl, puis bénéficie des conseils de PaulBadura-Skoda. Il est titulaire aujourd’hui d’uneclasse professionnelle de piano à Neuchâtel etd’accompagnement au Conservatoire de Lau-sanne. Passionné de botanique et d’ornithologie, ils’est établi à Môtiers, dans les montagnes neuchâ-teloises, pour la qualité de vie qu’offre une cam-pagne encore très naturelle, et dont les forêts n’ontprobablement guère changé depuis l’époque oùJean-Jacques Rousseau y herborisait…

AUJOURD’HUIAvant de se voir confier la charge d’une classed’accompagnement pour les étudiants en master –dont les contours académiques viennent tout justed’être définis – Marc Pantillon a longtemps œuvrécomme expert au sein de la maison. « PauletteZanlonghi a vu juste, je crois, en me demandant deprendre sa succession : tout jeune déjà, j’accom-pagnais régulièrement les autres. C’est une chosenaturelle chez moi, indissociable de mon envie defaire de la musique. Chaque pianiste doit cultivercette faculté de lecture, de même que l’on n’aban-donne pas le travail de la technique et le souci dudétail lorsque l’on se consacre à l’accompagne-ment : même le virtuose égocentrique qu’étaitHorowitz prêtait ses doigts à d’autres instrumen-tistes ! C’est aussi dans ce registre que les pianistesont le plus de chance de gagner leur vie, raisonpour laquelle on a décidé de l’enseigner, alors quejadis il s’acquérait sur le tas.» Habitué au cadre inti-miste et baigné de verdure du Conservatoire deNeuchâtel, Marc Pantillon avoue avoir mis un cer-tain temps à s’habituer aux anciennes Galeries duCommerce. « Tout est si organisé – presque mona-cal – que l’on travaille même durant les heuresblanches ! Heureusement, cela n’interdit pas une

certaine convivialité, que j’entretiens avec cettehabitude campagnarde de dire bonjour à tout lemonde… » Sa fonction de maître d’accompagne-ment favorise cette transversalité. « Je vois passerdans mon studio des élèves de presque tous lesprofesseurs. Cette ouverture m’est extrêmementsympathique. Même dans le cadre de ma propreclasse, je ne me sens pas à la tête d’une chapelle,puisque les étudiants ne choisissent pas un seulprofesseur d’accompagnement, mais travaillentavec les trois à tour de rôle (les deux autres étantBéatrice Richoz et Todd Camburn, ndla) : cela leurpermet de bénéficier des compétences spécifiquesde chacun – chose impossible au sein d’une classefermée. »

DEMAINHomme de contact, Marc Pantillon verrait d’un bonœil les relations entre les professeurs se dévelop-per. « Je trouverais intéressant de rencontrer plussouvent les maîtres de théorie. Une certaine infor-mation nous est transmise par les étudiants, maiscela ne remplace pas le contact direct. Qui peutavoir pour cadre la cafétéria : pas besoin de réu-nions formelles. J’organise ainsi la plupart de mesactivités : s’il me manque des musiciens pour lesexamens, j’accroche les gens dans les couloirs ! Etpour ce qui est de mettre un nom sur chaquevisage, notre directeur Pierre Wavre est lui-mêmeun modèle du genre : il connaît parfaitementchaque étudiant, a en tête ses forces et ses fai-blesses, et sait précisément de quelle manière l’ai-der, l’aiguiller. Je n’ai vu cela nulle part ailleurs !» (as)

« Tout est si organisé– presque monacal – quel’on travaille même durant

les heures blanches ! »

« Je trouverais intéressant derencontrer plus souvent les maîtres

de théorie. »

HEM

LES

PROFE

SSEURS

photo : P.W. Henry

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ANTONIOPOLITANO

« RENFORCERLES POINTS FORTS

DE LA MAISON »

Sicilien d’origine, Antonio Politano naît à la musiquegrâce à la rencontre à l’âge de 14 ans d’un mentor,Amico Dolci – et non grâce au système d’ensei-gnement officiel : « l’Italie est un désastre pour quis’intéresse à des instruments comme la flûte àbec!» Enfant prodige devenu grand, Dolci lui ouvreles portes de la Musique avec un grand M. C’est ladécouverte des symphonies de Brahms et de Mah-ler la partition à la main, l’apprentissage de l’écouteà travers le disque, et la rencontre d’innombrablesmusiciens. Un jour, c’est la révélation : le «choc»Salvatore Sciarrino. Depuis, le Sicilien collaboreavec de nombreux compositeurs de son temps :une spécialité… non exclusive ! Il ne mène pas degrande carrière, car il a une peur bleue de l’avion.Mais il enseigne avec la même passion qu’unsoliste sur sa scène: un bon mi-temps à Lausannedepuis 1997.

