Systeme National d'Integrité France

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Le rapport "Système national d'intégrité - France" publié par Transparency International France.Dispositif français de transparence et d'intégrité de la vie publique et économique

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Barents Sea

Norwegian Sea

Atlantic Ocean

Baltic Sea

North Sea

Bay of Biscay

SYSTME NATIONAL DINTGRIT LE DISPOSITIF FRANAIS DE TRANSPARENCE ET DINTGRIT DE LA VIE PUBLIQUE ET CONOMIQUEMediterranean Sea

B l a c k

S e a

www.transparence-france.org420 Miles

M

Transparence International France (TI France) est la section franaise de Transparency International (TI), la principale organisation de la socit civile qui se consacre la transparence et lintgrit de la vie publique et conomique. A travers laction de plus dune centaine de sections affilies rparties dans le monde et de son secrtariat international bas Berlin, TI sensibilise lopinion aux ravages de la corruption et travaille de concert avec les dcideurs publics, le secteur priv et la socit civile dans le but de la combattre.

Editeur : Chercheur principal : Contributeurs :

Transparence International France Eric Phlippeau, universit Paris Ouest - Nanterre la Dfense, Institut des sciences sociales du politique (ISP, UMR 7220 CNRS) Josphine Bastard, chercheuse associe (chapitres 6.6, 6.8, 6.11, 6.12) Thomas Laleve, consultant, membre du GRASCO (chapitre 6.13) Christophe Le Berre, chercheur associ, universit Paris Ouest - Nanterre la Dfense, Centre de recherches sur le droit public (CRDP) (chapitres 6.3, 6.4, 6.5, 6.13) Eric Phlippeau (chapitres 6.1, 6.2, 6.7, 6.9, 6.10)

Coordinatrice :

Stphanie Bouchi de Belle, TI France

Toute notre attention a t porte afin de vrifier lexactitude des informations et hypothses figurant dans ce rapport. A notre connaissance, toutes ces informations taient correctes en novembre 2011. Toutefois, Transparence International France ne peut garantir lexactitude et le caractre exhaustif des informations figurant dans ce rapport. Transparence International France, pas plus que la Commission Europenne (Programme de prvention et de lutte contre la criminalit, Direction gnrale des Affaires intrieures), grce laquelle ce projet a t financ, ne pourront tre tenus pour responsables des consquences de lusage de ces informations toutes autres fins ou sous dautres formes.

Prvention et Lutte contre la Criminalit Avec le support du Programme de prvention et de lutte contre la criminalit Commission Europenne Direction gnrale des Affaires intrieures

TABLE DES MATIERESI. PRESENTATION DE LEVALUATION DU SYSTEME NATIONAL DINTEGRITE (SNI) .............. 1 II. RESUME EXECUTIF ...................................................................................................................... 3 III. LES FONDATIONS DU SYSTEME NATIONAL DINTEGRITE FRANAIS................................ 8 IV. LA CORRUPTION EN FRANCE ................................................................................................. 13 V. ACTIONS DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION.................................................................... 15 VI. LES PILIERS DU SYSTEME NATIONAL DINTEGRITE FRANAIS ....................................... 17 1. PARLEMENT ................................................................................................................................ 17 2. EXCUTIF .................................................................................................................................... 37 3. POUVOIR JUDICIAIRE.................................................................................................................... 54 4. ADMINISTRATION ......................................................................................................................... 81 5. INSTITUTIONS CHARGEES DASSURER LE RESPECT DE LA LOI ....................................................... 101 6. COMMISSIONS DE CONTROLE DES ELECTIONS ............................................................................. 120 7. MEDIATEUR ............................................................................................................................... 132 8. LES JURIDICTIONS FINANCIRES ................................................................................................ 139 9. AUTORITES DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION ......................................................................... 154 10. PARTIS POLITIQUES................................................................................................................. 166 11. MEDIAS ................................................................................................................................... 183 12. SOCIETE CIVILE ....................................................................................................................... 201 13. ENTREPRISES.......................................................................................................................... 217 VII. CONCLUSION .......................................................................................................................... 235 ANNEXES ....................................................................................................................................... 237 I. METHODOLOGIE ......................................................................................................................... 237 II. PERSONNES INTERVIEWEES ....................................................................................................... 242 III. PARTICIPANTS A LATELIER SNI ............................................................................................... 243

Remerciements Transparence International France remercie lensemble des personnes ayant contribu ce rapport et en particulier les membres du comit de pilotage, les informateurs-clefs et les participants latelier des parties prenantes. Transparence International France remercie galement lquipe de Transparency International (en particulier Paul Zoubkov et Suzanne Mulcahy), ainsi que Laure Aviles.

I. Prsentation de lvaluation du Systme national dintgrit (SNI)Ce rapport dresse un tat des lieux du dispositif franais de transparence et dintgrit de la vie publique et conomique. Il constitue la partie franaise dune initiative de dimension europenne 1 soutenue par la Commission Europenne . Lobjectif de cette initiative est dvaluer le dispositif 2 anti-corruption - le Systme National dIntgrit ou SNI - de 26 pays dans le but de promouvoir des rformes durables et efficaces. Lenjeu est dimportance. Selon lEurobaromtre 2009 , 78% des citoyens europens estiment en effet que la corruption reprsente un problme rel dans leur pays. En France, cette opinion atteint 73%. La corruption constitue la ngation de la bonne gouvernance et de lEtat de droit. En remettant en cause lgalit des citoyens devant la loi, elle est une atteinte directe aux droits de lHomme et aux fondements de la dmocratie. Par les multiples dommages quelle cause ou rend possibles, elle mine lesprit civique et entrane une perte de confiance des populations envers leurs institutions et leurs dirigeants. Elle est lorigine du gaspillage de ressources publiques, permet le contournement des rglementations et fausse les rgles de la concurrence. Elle affecte ainsi la croissance, le dveloppement durable et la cohsion sociale. La dmarche dvaluation du Systme National dIntgrit analyse les principales institutions jouant un rle dans la prvention et la lutte contre la corruption dans un pays donn. Lorsque ces institutions fonctionnent correctement, elles constituent un Systme National dIntgrit sain et solide, capable de lutter efficacement contre la corruption, dans le cadre dun combat plus vaste contre toutes les formes dabus de pouvoir, de malversations et de dtournements. A linverse, lorsque ces institutions ne bnficient pas dun cadre lgal adapt et que leur personnel ne fait pas preuve dun comportement responsable, la corruption peut prosprer. Le renforcement du SNI permet damliorer la gouvernance publique et, en dfinitive, de construire une socit globalement plus juste.Dfinir lintgrit Du latin integritas (totalit, plnitude), tat de quelque chose qui a conserv sans altration ses qualits ; qualit de quelqu'un, de son comportement, d'une institution qui est intgre, honnte4. Selon le guide de TI La lutte contre la corruption en termes clairs : Quil sagisse de personnes physiques ou dinstitutions, lintgrit dsigne un comportement et des actes conformes un ensemble de principes thiques et moraux, qui font obstacle la corruption .3

Par la ralisation dun rapport SNI, TI France entend analyser lefficacit des mcanismes anticorruption existant en France et les comparer aux mcanismes dautres pays europens. Le SNI permet aussi dapporter des clairages sur lactualit franaise rcente : dbats sur la prvention des conflits dintrts et lencadrement du lobbying, les avantages et immunits, lindpendance de la justice, etc.

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Direction Gnrale des Affaires Intrieures. 24 Etats de lUnion Europenne, la Norvge et la Suisse. 3 http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb72/eb72_fr.htm 4 Larousse, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/int%C3%A9grit%C3%A9/43543

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Le rapport SNI franais sintresse 13 piliers ou institutions considrs comme jouant un rle dans la lutte contre la corruption en France. Gouvernement 1. Parlement 2. Excutif 3. Pouvoir/autorit judiciaire Secteur public 4. Administration 5. Institutions charges dassurer le respect de la loi 6. Commissions/institutions de contrle des lections 7. Mdiateur 8. Cour des comptes 9. Autorit(s) de lutte contre la corruption Non-gouvernemental 10. 11. 12. 13. Mdias Socit civile Partis politiques Entreprises

Lensemble de la mthodologie de lvaluation du SNI est dtaill en annexe I. Depuis l'laboration de cette approche la fin des annes 90, plus de 80 pays ont conduit des 5 valuations de leur SNI . De nombreux rapports ont servi de base des campagnes de sensibilisation civique, favoris l'adoption de rformes et contribu la prise de conscience de dficits de gouvernance au niveau national. Cest la premire fois quune valuation SNI est ralise en France.

AVERTISSEMENT Cette tude a t conduite en suivant la mthodologie labore par Transparency International et commune aux 26 pays ayant simultanment particip ce projet. Pour cette raison, ltude ne couvre pas certains aspects quil aurait t pertinent de traiter dans le contexte franais. Ainsi, ce rapport se concentre essentiellement sur le niveau national et tudie peu les institutions locales ; TI France estime que lducation devrait constituer un pilier part entire ; Dans un systme tel que le systme franais, les entreprises publiques auraient pu tre examines spcifiquement ; Le pilier Entreprises gagnerait tudier davantage le rle des syndicats et des organisations professionnelles.

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Les rapports des pays ayant dj conduit une valuation SNI sont disponibles ladresse internet suivante : http://transparency.org/policy_research/nis/

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II. Rsum excutifLvaluation du systme national dintgrit (SNI) franais analyse les mcanismes anti-corruption existants et leur efficacit, au travers de 13 piliers ou institutions considrs comme jouant un rle dans la lutte contre la corruption en France. Lapproche des tudes SNI considre que la solidit des piliers dpend directement de fondations que constituent les contextes social, politique, conomique et culturel du pays. La prsente tude a t ralise suivant la mthodologie labore par Transparency International et commune toutes les valuations SNI. Chacun de ces 13 piliers est valu selon trois dimensions (1) la capacit globale de l'institution fonctionner (ressources et indpendance), (2) ses propres rgles internes de gouvernance en termes d'intgrit, de transparence et de capacit rendre compte ( redevabilit ), (3) son rle dans le systme national dintgrit. La plupart des indicateurs sont tudis sous deux aspects: (a) le cadre lgal applicable aux institutions concernes et (b) la pratique effective et le comportement des acteurs appartenant ces institutions. Un niveau dintgrit globalement bon Ltude montre que le niveau du systme dintgrit hexagonal est globalement plutt bon. Le temple du SNI hexagonal prsente larchitecture suivante.

