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Tous droits de reproduction réservés PAYS : France PAGE(S) : 2-12 SURFACE : 1 127 % PERIODICITE : Bimestriel 1 mars 2017 - N°81

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1 mars 2017 - N°81

ESWISSESD ONEDEFINITIONÀ la pierre , à l ' encre , au fusain , au crayon , ou sous quelqueforme qu' il puisse s' exprimer , le dessin classique est tantôt une

première étape de la création artistique , ébauche venue annoncerla composition à venir ou témoigner des différents essais qui lui ont

précédé , tantôt un exercice technique nécessaire à la formation des

artistes . Le dessin contemporain lui se fait sur les murs , sur palette

graphique , dans la vidéo ou en trois dimensions , au fil , au bout de

métal , ou même en toile d '

araignée avec Tomas Saraceno .. . La liste

est longue et pourrait être complétée sans fin.

e°uk

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DOSSIER LE DESSINCONTEMPORAIN

EXPÉRIMENTERLE DESSIN AUDRAWING LABAVEC LE DRAWINGLAB , on est là pourexpérimenter » s' exclameChristine Phal , avec dansl ' idée de faire de ce nouveaulieu une démonstrationpermanente de ce que peutle dessin. « J' avais envie demontrer que le dessin étaitexpérimental , qu' il pouvaitsortir de la feuille et existerdans la durée pour lesartistes , invités à s' y installerplusieurs moisÀ côté d ' une salled '

exposition consacrée parKeita Mon dès le 24 février ,une salle présente un travaild ' atelier qui plonge lespectateur au coeur même dutravail de l ' artiste et l ' initieaux secrets et techniques defabrication . Parallèlement ,des ateliers , conférences etvisites seront proposés auxamateurs et aux curieux ,invités à faire l '

expérience dudessin dans une temporaliténouvelle , qui répond à« cette concentration unpeu magique et effrénée deDrawing Now par ce DrawingLab , qui, lui , peut permettrede prendre son temps etprovoquer de nouvellesrencontres » confie safondatrice.

DRAWING LAB PARIS

, rue de Richelieu , 75001 Paris

Mardi>

samedi , 11h-19h

premierdimanche de chaque mois

Gratuit sauf visite de groupeavec un médiateur

Autrefois extrêmement codifié le dessin est désormais

transgressif . Il déborde les cadres et les frontières de lasurface papier pour s' installer partout.

Pourquoi ? Comment ? Le printemps parisien proposeun panorama des nouvelles formes que le médium peutrevêtir et vous convie à la (re)découverte sans fin d ' un

genre en pleine vitalité . S' il ne fait pas plus beau dehorsau mois de mars , le soleil se trouvera à l ' intérieur des

lieux qui s' y dédient.

Drawing Now , Drawing Lab , expositions , nous sommesallés à la rencontre de celles et ceux qui contribuent

à placer le mois de mars sous l '

égide du dessin

contemporain , pour tenter de savoir ce que peut

aujourd' hui le médium.

nhérent à la pratique artistique depuis toujours , le dessin anéanmoins souffert du rôle mineur qu' on lui a longtemps attribué.Cantonné à l '

étape préparatoire , à l ' ébauche ou à l ' exercice , il

a pourtant été la base même de la pratique artistique . Trait parlequel l ' artiste exprime son « concept global » pour de Vinci ,autrement dit le projet qu' il conçoit autant que la forme qu' ilentend lui donner , c' est par lui qu' il étudie et appréhende lemonde , qu' il se charge de le retranscrire et de le transformer enoeuvre d '

art . Le dessin réconcilie l '

humain et la perfection de lacréation divine pour les théoriciens de la Renaissance , qu' il lui permetde reproduire à son échelle . De l ' italien disegno , un Federica Zuccaro ,théoricien de la Renaissance , le renverse en segno di (signe deDieu) , trait d '