AUJOURD’HUIEncore un professeur heureux de l’écoute qu’on luitémoigne au Conservatoire… « Pierre Wavre aconscience qu’aujourd’hui une école doit ouvrirdans toutes les directions. Cela ne veut pas direqu’il faut tout offrir sur chaque site : il serait parexemple idiot de développer un pôle de musiqueancienne à Lausanne alors que l’on a le CMA àsoixante kilomètres. Par contre, donner desmoyens pour renforcer les points forts de la mai-son, ça oui ! C’est ce qui se passe avec le projetdes flûtes Paetzold, qui surfe sur les spécificités demon enseignement : l’élargissement du répertoirede l’instrument à travers la commande d’œuvresnouvelles pour flûte et live électronique. » Un projetconcret parmi d’autres dans le jardin d’AntonioPolitano, qui tente de soigner l’overdose de théoriedont souffrent les conservatoires aujourd’hui en tis-sant des liens entre cette théorie et la pratique. «Ensolfège, par exemple, les étudiants doivent maîtri-ser les modes médiévaux, mais combien sontcapables de les traduire dans le chant ? Dans monenseignement, je focalise mes efforts sur larecherche d’un contact aussi vivant que possibleavec la musique : cela passe par la rencontre descompositeurs que nous interprétons, mais aussi

par l’établissement d’un dialogue entre les réper-toires ancien et contemporain. »

DEMAINLe grand souhait d’Antonio Politano pour l’avenirest que les gens communiquent et échangentd’avantage. « A l’échelle de la Suisse, il faut quetous les étudiants en flûte à bec puissent profiterdes compétences de Kees Boeke à Zurich enmatière de musique médiévale, de l’émulation duCMA de Genève et de la Schola Cantorum Basi-liensis s’ils souhaitent perfectionner leurs connais-sances de la musique ancienne, et qu’ils puissentvenir à Lausanne partager avec d’autres leur pas-sion de la musique vivante et profiter de notre infra-structure unique en matière de live électronique.Sans doute certains professeurs ont-ils peur deperdre le contrôle sur leurs élèves en les laissantaller voir ailleurs… Mais n’est-ce pas ce que ce quise passe de toute façon tôt ou tard ? » Dans lemême ordre d’idée, Antonio Politano souhaite uneorganisation de la musique de chambre au sein duConservatoire de Lausanne beaucoup moins «télé-guidée » : « Au lieu de se voir imposer un pro-gramme et des partenaires, je trouverais beaucoupplus intéressant de responsabiliser les étudiants enleur demandant de choisir eux-mêmes non seule-ment le répertoire mais aussi le professeur aveclequel ils vont le travailler, comme cela se fait àBâle : c’est beaucoup plus stimulant. » (as)

« Les conservatoiressouffrent aujourd’hui

d’une overdose de théorie. »

HEM

LES

PROFE

SSEURS

« Il faut que les genscommuniquent et échangentd’avantage. »

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JEAN-PIERRESCHALLER

« LES SUITESDE BACH SONT UN

PILIER DE MONENSEIGNEMENT »

Professeur de basse électrique et de rythme à la

HEM jazz, Jean-Pierre Schaller (50 ans) débute en

autodidacte. Jazz, pop, rock: son horizon ne connaît

pas de limites. Biennois d’origine, il perfectionne ses

connaissances intuitives à l’Ecole de Jazz de Berne.

Il quitte rapidement l’institution – où la basse n’est

alors enseignée que par des contrebassistes – pour

se lancer dans la carrière. En 1992, l’EJMA lui offre

son premier poste d’enseignement. Depuis, la pas-

sion de la transmission ne l’a plus quitté.

AUJOURD’HUILorsqu’en 2006 l’enseignement jazz professionnelintègre le Conservatoire de Lausanne, l’ensembledes postes sont mis au concours. On cherche desprofesseurs au profil bien défini : des gens actifs surla scène jazz, porteurs de projets concrets. « L’effetunificateur a été formidable. On a tous démarré aumême niveau, dans la même énergie : un gageindéniable d’efficience pour une nouvelle école.Bien sûr, cela prend du temps: trois années ne suf-fisent pas à asseoir une réputation. Je comprendsles étudiants qui ont l’impression de se perdre dansles dédales administratifs ; ce n’est pas facile nonplus pour ceux qui font le grand écart entre l’ancienet le nouveau systèmes. Mais de nombreuxsignaux montrent que nous sommes sur la bonnevoie, à l’image de l’intérêt croissant des étudiantsétrangers pour l’établissement. Entre professeurs etélèves, le groove est excellent. Le bâtiment du Flona été construit pour cela : pour une convergenceidéale des énergies. »

DEMAIN« Nous vivons dans une société de plus en plusmulticulturelle : il est important qu’une écolecomme la nôtre en soit le reflet. Le jazz n’est pasexclusif : il est avant tout synonyme d’improvisa-tion, de liberté. Il est aussi le fils des grands maîtresdu passé et des traditions populaires. Les Suitesde Jean-Sébastien Bach sont un pilier de monenseignement. Je souhaite que les passerelles semultiplient entre la HEM jazz et la HEM classique,que les étudiants profitent davantage du voisinagedes deux écoles. Je suis conscient que leur

programme d’études est très chargé, mais on nepeut ignorer que les plus grands jazzmen se sontnourris de Debussy, Wagner et de la SecondeEcole de Vienne. Dans l’autre sens, je suis per-suadé que les musiciens classiques ont tout àgagner à travailler l’articulation ternaire et les grillesd’accords chiffrés. »