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Si, du fait notamment de la multiplication rcente des affaires politico-financires, certains pourront trouver cette apprciation excessivement positive, il ne faut pas perdre de vue quelle est mettre en perspective avec celles dautres pays o les niveaux de corruption sont traditionnellement perus comme tant bien plus levs et o la pratique de la dmocratie est plus rcente. De plus, 6 cette valuation est cohrente avec les rsultats du Baromtre mondial de la corruption qui, sil exprime une forte dfiance des Franais lgard des partis politiques, montre quils considrent en revanche leurs institutions publiques comme globalement intgres. mais des fondations en voie de fragilisation Avant dentrer dans une analyse synthtique des forces et faiblesses des diffrents piliers, il convient de rappeler quelques observations relatives aux fondations supportant cet difice. Si celles-ci paraissent plutt solides et fiables, elles nen doivent pas moins tre attentivement surveilles car la prvention et la lutte contre la corruption sont troitement lies la rsistance de ce socle. Or des lzardes existent et il convient de ne pas les laisser prosprer. Ainsi, du point de vue sociopolitique, comme dans beaucoup dautres dmocraties parlementaires, les canaux classiques dexpression et de participation politique ont tendance sroder. Sur un plan plus socioconomique, des tudes rcentes soulignent galement la tendance contemporaine de la 7 socit franaise un creusement des ingalits et la fragilisation de la cohsion sociale . En outre, toute une srie de contraintes mondiales ou supranationales sont plus que jamais 8 gnratrices de tensions sociopolitiques et de remises en question de lEtat et de ses lites . Enfin, pour certains, la principale limite est peut-tre rechercher plutt du ct des fondations socioculturelles dune corruption la franaise qui prend appui sur des mcanismes, des valeurs 9 et des rgles parfaitement intgrs et lgitims par le systme politique . La lutte contre la corruption nest clairement pas une priorit politique Au vu des notes obtenues, la palme de la transparence et de lintgrit revient aux juridictions financires et aux organes de contrle des lections, la lanterne rouge lexcutif et au Parlement. Au-del dune lecture des rsultats par pilier et de ces blmes et satisfcits, on gagne tenter de comparer et de rapprocher les situations. De ce point de vue, il est possible de dgager trois grandes familles de piliers. Un premier groupe runit ceux dont la note densemble fait cho un mode de fonctionnement et un rle dans la lutte contre la corruption assez satisfaisants : juridictions financires, commissions lectorales, secteur public et socit civile. Un deuxime rassemble les secteurs prsentant des notes globales plus moyennes, savoir les piliers entreprises, mdias et justice. Un troisime regroupe enfin les plus fragiles : autorits de lutte contre la corruption, partis politiques, forces de lordre, excutif et Parlement. Au vu des piliers rassembls au sein de cette dernire famille, il apparat clairement que la lutte anti-corruption nest pas une priorit pour les principaux acteurs politiques franais : ni lexcutif, ni les partis, ni le Parlement ne se montrent particulirement sensibles cet enjeu. En outre, lorsque lon analyse la gouvernance de ces institutions sous langle de leur transparence, redevabilit (capacit rendre compte) et intgrit, tant du point de vue des rgles que des pratiques, celles-ci napparaissent pas davantage comme exemplaires.

http://www.transparence-france.org/e_upload/pdf/barometer_report_2010_fr.pdf Sandra Hoibian, Baromtre de la cohsion sociale, CREDOC, Note de synthse, juin 2011. Pour une vision plus nuance des consquences sociales et politique des processus de globalisation voir Suzanne Berger, Notre premire mondialisation, leons d'un chec oubli, Editions Le Seuil, 2007 et du mme auteur Made in monde. Les nouvelles frontires de l'conomie mondiale, Editions du Seuil, 2006. 9 Voir Y. Mny, La corruption de la Rpublique, Fayard, 1992, p.27.7 8

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Des institutions globalement solides, la gouvernance perfectible et faiblement impliques dans la lutte contre la corruption Une lecture en fonction de la capacit, de la gouvernance et du rle dans le systme national dintgrit des diffrents piliers fait apparatre dautres lignes de force et de faiblesse. Le plus souvent, la capacit des piliers (leurs ressources et leur indpendance) semble relativement robuste. Lvaluation de leur gouvernance (apprhende par le prisme de leur transparence, de leur redevabilit et de leur intgrit) laisse en revanche entrevoir un tableau densemble plus fragile, spcialement en ce qui concerne la transparence (et en particulier pour les piliers partis politiques et Parlement). Cest toutefois le rle effectif quils jouent dans le systme national dintgrit qui laisse souvent beaucoup plus dsirer. Sous cet angle en effet, la moiti des piliers joue un rle assez modeste ou effac, quil sagisse de la justice (en ce qui concerne le contrle du pouvoir excutif et la rpression effective de la corruption), des autorits de lutte contre la corruption (au regard de leurs actions en matire de prvention, dducation et dinvestigation), des partis politiques (tant du point de vue de leur reprsentativit que de celui de leur engagement dans la lutte anti-corruption), des forces de lordre (tant donn le bilan de leurs poursuites judiciaires en matire de corruption), de lexcutif (considrant sa gestion du secteur public et son action de lutte anti-corruption) et du Parlement (pour son action de contrle de lexcutif et son engagement dans la lutte contre la corruption). Les lois existent mais sont insuffisamment appliques Enfin, la plupart des piliers mettent en lumire un dcalage rcurent entre un cadre juridique ou institutionnel globalement trs satisfaisant et des pratiques ou une mise-en-uvre de ces rgles qui ne suivent pas. Assurment donc, la prvention et la lutte contre la corruption pourront notablement progresser si lon sefforce de mieux faire respecter les rgles dj existantes. Une lutte essentiellement symbolique ? Dans un certain nombre de cas toutefois, aux cadres institutionnels de la lutte anti-corruption correspondent des pouvoirs dinvestigation et de sanction relativement faibles. La lutte contre la corruption peut alors prendre la forme dune politique essentiellement symbolique. Il suffit pour sen convaincre de parcourir les nombreux rapports produits depuis une dizaine dannes notamment 10 par les responsables du SCPC, de la CNCCFP et de la CTFVP pour prendre toute la mesure de ce dcalage que le lgislateur et parfois les juridictions, par leurs dcisions, ont contribu 11 creuser . Les politiques seuls responsables ? Il serait cependant injuste dimputer nos seules lites politiques la responsabilit des insuffisances de la lutte contre la corruption en France. Des tudes ont en effet montr combien les citoyens franais eux-mmes sont souvent complaisants lgard du favoritisme et de diverses formes 12 darrangements, ainsi que le rapport ambigu quils nourrissent vis--vis de la corruption . En outre, la dfense des systmes nationaux dintgrit est une politique qui dborde les frontires nationales, interdpendante dautres dynamiques et de transformations plus globales extrieures 10 Service central de prvention de la corruption (SCPC), Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), Commission pour la transparence financire de la vie politique (CTFVP). 11 Ces rapports contiennent depuis longtemps des propositions de rforme concrtes directement adosses aux problmes rencontrs par les membres de ces institutions, propositions qui ne connaissent gure d'cho ou de traduction lgislative. 12 Pierre Lascoumes (dir.), Favoritisme et corruption la franaise. Petits arrangements avec la probit, Presses de Science Po, 2010.

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lhexagone. Dans un contexte europen de limitation de la dpense publique, cette politique risque de se voir confronte un problme de raret de moyens qui va se poser avec de plus en plus dacuit. De ce point de vue par exemple, la justice franaise accuse dj un retard important en comparaison de ses homologues europennes, la Commission Europenne pour lEfficacit de la me Justice la classant dans son rapport 2010 au 18 rang sur 45 pays en ce qui concerne son budget public annuel total.

Principales conclusions de ltudeLe systme national dintgrit franais est globalement bon, ce qui sexplique notamment par lanciennet de la pratique des institutions dmocratiques Le socle de ce systme est cependant fragilis : affaiblissement des canaux classiques dexpression et de participation politique, creusement des ingalits, recul de la cohsion sociale, remise en question de lEtat et de ses lites Les juridictions financires et les organes de contrle des lections sont les institutions les mieux notes alors que lexcutif et le Parlement sont celles qui obtiennent les valuations les plus basses A lexception notable de la justice, les institutions franaises concourant au systme national dintgrit ont globalement la capacit de leur action (ressources et indpendance suffisantes) Concernant leur gouvernance (transparence, intgrit, capacit rendre compte ou redevabilit ), les progrs faire se situent surtout au niveau de la transparence et concernent notamment les partis politiques et le Parlement Limplication des institutions franaises dans la lutte contre la corruption est globalement faible. Au-del dannonces symboliques, ce sujet nest ce jour clairement pas une priorit politique Lcart entre les textes, globalement bons, et leur mise en uvre effective constitue lun des principaux dfis relever Les politiques ne sont pas les seuls responsables. Les Franais, parfois complaisants lgard du favoritisme et de diverses formes darrangements, nourrissent un rapport ambigu lgard de la corruption

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Principales recommandations du rapport1. Les partis politiques doivent enfin riger la lutte contre la corruption en vritable priorit et aller ainsi bien au-del des habituelles rformes symboliques motives par les affaires. La socit civile, au sens large, doit se mobiliser pour susciter ce sursaut indispensable au rtablissement de la confiance des citoyens dans leurs institutions. 2. Mieux sensibiliser les Franais aux enjeux et solutions de la lutte contre la corruption en introduisant ce thme dans les programmes dducation civique et en donnant une meilleure visibilit aux travaux dinstitutions telles que le Service Central de Prvention de la Corruption (SCPC) ou la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). 3. Instaurer la publication de dclarations dintrts prcises tous les niveaux de la dcision publique (lus locaux et nationaux, membres du gouvernement, membres des cabinets ministriels et fonctionnaires dautorit) et consacrer lobligation de sabstenir de participer une dcision publique en cas dintrts personnels lis la question aborde. 4. Encadrer le lobbying et assurer sa transparence tous les niveaux de la dcision publique. 5. Garantir au sein de ladministration la protection des lanceurs dalerte contre toute forme de reprsailles. 6. Le contrle citoyen ainsi que la participation citoyenne llaboration de la dcision publique doivent tre encourags. Cela passe notamment par une amlioration du dispositif franais sur le droit daccs linformation. 7. Instituer un contrle des comptes des assembles. 8. Imposer aux partis politiques lobligation de publier intgralement leurs comptes et doter la CNCCFP de pouvoirs dinvestigation. 9. Rformer le statut du Parquet afin den faire une vritable autorit judiciaire indpendante du pouvoir excutif et doter la police financire de moyens suffisants. 10. Renforcer limpartialit de la procdure de classification, en dotant la Commission consultative du secret de la dfense nationale (CCSDN) dun pouvoir de dcision susceptible dappel. 11. Encourager le dveloppement du journalisme dinvestigation et assurer la transparence de lactionnariat des mdias. 12. Les entreprises franaises doivent prendre des engagements publics en matire de lutte contre la corruption et adopter dans ce domaine des dispositifs de prvention inspirs des meilleures pratiques.