esprit venu indiquer le caractère ô combien prestigieux dudessin puisque biais par lequel l ' artiste parvient à imiter le projet divin.Pourtant le dessin n' aurait su , jusque récemment , être considéré commeune oeuvre d ' art à part entière . Et si les carnets de Raphaël atteignentdes sommes faramineuses aux enchères (42 ,7 millions de dollars chezChristie' s pour une Tête de muse !), on a bien du mal à imaginer lemaniériste proposer de les vendre tels quels à ses commanditaires.Le dessin a souffert de cette double nature paradoxale d ' ceuvre inachevéemais d ' exercice prestigieux , de geste spontané et universel resté

prérogativede certaines élites . Genre mineur s' il en est, il a ainsi longtempsété le fait des amateurs éclairés , visiteurs de cabinets graphiques àl ' affût de la perle rare dans lesquels ceux qui n' avaient pas les codesn' osaient pas pénétrer.Le revirement semble s' opérer dès les années 1960 , avec les artistes

conzpuels qui lui offrent enfin la place que le médium mérite . Au moismars c' est la capitale qui lui rend hommage à travers les différents

vénements qui lui sont consacrés . Retour sur l ' histoire d '

un refoulé.

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POURQUOILE DESSIN?ON ATTRIBUE LA NAISSANCE DU DESSIN ÀLA FILLE DU POTIER BUTADÈS qui , pour retenirl Image de son amant appelé à la guerre , auraittracé d

'

une pierre noire le contour de son ombresur le mur de l ' atelier de son père , fixant ainsi àla fois la forme et le souvenir de l ' être aimé surle point de partir . De ce trait de cerne qu' elle

espérerait indélébile , le potier aurait ensuite fait

une sculpture , redonnant la dimension et par làune certaine forme de vie à celui que sa fille nevoulait pas quitter.

L ' histoire , racontée par Pline l ' Ancien dansson Histoire Naturelle , livre XXXV, est éclairante à

plus d ' un titre sur la nature du dessin . Immédiat ,spontané , il viendrait d ' abord pallier la disparitionprochaine , fixer à jamais une image que l ' on aurait

peur d ' oublier . Mais , à l '

image du potier qui ne sesatisfait du simple trait , il appelleraitégalementà être prolongé . Considéré par Léonard deVinci comme le « père de nos trois arts » soitl ' architecture , la peinture et la sculpture - , ledessin leur servirait de base, de point de départ ,mais ne pourrait dès lors pas s' auto-suffire . Ilserait voué à rester cette oeuvre intermédiaire ,

vite oubliée derrière l ' oeuvre à laquelle elle auraservi d ' ébauche.

Pourtant le dessin , dans l'

histoire de l'

artoccidental , a longtemps été considéré commel'

expression directe de l '

intelligence humaine , laforme par laquelle s' exprime le « concept globalque l ' artiste tenterait de recomposer dans sonart , celle qui viendrait contenir une couleur jugéefallacieuse et trompeuse , venue séduire les sens

plutôt que l '

esprit , et qui toujours dépasserait lamain et la volonté de l ' artiste tant les pigments quila composent peuvent être incontrôlables - depuisl'

Antiquité jusqu' à la fameuse Querelle du dessinet de la couleur à l '

époque classique.Côté Extrême-Orient , le dessin est l ' activité

favorite du lettré . Il permet une spontanéité etune souplesse à même d '

évoquer les merveilleux

paysages de la nature . C' est parce qu' il est réaliséau pinceau , ce même outil qui sert à l ' écriture età la calligraphie , qu' il est si noble et si prisé . Dansle monde de l '

imprimé , il vient accompagner untexte ou le remplacer , prolonger ce que disent lesmots , leur servir de modèle à décrire ou encore

Jean-Marc Cerino ,Marie-Louise etPasse-Partoutinvitent KosimirMalevitch (reprisede Carré noir sur

fond blanc ,Kasimir

Malevitch , 1915 surPortrait de femme ,

anonyme ,XIXe),iétail . 2015.