Un mot clé : l’indépendance. « Les étudiants doi-vent voir plus loin que leur grille horaire, développerla même autonomie que leurs collègues universi-taires : ils suivent des cours, assistent à des confé-rences et imaginent ensuite par eux-mêmes lesdéveloppements à leur donner. Oui ! Certains week-ends peuvent être chargés lorsqu’il s’agit de travail-ler son instrument et de rendre en même temps unarrangement pour le lundi. Il faut le voir comme unavant-goût de la vie professionnelle, qui sous-tendune responsabilité de tous les instants en matièred’horaires, de préparation… » Pour le bassiste, lesprojets entre professeurs mis sur pied au sein del’école sont une aubaine. « Le travail d’enseignantest par essence solitaire. Jouer ensemble permetde briser cet isolement ; c’est aussi l’occasion pourles étudiants d’entendre leurs professeurs et pourl’école une magnifique carte de visite. En tant queSuisse alémanique, je suis particulièrement sensibleau fossé entre les régions linguistiques et à lanécessité de se montrer pour exister. En jouantdans les clubs de Berne et de Zurich, le tentet créépar George Robert fait une publicité d’enfer pour leConservatoire ; c’est la seule entreprise du genre enSuisse. » Reste la reconnaissance du jazz au seinde la société lausannoise, qui pour Jean-PierreSchaller est encore loin d’être acquise. « Si l’oncompare à la situation de Lucerne, où l’Ecole deJazz est implantée depuis longtemps, il y a un grostravail à faire. Qui est prêt à investir dans le jazzaujourd’hui à Lausanne? Cette question nous inter-pelle d’autant plus que nous n’incarnons pas seu-lement une école mais la scène romande dans sonensemble. » (as)

« Les étudiants doivent voirplus loin que leur grille horaire,

développer la même autonomieque leurs collègues universitaires. »

« Qui est prêt à investirdans le jazz aujourd’hui

à Lausanne ? »

HEM

JAZZ

LES

PROFE

SSEURS

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MARCEL SINNER

« GARDERLA PASSION »

Né à Nyon, marié et père de deux enfants, MarcelSinner (47 ans), est entré au Conservatoire de Lau-sanne en 1979 et y a obtenu son diplôme d’ensei-gnement huit ans plus tard. Avant d’être nomméprofesseur de violon à temps complet à l’Ecole deMusique, il enseigne dans différentes écoles demusique vaudoises et travaille en parallèle au ser-vice du personnel d’un grand magasin. «J’ai tou-jours aimé diversifier mes activités. » Aujourd’hui, ilfait profiter le Conservatoire de ses compétencesadministratives en œuvrant non seulement commedoyen des classes de violon, alto et guitare del’EM, mais aussi comme président de la Fondationd’entraide du Conservatoire de Lausanne.

AUJOURD’HUID’abord et avant toute chose : la joie et le respect.« C’est un grand honneur de travailler dans unemaison comme celle-ci. Lorsque je passe la portele matin, je suis toujours impressionné par la gran-deur et la beauté du bâtiment, ainsi que par sesinfrastructures. J’œuvre souvent comme expertdans d’autres écoles et puis mesurer combiennous sommes privilégiés. » Ce luxe ne tombe pasdu ciel : pour Marcel Sinner, il est le fait dequelques personnes à qui il souhaite rendre hom-mage. « J’ai beaucoup apprécié Jean-JacquesRapin, qui m’a engagé : sa présence, son cha-risme font de lui un personnage admirable etadmiré. Grâce à Helena Maffli et à son dyna-misme, ensuite, l’Ecole de Musique a étendu sonrayonnement loin au-delà des murs de l’établisse-ment. Enfin, Pierre Wavre a beaucoup fait enmatière de communication, favorisant une bonneambiance au sein et entre les différentes sec-tions. » Les synergies rendues possibles par cetteproximité géographique de l’EM et de la HEMsont un atout que salue Marcel Sinner. « Lescontacts entre les enseignants sont excellents.J’ai la chance de compter parmi mes collèguesHEM deux de mes anciennes professeurs, Chris-tine Sörensen et Margarita Karafilova ! Le courantpasse aussi au travers des étudiants profession-nels qui réalisent des stages pédagogiques dansnos classes : leur présence nous incite à nous

remettre constamment en question, elle susciteaussi de nouvelles idées. »