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III. Les fondations du systme national dintgrit franaisCadrages politico-institutionnelsLe systme politico-institutionnel franais, souvent qualifi de semi-prsidentiel, se caractrise par un Parlement au pouvoir amoindri et par une Prsidence de la Rpublique prminente (sauf en cas de cohabitation, o le Premier ministre, alors chef rel de la majorit parlementaire, se voit effectivement confrer les moyens de gouverner). Dans ce systme, la plupart des piliers valus dans le cadre de cette revue gnrale disposent de ressources suffisantes qui mettent leurs occupants labri du besoin ou de la tentation de monnayer leurs activits et leurs fonctions. Cela nempche pas que lexcutif et le lgislatif interagissent avec leur environnement et sont influencs par dautres milieux, notamment socioconomiques, avec lesquels se nouent des relations parfois problmatiques. De rcentes affaires touchant aussi bien des hauts-fonctionnaires (scandale du Mdiator, affaire Prol), des ministres que des parlementaires (affaire Woerth-Bettencourt) lont encore rappel rcemment. Absence dune relle volont politique de sattaquer la corruption en France Sauf actualit brlante ou situation de crise ponctuelle, la prvention et la lutte anti-corruption restent des enjeux qui ne proccupent dordinaire que trs marginalement les pouvoirs publics notons toutefois, dans un contexte de grandes affaires et pr-lectoral, un certain engouement affich de la classe politique pour ces thmatiques. Pour lexcutif en gnral, cette thmatique appelle souvent plus des politiques symboliques, que des actions assorties de relles sanctions contre les contrevenants. Les assembles parlementaires rechignent galement intervenir sur ces questions pour mettre au point un arsenal rpressif fort susceptible de se retourner contre leurs membres. Les dbats sur le paquet lectoral 2011 ont permis de lillustrer encore tout dernirement lorsque Jean-Franois Cop et Christian Jacob dposrent un amendement aux textes sur la transparence financire pour retirer l'incrimination pnale initialement prvue lencontre des dputs qui mettraient de fausses dclarations de patrimoine. Les premiers lments rendus publics sur le projet de loi visant rglementer les situations de conflits dintrts laissent galement prsager un texte final qui risque bien dtre trs en de des prconisations de la 13 commission Sauv . Dispersion et manque de moyens des institutions actives dans la lutte contre la corruption Ces impressions sont redoubles par la faiblesse des moyens globalement allous au pouvoir judiciaire. Si le contrle juridictionnel des actes de ladministration est parfaitement organis, des moyens plutt faibles limitent considrablement lefficacit de la rpression judiciaire en matire de dlinquance conomique et financire et de lutte anti-corruption. Par ailleurs, il nexiste pas en France dautorit spcialise dans la lutte contre la corruption rpondant prcisment au cadrage de lenqute SNI. On est plutt en prsence dune myriade dorganismes, disperss dans les diffrents piliers couverts par ltude et dont les activits ont voir avec certains aspects de cette croisade. Les deux institutions dont les missions se centrent le plus autour de cette politique sont dune part la Commission pour la transparence financire de la vie politique (CTFVP) et de lautre,13

Commission de rflexion pour la prvention des conflits dintrts.

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le Service central de prvention de la corruption (SCPC), qui se caractrisent par des moyens matriels, financiers et humains drisoires. Leur action reste essentiellement prventive et ducative et, en ce qui concerne la conduite dinvestigations, les comptences reconnues ces deux institutions sont clairement beaucoup plus limites. Il ny a donc rien dtonnant ce que, plus gnralement, laction de ladministration en matire de lutte contre la corruption reste aussi trs secondaire, tant sur le plan de linformation et de la sensibilisation du public cet enjeu que du point de vue de sa participation aux actions de lutte contre la corruption conduites par des organisations sentinelles telles que le SCPC, des entreprises ou la socit civile. Au fond, cette cause mobilise dabord quelques associations, qui, si elles sont assez peu nombreuses, se rvlent tout de mme trs actives et visibles.

Cadrages socio-politiquesLes forces politiques luvre au sein de cet environnement institutionnel se caractrisent par linstabilit et la fragmentation. Une identification partisane de plus en plus insaisissable Les comportements des lecteurs tout dabord posent problme. Alors que des dcennies leur ont t ncessaires pour faire lapprentissage du suffrage universel, tout se passe comme si les 14 Franais avaient dsormais dsappris voter . Depuis le dbut des annes 1990, labstentionnisme lectoral est devenu une donne rcurrente de chaque consultation. Les dernires lgislatives ont mme enregistr un niveau historique de prs de 40% dabstention. Limage que renvoient galement rgulirement les grandes enqutes est celle de citoyens dont lidentification partisane est de plus en plus insaisissable. Pour certains, la France se caractriserait 15 mme par une culture anti partisane . Ces errements se rpercutent de plein fouet sur les lites politiques : contre toute attente sondagire , les lecteurs envoient une majorit socialiste lassemble en rponse la dissolution prononce en 1997 par Jacques Chirac ; ils refusent prs de 55% le 29 mai 2005 la ratification du trait tablissant une Constitution pour lEurope dsavouant ce faisant laccord assez large qui faisait jour alors entre reprsentants de diffrents camps politiques ; enfin, le 21 avril 2002, leurs votes aboutissent une prsidentielle dont le 16 second tour voit saffronter un candidat de la droite classique un candidat de lextrme droite . Fragmentation et instabilit du systme des partis franais Lenvers de ce dcor est peupl de partis politiques dont les contours sont eux aussi mouvants et flous. En 2008, quatorze formations politiques ont reu des aides publiques de lEtat. Seules huit disposent toutefois de reprsentants lus au Parlement. Si lon change la focale pour cerner ces objets politiques en prenant pour appui le cadre lgal de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), ce ne sont plus 8 ou 14 mais 594 formations politiques qui ont effectivement t enregistres depuis 1990, sachant que pour lanne 2009, elles taient au nombre de 295. A ct dune petite dizaine de structures faisant figures de partis nationaux bien tablis, capables de mobiliser des lecteurs chaque consultation et en mesure de disposer de ressources humaines, matrielles et financires de bon niveau, la majeure partie des14 15

A. Garrigou, Histoire sociale du suffrage universel en France 1848-2000, Seuil, 2002. C. Ysmal, Lvolution du systme de partis : miettement, regroupement et alliance in Ltat de la France, La Dcouverte, 2010. 16 B. Cautrs, N. Mayer, (dir.), Le nouveau dsordre lectoral. Les leons du 21 avril 2002, Paris, Presses de Science Po, 2004.

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organisations partisanes hexagonales sont de taille trs modeste (avec peu dadhrents et de militants), peu actives, si ce nest par intermittence et sur un plan lectoral essentiellement. Au milieu des annes 1980, lancien systme bipolaire (quatre partis lis les uns aux autres par des alliances : le PC et le PS gauche, le RPR et lUDF droite) captait prs de 95% des suffrages. Ce schma na pas rsist aux modifications institutionnelles et politiques (lmergence de nouveaux enjeux comme limmigration et lenvironnement ayant fait merger de nouveaux prtendants tels le Front national et diffrentes organisations cologistes). Cette instabilit et cette fragmentation du systme des partis franais reste dactualit. Cre en 2002 pour rassembler toutes les composantes de la droite, lUMP voit cette prtention remise en question. A gauche, les allis traditionnels du PS sont aussi en crise ou en proie des dissensions qui entravent la capacit des socialistes reconqurir le pouvoir.

Cadrages socio-conomiquesSans vouloir expliquer mcaniquement ces dynamiques politiques par diverses volutions socioconomiques, le systme politique franais ne constitue pas pour autant en soi un isolat dont le fonctionnement pourrait rester labri des autres sphres de la vie conomique, sociale ou culturelle. Progression des ingalits Sur la longue dure, la socit franaise a t caractrise par un salariat en expansion, une dynamique de tertiarisation, un dveloppement des couches sociales intermdiaires et un 17 glissement vers le haut des catgories sociales les plus leves . En mme temps, les catgories populaires continuent de constituer une composante importante de la socit (ouvriers et contrematres reprsentent 25% de la population active et avec les employs, ce groupe atteint 60%). Lexpansion de couches sociales sans emploi et fragilises attnue aussi singulirement cette image dune France o les groupes sociaux verraient naturellement leur position slever dans lchelle sociale. Le chmage de longue dure sest install et avec lui lemploi prcaire et diverses formes dinactivit. La menace ne touche pas tous les groupes sociaux avec la mme acuit et 18 certains travaux ont mis en vidence lapparition dune nouvelle underclass plus expose . Le diagnostic qui merge alors est celui dune socit dans laquelle les ingalits tendent se creuser. Dabord en termes de partage des revenus. En 2006, si lon excepte les revenus du patrimoine, aprs impts et prestations sociales, les 10% de la population franaise percevant les revenus les moins levs ne reoivent que 3,6% de lensemble des revenus distribus. Dans le mme temps, les 10% les plus favoriss peroivent 24,5% des revenus distribus. Laccs au savoir et lcole, source de distinctions et de disparits sociales fortes, nest pas en reste sur ces volutions. Si la tendance globale est lallongement de la scolarit, lcole ne redistribue pas beaucoup plus aujourdhui quhier les chances de promotion sociale. Les universits franaises qui se targuent dtre plus dmocratiques que les grandes coles naccueillent que peu denfants issus 19 des catgories sociales les plus modestes . En arrire plan de ces volutions se profile la question de la mondialisation et plus gnralement celle de laccroissement des interdpendances entre Etats. Les transformations socio-conomiques17 18

L. Chauvel, Le destin des gnrations. Structure sociale et cohortes en France au XXme sicle, PUF, 2002. R. Castel, La monte des incertitudes. Travail, protection, statut de lindividu, Seuil, 2009. 19 E. Maurin, LEgalit des possibles, Seuil, 2002.

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nationales et supranationales sont plus que jamais gnratrices de tensions sociopolitiques et porteuses de remises en question des Etats et de leurs lites.