54,5 cm

Marc Noirce /

ourtesy Jean MarcCerino et galerie Sator

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DOSSIER LEDESSINCONTEMPORAIN

se substituer à eux . Qu' on pense à la caricature

qui peut se passer de légende ou à la vignettede bande-dessinée dans laquelle texte et dessinse complètent .. .

Mais le dessin ne serait-il pas avant tout ce

moyen universel par lequel les hommes et lesfemmes parviennent à dépasser les frontièresdu langage ? Parce qu' il est le premier biais par

lequel l ' enfant rend compte de son rapport aumonde et le dernier restant lorsque les mots

manquent ou ne suffisent plus , il est pour EmmaDexter (Vitamine D: Nouvelles perspectives endessin , Phaidon Press , 2005 : trad . 2006) , « le

propre de l ' Homme ». Ce moyen d '

expression

spontané par lequel les hommes et les femmess' emparent de leur milieu ( le graffiti) ou de leurcorps ( le tatouage ou le Body Art) . « C' est le moyenpar lequel nous pouvons comprendre et élaborernotre environnement , le déchiffrer et l '

accepter en

y laissant des marques , des traces ou des ombres

pour indiquer notre passage . Empreintes de pieddans la neige , souffle sur la fenêtre , tramée de

vapeur d ' un avion dans le ciel , lignes tracées au

doigt sur le sable , nous dessinons littéralemendans et sur le monde matériel . Le dessin fai

partie de l ' humanité plus que tout

plus spécialisé comme la einture , la scul tur

ou le collage . »

COMMENTLE DESSINA GAGNÉSESLETTRESDE NOBLESSEBIAIS UNIVERSEL D'

APPRÉHENSION DUMONDE , il aura fallu du temps au dessin pourbénéficier de la légitimité et de la faveur qu' ilconnaît aujourd

' hui . Exhibé par les artistes qui ,dès les années 1960 avec les conceptuels , sontde plus en plus nombreux à lui ménager une

place privilégiée au sein de leur oeuvre, le dessin

contemporain gagne également peu à peu lescimaises des institutions artistiques et donne lieu àde nouveaux essais et traités qui en reconnaissentla vitalité.

En 1975 , l'

exposition Drawing 1955-1975au MoMA donne le ton en présentant un ensemblede cent-soixante-quinze oeuvres graphiques ,déployées du papier jusque sur les murs parquarante-six artistes contemporains . Accompagnéedu catalogue d '

exposition publié pour l' occasionsous la direction de Bernice Rose, l '

expositionlance un engouement bientôt devenu planétairepour le médium . Suivent et répondent ainsi àl ' initiative new-yorkaise de multiples expositionsqui étendent sa reconnaissance à l ' international.Ainsi avec le MoMA (Drawing Now : Eight pro

positions en 2002 et am sfill afive : Politics and

Everyday Life in Contemporary Drawing en 2011) ,le Kunstmuseum de Bonn (Linie , Line, Linea en2010) , ou en France le Louvre et le Musée Nationald ' Art moderne (Comme le rêve le dessin en 2005) ,l ' ARC au Couvent des Cordeliers ( Still Believe inMiracles- dessins sans papier en 2005) , le Muséedes Beaux-arts de Nancy (Le Temps du dessin en

2010) , et la liste est loin d ' être exhaustive.L' élan se poursuit avec la création d

'

espacesentièrement dédiés au médium à l ' instar du

Drawing Center new-yorkais fondé dès 1977 , dela Drawing Room londonienne ou de la Berlin

Drawing Room . Restait à la France à se doter à

son tour de ses lieux du dessin . C' est chose faiteen 2007 , avec la double naissance du Prix dedessin de la Fondation d ' art contemporain Danielet Florence Guerlain et celle du Salon du dessin

contemporain , rapidement renommé Drawing Now,par Christine Phal et Philippe Piguet mais aussi

plus récemment avec le Drawing Lab , installé ausous-sol du tout aussi nouveau Drawing Hotel ,rue de Richelieu . Et de s' étendre au Grand Paris