DEMAINLa suite? «Avant tout conserver les acquis. Dans lesillage de la nouvelle loi sur les écoles de musique(LEM), j’espère notamment que l’on va continuer àpouvoir accueillir des élèves de tout le canton, enparticulier dans le créneau musique-école. Ce pôled’excellence me semble important à conserver :c’est un grand défi pour les enseignants, et cesenfants tirent en avant l’ensemble de leurs cama-rades. » Marcel Sinner souhaite également que lesprofesseurs puissent continuer à bénéficier de l’of-fre de formation continue qui a été mise sur piedces dernières années: «C’est une chance non seu-lement pour nous, mais aussi pour les élèves. Cetteannée, j’ai pris des cours de violon baroque et deuxd’entre eux en ont directement profité : ils se sontprésentés avec un archet baroque au Concourssuisse de musique pour la jeunesse. » Garder lapassion pour pouvoir la transmettre ensuite à sesélèves : telle est la recette de Marcel Sinner pour leprésent et pour l’avenir. (as)

« La présence d’étudiantsprofessionnels dans nos cours

nous incite à nous remettreconstamment en question. »

EM

LES

PROFE

SSEURS

« L’offre de formation continue estune chance non seulement pournous, mais aussi pour les élèves. »

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EMIL SPANYI

« VENDRENOS ATOUTS »

Né dans le communisme, au sein d’une Hongrieoù le jazz est interdit et où un accord de quatresons fait accourir la police, Emil Spanyi (41 ans)enseigne le piano, la composition et l’arrangementà la HEM jazz de Lausanne depuis septembre2007. Sa première rencontre avec le jazz, il la fait àla Musikhochschule de Graz, en Autriche. Il visiteensuite « le pays d’origine» pendant une année, sefixant à Berklee, avant d’intégrer la classe ouvertede François Jeanneau – « le père du jazz français »– au CNSM de Paris, où il croise des géantscomme Daniel Humair. C’est là que débute sa car-rière d’enseignant, d’abord sur mandat de la Mairiede Paris, puis au CNR, où gravitent tous les jeunesprofesseurs formés par Jeanneau. En parallèle, lesconcerts – «si un jazzman ne joue plus, c’est lamort ! » – et beaucoup d’arrangements pourorchestre : «On constate en écoutant les musiquesde film (réalisées pour la plupart par ordinateur)qu’un vrai talent d’orchestrateur est aujourd’huichose rare ; espérons que l’on redécouvrira vite lesvertus irremplaçables de l’être humain !»

AUJOURD’HUIEn arrivant de France, la comparaison est inévita-ble… « Dans l’Hexagone, la société est organiséede façon verticale, hiérarchisée. La découverte dusystème suisse a été très agréable ! Pour moi,seul le résultat est important, pas la manière donton y parvient. C’est particulièrement sensiblelorsque l’on enseigne l’improvisation : l’attentiondoit être tout entière focalisée sur l’élève et sapersonnalité, on ne peut être tributaire de règlesnormatives. Musicien lui-même, notre directeurGeorge Robert est parfaitement conscient decette réalité : il nous laisse une latitude complètedans l’organisation de notre enseignement. »Autre bonne surprise : l’avance administrative dela Suisse en matière d’intégration dans le sys-tème de Bologne. « Elle est bien plus au fait quela France des nouvelles réglementations et pour-tant elle ne fait pas partie de l’Union européenne !Le CNR de Paris – où j’enseigne encore le jeudi –profite d’ailleurs directement de mon expériencelausannoise. Sans parler des budgets alloués à la

formation, bien plus importants en proportion enSuisse qu’en France…»

DEMAINLe rêve d’Emil Spanyi? « Trouver un moyen de fairesavoir au plus grand nombre que pour 80 millionsde francophones européens, il n’existe à l’heureactuelle que trois écoles qui décernent des mastersjazz : le Conservatoire Royal de Bruxelles, le CNSMde Paris et le Conservatoire de Lausanne. Il fautvendre à tout prix cet atout, d’autant que des trois,Lausanne est sans doute l’école qui possède lesmeilleures infrastructures. Le master de pédagogiequ’elle a mis sur pied est également un modèle dugenre, qui risque de susciter beaucoup d’intérêt enFrance et en Belgique, où les professeurs ne pour-ront plus enseigner très longtemps avec leursanciens diplômes. » Au chapitre des choses à amé-liorer, outre une clarification de la stratégie financièreen matière d’accueil des étudiants étrangers, EmilSpanyi souhaite que se développent davantage lesponts entre le jazz et le classique. « A Paris, les col-laborations sont monnaie courante : on travailletous par exemple sur la même sonate de Beetho-ven. Cette tendance va aller en s’amplifiant : il nefaut pas oublier que les violonistes en activitéaujourd’hui sont nés avec les Beatles, voire après,ils n’ont donc plus aucun problème avec lesmusiques actuelles. On parle la même langue, c’estjuste l’accent qui est différent ! » (as)« Seul le résultat est important,

pas la manière dont on y parvient. »

HEM

JAZZ

LES

PROFE

SSEURS

« Jazz, classique :on parle la même langue,c’est juste l’accent quiest différent ! »

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TINA STRINNING

« SOUTENUSDANS NOS DÉSIRS

D’INNOVATION »