Cadrages socio-culturelsHaut niveau de dfiance et baisse de lengagement civique Le constat gnral qui ressort depuis plus de vingt ans de grandes enqutes internationales est que les Franais, plus que leurs homologues dautres pays, se mfient de leurs concitoyens et des pouvoirs publics. Ce trait culturel ferait selon elles le lit de lincivisme et de la corruption (tolrer plus facilement le versement dun pot-de-vin dans lexercice de ses fonctions, demander des aides publiques indues etc.). Pour favoriser la coopration et asseoir la confiance, il existe bien en France un maillage associatif dense avec des structures trs varies. Cependant, celles-ci sont loin de rassembler une majorit de Franais. Une enqute conduite sur la France pour valuer les consquences politiques du dclin de lengagement civique et du capital social a nanmoins permis de nuancer cette hypothse et de montrer quadhrer une ou plusieurs associations ne rend pas ncessairement plus confiant ni plus civique, mais que quelle que soit lassociation, mme les 21 simples adhrents apparaissent plus politiss . Des chercheurs du CEPREMAP ont montr que ces attitudes culturelles de dfiance et dincivisme seraient troitement corrles avec le fonctionnement de notre Etat et de notre modle 23 social . Dautres auteurs ont galement soulign que si ces dynamiques nont pas toujours t aussi saillantes, elles se sont inscrites au sein dune trame historique plus longue qui court depuis me 24 le dbut du XX sicle et qui sest affirme aprs la seconde guerre mondiale . Les attitudes des Franais lgard de la corruption sont complexes et ambigus Si certains citoyens sont prompts dnoncer le manque de probit des lites politiques, tel nest pas le cas de tous. Des dcalages sont galement perceptibles selon que la question de la probit est pose sur un mode gnral ou en liaison avec des types de situations plus spcifiques. Enfin, un grand cart est galement observable entre les perceptions et les pratiques des acteurs sociaux : plusieurs lus ayant t parfois lourdement sanctionns par la justice ont pourtant t rlus par leurs concitoyens, quil sagisse gauche de J. Mellick ou droite de P. Balakany. En fait, lorsque certains dirigeants se jouent des rgles et les orientent leur profit, les citoyens, souvent complaisants avec le favoritisme et les diverses formes darrangements, les sanctionnent finalement peu . Car la politique nest pas seulement affaire de morale, mais aussi defficacit et de confiance dans les institutions . Comme lont montr de rcentes enqutes, cest larbitrage complexe et mouvant entre ces trois dimensions qui explique lambivalence du comportement des 25 lecteurs et leur tolrance de fait .22 20

World Values Survey. N. Mayer, Les consquences politiques du capital social : le cas Franais , Revue Internationale de Politique Compare, Vol. 10, n 3, 2003. 22 CEntre Pour la Recherche EconoMique et ses Applications. 23 Y. Algan, P. Cahuc, La socit de dfiance. Comment le modle social franais sautodtruit, Editions rue dUlm, 2007. 24 O. Galland, Y. Lemel, La socit franaise : pesanteurs et mutations, A. Colin, 2006. 25 Les citations qui prcdent sont empruntes Pierre Lascoumes (dir.), Favoritisme et corruption la franaise. Petits arrangements avec la probit, Presses de Science Po, 2010.21

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Sans doute lducation ds le secondaire pourrait-elle constituer la pierre angulaire lmentaire 26 de lvolution de ces attitudes sociales. Il existe bel et bien un enseignement civique au lyce ; en Sciences conomiques et sociales, la science politique est ponctuellement prsente dans le re programme du cycle Terminal : 10 % du programme de 1 la concerne et une option de spcialit re (36 h) en terminale. Toutefois, le programme de 1 , revu au printemps dernier, n'aborde pas, faute de temps, les dimensions thiques, redevabilit (capacit rendre compte), transparence et promotion de la probit.

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http://eduscol.education.fr/cid45840/programmes-d-education-civique-ecjs-au-lycee.html

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IV. La corruption en FranceUne corruption la franaise ? Pour certains commentateurs, il existe bel et bien une corruption la franaise qui prend appui sur des mcanismes, des valeurs et des rgles parfaitement intgrs et lgitims par le systme politique , tant et si bien que celle-ci finit par se dvelopper non pas ct ou en marge du systme : elle vit en symbiose avec lui, se nourrit de ses faiblesses, sinfiltre dans ses interstices . Au final, la rpression, la pnalisation, mme ncessaires, ne sont que des palliatifs, 27 des remdes partiels. Ils font tomber la fivre mais ne suppriment pas le virus . Des journalistes dinvestigation soutiennent lhypothse dune aggravation rcente de ce phnomne, allant jusqu 28 tabler sur lapparition de vritables professionnels s corruption . Le manque de donnes statistiques rend difficile lapprhension objective du phnomne Si les travaux qui se saisissent de cet objet sont nombreux et dinspiration varie, il nen reste pas moins qu travers eux, la corruption est loin dtre un phnomne ais cerner. Ainsi, un organisme comme le Service central de prvention de la corruption (SCPC), pourtant bien au fait de cet enjeu, souligne encore dans son dernier rapport quil nest toujours pas en mesure de quantifier et diffrencier les formes multiples de la corruption en France. Il ne peut non plus produire des lments de repres fiables et objectifs en ce qui concerne les modes de saisine, les typologies 29 dinfractions et le suivi des procdures . Prs de 20 ans aprs la promulgation de la loi Sapin qui donna naissance au SCPC, la connaissance prcise de lampleur de la corruption et des mcanismes qui en sous-tendent le fonctionnement chappe encore aux institutions, y compris celles spcialement cres pour en comprendre et donc mieux en prvenir le dveloppement. On ne saurait mieux dire combien la connaissance pralable laction sur ces questions ne va pas de soi. Cela ne signifie pas pour autant quaucune donne nexiste. En premier lieu, des donnes quantitatives et objectives sont rgulirement publies. Trois sources complmentaires dinformation dorigine judiciaire, se recoupant partiellement, permettent ainsi au SCPC dvaluer le volume annuel daffaires lies des dlits de corruption, de trafic 30 dinfluence, de favoritisme, de concussion et de prise illgale dintrt : le casier judiciaire renseigne sur les condamnations prononces pour des atteintes la probit ; les informations collectes via la nouvelle chane pnale (NCP) pour sept juridictions de la rgion parisienne 31 clairent toute une srie daffaires en cours ; la Direction des affaires criminelle et des grces (DACG) fournit galement des informations utiles sur des affaires signales en cours (certaines de ces donnes tant redondantes avec celles collectes partir de la nouvelle chane pnale). Cet horizon de la mesure dsigne immdiatement plusieurs limites : la nouvelle chane pnale ne 32 couvre quune portion trs rduite du territoire hexagonal ; les donnes produites par la DACG ne27 28 29

Toutes les citations qui prcdent sont empruntes Y. Mny, La corruption de la Rpublique, Fayard, 1992, p.27. R. Lenglet, Profession corrupteur. La France de la corruption, J.-C. Gawsewitch Editeur, 2007. Rapport dactivit 2010 du Service Central de Prvention de la Corruption, DILA, 1011, p.21. 30 En France, le code pnal regroupe sous la rubrique Atteintes la probit publique ces diverses infractions susceptibles dtre commises par des agents publics. Sur cette dfinition juridique de la corruption et les autres mises en perspective et dfinitions possibles, voir P. Lascoumes, Une dmocratie corruptible. Arrangements, favoritismes et conflits dintrts, Seuil, 2011, pp.21-24. 31 La majorit des statistiques relatives l'activit pnale du parquet peuvent tre dsormais produites automatiquement partir des trois logiciels pnaux : nouvelle chane pnale et infocentres associs, mini-pnale et micro-pnale, Bulletin Officiel Du Ministre De La Justice n 84 (1er octo bre - 31 dcembre 2001), Cadres statistiques pour mesurer l'activit pnale en 2001, DAGE 2001-16 E1/31-12-2001. 32 Le Rapport de politique pnale 2010, Direction des affaires criminelles et des grces, Ministre de la Justice comprend cette anne une entre sur la corruption (p.46-47) qui aurait pu tre loccasion denrichir les donnes sur les affaires en

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concernent que les atteintes la probit les plus consquentes et nenglobent absolument pas les affaires dimportance moindre ; au final, ces donnes semblent ne concerner que la toute petite partie immerge de liceberg. Sous rserve de ces remarques, les donnes quantitatives de source judiciaire centralises par le SCPC mettent en vidence pour 2010 lexistence de prs de 370 affaires de manquement la probit : 152 condamnations dfinitives pour des affaires datteinte la probit et environ 220 affaires en cours (149 pour la NCP et 137 pour la DACG, dont environ une moiti relveraient dj des dossiers traits par les juridictions de la rgion parisienne). 33 LObservatoire Smacl des risques territoriaux permet dlargir la focale lensemble du territoire national, malheureusement sur des populations assez restreintes dlus et de fonctionnaires 34 territoriaux assurs par cet organisme mutualiste (1285 lus et 1088 fonctionnaires territoriaux) . Sur la priode 2008-10, en moyenne, 80 90 lus et environ 60 70 fonctionnaires territoriaux se retrouvent mis en cause par la justice. Or, le manquement au devoir de probit intervient comme motif de poursuite dans 47,4% des cas en ce qui concerne les lus et dans 56,4%, pour les fonctionnaires territoriaux. Dautres canaux dvaluation, plus qualitatifs, relatifs aux perceptions, permettent de complter cet tat des lieux et alimentent eux-aussi priodiquement les rflexions autour de la corruption en 35 France. Le traditionnel indice de perception de la corruption de Transparency International, qui classe les pays en fonction du degr de corruption peru dans le secteur public, place en 2010 la me position sur 178 (soit une place de moins par rapport au classement de 2009). France en 25 En Europe, la France se retrouve ainsi derrire le Danemark, la Finlande, la Sude, les Pays-Bas, le Luxembourg, lIrlande, lAllemagne, le Royaume-Uni et la Belgique. Le dernier Baromtre mondial de la corruption 2010, autre indice de Transparency International, permet de complter ce tableau en faisant notamment ressortir que 66% du public franais interrog estime que la corruption a augment au cours des trois dernires annes. 68% considrent par ailleurs comme inefficaces les actions gouvernementales de lutte contre la corruption, avec comme institution 36 pointe comme tant tout spcialement corrompue les partis politiques . Agir avec exemplarit contre la corruption nest pas une priorit Si en contrepoint de ce tableau on ajoute que les condamnations effectivement prononces apparaissent, de manire gnrale, fort modres, surtout si on les compare celles infliges en matire dinfraction de droit commun (vol ou atteintes aux personnes), alors mme que le quantum 37 des peines applicables est souvent moins lev , on aura compris que le portrait densemble franais en matire de lutte contre la corruption laisse dsirer. Au fond, ce tableau est la mesure de lambivalence des lus et de leurs concitoyens eux-mmes sur le sujet : ct lus, les parlementaires se saisissent certes de manire rcurrente de cet enjeu mais dans le mme temps, 38 leurs rformes font souvent plus cho un rformisme destrade qu une relle volont dradiquer ce flau multiforme ; de la mme faon, ct concitoyens, lindignation propos des affaires nexclut ni complaisance de leur part, lorsque le favoritisme et larrangement peuvent tourner leur avantage, ni une propension rgulire rlire des reprsentants pourtant condamns pour des atteintes la probit.