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Vincent Sator Directeur de la Galerie Sator @ maxime dufour

avec le jeune salon du 6B à Saint-Denis , Le 6Bdessine son salon.il/ Cette ouverture de l ' art , des institutions , et dumarché au dessin contemporain , appelée de sesvoeux et perpétuée aujourd

' hui par ses acteurscontribue à le faire accepter comme un art part

Christine , Présidente de Drawing Now et Directricefondatrice du Drawing Lab

entière . Mais n' y voyons pas là un nouveau boomou l ' effet d '

une mode et privilégions plutôt , avecVincent Sator . idée selon laquelle « le médiumest enfin évalué tel qu' il le mérite . Le dessinest enfin considéré aujourd

'hui au niveau où ildevrait l

'

être ».

LE DESSINCONTEMPORAIN,PEUT-ONVRAIMENTLE DÉFINIR ?LA RECONNAISSANCE PAR LE MILIEU de

'

artdu dessin contemporain comme forme

artistiquelégitime apparaît comme la résolution decette double nature antithétique que lui imposal ' histoire de l

'

art occidental mais elle comportecomme revers une définition devenue de plusen plus difficile.

Émancipé des contraintes que lui imposaientles artistes depuis les premières académies dedessin italiennes à la Renaissance jusqu' auxtenants du classicisme , il est désormais reconnucomme oeuvre autonome , libre de se développer

sur autant de supports que les artistes lemettant effectivement à mal toute tentativedéfinition . Et Christine Phal de reconnaître quecet exercice « est un sujet éternel qui nous touchetous les ans , surtout au moment où nousconstituonsle comité de sélection de Drawing Now »,avant de poser comme seul critère fondamentalle caractère unique de rceuvre présentée , commeune manière de retrouver son hic et nunc , cetteaura dont Walter Benjamin voit la disparition dans

l '

époque de la reproductibilité technique » del ' oeuvre d ' art.

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DOSSIER LE DESSIN CONTEMPORAIN

Emilie Ovaere-

Corthay , Directricede la Galerie JeanFournier devantun dessin deMatisse Paris , avril2016 StephanieFraisse CourtesyGalerie JeanFournier Paris

Anne Barrault ,Directrice de la GalerieAnne Barrault

Quand les galeristes que nous avons

interrogéss' essayent à trouver une constante , ils enreconnaissent immédiatement lanon-exhaustivité. Se prêtant tout de même à l ' exercice , AnneBarrault estime que le dessin serait « en généralun support papier plutôt que sur toile . Le dessin

peut être fait avec les mêmes outils : la peinture ,l '

acrylique , l '

aquarelle , mais serait toujours sur

papier . Vincent Sator aime à y trouver plutôt« cette idée de la prégnance de la main . Faceà l ' installation ou à l 'art conceptuel , le dessinaurait cette force assez universelle de garder ce

rapport à la main , beaucoup plus présente etimmédiate dans le dessin que dans les autresmédiums Hélène Lacharmoise a un avis plustranché puisque : « pour elle] , c' est la ligne quifait le dessin et si on peut faire du dessin sur

PETIT PROGRAMME DE CE QU' ONPEUT VOIR AU PRINTEMPS

AU CARREAU DU TEMPLE avec Drawing Now : le Salondu dessin contemporain , du 23 au 26 mars 2017

AU 17 , RUE DE RICHELIEU avec le Drawing Lab et sapremière exposition , Strings , Keita Mon , du 24 févrierau 20 mai 2017

AU 6B À SAINT-DENIS avec le 6B Dessine son salon, du 16 au 31 mars 2017

AU CENTRE CULTUREL SUISSE avec l '

expositionExtase, Thomas Huber , jusqu' au 2 avril 2017

Helene Lacharmoise , Directrice de la Galerie dix9

n' importe quel support - jusqu' au ciel lui-même

puisque des centres d ' art peuvent considérer lefeu d 'artifice comme un dessin - et par n' importequels matériaux , c' est toujours la ligne qui fait ledessin ». Une variété des médiums dont les artisteset les galeristes partagent néanmoins le goût et

qui fait encore , pour Emilie Ovaere-Corthay , laforce du genre . Ainsi « le dessin contemporainest peut-être justement une manière d ' étendrela définition du dessin , et si on peut trouver dudessin vidéo aussi bien que du dessin obtenu parprojections , c' est que le dessin contemporain estcaractérisé d ' abord par une ouverture absoluedes médiums ».