Suédoise née en Suisse, Tina Strinning est fière desa double origine, qu’elle vit comme un enrichisse-ment tant sur le plan artistique que social. Aprèsavoir bourlingué longtemps «dans un joyeuxchaos» avec violon, alto et guitare sur le dos, elles’inscrit en alto au Conservatoire de Lausanne àl’âge de 17 ans, obligeant l’institution à engager unprofesseur spécialement pour elle. Christine Sören-sen – car c’est d’elle qu’il s’agit – la remet en sixmois sur le «droit chemin» et lui permet d’accéderen classe professionnelle. «Faire de la musique àhaut niveau n’a jamais procédé d’une passionconsciente, d’une quête, mais d’un état de fait ; jebaignais dedans, voilà tout.» A 21 ans, son diplômeen poche, Tina Strinning s’engage sur la voie descachetons. Les altistes étant très demandés, ellesillonne la Suisse, avec un seul poste fixe à la clé :deux années à mi-temps à l’Orchestre sympho-nique de Bienne. A 26 ans, elle passe sa virtuositéet s’engage dans la voie de l’enseignement. Aprèsquinze ans, elle fait une pause d’une année, qui luipermet de recharger ses batteries, de se lancerdans une formation Dalcroze, et avec cette énergierenouvelée de créer et développer les «violons dan-sants». Elle est aujourd’hui professeur d’alto et deviolon à l’Ecole de Musique et professeur de didac-tique et d’alto deuxième instrument à la HEM.Points forts de son horizon artistique : son groupeTamatakia, au sein duquel elle joue et chante desmusiques du monde, et les Ministrings, un ensem-ble de l’Ecole de Musique qu’elle crée en 2001 etavec lequel elle fait littéralement… des miracles !

AUJOURD’HUIPour Tina Strinning, le Conservatoire est un peucomme une seconde maison. « J’y étais, j’y suisencore tout le temps. Mais que de changements !Je suis fière de l’endroit, de pouvoir y travailler. Jene vois pas où d’autre j’aurais pu accomplir toutesces choses dans d’aussi bonnes conditions.Lorsque j’ai relevé le défi de faire danser des violo-nistes sur scène, il fallait une bonne dose d’ouver-ture d’esprit pour me laisser faire ! On se sent sou-tenu dans ses désirs d’innovation, c’est trèsstimulant. L’institution porte d’ailleurs mal son

nom : à aucun moment je ne me sens dans uneboîte de conserve ! »

DEMAINDemain ? « Ce ne pourrait être mieux qu’au-jourd’hui, le Conservatoire m’a tellement offert :pourvu que cela dure ! Un souhait, peut-être, pourl’ensemble des habitants de la maison: que cela secalme un peu, que l’on marque un temps de pausedans les grands chantiers, le temps d’absorber lesnouveautés. C’est usant à la longue de n’avoir pasle temps de souffler : il faut trouver un rythme decroisière. » Tina Strinning est également partisaned’un rapprochement – elle n’ose prononcer le motde « fusion » – avec l’EJMA. « J’aimerais pouvoirenvoyer mes élèves chez un professeur d’improvi-sation, faire travailler les Ministrings avec un jazz-man : ce serait un enrichissement considérablepour les enfants. » Enfin, continuer à développer lastructure musique-école : « On peut encore l’amé-liorer, même si c’est fantastique de voir tout ce quia été accompli, combien ces jeunes sont bien dansleurs baskets et tirent en avant leurs camarades. »(as)

« A aucun moment je ne me sensdans une boîte de conserve ! »

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« J’aimerais pouvoir envoyermes élèves chez un professeurd’improvisation. »

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GYULA STULLER

« LES ÉTUDIANTSN’ONT PAS

ASSEZ DE TEMPSPOUR LEUR

INSTRUMENT »

Gyula Stuller s’établit en Suisse en 1986, aprèsavoir remporté le premier prix du Concours TiborVarga à Sion. «J’avais 23 ans, se souvient le violo-niste, je venais de terminer mes études au Conser-vatoire Franz Liszt de Budapest.» Il devient rapide-ment l’assistant du maître, et fait ainsi sespremières armes dans l’enseignement. Trois ansplus tard, il s’oriente vers l’orchestre, et devient pre-mier violon solo de l’Orchestre de Chambre deLausanne (OCL), poste qu’il occupe aujourd’huiencore. «J’ai recommencé à enseigner en 1996, àFribourg, ainsi que dans des cours d’été. » GyulaStuller anime l’Académie musicale de Morges, villeoù il a élu domicile. Pingpong, marche, ou encorearts plastiques, Gyula Stuller surfe sur différentesvagues d’intérêt. La musique n’en occupe pasmoins une place prépondérante même dans sontemps libre: il aime notemment à pratiquer le réper-toire de chambre avec ses collègues ou sa femme,altiste professionnelle.