cours traites dans les ressorts judiciaires autres que la capitale et la rgion parisienne. Malheureusement part une affirmation liminaire : Les affaires de corruption ne sont pas nombreuses en volume , aucune donne nest mobilise lappui de ce constat. 33 Plateforme web d'information juridique qui analyse, depuis 1998, l'volution des risques juridiques encourus par les collectivits territoriales, leurs lus et personnels, dans l'exercice de leurs fonctions. 34 Observatoire SMACL des risques territoriaux, Rapport annuel 2011, http://www.smacl.com/publications2011observatoire/appli.htm 35 http://www.transparency.org/policy_research/surveys_indices/cpi/2010/in_detail 36 http://www.transparence-france.org/e_upload/pdf/barometer_report_2010_fr.pdf 37 Rapport dactivit 2010 du Service Central de Prvention de la Corruption, DILA, 1011, p.38. 38 P. Lascoumes, Corruptions, Presses de Science Po, 1999, p.25 et p.128 et suivantes.

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V. Actions de lutte contre la corruptionLes institutions publiques actives La lutte anti-corruption en France nest pas centralise au sein dune agence ou dun organisme dEtat. Plusieurs institutions, parpilles au sein des diffrents piliers couverts par ltude, agissent plus ou moins efficacement au service de cette politique. Le Service central de prvention de la corruption (SCPC) fournit des ressources intellectuelles utiles la connaissance du problme et sa prvention. Au sein de la Division nationale des investigations financires et fiscales (DNIFF), la Brigade centrale de lutte anti-corruption centralise des informations sur les modes opratoires de la corruption tout en conduisant paralllement des enqutes judiciaires. Depuis le ministre de lconomie et des finances, TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits FINanciers clandestins) apporte son concours cette croisade en luttant contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. En contrlant les recettes et dpenses des candidats et organisations politiques, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) sinscrit galement dans ce combat, tout comme la Commission pour la transparence financire de la vie politique (CTFVP) dont laction vise sassurer que lventuelle lvation de patrimoine des lus et dirigeants d'organismes publics assujettis son contrle ne reflte pas un enrichissement indu du fait de leurs fonctions. Un cadre lgislatif parmi les meilleurs mais insuffisamment appliqu Au regard des standards internationaux, la France, qui a effectivement transpos dans son droit interne les diffrentes conventions internationales et europennes relatives la lutte contre la corruption, fait plutt figure de bon lve sur le plan de lencadrement juridique. Depuis une quinzaine dannes en effet, sa lgislation anti-corruption sest modifie en profondeur : mesures de rpression contre la corruption active et passive, encadrement du financement de la vie politique, etc. Sagissant de la dimension internationale, la France a jou un rle central dans loffensive rcente contre les paradis fiscaux et leur implication dans la circulation de largent sale. La diplomatie franaise a galement uvr en faveur dun suivi efficace et transparent des engagements des 140 Etats signataires de la convention des Nations unies contre la corruption. En droit franais, la loi du 13 novembre 2007 est venue renforcer et mettre en cohrence les incriminations de corruption. Cette loi protge en outre le salari du priv contre des reprsailles lorsquil a dnonc un fait de corruption au sein de son entreprise. Cette loi a enfin confr des moyens denqutes renforcs auparavant rservs la lutte contre la grande criminalit (coutes, sonorisations, etc.) aux juges et policiers anti-corruption. Si la dernire grande loi spcifiquement ddie la lutte contre la corruption remonte 2007, le dispositif lgislatif franais vient encore dtre rcemment enrichi : la loi n 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code lectoral et relative la transparence financire de la vie politique a lgrement amlior la marge de manuvre de la CTFVP et confr la CNCCFP de nouveaux pouvoirs de sanction financire, tout en tendant lobligation de transparence aux dpenses et recettes associes aux lections snatoriales. La cration dune39

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Loi n 2007-1598 du 13 novembre 2007 relative la lutte contre la corruption publie au Journal Officiel du 14 novembre 2007.

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commission de rflexion sur la prvention des conflits dintrts dans la vie publique linstigation du Prsident de la Rpublique en septembre 2010 a par ailleurs donn lieu la publication dun consistant rapport sur cet enjeu, dans lattente de lexamen dun projet de loi sur le sujet, dont les premiers lments de cadrages disponibles laissent toutefois augurer un texte aux ambitions singulirement contractes. Ltude des diffrents piliers du SNI montre cependant que ce dispositif demeure par trop inappliqu. Des initiatives politiques rcentes suscitent linquitude Malgr ces progrs, le projet de suppression du juge dinstruction sans renforcement parallle de lautonomie du parquet par rapport au pouvoir excutif pour louverture et la conduite des enqutes a pour sa part nourri de nombreuses inquitudes. Une autre loi visant limiter davantage laccs des juges aux documents classs secret dfense risque galement considrablement dentraver laction des magistrats anti-corruption. Rle des mdias, de la justice et de la socit civile Lactualit de cet enjeu de la lutte anti-corruption ne se rsume toutefois pas ces actions de codification. Elle tient au moins autant laction des mdias et de la justice qui ont port ces deux dernires annes un certain nombre daffaires retentissantes la connaissance du public. Sur le plan intrieur, on peut notamment citer diverses affaires en liaison avec le problme de financement de la vie politique telles les affaires Woerth-Bettancourt, Karachi et Gurini, plaant sur le devant de la scne toute une srie de hauts responsables politiques. En matire de sant publique, le rcent scandale du Mdiator a galement permis de mettre en vidence de multiples conflits dintrts au sein du systme sanitaire franais. Enfin, sur le plan de la lutte contre la corruption une chelle plus large que lhexagone, une tape historique a t franchie dans laffaire des biens mal acquis, porte par plusieurs ONG dont TI France, grce un arrt de la Cour de cassation de novembre 2010 autorisant la poursuite dune enqute judiciaire sur le financement du patrimoine franais de diffrents chefs dEtat africains.

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VI. Les piliers du systme national dintgrit franais1. Parlement RsumLes parlementaires franais savent trouver des moyens daction satisfaisants, en cumulant des responsabilits et des mandats locaux, sources davantages et de moyens parallles. Le rgime politique franais est trs diffrent du systme parlementaire classique. Ainsi, le Snat et lAssemble nationale sont trs dpendants de lexcutif, tant du point de vue formel quau regard du fonctionnement rel du jeu politique. Alors que les mcanismes garantissant la transparence du fonctionnement des assembles se rvlent relativement satisfaisants, lintgrit et la redevabilit des parlementaires, notamment lgard de leurs concitoyens, restent insuffisantes. De ce point de vue, la faiblesse relative de lengagement des assembles parlementaires franaises dans la prvention et la lutte anti-corruption na donc rien dtonnant. Cependant, si lexcutif est en position de force dans lquilibre gnral des pouvoirs publics, de nouvelles formes de contrle de ce dernier par le Parlement commencent voir le jour et pourraient, moyen terme, transformer la fonction parlementaire et le fonctionnement mme des pouvoirs publics.

Structure et organisationLe systme politique franais inaugur en 1958 rompt avec les rgimes parlementaires et dassembles qui lont prcd. Avec linstallation de la Cinquime Rpublique en effet, lefficacit et lautonomie de lexcutif lemportent sur limpratif de dlibration des reprsentants lus. Un systme souvent qualifi de semi-prsidentiel voit ainsi le jour : celui-ci se caractrise par un Parlement au pouvoir amoindri et, au sein de lexcutif, par laffirmation de la prminence de la Prsidence de la Rpublique.

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Toutefois, il arrive que majorit parlementaire et majorit prsidentielle ne concident pas. Dans ce cas de figure, le Prsident de la Rpublique doit composer avec son Premier ministre, quil nomme gnralement en tenant compte de la majorit parlementaire issue des urnes. On parle alors de cohabitation . Ce pilier se focalisera sur les deux assembles parlementaires franaises : la chambre haute ou Snat et lAssemble nationale. LAssemble (577 dputs) est renouvele tous les cinq ans et lue au scrutin uninominal majoritaire direct et le Snat (343 snateurs) par des collges 40 41 lectoraux , pour six ans . A la diffrence de l'Assemble nationale, le Snat ne peut tre dissous. Conformment au paquet lectoral vot en 2011, leur lection est assujettie des rgles de 42 transparence financire, ce qui tait dj le cas depuis 1988 pour leurs collgues de lAssemble .