Le dessin contemporain serait finalement affairede subjectivité la tentative de le circonscrire ,comme ce fut longtemps le cas , à quelquesmédiums , supports ou formats , ne peut qu' aboutirà une aporie . Elle est d ' avance un échec , mais quivient heureusement témoigner de la fascinantevitalité du médium . Et Vincent Sator de soulignerqu' il « suffit d '

un tour à Drawing Now pour seconvaincre de l 'extraordinaire diversité du dessincontemporain », trouvant précisément sa forcedans « sa capacité à rester indéfinissable a, avantd '

ajouter « je trouve cela magique qu' on ne sache

pas ce qui peut rentrer dans le dessincontemporain. Il y a un fait intéressant avec Drawing Now ,c' est qu' on va dans une foire spécialisée dansle dessin mais qu' il est impossible d ' en sortir endisant ce qu' est le dessin contemporain ».

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LEDESSIN,LIBREETAUTONOMELA DIVERSITÉ DES MÉDIUMS qui peuventcomposerle dessin contemporain , le foisonnement de

sujets dont il peut s' emparer et la multiplicité deformes qu' il peut revêtir invitent à conférer au genreune liberté et une autonomie complètes . Ce quiétait refusé aux ébauches , maquettes ou étudesdes artistes classiques est pleinement assumé

par les dessins contemporains . Si les premièrespeuvent être aujourd

' hui considérées comme deschefs-d ' oeuvre de virtuosité et d ' invention , leurcaractère secondaire d ' alors leur reste imprimépour toujours . Or c' est précisément cet « éternelinachèvement propre au dessin , qui , souligneEmma Dexter, en fait un art de tous les possiblesque les artistes sont toujours plus nombreux à

expérimenter et dont ils tendent inverser le statut.Il y a une intention différente dans le dessin

contemporain et l 'artiste peut désormais décider

que son dessin est une oeuvre finie remarqueChristine Phal . Des propos corroborés parHélèneLacharmoise pour qui « cette idée de finirl

'

image , qu' elle soit autonome ou aboutie , relève

uniquement de l'

intention de l ' artiste , qui est leseul juge », ou par Vincent Sator , selon lequel« le dessin représente aujourd hui une formeautonome et une vraie liberté pour les artistes » .

À cela s' ajoute un indéniable aspect pratiquequi rend le médium aussi facilement accessibleaux artistes - puisqu' il est toujours possibled 'avoir un carnet dans sa poche et un crayon . Latechnique est très simple et comme archaïque , etne demande pas nécessairement d 'avoir autantde moyens ou un atelier aussi grand que pourréaliser d ' autres oeuvres » note Anne Barrault-

qu' aux amateurs , éclairés non , fortunésou moins qui , de l ' avis de tous les galeristes ,fonctionnent face au dessin bien plus souventau « coup de coeur », rendu également possiblepar le moindre coût du médium.

Q

r

Bernard Moninot la poursuite des nuages , 2013 - 2015 lavisd acryliques sur papier 42,4 31 ,5 cm DAlberto Ricci CourtesyGalerie Jean Fournier , Paris

Dans The Pedagogical Sketchbook , Klee ,définissait le dessin comme « une ligne active enmouvement qui bouge librement , sans but . Unmouvement pour le plaisir . L '

agent de mobilité estun point qui se déplace vers l ' avant ». L

'

artiste

esquissait ainsi les possibles contours d'

un artpour l' art véhiculé par le dessin , forme la plus àmême de concrétiser ce mouvement « sans but»

puisqu' elle est aussi celle qui peut lui en donnerun , en déplaçant ledit point « vers l ' avant ». Libre