AUJOURD’HUISur le site fribourgeois de la HEM, Gyula Stullerjoue volontiers avec ses étudiants. « Il y a quelquesannées, j’ai créé la Camerata du Conservatoire,que je dirigeais depuis le pupitre de premier violon.Par la suite, j’ai laissé les jeunes les plus avancésprendre cette responsabilité. Il est difficile de for-mer de futurs violons solos, et cela s’est avéré unbon moyen. » Se plonger dans la pratique degroupe est également ce que propose la forma-tion de musicien d’orchestre, dont Gyula Stullerest responsable. « Chaque année, un étudiant estchoisi sur concours pour jouer huit programmesavec l’OCL. Les quatre premiers sont préparésavec l’aide d’un membre de l’Orchestre nommécomme mentor, et les quatre autres sont travaillésde manière autonome. » En cas d’évaluation posi-tive, l’étudiant, outre son diplôme, reçoit automa-tiquement la fonction de remplaçant au sein del’OCL. Un cursus qui donne de précieux outilspour affronter les concours d’orchestre. « C’est unpeu comme dans le tennis, le niveau est tel qu’ilfaut vraiment avoir la forme ! Mais la musique estavant tout subjective, il est important de dévelop-

per sa propre fantaisie, sinon cela reste unecoquille vide. »

DEMAINCe développement demande beaucoup de tempset de travail, et devient de plus en plus difficile dansle système dicté par Bologne, estime Gyula Stuller.« Bien sûr, il faut savoir réfléchir et comprendre lamusique, et pas simplement pouvoir bouger sesdoigts très vite. Mais quand on surcharge lesjeunes avec beaucoup d’autres projets et branchesthéoriques, à tel point qu’ils n’ont plus le temps detravailler leur instrument, c’est inquiétant. » Surtoutlorsque l’on parle de piano, de violon et de violon-celle, trois disciplines qui nécessitent au moins cinqheures de pratique quotidienne. « Sans cela, onn’arrive pas à surmonter les difficultés du répertoire.Et l’on se sent d’autant plus désarmé que le sys-tème est appliqué au niveau international et que lesétudiants ont besoin de ces qualifications s’ils veu-lent espérer pouvoir travailler à l’étranger. » (jp)

« Il est difficile de formerde futurs violons solos,

et la Camerata de Fribourg s’estavérée un bon moyen. »

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« Le piano, le violon et le violoncellenécessitent au moins cinq heuresde pratique quotidienne. »

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GEORGE VASSILEV

« APPRENDREÀ (S’)ÉCOUTER »

D’origine bulgare, George Vassilev (42 ans) étudiela guitare à Varna, Kiev, Genève et Copenhague.Son père est architecte naval, toute sa famillebaigne dans l’univers des grands paquebots ; enprivé, on chante et s’accompagne de la guitaremais il est le premier à dédier sa vie à la musique.La guitare? «Un choix inexplicable. Je ne me voispas faire autre chose. Peut-être est-ce l’instrumentqui correspond le plus à qui je suis à l’intérieur?»Titulaire d’une classe professionnelle à Sion depuis2001, il poursuit en parallèle une carrière deconcertiste et se passionne pour la prise de son.

AUJOURD’HUIGeorge Vassilev est à la fois heureux et trèsimpressionné du processus de rapprochement quia amené l’an dernier la section professionnelle duConservatoire de Sion à intégrer le Conservatoirede Lausanne. « C’est la reconnaissance de plu-sieurs années de travail. Ce nouveau statut nouspermet aujourd’hui de réaliser la plupart de nosrêves. Les conditions de travail se sont clairementaméliorées – grâce au nouveau bâtiment, maisaussi à la dynamique entre les sites qui poussetant les professeurs que les étudiants à une remiseen question permanente. » Bologne ? « Pour queles diplômes soient reconnus, il n’est pas d’autrechoix possible. Je ne suis pas pour autantconvaincu que le système soit pleinement adaptéà la vie réelle. Certaines règles que nous appli-quons aujourd’hui sont déjà dépassées : le mondemusical évolue plus vite que le système. La chargeadministrative, souvent montrée du doigt, consti-tue le nœud du problème. Elle est un ‹ mal › néces-saire, dont on oublie qu’elle a été la réponse aumanque de transparence que l’on reprochait àl’ancien système. La solution réside dans unebonne balance entre les chiffres et les notes. Entant qu’enseignants, nous devons à nos étudiantsdes réponses claires et une transparence absolue ;à nous de trouver notre liberté à l’intérieur de cesrègles. » George Vassilev se dit très reconnaissantau Conservatoire de l’intérêt qu’il porte aux préoc-cupations des professeurs dans ce domaine.