Ressources (cadre lgal)La constitution ou les dispositions lgislatives ou rglementaires en vigueur assurent-elles au Parlement les ressources ncessaires pour assumer pleinement son rle? Note : 100 Plusieurs rgles permettent aux assembles parlementaires franaises de disposer dune relle 43 autonomie financire . Tout dabord, larticle 7 de lordonnance du 17 novembre 1958 stipule que chaque assemble parlementaire jouit de lautonomie financire . Dun point de vue formel, au stade prparatoire, les crdits ncessaires au fonctionnement de chaque assemble sont mis au point dans le cadre dune commission prside par un prsident de chambre la Cour des comptes. Dans son travail, cette commission est assiste de deux magistrats de cette mme cour, ayant voix consultative dans les dlibrations. Toutefois, les projets de budget labors par lAssemble nationale et par le Snat sont librement tablis par les questeurs de ces chambres, sur proposition du secrtaire gnral de la questure et du directeur du service financier comptent. Preuve parmi dautres de cette souverainet budgtaire : en ce qui concerne lexcution des dpenses, larticle 16 du rglement de lAssemble nationale ne prvoit pas que celles-ci soient vrifies par un contrleur externe du ministre des Finances ou de la Cour des comptes. Au dbut de la lgislature, lAssemble nomme la reprsentation proportionnelle des groupes une commission spciale de 15 membres, prside par un lu de lopposition, charge de vrifier et dapurer les comptes. Cette commission donne quitus aux questeurs de leur gestion et elle rend compte lAssemble. Elle tablit galement un rapport public. Au Snat, cest galement une commission, institue par larticle 103 bis du rglement, qui est en charge du contrle des comptes et de l'valuation interne. Nomme l'ouverture de chaque session ordinaire, elle comprend des membres de tous les groupes politiques. Sur proposition du Bureau du Snat, les comptences et moyens d'investigation de cette commission ont t conforts et ces modifications intgres dans le rglement du Snat (2 juin 2009).Collges lectoraux forms de reprsentants lus au suffrage universel (conseillers rgionaux, conseillers gnraux, dlgus des conseils municipaux, etc.). Les snateurs des plus petits dpartements sont lus au scrutin majoritaire ; ceux des plus grands, la reprsentation proportionnelle. 41 Les snateurs sont renouvels par moiti, tous les trois ans. 42 Loi n 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplifica tion de dispositions du code lectoral et relative la transparence financire de la vie politique. 43 Pierre Avril, Jean Gicquel, Droit parlementaire, Montchrestien, 2010, pp.91-94.40

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Enfin, depuis 2001, avec la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), les crdits des assembles parlementaires ont t regroups au sein dune mission spcifique runissant les crdits des pouvoirs publics , chacun dentre eux faisant lobjet dune ou de plusieurs dotations. Selon le Conseil constitutionnel, ce dispositif permet de garantir le principe dautonomie financire des pouvoirs publics concerns, lequel relve de la sparation des pouvoirs (dcision du Conseil 44 2001-448, 25 juillet 2001) .

Ressources (pratique)Le Parlement dispose t-il effectivement des ressources appropries lui permettant dassumer efficacement son rle? Note : 75 Il nest pas simple de rpondre cette question. Entre les chiffres officiels et les pratiques, un dcalage profond semble exister, qui laisse penser que les parlementaires franais sont, au final, relativement privilgis. Limpression manant des mdias et qui prvaut est en effet celle de parlementaires recherchant constamment des moyens (logistiques, financiers et humains) complmentaires pour exercer convenablement leur mandat, avec pour certains, sans doute, la tentation dinstrumentaliser ces ressources disponibles des fins plus personnelles que professionnelles. Ainsi, limage relaye 45 par la presse est communment celle de privilgis de la Rpublique . Ds que sont voqus les moyens dexistence et de fonctionnement des parlementaires, refleurissent dnonciations et diatribes antiparlementaristes. La rcente rforme des retraites a dailleurs encore rcemment donn lieu de vives dnonciations des avantages financiers du rgime trs particulier de retraites 46 des anciens parlementaires . Toutefois, ces critiques nont pas encourag les lites politiques 47 aborder ces questions de manire transparente et sereine sur la place publique . En 2009, titre dillustration pour lAssemble nationale, les dpenses de fonctionnement se sont leves prs de 521 millions deuros. Sur ce total, les charges parlementaires ont reprsent environ 290 millions deuros (plus de 55%) dont : un peu moins de 50 millions ddis aux indemnits parlementaires, 65 millions consacrs au paiement des charges sociales, 155 millions rservs aux frais de secrtariat et 7 millions aux voyages et dplacements. Sur le plan financier mais cette fois-ci titre individuel, les 321 snateurs et les 577 dputs reoivent chaque mois le traitement dtaill ci-dessous :

Jean-Pierre Camby (dir.), La rforme du budget de lEtat, LGDJ, 2002. Y. Stefanovith, Aux frais de la princesse. Enqute sur les privilgis de la Rpublique, J.-C. Latts, 2007, ou C. Lvy, La bulle de la Rpublique : enqute sur le Snat, Calman-Lvy, 2006 et plus rcemment C. Dubois, M.-C. Tabet, Largent des politiques, Albin, Michel, 2009, Mediapart, Snateur et questeur: la vie de chteau, 27 juin 2011, par Mathilde Mathieu et Michal Hajdenberg. 46 A. Baudu, La situation matrielle des anciens dputs et snateurs, un privilge parlementaire , Revue franaise de droit constitutionnel, 80, 2009. 47 Comme la montr A. Garrigou ( Vivre de la politique. Les quinze mille, le mandat et le mtier , Politix, 20, 1992), ces critiques ont dailleurs trs tt inclin les parlementaires de la Troisime Rpublique hsiter longtemps avant daugmenter finalement leur indemnit en 1902 et opter finalement, en 1938, pour une solution soustrayant cette question au dbat public adossant laugmentation de leur indemnit de manire automatique et discrte son indexation sur le traitement des hauts fonctionnaires du Conseil dEtat.45

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Nature Indemnit brute

Montant (en euros) 7064

Dtail - 5487 dindemnit de base - 164 dindemnit de rsidence - 1412 dindemnit de fonction - non imposable

Indemnit reprsentative de frais de mandat Crdit collaborateurs

6209 7203 pour les snateurs 9066 pour les dputs TOTAL : 20 476 pour un snateur 22 339 pour un dput48

Tableau 1 : Les ressources des parlementaires

Les parlementaires disposent galement dune rserve parlementaire (environ 90 millions deuros lAssemble et 55 millions au Snat) dans laquelle ils peuvent - trs ingalement - puiser afin de soutenir des projets locaux. Le mode dallocation de ces ressources publiques de la rserve est trs opaque et il semblerait que sa rpartition discrtionnaire profite aux lus de la majorit ainsi quaux lus les mieux tablis (occupant des responsabilits et/ou bnficiant dune 49 longvit parlementaire suprieure . Du point de vue des moyens matriels, de 1958 nos jours, ceux-ci se sont considrablement 50 amliors . Ainsi par exemple, les locaux accueillant les lus se sont accrus. A lAssemble 2 2 nationale, ils sont passs de 33 000m 110 000m . Depuis lacquisition des annexes du 101 de la rue de lUniversit et du 233 du boulevard Saint-Germain (en 1974 et en 1983), les dputs disposent tous dun bureau personnel - il est vrai de dimension souvent modeste mme lorsquil comporte quelques commodits (couchage rudimentaire et coin toilette). Pour ce qui concerne les moyens humains, leur accroissement est all de pair avec lalourdissement, la complexification et, plus gnralement, la professionnalisation du travail 51 parlementaire . Au sein des assembles, les parlementaires peuvent sappuyer sur trois types de collaborateurs : - les fonctionnaires parlementaires, soit environ 1250 au Palais Bourbon (ils taient environ me 650 au dbut de la V Rpublique) et 1200 au Snat. Concrtement, lAssemble, au er 1 juin 2009, les fonctionnaires des services lgislatifs et des services communs qui sont les plus directement impliqus auprs des parlementaires dans la fabrique des lois reprsentaient un effectif total de 644 fonctionnaires sur les 1248 effectivement employs ; - les collaborateurs des groupes politiques (environ une centaine de personnes lAssemble) ; - les assistants parlementaires dont la population est estime environ 2000 collaborateurs 52 lAssemble, 180 dputs employant 3 assistants, 187 : 4, 118 : 5, 29 : 6 et 5 : 7 . Si lensemble de ces moyens paraissent non ngligeables, on peut toutefois se demander sils sont suffisants. Le dput R. Dosire observe que pour les parlementaires ne cumulant ni les mandats

Rapport de MM. Les questeurs sur le rglement des comptes de lexercice 2009. N. Braemer, La rserve parlementaire : mystre de la Rpublique , La lettre du cadre territorial, n 319, 15 juin 2006 et Jean-Baptiste de Montvalon, Cet argent rserv au Parlement , Le Monde, 17/11/1998. 50 J.-P. Duprat, Lvolution des conditions du travail parlementaire en France : 1945-1995 , Les petites affiches, n 13, 2 janvier 1996 et pour une mise en perspective historique de plus longue dure, spcialement sur les personnels des assembles voir H. Fayat, Le mtier parlementaire et sa bureaucratie , dans G. Courty (dir.), Le travail de collaboration avec les lus, Michel Houdiard, 2005. 51 E. Phlippeau, La formalisation du rle dassistant parlementaire 1953-1995) , dans G. Courty, op. cit. 52 Donnes communiques par le dput (PS) R. Dosire, entretien du 22 mars 2011.49

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ni les responsabilits, les moyens humains restent limits . De fait, les parlementaires franais sont trs nombreux cumuler les mandats locaux et les responsabilits. En 2003, une enqute approfondie montre que, sur 577 dputs, seuls 53 (9,2%) ne cumulent aucun autre mandat 54 paralllement leur fonction parlementaire . Or, ces mandats locaux qui sadditionnent, outre quils contribuent nourrir un absentisme parlementaire rgulirement dnonc, donnent droit de nouvelles indemnits ainsi qu de multiples autres avantages, notamment des moyens logistiques et humains. Ainsi, selon les chiffres officiels, la rmunration maximale dun parlementaire, tous mandats 55 cumuls, est crte 9700 bruts . Le problme est que les rmunrations relles des parlementaires manquent de transparence et sont difficiles connaitre. Par ailleurs, ils peuvent reverser les excdents toute personne de leur choix. Vincent Quivry voque dans son ouvrage les petits plus, reliquats, des indemnits ou frais . Ainsi, en 2007, 261 dputs nauraient par exemple pas revers leurs assistants ou secrtaires le reliquat non consomm des crdits collaborateurs, retomb dans lescarcelle de ces lus. Et tout aussi opaque apparat la palette des moyens matriels et humains sur lesquels les parlementaires cumulards sont effectivement susceptibles de compter. En 2008, des informations issues dun rapport rest largement confidentiel de la Cour des comptes ont permis de lever un voile sur cette obscurit et de formuler de srieuses critiques quant 57 lutilisation des ressources de fonctionnement de lAssemble : ces 10 dernires annes, ses dpenses auraient progress de 47%, soit de prs de 10 points de plus que les dpenses du budget gnral de l'Etat et prs de 30 points de plus que l'inflation . Les investissements importants en matire de travaux seraient loin de tout expliquer : laccroissement des frais de personnels (156 millions) qui seraient les plus importants d'Europe (ces frais reprsentent 25% du budget de l'Assemble, contre 15% la Chambre des Communes et 12% au Bundestag) et l'volution des charges parlementaires (quelque 280 millions), qui recouvrent les indemnits des lus, leurs frais de reprsentation, de secrtariat, et les salaires des collaborateurs", seraient au premier chef points du doigt par les magistrats de la Cour.56

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Indpendance (cadre lgal)La constitution ou les dispositions lgislatives ou rglementaires en vigueur garantissent-elles lindpendance du Parlement? Note : 50 La position du Parlement franais son indpendance notamment ne peut pas tre value partir des critres qui dfinissent un rgime parlementaire traditionnel langlaise. Larchitecture me constitutionnelle de la V Rpublique, comme la pratique des rapports de forces politiques, garantissent en effet une prminence trs nette du pouvoir excutif.53 54

Ibid. O. Costa, E. Kerrouche, Representative role in the French National Assembly: the case for a dual typology ? , French politics, vol.7, 3-4, 2009. 55 Vincent Quivry, Chers lus. Ce quils gagnent vraiment, Seuil, 2010. 56 Ce rapport d'audit avait t demand au prsident de la Cour des comptes par le prsident de l'Assemble mais ce dernier n'avait pas souhait que ce rapport soit rendu public, Le Monde, Polmique sur la gestion des comptes de l'Assemble nationale , 2 novembre 2008. 57 Journal du dimanche du 2 novembre 2008, La cour des Comptes pingle la gestion de l'Assemble, par Marie-Christine Tabet.