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DOSSIER LE DESSIN CONTEMPORAIN

de le poursuivre ou de l ' arrêter , de le faire aller au

gré de sa vision comme de ses émotions , l'

artistetrouverait dans le dessin une forme d ' émotionimmédiate , transmise d ' autant plus directement

son spectateur.Emilie Ovaere-Corthay confie ainsi trouver dans

le dessin cette « émotion que l ' on oubliepeutêtretrop aujourd

' hui au profit d '

une explicationet d

' une théorisation trop omniprésentes dans' art . qui ne saurait plus se passer de concept ».

Christine Phal ne dit pas autre chose lorsqu' elleestime pouvoir expliquer la faveur que connaitactuellement le dessin par les « limites auxquelles

semblent arriver les concepts" et les "

idées" quiont fait partie de notre enseignement de l

'

histoirede l ' art» .

Reconnaissant l ' intérêt parfois nécessairede l '

appareillage critique dont s' entoure l ' artcontemporain , Emilie Ovaere-Corthay privilégie

aujourd' hui cette émotion directe et spontanée

qu' elle retrouve avec plaisir dans les dessins de

nuages d ' un Bernard Moninot . Le trait doux et

poétique qui glisse sur le papier avec toute laspontanéité et l ' immédiateté rendues possibles parle trait est une porte vers l '

imaginaire et l '

émotion ,dont' plus le temps passe , plus elle] a besoin ».

CONTOURSD' UNE RÉAPPROPRIATIONDE L' IMAGESPONTANÉ , IMMÉDIAT , premier vecteur de

émotion , le dessin serait d '

autant plus priséaujourd

' hui qu' il apparaît comme un contrepointaux images trop rapides des écrans . ChristinePhal . remarque ainsi que le dessin permet auxartistes de revisiter notre monde avec des

techniquesdifférentes [ . .. C' est un mode d '

expressionqui relève du domaine du sensible . Il me toucheaussi parce que , dans notre société d '

images ,de rapidité et de zapping , il nous confronte àune image que l ' on ne peut plus zapper , rend

possible un dialogue et ne fait pas que passercomme celles de notre société actuelle

À cet essoufflement auquel semble parvenuenotre société contemporaine « ensevelie sousl '

image» note Vincent Sator , le dessin semble êtrela promesse d

'

une réa possible de cequi sans cesse défile et . du même coup , échappe.C' est la démarche suivie par Eric Manigaud , que sa

esente . Travaillant à partir dephotogratrouvéesdans les journaux les manuels

Éric ManigaudCarré noir #1 (Black square #1)

2016 , poudre graphite et médiumsatiné sur bois (graphite powder

on 59» 59 cm

Courtesy Éric Manigaud et

galerie Sator

d ' histoire , Eric Manigaud peut passer jusqu' à sixmois à les déchiffrer , décortiquer , analyser , avantde les recomposer au crayon , dans un gesteaussi délicat que minutieux par lequel l '

image ,qui autrefois ne faisait qu' apparaître dans un flux ,se révèle et se donne enfin . Par l ' étude attentive

qu' il requiert ici , le dessin force l'

oeil à mieux voiret discerner , à comprendre et à s' investir dans

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Thomas Huber extase ,Centre culturel suisse , 2017

les images qu' il a l' habitude de laisser passer.

L ' investissement de l ' artiste déclenche celui deson spectateur , et force l ' admiration autant quela prise de conscience.