DEMAIN«Je ne me considère pas comme un professeur ausens académique. Je me vois plutôt comme uncomplice, un passeur, qui conduit ses étudiants surla voie de l’autonomie et leur donne le goût d’évo-luer par eux-mêmes. Mon professeur en Bulgariedisait que tout ce qui n’est pas donné est du savoirperdu ; sa plus grande joie au terme de son exis-tence était de savoir que son sang coulait dans lesveines de ses élèves. » Parmi les priorités deGeorge Vassilev figure la transmission du sens del’écoute. « Cette question est, à tort, totalementnégligée. Or l’écoute du son, la gestion de la vibra-tion, sont des choses qui s’acquièrent. Sans elles,point d’émotion. Ce sont elles qui fondent le musi-cien, capable de répondre à ces questions quidépassent le cadre étriqué de l’instrument : quisommes-nous ? où va-t-on ? par quel chemin ? »Sensible à l’érosion de l’exigence sonore, GeorgeVassilev encourage ses étudiants à aiguiser leuroreille en écoutant beaucoup de disques.«Lorsqu’on leur demande de maîtriser parfaitementtel ou tel compositeur, il ne s’agit pas seulement debien exécuter les indications dynamiques figurantsur la partition, mais de connaître et d’intégrer aussice qui s’est fait avant eux – ces différents regardssur la même œuvre qui, loin de brouiller leur esprit,nourrissent leur propre interprétation. » (as)

« Les règles que nousappliquons aujourd’hui sont déjà

passées : le monde musical évolueplus vite que le système. »

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photo : Rossen Donev

« Je ne me considère pas commeun professeur au sens académique,mais plutôt comme un complice,un passeur. »

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CCOONNSSEERRVVAATTOOIIRREE DDEE LLAAUUSSAANNNNEEPrésident du Conseil de FondationFrançois Daniel Golay

DIRECTIONDirecteur général Pierre WavreDirecteur de la Haute Ecole de Musique classiqueJean-Marie ScieszkaDirectrice pédagogique HEM classiqueAnne BassandDirecteur de la Haute Ecole de Musique jazzGeorge RobertDirectrice Ecole de Musique Helena MaffliDirecteur administratif Cédric DivouxResponsable du site de FribourgFrance-Christine FournetResponsable du site de Sion Jan Dobrzelewski

COORDINATEURS DE FILIÈRESThéorie Philippe AlbèraPédagogie Thomas BolligerInterprétation Anne BassandRecherche et développement Angelika GüsewellMusique à l'école Jean-Pierre Chollet

DOYENS DE LA HAUTE ECOLE DE MUSIQUECLASSIQUEPiano Jean-François AntonioliMusique contemporaine William BlankThéorie François BoveyOrgue et clavecin Jean-Christophe GeiserDESM Roland DemiévilleChant Gary MagbyCordes, guitare et harpe Gunars LarsensAccompagnement Béatrice RichozInstruments à Sion George VassilevThéorie à Sion Elisabeth Gillioz

DOYENS DE L’ECOLE DE MUSIQUEViolon, alto et guitare Marcel SinnerVioloncelle, contrebasse et harpe Denis GuyBois Frank SigrandCuivres, percussion et accordéon Robert IscherPiano, orgue et clavecin André LocherChant Frédéric Meyer de StadelhofenThéorie Angelo Lombardo

RéceptionDu lundi au vendredi : 8h -11h45, 13h30-16hMercredi : 8h-11h45, 13h30-17h

Responsable de publicationDirection du Conservatoire de LausanneRue de la Grotte 2CP 5700, 1002 LausanneT 021321 35 35F 021321 35 36www.cdlhem.ch

Rédaction et coordinationAntonin Scherrer – Colophane Edition & CommunicationCh. de Florissant 13Chalet La Folia, 1660 Château-d’ŒxT/F 026 924 33 45 – M 079 296 37 [email protected]

Courrier des lecteursNuances vous concerne… et vous concernez Nuances !N’hésitez pas à nous faire part de vos suggestions et vosremarques, mais aussi à nous informer de tout événe-ment susceptible d’intéresser nos lecteurs (audition,concert, CD, nomination, bourse…). Votre plume – qu’ellesoit laudative ou critique – est également la bienvenuedans ces colonnes. Que vous souhaitiez réagir à des pro-pos tenus dans ce journal ou nous faire part d’une ré-flexion plus large sur un sujet en rapport avec la musiqueet/ou le Conservatoire de Lausanne, contactez AntoninScherrer, rédacteur responsable, qui se fera le relais devotre voix au sein du conseil de rédaction.

Graphisme, réalisation : www.atelierk.org, LausanneImpression : Editions BIM, Vuarmarens

Abonnement à NuancesSi vous souhaitez recevoir Nuances chez vous, faites-lenous savoir en nous indiquant vos coordonnées àl’adresse suivante : Conservatoire de Lausanne, Abon-nement Nuances, rue de la Grotte 2, CP 5700, 1002 Lau-sanne. L’abonnement est gratuit.

NUANCES

ACTUALITÉ

DES M

ASTERS

SUR LES ONDES

NOUVEAU

DIRECTEUR

«DES MASTERS SUR LES ONDES» DIX ÉTUDIANTS ENCONCERT SUR RADIO SUISSE ROMANDE-ESPACE 2

Avec les réformes de Bologne et l’avènement des hautes écoles spé-cialisées, la physionomie des études professionnelles de musiques’est radicalement modifiée. Le cursus a pris un tour beaucoup plusconcret : on forme aujourd’hui des musiciens non seulement d’un hautniveau artistique, mais capables aussi de prendre en mains la gestionde leur carrière. C’est dans cette perspective que les étudiants enmaster d’interprétation ont aujourd’hui au menu de leur projet de find’études l’organisation d’un concert de A à Z. Dans un mouvementde rapprochement souhaité par les directions des deux institutions, laRadio Suisse Romande-Espace 2 et le Conservatoire de Lausanneont décidé d’unir leurs forces pour offrir à dix d’entre eux la possibilitéde présenter le fruit de leur travail en public et en direct sur les ondesd’Espace 2. L’occasion pour les étudiants de se confronter à la réalitéde leur futur métier et pour Espace 2 d’offrir à ses auditeurs desconcerts de l’après-midi variés, présentés et commentés en direct parles artistes.