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La seule hsitation qui peut dcouler de la lecture de la Constitution de 1958 tient au partage des rles et des responsabilits entre le Prsident de la Rpublique et le Premier ministre. Larticle 20 dispose ainsi que cest le gouvernement qui dtermine et conduit la politique de la nation . Pour ne citer que quelques une de ses principales prrogatives, le Premier ministre est responsable de la dfense nationale et charg de lexcution des lois et du pouvoir rglementaire. Il peut nommer aux emplois civils et militaires (art.21) et impulser des lois concurremment aux membres du Parlement (art.39). Le Prsident de la Rpublique se voit lui reconnatre une srie de pouvoirs propres, dispenss de tout contreseing ministriel : nomination du Premier ministre (art.8), rfrendum lgislatif (art.11), dissolution de lAssemble nationale (art.12), recours aux pouvoirs exceptionnels (art.16), droit de message au Parlement (art.18), nomination de membres du Conseil constitutionnel et saisine de ce dernier (art.56, 54 et 61). Compte-tenu de cet ordonnancement, le Parlement ne dispose gure de pouvoirs tendus. Comme indiqu prcdemment, il peut tre dissous par le Prsident de la Rpublique. Ce dernier est simplement tenu de consulter auparavant les Prsidents des assembles et le Premier ministre. Trois limites protgent, trs temporairement, le Parlement de ce pouvoir de dissolution. Celui-ci ne peut sexercer : pendant lintrim de la prsidence, lorsque le Prsident de la Rpublique dispose des pouvoirs exceptionnels prvus larticle 16 et pendant les douze mois suivant une prcdente dissolution. Enfin, il nest pas permis aux assembles de se runir sans autorisation et la matrise de lordre du jour lgislatif leur chappe trs largement. La rforme constitutionnelle de 2008 a lgrement fait voluer cet quilibre institutionnel en faveur des assembles. Alors quauparavant ce parlementarisme rationalis permettait au Gouvernement de matriser quasi intgralement lordre du jour des travaux et dbats des assembles (la rforme de 1995 avait nanmoins timidement permis de rserver une sance par mois lexamen prioritaire de propositions de lois manant des parlementaires), la rvision du 23 juillet 2008 a modifi les conditions de fixation de lordre du jour. La priorit dinscription gouvernementale a ainsi t restreinte deux semaines sur quatre, les deux autres semaines tant rserves lexamen de propositions de lois du Parlement ainsi quau contrle de laction gouvernementale et lvaluation des politiques publiques. En outre, dans chaque assemble, une sance par mois est dsormais rserve un ordre du jour fix linitiative des groupes dopposition. Chaque chambre lit son prsident et procde la dsignation des membres sigeant au sein de ses diffrentes commissions. Les Prsidents des assembles disposent de pouvoirs propres, commencer par un pouvoir de nomination. Chacun dsigne notamment un membre du Conseil constitutionnel chaque renouvellement triennal et, depuis la rforme de juillet 2008, cette dcision se fait aprs avis consultatif des commissions des lois des assembles. Le Prsident de lAssemble nationale nomme galement, aprs avis de cette commission, deux des six personnalits sigeant au sein des formations du Conseil suprieur de la magistrature comptentes lgard des magistrats du sige et du Parquet. Il nomme galement, toujours aprs avis consultatif de cette commission, lune des personnalits qualifies de la commission charge de donner un avis public sur les projets et propositions de textes dlimitant les circonscriptions ou modifiant la rpartition des siges des dputs ou des snateurs. Enfin, il nomme un ou plusieurs membres de diffrents conseils et autorits administratives indpendantes et dsigne un ou plusieurs dputs pour siger au sein dorganismes dans lesquels la reprsentation des assembles parlementaires est prvue.58

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Loi constitutionnelle no 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve Rpublique.

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Le Prsident de chaque assemble (Assemble nationale et Snat) se voit galement accorder un large pouvoir de saisine de diverses institutions. Il peut dfrer les lois, avant leur promulgation, au Conseil constitutionnel et le saisir sur le point de savoir si un engagement international comporte une clause contraire la Constitution. Dans le cas cas, peu probable, de dsaccord avec le Gouvernement, il peut saisir le Conseil afin que celui-ci tranche si une proposition de loi ou un amendement relve ou non du domaine de la loi ou est contraire une dlgation accorde en vertu de larticle 38 de la Constitution (dlgation de pouvoirs parlementaires au Gouvernement). Aprs trente jours dexercice des pouvoirs exceptionnels, il peut saisir le Conseil constitutionnel pour examiner si les conditions nonces par ce mme article demeurent runies. Aux termes du nouvel article 39 de la Constitution relatif aux conditions d'exercice de l'initiative des lois, en cas de dsaccord entre la Confrence des prsidents et le Gouvernement sur lopportunit de linscription lordre du jour de lAssemble nationale des projets de loi, le Prsident de chaque assemble peut saisir le Conseil, qui statue dans un dlai de huit jours. Lensemble de ces pouvoirs limitent dautant lindpendance et la marge de manuvre des assembles. En dehors du Conseil constitutionnel, le Prsident de lAssemble nationale peut saisir la Cour de discipline budgtaire et financire, le Comit consultatif national dthique pour les sciences de la vie et de la sant, le Conseil suprieur de laudiovisuel et le Conseil pour les droits des gnrations futures. Il peut galement, la demande dune des commissions permanentes de lAssemble, transmettre au Mdiateur de la Rpublique toute ptition dont lAssemble a t saisie. Enfin, le Conseil conomique, social et environnemental (CESE) peut galement tre saisi par ses soins. Le Prsident de lAssemble nationale a, pour la premire fois, fait usage de cette facult en septembre 2009 en saisissant le CESE du problme de la fiscalisation des indemnits journalires en cas daccident du travail.

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Indpendance (pratique)Le Parlement est-il effectivement indpendant des autres pouvoirs? Note : 25 Dans son activit lgislative, le Parlement subit de plein fouet lemprise de lexcutif.

Graphique : Projets et propositions devenus lois

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Compte-tenu du fait majoritaire, les propositions parlementaires susceptibles de devenir des lois sont le plus souvent promues par des lus en phase avec le gouvernement. Il nest donc pas rare que ces textes, apparemment impulss par des dputs ou des snateurs de la majorit, aient en fait t souffls ou suggrs par lexcutif. De mme, le pouvoir de nomination confr aux prsidents des deux assembles est lui aussi trs largement susceptible dtre conditionn ou influenc par les responsables de lexcutif.

J.-P. Camby, La procdure lgislative en France, La documentation franaise, 2010 Annes Projets Propositions (initiative du gouvernement) (initiative du Parlement) 1998-99 96 18 1999-00 96 18 2000-01 49 16 2001-02 48 17 2002-03 35 3 2003-04 78 7 2004-05 97 12 2005-06 69 12 2006-07 61 10 2007-08 121 14 2008-09 73 11

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Transparence (cadre lgal)La constitution ou les dispositions lgislatives ou rglementaires en vigueur permettent-elles aux citoyens dtre convenablement informs quant au processus lgislatif et aux autres activits du Parlement? Note : 75 Le cadre lgal garantit une large publicit aux travaux parlementaires. La publicit des dbats parlementaires est une exigence constitutionnelle arrte comme une rgle essentielle par les assembles parlementaires franaises. En application de l'article 33 de la Constitution, les sances des deux assembles sont donc publiques et donnent lieu un compte rendu intgral publi au 60 Journal officiel de la Rpublique franaise . Les textes prvoient que peuvent assister la sance plnire aussi bien le public au sens large que des professionnels tels que des journalistes accrdits pour retranscrire les dbats. Concrtement, lAssemble, les dispositions prvoient que 273 places sont disponibles, 191 places sont rserves certaines personnalits officielles et 198 sont attribues aux journalistes de la presse franaise et trangre. Peuvent assister la sance : les dix premires personnes qui se prsentent au Palais, les personnes munies dun billet de sance et les groupes bnficiaires dune autorisation collective. Comme le prcisent les fiches Connatre lAssemble, le compte rendu intgral dune sance est mis en ligne au fur et mesure de son tablissement sur le site Internet de lAssemble . Le compte rendu intgral, qui fait foi, est publi dans les jours qui suivent au Journal officiel et est lui aussi disponible sur les sites Internet. Plus gnralement, la Direction de linformation lgale et administrative (DILA) publie au Journal officiel les lois, ordonnances, dcrets et autres actes ou documents administratifs et assure la publicit des dbats parlementaires. En outre, les dbats font l'objet d'un enregistrement audiovisuel intgral. La loi du 30 dcembre 1999 qui a mis en place La Chane Parlementaire, a constitu un temps fort du point de vue de la publicit des dbats : information, civisme et pdagogie constituent les rfrences de cette chane destine au public le plus large, que les cblo-oprateurs ont lobligation de distribuer et qui est galement accessible par la technologie de la tlvision numrique terrestre . Les diverses formations politiques doivent bien entendu faire lobjet dun traitement quitable de la part des moyens de communication audiovisuelle. Le Bureau de lAssemble a institu en son sein une dlgation qui veille tout spcialement cette question. La transparence a toutefois ses limites. Concernant notamment la situation patrimoniale des parlementaires, celle-ci nest pas rendue publique. Comme le stipulent les articles 3 et 4 de la loi 88-227 du 11 Mars 1988 relative la transparence financire de la vie politique : La commission assure le caractre confidentiel des dclarations reues ainsi que des observations formules, le cas chant, par les dclarants sur l'volution de leur patrimoine . Les dclarations dposes et les observations formules ne sont communiques qu' la demande du dclarant ou de ses ayants droit ou sur requte des autorits judiciaires. Le fait de rendre public tout ou partie des dclarations ou des observations mentionnes l'article LO 135-1 du code lectoral et aux articles 1er 3 de la prsente loi en dehors du rapport vis audit article 3 est puni des peines de l'article 226-1 du code pnal.