Le dessin se ferait dès lors accès privilégiéau réel , qu' il permettrait d '

analyser et de voir en

profondeur . Ainsi des architectures fantasmatiquesdéployées au crayon sur papier par Thomas Huber ,dont l '

exposition Extase actuellement au Centreculturel suisse permet d '

apprécier l'

ceuvre . « Au

départ de mon travail , il y a toujours la questionde l '

image» explique l ' artiste qui , travaillant in situdans l '

espace d '

exposition , tente d'

y imprimer denouvelles images par le dessin qu' il en fait . Dansdes paysages sur papier recomposés d '

après lasalle principale d '

exposition l ' artiste suisse intègreles formes de ses fantasmes et les rend visibles

par son crayon - celui d ' un sexe qui d '

effrayantdeviendrait beau et omniprésent , celui de l

'

appropriationdu monde environnant rendu possiblepar le dessin ... Inspiré par les architectures depapier produites à la Révolution par un Etienne-Louis Boullée , il aime à explorer les infinités depossibles contenues dans le dessin , qui peut seprolonger ou s' effacer selon la main de l ' artisteautant qu' à travers l

'

esprit du spectateur.Vocabulaire de signes et d '

images aussipersonnelqu' il a vocation à devenir universel , le dessin

Guillaume Pinard ,Plage , 2015 pastels secs sur papier56 cm courtesy galerie anne barrault

traduit la tentative de plus en plus urgente de s

réapproprier un monde toujours plus fuyant ; d ' enreconstruire une image elle capable de signifiela présence humaine et l' émotion . En ce sens , ledessin est autant une porte d '

accès à l' extériorité

qu' à l ' intimité la plus secrète . Ainsi en est-il chezGuillaume Pinard , représenté par la Galerie AnneBarrault , chez qui lagaleriste aime la faculté àdessinerdes chemins toujours inédits vers de nouvelles

portes de l ' âme . Par son dessin volontairementenfantin , l' artiste reproduit un rapport presque naïfau monde , invitant à retrouver le regard émerveilléde l ' enfant devant sa beauté immédiate . C' est parce regard , personnel et intime , que l ' artiste inviteà redécouvrir l'

espace environnant autant qu' à lereconstruire par l '

imaginaire qu' il peut convoquer.

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DOSSIER LE DESSIN CONTEMPORAIN

VERSUNARTTOTAL?ECLATEMENT DES CODES et des médiums ,autonomie presque absolue de création , extensioneffrénée des supports , le dessin contemporainsemble jouir d une liberté quasi totale qui repoussetoujours plus loin les limites qu' on a voulu lui

imposer . Aux codes et aux sujets ordonnés parl '

Académie , aux normes de lecture imposés parles critiques classiques , qui privilégiaient laressemblanceà l '

antique ou à la réalité , les artistes

1

contemporains substituent aujourd' hui dans leu

pratique du dessin une pleine indépendance etun total affranchissement , le délivrantprogressivementde tous ses carcans./ / « Finalement , toutes ces catégories ne sont pasimportantes . Aujourd

' hui tout est imbriqué , lesartistes touchent à tout et passent souvent d ' unmédium à un autre . Il ny a plus de frontières , etheureusement car c' est ce qui distingue l ' art del '

artisanat , on n' est pas ici dans l '

application d ' une

technique précise explique Anne Barrault . Ainsiles échanges entre le dessin et les autres formes

artistiques n' indiquent plus tant une insuffisancedu médium à exister pour lui-même qu' unetendance générale de l ' art contemporain danslequel les galeristes remarquent des allers-retoursconstants entre les différentes formes d '

expression.Pour Hélène Lacharmoise l ' artiste est plus

libre aujourd' hui de s' exprimer par différents

supports , d ' utiliser différents matériaux pour faireune ligne ». Chez Nina lvanovic , l ' artiste qu' elle

propose en focus à Drawing Now , elle aime que lesoeuvres soient du dessin en deux dimensions , quifrôle néanmoins toujours la troisième . Accrochésau mur , ses dessins faits de fils de fer peints y

projettent des ombres venues prolonger la ligneet instaurer un tout nouveau rapport à l '

espaceautant qu' l '

objet , placé alors dans l ' intersticeentre la sculpture , l ' installation , l ' ombre chinoiseet le dessin.

Nina Ivanovic ,Flawers Cablewire 200 x 140 x 0.5 cm 2015

Courtesy Galerie Dix9 HeleneLacharmoise

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