Tous les concerts ont lieu au Studio 15 de la Radio Suisse Romande,av. du Temple 40, 1010 Lausanne (M2 arrêt Sallaz). Ils sont diffusés endirect sur les ondes de RSR-Espace 2.L’entrée est libre, dans la limite des places disponibles, mais la réser-vation obligatoire: T 021 321 35 35 • [email protected]

MERCREDI 24 JUIN 2009, 13h30-15hVoyage musical au Japon – Trois pièces, trois styles, troisformationsŒuvres de Blaise Mettraux, Toru Takemitsu et Takashi YoshimatsuMasako Ono, soprano | Megumi Tabushi, clarinette | Julien Mégroz,percussion | Yuka Munehisa, piano | Un projet de Yuka Munehisa

Shakespeare Beethoven Beckett – Autour du Trio «des Esprits»Beethoven : Trio op. 70 n° 1 • Shakespeare : extraits de «Macbeth»Vanessa Kraege, piano | Fiona Kraege, violon | Desmond-BryanKraege, violoncelle | Un projet de Desmond-Bryan Kraege

JEUDI 25 JUIN 2009, 13h30-15hInterdite mais pas oubliée – La musique bannie par le IIIe ReichŒuvres d’Alexander von Zemlinsky, Erwin Schulhoff, Pavel Haas etFranz SchrekerVlad Stanculeasa, Deniz Toygür, Anna Vasilyeva, Jiyoung Park, vio-lons | Alyssa Delbaere Sawchuk, Yumiko Awano, altos | Mary Elliott,Hilde Skomedal, violoncelles | Alexandre Ito Souza, contrebasse |Yukiko Tanaka, piano | Un projet de Mary Elliott

La Forêt des Mystères – Conte musicalYvan Richardet, narrateur | Marilyne Musy, percussion | FionaKraege, violon | Fanny Richardet, saxophone | Alain Bucher, accor-déon | Joséphine Maillefer, flûte traversière | Quintette de cuivres &marimba | Un projet de Marilyne Musy

VENDREDI 26 JUIN 2009, 13h30-15hLe compositeur argovien Werner Wehrli (1892-1944) et sesmodèlesŒuvres de Werner Wehrli, J. S. Bach, Joseph Haydn et Arnold SchönbergSamuel Fried, piano | Un projet de Samuel Fried

Le second âge d’or de la mélodie anglaiseFlorilège de mélodies romantiques et du 20e siècle sur des poèmesde Shakespeare : Charles Villiers Stanford, Roger Quilter, GeraldFinzi, Erich Wolfgang Korngold, Ralph Vaughan WilliamsGeoffroy Perruchoud, baryton | André Gass, ténor |Anthony Di Giantomasso, piano | Un projet de Geoffroy Perruchoud

MERCREDI 1ER JUILLET 2009, 13h30-15hDu menuet au tango, d’Europe en Amérique: Pas de deuxharpistesŒuvres de J. S. Bach, John Thomas, Maurice Ravel et Carlos SalzedoLindsay Buffington, Céline Gay des Combes, harpes | Un projet deLindsay Buffington

Airs oubliés du 18e siècle – Du sacré à l’opéraAirs de W. A. Mozart, Niccolò Jommelli, Joseph Haydn, Antonio Vivaldi, Joseph Adolph Hasse, Tommaso Traetta et Attilio AriostiYannis François, baryton-basse | Geoffroy Perruchoud, baryton |Irene Puccia, piano | Michiko Sugira, clavcin | Esmé de Vries, violoncelle baroque | Un projet de Yannis François

JEUDI 2 JUILLET 2009, 13h30-15hCello père, fille & cie – Musique pour deux violoncelles… et plusŒuvres de Domenico Gabrielli, Giacobo Basevi, Joseph Haydn,David Popper, David Riemens et Paul TortelierVinciane Guy, Denis Guy, Frédéric Rosselet, violoncelles | EnricoCamponovo, piano & clavecin | Un projet de Vinciane Guy

DDeebbuussssyy eett ll’’IImmpprreessssiioonnnniissmmee –– MMuussiiqquuee ppoouurr vvooiixx eett ppiiaannooDebussy : Le Promenoir des deux Amants, Trois Chansons de Bilitis, Images (2e Livre)Antoinette Dennefeld, chant | Lucas Buclin, piano | Un projet de Lucas Buclin

ici:dossier de presse!