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Sur lhistoire ancienne et rcente de cette publicit en France, voir H. Coniez, Ecrire la dmocratie. De la publicit des dbats parlementaires, LHarmattan, 2008.

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Tous les travaux parlementaires ne font pas non plus lobjet dun rgime de transparence trs dvelopp. Larticle 33 alina 2 de la Constitution prvoit ainsi que les assembles peuvent siger en comit secret la demande du Premier ministre ou dun dixime de ses membres. Cette disposition na cependant pas t applique depuis le 19 avril 1940. En fait, la question de louverture au public et aux mdias se pose plutt pour les dbats des commissions. Les travaux des commissions sont ainsi longtemps rests plus discrets. Jusquen 1994, la mise au point dun compte-rendu analytique tenait lieu de publication environ un jour aprs la runion. Depuis 1994, les bureaux des commissions se sont vus reconnatre le droit douvrir la presse leurs runions lorsque celles-ci donnaient lieu des auditions. Enfin, depuis un nouveau rglement du 27 mai 2009 et avec la revalorisation du rle des commissions faisant suite la rvision constitutionnelle de juillet 2008, le bureau de chaque commission se charge dassurer la publication de ses travaux. Parfois, celle-ci se traduit par un compte-rendu audiovisuel. Dans tous les cas, les parlementaires peuvent sappuyer sur lassistance dun nouveau service (service des comptes-rendus des 61 commissions ) spcifiquement ddi la ralisation des comptes-rendus des commissions. La cration de ces organes met ainsi le Parlement en conformit avec la dcision du Conseil constitutionnel (n2009-581 DC du 25 juin 2009) exi geant quil soit prcisment rendu compte de lintervention faite devant les commissions, des motifs des modifications proposes aux textes dont elles sont saisies et des votes mis en leur sein . Dans le mme temps, ce dispositif permet aux citoyens de pouvoir disposer dune information relativement satisfaisante, y compris sur les votes des parlementaires. A lexception des votes mains leves (qui au Parlement font voir publiquement la position des lus sans que celle-ci ne soit ni enregistre ni publie) et des votes secrets (qui concernent les nominations personnelles), la plupart des autres votes donnent lieu enregistrement et publicit dans les pages du Journal me lgislature). Officiel (plus de 600 sous la XIII

Transparence (pratique)Le processus lgislatif et les autres activits du Parlement sont-ils conduits de faon transparente ? Note : 50 En pratique, le processus lgislatif et les autres activits du Parlement sont effectivement conduits de manire relativement transparente. Un correspondant de l'Agence France Presse est prsent en permanence au Snat et au Palais Bourbon, plus de 350 journalistes franais sont accrdits, ainsi quune quarantaine de leurs collgues trangers reprsentant plus de vingt pays. Certes, toutes les manuvres politiques ne se droulent pas au grand jour et toutes les relations tisses entre parlementaires et groupes dintrts ne sexhibent pas en pleine lumire comme on aura loccasion dy revenir ultrieurement en abordant la question de lintgrit. A ces rserves prs, la politique dinformation du public dveloppe par le Parlement apparat dans lensemble satisfaisante. Le Parlement informe efficacement le public, via diffrents canaux, sur ses activits et le public peut facilement obtenir des informations sur le processus lgislatif. En 1998, prs de 60 000 personnes sont venues assister aux dbats. La publication du compte-rendu intgral de ces dbats a reprsent cette anne-l plus de 11000 pages. Sur 1026 heures de sance, 800 heures ont galement t retransmises sur les chanes ddies aux assembles qui existaient alors. Les61

N de la Rforme du rglement de lAssemble nationale du 29 mai 2009.

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journalistes se sont aussi vus reconnatre un trs large droit daccs : en 1998, on dnombrait 340 accrditations permanentes et 6600 accrditations temporaires, dlivres aussi bien des 62 journalistes franais qutrangers . Les projets ou propositions de lois peuvent tre connus du grand public pralablement aux dbats 63 parlementaires sur les sites internet respectifs de lAssemble et du Snat .. Les minutes des dbats parlementaires, les comptes rendus des travaux des commissions et les registres de vote sont rendus publics dans un dlai raisonnable. Le budget fait pour sa part lobjet dune publication 64 intgrale, mais avec diffusion restreinte . Un rsum fait lui lobjet dune trs large distribution. La transparence des votes des parlementaires gagnerait tre amliore, tout spcialement au Snat, o prvaut une pratique de dlgation de vote contraire la Constitution. Au Palais du Luxembourg en effet, les scrutins se droulent par groupe. Plutt que de voter individuellement, chaque groupe dlgue un snateur la charge de dposer les bulletins de tous ses membres, prsents ou non. Or cette pratique va clairement lencontre de la Constitution dont larticle 27 prcise que le vote des parlementaires est personnel et qu titre exceptionnel un dput peut le confier lun de ses collgues . Il ajoute quun parlementaire ne peut porter plus dune dlgation de vote . Alors mme que le Conseil Constitutionnel sest lev contre une telle 65 pratique dans une dcision de juillet 2010 , elle continue de se perptuer, mettant mal un 66 principe essentiel de la dmocratie reprsentative . Du ct des dpenses des parlementaires, elles ne sont pas rendues publiques, sauf si les intresss le souhaitent. Le scandale qui a clat en Angleterre lt 2009 suite la rvlation des notes de frais des parlementaires a eu des rpercussions en France o un dbat sest engag sur ce thme. Toutefois lexception de quatre dputs qui publirent leurs comptes attestant de frais rels attachs lexercice de leur mandat parlementaire (R. Dosire, A. Montebourg, G. Pau67 68 Langevin et J.-J. Urvoas ), la majorit refusa de sengager dans un tel effort de transparence . En ce qui concerne la transparence des relations entre les parlementaires et les milieux socioconomiques, celle-ci demeure trs faible. Une tude portant sur l'intgralit des rapports parlementaires produits par l'Assemble nationale entre juin 2007 et juin 2010, mene par TI France et lassociation Regards citoyens, a permis danalyser 1 174 rapports parlementaires. 70 % des rapports ne comprenaient pas de liste des personnes auditionnes. Ont t recenss 9 304 auditions, de prs de 5000 organismes, reprsents par plus de 16 000 personnes . Or ces chiffres sont trs loigns des quelque 120 reprsentants d'intrt inscrits en mars 2011 au 69 registre officiel de l'Assemble nationale . Par ailleurs, si des informations sur le travail des 70 parlementaires sont bien mises en ligne, elles savrent toutefois difficiles exploiter ..M. Ameller, G. Bergougnous, LAssemble nationale, PUF, 2000. http://www.assemblee-nationale.fr/ et http://www.senat.fr/. 64 Les prsidents, rapporteurs gnraux et rapporteurs spciaux des commissions de finances de lAssemble nationale et du Snat peuvent disposer dune information plus fine sur la loi de finance et son excution. Ainsi, notamment, les textes en matire de loi de finance prvoient que lexamen dtaill des crdits incombe aux rapporteurs spciaux de la commission des finances auxquels la loi organique accorde des pouvoirs dinvestigation sur pices et sur place et un droit de communication des renseignements et documents dordre financier et administratif . 65 Avec cette dcision, le Conseil raffirme l'essence de l'article 27 de la Constitution alina 2 : Le droit de vote des membres du Parlement est personnel . 66 http://www.regardscitoyens.org/delegation-de-vote/ et http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseilconstitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2010/2010-609-dc/decision-n-2010-609-dc-du12-juillet-2010.48628.html 67 http://renedosiere.over-blog.com/ ; http://assemblee.blogs.liberation.fr/urvoas ; http://lepost.fr/tag/notes-de-frais ; http://georgepau-langevin.over-blog.com/ 68 Libration, 4 aot 2009, Les dpenses de trois dputs la moulinette, par Franois Pradayrol et Frdric Le Lay. 69 Transparence International France et Regards Citoyens, Lobbying l'Assemble nationale : nourrir le dbat public avec des donnes indites. Premiers lments danalyse, Mars 2011. 70 Les raisons sont diverses. Dune part, par exemple, le travail parlementaire est prsent en tant rattach soit un lu soit un objet. Dautre part, les informations statistiques densemble ou globales sur le travail parlementaire sont parses et63 62

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Redevabilit (cadre lgal)La constitution ou les dispositions lgislatives ou rglementaires en vigueur prvoient-elles que le Parlement rponde de ses actes et de ses dcisions? Note : 25 Lenvers de lautonomie affirme des assembles est la faiblesse des contrles pesant sur ses activits. Les textes organisant limmunit des snateurs et dputs confortent cette impression dun univers parlementaire relativement labri des contrles et sans comptes rendre. Le rgime de limmunit parlementaire revt en effet le double visage dune protection garantissant la fois lirresponsabilit et linviolabilit des lus. Lirresponsabilit soustrait les parlementaires toute poursuite pour des actes lis lexercice de leur mandat. Cette protection revt un caractre quasi-absolu : aucune procdure ne permet de lever cette irresponsabilit, celle-ci sapplique de surcrot toute lanne (y compris lors des intersessions) et se poursuit aprs la fin du mandat. Lors de leurs interventions en sance publique, les parlementaires restent toutefois soumis au rgime disciplinaire prvu par les dispositions contenues dans les rglements intrieurs des assembles. Dune application plus limite, linviolabilit qui sapplique seulement pour la dure du mandat, complte cet difice en vitant que lexercice du mandat parlementaire ne soit entrav par certaines actions pnales visant des actes accomplis par des parlementaires en qualit de simples citoyens. Une rforme intervenue le 4 aot 1995 a toutefois ouvert une brche au sein de ce dispositif en ne protgeant plus les parlementaires contre lengagement de poursuites. Ces lus ne peuvent cependant toujours pas faire lobjet dune arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de libert sans lautorisation pralable du Bureau de lassemble concerne (sauf cas de crime flagrant ou aprs une condamnation dfinitive).